Séquence 3 KOLTES Œuvre intégrale

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Séquence3–Œuvreintégrale:LeRetouraudésertdeBernard-MarieKOLTÈS
Objetd’étude:letextethéâtraletsareprésentation.
Problématique:CommentBernard-MarieKoltèspuislemetteurenscèneArnaudMeunierontilsarticulédanscettepiècelesconflitsd’unefamilleetledélicatcontextepolitique?
Lecturesanalytiques:
(LanumérotationrenvoieautextedesEditionsdeMinuit)
1. acteI,tableau2,p.13-14,de«(Adrien)Tuasvoulufuirlaguerre…»à«…situveux
lasaccager.»
2. acte II, tableau 6, p. 36-38, de « (Mathilde) L’idiote. » à « (Aziz) …et quand ils
serontcalmés,Azizramasseralesmorceaux.»
3. acte III, tableau 11, p. 56-57 de «(Adrien) N’aimes-tu pas ce pays?» à «Il
disparaît»
4. acteIV,tableau14,p.67-69:de«Lavraietaredenosvies…»à«Mathilde,lesoir
tetrahit.»
Les élèves ont assisté au spectacle théâtral au Théâtre de la Ville, dans une mise en scène
d’AranudMeunieretunescénographiedeDamienCalle-Perret.
Lecturescursivesetdocuments:
•extraitsdediversentretiensavecl’auteur
•notesd’intentiondumetteurenscèneetduscénographe
•textesthéoriquesdeMarmontel,Rousseau,Hugo,Brecht,Ionesco,Ubersfeld.
•photographiesdeGregoryCrewdson
•discours de De Gaulle, sur le site de l’INA (http://fresques.ina.fr/de-gaulle/accueil ):
Brazzaville,30janvier1944etaoût1958;14juin1960;13juin1961,entreautres.
1. l’expositionduconflit:acteI,tableau2,p.13-14
ADRIEN.-Tuasvoulufuirlaguerreet,toutnaturellement,tuesvenueverslamaisonoùsont
tes racines ; tu as bien fait. La guerre sera bientôt finie et bientôt tu pourras retourner en
Algérie,aubonsoleildel'Algérie.Etcetempsd'incertitudedanslaquellenoussommestous,tu
l'aurastraverséici,danslasécuritédecettemaison.
MATHILDE. - Mes racines? Quelles racines? Je ne suis pas une salade ; j'ai des pieds et ils ne
sont pas faits pour s'enfoncer dans le sol. Quant à cette guerre-là, mon cher Adrien, je m'en
fiche.Jenefuisaucuneguerre;jeviensaucontrairelaporterici,danscettebonneville,oùj'ai
quelques vieux comptes à régler. Et, si j'ai mis si longtemps à venir régler ici ces quelques
comptes,c'estquetropdemalheursm'avaientrenduedouce;tandisqu'aprèsquinzeannées
sansmalheurlessouvenirsmesontrevenus,etlarancune,etlevisagedemesennemis.
ADRIEN.-Desennemis,masœur?Toi?Danscettebonneville?L'éloignementadûfortifier
encore ton imagination, qui pourtant n'était pas faible; et la solitude et le soleil brûlant de
l'Algérietebrouillerlacervelle.Maissi,commejelecrois,tuesvenueicicontemplertapart
d'héritagepourrepartirensuite,ehbien,contemple,voiscommejem'enoccupebien,admire
commejel'aiembellie,cettemaison,et,lorsquetul'aurasbienregardée,touchée,évaluée,nous
prépareronstondépart.
MATHILDE. - Mais je ne suis pas venue pour repartir, Adrien, mon petit frère. J'ai là mes
bagagesetmesenfants.Jesuisrevenuedanscettemaison,toutnaturellement,parcequejela
possède;et,embellieouenlaidie,jelapossèdetoujours.Jeveux,avanttoutechose,m'installer
danscequejepossède.
