Manipulations en formation d`adultes

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MANIPULATIONS
en formation d’adultes
Pratiques théâtrales
Mémoire de DUFA
Année universitaire 2012/2013
Jérôme Plaud
Diplôme Universitaire de Formation d’Adultes
Directeur pédagogique : Mehdi Farzad
2
Remerciements
à,
Z**** & P**** pour m’avoir conçu,
B**** pour m’avoir initié
M**** pour m’avoir montré,
G**** pour m’avoir soutenu,
A**** pour m’avoir guidé,
T**** pour m’avoir accompagné,
la Coopération P**** pour y avoir cru,
N**** pour m’avoir éclairé,
P**** pour ses bonnes idées,
et tous les autres bien entendu.
3
« Avertissement de l’Editeur
Nous croyons devoir prévenir le public, que, malgré le titre de cet ouvrage et ce
qu’en dit le rédacteur dans sa préface, nous ne garantissons pas l’authenticité de
ce recueil et que nous avons même de fortes raisons de penser que ce n’est qu’un
roman.
Il nous semble de plus que l’auteur, qui paraît pourtant avoir cherché la
vraisemblance, l’a détruite lui-même et bien maladroitement par l’époque où il a
placé les évènements qu’il publie. En effet, plusieurs des personnages qu’il met en
scène ont de si mauvaises mœurs, qu’il est impossible de supposer qu’ils aient
vécu dans notre siècle ; dans ce siècle de philosophie, où les lumières, répandues
de toute parts, ont rendu, comme chacun sait, tous les hommes si honnêtes et
toutes les femmes si modestes et réservées.
Notre avis est donc que si ces aventures rapportées dans cet ouvrage ont un fond
de vérité, elles n’ont pu arriver que dans d’autres lieux ou dans d’autres temps ; et
nous blâmons beaucoup l’auteur, qui, séduit apparemment par l’espoir
d’intéresser davantage en se rapprochant plus de son siècle et de son pays, a osé
faire paraître sous notre costume et avec nos usages, des mœurs qui nous sont si
étrangères.
Pour préserver au moins, autant qu’il est en nous, le lecteur trop crédule de toute
surprise à ce sujet, nous appuierons notre opinion d’un raisonnement que nous lui
proposons avec confiance, parce qu’il nous paraît victorieux et sans réplique ;
c’est que sans doute les mêmes causes ne manqueraient pas de produire les
mêmes effets, […].» 1
1
Pierre CHODERLOS de LACLOS, Les liaisons dangereuses. Avertissement de l’Editeur,
Paris (F), Flammarion, 1981 (1re éd. 1782), p. 14
4
Sommaire
« Si tu t’imagines »
p. 6
« Oui, Jérôme, c’est moi »
p. 8
« Attention Mesdames et Messieurs »
p. 18
« Rosarum, rosis, rosis »
p. 25
Interlude
p. 34
« Sacré Charlemagne »
p. 38
« Céci-ile »
p. 51
« Y en a qui »
p. 74
« J’me souviens plus très bien »
p. 78
Bibliographie
p. 80
Annexes
p. 96
Table des matières
p. 106
5
2
« Si tu t’imagines »3
J
e connais Jérôme depuis toujours !
Du moins se connait-on ainsi depuis un spectacle autour de
textes de Roland Dubillard4 en 2001. Lorsqu’il m’a demandé de
devenir son sujet d’étude pour son mémoire, j’ai d’abord cru qu’il se moquait de
moi. « La manipulation ». Quelle drôle d’idée ! Je n’avais pas très envie d’être
manipulé, surtout pas par lui ! Il m’expliqua longuement sa démarche, me fit part
de ses avancées, de ses tâtonnements et de ses doutes. Je compris vite que nous
ne tournions pas dans une mauvaise série B sur le complot international du lobby
franco-maçonnico-sionico-islamo-martien mais que Jérôme tenais là un angle de
réflexion intéressant quant à la formation des adultes par le théâtre.
2
V**** A.C., « Mop », J**** (F), 2001 © Peu Importe
Juliette GRECO, Si tu t’imagines, Joseph KOSMA et Raymond QUENEAU, (3 :11)
Album : Juliette Gréco à l’Olympia, Fontana, 1956
4
Oups ! La télé est cassée !, d’après Roland DUBILLARD, Les Nouveaux diablogues,
Paris (F), Gallimard, 1998, 232 p. ; adaptation Mop et K**** C****, par La Cie des P****,
mis en scène par Jérôme PLAUD, avec K**** C**** (Un) et Mop (Deux), le 30 août 2001 à
20h30, Salle multimédia de J****
6
3
Dès lors, comme « Madame O. »5, je choisis d’accepter d’être le héros de
son écrit. Pas un héros de roman aux aventures rocambolesques, ni un héros
dégoulinant de jargon incompréhensible de revue scientifique, mais un héros du
quotidien aux prises avec le monde et lui-même. Servir de support à la réflexion
de Jérôme est une façon d’exister : il allait me retourner, me former et me
déformer dans tous les sens pour trouver ce qu’il cherchait.
« Je est un autre »6 écrivait Rimbaud à Izambard. Alors pourquoi ne pas jouer
le « je » jusqu’au bout ? Jérôme ne va pas parler de lui, il va parler de moi ! Quelle
importance, et quelle différence ? Nous sommes si proches. C’est une question de
point de vue.
Participer à cette recherche m’a beaucoup appris sur moi-même et mes
habitudes de vie dans le milieu de la formation : aujourd’hui je ne suis plus aussi
naïf et suis plus attentif – lorsque j’endosse la casquette de formateur notamment
– aux influences et manipulations en tout genre qui se mettent en place, souvent
de façon naturelle.
Que cet ouvrage apporte au lecteur qui prendra la peine de le parcourir tous
les bénéfices qui j’ai pu y trouver.
Mop
5
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, Petit traité de manipulation à l’usage
des honnêtes gens, Grenoble (F), Presses Universitaires de Grenoble, 2002, p. 7
6
Arthur RIMBAUD, Lettre de Rimbaud à Georges Izambard - 13 mai 1871,
WIKISOURCE, mise ne ligne le 29 septembre 2009, consulté le 19 aout 2013, URL :
http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_Rimbaud_%C3%A0_Georges_Izambard__13_mai_1871
7
7
« Oui, Jérôme, c’est moi » 8
e suis né à la fin de ce que l’on appelle communément les « Trente
J
Glorieuses ». Dernier d’une fratrie de cinq. La légende familiale veut
qu’à ma naissance mon père ait déclaré : « celui-là, il fera de la
musique pour animer les repas de famille ! » Je n’ai pas fait de musique, j’ai fait du
théâtre. Dès la maternelle, j’ai entendu ma mère dire : « Il a un don dans
l’dessin ». Sans trop savoir ce que cela voulait dire, « un don », j’ai suivi des
études d’arts plastiques. J’étais bon élève, soutenu par des parents qui voyaient
en l’instruction le moyen de grimper l’échelle sociale. J’ai fréquenté le Lycée Pilote
Innovant du F****, sur le site du parc d’attraction du même nom, à côté de P****. Il
était à 5 minutes de chez mes parents, pas la peine de se lever tôt pour prendre le
train et aller à P****. Ce fut là je crois une des premières motivations pour y
7
V**** AC, Jérôme, P****, 2001, © Peu Importe
C. Jérôme, C’est moi, Jean ALBERTINI et Sylvain GARCIA, (2:52) 45 tours/17 cm
éponyme, AZ /Discodis, 1974
8
8
présenter un dossier de demande d’admission. Il y a avait aussi le fait que le parc
d’attraction de R. M**** démarrait tout juste et que la rumeur disait que les lycéens
avaient un passe pour y entrer gratuitement ! Quelle déception ne fut pas la
mienne ! Mais je n’eus rien à regretter. Cet établissement proposait une nouvelle
forme de pédagogie, loin de ce que j’avais connu jusqu’alors. Plus de notes mais
des niveaux à atteindre selon la filière choisie, des modules, des évaluations
formatives et sommatives, des activités complémentaires de formation (ACF), des
ordinateurs dans la salle d’arts plastiques, tout un nouveau vocabulaire pour
l’époque, une nouvelle façon de penser et de faire les choses. Rien à voir avec là
d’où je venais. J’ai rejoint l’ACF théâtre. 25% de mon temps scolaire dédié au
théâtre, en plus de celui passé dans des ateliers amateurs. Il s’agissait de monter
un projet et de le réaliser par nous-même, accompagnés par un « professeurressource ». Nous fîmes intervenir une comédienne professionnelle et entrer du
sable dans la cours du lycée pour y jouer L’Île des esclaves
9
de Marivaux, parce
que ça se passe sur une île et qu’une île, c’est forcément en sable ! Bac en poche
mais refusé aux différents conservatoires de théâtre auxquels j’avais auditionné,
j’ai entrepris de faire une fac d’histoire, puis une mise à niveau d’arts appliqués.
Mais le retour dans les structures rigides de l’éducation m’a vite refroidi et je me
suis littéralement enfui de ces lieux pour d’autres expériences. A ce moment-là,
pour moi, c’était fini l’école. Cette immersion dans les pédagogies actives avait
déterminé la route que j’ai prise jusqu’à aujourd’hui.
Formé chez B**** ! A l’époque ça en jetait, c’était le nec plus ultra du travail
en amateur à P****. Ce prof de sport converti au théâtre avait gagné un concours
avec sa troupe d’ados et ils étaient partis en tournée en URSS (actuellement
Fédération de Russie). Il se mit alors à travailler avec des professionnels pour
amorcer ce qui deviendra plus tard la section théâtre du Conservatoire National de
Région de P****. C’est dans cette ambiance joyeuse de troupe, consacrée à la
formation de l’acteur, que j’ai renforcé ma conviction : ma vie était là. Trois ans et
9
« L'Île des esclaves est une comédie en un acte de 11 scènes et en prose de Marivaux
représentée pour la première fois le lundi 5 mars 1725, à l'Hôtel de Bourgogne par les
Comédiens Italiens. », WIKIPEDIA, mis à jour le 27 juin 2013, consulté le 26 juillet 2013,
URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%8Ele_des_esclaves
9
je partis en A**** participer à un projet de tournée européenne de musique et
théâtre de rue. L’exigence était moindre mais ce fut un moment déterminant.
Je fondais ma première association de spectacle avec une amie
comédienne de chez B****, et un « community artist »10 anglo-jamaïcain rencontré
lors de la tournée européenne « Musik und theater auf dem weg »11. L’aventure
dura dix ans. Nous avons créé des spectacles de rue, organisé des concerts, des
soirées cabaret, des tournées, animé des ateliers artistiques, formé des adultes,
professionnels et amateurs, parcouru l’Europe avec pour objectif de stimuler la
créativité et aider à la réalisation de projets artistiques. Cela a abouti à une
résidence d’artistes dans une petite ville des alentours de P****. « Avec le temps,
avec le temps va, tout s’en va »12 comme le dit le poète. Ce fut la fin de cette
histoire-là.
Je me retrouvais donc seul. L’ANPE 13 me proposa avec insistance de faire
une formation qualifiante. Bilan de compétences, tentative de VAE14. Je choisis
alors de faire tapisserie. L’ambiguïté de la formule m’a toujours fait rire. Je me
retrouvais donc dans l’A**** à apprendre le métier de tapissier garnisseur
traditionnel. Certains se demandaient ce que je faisais là. Moi aussi j’avoue
quelque fois. Je retournais donc à « l’école », acquérir un métier concret et
honorable qui me permettrait de subvenir à mes besoins, seul. Un maître artisan
face à seize disciples, daignait leur transmettre l’art du bien-assis et du confort-èsséant, légué de générations en générations. Sept mois, le temps d’une gestation
de singe de Barbarie, à apprendre à façonner les crins, les tissus, les sangles, les
ressorts, les guindes à la façon d’un autrefois supposé, pour avoir comme sujet
d’examen pratique : garnir en matériaux contemporains (colle contact, mousse…)
10
Les « Artistes de la communauté » collaborent avec un large éventail de groupes
sociaux locaux, afin d’encourager l'utilisation des activités artistiques pour leur
développement et améliorer leur qualité de vie. En général, ils travaillent dans les zones
où il y a des problèmes sociaux, culturels ou environnementaux. Ils utilisent tout un
éventail de formes d'art : arts visuels, théâtre, danse, musique, arts du carnaval, cinéma,
etc.
11
« Musique et théâtre sur la route », projet de l’association T****-K****, T****, G****, 1993
12
Léo FERRE, Avec le temps, Léo FERRE, (4 :28) 45 tours/17 cm éponyme, Barclay
éditions, 1970
13
ANPE : Agence Nationale Pour l’Emploi
14
VAE : Validation des Acquis de l’Expérience
10
un repose-pieds pour fauteuil Voltaire, style Louis-Philippe15… Bon. J’ai obtenu le
diplôme et je me suis retrouvé en région p**** à garnir canapés et fauteuils de
standing. Trois ans en atelier. Je découvrais un monde du travail que j’avais à
peine effleuré plus jeune et qui ne me plaisait pas trop. Je ne me sentais plus ni
maître de mon temps, ni maître de ce que je faisais. Il me fallait exécuter ce que
l’on me demandait, sans réfléchir. Je suis parti, vous pensez bien !
Je n’avais pas pour autant oublié mes désirs et mes rêves de spectacles.
Je suis devenu tapissier de théâtre dans l’évènementiel. Jamais au même endroit,
jamais la même chose et pas tout le temps ! Cela m’a permis de me consacrer de
nouveau à la formation par le théâtre avec des adultes, aussi bien en formation
professionnelle qu’en « insertion ». Je suis également remonté sur scène avec un
texte de théâtre contemporain. La vie d’avant revenait, grandie d’expériences et
de nouveautés.
Jusqu’à aujourd’hui, où je me retrouve à écrire ce mémoire de DUFA.
Pourquoi ce DUFA là ? Existentiel ! Il y en a bien d’autres non ? J’avais déjà versé
avec la tapisserie, dans le « titre interministériel », diplôme fourre-tout sans grande
valeur sur le marché du travail ou de la formation. Je voulais obtenir un diplôme
universitaire reconnu de tous qui me permettrait de me donner de l’assurance
dans le monde de la formation d’adultes. C’est ce que je me suis dit : avoir l’aval
de mes pairs pour m’octroyer le droit de faire partie officiellement, tamponné sur la
fesse, de cette caste particulière qu’est la formation. Avoir ma revanche sur
l’éducation et passer légitimement de l’autre côté : oui mais pas n’importe
comment ! Je ne tenais pas à entrer dans un moule déjà établi, ni à être formaté
pour devenir un bon petit soldat. Je cherchais juste à partager mes expériences
avec d’autres, à ouvrir des perspectives, à comprendre comment tout cela marche
et à savoir si je n’étais pas à côté de la plaque dans ce que je pouvais faire avec
15
Pour avoir un aperçu du meuble en question, consulté le 26 juillet 2013, URL :
http://www.patines-anciennes.fr/image/353-coiffeuse-voltaire
11
des groupes d’adultes en formation, pour pouvoir continuer plus loin, le pas sûr et
le tampon en médaille. « Hieronymus oportet graduatus ! »16
Il a fallu choisir un fil rouge. J’ai commencé ma réflexion autour de
l’évaluation. J’avais, je pensais, des soucis d’évaluation dans mes ateliers.
Comment faire pour évaluer du théâtre ? Qu’est-ce qui fait que l’on évalue,
pourquoi ce besoin d’évaluer ? Mais très vite, j’ai vu la forêt qui se cachait derrière
l’arbre. Cela m’a paru fastidieux. J’ai repris du début. Qu’avais-je fais jusqu’à
maintenant ? Tout au long de mon parcours j’ai appris à contrôler mon corps, ma
voix, l’expression de mes émotions pour créer l’illusion du spectacle et me frayer
également un chemin dans la société ; j’ai appris à utiliser des outils, des
matériaux, pour fabriquer marionnettes, costumes, décors et meubles ; j’ai appris
à travailler avec des groupes autour des arts du carnaval et du théâtre,
quelquefois dans un but artistique, d’autres fois dans un but professionnel ou
social. Quel est le point commun à tout ça ? Entre le théâtre et la formation, il y a
déjà tout un vocabulaire : acteur, expression, corps, voix, politique, improvisation,
confiance en soi, doute, etc. Bon début, mais avec les marionnettes ? Avec le
repose-pieds Louis-Philippe ?
C’est en repensant au personnage de Pridamant dans L’Illusion comique de
Corneille s’écriant « Mon fils Comédien ! »17 (Acte V, sc. VI, v. 1765) que s’est
produit le déclic : la manipulation !
Dès que j’ai avancé le mot comme fil rouge de mon mémoire, mon
entourage professionnel et privé a réagi un peu comme Cécile Volanges dans son
entretien avec Mop : « Manipulation pour moi, ça a une connotation super
négative. »18 Que ce soit dans la littérature, scientifique ou pas, au théâtre, au
cinéma, dans les journaux ou sur Internet, il est facile de trouver de quoi se
sustenter en ce qui concerne la ou les manipulations. La manipulation fait partie
des fantasmes d’une société médiatique comme la nôtre, entre autres, et
16
« Il faut que Jérôme ait son diplôme » Google Traduction, français-latin, consulté le 8
juillet 2013, URL : https://translate.google.fr/?hl=fr&tab=wT
17
Pierre de CORNEILLE, L’Illusion comique, Paris (F), Gallimard, édition de SERROY
Jean, coll. Folio-Classique n° 3416, 2000 (1re éd. 1639), p. 165, vers 1765
18
Cf. « Entretien avec Cécile Volanges », p. 70
12
tourmente l’actualité. La peur d’être manipulé, la crainte du « complot » côtoient
l’envie d’avoir une influence sur son propre destin, sur les autres, sur le monde.
Aujourd’hui, on peut même prendre des cours sur Internet ! La manipulation effraie
et fascine à la fois. J’étais persuadé, pour ma part, que la manipulation pouvait
s’élever au-delà des notions de bien ou de mal. Gardons cela pour la philosophie.
Manipulation !
C’est la mise en abîme du théâtre écrite par Corneille qui m’a mis sur la
voie. Alcandre, un magicien, illusionne Pridamant, un père au désespoir de revoir
son fils. Les magiciens sont reconnus pour leur « adresse manuelle et [leur]
dextérité du mouvement »19 qui font apparaître ou disparaître objets et êtres
vivants. Alcandre manipule donc le père à l’aide de l’artifice du théâtre, tentant
« d’imposer une vison fausse de la réalité en recourant à la falsification »20. Et
comme un metteur en scène ou un auteur, il utilise le théâtre pour sa duperie –
dans le noble but de réconcilier un père et son fils, bien évidemment. Corneille
nous montre à voir les coulisses de l’engagement au travers de sa pièce et j’aime
à croire qu’il nous montre ainsi notre reflet de spectateur. Car personne n’est
dupe : le théâtre est l’art du faux. Des comédiens incarnent des personnages
qu’ils ne sont pas ; ils rusent avec l’espace, le temps, les corps, les émotions et
tout un tas d’artifices pour faire croire aux histoires qu’ils racontent. Des gens
viennent voir ces acteurs exécuter des histoires « pour de faux » et tout le monde
fait « comme si ». « Dans la vie quotidienne, l’expression « comme si » est une
évasion ; au théâtre, « comme si » est la vérité. Quand nous sommes convaincus
de cette vérité, alors le théâtre et la vie ne font qu’un. »21 Et tout ce monde –
auteurs, metteurs en scène, acteurs, spectateurs, techniciens, etc. – consent à
jouer le jeu du « comme si » : c’est la magie du théâtre.
Manipulation !
WIKIPEDIA, l’encyclopédie libre, mis à jour le 7 janvier 2013, consulté le 10 janvier
2013, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Manipulation
20
ALTIF & L’ACADEMIE FRANÇAISE (Col.), Dictionnaire de l'Académie française,
neuvième édition. Version informatisée, consulté le 10 janvier 2013, URL :
http://atilf.atilf.fr/academie9.htm
21
Peter BROOK, L’espace vide. Ecrits sur le théâtre (trad. Christine ESTIENNE et Franck
FAYOLLE), Paris (F), Editions du Seuil, 1977, p. 181
13
19
Ce nom est un dérivé du verbe22. Il concerne donc une action. La
manipulation n’est donc pas figée, elle est mouvement. Du latin « manipulus,
« poignée » »23, son sens premier évoque les alchimistes, les chimistes maniant
méticuleusement des fioles, des produits et divers instruments. Par extension, il
est devenu « actionner avec la main »24. Tout ce que j’ai pu faire en arts du
carnaval, décor et tapisserie en tout genre c’était de la manipulation. Quand on
tape le mot « manipulation » sur le moteur de recherche Google™ 25, la première
image qui arrive en tête de liste est celle d’une main, une ficelle rouge au bout de
chaque doigt, qui semble faire bouger un mannequin en bois articulé : l’idée de la
marionnette. Que ce soit sur des décors ou des accessoires, des fauteuils ou des
marionnettes, j’actionne des outils, des machines, je manipule des matières, je tire
des ficelles pour donner la forme ou la vie souhaitée. C’est l’ « acte consistant à
modifier l'état d'un sujet ou d'un objet »26, lui donner une autre forme, une autre
vie.
Manipulation !
