CHU de Nice : Pasteur 2 l’hôpital nouvelle génération Le Centre Hospitalier Universitaire de Nice offre une capacité d’accueil de 1717 lits et 192 places et mobilise plus de 8000 personnes aux compétences professionnelles multiples. Près de 150 métiers sont représentés. Son bassin d’attraction des patients s’étend au-delà des Alpes-Maritimes. Le CHU de Nice est regroupé sur 8 sites répartis à Nice et Tende, spécialisés et complémentaires : le Groupe hospitalier Archet (Hôpital Archet 1 & 2), l’Hôpital de Cimiez, l’Hôpital Saint-Roch, les Hôpitaux Pasteur 1 & 2, les Hôpitaux pédiatriques de Nice CHULenval, l’Institut Universitaire de la Face et du Cou (IUFC), le Pôle d’activités d’aval de Tende ou encore l’Institut Claude Pompidou. Après sept ans de travaux, le nouvel hôpital ultramoderne du CHU, Pasteur 2, est désormais opérationnel. Intégré au quartier Pasteur, situé au nord-est de Nice, cet établissement de nouvelle génération d'une capacité actuelle de 452 lits et 730 à terme se présente comme un grand centre de chirurgie et de médecine équipé de 3 IRM. Sur ses 81 000 m² et 10 niveaux, Pasteur 2, conçu par le Cabinet d’architecture Reichen et Robert, rassemble des spécialités issues des sites Pasteur 1, l’Archet et St Roch. Sur le nouvel hôpital, ces services de proximité et de pointe en recours régional se complètent et s’organisent autour de six pôles : Institut Universitaire Locomoteur et du Sport, le pôle Neurosciences, Spécialités Médicales, le pôle Urgences SAMU SMUR, le pôle Urologie-Néphrologie, Anesthésie-Réanimation ; sans compter les pôles médico-techniques : Blocs-stérilisation, Laboratoire, Imagerie, Pharmacie. Ce nouvel établissement sur le site de Pasteur, offre à la population niçoise, un niveau d’accueil digne du CHU d’une grande métropole. Pour les personnels, c’est un cadre de travail moderne et adapté à la médecine d’aujourd’hui. Pasteur 2 donne un nouvel élan aux activités médicales de proximité et de pointe du CHU. La création de Pasteur 2 permettra de relever le défi de la performance et de gagner en efficience. C'est donc l'étape fondamentale de la modernisation structurelle du CHU de Nice décidée il y a 10 ans. Dans l’optique d’apporter aux Niçois et plus largement aux habitants de la région PACA Est, l’offre de soins publique correspondant à leurs besoins, d’améliorer les conditions d’accueil, de garantir la qualité des soins dans un environnement technologique à la pointe, indispensable à un Centre Hospitalier Universitaire. ni le degré de richesse, ni la pensée politique ou philosophique, ni l’ethnie ou les habitudes de vie du patient. Nous prenons en charge toute personne affaiblie et faisons en sorte de la rétablir dans les meilleures conditions. Propos recueillis auprès d’Emmanuel Bouvier Muller, directeur général du CHU de Nice 130 Comment définiriez-vous le CHU de Nice ? Emmanuel Bouvier Muller : Le CHU est l’une des plus belles expressions de notre pacte républicain. Dans cet hôpital, ne comptent Comment l’établissement est-il positionné sur son territoire de santé ? E.B.M. : Le CHU de Nice est clairement l’hôpital de référence sur un territoire s’étendant de Fréjus à Menton. Il joue pleinement son rôle dans son environnement et entretient des relations saines avec ses partenaires et ses concurrents. Architecture hospitalière - numéro 17 - 2016 - CHU de Nice Quelles sont ses forces et ses faiblesses en matière d’attractivité ? E.B.M. : Les compétences des équipes médicales et paramédicales sont les premiers atouts de l’hôpital. Nos collaborateurs sont spécialisés et particulièrement qualifiés dans leurs domaines respectifs. La sécurisation de la prise en charge par la cohérence de nos installations et la proximité d’installations régulièrement en interaction sont également des éléments majeurs de l’attractivité du CHU. Par ailleurs, l’hôpital intègre un bloc opératoire de très haute qualité et des équipes chirurgicales complètes. Ces atouts sont contrebalancés par quelques faiblesses. L’éclatement géographique de l’établissement, composé de nombreux sites, est, sans doute, son défaut le plus important. La concentration d’un hôpital est souvent synonyme de force, du moins sur le plan logistique. La taille est aussi une de ces faiblesses majeures, un volume trop important entraînant souvent une perte