ADRIEN.-Tupossèdes,machèreMathilde,tupossèdes:c'esttrèsbien.Jet'aipayéunloyer,et
j'aiconsidérablementdonnéduprixàcettemasure.Maistupossèdes,d'accord.Necommence
pas à me mettre en colère, ne commence pas à chicaner. Mets, je te prie, un peu de bonne
volonté.Recommençonsnotrebonjour,cartoutcelaestmalparti.
MATHILDE.-Recommençons,monvieilAdrien,recommençons.
ADRIEN.-Necroispas,Mathilde,masœur,quejetelaisseraiprendredesairsdepropriétaire
et vagabonder dans les couloirs en touchant à tout comme une maîtresse de maison. On ne
peutpasabandonnerunchampenfriche,attendreàl'abriqu'unimbécilelecultive,etrevenir
aumomentdelarécoltepourrevendiquersonbien.Silamaisonestàtoi,saprospéritéestà
moi,et,crois-moi,jen'abandonneraipascettepart-là.Toi-même,tuaschoisitapart.Tum'as
laissé l'usine par impuissance, et tu as pris la maison par paresse. Mais cette maison, tu l'as
abandonnéepourfuirjenesaisoùjenesaisquoi;etmaintenant,elleaprisseshabitudessans
toi;elleasonodeur,elleasesrites,elleasestraditions,ellereconnaîtsesmaîtres.Ilnefaut
paslabrusquer,etjelaprotégeraisituveuxlasaccager.
2. lestémoinsdelascèneconflictuelle:acteII,tableau6,p.36-38.
MATHILDE.-L’idiote.
ADRIEN.(àMathilde)–Qu’est-cequetuasdit?(Ils’approchedeMathilde)
MAAMEQUEULEU.-Ehbien,oui,frappez-vous,défigurez-vous,crevez-vouslesyeux,qu'onen
finisse.Jevaisallervouschercheruncouteau,pourallerplusvite.Aziz,apporte-moilegrand
couteaudelacuisine,etprends-endeuxpourfairebonnemesure;jelesaiaiguiséscematin,
celairaplusvite.Ecorchez-vous,griffez-vous,tuez-vousunebonnefois,maistaisez-vous,sinon
jevouscouperaimoi-mêmelalangueenlaprenantàlaracineaufonddevosgorgespourne
plusentendrevosvoix.Etvousvousbattrezensilence,dumoins,personnen'ensaurarien,et
on pourra continuer à vivre. Car vous ne vous battez que par des mots, des mots, des mots
inutilesquifontdumalàtoutlemonde,saufàvous.Ah,sijepouvaisêtresourde,toutcelane
medérangeraitpas.Carcelanemedérangepasquevousvousbattiez;maisfaites-leensilence,
qu'onn'ensentepaslesblessures,nous,autourdevous,dansnotrecorpsetdansnotretête.
Carvosvoixdeviennentchaquejourplusfortesetpluscriardes,ellestraversentlesmurs,elles
font tourner le lait à la cuisine. Vivement le soir, quand vous boudez; au moins, on peut
travailler.Faitesquelesoleilsecouchedeplusenplustôt,etqu'ilssedétestentdanslesilence.
Moi,j'abandonne.
MATHILDE(àAdrien).-J'aidit:l'idiote.Elleestivremorte.Ellevavomirsurmontapis.
Adrienlafrappe.
MAAME QUEULEU. - Aziz, Aziz ! (MathildefrappeAdrien.) Edouard, Aziz, au secours ! (Entre
Aziz.)Aziz,sépare-les.Allons,bouge-toi.Qu'est-cequetuattends,Aziz?Remue-toi.
AZIZ.-Non,jeneveuxpasremuer,jenesuispaspayépourremuer.Sijelefaisais,onmele
reprocherait ; et, si je ne le fais pas, on me le reprochera aussi, alors je préfère ne rien faire,
j'aurailesreprochesmaispaslafatigue.
MAAMEQUEULEU.-Aziz,regarde-les.
AZIZ. - Je les vois, Maame Queuleu, je les vois. Mais qu'importe que les vieux se disputent, et
qu'ai-jeàfairelà-dedans?Ilsnemevoientmêmepas;lacolèrelesemplittellementqu'iln'ya
plusdeplacepourmevoir.Et,quandleurcolèresecalmera,c'estmoiqu'ilsverrontendernier,
après les vases qu'ils auront cassés. Qu'ils se tapent donc, et, quand ils seront calmés, Aziz
ramasseralesmorceaux.