Former, se former. L’idée créatrice du mot, celle de façonner, de donner
une forme et de composer, me renvoie directement aux activités de théâtre et de
construction. C’est divin !27 Mais dans son sens d’éduquer, de « s’instruire »
comme l’écrivait Bossuet28, utilise-t-on la manipulation ? Comment sommes-nous
façonnés, façonnons-nous ? Par quels moyens ? La manipulation a-t-elle une
place en formation ? Si tel est le cas, quelles manipulations ont lieu lors d’une
formation ? En quoi la pratique théâtrale en formation d’adultes utilise-t-elle et/ou
met-elle en place des techniques manipulatoires ? Que dois-je mettre en place
pour que les autres consentent à participer à ce que je leur propose ? Si tant est
qu’il faille le devoir ! Quelles sont les astuces et les ruses employées par chacun
des acteurs de l’éducation et de la formation ? De manière instinctive ou
préméditée ? Je tenais mon sujet !
22
ALTIF & L’ACADEMIE FRANÇAISE (Col.), op. cit.
Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), Le Petit Robert, Paris (F), Dictionnaires Le
Robert, 2013 (1re éd. 1967), pp. 1526-1527
24
ALTIF & L’ACADEMIE FRANÇAISE (Col.), ibid.
25
GOOGLE™, consulté le 17 juillet 2013, URL : www.google.fr
26
WIKIPEDIA, op. cit.
27
Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), op. cit., p. 1079
28
Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), ibid., p. 1079
14
23
Manipulation !
Non pas celle des sociopathes ou autre être malveillant, non. Quoi que. Je
veux parler de la manipulation quotidienne, celle du jeu social auquel nous nous
prêtons pour défendre nos intérêts, pour conserver nos liens avec les autres ou
pour atteindre nos objectifs. Celle que l’on serait presque amené à appeler
« vertueuse »29. Toutes ces ruses pour tromper l’autre et s’abuser soi-même, ces
influences qui s’exercent de toutes parts, ces persuasions que l’on utilise pour
« convaincre rationnellement et en toute transparence un individu de modifier son
comportement »30, je les ai réunies sous le terme « manipulation » dont la
définition la plus appropriée – il me semble pour ce mémoire – reste celle de
Fabrice d’Almeida : « La manipulation : un vocable qui traduit globalement une
série de procédures et de moyens mis en œuvre pour obtenir le consentement de
l’autre. »31
Nous sommes bien dans une action. On parle d’ensembles de procédés,
d’agissements, de conduites, de manières d’agir pour faire que l’autre – le
stagiaire, le formateur ou l’institution – « [accepte] qu’une chose se fasse »32, ne
l’empêche pas de se faire, l’approuve même.
Je ne chercherai pas dans cet écrit à faire un tour exhaustif de toutes les
techniques de manipulation, qu’elles soient individuelles ou de masses. Cela
n’aurait aucun intérêt et d’autres s’en sont chargés déjà. De Machiavel 33 à
Chomsky et Herman34, en passant par Bernays35, du Roman de Renart36 au traité
29
Jean-François MARMION, « La manipulation vertueuse », in Sciences Humaines, mis
en
ligne
le
15
juin
2011,
consulté
le
18
juin
2013,
URL
:
http://www.scienceshumaines.com/la-manipulation-vertueuse_fr_22767.html
30
Jean-François MARMION, « La manipulation, dans la joie et la bonne humeur », in Le
Cercle Psy, Auxerre (F), Trimestriel n° 6 sept. /oct. /nov. 2012, p. 46
31
Fabrice D’ALMEIDA, La manipulation, Paris (F), Editions Presses Universitaires de
France, coll. Que sais-je ? n° 3665, 2003, p. 23
32
Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), op. cit., p. 516
33
MACHIAVEL, Le prince (trad., prés. et notes Marie GAILLE-NIKODIMOV), Paris (F),
Librairie Générale Française, coll. Le livre de poche-Classiques de la philosophie n° 4662,
2000, 190 p.
34
Noam CHOMSKY et Edward HERMAN, La fabrication du consentement. De la
propagande médiatique en démocratie (trad. Benoît EUGENE et Frédéric COTTON),
Marseille (F), Agone, 2008, 653 p.
15
de Joule et Beauvois37, on trouvera pléthore de livres, d’articles, de sites, etc.,
traitant de la manipulation, de ses vices et de ses vertus. Le lecteur aura, afin
d’étancher sa soif de connaissances à ce sujet, vite fait d’aller piocher dans la
bibliographie pour y trouver des références qui le conduiront vers d’autres et ainsi
de suite.
J’ai pour ma part décidé de prendre trois axes de réflexion : l’axe du
formateur, celui du stagiaire et enfin celui de l’organisme de formation. Pour ce
faire, je vais mettre en scène un personnage, Mop, Comédien-formateur. Je vais
poster Mop aux différents « pôles » de la réflexion, et comme dans les histoires de
Martine38, nous suivrons quelques exemples des aventures de Mop dans son
personnage de formateur, dans celui de stagiaire. Nous finirons par observer ce
qu’il en est des manipulations d’un point de vue institutionnel.
Pour des raisons de sécurité, de respect et de copyright, tous les noms de
personnes et de lieux ont été masqués ou modifiés.
35
Edward BERNAYS, Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie (trad.
Oristelle BONIS), Paris (F), Éditions La Découverte, coll. Zones, 2007, 220 p.
36
Le Roman de Renart. Extraits. Edition remise à jour, Paris (F) ; Editions Larousse, coll.
Nouveaux Classiques Larousse, 1972, 127 p.
37
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., 286 p.
38
« « Martine » est une série belge de livres pour enfants composée de soixante albums
publiés, avec une périodicité quasi annuelle, entre 1954 et 2010, chez l'éditeur
Casterman. Les histoires, écrites par Gilbert DELAHAYE (1923-1997) puis, après la mort
de celui-ci, par Jean-Louis MARLIER, sont illustrées par Marcel MARLIER (1930-2011) »,
WIKIPEDIA, mis à jour le 19 avril 2013, consulté le 26 juillet 2013,
URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Martine
16
39
« Attention Mesdames et Messieurs ! »40
es Unités d’Action Sociale (UAS) sont des structures publiques,
L
financées par le département. Leurs missions sont le conseil,
l’orientation et l’accompagnement des personnes dans le domaine
social et médico-social. Un groupe de travail sur « l’estime de soi », composé de
professionnels de l’UAS de L**** et de la CRAMIF 41, a élaboré une action dont
l’objectif est de rompre l’isolement et qui s’adresse à un public en grande précarité
qu’il n’est pas aisé de mobiliser sur des actions d’insertion. Ainsi les
professionnels du Service Social Départemental devaient orienter des personnes
vers cette action. Dix l’ont intégrée : deux hommes et huit femmes de 30 à 60 ans,
39
Peu IMPORTE, Hieronymus oportet graduatus, (Il faut que Jérôme ait son diplôme (trad.
Google
traduction,
français-latin,
consulté
le
16
juin
2013,
URL :
https://translate.google.fr/?hl=fr&tab=wT)), Paris (F), 2008 © Peu Importe
40
Michel FUGAIN, Attention Mesdames et Messieurs, Michel FUGAIN & Le BIG BAZAR,
(3 :04) Album : Fugain et le Big Bazar, Columbia, 1970
41
CRAMIF : Caisse Régionale de l’Assurance Maladie d’Ile de France
17
dont les ressources variaient du RMI42 à l’AAH43, des ASSEDIC44 à rien du tout. Ils
seraient accompagnés pendant cette action par deux travailleuses sociales. La
Municipalité de L**** mettait à disposition, gratuitement, une salle située dans la
Maison des Associations répondant parfaitement aux besoins du groupe. Il était
primordial que les séances se déroulent hors de l’UAS, dans un espace neutre
tant pour les participants que pour les travailleurs sociaux. Dix séances de trois
heures devaient avoir lieu du mois de février au mois de juin, espacées de plus ou
moins quinze jours compte-tenu des congés scolaires de février et d’avril. Les
exercices de groupe devaient permettre progressivement, à partir du collectif,
d’aborder l’individu en privilégiant le travail corporel. Un temps de pause en milieu
de séance était prévu et servait de moment de convivialité avec boissons et
gâteaux.
Nous sommes en 2008 en S****. Mop vient de décrocher le contrat avec
l’UAS de L****. Il va devoir animer, en termes de contenu, l’intégralité des séances
de cette action d’insertion. Comment allait-il s’y prendre ? Cela faisait un bon
moment qu’il n’avait pas fait d’atelier de théâtre. Après une parenthèse en
tapisserie d’ameublement de cinq années, il avait décidé de reprendre l’animation
d’ateliers de théâtre. Mop avait déjà travaillé avec des publics en réinsertion
auparavant. Il se précipite alors à la F**** et s’achète quelques ouvrages de
théâtre. Là, il tombe sur un livre45 d’Augusto Boal. Il vient de faire une découverte
étonnante : le théâtre-forum.
Le théâtre de l’Opprimé, dont le théâtre-forum est une des expressions, est
une technique et une philosophie mise au point au Brésil et développée par
Augusto Boal au cours de son exil, notamment en France. Il se fonde sur deux
convictions : le théâtre peut et doit être un outil de changement (du monde, de
soi) ; et le langage théâtral est inhérent à l’être humain qui « devient humain
42
RMI : Revenu Minimum d’Insertion
AAH : Allocation aux Adultes Handicapés
44
ASSEDIC : terme commun pour parler de l’allocation versée en cas de chômage par les
ASSociations pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce.
45
Augusto BOAL, Jeux pour acteur et non-acteurs. Pratique du Théâtre de l’opprimé (trad.
Virginia RIGOT-MÜLLER), Paris (F), Editions La Découverte, 2004, 2 e éd. (1re éd. 1991),
307 p.
18
43
quand il invente le théâtre. »46 Ce théâtre se veut, selon son créateur, à la fois un
outil de compréhension des problèmes sociaux et personnels et une mise en
évidence de solutions possibles. Par les différentes étapes de travail qu’il propose,
le théâtre de l’opprimé fait faire un véritable travail pour connaître son corps, le
rendre expressif et amener l’acteur à considérer le théâtre non plus comme « un
produit reflétant des images du passé »47 mais bel et bien comme un « langage
vivant et actuel.»48 Le théâtre de l’opprimé est donc pleinement une méthode de
travail, une philosophie de vie et un système de techniques. Il ne cherche pas à ce
que le citoyen s’adapte à la société injuste dans laquelle il vit, mais à ce qu’il la
change. C’est un mouvement pacifiste, éthique, qui lutte contre la passivité,
ennemie de la paix. Construisons notre avenir, au lieu de l’attendre, semble-t-il
nous dire.
« Bref, un outil parfait, se dit Mop, pour ce que l’on me demande là ! » Car il
ne s’agit en aucun cas de former des acteurs. Il s’agit ici de tenter de faire sortir
des personnes de leur isolement, de les rendre confiantes en elles, de les aider à
recréer du lien social et de les amener à se libérer, à sortir de chez elles pour
élaborer un projet avec d’autres. Mop prend donc la décision de suivre la méthode
de Boal, du moins en partie. « Première étape : connaître son corps […].
Deuxième étape : rendre son corps expressif […]. Troisième étape : le théâtre
envisagé comme langage »49. Voilà les trois premières étapes du processus que
Boal avait mis en place et que Mop allait utiliser pour structurer son programme
d’atelier. Il n’a pas voulu aller plus loin, pour cette première expérience avec cette
méthode, ne voulant pas obtenir par mégarde l’inverse de ce qui était attendu !
46
Augusto BOAL, Théâtre de l’opprimé (trad. Dominique LEMANN), Paris (F), Editions La
Découverte & Syros, coll. Poche n° 4, 2007 5 ème éd. (1re éd. Libraire François Maspero,
1977), 4ème de couverture.
47
Augusto BOAL, ibid., p. 19
48
Augusto BOAL, ibid., p. 19
49
Augusto BOAL, Théâtre de l’opprimé, op. cit. p. 19
19
« Comment tu t’appelles ? » 50
Premier atelier. Des chaises sont installées en cercle au centre de la salle.
Tout le monde s’assoit. E**** et I****, deux travailleuses sociales qui participent à
l’action, prennent la parole pour expliquer aux participants le déroulement des
opérations. Ils allaient donc se voir régulièrement, autour d’ateliers de théâtre
animés par Mop, avec pour objectif de réaliser un projet ensemble, quel qu’il soit,
et dans la mesure du réalisable. Mop prend la parole. Il se présente, raconte son
parcours et expose ce qu’il compte faire avec eux durant ces dix séances. Il parle
des trois étapes de travail et explique qu’ils ne vont pas faire du théâtre au sens
commun du terme – c’est à dire apprendre un texte, le mettre en scène et le
présenter devant un public – mais utiliser des jeux et des exercices de théâtre afin
d’apprendre à mieux se connaître, regagner de la confiance en soi, s’amuser, etc.
Le programme se fera au fur et à mesure de la vie du groupe et de ses envies. Il
positionne enfin les deux travailleuses sociales qui sont présentent : elles ne sont
pas là pour regarder ce qu’il se passe, pour « fliquer » les participants, mais bien
pour prendre part aux ateliers, au même titre que le reste du groupe et
contrairement aux autres, elles n’ont aucun pouvoir de décision sur les envies du
groupe. Il assure aux « usagers »51 une totale liberté de faire, ou pas, ce qu’il va
leur proposer et quant à la nature du projet qu’ils ont à bâtir. Il propose ensuite de
faire un tour du cercle afin que chacun puisse se présenter et exprimer ses
attentes vis-à-vis du groupe. Les présentations étant faites, l’atelier commence par
un petit échauffement physique et le jeu du « prénom-ballon ». Cet exercice
consiste à envoyer un petit ballon à une personne en donnant son prénom. Tout le
monde est en cercle, debout. Dans un premier temps, on envoie le ballon à une
personne, en la nommant, en la regardant et en essayant d’aller le plus
rapidement possible, en réfléchissant le moins possible. Ensuite, quand tout le
monde a plus ou moins intégré les prénoms de chacun, il s’agit toujours d’envoyer
la balle à une personne en la nommant, mais cette fois-ci en regardant quelqu’un
d’autre. Ce premier exercice dure un quart d’heure environ. Puis Mop arrête le
« prénom-ballon » et propose un autre jeu qui allait être récurrent lors de leurs
Philippe CHATEL, Chanson de l’extra-terrestre, Philippe CHATEL, (3 :11) Album :
Emilie Jolie, RCA Victor, 1979
51
Cf. op. cit., p. 61
20
50
séances : le « paso ». Quatre ou cinq personnes se mettent en ligne d’un côté de
la salle. Huit pas en avant, demi-tour, huit pas, demi-tour, six pas, demi-tour, six
pas, demi-tour et ainsi de suite, de deux en deux. L’objectif est que les participants
se meuvent ensemble sur un même rythme, en une seule ligne droite et d’un seul
homme, le regard porté au lointain. Un chef d’orchestre – la personne qui va
compter à voix haute le nombre de pas – est désigné par la ligne en place et
l’exercice débute. Au fur et mesure que les participants se sentent à l’aise, on
rajoute des contraintes : sans chef d’orchestre, sur de la musique, en enlevant et
remettant une veste, etc. A la fin de chaque jeu, Mop propose d’échanger sur les
ressentis, les objectifs de chaque jeu. L’atelier continue et se passe sans
encombre : tout le monde participe à tous les exercices et revient la fois suivante.
Le lecteur est en droit de se demander où se situent les manipulations dans
cet exemple-là. Et je ne lui donnerais pas tort ! Mop utilise ici deux techniques
manipulatoires : « l’effet de gel » 52 et le « détour »53. Je m’explique.
Selon la théorie de l’engagement développée dans leur « Petit traité »54,
Joule et Beauvois nous montrent comment les actes nous engagent. La décision
de participer, d’être venu à ce rendez-vous a en quelque sorte déjà piégé les
participants. Il se produit ce que l’on appelle un phénomène d’adhérence : ils ont
fait le choix de venir, sans contrainte et l’expression de leur libre-arbitre tend à leur
faire garder le même positionnement : « J’y suis, j’y reste ! 55» Mop manipule cet
« effet de gel » en leur proposant de se présenter nominativement devant tout le
monde et d’exprimer leurs attentes. Le fait de décliner son identité, devant les
autres, participe du renforcement de leur engagement : il implique plus. Il est en
effet beaucoup moins facile de se rétracter quand on sait que les autres savent qui
l’on est : donner son nom engage plus que de rester anonyme. En outre, le fait
que Mop ait créé deux catégories dans le groupe – les « usagers » qui ont la
liberté de faire ou de ne pas faire et les « travailleuses sociales » qui n’ont pas
cette liberté – participe de cette manipulation, les premiers ayant alors le
sentiment d’avoir une liberté que les autres n’ont pas. Voilà une autre façon de les
52
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 29
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 50
54
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., pp. 74-78
55
Cf. idid., p. 82
21
53
engager plus avant dans leur participation aux ateliers. Se sentant libres, ils ont
participé à tous les exercices proposés par Mop.
« Quand le travail est vécu comme un jeu, alors ce n’est plus du travail. »56
Cette citation de Brook est très intéressante. Ce que l’UAS propose, en utilisant
les ateliers de Mop, c’est que les « usagers » reconquièrent une estime de soi,
travaillent sur eux-mêmes afin d’améliorer leur situation intérieure. Le jeu semble
plus efficace que de passer des heures à bûcher assis devant un problème et le
jeu fait partie intégrante de l’éducation. Les pédagogues ne contestent en rien son
utilité. Il permet « une synthèse entre discipline et liberté »57, deux notions
inhérentes à la vie en société. Seulement ça ? Je ne pense pas. Le jeu permet
aussi d’appréhender la réalité sans avoir à y réfléchir, de manière détournée.
Prenons l’exemple du jeu du « paso ». Que se cache-t-il derrière cet objectif de
tous marcher en ligne, d’un seul homme ? Cela permet, entre autre, de
développer la psychomotricité, de travailler l’écoute, de construire l’unité du
groupe, de créer – vu qu’il sera refait à chaque séance avec de nouvelles
consignes – un fil rouge tout au long de l’action. Ne s’agirait-il pas dès lors de ce
que l’on appelle « la stratégie de la diversion »58 ? Le jeu du « paso » ne met-il
pas en place une telle stratégie – les règles (nombre de pas, façon de tourner,
etc.) et le but (marcher d’un seul homme) – détournant l’attention des participants
des objectifs réels sont tout autre (développer l’écoute, la psychomotricité, etc.) ?
Il y a bien manipulation. Dans les deux cas, Mop utilise des techniques qui
amènent le groupe à consentir à travailler avec lui sur la thématique de l’action.
L’effet de transparence qu’il donne à la fin de chaque jeu, lors de l’expression des
ressentis par le groupe, permet de renforcer les adhérences de chacun tout en
analysant les « détours » empruntés pour atteindre les objectifs de l’action. Mop
ainsi montre au participant « la démarche que doit suivre son esprit et ne divulgue
aucune recette »59. Il fait appel à son sens de la liberté.
Mais comment Mop a-t-il décroché ce contrat ? Revenons en arrière.
56
Peter BROOK, op. cit., p. 181
Augusto BOAL, Jeux pour acteur et non-acteurs, op. cit., p. 105
58
Sylvain TIMSIT, « Les dix stratégies de manipulation de masses », in Pressenza, mis en
ligne le 21 septembre 2010, consulté le 16 janvier 2013, URL :
http://www.pressenza.com/fr/2010/09/les-dix-strategies-de-manipulation-de-masses/
59
Marie GAILLE-NIKODIMOV, « Introduction », in MACHIAVEL, op. cit., p. 16
22
57
« Viens voir les comédiens »60
E****, animatrice locale d’insertion, fait partie du groupe de travail sur
« l’estime de soi » et coordonne l’action. Il se trouve que l’UAS est voisine de
l’association dans laquelle Mop suit des cours de théâtre. E**** a proposé l’appel
d’offre à cette association. Celle-ci ne fait pas ce genre de prestation. Mop est
intéressé. Il saute sur l’occasion, monte une association (il fallait une structure
pour pouvoir le rémunérer, l’UAS ne pouvant garantir un contrat en direct) et
répond à l’appel d’offre. Il est en concurrence avec deux autres compagnies du
coin. Ici, personne ne le connaît, il n’y a jamais travaillé. Ses dernières
expériences remontent à cinq ans, quand il était à P****. Il sait également que les
sommes allouées à ce genre de projet ne sont pas mirifiques. Rien n’est joué. Il
commence par rencontrer E****. Il s’est habillé pour l’occasion : jeans, baskets de
ville aux pieds, chemise orangée ouverte sur un t-shirt rouge, un peu décoiffé, une
chéchia en « bogolan »61 sur la tête. Elle lui explique exactement ce qu’elle
recherche, quels sont les tenants et les aboutissants, le planning envisagé, etc.
Lui, raconte son parcours et commence à chiffrer devant elle le coût éventuel de
son intervention, au vu des paramètres énoncés. Il annonce un chiffre
approximatif. Le visage de l’animatrice est sans équivoque : c’est cher ! Mop l’a
remarqué et propose à E**** de lui envoyer une proposition de contenu et un prix
pour le projet avant la fin de la semaine. Trois jours plus tard, il lui envoie comme
convenu un projet écrit sur la démarche qu’il compte suivre accompagné d’un
budget plus léger. Nous connaissons la suite.