d’efficience. La situation géographique : extrême Est du territoire national délimité par la mer, la montagne et la concurrence étrangère est une difficulté. La gestion de votre activité d’urgences est-elle problématique ? E.B.M. : Bien que nos axes d’amélioration soient nombreux, l’activité d’urgences est effectivement problématique. Avec le site hospitalier Pasteur 2, nous constatons un bond d’environ 10% de notre activité. Cette hausse peut être due au fait que la population s’oriente moins vers l’offre privée de proximité au profit des murs neufs de l’hôpital Pasteur 2 ou à une meilleure accessibilité (parking, tram). Il nous faudra analyser les profils de fréquentation pour en tirer des conclusions. Le triplement de surface des Urgences doit s'accompagner d'une réflexion pour les organisations. Assumez-vous pleinement votre rôle de proximité ? E.B.M. : La fréquentation de notre service d’Urgences témoigne de l’importance de notre rôle de proximité. De même, le nombre important de cas de sévérité 1 et 2 reçus à l’hôpital démontre clairement notre présence sur le plan local. Existe-il un taux de fuite identifié impactant l’hôpital ? E.B.M. : Nous ne constatons qu’un taux de fuite assez léger auprès des patients. Sur le plan géographique, l’ouest est la seule direction vers laquelle ce phénomène de fuite reste possible, la ville se situant à proximité des montagnes, de la mer et de la frontière italienne pour les autres directions. Ainsi, nous constatons un taux de fuite relativement faible vers l’ouest - notamment vers Marseille - pour des activités extrêmement précises comme les greffes de cellule souche sur les enfants. Les acteurs de santé marseillais, voire parisiens, attirent également les cas de chirurgie cardiaque infantile du territoire. Un certain nombre de maladies très pointues présentes sur le territoire peuvent être traitées dans des centres de référence extérieurs à la ville de Nice. En matière de recours de proximité, le patient préserve son libre choix parmi les structures de prise en charge de la ville. Quelles sont les relations de l’hôpital avec le secteur privé ? E.B.M. : Nos relations n’évoluent que très peu depuis plusieurs années. Les acteurs du secteur privé à but lucratif sont assez peu nombreux. Nous nous connaissons, nous nous rencontrons mais n’entretenons aucune collaboration. 131 Quel est l’état de santé financière du CHU ? E.B.M. : Après une situation largement déficitaire en 2008 - avec une dette équivalente à 10% du budget de l’établissement, soit environ 55M€ - l’établissement a retrouvé son équilibre budgétaire en 2013. Il affichait alors même des résultats financiers excédentaires de 600.000 € ! En 2014, l’établissement s’est retrouvé dans une situation financière difficile, affichant un déficit de 4,6M€. L’application du plan triennal a entrainé la suppression de 10M€ dans le budget. Phénomène aggravant, le chantier du projet Pasteur 2 a pris du retard et a obligé l’hôpital à soutenir des charges importantes, sans recevoir les recettes attendues. L’accumulation de tous ces facteurs s’est soldée par un État Prévisionnel des Recettes et des Dépenses (EPRD) très négatif de 25M€ de déficit. Nous allons donc nous engager dans un CREF (Contrat de Retour à l’Equilibre Financier). Aujourd’hui, notre visibilité sur le plan financier est nulle car nos équipes viennent d’investir le bâtiment Pasteur 2. Bien que l’activité des urgences soit déjà impactée par l’arrivée de l’hôpital, notre activité programmée pourrait réagir différemment. Pour quelles raisons le projet Pasteur 2 a-t-il largement dépassé l’enveloppe budgétaire initiale ? E.B.M. : Le plan financier d’origine était de 312M€. La première raison au dépassement important de cette enveloppe est la présence de divers aléas géotechniques. Nous avons fait face à trois problématiques apparues presque simultanément. Le changement des normes sismiques a obligé les acteurs du projet à recalculer l’épaisseur et le ferraillage des voiles de béton constituant la structure. D’autre part, nous avons constaté un léger glissement de terrain de la colline lors de nos opérations de décaissement, nécessaires pour obtenir un terrain plat propice à la construction de l’hôpital. Pour gérer cette situation, nous avons dû employer une méthode particulièrement coûteuse