3. leparachutiste:acteIII,tableau11.
ADRIEN.-N'aimes-tupascepays?N'aimes-tupascetteterre?Es-tuunsauvagevenupourla
piller,ouunmilitairepourlagarder?
PARACHUTISTE.-J'aimecetteterre,bourgeois,maisjen'aimepaslesgensquilapeuplent.Qui
est l'ennemi ? Es-tu un ami ou un ennemi ? Qui dois-je défendre et qui dois-je attaquer ? Ne
sachantplusoùestl'ennemi,jetireraisurtoutcequibouge.
J'aime cette terre, oui, mais je regrette les temps anciens. Moi, j'ai la nostalgie de la
douceurdeslampesàl'huile,delasplendeurdelamarineàvoiles.J'ailanostalgiedel'époque
coloniale,desvérandasetducridescrapauds-buffles,l'époquedeslonguessoiréesoù,dansles
domaines, chacun à sa place s'allongeait dans le hamac, se balançait sur le rocking-chair ou
s'accroupissaitsouslemanguier,chacunàsaplaceettranquilledanssaplace,etsaplaceétaità
lui.J'ailanostalgiedespetitsnégrillonscourantsouslespattesdesvaches,etquel'onchassait
commedesmoustiques.Oui,j'aimecetteterre,etpersonnenedoitendouter,j'aimelaFrance
de Dunkerque à Brazzaville, parce que cette terre, j'ai monté la garde sur ses frontières, j'ai
marchédesnuitsentières,l'armeàlamain,l'oreilleauxaguetsetleregardversl'étranger.Et
maintenantonmeditqu'ilfautmecouchersurmanostalgieetquecetempsestrévolu.Onme
ditquelesfrontièresbougentcommelacrêtedesvagues,maismeurt-onpourlemouvement
desvagues?Onmeditqu'unenationexisteetpuisn'existeplus,qu'unhommetrouvesaplace
etpuislaperd,quelesnomsdesvilles,etdesdomaines,etdesmaisons,etdesgensdansles
maisons changent dans le cours d'une vie, et alors tout est remis en un autre ordre et plus
personnenesaitsonnom,nioùestsamaison,nisonpaysnisesfrontières.Ilnesaitplusce
qu'ildoitgarder.Ilnesaitplusquiestl'étranger.Ilnesaitplusquidonnelesordres.Onmedit
quec'estl'histoirequicommandel'homme,maisletempsdelavied'unhommeestinfiniment
trop court; et l'histoire, grosse vache assoupie, quand elle finit de ruminer, elle tape du pied
avecimpatience.Mafonctionàmoi,c'estd'alleràlaguerre,etmonseulreposseralamort.
Ildisparaît.
4. lemonologuedeMathilde:acteIV,tableau14.
La vraie tare de nos vies, ce sont les enfants; ils se conçoivent sans demander l'avis de
personne,et,après,ilssontlà,ilsvousemmerdenttoutelavie,ilsattendenttranquillementde
jouirdubonheurauquelonatravaillétoutenotrevieetdontilsvoudraientbienquel'onn'ait
pasletempsdejouir.Ilfaudraitsupprimerl'héritage:c'estcelaquipourritlespetitesvillesde
province. Il faudrait changer le système de reproduction tout entier : les femmes devraient
accoucher de cailloux : un caillou ne gêne personne, on le recueille délicatement, on le pose
dans un coin du jardin, on l'oublie. Les cailloux devraient accoucher des arbres, l'arbre
accoucherait d'un oiseau, l'oiseau d'un étang; des étangs sortiraient les loups, et les louves
accoucheraient et allaiteraient des bébés humains. Je n'étais pas faite pour être une femme.