Je ne peux pas décemment prouver que c’est la technique de la « porte-aunez »62 utilisée avec le budget, ni « l’effet de halo »63 de son apparence physique
60
Charles AZNAVOUR, Les comédiens, Jacques PLANTE et Charles AZNAVOUR, (2 :24)
45 tours/17 cm éponyme, Barclay, 1962
61
« Le bogolan est un tissu teint suivant une technique utilisée au Mali, au Burkina Faso
et en Guinée », WIKIPEDIA, dernière modification le 13 mars 2013, consulté le 26 juillet
2013, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bogolan
62
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 117
63
Robert CIALDINI, Influence & manipulation. Comprendre et maîtriser les mécanismes
et les techniques de persuasion, édition révisée et augmentée (trad. Marie-Christine
GUYON), Paris (F), Editions First-Gründ, 2004, p. 185
23
qui a joué en sa faveur, ne sachant pas ce qu’il s’est passé avec les autres
compagnies. Le fait que Mop ait décidé de s’habiller en couleur vive, décontracté,
avec une touche d’originalité exotique (le bogolan) le situe dans une image sociale
« d’artiste », de personne gravitant autour des arts, de saltimbanque. S’il était
venu en costume cravate, pas sûr qu’il ait été pris au sérieux. Il a consciemment
utilisé l’atout de la sympathie par son apparence physique (effet de halo) pour
influencer son interlocutrice. Il sait que s’il veut vendre ses compétences de
comédien, il faut qu’il se costume tel que la société l’envisage en général. De
même, le fait de faire devant elle un premier budget afin de voir sa réaction et de
lui en proposer un second, un peu plus tard, plus léger participe à la manipulation
(porte-au-nez). E**** a ainsi l’impression que Mop lui fait un cadeau, fait une
concession. C’est une technique de marchandage vieille comme le monde :
« C’est dix euros, mais comme c’est toi je te le fais à neuf ! »
Que ce soit face à ses stagiaires ou face à ses employeurs, le formateur
utilise des techniques manipulatoires. Elles lui permettent, tout au long de la
formation, de maintenir l’adhésion du groupe, d’avoir son consentement et de
contourner des obstacles qui pourraient compromettre le processus de formation.
Elles lui sont aussi utiles pour convaincre les organismes de lui faire confiance et
de l’employer.
24
64
« Rosarum, rosis, rosis »65
L
e Collège Coopératif de P**** , créé en 1959 par H. D****, figure
importante de la pédagogie pour adulte, est une association
d’éducation populaire, qui, en partenariat avec l’Université de P****
propose entre autre une formation en vue d’obtenir un Diplôme d’Université de
Formation d’Adultes (DUFA). Alors que d’autres organismes de formation
proposent le même diplôme reposant leur pédagogie uniquement autour du
rapport au savoir formel et constitué, le Collège prend en considération
« l’inachèvement de l’homme »66 et tient compte des interrelations et des aspects
affectifs de la formation.
« Depuis plus de 50 ans, en effet, toutes les activités de formations et de
recherches du Collège Coopératif […] sont animées par des principes tels
64
B. T****, Jérôme à W****, W****, 2013, © Jérôme PLAUD
Jacques BREL, Rosa, Jacques BREL, (2 :40), in 6ème album, Barclay, 1962
66
Georges LAPASSADE, L’entrée dans la vie. Essai sur l’inachèvement de l’homme,
Paris (F), Editions de Minuit, 1963, 260 p.
25
65
que : la reconnaissance, la validation et la valorisation des acquis de
l’expérience, l’approche dynamique et existentielle de la formation, la
nécessité du changement et du développement des individus, des
pratiques et des pays par la démarche de recherche-action, la place
privilégiée accordée à chaque adulte en formation considéré alors
comme le sujet principal de la formation »67
Lorsque B**** présenta à Mop la plaquette de la formation 68, ce fut comme
une illumination : « hieronymus oportet graduatus »69 s’écria-t-il ! Enfin, selon ses
dires.
Il
faut
préciser
que
B****,
étudiante
à
l’époque
en
Master
d’ethnométhodologie, est une amie de longue date de Mop et qu'elle le connait
bien. Depuis son expérience avec l’UAS de L****, il était en proie aux doutes. Il
venait de jouer un texte contemporain au théâtre, après six années passées hors
des planches. Vingt dates pour un retour, pas mal et seul en scène pendant une
heure et quart, alors là, chapeau ! Du point de vue comédien, Mop se sentait à
l’aise, commençait à développer son activité et pensait à de nouvelles créations.
Mais de là à en vivre, il allait falloir attendre un peu. Peut-être cela n’arrivera-t-il
jamais, mais peu importe. Pour ça, les trois entreprises de décoration en
évènementiel qui l’embauchaient régulièrement comme tapissier lui permettaient
de vivre correctement tout en lui garantissant du temps libre. Sans oublier les
singularités des lieux d’installation et les voyages à l’étranger réguliers qui
agrémentent cette profession. Les seuls bémols à cette activité : les clients et la
pénibilité. Il s’agissait en effet de confectionner des décors de conventions et
autres évènements pour le compte de « grandes entreprises » de l’énergie, du jeu,
du médicament ou de la mode. Le fait de mettre son savoir-faire au service
d’entreprises dont l’éthique semblait peu lui convenir le mettait en porte-à-faux visà-vis de ses convictions. Gagner sa vie n’est pas une excuse suffisante pour se
déculpabiliser du fait de faire partie consciente des rouages d’une machine ultralibérale. Là, pas de libération, mais participation à la mise en place de l’illusion
voulue par le client, dans le seul but de vendre, séduire… manipuler peut-être ?
La manutention permanente et la flexibilité, parfois très grande, des horaires
commençaient également à avoir raison de sa détermination quant à continuer
67
Annexe A, pp. 98-101
Annexe B, pp. 102-103
69
« Il faut que Jérôme ait son diplôme », op. cit.
26
68
plus avant dans ce domaine. Les ateliers en formation d’adultes, de leur côté,
commençaient à se diversifier. Il avait obtenu des contrats avec les Instituts de
Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de M**** et de S**** et s’apprêtait à entamer
une longue cession avec des travailleurs en situation de handicap dans le cadre
d’une formation de reconversion proposée par le Centre de Réadaptation de C****
en S****. Mop se sentait confiant lorsqu’il « jouait » au formateur. Mais pas
suffisamment pour aller démarcher au-delà de son cercle de connaissances. Il
fallait qu’il étende son réseau. Mais pour le développer, il faut avoir du temps, et le
temps laissé libre par la tapisserie et le spectacle n’était pas suffisant. Et puis,
avec juste un bac en poche, difficile de postuler pour un emploi à équivalence bac
+3.
Mop prit la décision de développer son activité de formateur et de réduire
fortement celle de tapissier et la plaquette agitée sous ses yeux par son amie
tombait à pic ! Il se remit dare-dare au travail afin de cumuler ses « points
formation » et passa avec succès l’entretien d’admission. Mop allait retourner « à
l’école », vingt ans après avoir déclaré : « L’école, c’est fini ! ».
« Le Bon-Dieu sans confession »70
Il fit donc sa rentrée au Collège Coopératif en novembre 2012. Il s’intégra
vite au groupe et fut même élu délégué lors d’une élection digne d’une république
bananière. Mop, lors des nombreuses présentations qu’il avait dû faire devant le
groupe, avait mis en avant son côté comédien, plus que tapissier. Et il sait bien
que le métier d’acteur a une place particulière dans l’esprit des gens : il fait rêver
aussi bien ceux qui ont été acteurs et qui ne le sont plus, que ceux qui n’ont
jamais osé se lancer, entre autres. Le spectacle fait rêver et lors d’une formation,
ça ne manque pas, le comédien c’est celui qui n’a pas peur de l’ouvrir en public !
Mop, un peu exaspéré au début que ce schéma se reproduise encore une fois,
s’est vite pris au jeu. Et il a décidé d’en jouer : ses collègues voulaient qu’il joue au
comédien, il allait leur donner ce qu’ils voulaient. Mop ne laisse pas attendre son
public. Et c’est la peur au ventre qu’il a commencé à prendre la parole. Puis la
70
Jacques HIGELIN, Champagne, Jacques HIGELIN, (4 :31) Champagne pour tout le
monde, Pathé-Marconi/EMI, 1979
27
parole et le corps se sont vite déliés. Lorsqu’un professeur émérite de l’Université
demanda de lire à voix haute et théâtrale ce que chacun avait écrit en écriture
automatique, le groupe n’eut pas à presser longtemps Mop de franchir le pas en
premier. Lorsqu’arriva l’élection, Mop se présenta, avec trois autres de ces
collègues. Son « programme » tenait en trois phrases : « Si je suis élu délégué, je
m’occuperai uniquement de faire l’intermédiaire avec l’Université et de vous
accompagner si besoin est dans vos démarches avec la fac. Pas plus ! Nous
sommes des adultes ! ». Chacun fit son discours. Le vote se fit à main levée et
Mop fut élu à une écrasante majorité, au grand dam de J****.
L’étiquette « artiste du spectacle » avait sans doute fait son effet. L’image
d’une personne à l’aise en public et affichant une certaine liberté face à la
responsabilité a sans doute favorisé son élection. « L’étiquetage »71 de quelqu’un,
quel qu’il soit, conditionne en quelque sorte son comportement – comme le montre
les expériences de Miller, Brickman et Bolen en 1975 exposées dans Le Petit
Traité72 – et j’irai même jusqu’à dire ses pensées – comme nous le suggère
Huxley dans Le meilleur des mondes73, quand il nous fait suivre les aventures de
son personnage Bernard Marx affublé de l’étiquette « alcool dans le pseudosang »74 en proie à des pensées qu’il n’aurait pas eu sinon, vu sa caste.
L’étiquetage d’une personne la conditionne mais conditionne aussi son entourage.
Nous avons tendance à voir les gens tels que nous les avons étiquetés plutôt que
tels qu’ils sont réellement. Qui n’a jamais pensé, par exemple, qu’un professeur
d’Université est plus crédible, plus intelligent qu’un plombier ? Dans ce cas-là Mop
a réussi à manipuler ses collègues mais s’est également fait manipuler : il a joué
le jeu que les autres attendaient de lui tout en utilisant cette étiquette pour arriver
à ses fins.
« Jeux de rôle et prise de parole en public. » Voilà l’intitulé du séminaire de
deux jours qui attend Mop et ses collègues en cette mi-décembre. Il est animé par
un comédien professionnel qui a lui-même passé son DUFA au Collège. Mop est
bien installé dans le groupe. Tout le monde à l’air d’attendre ce module avec
71
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 155
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, ibid., p. 156
73
Aldous HUXLEY, Le meilleur des mondes (trad. CASTIER Jules), Paris (F), Editions
Plon, coll. Pocket n° 1438, 1977, 319 p.
74
Aldous HUXLEY, ibid., p. 74
28
72
impatience. Mop sait que l’on attend quelque chose de lui, c’est son élément. Il a
de son côté décidé de jouer un tour durant ces deux jours : faire croire au groupe
qu’il a participé à un exercice alors que c’est faux. Vêtu de sa plus belle chemise
blanche, Mop arrive au Collège, prêt à assister, en tant que stagiaire, à un atelier
de théâtre. Il a hâte de connaître le contenu, de découvrir de nouveaux exercices.
Je passerai ici au lecteur la liste fastidieuse et inutile des jeux et exercices de
théâtre que P****, le formateur, utilisa lors de ces deux journées. Le lecteur
assoiffé de connaissances et désireux d’en savoir plus trouvera dans toute bonne
librairie des guides pratiques à cet usage. Mop est systématiquement le premier à
se lancer dans les exercices, entraînant les autres, servant de moteur autant sur
les exercices de confiance en soi que sur les jeux d’improvisation. Il se fait très
présent durant la première partie de la journée. C’est au milieu de l’après-midi que
P**** lance un nouvel exercice. Tous les participants doivent aller d’un côté de la
salle et figurer l’espace du public. En face d’eux, une table et une chaise
représentent l’espace scénique. Ils doivent, un par un, venir sur scène et parler de
ce qu’ils veulent comme ils le veulent devant les autres. C’est un exercice de prise
de parole en public. Le formateur, une grille de prise de notes à la main, s’installe
au milieu des spectateurs et l’exercice commence. Cinq personnes passent, Mop
est attentif, chacun commente ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu. La journée se termine.
P**** annonce que l’exercice se poursuivra le lendemain, vu le nombre de
stagiaires présents, afin que tout le monde puisse s’y essayer. Mop revient le
lendemain avec une chemise de couleur. Quelques exercices et le groupe repart
sur la prise de parole en public. Tout le monde passe à son tour. Mop n’a pas
bougé de sa chaise. En fin d’après-midi, P**** demande si tout le monde a fait
l’exercice. S’en est suivi l’échange suivant :
P**** : Oui, je pense que tout le monde est passé.
Le groupe : Oui, oui
K**** : Non, Mop il est pas passé je crois !
C**** : Ben si, en premier hier. Si si, il avait une chemise blanche, je m’en
souviens.
P*** : oui, c’est vrai, il est passé !
29
Mop n’a pas bougé de sa chaise de tout l’exercice. Il acquiesce et sort ravi du
séminaire.
Que s’est-il passé ? Comment est-il possible qu’il arrive à faire croire à un
groupe de vingt-quatre personnes qu’il a fait quelque chose qu’il n’a pas fait ?
Serait-il devenu illusionniste ? Que nenni. Mop a tout simplement utilisé un truc
vieux comme le monde : « le conditionnement et l’association »75 comme stratégie
manipulatoire. Combien de messagers antiques n’ont-ils pas vécu cela,
heureusement ou malheureusement, suivant la teneur de la nouvelle qu’ils
apportaient ? Combien de téléspectateurs injurient ou remercient la présentatrice
météo suivant que le temps est au beau ou à la pluie ? Et ils ne sont pourtant pour
rien dans le résultat d’une bataille, ni du temps qu’il fait. Depuis le début de la
formation, tout le monde a fait, de façon naturelle, une association Mop-théâtre.
Quand le séminaire a lieu, tout le groupe aime à penser que Mop est dans son
élément, qu’il se sentira à l’aise et qu’il va pouvoir montrer ses « talents ». Une
deuxième association s’est produite ce jour-là : Mop-chemise blanche. Il était le
seul dans le groupe à en porter une et au milieu des couleurs des autres, sa
chemise était on ne peut plus visible et tranchait d’avec les autres. Voilà en ce qui
concerne l’association. Le fait de commencer « systématiquement » tous les
exercices a sans doute conditionné les autres. C’est ce que semble dire C****
dans le dialogue plus haut. Répéter une même chose, un même acte, une même
façon d’être conditionne. Un canidé des plus fameux ne dirait pas le contraire. Les
publicitaires l’ont tout aussi bien compris quand ils nous matraquent de slogans,
images et autres jingles pour vendre des produits. Le mélange des associations
d’idées et du conditionnement a ainsi permis à la ruse de fonctionner. L’illusion a
marché. Mop n’a pas participé à l’exercice et personne ne s’en est rendu compte.
On affirme même qu’il y est passé en premier, la veille. P****, qui pourtant avait
des grilles de notes et aurait pu ainsi vérifier – bien que cela n’ait aucun intérêt –
P**** donc, a été dupe également. Seul K**** s’est aperçu de la supercherie. Et
quand il a dit que Mop n’est pas passé, il a paru à C**** improbable que Mop,
comédien, avec sa chemise blanche n’ait pas participé à un exercice alors qu’il a
toujours été le premier à se lancer pendant ces deux jours et que c’est quasiment
75
Robert CIALDINI, op. cit., p. 202
30
« dans ses gènes ». Avant de partir, K**** démasqua Mop sur le ton de la
plaisanterie : « Je sais que t’es pas passé ! T’as bien manipulé là ! »
« Quand on vous aime comme ça ! »76
Dans le cadre de leur formation, les stagiaires du Collège doivent organiser
tous ensemble deux jours de séminaire. Le thème, le lieu, les intervenants, tout
est au choix du groupe. Une enveloppe est même à disposition pour les dépenses
éventuelles. Cet exercice de groupe doit être réalisé un peu avant que chacun
parte en stage en entreprise. Bref, il y a un spectacle de fin d’année à préparer et
il va falloir que 24 personnes se mettent d’accord. Plusieurs journées ont été
nécessaires pour cela. Les négociations furent âpres et dès le mois de janvier,
Mop proposa le thème de la procrastination. L’art de remettre au lendemain
comme le dit si bien Perry77. Cela fit bien fait rire ses collègues. Différents thèmes
comme le stress ou le street-art78 étaient également proposés mais personne
n’arrivait vraiment à se mettre d’accord. Il a fallu plusieurs réunions pour que G****
propose un thème fédérateur : « observer la rue : se former autrement ». Voilà qui
fit consensus. La sociologie selon Lévi-Strauss, par l’observation et l’enquête de
rue allait permettre à chacun d’exploiter sa thématique. Mop se retrouva seul avec
la procrastination. J**** lui demanda alors quel était le rapport entre la
procrastination et « observer la rue » ? Mop prenait le sujet très au sérieux : il
tenait à faire cette intervention sur la procrastination et il lui répondit : « c’est la
procrastination ou rien ! »
Six sujets ont été retenus, dont la procrastination. U**** a décidé de
rejoindre Mop et ils se sont mis au travail. La procrastination est un sujet à la
mode depuis quelques années. Plusieurs questions leur viennent à l’esprit : la
procrastination est-elle due à une psychopathologie ? Est-ce culturel ? A-t-elle un
rapport avec l’époque ou les générations ? Peut-elle être considérée comme une
protection face au productivisme et à la vie effrénée de nos sociétés ? Le retour
76
Yvette GUILBERT, Quand on vous aime comme ça, Paul DE KOCK et Yvette
GUILBERT, (2 :35), Heugel, 1927
77
John PERRY, La procrastination. L’art de reporter au lendemain (trad. DENNEHY
Myriam), Paris (F), Editions Autrement, 2012, 137 p.
78
Street-art : art urbain. Traduction de l’auteur.
31
en force de ce mot a-t-il un lien avec la crise ? La multiplication, notamment sur
internet, de « spécialistes, coaches et psychothérapeutes en tout genre » en estelle un signe ? La procrastination n’est-elle pas un élément de la construction de
l’individu ? Et enfin quelle posture d’accompagnement peut-on envisager pour
sortir de la procrastination ? Pour répondre à cela, U**** et Mop ont décidé de
faire intervenir un coach certifié et de réaliser un vidéo-trottoir dans les rues de
P**** afin de récolter des témoignages. Pour ce qui est de la forme, Mop a l’idée
de réaliser leur présentation sous la forme d’un talk-show79 populaire de France. Il
a dans un coin de sa tête le thème qu’il a choisi pour son mémoire de fin d’année :
la manipulation. Les médias de masse utilisent notamment « la stratégie de la
distraction »80 pour manipuler la population. Les coaches, en utilisant la
programmation neurolinguistique (PNL), sont également à même d’utiliser des
méthodes manipulatoires pour faciliter le consentement de salariés à une
restructuration d’entreprise par exemple. Et enfin, le sujet tant à la mode de la
procrastination n’est-il pas également un moyen de manipuler l’opinion afin de
donner un sentiment de culpabilité face à la crise ? Tous les ingrédients étaient
réunis. Il ne restait plus qu’à faire un découpage séquentiel de l’intervention81 et à
réaliser l’interview de personnes dans la rue. Pour ajouter à leur programme, ils
avaient décidé de faire intervenir en direct au cours de leur séminaire trois de
leurs collègues qui répondraient à quelques questions dont ils auraient eu
connaissance au préalable. Ils décidèrent également d’ouvrir un débat avec le
79
« Un débat télévisé (ou « émission-débat » ou « télé-entrevue ») ou un talk-show est
une émission télévisée ou radiodiffusée qui rassemble un groupe de personnes pour
discuter de différents sujets proposés par un animateur. Parfois, il s'agit d'un groupe
d'experts, c'est-à-dire des personnes formées dans une discipline ou ayant une grande
expérience en lien avec le sujet à l'ordre du jour. D'autres fois, un seul invité présente son
travail. Il arrive que des débats télévisés favorisent les échanges avec les auditeurs en
leur permettant de communiquer directement avec le groupe sur place pendant
l'émission. » WIKIPEDIA, mis à jour le 12 juin 2013, consulté le 8 août 2013, URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bat_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9
80
Sylvain TIMSIT, « Les dix stratégies de manipulation de masses », in Pressenza, mis
en ligne le 21 septembre 2010, consulté le 16 janvier 2013, URL :
http://www.pressenza.com/fr/2010/09/les-dix-strategies-de-manipulation-de-masses/
81
Annexe C, pp. 103-106
32
public à la fin. Le jour venu, la présentation de U**** et Mop se « déroule sans
accroc.»82
Au-delà de toutes les manœuvres que Mop a mis en place pour réaliser ce
séminaire avec U**** – la forme télévisuelle, le coach et les fausses réponses
spontanées des invitées entre autres – il a également utilisé une technique de
manipulation afin de faire approuver le thème qu’il souhaitait aborder. Il s’agit là
d’un procédé très simple qui consiste à enfermer son interlocuteur dans une
opposition simpliste qui l’empêche d’imaginer d’autres alternatives : la technique
du « de deux choses l’une. »83 En disant « c’est la procrastination ou rien ! », Mop
ne laisse aucune alternative à ses collègues, malgré le choix apparent, ce qui fait
qu’ils sont dans l’obligation d’accepter la proposition. Ils auraient très bien pu dire
à Mop de ne pas participer, le thème qu’il avait choisi n’étant pas en adéquation
avec le thème principal. Le fait d’être engagés dans une réalisation commune –
« l’effet de gel » décrit plus haut faisant ainsi son effet – empêche les collègues de
Mop de voir d’autres alternatives que celle qu’il propose.