de confortement par l’utilisation de tirants. Notre troisième obstacle majeur est intervenu lors du creusement de terrain pour la 132 réalisation des fondations. Malgré les sondages de terrain préalablement effectués, nous n’avons pu anticiper la présence d’un cours d’eau souterrain qui a entrainé d’importantes inondations. Or, nous ne pouvions interrompre ce cours d’eau alimentant le terrain sans modifier la nature du sol et, se faisant, détériorer les fondations des bâtiments alentours. Aussi, nous avons conçu nos fondations de telle sorte que l’eau puisse continuer de circuler par dessous. La structure est donc parfaitement étanche et n’obstrue pas le passage du cours d’eau. Ces trois opérations ont nécessité une hausse très importante du budget, hausse que nous avons pu combler grâce à un emprunt. Outre ces obstacles d’ordre géotechnique, le projet a, par la suite, été confronté aux décisions de l’Etat qui nous a recommandé de densifier le bâtiment. Suite à cette intervention, nous avons ajouté au projet les installations du pôle Urologie Néphrologie, de la pharmacie et de la stérilisation. Ces ajouts ont également lourdement impacté l’enveloppe financière définitive du projet, malgré le soutien considérable de l’Etat sur le plan financier. Ces retards accumulés ont entraîné la révision à la hausse du prix d’interventions de nos partenaires présents sur le chantier. Enfin, les recommandations de la commission de sécurité ont impliqué des investissements supplémentaires pour permettre au bâtiment de respecter pleinement les normes. Quelle a été l’implication du corps médical dans le projet Pasteur 2 ? E.B.M. : Les médecins ont participé au projet dès ses prémices. En 2005, les chirurgiens ont été très largement impliqués dans la conception des blocs opératoires. Cependant, les professionnels présents alors sont partis en retraite et, en 2014, les nouvelles équipes, constituées de jeunes praticiens ont contesté le projet et ont souhaité repenser entièrement les blocs, notamment pour y inclure plus efficacement le développement de l’activité ambulatoire. Il nous a donc fallu déconstruire le bloc opératoire. Ces opérations ont d’ailleurs impacté le plan financier global du projet. Architecture hospitalière - numéro 17 - 2016 - CHU de Nice Comment appréhenderiez-vous un tel projet si vous deviez le débuter aujourd’hui ? E.B.M. : Avec ce projet, j’ai appris que les hospitaliers ne sont pas des professionnels de la construction. Le métier d’un gestionnaire hospitalier n’est pas de commander efficacement à des entreprises les actions à entreprendre sur un chantier. Il lui faut donc confier les opérations de construction à des personnes spécialisées capables de gérer efficacement des entreprises majeures sur le marché du BTP. La gestion d’opérations de construction d’une telle envergure et impliquant des acteurs si importants, ne doit donc pas être laissée à la gestion hospitalière qui, dans ce contexte et sans réelle compétence dans le domaine, peut facilement se faire abuser. D'autre part aujourd'hui, le plateau technique est beaucoup plus important que l'hôtellerie. C'est donc sur la première partie qu'il convient d'investir le plus et moins sur la seconde. Mon projet impliquerait donc la construction d’un plateau technique sans chambre d’hospitalisation. L’hébergement serait alors assuré par un prestataire en hôtellerie. L’hôpital doit aussi renoncer aux chambres d’hospitalisation qui représentent un investissement colossal et nuisent à son équilibre financier, notamment dans un contexte économique où les fonds sont difficiles à trouver, voire inexistants. De plus, l’évolution de la médecine est telle que les plateaux techniques conçus devront sans doute être à usage unique. Nous devrions être en mesure de déconstruire régulièrement ces plateaux techniques sans que ces opérations impliquent des coûts pharamineux. Ainsi, nous pourrions fréquemment reconstruire, à moindre frais, des installations respectant pleinement les normes. Les conditions de travail des soignants et des médecins sont les éléments essentiels d’une construction hospitalière de qualité. Elles sont bien plus importantes que l’esthétisme du bâtiment car, malgré tous nos efforts, les réalisations actuelles seront inadaptées dans 15 ans. En matière de pilotage