J'auraisétélefrèredesangd'Adrien,onsetaperaitsurl'épaule,onferaitdesviréesdansles
barsetdespartiesdebrasdefer,onseraconteraitdeshistoiressalaceslanuit,etdetempsen
tempsons'éclateraitlescouillesàcoupsdepoingdanslagueule.Maisjen'étaispasfaitepour
être un homme non plus ; encore moins, peut-être. Ils sont trop cons. Fatima a raison. Sauf
qu'elle n'a pas vraiment raison. Les hommes entre eux savent être des copains, quand ils
s'aimentbienilss'aimentbien,ilsnesetirentpasdanslespattes;d'ailleurs,c'estparcequ'ils
sontconsqu'ilsnesetirentpasdanslespattes,ilsn'ypensentpas,illeurmanqueunoudeux
étages par rapport à nous. Parce que les femmes, lorsqu'elles sont amies, elles se tirent
gaiementdanslespattes;elless'aimentet,parcequ'elless'aiment,toutlemalqu'ellespeuvent
vousfaire,ellesvouslefont.C'estàcausedesétagessupplémentairesdansleurstêtes.
Neditesjamaisàquelqu'unquevousavezbesoindelui,ouquevousvousennuyezdelui,
ouquevousl'aimez,parcequ'alorsilpensetoutdesuitequec'estuneraisonsuffisantepourse
croirearrivé,pourprétendreporterlepantalon,pours'imaginertenirlesrênes,pourprendre
desairsdepetitmalin;ilnefautjamaisriendire,riendutout,saufdanslacolère,caralorson
dit n'importe quoi. Mais, lorsqu'on n'est pas en colère, comme maintenant, et à moins d'être
unefichuebavarde,ilvautmieuxsetaire.
Quoi qu'il en soit, Adrien repartira avec moi, cela est clair dans ma tête, je le voulais, je
l'aurai,jesuisvenuesans,jerepartiraiavec.Maissilence,plusdemensonge.Mathilde,lesoirte
trahit.
1969 voit Médée de Sénèque avec Maria Casarès
1970-1973 écrit ses premières pièces, devient étudiant au Théâtre national de Strasbourg puis
entre au PCF (fin en 1979)
1977 Sallinger ; La Nuit juste avant les forêts
1979 rencontre Patrice Chéreau qui créera au Théâtre des Amandiers de Nanterre la plupart de ses
textes à partir de 1983 : Com bat de nègre et de chiens
1985 Quai O uest
1987 Dans la solitude des cham ps de coton
1988 Traduit Shakespeare, Le Conte d’hiver. Patrice Chéreau monte Le Retour au désert avec
Jacqueline Maillan et Michel Piccoli
Roberto Zucco
1989 De retour d’un voyage en Amérique Latine, rentre à Paris, et meurt du Sida le 15 avril
2007 Le Retour au désert entre au répertoire de la Comédie-Française.
Q uelques
propositions
de
Bernard-M arie
KO LTÈS
(1948-1989),
pour
accom pagner la lecture du Retour au désert (1988) :
(prélèvement dans les entretiens collectés dans Une part de ma vie, Editions de Minuit, 2010)
« À Metz, ma ville natale, je suis toujours impitoyablement décalé. Mes racines, elles sont au
point de jonction entre la langue française et le blues. »
« Ce qui m’intéresse avant tout, ce sont les personnages, leurs rapports. »
« Je n’écris pas des spectacles, j’écris des pièces. »
« Non, jamais il ne me serait venu à l’idée d’imaginer des messages. Je ne suis pas
philosophe. Je ne suis pas un penseur. Et je n’anime mes pièce d’aucune intention politique.