Lors de sa formation au Collège Coopératif, Mop a manipulé et s’est fait
manipuler. En utilisant des techniques simples, comme celle de l’étiquetage, de
l’association d’idées, du conditionnement et de l’opposition simpliste, il a réussi à
se faire élire délégué, à esquiver un exercice et à imposer une idée. Le groupe a
également eu un effet manipulatoire sur lui : les stratégies qu’il a mises en place,
plus ou moins consciemment, ne sont que le résultat des influences qu’il a reçues
du groupe.
82
HANNIBAL, in «The A-Team (L’Agence tous risques) », Rod HOLCOMBS, Frank LUPO
et Stephen J. CANNELL, avec George PEPPARD, Dirk BENEDICT, Mr. T, USA, série
télévisée, 1983, 48 min
83
NAJE (Nous n’abandonnerons Jamais l’Espoir) : Fabienne BRUGEL, Célia
DANIELLOU-MOLINIE, Jean-Paul RAMAT (dir.), Les Bâtisseurs. Théâtre forum, Drancy
(F), ABC’éditions, coll. Spect’auteurs–Les voies du dire, 2013, p. 18
33
Interlude
ous sommes le 15 août 2013 au moment où j’écris ce chapitre. Il y
N
a belle lurette que j’aurai du finir. Lorsque je me suis engagé pour
passer ce diplôme, je me suis donné un mois pour écrire ce
mémoire à partir de la fin des cours : du 28 juin au 1er août. Le mois de juin a été
prolifique pour la structure associative dont je m’occupe : en plus de ces activités
habituelles, elle a employé onze personnes sur la création d’un défilé de carnaval
avec les habitants d’une ville de la région p****. Je suis chargé de l’administration
de cette structure. Je me suis donc mis à accompagner la porteuse du projet tout
au long de sa démarche. Il aura fallu une dizaine de jours pour venir à bout, début
juillet, définitivement des règlements, salaires et tracas administratifs liés à ce
projet. Il a fallu également prévoir la fin de saison avec les différents projets
afférents à cette association, bilans, perspectives etc. Ceci réglé, je pouvais me
lancer « à fond » dans la rédaction de ce mémoire. Mon compagnon avait décidé,
pour ne pas me déranger et être tenté de me distraire, de partir avec des amis
faire quelques sauts de cabri dans les montagnes. Nous devions nous retrouver
début août à l’occasion d’un festival de concerts « best-off », interprétés par des
papis de la musique pop. Mon mémoire, à ce moment-là, devait être rédigé et
passé à la correction. Il n’en était rien. Le festival fut somme toute très agréable.
De retour chez moi, je me remis à travailler sur ce fichu mémoire. La date butoir
de remise des mémoires prévue lors des derniers rendez-vous au Collège
Coopératif était le 15 août. Nous y sommes. Mais pas de panique. Un message de
l’Université, émis sur le forum de la formation, m’indiquait dès le 16 juillet que la
date fatidique était repoussée au 26 août. Ouf ! Il me reste 11 jours. Cependant,
34
un rendez-vous pris pour dans 8 jours raccourci ce délais. Il faut en finir. Mais que
s’est-il passé ?
84
« Une opératrice va vous répondre »85
Je procrastine. La procrastination peut être définie comme la tendance à
remettre au lendemain. Lorsque l’on commence à se pencher sur le sujet, on
trouve énormément de choses sur Internet. Des bons conseils de coaches
certifiés aux sites de psychologie, beaucoup semblent vouloir mettre en évidence
les peurs qui seraient à l’origine de cette pratique : la peur de réussir, la peur de
l’échec, de perdre son indépendance, la peur de l’isolement ou bien le
perfectionnisme, j’en passe et des meilleures. Tous semblent nous dire que la
procrastination est une sorte de déviance, un défaut à corriger de toute urgence.
Seuls quelques philosophes comme Perry, nous parlent de façon positive de cette
pratique. Dans son ouvrage, il donne la part belle au côté irrationnel du
comportement humain et nous parle de son expérience de « procrastinateur
structuré. »86 Il nous montre comment procrastiner permet de gérer la pression
que le monde exerce sur nous. Comme lui, j’ai accompli beaucoup de choses tout
en en négligeant d’autres. J’ai rempli mes devoirs envers la structure associative
tout en négligeant ceux de la formation. J’ai tout fait pour me soustraire à la
84
« mi / sol# sol# sol# fa# mi si / si la sol# sol# sol# fa# mi si / si la sol# la si la sol# fa# ré#
si mi. » Antonio VIVALDI, Allegro, (4 :54) Concerto I pour violon opus 8 Les quatre
saisons, La primavera. Il Cimento dell’ Armonia e dell’ Invenzione, 1er mvt, 4 premières
mesures du 1er violon, Amsterdam (NL), Michel-Charles Le Cène, 1725
85
Bande sonore d’attente téléphonique
86
John PERRY, op. cit., p. 11
35
corvée d’écriture. Lorsque
les obligations que je m’étais donné
envers
l’association furent finies, je me laissais prendre au jeu de la navigation sur
Internet pour éviter d’entrer dans le vif du sujet. Je regardais documentaires en
rediffusion et films divers et variés, épluchais les articles de presse en ligne,
rejoignais mon compagnon plus tôt que prévu, etc. Tout était bon prétexte pour ne
pas m’y coller. Entre deux temps de procrastination, pris de culpabilité, je me
mettais à faire des listes de ce que je devais faire pour ce mémoire. Chaque liste
établie me promettait un lendemain efficace. J’avançais doucement.
Exemple de liste :
1. Faire plan
2. Préparer mise en page
3. Tel D**** pour remorque août
4. image pour la couverture
5. Trouver truc pour que le lecteur ait à manipuler physiquement
6. Bibliographie
7. Faire les courses
8. Transcrire entretien
9. Trouver un super concept de manipulation de la manipulation
10. ….
Maintenant que le temps presse, je m’attèle à la corvée. Il faut que j’aie ce
diplôme ! Mais cela ne m’empêche pas de procrastiner.
Et quel rapport me direz-vous avec notre fil rouge. La « to-do list87 […]
participe d’une stratégie d’auto-manipulation qui nous rendra productif »88 nous dit
Perry dans son ouvrage. Cela n’empêche aucunement la procrastination, mais
donne au procrastinateur le sentiment d’avoir fait quelque chose, d’avoir été
productif et/ou d’être prêt à l’être le lendemain. Le fait de faire des listes de choses
à faire, au jour le jour, n’a rien produit en qualité d’écriture mais m’a permis de me
déculpabiliser face à l’obligation que je me suis donné de rendre ce mémoire.
L’échéance se rapproche, plus que 11 jours. Rien ne m’oblige à écrire ce
mémoire. Il n’est pas une question de survie. L’avoir ou non ne m’empêchera pas
87
88
To-do list : liste des choses à faire. Traduction de l’auteur
John PERRY, op.cit., p. 46
36
de trouver du travail. Au mieux le diplôme facilitera les entrées dans le réseau
professionnel. Si je ne l’ai pas, on ne me coupera pas la tête, ni ne me demandera
le remboursement des salaires qui m’ont été versés au cours de ma formation.
Comme l’ont expliqué les responsables pédagogiques, nous avons la liberté, mes
collègues et moi, de passer ou non ce diplôme. Ils nous y encouragent sans nous
y obliger. Nous avons le choix. La « forme d’adhérence des personnes à leurs
décisions »89 entre ici en jeu. Je me suis trop investi pour pouvoir faire marche
arrière, alors que j’ai la possibilité, le choix, j’irai même jusqu’à dire le droit de
changer d’avis et de ne pas répondre à l’exercice demandé. J’exerce sur moimême des techniques manipulatoires. Je manœuvre, de façon plus ou moins
consciente, mes états d’implication. Je m’oblige moi-même à faire un exercice que
personne d’autre ne m’oblige à faire. Personne ? Pas si sûr, car si je n’ai pas cette
pièce officielle, ce diplôme, aucune certitude que la « caste » des formateurs
m’acceptera à part entière en son sein.
L’écriture de ce mémoire met en évidence des stratagèmes d’automanipulation qui font à mon avis partie intégrante de notre fonctionnement en
société. Si nous ne nous auto-manipulions pas pour réaliser des objectifs, ou pour
les repousser, serions-nous encore libres ? L’auto-manipulation ne serait-elle pas
un processus fondamental qui nous permet de vivre en société, nous
« engageant » dans des habitus de communication avec le reste de nos
congénères ?
89
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 47
37
90
« Sacré Charlemagne »91
L
a société française est depuis la révolution de 1789, basée sur un
système de méritocratie. Fi des privilèges et avantages dus à la
naissance. Grâce à l’institution d’une « éducation nationale », par
l’intermédiaire de l’école républicaine gratuite, laïque et obligatoire, notamment
depuis Jules Ferry, tout un chacun a désormais accès à l’éducation, peut
prétendre à des diplômes d’enseignement supérieur et gravir ainsi l’échelle
sociale.
C’est cette idée même de changement de classe sociale, de progression sur
l’échelle qui a fait la force de cette institution : libérer le peuple du joug de sa
naissance. Cependant, par les contenus des programmes et des livres scolaires
utilisés au fil du temps, on s’aperçoit vite que le « mammouth » reste un objet de
justification du pouvoir en place, d’une façon de penser et de voir le monde.
Prenons par exemple l’histoire. Pour des raisons d’unification du pays, Napoléon
III ressort des placards du temps le personnage de Vercingétorix, Gaulois
mythique qui a résisté jusqu’à la mort à l’envahisseur romain. Qui se souciait de lui
auparavant ? Personne. Autre exemple : la guerre d’Algérie. Ce terme, banni des
ouvrages scolaires pendant des décennies, fait son apparition officiellement
90
Jérôme PLAUD, « Mémoire de bureau », P**** (F), 2012 © Jérôme PLAUD
France GALL, Sacré Charlemagne, G. Liferman et R. Gall, (2 :50) 45 tours/17 cm
France Gall et ses petits amis – 5ème édition, Philips, 1964
38
91
depuis peu. On parlait alors « d’événements ». Il était sans doute hors de question
pour la république d’admettre qu’il y ait pu avoir une guerre sur ce qu’elle
considérait alors comme son territoire.
Les travaux d’Edward Bernays (1891-1995) dans les années trente ont
permis aux Etats démocratiques non seulement de manipuler les opinions, mais
également de permettre l’éducation de la population dans le but d’améliorer son
existence et son cadre de vie. Les campagnes pour l’hygiène, pour le tri des
déchets, pour la réduction de la consommation d’électricité, etc., ont permis
effectivement le recul, voire la disparition de certaines maladies, le recyclage de
matières premières et la réduction de dépenses énergétiques de certains foyers.
Ces méthodes ont été bien entendu utilisées à des fins commerciales par les
entreprises du tabac notamment dans l’entre-deux guerres.
« Théoriquement, chacun se fait son opinion sur les questions publiques et
sur celles qui concernent la vie privée. Dans la pratique, si tous les citoyens
devaient étudier par eux-mêmes l'ensemble des informations abstraites
d'ordre économique, politique et moral en jeu dans le moindre sujet, ils se
rendraient vite compte qu'il leur est impossible d'arriver à quelque conclusion
que ce soit. Nous avons donc volontairement accepté de laisser à un
gouvernement invisible le soin de passer les informations au crible pour
mettre en lumière le problème principal, afin de ramener le choix à des
proportions réalistes. Nous acceptons que nos dirigeants et les organes de
presse dont ils se servent pour toucher le grand public nous désignent les
questions dites d'intérêt général ; nous acceptons qu'un guide moral, un
pasteur, par exemple, ou un essayiste ou simplement une opinion répandue
nous prescrivent un code de conduite social standardisé auquel, la plupart du
temps, nous nous conformons. » 92
Cette longue citation de Bernays nous permet d’entrevoir le principe même
de la manipulation de masse. On parle plus généralement, et pudiquement, de
92
Edward BERNAYS, op. cit., p. 46
39
« communication engageante »93, alliant un discours de persuasion, d’information
et d’engagement.
« Antisocial tu perds ton sang froid ! »94
« Passe ton bac d’abord ». Nombre d’écoliers, tout comme Mop, ont
entendu cette phrase. Elle a même inspiré Pialat pour un film 95. Cette petite
phrase, anodine en apparence, est un paradigme français. Ce pays est connu
pour son affection des diplômes. Sans diplôme, pas d’avenir dans cette société.
Mop, tout comme Cécile96, en bon citoyen issu d’un milieu modeste, a passé son
bac avec l’idée qu’il était la clé pour accéder au monde du travail, du moins d’un
travail correctement payé. Et ainsi, pendant une dizaine d’années, il a, avec sa
compagnie de spectacle, animé des ateliers de création artistique. Tout d’abord
avec des enfants. Il est facile, lorsqu’on est jeune, de travailler avec le jeune
public. Il existe des diplômes d’animation comme le BAFA97, qui permettent de
pratiquer et qui offrent des opportunités de travail et d’évolution dans le milieu de
l’animation. Mais Mop avait décidé d’agir autrement, n’ayant pas la moindre envie
de devenir animateur à temps complet. Il se présentait comme artiste-intervenant.
Après avoir eu l’aval de l’Inspection Académique et du Ministère de la Jeunesse et
des Sports, Mop est intervenu dans nombre d’écoles maternelles, primaires,
centres de loisirs et collèges de la région de P****, se faisant une renommée
locale, notamment grâce aux ateliers publics du Carnaval de P**** qu’il organisait
tous les ans. Il se vit assez vite proposer des ateliers de formation d’adultes
auprès de futurs animateurs ou futurs travailleurs sociaux. Il avait réussi, avec son
bac et son expérience, à obtenir des postes dont l’exigence en diplôme était
supérieure à ce qu’il avait.
93
Jean-François MARMION, « Manipulez qui vous aimez », in Le Cercle Psy, Auxerre (F),
Trimestriel n° 6 sept. /oct. /nov. 2012, p. 62
94
TRUST, Antisocial, Bernie BONVOISIN et N. KRIEF, (5 :10) 45 tours/17 cm éponyme,
CBS, 1980
95
Passe ton bac d’abord, Maurice PIALAT, avec Sabine HAUDEPIN et Philippe
MARLAUD, 1978, France, drame, 86 min.
96
Cf. op. cit ., p. 55
97
BAFA : Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur
40
« Titre professionnel du Ministère chargé de l’emploi »98 Lorsque Mop a pris
la décision de mettre fin temporairement à ses activités artistiques, il s’est décidé
à suivre une formation en tapisserie d’ameublement. Il s’est dit que c’était un
moyen de gagner de l’argent tout en restant dans le monde du spectacle. S’il y a
bien un département tapisserie à la Comédie Française et à l’Opéra, c’est
surement qu’il y a du travail dans d’autres branches du spectacle pour un
tapissier ! Accompagné par la Mission Locale d’Insertion et l’ANPE, il se retrouve
pendant sept mois hors des listes du chômage à apprendre le métier de tapissiergarnisseur dans le centre de la France. C’est au cours de sa formation qu’il apprit
que le titre qu’il allait passer équivaut à un CAP 99. « Bac -3, s’est-il dit, il n’y a pas
de raison pour que je n’ai pas ce diplôme ! » Bien qu’il fût rapide à l’examen
pratique, sa réalisation n’atteignait pas le niveau requis, il le savait. Face au jury –
trois professionnels de la profession – il joua sa carte spectacle et les convint que
ses futurs espoirs n’étaient pas dans l’artisanat mais dans le décor. Il obtint son
titre et le brandit aussitôt pour trouver du travail. Il en eut rapidement, à son grand
étonnement, et conclut un CDI100 avec une entreprise de garnissage de meubles
de standing. Rien à voir avec le spectacle, mais c’était pour lui l’occasion de se
stabiliser géographiquement et financièrement. Une porte vers la sortie de la
galère en somme. L’expérience durera trois ans. L’ennui du travail quotidien en
atelier, l’attitude peu empathique des patrons et la déclaration d’une arthrose
cervicale le firent démissionner. Il se remit en quête de travail et en trouva
rapidement – en plus de ses ateliers de formation – en tant que tapissier
décorateur en événementiel. Il venait de passer trois ans à garnir des canapés
destinés à une clientèle plus qu’aisée, qui renvoie la marchandise au moindre
défaut, et il allait maintenant tendre des toiles de coton sur des cadres en bois
pour des entreprises de renom. Il a également cherché à faire, pendant cette
période, une formation courte en tapisserie, notamment pour apprendre à
98
Ce titre professionnel a été créé par arrêté du 26/07/04 (JO du 05/06/2004) et classé au
niveau et dans le domaine d'activité (code NSF). Il est inscrit au répertoire national des
certifications professionnelles.
99
CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle
100
CDI : Contrat à Durée Indéterminée
41
capitonner101, auprès d’un centre de formation renommé de la capitale. Au
moment du premier entretien, il brandit fièrement son titre et son expérience. Son
interlocutrice lui rétorqua que son « titre » n’avait aucune valeur de niveau ou de
diplôme. Mop était déstabilisé par cette nouvelle. Elle lui lança quelques mots
techniques, il ne sut pas répondre. Il n’avait pas le niveau pour passer cette
spécialisation.
« Diplôme Universitaire de Formation d’Adultes. Bac +3. Si j’ai ce diplôme
et que je l’ajoute à mon bac -3, il me restera un Bac. Mais comme il faut Bac +2
pour aller à Bac +3 et que je peux l’obtenir par validation d’acquis, ça fera : +3 -3
+2 = 2 ! J’aurais alors un Bac +2 » se mit à rire Mop quand il prit la décision de
suivre la formation de formateur au Collège Coopératif de P****. Neuf mois en
dehors des listes de l’intermittence du spectacle à essayer de comprendre les
tenants et les aboutissants du métier de formateur. « Cela me permettra de
développer mon activité de formateur » se dit Mop. Il chercha de l’aide auprès de
sa conseillère à l’emploi, qui fut enthousiaste et lui proposa directement une
formation, tous frais payés, auprès de l’organisme de formation où Mop avait
passé son titre de tapissier-garnisseur. N’ayant aucunement l’envie de revivre la
même chose quant à la valeur du « titre » qu’il voulait obtenir, il choisit d’avoir son
diplôme de formateur à l’Université. Personne au monde ne viendrait dénigrer un
diplôme obtenu à l’Université. C’est un gage de sérieux. Pas sûr de pouvoir suivre
une formation classique, il découvre grâce à B**** 102 la pédagogie active mise en
place par le Collège Coopératif, en lien avec une Université et décide de s’y
inscrire. Pour pouvoir être légitimement un formateur, il faut qu’il ait ce diplôme
pense-t-il. Pour ce faire, il doit écrire un mémoire et le soutenir. L’équipe
pédagogique accompagne et insiste sur la réalisation de ce chef d’œuvre.
Mop a toujours cherché à ne pas rentrer totalement dans la « norme »
sociale. Jamais complètement à côté, mais pas non plus complètement dedans. Il
n’a pas la télévision et préfère démissionner d’un CDI en plein début de crise
économique, plutôt que de subir le management paternaliste de ses patrons. A
101
Capitonner : « Rembourrer (un siège) en piquant d’espace en espace. p. p. adj.
Fauteuil capitonné, cercueil capitonné » Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), op. cit.,
p. 347
102
Cf. ibid., p. 26
42
bientôt quarante ans, il se veut plus aventurier. Il se veut lui-même autodidacte.
Comment se fait-il qu’il passe ces diplômes alors ? Dans un premier temps, avec
le Baccalauréat, Mop a suivi le « code de conduite standardisé »103 prescrit par
l’opinion générale de cette fin de XXe siècle. Avoir son bac assure un boulot. Il
faut dire que l’éducation alors est muée par deux objectifs essentiels : comment
instruire une population pour qu’elle trouve sa place dans l’économie du siècle et
comment éduquer pour que chacun acquière une certaine identité culturelle afin
que les gènes culturels de nos communautés soient transmis ? L’origine même du
mot diplôme est intéressante : « 1
HIST.
Pièce officielle établissant un droit, un
privilège. »104. Son sens a légèrement dévié au XIXe siècle pour devenir « un acte
qui confère et atteste un titre, un grade. »105 Avoir un diplôme, c’est donc justifier
de façon officielle d’un grade dans la société. Le diplôme serait une forme de
graduation de l’échelle sociale française. Une sorte de sésame. « Passe ton bac
d’abord » semble nous suggérer, lorsque l’on est adolescent, que tout est permis
après. Il me fait fortement penser à une sorte de rite républicain, comme la
Communion106 chez les croyants catholiques, de passage de l’enfance à l’âge
adulte, notamment à la façon dont les médias français couvrent tous les ans
l’évènement. Cette manipulation de masse quant à l’obtention du Bac a permis
une augmentation conséquente du nombre de bacheliers
107
en France par
tranche d’âge entre 1964 et aujourd’hui. Elle est une manipulation car elle utilise le
rêve d’ascension sociale d’une partie de la population, sans tenir compte de sa
névrose face à cette ascension, et permet de maintenir une autre partie de la
population dans son statut privilégié. Réussir à l’école, c’est réussir dans la vie,
nous serine l’instruction publique depuis plus de cent ans. Et ceux qui n’ont pas le
Bac ? Il semble qu’ils n’aient pas d’avenir. Pourtant, lorsque Mop a passé son bac,
en 1992, un de ses camarades ne s’est pas présenté à l’examen. Qu’est-il
103
Edward BERNAYS, op. cit., p. 46
Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), op. cit., p. 744
105
Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), ibid., p. 744
106
Communion : cérémonie de réception de l’Eucharistie où chaque communiant fait sa
profession de foi et déclare ainsi appartenir, de son plein gré et en adulte, à la
communauté catholique.