stratégique, quelles performances espérez-vous pour votre établissement ? E.B.M. : Notre priorité absolue est de franchir le cap financier difficile que nous connaissons actuellement. Le coût du projet Pasteur 2 se fait pleinement ressentir et la montée en charge de l’activité devrait se faire sentir. Dans 2 ans, nous pourrons à nouveau atteindre l’équilibre financier. Pour notre second objectif, nous devrons faire en sorte que toutes les organisations de l’hôpital Pasteur 2 soient pleinement efficientes pour assurer sa rentabilité optimale sur le plan médico soit médico-économique. Enfin, il est souhaitable que le CHU de Nice redéfinisse son rôle au sein de son territoire, notamment auprès des autres établissements de soins. Quels éléments vous permettent d’avoir une vision du fonctionnement du CHU de Nice pour les 10 prochaines années ? E.B.M. : L’établissement a franchi une étape considérable car les médecins savent, aujourd’hui, qu’ils jouent un rôle important sur le plan économique et ne peuvent plus se désintéresser des enjeux financiers de l’établissement. Le projet CHU-Lenval nous a permis de démontrer que l’établissement pouvait parfaitement mener une activité sans en être l’opérateur. Ainsi, le CHU de Nice n’est pas opérateur du service de pédiatrie car il est géré, en très grande majorité, par la Fondation Lenval. Cependant, grâce à son remaniement et à la présence du CHU à la vice-présidence la Fondation, son nouveau conseil d’administration représente à 40% la voix hospitalo-universitaire et à 60% la voix de tous les acteurs publics de santé. Aussi, le CHU occupe une place importante dans la définition des orientations stratégiques de l’établissement. Cette situation est une nouvelle façon de concevoir l’hospitalisation publique. Ces stratégies d’alliance entre les acteurs majeurs intervenant dans des spécialités communes sont particulièrement cohérentes pour assurer une prise en charge optimale de la population. Or, ces démarches prennent le contrepied de la culture hospitalière actuelle favorisant le développement d’une institution comme une fin en soi. L’hôpital d’aujourd’hui correspond-il à votre idéal de début de carrière ? E.B.M. : Il ne correspond absolument pas, mais l’hôpital a été profondément transformé durant ces 20 dernières années. Avec la fin de la dotation globale, il est devenu une entreprise. Dès lors, sa gestion doit inclure le dégagement de marges nécessaires pour réinvestir dans l’optimisation de ses installations. Quelle importance accordez-vous au management des relations humaines ? E.B.M. : L’humain est un élément primordial pour garantir l’efficacité de l’hôpital. Pour diriger convenablement une telle institution, il faut savoir échanger et s’entendre avec ses collaborateurs. Il est également impératif d’entretenir des relations de confiance avec les personnes occupant les postes les plus importants dans l’hôpital et avec ses partenaires majeurs, comme le président de CME, le doyen, le président d’université, les interlocuteurs de la ville et les référents des tutelles. Sans ces relations de confiance et le respect de certaines valeurs humaines communes, l’établissement ne peut être efficace. Dans ces relations humaines, la pédagogie et la conviction doivent toujours être présents. En tant que gestionnaire d’un hôpital, il est important de systématiquement produire du sens afin que chaque collaborateur comprenne les raisons des décisions prises et des actions menées. Enfin, le management des relations humaines implique un devoir de rappeler régulièrement aux équipes les missions de l’établissement. Son rôle implique des devoirs, des libertés et des obligations. Quelle est votre vision de l’hôpital du XXIe siècle ? E.B.M. : Cet hôpital devra être en adéquation avec les finances de la nation, à défaut de quoi il disparaitra et sera remplacé par les cliniques privées. Or, l’hôpital est le plus beau symbole du pacte républicain et il doit perdurer. La solidité d’une nation gravite autour de concepts très importants parmi lesquels le vivre ensemble. Cette harmonie passe par un système de santé et un hôpital public efficaces. Pour que cet hôpital perdure, il doit respecter les impératifs d'équilibre des comptes de la Sécurité Sociale et disposer des moyens pour réaliser les missions qui lui sont assignées. 133