Pour moi, le théâtre n’est pas une tribune pour des idées politiques. Il faut prendre cela dans
un sens ironique. »
« Cela se passe dans une maison, dans un milieu bourgeois et dans une ville de province. »
« Puis l’histoire [du Retour au désert] est venue, celle d’une « maudite » à l’intérieur d’une
famille, qui fait des bébés on ne sait comment, qui fait fugue sur fugue. Elle revient d’une
fugue en Algérie, avec ses enfants, pour revendiquer son héritage auprès de son frère qui gère
les biens familiaux. »
« Le Retour au désert est une pièce qui a trait à une famille bourgeoise dont les membres sont
tous tordus. Tout le monde est tordu dès qu’on s’y intéresse un peu. »
« Le Retour au désert est une pièce de bagarre entre un frère et une sœur [qui] traite, entre
autres choses, d’une bagarre de texte, d’une bagarre verbale que l’on pourrait comparer à une
bagarre de rue. »
« Le Retour au désert est la première pièce dans laquelle j’ai voulu que le comique
prédomine. Une comédie sur un sujet qui n’est peut-être pas tout à fait – ou seulement – un
sujet de comédie : mais on n’est pas obligé de se soumettre aux règles du genre. La province
française, les histoires de famille, d’héritage, d’enfants illégitimes, d’argent, sont des sujets en
or pour faire rire ; la présence lointaine, diffuse, déformée, de la guerre d’Algérie l’est
beaucoup moins. J’ai voulu mélanger les deux, faire rire et, en même temps, inquiéter un
peu. »
Le Retour au
scénographie.
désert :
mise
en
scène
d’Arnaud
Meunier.
Quelques
éléments
de
I/ Cloches au début. Une maison éclairée.
Découverte de la scénographie et des personnages --> arrivée Mathilde à jardin ; Adrien du talus d’herbe à
cour. Pluie, vent ?
La scénographie s’est construite autour de cette idée d’un jardin fantastique et mystérieux : un sol
constitué d’une végétation non réaliste, poétique, très sombre, voire noire, mais qui peut révéler
des parties lumineuses. L’escalier du début est remplacé par une butte.
Sur cette herbe est posée une construction architecturale vitrée, moderne et simple, un bloc
modulable pouvant changer d’aspect, de profondeur, occulté parfois par un rideau et qui, grâce à
la lumière, le son, les projections vidéos ou par exemple du vent pourra lui aussi revêtir un aspect
fantastique.
L’utilisation de ces deux espaces se fera de manière non restrictive et parfois sur le mode de la
contamination, du débordement. Par exemple : du mobilier du salon pourra être posé sur l’herbe
avec lampe, fauteuil, table basse. Autre exemple, la chambre : le lit, là encore posé sur l’herbe, la
lampe de chevet arrivant des cintres, le rideau dans la maison, agité par le vent. Nous effectuerons
ainsi des transversalités d’espaces, des migrations d’objets, comme un collage surréaliste.
[…] Le travail de la scénographie aura pour intention de créer immédiatement au regard du
spectateur ce décalage vers le poétique à partir d’éléments au bord du réalisme. (note d’intention
du scénographe Damien Calle-Perret)
lecture 1 (premier agôn Adrien/Mathilde) : « bonne ville » --> regard vers les spectateurs.
« Recommençons » --> effet ?
Mathieu en pyjama.
Transition : installation.
II/ maison dans l’ombre pour les premières scènes.
6 ZOHR
lecture 2 : en bordure de maison, accroupi, Adrien à jardin, Mathilde à cour. Maame Queuleu ne cesse
d’aller de l’un à l’autre, agacée. Son chiffon (//le balai d’Aziz). « Moi, j’abandonne » : s’assoit face à Marthe
dans la maison. Aziz vient du lointain, à jardin.
Aziz au sol. Aziz utilisé par Adrien pour qu’il expliquer ce qui s’est passé autrefois.
Y avait là-bas en Algérie
Un régiment dont les soldats,
Dont les soldats.
À chaque instant risquaient leur vie.
Parachutiste nous voilà, oui nous voilà.
Pour faire partie de cette élite,
Il faut bien être un peu cinglé, un peu cinglé.
Il faut surtout pas s'fair' de bile,
Savoir bien boire et s'amuser, et s'amuser.
(cf.didascalie p. 41) puis Adrien s’adresse au public, comme l’indique la didascalie. Lumière dans la salle. « Ils
ne se lassent pas de se regarder ».
III/ éclairage de clair de lune
premier monologue de Mathilde p. 48
9 « Il fera sauter le café même s’il y a du monde dedans. » (p. 51)
10 Mathieu sur le toit : « ce mur ». Une fois descendus, pièces qui s’allument.
lecture 3 (le parachutiste noir) : lumière progressive, camouflage ; avancée de la partie centrale de la maison.