107
Daniel DUVERNEY, Bac général, étude réalisée pour la Société Chimique de France,
mise à jour le 5 novembre 2010, consulté le 13 août 2013, URL :
http://www.societechimiquedefrance.fr/extras/ActionSciences/2%20%20Bac%20g%C3%A9n%C3%A9ral.PDF
43
104
devenu ? Il dirige aujourd’hui une école de cirque et possède son chapiteau.
N’est-ce pas là une réussite sociale ? Nous avons affaire ici à un conditionnement.
Rien ne prouve que sans son bac, Mop ne serait pas parti en A**** faire une
tournée, qu’il n’aurait pas fondé sa première compagnie de spectacle et qu’il ne
serait pas aujourd’hui en train d’écrire un mémoire de DUFA.
Le processus est, je pense, le même pour chaque diplôme que Mop a
passé. Pour la tapisserie, comme pour la formation, le diplôme est ce qui fait que
l’on n’a plus à prouver ce que l’on est supposé savoir. Il permet de se positionner
dans la société. A-t-on besoin d’un diplôme pour former ? Dans certains cas,
notamment en tapisserie d’ameublement, cinq années de vie professionnelle
attestées suffisent pour devenir formateur d’adultes. On voit là que ce sont les
compétences et non pas les diplômes qui comptent. De nos jours, avec
l’incertitude économique qui nous entoure, avoir un diplôme n’est plus forcément
synonyme d’emploi bien payé. Alors comment Mop a-t-il cédé à la tentation du
diplôme ? Pourquoi se laisse-t-il influencer par une société qui réfléchit sur des
schémas du siècle passé ? Je pense que l’on retrouve ici « l’effet de gel » cité plus
haut. Il s’est engagé auprès de lui-même à changer sa vie professionnelle et si
l’on suit la théorie de l’engagement, il va aller jusqu’au bout. Mop, sous l’effet de
l’influence de l’opinion, s’auto-manipule au même titre que je m’auto-manipule en
faisant des listes dans le chapitre précédent. Il s’entraîne lui-même à se persuader
que la voie est là s’il tient à changer de vie. Aura-t-il donc son diplôme pour
autant ? Rien de sûr. En a-t-il réellement besoin ? Qui sait ? Si ce n’est pour la
société, cela peut sans doute le rassurer intérieurement et lui donner une
confiance supplémentaire dans la voie qu’il explore.
« On lâche rien ! »108
N**** est une compagnie de théâtre de l’Opprimé.109 Ils officient un peu
partout en France, et notamment en région p****. Les deux personnes qui dirigent
108
HK et les Saltimbanks, On lâche rien, Kaddour HADDADI, (3 :44) Album : Citoyens du
monde, Coopérative Music, 2011
109
Tous les noms des personnes citées de la Cie N**** ont été changés et remplacés de
façon arbitraire par des noms de personnage du roman épistolaire de M. Pierre
44
cette structure, Mme de Merteuil et M. de Valmont, ont été formés par Augusto
Boal. Ils proposent des formations et des analyses de pratiques par le théâtreforum. Ils montent également des spectacles-forum, sur commande, autour de
thématiques comme l’environnement, l’homosexualité, la violence faite aux
femmes, etc. C’est une compagnie de spectacle militante et engagée. Un de ses
principes fondamentaux est le volontariat des participants. Depuis 15 ans, ils
organisent un projet national autour d’une thématique de politique générale. Cela
permet, une fois par an, aux comédiens de la troupe de se retrouver autour d’un
même projet, sans commanditaire, et de pouvoir ainsi laisser libre cours à leur
créativité. Lorsque Mop est allé faire son stage chez eux, dans le cadre du DUFA
de formateur, il était loin de s’imaginer que le thème de cette année serait la
propagande ! Du pain béni pour lui. Cependant, il décida de ne pas dévoiler le
véritable thème de sa recherche, parlant plutôt d’implication sociale et politique du
théâtre en formation, de peur que l’on ne jette un regard suspicieux sur sa
présence. Après sa rencontre avec Mme de Merteuil, il fut décidé que Mop suivrait
quelques ateliers de formation d’adultes en région p**** et participerait au projet
national jusqu’aux représentations. Mme de Merteuil le mit en garde contre le côté
intrusif que peuvent avoir certaines personnes ayant déjà fait de la mise en scène
dans les processus que sa compagnie met en place. Mop en prit bonne note.
Il décida que son terrain d’étude serait le spectacle national réunissant
une cinquantaine de personnes, professionnels et amateurs confondus, venus de
toute la France. Mop prit la stratégie de l’observation participante, son terrain s’y
prêtant particulièrement bien. Lors de la première rencontre avec le groupe, il fut
présenté en tant que Franck, stagiaire. Merteuil a du mal avec les prénoms. Il se
présenta sous son vrai nom au groupe, ce qui provoqua un rire général.
L’ambiance semblait bonne. Les participants venaient tout juste de recevoir le
texte qu’ils allaient devoir jouer en juin. Il était le fruit de plusieurs mois de
recherches coopératives avec conférences, rencontres, débats et improvisations
sur le sujet de la propagande et de la pensée unique. Différents groupes, animés
par les comédiens de la troupe, se constituèrent et les répétitions commencèrent.
Mop observait les interactions dans le groupe et cherchait des contacts. Très vite,
CHODERLOS DE LACLOS, Les liaisons dangereuses, Op. cit, n’en déplaise aux
protagonistes.
45
on lui proposa un rôle. De l’observation périphérique, il passait à l’observation
active. Il allait participer au même titre que les autres. Au fur et à mesure de son
stage, il fit plus ample connaissance avec Cécile Volanges, travailleuse sociale
très impliquée dans le projet et Mme de Rosemonde, une comédienne
professionnelle de la compagnie, dont Mop suivait quelques ateliers qu’elle
animait en compagnie de M. de Valmont. Il prit la décision de les interviewer à la
fin du projet. Les répétitions se faisaient sur les week-ends et la logistique était
assez conséquente. Il s’agissait de faire venir de gens de toute la France, pour
certains prendre en charge leurs billets de transport, les loger et les nourrir et ce
pendant dix-neuf jours, étalés sur deux mois et demi. Merteuil et Valmont
semblaient rompus à l’exercice : tout se passa au mieux. Mettre en scène
cinquante personnes n’est pas une mince affaire. Monter un texte d’une heure
trente en dix-neuf jours avec cinquante personnes, dont une majorité d’amateurs
peu ou pas exercés à la scène, relève du défi ! Une équipe de professionnels, une
dizaine environ, était chargée de faire répéter des scènes aux comédiens
amateurs, de les faire travailler sur leurs personnages, leur faire comprendre les
enjeux du texte, de proposer une mise en scène possible. Chacun travaille dans
un coin, Mme de Merteuil dirigeant au centre la mise en scène générale. Cette
petite femme menue, habillée de rouge et noir, la cinquantaine, offre une
apparence de « pète-sec cordiale ». Une autorité naturelle et froide se dégage
d’elle au premier abord, accompagnée d’une sincère sympathie. Elle tient son rôle
de leader.
A quelques rares exceptions, tout le monde vient régulièrement, aux
heures prévues et nul ne chôme lors des répétitions. Le Vicomte de Valmont est à
la technique et au décor, il joue également dans le spectacle. C’est une affaire qui
roule. Mop sent que la machine est bien huilée. Il se voit même attribuer deux
ateliers avec des amateurs. Le premier consistait à aider un comédien à
comprendre son personnage, à le situer, à essayer de lui trouver un leitmotiv afin
qu’il reste présent en jeu sur scène, sans oublier de dire son texte. Le second était
de travailler avec un couple qui n’arrivait pas à passer du calme à la panique lors
d’une scène. Dans le premier cas, Mop proposa une lecture analytique du texte, à
savoir repérer les circonstances dans lesquelles parle le personnage, quels sont
ses liens avec les autres, à qui parle-t-il, etc. Dans le second, Mop proposa de
46
travailler sur l’imaginaire personnel des deux acteurs pour les amener à faire
« comme si » au moment de la panique souhaitée par la mise en scène. Mop
passait alors de l’observation active à l’observation totale en devenant membre du
groupe. Il s’impliqua complètement dans le projet, proposant même ses talents de
tapissier pour parfaire le décor. Il avait retrouvé là l’esprit de troupe, qu’il n’avait
plus senti depuis son départ de P****. Le spectacle-forum fut présenté deux fois
dans une salle à M****. Il attira environ huit cents personnes. Un bilan fut fait au
lendemain de la dernière représentation.
Le poisson dans le bocal est un jeu très simple. Tout le monde se met en
cercle, assis sur une chaise. Une personne sur deux avance sa chaise vers le
centre du cercle. C’est le poisson. Ceux qui restent sur place forment le bocal.
Seuls les poissons ont le droit de parler et de réagir à ce qui se dit. Les personnes
qui forment le bocal doivent écouter et ne pas réagir. Chacun s’exprime. On
inverse ensuite les rôles. Des notes de ce qui est dit sont prises. Beaucoup
d’émotions se sont exprimées lors de ce bilan. Bon nombre de personnes ont
pleuré. Suite à cela, Mop s’est engagé à participer au prochain projet national de
la compagnie. Cinq semaines plus tard, il décide d’aller interviewer Mme de
Rosemonde et Cécile Volanges. Son Smartphone en main, il donne rendez-vous à
la première dans un café. Mop dévoile son véritable thème et commence à
enregistrer les réponses de la comédienne professionnelle. Comment est-elle
arrivée au théâtre ? Et pourquoi le théâtre-forum particulièrement ? Depuis quand
anime-t-elle des ateliers ? Que met-elle en place pour que les gens participent ?
Quelle influence pense-t-elle avoir sur les participants ? Puis il alla interroger
Cécile Volanges, sur son histoire avec le théâtre, comment il avait influencé sa vie
et surtout qu’est-ce qui faisait qu’elle venait participer à un projet de la compagnie
N**** ? Autant de question auxquelles elle répondit lors de l’entretien retranscrit en
annexes. Mme de Rosemonde appela Mop quelques jours plus tard pour lui
demander de ne pas utiliser son entrevue pour son mémoire, de peur de
commettre des impairs vis-à-vis de N****. Devant l’ambiguïté du sujet, elle
proposa à Mop d’aller demander directement à Mme de Merteuil ou au Vicomte de
Valmont. Mais ce que cherchait Mop, c’était à comprendre quels processus
manipulatoires sont en jeu pour que la compagnie N**** arrive à drainer cinquante
47
personnes, venant de la France entière, pour faire du théâtre-forum. L’opinion des
organisateurs d’un tel projet ne l’intéressait guère. Il trouva plus intéressant d’avoir
le point de vue des participants, professionnels comme amateurs. Il décida alors
de faire l’impasse sur le témoignage de Mme de Rosemonde.
Dans son entretien avec Mop, on note clairement l’importance du
spectacle vivant dans la vie de Cécile Volanges. Elle commence jeune à faire de
la danse et découvre le théâtre à l’adolescence. « J’aimais bien faire les
spectacles de fin d’année. J’adorais. »110 Dit-elle. Elle s’est impliquée dans le
théâtre jusqu’à écrire des pièces qui seront jouées. Elle a fait la découverte du
théâtre-forum dans le cadre de son travail, lors d’une représentation durant
laquelle elle a participé. Lorsque les comédiens de la compagnie N**** sont
arrivés pour travailler avec les « usagers »111 du secteur de Cécile, ils ont proposé
aux travailleurs sociaux de faire d’abord l’expérience avec eux. Ainsi, ils pourront
plus facilement expliquer le principe du Théâtre de l’Opprimé au public concerné
et mobiliser un nombre suffisant de participants. Cécile sort enthousiaste de
l’expérience, notamment portée par l’aspect militant de cette pratique112. Lorsque
La Présidente de Tourvel, une comédienne de N****, lui propose de venir voir113
ce qu’il se passe au niveau du projet national de la compagnie, Cécile, sans
engagement, décide d’aller y jeter un œil et puis de participer au projet jusqu’au
bout. Qu’est-ce qui a fait que Cécile – amatrice pratiquante de théâtre, mariée,
trois enfants et travailleuse sociale à plein temps – décide de consacrer du temps
– dix-neuf jours de répétitions sans compter la phase préparatoire à cinquante
kilomètres de chez elle – à la réalisation d’un spectacle de théâtre-forum ? Elle
n’est pas seule dans ce cas. Selon Mme de Merteuil, bon nombre de participants
au projet national sont venus par le biais d’ateliers qu’ils avaient pu suivre
auparavant.
Il me semble que nous assistons là à une forme de « pied-dans-laporte ».114 Cécile est déjà dans un processus d’engagement vis-à-vis du théâtre.
Elle est très impliquée dans cette pratique. Je ne reviendrai pas ici sur le
110
Cf. ibid., p. 53
Cf. ibid., p. 61
112
Cf. ibid., p. 64
113
Cf. ibid., p. 65
114
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 97
48
111
processus d’engagement. Le fait de participer une première fois en tant que
spectatrice à du théâtre-forum a agi comme une phase préparatoire. Ce choix
s’est fait en toute liberté et n’a sans doute pas engagé Cécile plus de trois heures :
cela n’a donc pas sensiblement bouleversé son planning habituel. Lorsqu’elle a de
nouveau abordé le théâtre-forum, c’est en le pratiquant de l’intérieur, comme
actrice. C’était dans le cadre de son travail, dura une journée et l’on peut imaginer
que cela ne perturba donc pas non plus son emploi du temps quotidien. Nous
semblons être dans une phase de « comportement préparatoire » – dont nous
parlent Beauvais et Joule dans Le Petit Traité115 – qui va conduire Cécile à
« émettre de nouvelles conduites essentiellement caractérisées par leur coût »116,
notamment ici en matière de temps. Les deux premières approches n’ont pas
engagé, question temps, énormément Cécile. Par contre, en ce qui concerne le
projet national, le coût en temps passé pour le projet a sans aucun doute perturbé
le planning de référence de Cécile, tant du point de vue personnel que
professionnel. C’est peut-être l’effet du « pied-dans-la-porte » qui a fait que Cécile
s’est engagée, au même titre que « Madame O. »117 a fait du militantisme dans le
livre de Beauvois & Joule118. On peut ajouter à l’effet de persévération dans la
pratique du théâtre chez Cécile – « j’y suis, j’y reste »119 –, le sentiment de liberté
qu’offre l’invitation à participer au projet de La Présidente de Tourvel – « viens
voir »120 – et l’affinité politique entre Cécile et N****– « Bon comment on pourrait
faire autrement »121. L’exercice du poisson dans le bocal, où chacun a la liberté de
s’exprimer sur son expérience, est le théâtre de l’explosion des émotions fortes
vécues pendant les représentations et la vie du groupe. Il permet de consolider
l’adhérence de chacun au groupe. C’est d’ailleurs à ce moment-là que Mop s’est
engagé sur le prochain projet national. Faire appel à l’émotionnel est une bonne
technique d’engagement. Il fait fi de la réflexion et ouvre directement l’accès au
subconscient et par « l’effet de gel » de la décision prise, il y a fort à parier que
Mop sera présent sur le futur projet.
115
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 105
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 104
117
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 99
118
Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 97
119
Cf. ibid., p. 61
120
Cf. ibid., p. 65
121
Cf. ibid., p. 64
49
116
La communication engageante manipule l’opinion. Celle-ci nous
influence et peut nous amener jusqu’à l’auto-manipulation. Pour réaliser un projet
militant d’envergure dans le cadre d’un mouvement d’éducation populaire, une
structure associative met en place, consciemment ou non, des processus et des
moyens pour obtenir le consentement de bénévoles à donner du temps à une
démarche artistique militante. Du conditionnement au « pied-dans-la-porte », en
passant par l’utilisation de l’émotion, il semble que les « institutions externes »122
utilisent des techniques manipulatoires pour pouvoir fonctionner et mettre des
systèmes en place.
122
LAPASSADE & LOUREAU, module « Analyse Institutionnelle » du 30 novembre 2012
du Collège Coopératif de P****, animé par le Responsable Pédagogique.
50
123
« Céci-ile »124
omme nous l’avons vu au chapitre précédent, Mop a décidé de
C
faire deux entretiens concernant le spectacle national de la Cie
N*** qui lui sert de terrain d’étude. Mme de Rosemonde ayant pris
la décision de ne pas autoriser notre comédien-formateur d’utiliser cette entrevue
dans son mémoire, il ne restait plus à Mop que celui fait auprès de Cécile
Volanges.
C’est le 4 juillet 2013, en début d’après-midi – cinq semaines après les
représentations du spectacle auquel Cécile et Mop ont participé – que ce dernier
arrive à C****, commune de résidence de la famille Volanges à une cinquantaine
de kilomètres de P****. Après avoir pris des nouvelles de son tendon d’Achille – il
faut spécifier au lecteur que Cécile Volanges s’est faite cette ténotomie au cours
d’une des dernière répétitions – c’est autour d’un café que Mop explique à son
interlocutrice boitillante le thème de son mémoire : les manipulations en formation
d’adultes par le pratiques théâtrales. Surprise par cette thématique, Cécile n’hésite
pas à donner son accord pour être enregistrée. Il sort alors son smart phone HTC
123
Jérôme PLAUD, « Mme de Merteuil », M**** (F), 2013, © Jérôme PLAUD
Claude NOUGARO, « Cécile, ma fille », C. NOUGARO – J. DANTIN, (3:54) 45 tours/
17 cm éponyme, Philips, 1963
51
124
« sensation »125 et commence l’entretien qui durera en tout quarante minutes et
onze secondes.
Mais pourquoi avoir choisi Cécile Volanges pour cet entretien. Mop connaît
bien le milieu des services sociaux pour y avoir travaillé en tant que formateur
dans un IRTS126 et pour avoir participé à un projet d’insertion à l’UAS de L****. De
plus, le fait que Cécile soit mariée et mère de trois enfants semblait apporter à
Mop des arguments en faveur de son enquête, comme nous l’avons vu dans le
chapitre précédent.
J’ai retranscrit les 31 mai et 1er juin cette entrevue grâce au logiciel gratuit
Sonal 127 mis au point par l’Université de Grenoble. Etant sur un format AMR 128, il
m’a fallu le convertir en format MP3129130 puis en format WAV131132 afin qu’il puisse
être exploitable facilement sur Sonal. Le fait que Mop n’ait pas utilisé de micro
externe à son téléphone n’a pas facilité la retranscription de l’entretien. Certains
mots et expressions utilisés par les protagonistes n’ont pu être retranscrits dans
leur intégralité : la mention [Inaudible] apparaît à ces moments-là. Une deuxième
prise a été faite suite à un appel reçu par Cécile.
Entretien avec Cécile Volanges
1re prise133
[Bruits d’installation]
125
Smart phone HTC « sensation », URL : http://www.01net.com/fiche-produit/fichetechnique-9881/smartphones-htc-sensation/
126
IRTS : Institut Régional du Travail Social (ou IRTS) a pour mission d'assurer les
formations professionnelles initiales, continues et supérieures des travailleurs sociaux
127
Sonal V1.7, URL: http://www.sonal-info.com/fr/news/sonal-17-est-en-ligne
128
AMR : format numérique de fichier audio
129
MP3 : format numérique de fichier audio
130
AMR to MP3 converter, URL: http://www.commentcamarche.net/download/telecharger34076386-amr-to-mp3-converter
131
WAV : Format numérique de fichier audio
132
Free Mp3 Wav converter V2.1. URL :
http://www.01net.com/telecharger/windows/Multimedia/encodeurs_et_decodeurs/fiches/3
2608.html
133
Entretien exporté depuis Sonal (v.1.7) le 17/07/2013 à 03 :51 :03
52
Cécile Volanges : Je suis [Cécile]. Je suis maman de 3 enfants, mariée, 42
ans, assistante sociale au Conseil Général.
Mop : D'accord. Comment est-ce que tu as, et à quel moment tu as croisé le
théâtre dans ta vie ?
Cécile Volanges : Alors le théâtre dans ma vie, euh, c'est quelque chose qui
est... que j'ai envie de faire depuis très, très, très longtemps et en fait j'en ai
jamais fait parce que j'étais trop timide. J'avais peur de faire…, euh, de me
retrouver à parler devant tout le monde, à me mettre en scène et tout ça. Donc
du coup, j'l'ai refoulé j'l'ai laissé loin dans ma tête et puis à la place j'ai fait de la
danse. Et puis j'aime bien quand j'faisais d'la danse, c'est que justement le
spectacle qu'on avait en fin d'année qu'on se mettait sur scène et tout ça. Et
puis un jour, euh, comment c'est venu ? Euh, en fait j'ai fait du théâtre...
Mop : C'était de la dance classique ?
Cécile Volanges : Non, modern jazz.
Mop : Modern jazz.
Cécile Volanges : [Rires]
Mop : Ah ben c'est pour savoir hein ! [Rires]
Cécile Volanges : Non, modern jazz. [Silence] J'aimais bien faire les
spectacles de fin d'année. J'adorais. J'avais peur avant, peur pendant et une
heure après, c'était très rigolo. Et le théâtre comment il est venu dans ma vie, le
théâtre ? Attends... parce qu'il faut que je réfléchisse... Ah oui ! J'pensais qu'il
est venu par le biais que, avec un ami on a commencé à écrire une pièce de
théâtre. Puis on connaissait quelqu'un, un metteur en scène qu'avait une
troupe, donc par chez nous. On lui a proposé le…, le théâtre, enfin notre pièce
de théâtre et on a joué dedans. Donc du coup c'est comme ça que j'ai
commencé à faire du théâtre et maintenant je suis dans cette troupe et tous les
ans j'y vais et j'fais, euh, pas toujours c'qu’on a écrit mais, euh, voilà ! C'est
comme ça que le théâtre est arrivé dans ma vie. Et puis après je te dis
comment j'ai rencontré N**** peut-être ?
53
Mop : Euh... Explique moi un petit peu, euh, par rapport au théâtre, qu'est-ce
qui…, où se situent selon toi les manipulations ? Même par rapport à la danse.
Parce que manipuler c'est aussi faire cela, là je manipule une tasse. Tu vois ?
Cécile Volanges : Ouais alors la danse la manipulation, c'est plus par rapport
au corps alors.
Mop : Ouais, alors ?
Cécile Volanges : Comment faire que ton corps arrive à faire c’que tu veux lui
faire faire ? Donc, euh, y’a tout un…, ouais, y’a toute une manipulation d’la prof,
qui…, euh, qui petit à petit t'amène à faire une chorégraphie sur une chanson,
que tu aimes pas toujours, mais que tu sais que c'qu'elle te propose, c'est
quand même vachement sympa d'arriver à faire, justement, d'arriver à faire sur
une chanson que t'aimes pas quelque chose que t'aimes bien, avec ton corps.
Ça…, euh, voilà quand tu parles de manipulation, pour moi la danse ce serait
plus à ce niveau-là et puis par rapport au théâtre, la manipulation...
Mop : Comment est-ce qu'elle te fait accepter de..., comment elle t'amenait te
faire accepter de danser, même si c'est des chorégraphies que tu trouvais
bien ?
Cécile Volanges : Sur cette chanson-là ? Pourquoi ?
Mop : Sur cette chanson-là. Qu'est-ce qu'elle mettait en...
Cécile Volanges : C'était de la démocratie parce qu’on choisissait en groupe
une chanson. Et puis en fait dans un groupe, il y a toujours des gens qui vont
plus s'avancer, enfin, plus dire les choses que d'autres et donc du coup, si ça
venait des plus forts on va dire, si y avait plus de choses à dire et ben on
choisissait plus ce qu'ils avaient proposé que toi qui avait timidement dis :
« Ben tiens [Inaudible]134 ! »
Mop : [Rires] Oui.
Cécile Volanges : [Rires] Et donc du coup quand tu dis rien, parce que moi
c'est plus ça, je disais plutôt rien, donc du coup quand tu dis rien… Et là quand
on te dit : « Tiens, tu feras cette chanson-là » dans ta tête tu fais : « Au merde !
134
[Cécile Volanges] a l’air de parler ici d’un titre de chanson - Note du transcripteur.
54
J'aime pas trop ! » Et puis après tu te dis : « Ouais, en même temps t'as rien
proposé, donc euh... ! »
Mop : Hum !
Cécile Volanges : Donc de toi même, en fait, tu...
Mop : Donc la manipulation elle venait du groupe en fait ?
Cécile Volanges : Plus, ouais ! Plus au niveau du choix de la chanson. Après
par rapport au…, par rapport au..., au..., au..., à la chorégraphie, là en fait t'as
une espèce de hiérarchie qui s'installe qui part du prof et puis le groupe et puis
ben là vraiment t'es dans un apprentissage, donc tu remets pas en question
le..., ce qu'on te propose, parce que..., enfin, tu remets pas en question. Euh...,
ouais..., non..., si, on peut le dire comme ça. C'est elle, la chorégraphe, qui
grâce à une..., grâce à une..., grâce à sa formation de prof et en entendant la
musique, a des idées pour faire. Du coup, tu suis, tu vois ?
Mop : D'accord, c'est par sa position de prof qu’en fait tu…, tu consens, de
façon toute à fait naturelle, comme par exemple, tu acceptes, euh, à l'école que
le prof soit à cette place là et te dispense son savoir, hein ?
Cécile Volanges : Ben ouais, pis moi j'ai été élevé dans ce truc-là. Le prof a
toujours raison.
Mop : Oui, d'accord.
Cécile Volanges : Donc, du coup j'ai été élevée toujours dans ce truc là et
quand j'ai commencé la danse j'étais en seconde, ouais, donc j'étais au lycée
ou au collège je sais plus. Mais donc du coup…, ouais, j'étais déjà formatée
comme ça aussi.
Mop : Hum.
Cécile Volanges : Et ça continuait en fait.
Mop : D'accord.
Cécile Volanges : Et puis en plus, ils proposaient qu'on me guide, moi ça me
plaisait, tu vois ?
Mop : Ouais.
55
Cécile Volanges : Ya peut-être des mouvements que j'aimais pas, mais dans
un ensemble en fait, ça me…, ça me convenais. Je trouvais ça beau, joli et
c'était qu'une saison à faire donc du coup j'adhérais d'autant plus. Et puis la
prof elle était super sympa, plein d'humour, en bref, ça aussi ça compte je
trouve.
Mop : D'accord.
Cécile Volanges : Parce qu'après y'a le côté aussi affectif qui compte. Je
trouve. Quand t'aimes pas un prof, euh, tu bosses pas.
Mop : Ouais.
Cécile Volanges : [inaudible]
Mop : Ça marche pour tout !
Cécile Volanges : Pour la... pour revenir sur le théâtre en fait, c'est pas comme
ça que le théâtre est venu à moi, non ! Le théâtre est venu à moi, je viens de
m’en rappeler, tu vois comme quoi des fois, par la chanson ! Parce que j'adore
chanter. Et je fredonne tout le temps au boulot et tout ça je chante souvent.
Beaucoup moins maintenant mais des fois beaucoup, et j'ai une collègue qui
me dit : « Ah ben tiens tu devrais venir, y'a une association qui vient de se
monter à tel endroit, euh, on fait, euh, on fait de la mus... enfin on chante des
chansons, machin et tout », j'fais : « Oh pourquoi pas ! » Donc j'y suis allé
comme ça. J'vais donc me faire effectivement une idée des chansons qui se
faisaient. Donc, la première année voilà j'y suis allé comme ça. Alors c'était
comme si je chantais devant tout le monde pour voir quelle voix j'allais avoir,
c'était l'horreur [inspiration] mais bon je l'ai fait ! Et, euh, [Inaudible], des fois t'as
un spectacle de fin d'année donc cette année-là je l'ai pas faite parce qu'ils
avaient des dates en avril et moi j'étais pas là. En même temps je pense que ça
m'a..., ça m'a..., ça m'arrangeait bien. Et j'ai fait les autres spectacles derrière.
Les autres spectacles derrière qu'étaient proposés, c'était plus un mélange.
Donc y'avait des chansons de la danse, et, y’a eu du théâtre. Donc c'est
comme ça en fait que c'est venu. Moi la première année j'ai pas fait, j'étais pas
dans les [Inaudible], c'était un grand-père avec sa p'tite fille. Donc, euh, voilà
c'était juste des personnages et puis c'était une façon de présenter…, de
56
présenter les chansons qu'allaient arriver etc. Et donc le…, ce spectacle-là, je
l'ai fait en tant que chanteuse mais le spectacle d'après j'lai plus fait en
chanteuse mais là en tant que comédienne. J'avais un rôle, machin, qui
faisait…, c'était des petites saynètes en fait entre deux chansons, machin et
tout. Voilà, c'est comme ça que le théâtre...
Mop : D'accord.
Cécile Volanges : Et après il y a eu l'écriture et, euh, l’écriture de la pièce de
théâtre.
Mop : Justement, par rapport à l'écriture, comment tu..., tu..., t'es auteur, donc,
en fait !? Ou co-auteur de..., de pièces ?
Cécile Volanges : Ou co-auteuse.
Mop : Ou co-auteuse ! [Rire] co-auteureuh !
Cécile Volanges : Ou co-autrice. [Rires]
Mop : C'est co-auteure je crois. [Rires] Et comment tu... Déjà, première
question, est-ce que tu as joué des textes qui n'étaient pas de toi, avant de...
Cécile Volanges : Avant d'écrire ?
Mop : Oui, avant d'écrire.
Cécile Volanges : Oui, dans ces petites saynètes là, c'était pas de moi ça, oui.
Mop : D'accord. Comment tu sentais le travail par rapport au texte, des mots
qui ne sont pas de toi, euh, comment tu te les appropries, comment t'as
consenti à les apprendre, à le redire, tu vois ?
Cécile Volanges : Ouais.
Mop : Tu vois ce que je veux dire ?
Cécile Volanges : Ouais ?
Mop : C'est pas forcément très clair, mais, euh...
Cécile Volanges : Alors attend, j'essaie de me rappeler. En fait, euh, moi ce
que j'aime dans le théâtre c'est de..., d'être quelqu'un d'autre que moi,
d’accord ?! A partir du moment où j'ai un personnage, à la limite tu peux me
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donner tous les mots que tu veux, tu vois, j'vais, euh, pour entrer dans mon
personnage, tant que je trouve que c'est cohérent dans le personnage que je
dois jouer, euh, voilà j'vais, euh [inaudible] et j'vais mettre le plus possible dans
le personnage que j'dois interpréter, et voilà des mots vont sortir pour le
personnage que je dois faire, voilà.
Mop : D'accord. Et donc après en tant qu'auteure, euh, est-ce que tu as eu un
moment le sentiment qu'en écrivant t'allais manipuler un petit peu les gens ?
Cécile Volanges : Alors pas du tout ! [Rires]
Mop : Pas du tout ? Mais...
Cécile Volanges : Non ! La première fois que j'ai écrit un texte, c'était, euh,
c'était le personnage que j'ai joué l'année d'avant, et en fait on refaisait le même
spectacle. Mais du coup j'ai commencé un peu à écrire ce personnage que déjà
j'connaissais. Je savais qui j'étais, j'connaissais le personnage d’à côté etc.
Donc, euh, j'avais envie, euh, de mettre des trucs à moi dedans, euh, pas de le
sens de manipuler, mais... J'avais pas cette impression-là tu vois. Mais en
même temps, euh, j'avais envie de dire quelque chose, j'avais envie de faire
dire quelque chose à ce personnage que je connaissais. Je savais très bien qui
c'était, j'la connaissais bien et j'avais envie de la faire évoluer comme moi je la
voyais. Donc là, on peut dire que ça c'est une forme de manipulation. Parce
qu'en fait, euh, j’ai un peu imposé au groupe, parce que là on était plus un
groupe, on était plusieurs, et on s'est dit chacun fait ce qu'il veut de son côté.
Donc, euh, j'ai imposé au groupe une p'tite chose que j'avais envie de donner
et, euh, et du coup ça a fait beaucoup de jalousies et d'envies et donc ça…, ça
a été un moment très difficile à vivre parce que, euh, j'étais confrontée en fait à
la jalousie et l'envie que je ne connaissais pas. Bah oui, quand t'es gamin bien
sûr. Moi c'est quelque chose de super fort, c'est, j'en ai chialé hein ! Parque…,
parce qu'on…, on…, enfin c'était méchant quoi voilà c’était l'air de dire : « Ben
oui, non mais, là, elle a commencé à écrire, elle se prend pas pour d'la merde,
machin, etc. » Enfin voilà, c'était, euh, affreux. Donc voilà. Ma mauvaise
expérience mais en même temps j'ai été jusqu'au bout, j'ai joué le personnage
et tout, euh. Voilà et puis là j'ai commencé coopérer avec un ami qui a un côté
plus humoristique, que c'était du théâtre un peu plus…, enfin, côté
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humoristique, plus boulevard tu vois, ces p'tites saynètes là, et du coup j'ai
commencé à collaborer avec lui, parce que lui il apportait le côté un peu
marrant que j'arrivais pas forcément à trouver dans l'écriture. Voilà. Parce que
moi c'était très, euh, enfin, tu vois quoi.
Mop : Ouais.
Cécile Volanges : Le personnage avait envie d'é..., de l'faire évoluer mais
y'avait pas le côté, euh, y'avait ce que j'avais écrit, il trouvait des trucs marrants
et j'étais là : « Oh ouais, oh nan, c'est génial quoi ! », enfin tu vois quoi ! Voilà,
la coopération elle a commencé là. Je me suis séparée de ce groupe, euh, qui
était très, euh, ouais on peut dire méchant, ça..., c'est pas... « Bébé » quand on
dit...
Mop : [Rires] Ça ne fait pas du tout « bébé ».
Cécile Volanges : Ils ont été très méchants [Rires]
Mop : Ouh les méchants ! [Rires]
Cécile Volanges : Voilà, ça a été vraiment une confrontation, euh, violente
avec les autres qui fait quand tu vis dans la créativité tu…, enfin, j'ai remarqué
moi, tu crées des..., tu crées des envies, des jalousies de la part des autres qui
font pas forcément ou qui pensent qu'ils sont meilleurs que toi et finalement tu
leur en bouche un trou [inaudible]. Voilà ! [Rires] Donc voilà, ça c'est aussi une
forme de manipulation. En apportant un écrit, là tu fais…, enfin moi j'ai fait
passer des messages en disant : « Ben tiens regarde mémère, j'y arrive ! »
[Rires]. J'leur ai pas dit que j'étais en colère, mais bon après [inaudible], mais
ça a été une sorte de vengeance aussi quelque part de cette méchanceté que
j'ai reçu en disant : « Ben attends merde ! Regarde ce que j'ai écrit moi quand
même ! ». Tu vois ?
Mop : Ouais.
Cécile Volanges : Donc oui, un peu manipulatrice, face, en fait, à la
méchanceté, la jalousie et les envieuses, les personnes envieuses. C'était
vraiment une révolution !
Mop : C'était, d'un seul coup, c'était un challenge ?
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Cécile Volanges : Ah ouais, c'était même il fallait que j'y arrive quoi attend,
euh, c'est con de me dire ça ! Quoi !
Mop : Ouais, ouais.
Cécile Volanges : Non ça m'a fait super mal. Du coup il fallait que je réagisse
pour, euh, pour moi.
Mop : Après tu as quitté, euh.
Cécile Volanges : J'ai quitté cette compagnie, euh. Dans cette compagnie
j'avais aussi, euh, commencé à faire des chorégraphies, parce que comme
j'avais fait beaucoup de danse et pis qu'ils avaient commencé à mettre de la
dance, euh, et que ils s'étaient disputés avec l'autre personne d’avant. Donc du
coup j'avais commencé…, donc j'avais repris derrière. J'avais à cœur…, bon
c'est pareil c'était le même système, euh, j'avais à cœur…, en fait ce qui était
important pour moi, c'était de..., dans toutes les chorégraphies que je reprenais,
je reprenais toujours un geste de l'ancienne chorégraphie. C'était une façon de
leur dire : « Vous vous êtes débarrassé d'elle, » manipulation là aussi, « Vous
vous êtes débarrassé d'elle de façon très, euh, violente » tu vois, « Ben moi
j'vais faire un p'tit rappel. » En hommage aussi pour elle et puis aussi pour dire :
« Ben y’a pas de raison ! Parce que c'qu'elle a fait c'était pas que de la merde
contrairement à ce que vous dîtes. » Ben voilà ! C'est de la manipulation ça
aussi, hein ? Ya des choses comme ça qui pour moi passent pas et donc j'ai…,
j'ai à mon sens fait un meilleur spectacle mais sans aucune prétention quand
j’dis ça, parce que c'que j'faisais dans l'autre spectacle chorégraphique c'était
trop mou, c'était trop de temps morts, tu vois et c'qu'est beau dans la danse
c'est justement qu'ça coule tout le temps, ça bouge dans tous les sens, que...
Moi c'est comme ça que j'le vois du coup, euh, j'avais à cœur de créer quelque
chose : « Mais je..., j'suis folle de faire ça, c'est trop dur ». Et donc après ça je
suis partie, euh, parce que bon, y'avait beaucoup de jalousie, c'était très
compliqué et, euh, notamment avec une personne qui, euh, tu marqueras pas
tout c'que j'te dis hein ?! [Rires] [...] Bref, pour me protéger j'suis donc partie.
Pour m'occuper aussi de mes enfants qui avaient des soucis, je suis partie.
Enfin voilà, plusieurs raisons. J'suis partie et puis…, et puis j'suis partie dans
autre chose dans, euh, donc, avec cette personne qu'j'avais commencé à
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collaborer, ben on a commencé à se dire : « Ben pourquoi on n’écrirait pas ? »
Et on s'est retrouvé à trois à écrire notre première pièce de théâtre. De
boulevard hein ! Ça, euh, voilà, sans, ça me dérange pas de l'dire quoi !
Mop : Oui, ben non, c'est pas [inaudible]… Oui, c'est un exercice très difficile !
Cécile Volanges : Ouais, et là on en est à notre troisième, donc c'est qu'j'me
dis qu'ça marche...
Mop : Ouais.
Cécile Volanges : ... Plutôt pas mal, et y'a un truc que j'ai vraiment aimé
quand, euh, c'était la première pièce qu'on avait faite, un personne que je
connaissais pas qui vient me voir en m'disant : « Merci, vous m'avez fait rire et
ça m'a fait oublier mes soucis pour quelques temps. » Voilà, moi j'me dis faire
du théâtre de boulevard, faire rire les gens, ben c'est ça aussi quoi ! D'avoir
touché une personne qui…, qui va pas forcément au théâtre et... [Inaudible]
Mop : Bon super ! Alors comment tu as rencontré N**** ?
Cécile Volanges : Alors N****, je l'ai rencontré par le biais de mon travail. Euh,
j'ai discuté avec l’animatrice. Elle avait envie de..., de mettre en place une
action, tout ça, on voulait faire des actions collectives machin etc. Mais enfin on
n’est pas toujours formé à ça hein, maintenant plus avec les nouveaux
diplômes mais à l'époque pas du tout. Mais en même temps moi j'aime
beaucoup justement ces actions collectives. J'trouve que c'est une autre façon
de s'rencontrer c'qu'on appelle entre guillemets, tu connais ce mot :
« usagers ». J'le dis juste mais moi je dis plutôt les personnes que j'rencontre.
Voilà.
Mop : Ouais.
Cécile Volanges : Et je trouve que c'est intéressant de faire des actions
collectives avec toutes ces personnes qui viennent te voir pour des problèmes
perso, la plupart du temps, euh, de faire quelque chose de collectif pour, euh,
les rencontrer autrement. Donc voilà, je…, j'ai toujours une écoute sur les
actions collectives que propose l'animatrice, euh, j'adhère ou j'adhère pas. Et
pis on a parlé d'théâtre, tout d'suite ça a été : « Ouais, fais c'que tu veux,
j'viendrai ! » Voilà, parce que voilà, dès que c'est le théâtre, maintenant, en fait
61
c'est vraiment devenue une chose que je…, enfin, une passion. J'adore ça. J'ai
toujours aimé en fait. Ça y est maintenant que j'y suis j'y reste !
Mop : Ouais. [Rire]
Cécile Volanges : Elle a dit que c'était par le biais du théâtre, euh : « Ok, pas
de soucis, si…, théâtre-forum j'sais pas c'que c'est, euh, allons-y ! » Tu vois je
connaissais pas du tout le théâtre-forum, mais du tout ! Mais en fait je me suis
rendue compte que j'avais déjà part..., enfin déjà vu du théâtre-forum à un autre
moment, et que…, avec une autre compagnie, en fait. Quand elle m'a dit
théâtre-forum : « Ben oui, j'connais, j'ai déjà été voir une autre compagnie qui
faisait du théâtre-forum pour, euh, pour les partenaires, euh, par rapport à la
maltraitance des personnes âgées en institution. » Donc ils font leur..., ils font
leur théâtre et tout, et pis après ben ils font leur forum machin. Pis bon ben
comme moi, euh, qui hésite pas à parler devant tout le monde et qu'il faut
toujours que j'la ramène, parce que quand j'ai quelque chose à dire faut qu'j'le
dise c'est plus fort que moi ! Même si je savais qu'la conséquence c'était de
montrer sur scène et..., t'as beau l'savoir que la conséquence c'est ça, mais
voilà moi j'ai un truc à dire j'le dis, donc j'me..., c'est à dire, un truc, je sais plus
quoi : « Ben vous venez jouer » Aaaah ! Et là, euh, j'suis devenue rouge et une
collègue qui dit : « Allez vas-y et tout, c'est une bonne idée ! » Et puis ben voilà
j'y suis allé et, euh, voilà j'me suis retrouvée à remonter sur scène et en fait j'me
rends compte que j'adore ça malgré ma timidité. Donc voilà, j'ai fait mon
machin. Quand elle m'a expliqué ce qu'était le théâtre-forum, j'ai dit : « Ouais,
j'connais, j'trouve ça sympa, allons-y ! » Donc l'idée c'était, euh, l'idée du
théâtre-forum c'était, euh, attend, euh, les personnes qui sont seules avec des
enfants, comment faire pour trouver un emploi ? C'était un truc de ce style-là.