Son arme ; le journal qu’il lit en s’asseyant.
Roulement de tambour, reconstitution de la maison.
IV/ s’ouvre sur chambre (de Mathilde). Série de monologues.
Cuisine. Aziz passe la serpillière. Dialogue avec Mathieu.
lecture 4 (monologue de Mathilde). Lumière dans la salle, forte proximité, complicité, échange. Repart à cour
V/ Nuit, Elvis Presley. Ecran ; Café Saïfi
Lampes torches d’Adrien, Plantières, Borny.
Projection de frondaisons pour scène ave Marie.
Edouard sur le toit, monologue (≠ autres). Soulevé vers les cintres.
Des questions théoriques à propos du théâtre, pour prolonger la lecture du Retour
au désert :
Jean-François M arm ontel, article « Com ique », Encyclopédie… , 1753.
La plupart des ridicules des grands sont si bien composés, qu'ils sont à peine visibles. Leurs vices
surtout ont je ne sais quoi d'imposant qui se refuse à la plaisanterie : mais les situations les mettent
en jeu. Quoi de plus sérieux en soi que le misanthrope ? Molière le rend amoureux d'une
coquette; il est comique. Le Tartuffe est un chef-d'œuvre plus surprenant encore dans l'art des
contrastes: dans cette intrigue si comique, aucun des principaux personnages ne le serait, pris
séparément; ils le deviennent tous par leur opposition. En général, les caractères ne se
développent que par leurs mélanges.
Jean-Jacques Rousseau, Lettre à d’Alem bert sur les spectacles, 1758
Qui peut disconvenir aussi que le théâtre de […] Molière, des talents duquel je suis plus
l'admirateur que personne, ne soit une école de vices et de mauvaises mœurs, plus dangereuse
que les livres mêmes où l'on fait profession de les enseigner ? Son plus grand soin est de tourner la
bonté et la simplicité en ridicule, et de mettre la ruse et le mensonge du parti pour lequel on
prend intérêt ; ses honnêtes gens ne sont que des gens qui parlent, ses vicieux sont des gens qui
agissent et que les plus brillants succès favorisent le plus souvent ; enfin l'honneur des
applaudissements, rarement le plus estimable, est presque toujours pour le plus adroit.
Examinez le comique de cet auteur : partout vous trouverez que les vices de caractère en sont
l'instrument, et les défauts naturels le sujet que la malice de l'un punit la simplicité de l'autre et
que les sots sont les victimes des méchants : ce qui, pour n'être que trop vrai dans le monde, n'en
vaut pas mieux à mettre au théâtre avec un air d'approbation, comme pour exciter les âmes
perfides à punir, sous le nom de sottise, la candeur des honnêtes gens. Voilà l'esprit général de
Molière et de ses imitateurs. Ce sont des gens qui, tout au plus, raillent quelquefois les vices, sans
jamais faire aimer la vertu; de ces gens, disait un ancien, qui savent bien moucher la lampe, mais
qui n'y mettent jamais d'huile.
Voyez comment, pour multiplier ses plaisanteries, cet homme trouble tout l'ordre de la
société; avec quel scandale il renverse tous les rapports les plus sacrés sur lesquels elle est fondée;
comment il tourne en dérision les respectables droits des pères sur leurs enfants, des maris sur
leurs femmes, des maîtres sur leurs serviteurs ! Il fait rire, il est vrai, et n'en devient que plus
coupable, en forçant, par un charme invincible, les sages même de se prêter à des railleries qui
devraient attirer leur indignation. J'entends dire qu'il attaque les vices ; mais je voudrais bien que
l'on comparât ceux qu'il attaque avec ceux qu'il favorise.