Donc y avait cette idée-là. Et donc c'était forcément pour les femmes du
RSA135 ! Et ce que je ne supporte pas, c'est…, et ça c'est aussi une forme de
135
RSA : « […] [R]evenu de [S]olidarité [A]ctive […], qui a remplacé le RMI (Revenu
Minimum d’Insertion), est une prestation destinée à assurer à des personnes sans
ressource ou disposant de faibles ressources un niveau minimum de revenu variable
selon la composition de leur foyer. Le RSA est ouvert, sous certaines conditions, aux
personnes âgées d’au moins 25 ans et aux personnes âgées de 18 à 25 ans si elles sont
parents isolés ou si elles justifient d’une certaine durée d’activité professionnelle. »
Source : http://vosdroits.service-public.fr/N19775.xhtml
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manipulation, c'est qu'on nous demande de faire des listes. « Qui vous verriez
dans ce théâtre-forum ? » J'dis : « Mais non ! Pourquoi on déciderait nous de
qui va le faire ? J'veux dire, de quel droit on va décider de faire une liste. »
J'dis : « Tout bénéficière du RSA, toutes les personnes qui ont des enfants
et…, toutes les personnes qui ont des enfants et sont ressources faibles ou
pas. » Et hop, ma liste je l'ai faite comme ça en fait. Et on en a beaucoup
discuté avec les collègues pour justement essayer de faire tout ce travail. Parce
qu'on voulait justement pas entrer dans leur manipulation à eux. [Rire] On parle
de manipulation, de faire une liste de ce que nous on sentait en disant : « Ben
oui, celle -là elle peut, celle-là elle peut pas, celle-là j'la vois, celle-là j'la vois
pas. » Enfin voilà ça, c'était pas…, c'était pas possible pour…, pour moi et pour
mes autres collègues on..., on était deux à penser ça et on a réussi à bien faire
comprendre aux autres que c'était mieux de c’qu'on dit. [Rire] Manipulation là
aussi ! En tout cas ça a marché et puis aussi ce qui était intéressant c'est que,
c'qu'on disait aux gens c'est…, parce que le mieux c'est que tu parles de
théâtre aux gens, tout de suite : « Ben non euh, j'fais pas ! » C'est comment on
l'a amené, justement, euh, pour amener ces gens à..., à adhérer à ce projet,
euh, on a fait nous une journée justement de..., d'être, enfin on nous a
demandé comme formateur, en tant que formateur, enfin j'sais pas comment on
dit, en tant que travailleurs sociaux, on nous a demandé de faire une journée
avec N****. Donc ils venaient pour nous faire découvrir le théâtre-forum. Donc
nous expliquer comment une journée…, et puis pratiquer. Voilà ! Donc le fait de
le faire c'est beaucoup plus…, j'me suis rendue compte que c'est beaucoup
plus facile d'expliquer à..., aux personnes, quand toi-même tu l'as fait.
Mop : Hum.
Cécile Volanges : Déjà ! Et ce qui est vraiment intéressant c'est qu'on disait
qu'il n'y avait aucune obligation parce qu'on avait l'impression là-haut qu'ils
voulaient qu'on mette une obligation, tu sais dans le cadre du RSA, t'es obligé
de... machin. Donc nous…, j'étais pas pour que ce soit obligatoire. Ça a été très
compliqué, tout le monde n'a pas réussi, nous on a réussi alors tant mieux.
Euh, c'était pas obligatoire mais ce qu'on leur demandait c'est d'venir faire un
essai. En disant : « Ben nous on a fait l'essai, faîtes et voyez si ça vous plait. Si
ça vous plait, vous continuez, si ça vous..., si vous le sentez pas, ça vous plait
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pas, vous le faites pas. » Et ça, c'est un truc qu'on a été obligé de défendre
auprès de nos supérieurs pour imposer ça. Parce qu'ils voulaient pas. Et que
nous ça nous semblait important qu'ils choisissent. Que ce soit pas parce que
tu es obligé, parce que t'es dans le système du RSA, de le faire. Ça veut dire
que toutes les personnes qui ont fait ça ont choisi. Je sais pas si on peut dire
choisir, parce que..., si ils ont choisi... si ils ont choisi de continuer l'aventure.
Voilà !
Mop : D'accord.
Cécile Volanges : C'était quoi ta question ?
Mop : Et comment tu as rencontré N**** [Inaudible] Qu'est-ce qui a fait que tu
as adhérer, d'après toi, à cette forme de théâtre particulière ?
Cécile Volanges : Ah ouais, je sais. Mon côté revendicateur. Mon côté de
pouvoir dire, euh : « Ouais j'y crois encore ! » On peut faire autrement, la vie
c'est pas comme-ci comme ça, euh, oui ça s'passe mal des fois mais alors le
fait de dire : « Bon comment on pourrait faire autrement ? Ah ouais, c'est une
super idée, euh, réfléchissons ensemble de comment on va pouvoir faire
autrement. » Ça, ça c'est le truc qui m'attire.
Mop : D'accord. Donc pour résumer, euh, ça représente quoi le théâtre-forum
pour toi ? Si tu devais faire un résumé de c'est quoi le théâtre-forum pour toi ?
Juste pour toi.
Cécile Volanges : Alors pour moi c’est le côté, euh, ouais c'est mon côté…,
c'est mon côté rebelle, euh, pas d'accord sur ce qui se passe dans la société, et
pouvoir le dire avec, euh, sans agressivité. Pouvoir le dire en démontrant
pourquoi, euh, pourquoi c'est pas une bonne chose, enfin, je sais pas si j'suis
claire là.
Mop : Si, très claire.
Cécile Volanges : Ça va ?
Mop : T'inquiète pas, très claire.
Cécile Volanges : C'est pas évident hein ?
Mop : Oui, c'est pas évident.
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Cécile Volanges : Ouais mais y'en a marre ! [Rire]
Mop : Marre ?
Cécile Volanges : Ouais mais j'aime bien réfléchir dans ce sens-là.
Mop : Mais c'est parce que c'est pas [inaudible], donc pour toi en fait c'est un
espace de liberté revendicative où tu peux dire ce que tu as envie de dire sans
te sentir agressive vis-à-vis des gens à qui tu as besoin de le dire ?
Cécile Volanges : Voilà, et sans l'imposer aux autres. Et en passant en, plus
par l'humour. Parce que j'adore dans le théâtre-forum et j'm'en suis rendue
compte en faisant le projet national, beaucoup plus que ce qu'on avait fait, euh,
avec N**** au niveau du boulot, c'est qu'il y'a vachement d'humour, et moi, euh,
l'humour pour moi c'est quelque chose de primordial de la communication.
Voilà.
Mop : D'accord. Donc voilà ma prochaine question : comment en es-tu venu à
faire le projet « [Les démolisseurs] » ?
Cécile Volanges : Euh
Mop : Est-ce que tu avais déjà fait un projet avec eux avant ?
Cécile Volanges : Jamais !
Mop : C'est le premier projet national auquel tu participes ?
Cécile Volanges : Oui, je savais même pas que ça existait en fait, ben c'est [La
Présidente de Tourvel] qui m'a proposée, elle m'a dit : « Ben tu sais, on fait du
projet national qu'on fait sur [P****], euh, viens voir ! » Euh, j'me suis dit : « Ben
ouais, j'vais aller voir » et puis moi j'aime bien les nouvelles rencontres, j'aime
bien rencontrer plein d'autres personnes et, euh, et elle m'a dit « Voilà, les gens
viennent de partout, euh, c'est de diff..., enfin..., tous de milieux différents. On
est tous autour d'un projet » et j'aimais bien c’t’idée ? En fait de venir de
partout, d'être tous différent et de travailler dans un projet en commun. Et j'me
suis dit : « J'vais aller voir ! » Sans m'dire si je..., j'ai dit à [La présidente de
Tourvel] : « Ben ouais, pourquoi pas, j'vais venir voir. » Mais je savais pas
encore si j'allais suivre ou pas. Et puis en fait, euh, voilà, j'l’ai fait.
Mop : Tu l'as fait.
65
Cécile Volanges : Et j'ai adoré !
Mop : T'as adoré.
Cécile Volanges : Ah ouais mais c'est un peu ce que j'ai un peu dit dans le,
dans la conclus... tu sais quand on a fait le bilan ?
Mop : Ouais
Cécile Volanges : Moi ce qui m'a vraiment touché c'est cette solidarité. J'ai été
touchée par ça. Euh, même quand j'en parle, j'ai encore de l'émotion. Tu vois
parce que vraiment, euh, travailler dans le social et parler tout le temps de
solidarité et voir que ça n'existe pas et plus tu en parles moins c'est là. Euh, là
j'ai vu, on en parle pas, mais j'l’ai vu, tu vois, j'l’ai vue physiquement cette
solidarité, j'l'ai vue. Ah ! Ben c'est ça la solidarité ! Tu vois quoi, et ouais, ça m'a
vraiment touché et au plus profond de mon cœur et ouais c'est ça qui me...,
euh, qui m'a dit : « Faut continuer parce que c'est intéressant c'qui se passe. »
C’est un truc qui, qui t'a porté, qui..., qui... que..., tu peux aussi apporter des
choses aux autres et puis en plus tu peux t'occuper de choses.
Mop : Alors quelle influence a sur toi le fait d'avoir pratiqué comme ça pendant
plusieurs mois sur une longue période du théâtre-forum ? Tu étais là au début
du projet ? Sur les 10 conférences, tout ça, tous les..., tout le... Quelle influence
ça a eu sur ta vie ? Sur toi, sur ta vie, sur ton quotidien, sur ton travail peut-être,
tu vois ? Enfin euh...
Cécile Volanges : Ouais alors, euh, déjà sur moi ça m'a appris beaucoup de
choses. Toutes les conférences, hein, j'découvrais [inaudible] et j'avais beau
connaître tout ça dans mes études, euh, là, euh : « Ah ouais, ah d'accord ça
marche comme ça ! » Et puis voilà, j'ai appris plein de trucs, c'est génial au
niveau de..., j'connaissais pas, enfin la SCOP136 et tout ça, y’a plein de truc que
je connaissais pas, euh, et donc j'ai appris plein de choses. Et ça j'adore. J'ai
136
SCOP : « Les Scop, Sociétés coopératives et participatives, désignent les entreprises
à statut Scop (Société coopérative [ouvrière] de production) et à statut Scic (Société
coopérative d’intérêt collectif). Soumises à l’impératif de profitabilité comme toute
entreprise, elles bénéficient d’une gouvernance démocratique et d’une répartition des
résultats prioritairement affectée à la pérennité des emplois et du projet d’entreprise. »
Source : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/qu-est-ce-qu-une-scop.html
66
adoré les conférences pour ça. J'ai adoré aussi les conférences parce que en
fait c'était pas, euh, on apprend… [Le téléphone sonne] attend excuses moi...
Mop : Vassy, on va faire une pause.
Fin de la 1re prise
2e prise137
Mop : C'était les influences. En quoi le...
Cécile Volanges : On est sur les apprentissages, c'est ça ?
Mop : Là tu as parlé d'apprentissages, on est sur les influ... En quoi ça a
influencé ta vie, ton quotidien, tes relations professionnelles, [inaudible] ? Voilà.
Cécile Volanges : Je vais essayer de répondre à ça. Ce que j'étais en train de
dire avant de couper, c'est que ce que j'avais bien aimé aussi dans ces
conférences c'est qu'il y avait, y avait pas le prof et les élèves. Tu vois, parce
moi, c'que j'te disais tout à l'heure, j'étais un peu dans cette configuration et j'me
rends compte le fait qu'ils sont super accessibles et qu'on soit tous au même
niveau, avec chacun ses compétences, voilà, ça moi j'ai aimé. C'est une façon
de..., de..., d'apprendre... [Mop rapproche le téléphone de [Cécile Volanges]
T'as peur que ce soit pas assez fort ?
Mop : Oui, oui [inaudible] [Rires] Non, non, c'est bon. [Inaudible]
Cécile Volanges : Après, euh, en fait c'est un peu compliqué ta question. Euh.
Donc ça m'a permis d'ouvrir, euh, d'ouvrir, euh, mon regard sur le monde. Voilà.
De me rendre compte en fait il y avait pleins d'injustices dans le monde, bon je
le savais, mais, euh, là avec ces conférences, et d'autant plus c'qu'on a fait sur
la manipula..., sur, euh, la propagande. Du coup ça, ça m’a permis de me
rendre compte que, euh, ben oui, euh, c'est tous les jours comme ça quoi,
donc, euh. Voilà. Euh, j'sais plus trop comment expliquer parce que c'est un
137
Entretien exporté depuis Sonal (v.1.7) le 18/07/2013 à 23 :17 :43
67
peu compliqué. Mais du coup, euh, j'me suis retrouvée à être plus dans, euh,
dans la pratique. Tu vois pour le thé, ben voilà j'commence à en parler à tou...,
autour de moi alors que avant, euh, j'm’en occupais pas d'tout ça. Donc, du fait
d'avoir, euh, vu des gens qui s'battaient pour telle et telle chose, euh, [LeurMonsieur-des-Maquis] etc., etc., du coup ça t'permet, euh, de voir les choses
autrement et puis d'dire qu'y’a des combats qui valent la peine de se battre et
du coup c'est bien d'en parler autour de soi. Donc voilà. Ça a changé ma vie
dans le sens où j'ai commencé à m'intéresser à ces combats là et ces deux-là,
parce que..., y’en a tr..., y’en a plein d'autres, mais ces deux-là que
j'connaissais, qu'j'avais touché un peu du doigt. Si j'peux en discuter un peu
autour de moi et dire : « Voilà, euh, vous vous rendez compte ? L'Etat, machin,
et tout » le côté un peu revendic... [Inaudible, rires] qui revient et qui veut dire :
« Ben, euh, moi j'aime pas les injustices ». Y’en a plein dans l'monde, je sais.
Du coup ça m'touche moi, du coup si j'peux faire quelque chose pour qu'ça soit
moins injuste, voilà, j'le fais.
Mop : D'accord.
Cécile Volanges : Voilà, ça répond ?
Mop : Ouais, c'est, euh..., je..., c'est toi qui a la réponse, c'est pas moi hein !
Cécile Volanges : Ouais mais ça répond assez, enfin, euh...
Mop : Ça, ça répond assez, oui. Oui, oui, c'est clair, on est dans comment ça
t'influence dans ta vie, voilà.
Cécile Volanges : Alors ça...
Mop : En fait c'est l'art de..., d'un seul coup tu t'es sentie beaucoup plus
impliquée sur des actions...
Cécile Volanges : voilà !
Mop : ... que tu n'aurais pas forcément eu cette implication si t'avais pas
participé à du théâtre-forum.
Cécile Volanges : C'est ça. Un autre regard en fait sur la vie.
Mop : D'accord.
68
Cécile Volanges : Et dans l'monde, dans l'monde du travail, dans..., là où je
travaille, euh, ça m'a permis aussi de, euh, de dire…, j'étais déjà un peu comme
ça, mais j'dirai un peu plus : « Non mais vous laissez pas faire quoi. Non mais
on n’est pas obligé de dire oui à tout ! » En fait, les travailleurs sociaux, on a
tendance à dire : « Oui, oui, oui, oui, bon d'accord » [Inspiration] C'qui nous fait
dire : « Mais attendez ! Mais attend ! Y’en a d'autres là, on leur a imposé des
trucs, ils s'battent et tout. » Donc du fait de rencontrer d'autres personnes, de
d'autres départements et c'est d'dire aussi aux collègues : « Mais attendez on
n’est pas tout seuls, euh, ça s’est passé comme ça mais faut quand même se
battre un minimum. » « Non ça marche pas. » Ça a pas du tout marché ! [Rires]
J'ai pas du bien les manipulés.
Mop : [Rires]
Cécile Volanges : Ça a pas du tout marché parce que c'était : « Non, non,
mais arrêtes de t'battre, de toute façon on peut pas s'battre contre eux, euh, on
s'tait, pis on fait comme ils disent et pis on fait comme on veut. » Oui, bien sûr !
Mop : [Rire] D'accord.
Cécile Volanges : Parce que c'était aussi de m'dire que j'étais pas toute seule
dans le département, y’a eu déjà ce problème, euh, là, de restructuration
comme ils appellent. De m'dire : « Ben voilà ailleurs ça..., c'est..., ça s’est passé
aussi, c'était compliqué, on peut essayer de se servir un peu de c'qui s'est
passé ailleurs pour dire : « voilà, on peut essayer d' faire autrement. » » C'est
compliqué.
Mop : Ouais.
Cécile Volanges : C'est plus facile dans sa vie perso que dans sa vie
professionnelle. Voilà
Mop : Bon, euh, moi j'pense qu'on…, on a fait un peu le tour. Maintenant
j'aimerai que tu me donnes une définition de la manipulation.
Cécile Volanges : Ben moi c'est plus une..., enfin avant de parler avec toi,
c'était plus une définition négative tu vois. C'est, euh, euh, emmener l'autre à
faire c'que toi t'as envie. Alors j'sais pas pourquoi c'est négatif pour moi mais
69
c'est la connotation de manipulation qui est négative pour moi. Si tu m'dis :
« influence », j'vais t'dire la même chose, c'est du négatif.
Mop : Donc voilà, l'influence alors ?
Cécile Volanges : C'est pareil ! Emmener l'autre à faire que c'que t'as envie.
Mop : Mais, ça a un côté plus positif ?
Cécile Volanges : Ben je trouve, ouais, au niveau du mot.
Mop : Que, euh...
Cécile Volanges : Manipulation pour moi, ça a une connotation super négative.
Mop : Et t'as l'impression qu'c'est un méchant qui euh...
Cécile Volanges : OUI, qui va essayer d'te manipuler comme une marionnette
pour faire c'que toi t'as pas envie. Soit t'influence, mais dans l'bon sens, parce
que c'est toi qui veux et hop, tu vas influencer la personne pour lui démontrer
que ben si c'que tu veux c'est une bonne idée. Tu vois. Alors que manipuler moi
j'ai l'impression qu'c'est plus, moi, euh, on va m'manipuler, euh, comme une
marionnette pour arriver à m'faire faire c'qu'ils veulent, voilà.
Mop : Alors si je te dis qu'on ne manipule pas les gens qui ne sont pas
consentant.
Cécile Volanges : Alors là, je dis merde ! [Rires]
Mop : [Rires]
Cécile Volanges : Ah non là, ça va pas. Parce que du coup ça veut dire que si
on arrive à me manipuler c'est qu'j'suis d'accord ! Ah oui, là ça me pose, euh,
[Rire,] un..., un problème [Rire].Ah ouais, euh, ben là je sais…, je sais plus quoi
dire parce que [inspiration], euh. [Souffle] Alors je vais réfléchir à ce que tu
viens de dire là. Parce que, pour moi si, euh, si j'me fais manipuler, euh, c'est
malgré moi. Tu vois ? J'ai toujours eu le sentiment, mais c'est mon sentiment à
moi, hein, que j'te donne, hein ?
Mop : Ouais, ouais.
70
Cécile Volanges : Toujours eu le sentiment que j'ai toujours réussi à pas trop
me faire manipuler. A, euh, à arriver tout de même à force que j'veux faire mais
en conciliant en fait c'que l'autre veut. Tu vois ?
Mop : Ouais, ouais, je vois.
Cécile Volanges : Donc du coup, euh, on…, on ne manipule pas la personne
qui veut pas. Maintenant en m'disant ça j'me dis c'est pas faux parce que du
coup, euh, on a…, enfin, [Inaudible, « l'influence »?138] c'est plus une, euh, un
échange et des concessions de part et d'autre qui font qu'on arrive à faire, euh,
plus ou moins c'qu'on a envie et tout en [Inaudible] civilisé. Ça va ? Des fois
j'dis genre des trucs !
Mop : Ça va, c'est très..., c'est claire, t'inquiète pas. C'est bien.
Cécile Volanges : Voilà.
Mop : Bon, et bien merci.
Cécile Volanges : C'est fini ?
Mop : C'est fini, T'en veux d'autre ? [Rires]
Cécile Volanges : Oh ! [Rires]
Fin de l’entretien
Nous pouvons constater deux choses dans l’exemple qu’apporte ce
chapitre. La première est qu’il m’a fallu m’adapter aux outils dont j’avais besoin
pour le rédiger. J’ai un niveau moyen d’utilisation de l’ordinateur. Je sais me servir
des outils simples comme le traitement de texte ou les tableurs comme d’outils
plus complexes comme le traitement d’image, de son et de vidéo. C’est
connaissances sommaires, je les ai acquises en utilisant l’outil informatique et en
observant et écoutant des personnes de mon entourage plus « qualifiés » dans ce
domaine. Je me suis auto-formé. B****, sachant que je devais transcrire un
entretien audio, m’avertit que des logiciels gratuit de transcription existe. Le fonce
138
Note du transcripteur.
71
alors sur Internet à la quête d’un de ces programmes gratuits et simples
d’utilisation. Mon choix, influencé par les commentaires d’internautes utilisateurs
se porta donc sur Sonal. Après, quelques manœuvres, je sus le « manipuler »
aisément. Malheureusement l’enregistrement en format AMR que Mop m’a donné
n’est pas reconnu par le lecteur du logiciel. Je repars donc à la quête d’un logiciel
qui me permet de convertir en format audible le fichier. Et ainsi de suite jusqu’à
l’obtenir au format adéquat. Il m’a donc fallu, pour pouvoir écrire ce mémoire,
apprendre à manipuler de nouveaux outils. Mais manipule-t-on le virtuel ?