Victor Hugo, Préface à Lucrèce Borgia (1833)
Le théâtre est une tribune. Le théâtre est une chaire. Le théâtre parle fort et parle haut. [ ... ]
L'auteur de ce drame sait combien c'est une grande et sérieuse chose que le théâtre. Il sait que le
drame, sans sortir des limites impartiales de l'art, a une mission nationale, une mission sociale, une
mission humaine. Quand il voit chaque soir ce peuple si intelligent et si avancé qui a fait de Paris la
cité centrale du progrès s'entasser en foule devant un rideau que sa pensée, à lui chétif poète, va
soulever le moment d'après, il sent combien il est peu de chose, lui, devant tant d'attente et de
curiosité; il sent que si son talent n'est rien, il faut que sa probité soit tout; il s'interroge avec
sévérité et recueillement sur la portée philosophique de son œuvre; car il se sait responsable, et il
ne veut pas que cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu'il lui aura enseigné.
Bertolt Brecht, « Théâtre récréatif ou théâtre didactique », 1936
La forme dramatique du théâtre
est action,
implique le spectateur dans l'action,
épuise son activité intellectuelle,
lui est occasion de sentiments.
Expérience vécue.
Le spectateur est plongé dans quelque chose.
Suggestion.
Les sentiments sont conservés tels quels.
Le spectateur est à l'intérieur, il participe.
L'homme est supposé connu.
L'homme immuable.
Intérêt passionné pour le dénouement.
Une scène pour la suivante.
Croissance organique.
Déroulement linéaire.
Évolution continue.
L'homme comme donnée fixe.
La pensée détermine l'être.
Sentiment.
La forme épique du théâtre
est narration,
fait du spectateur un observateur,
mais éveille son activité intellectuelle,
l'oblige à des décisions.
Vision du monde.
Le spectateur est placé devant quelque chose.
Argumentation.
Les sentiments sont poussés jusqu'à la prise de
conscience.
Le spectateur est placé devant, il étudie.
L'homme est l'objet de l'enquête.
L'homme qui se transforme et transforme.
Intérêt passionné pour le déroulement.
Chaque scène pour soi.
Montage.
Déroulement sinueux.
Bonds.
L'homme comme processus.
L'être social détermine la pensée.
Raison.
Eugène Ionesco, Notes et contre-notes, 1958
Si donc la valeur du théâtre était dans le grossissement des effets, il fallait les grossir davantage
encore, les souligner, les accentuer au maximum. Pousser le théâtre au-delà de cette zone
intermédiaire qui n'est ni théâtre, ni littérature, c'est le restituer à son cadre propre, à ses limites
naturelles. Il fallait non pas cacher les ficelles, mais les rendre plus visibles encore, délibérément
évidentes, aller à fond dans le grotesque, la caricature, au-delà de la pâle ironie des spirituelles
comédies de salon. Pas de comédies de salon, mais la farce, la charge parodique extrême.
Humour, oui, mais avec les moyens du burlesque. Un comique dur, sans finesse, excessif. Pas de
comédies dramatiques, non plus. Mais revenir à l'insoutenable. Pousser tout au paroxysme, là où
sont les sources du tragique. Faire un théâtre de violence: violemment comique, violemment
dramatique.
Éviter la psychologie ou plutôt lui donner une dimension métaphysique. Le théâtre est dans
l'exagération extrême des sentiments, exagération qui disloque la plate réalité quotidienne.
Dislocation aussi, désarticulation du langage.
Anne Ubersfeld, Lire le théâtre (1977)
Pour Freud, le rêveur sait qu'il rêve même quand il ne le croit pas, ou ne veut pas le croire. De
même le théâtre a le statut du rêve : une construction imaginaire dont le spectateur sait qu'elle est
radicalement séparée de la sphère de l'existence quotidienne. Tout se passe comme s'il y avait
pour le spectateur une double zone, un double espace (nous retrouverons ce problème à propos
de l'espace au théâtre) : l'un qui est celui de la vie quotidienne et qui obéit aux lois habituelles de
son existence, à la logique qui préside à sa pratique sociale, l'autre qui est le lieu d'une pratique
sociale différente et où les lois et les codes qui le régissent, tout en continuant à avoir cours, ne le
régissent plus, lui, en tant qu'individu pris dans la pratique socio-économique qui est la sienne. […]
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