La deuxième chose que nous pouvons constater est l’influence flagrante
avec laquelle Mop interroge Cécile. En commençant par des questions générales,
parlant de passions, faisant appel à des émotions vécues – par la danse, le
théâtre, l’écriture – il emmène Cécile sur le thème qui l’intéresse et sur lequel il lui
demande son avis. Il utilise, comme pour un jeu, la technique du détournement.
L’objectif principal de Mop n’était pas de connaître l’opinion de Cécile sur la
manipulation, mais bien de comprendre le mécanisme manipulatoire qui l’a faite
participé au projet de N****. De plus, le fait de reformuler les idées de Cécile
participe à la manipulation : cela la met en confiance et lui donne le sentiment
d’être comprise. La reformulation réconforte, nombre de coaches utilisant la PNL
vous le diront. Ainsi Mop peut l’emmener sur le terrain de la manipulation sans
qu’elle ait de crainte – de par l’aspect négatif que revêt le terme manipulation dans
le langage courant – et joue avec l’engagement de Cécile pendant l’entrevue pour
arriver au bout des questions qu’il a préparées. Sans cela, aurait-il obtenu ce qu’il
voulait ? La question reste ouverte.
72
139
« Y en a qui »140
M
anipuler est une pratique du quotidien en formation.
D’abord, nous avons vu comment Mop, en tant que
comédien-formateur utilise des procédés manipulatoires pour
obtenir
l’engagement
des
participants
–
en
utilisant
notamment « l’effet de gel » – et pour décrocher des contrats – grâce à « l’effet de
halo » et à la technique de la « porte-au-nez ». En envisageant l’aspect
pragmatique du métier de formateur, nous avons abordé la manipulation de
nouveaux outils à laquelle doit se confronter le formateur. Ensuite, nous l’avons
observé lors de sa formation et nous avons analysé comment – grâce aux
principes du conditionnement, des associations d’idées et de l’opposition simpliste
– il a réussi à se faire élire délégué, à ne pas participer à un exercice de théâtre
au vu de tous et à imposer un sujet au groupe. En faisant un tour du côté des
institutions, nous avons découvert comment elles utilisent l’information, la
persuasion et l’engagement et pour notamment amener Mop, tout comme
139
Jérôme PLAUD, Jérôme, T**** (F), 2012 © Jérôme PLAUD
Yves JAMAIT, Y en a qui, Yves Jamait, (4 :24) Album : De verre en vers, auto
production, 2001
73
140
Cécile141, à suivre une ligne de conduite. Puis, nous avons étudié comment la
technique du « pied-dans-la-porte » et l’utilisation des émotions permettent à une
compagnie de théâtre de réaliser des projets d’envergure. Enfin, je vous ai fait part
de mes tribulations d’écriture et nous avons ainsi pu voir quelles manœuvres automanipulatoires une personne peut mettre en œuvre. Lors de l’entrevue entre Mop
et Cécile Volanges, nous nous sommes rendu compte de l’influence des échanges
entre personnes.
Il semblerait dès lors que l’acte manipulatoire se conjugue à tous les temps,
à tous les modes – sous sa forme pronominale ou pas – et fasse bon ménage
avec tous les genres, singuliers comme pluriels.
Tout au long de l’expérience qui m’a amené à aborder ce sujet, je me suis
rendu compte de l’ambiguïté que ce terme possède. La manipulation renvoie
implicitement à l’image d’une personne faisant montre d’intelligence qui abuse
d’une personne moins éclairée. Je pense ne pas trop m’avancer en disant que les
auteurs de manipulations fructueuses éprouvent un sentiment de supériorité alors
que les manipulés, lorsqu’ils se rendent compte du tour joué, se sentent souvent
rabaissés à l’état de marionnette.
« Cécile Volanges : Manipulation pour moi, ça a une connotation super négative.
Mop : Et t'as l'impression qu'c'est un méchant qui euh...
Cécile Volanges : OUI, qui va essayer d'te manipuler comme une marionnette pour
faire c'que toi t'as pas envie. Soit t'influence, mais dans l'bon sens, parce que c'est
toi qui veux et hop, tu vas influencer la personne pour lui démontrer que ben si
c'que tu veux c'est une bonne idée. Tu vois. Alors que manipuler moi j'ai
l'impression qu'c'est plus, moi, euh, on va m'manipuler, euh, comme une
marionnette pour arriver à m'faire faire c'qu'ils veulent, voilà.
Mop : Alors si je te dis qu'on ne manipule pas les gens qui ne sont pas consentant.
Cécile Volanges : Alors là, je dis merde ! [Rires] »
141
142
Cf. op. cit., p. 53
Cf. op. cit., p. 70
74
142
C’est peut-être ce concept d’intelligence lié à la manipulation qui la rend si
équivoque. Pour Cécile, se faire manipuler est vécu comme une agression de
l’extérieur – c’est l’intérêt de l’autre contre le mien. Par contre, quand elle parle de
manipuler les autres dans son intérêt, elle nuance son propos en utilisant le mot
« influence » – mon intérêt doit devenir l’intérêt de l’autre. Et au moment où elle
apprend que la manipulation ne peut pas avoir lieu sans le consentement de
l’autre, sa réaction m’éclaire : la manipulation ne consiste pas dans un acte positif
ou négatif, mais bien dans un processus préparatoire à l’acte lui-même. La
manipulation est donc un outil du quotidien, qui nous permet d’appréhender le
monde des autres tout en essayant de l’influencer. Elle est un des processus
fondamentaux de la communication humaine et permet la cohabitation des « je »
dans la société.
Lorsqu’Orson Welles diffusa à la radio CBS son adaptation de La Guerre
des mondes de Wells143, il n’avait pas l’intention de créer le mouvement de
panique légendaire de ce 30 octobre 1938. Cet exemple résonne comme une
mise en garde. Certes, la manipulation est affaire de tous les jours, mais quand on
se retrouve formateur – poste chargé d’une symbolique forte de domination et
d’autorité tout comme l’est la radio – il faut savoir être prudent. « Tout dépend de
l’usage que l’on en fait. »144 Cette citation, résonnant comme un adage, nous
pose une question d’éthique. Qu’est-ce qu’un bon usage ? Welles croyait faire
« bon usage » du média radio pour faire connaître une œuvre au grand public,
dans un but de distraction et – je l’espère – de partage culturel. Pourtant, il s’en
est suivi une suite d’accidents, de coupures d’électricité et de mouvements de
panique sur la côte Est des Etats-Unis. Comment évaluer les conséquences des
manipulations voulues vertueuses ? Je laisse le lecteur faire son libre choix entre
les valeurs de bien et de mal auprès de philosophes aussi émérites que reconnus.
Je pense qu’il est important pour un formateur d’adultes de prendre en
compte la complexité du monde. La manipulation fait partie intégrante de cette
complexité. Etre au courant des processus de communication complexes qui sont
143
Orson Welles, WIKIPEDIA, mis à jour le 10 août 2013, consulté le 18 août 2013, URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Orson_Welles#Radiophonie
144
Fabrice D’ALMEIDA, op. cit., p. 8
75
en jeux dans la manipulation permet de les apprivoiser et contribue ainsi à
modeler le monde à notre image. De façon consciente ou non, le formateur – tout
comme le formé ou l’institution – a dans son escarcelle tout un tas de manœuvres
et de ruses pour parvenir à ses fins, pour transformer le monde comme il l’entend.
Ecrire ce mémoire m’a fait prendre conscience de toutes ces interactions
complexes qui font de nous des êtres humains. L’outil est quelque fois simple,
mais son utilisation peut s’avérer aventureuse. Lorsque la supercherie est
dévoilée par le manipulateur, le but apparaît plus noble. C’est pour cela qu’il est
important de ne rien cacher. Montrer et analyser quels sont les processus qui se
mettent en place au cours d’une formation d’adultes me parait crucial pour le
développement, l’émancipation et la liberté de chacun. Le théâtre est un des
moyens d’y parvenir. S’il est un art qui joue de la manipulation, alors on peut
s’aider des clés et des outils qu’il propose pour analyser nos habitus et permettre
ainsi un accompagnement coopératif des individus dans leur accomplissement.
76
« J’me souviens plus très bien »145
*Solution du rébus de la couverture
« À Rome, Caton finissait tous ses discours, même ceux qui parlaient du
nettoyage des égouts de Rome, par Carthage doit être détruite : « Cartago
delenda est ». Et ils ont fini par détruire Carthage. C’est simple, efficace…»146
Paris, le 20 août 2013**
145
Jeanne MOREAU, J’ai la mémoire qui flanche, Serge REZVANI, (2 :19) 45 tours/17 cm
éponyme, Jacques Canetti, 1963
146
NAJE, op. cit., p. 23
77
** « Des raisons particulières et des considérations que nous nous ferons toujours
un devoir de respecter nous forcent de nous arrêter ici.
Nous ne pouvons pas, dans ce moment, […] donner au lecteur la suite des
aventures de [Mop], […].
Peut-être quelque jour nous sera-t-il permis de compléter cet ouvrage ; mais nous
ne pourrons prendre aucun engagement à ce sujet : et quand nous le pourrions,
nous croirions encore devoir auparavant consulter le goût du public, qui n’a pas
les mêmes raisons que nous de s’intéresser à cette lecture.
Note de l’éditeur. » 147
Pierre CHODERLOS de LACLOS, Les liaisons dangereuses. Note de l’Editeur, Paris
(F), Flammarion, 1981 (1re éd. 1782), p. 379
147
78
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Filmographie et autres types d’ouvrages
Films et autres ouvrages cités
AZNAVOUR Charles, Les Comédiens, PLANTE Jacques et AZNAVOUR Charles,
(2:24) 45 tours/17 cm éponyme, Barclay, 1962
BREL Jacques, Rosa, BREL Jacques, (2:40), in 6ème album, Barclay, 1962
C. Jérôme, C’est Moi, ALBERTINI Jean et GARCIA Sylvain, (2:52) 45 tours/17 cm
éponyme, AZ /Discodis, 1974
CHATEL Philippe, Chanson de l’extra-terrestre, CHATEL Philippe, (3:11) Album :
Emilie Jolie, RCA Victor, 1979
90
FERRE Léo, Avec le temps, FERRE Léo, (4:28) 45 tours/17 cm éponyme, Barclay
éditions, 1970
FUGAIN Michel, Attention Mesdames et Messieurs, FUGAIN Michel & Le BIG
BAZAR, (3:04) Album : Fugain et le Big Bazar, Columbia, 1970
GALL France, Sacré Charlemagne, LIFERMAN G. et GALL R., (2:50) 45 tours/17
cm France Gall et ses petits amis – 5ème édition, Philips, 1964
GRECO Juliette, Si tu t’imagines, KOSMA Joseph et QUENEAU Raymond, (3:11)
Album : Juliette Gréco à l’Olympia, Fontana, 1956
GUILBERT Yvette, Quand on vous aime comme ça, DE KOCK Paul et GUILBERT
Yvette, (2:35), Heugel, 1927
HIGELIN Jacques, Champagne, HIGELIN Jacques, (4:31) Champagne pour tout
le monde, Pathé-Marconi/EMI, 1979
HK et les Saltimbanks, On lâche rien, HADDADI Kaddour, (3:44) Album : Citoyens
du monde, Coopérative Music, 2011
JAMAIT Yves, Y en a qui, JAMAIT Yves, (4:24) Album : De verre en vers,
autoproduction, 2001
MOREAU Jeanne, J’ai la mémoire qui flanche, Serge REZVANI, (2:19) 45
tours/17 cm éponyme, Jacques Canetti, 1963
91
NOUGARO Claude, « Cécile, ma fille », NOUGARO et DANTIN, (3:54) 45 tours/
17 cm éponyme, Philips, 1963
Oups ! La télé est cassée !, d’après DUBILLARD Roland, Les Nouveaux
diablogues, Paris (F), Gallimard, 1998, 232 p. ; adaptation Mop et K**** C****,
par La Cie des P****, mis en scène par PLAUD Jérôme, avec K**** C**** (Un)
et Mop (Deux), le 30 août 2001 à 20h30, Salle multimédia de J****
Passe ton bac d’abord, PIALAT Maurice, avec HAUDEPIN Sabine et MARLAUD
Philippe, 1978, France, drame, 86 min.
PLAUD Jérôme, « Jérôme », photo, T**** (F), 2012 © PLAUD Jérôme
PLAUD Jérôme, « Mme de Merteuil », M**** (F), 2013, © PLAUD Jérôme
PLAUD Jérôme, « Mémoire de bureau », P**** (F), 2012 © PLAUD Jérôme
V**** AC, « Jérôme », photo, P****, 2001, © Peu Importe
V**** AC, « Mop », photo, J**** (F), 2001 © Peu Importe
The A-team (L’agence tous risques), HOLCOMBS Rod, LUPO Frank et CANNELL
Stephen J., avec PEPPARD George, BENEDICT Dirk, Mr. T, USA, série
télévisée, 1983, 48 min
T**** B., Jérôme à W****, photo, W****, 2013, © Jérôme PLAUD
92
TRUST, Antisocial, BONVOISIN Bernie et KRIEF N., (5:10) 45 tours/17 cm
éponyme, CBS, 1980
VIVALDI Antonio, Allegro, (4 :54) Concerto I pour violon opus 8 Les quatre
saisons, La primavera. Il Cimento dell’ Armenia e dell’ Invention, 1er mvt, 4
premières mesures du 1er violon, Amsterdam (LN), Michel-Charles Le Cène,
1725
Film et autres œuvres consultées
« Chomsky et Cie », in Là-bas si j’y suis, réal AKOUN Lucie et SANCHEZ Chloé,
reportage de MERMET Daniel et de ANQUETIL Giv, France Inter, diffusée le
mardi
15
mai
2007
à
15h,
URL :http://www.la-
bas.org/article.php3?id_article=1186
Compliance (Compliance), réal. ZOBEL Craig, avec DOWD Ann, SERVITTO Matt,
WALKER Dreama, 2012, USA, drame/thriller, 90 min.
Dangerous liaisons (Les liaisons dangereuses), FREARS Stephen, avec CLOSE
Glenn,
MALKOVICH
John,
PFEIFFER
Michelle,
1988,
USA/UK,
adaptation/drame/historique, 120 min.
De Welle (La Vague), GANSEL Dennis, avec VOGEL Jürgen, LAU Frederick,
RIEMELT Max, 2009, D, adaptation/drame, 108 min.
DUTRONC Thomas, « Demain », DUTRONC Thomas, (3:15) Album : Silence on
tourne on tourne en rond, Universal Music division Mercury, 2011
93
GUEM & ZAKA Percussions, « piste 01 », Guem & Zaka Percussions, (5:45)
Album éponyme, Le chant du monde, 1997
"Les nouvelles figures de l'imposture", in Les Nouveaux Chemins de la
Connaissance, entretien avec GORI Roland, réal. PORTIS-GUERIN Mydia,
animée par VAN REETH Adèle et PETIT Philippe, France Culture, diffusée le
18
janvier
2013
à
10h,
consulté
le
18
janvier
2013,
URL
:
http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-laconnaissance-les-nouvelles-figures-de-l%E2%80%99imposture-2013-01-18
Suspicion (Soupçons), Hitchcock Alfred, avec GRANT Cary, FONTAINE Joan,
HARDWICKE Cedric, 1941, USA, drame/romance/policier, 99 min.
94
Table des Annexes
Annexe A
F**** M., « L'approche existentielle dans la formation universitaire de
formateur d'adultes »
p. 97
Annexe B
Plaquette d’information du DUFA de formateur du Collège Coopératif de
P***
p. 99
Annexe C
« Faut qu’on en parle…Demain. La procrastination »
p. 103
95
Annexe A
L'APPROCHE EXISTENTIELLE DANS LA FORMATION UNIVERSITAIRE
DE FORMATEUR D'ADULTES
Par Mehdi F [****]
Depuis sa création il y a trente ans à l’Université […], la formation DUFA (Diplôme
Universitaire de Formateur d’Adultes), n’a pas cessé d’accentuer son projet
pédagogique dans le sens d'une prise en considération de l'inachèvement de
l'homme148, de l'importance des interrelations et de l’affectivité dans la formation,
sans nier pour autant le rapport au savoir formel et constitué.
D’une durée de 900 heures (580 heures d’enseignements en salle et 320 de stage
pratique), ce DUFA débouche sur un diplôme de niveau Bac+3 permettant ensuite
une inscription en troisième étape de DHEPS (Diplôme des Hautes Etudes en
Pratiques Sociales) ou en Master 1 de Sciences de l’éducation à l’Université […].
Depuis plusieurs années, ce DUFA est conjointement géré en partenariat par le
Collège Coopératif […], organisme de formation supérieure pour adultes créé en
1959 par Henri […], l’une des figures importantes de la pédagogie pour adultes, et
par […].
Plusieurs raisons ont motivé la mise en place de ce partenariat :




148
Plusieurs membres de l’équipe pédagogique de ce DUFA étaient déjà
intervenants aussi bien à Paris VIII qu’au Collège Coopératif […] ;
La consolidation des principes fondateurs du DUFA par une démarche
partenariale ;
Depuis plus de 50 ans, en effet, toutes les activités de formations et de
recherches du Collège Coopératif […] sont animées par des principes tels
que : la reconnaissance, la validation et la valorisation des acquis de
l’expérience, l’approche dynamique et existentielle de la formation, la
nécessité du changement et du développement des individus, des
pratiques et des pays par la démarche de recherche-action, la place
privilégiée accordée à chaque adulte en formation considéré alors
comme le sujet principal de la formation ;
L’enrichissement de l’équipe pédagogique par celle de l’équipe collégiale ;
Cf. LAPASSADE (G.), L’entrée dans la vie. Essai sur l’inachèvement de l’homme, Paris, 1963
96


La possibilité d’offrir la formation DUFA à un plus grand nombre d’adultes
en proposant deux promotions par an ;
La possibilité de faire une connexion entre le DUFA et d’autres formations,
notamment le DHEPS (Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques
Sociales, niveau Bac+4).
Chaque année nous recevons environ une centaine de candidatures parmi
lesquelles nous n’en retenons qu’une vingtaine par promotion, après un examen
sur dossier et un entretien approfondi des motivations de chaque candidat (e).
Parmi les critères les plus significatifs d’admission, nous privilégions l'expérience
professionnelle et/ou bénévole, la richesse existentielle, le niveau de diplômes
(bac + 2), la diversité ethnique et culturelle, l'éventail des âges, l'équilibre
hommes/femmes, le degré des motivations, l'intérêt pour l'implication existentielle
dans la formation et la remise en question de soi, l'ouverture intellectuelle et
artistique, sans oublier le financement de la formation.
La formation s'étale sur huit mois (cinq mois de cours à temps plein, deux mois de
stage pratique et enfin la rédaction du mémoire).
Plus de 50 intervenants enseignent dans ce DUFA. Ils viennent de l'Université
[ …], du Collège Coopératif […], d'autres Universités françaises et étrangères,
ainsi que du milieu professionnel de la formation des adultes. Parallèlement, un
groupe restreint d’intervenants travaille ensemble de façon plus étroite et
soutenue depuis plus de 15 ans constituant une « équipe » ayant produit une
philosophie particulière de la formation d’adultes et un projet éducatif fort, qui
charpente les axes principaux de ce DUFA.
97
Annexe B
98
99
100
101
Annexe C
Faut qu’on en parle…
Demain - La procrastination
15h-16h30
56, rue du R**** – P***
Déroulé
Temps -1:00:00
Arrivée de G**** H. : 14h environ
14h00 – 14h30
- Accueil de G****
- Briefing U****, G**** & Mop (bureau)
Temps -0:30:00
14h30 à 15h
- Mise ne place des chaises de bar, des clés USB et vidéoproj
- Briefing U****, Mop, G****, W****, A****, S**** et la technique
- Mise au point de la technique avec G**** pour les slydes
Début supposé de l’intervention : 15h
Fermeture des portes.
Extinction des cigarettes, serrage de ceinture.
Personne sur le plateau
Ça décolle !!
Temps 0:00:00
A**** B.
- Mesdames et messieurs, bonjour.
- Maintenant la suite de notre programme avec notre émission « Faut qu’on en parle… »,
co-aminée par U**** Thomas et Mop Delarue.
- Une émission spéciale aujourd’hui car une personne du public pourra, si elle le désire,
participer à une démonstration en direct d’un accompagnement par notre invité.
- Voici donc « Faut qu’on en parle… »
- Demain – La procrastination
- Je vous souhaite une bonne fin d’après-midi
(Pour s’inspirer, aller voir : http://youtu.be/GXJr0vWFg88)
Noir
Vidéo : 1 - Générique début – 0:00:54
Lumière - Les deux présentateurs entrent.
U**** & Mop
- Mesdames, Messieurs, bonjour !
- Bonjour U****, Bonjour Mop
Mop
- Bienvenus en direct à notre émission « Faut qu’on en parle… ».
102
-
A l’occasion de la journée internationale de la procrastination, le thème qui sera abordé
en cette fin d’après-midi sera donc : demain - la procrastination.
U****
- La procrastination, est en effet la tendance à tout remettre au lendemain, à ajourner, à
temporiser les choses que l’on doit faire.
- Nature humaine ? Mauvaise habitude ? Vice ? Paresse ou fainéantise ?
- Où plus sérieusement symptôme d’une névrose ?
Pour répondre à ces quelques questions, et à bien d’autres, nous allons, au cours ce
séminaire faire appel à notre expert : Monsieur G**** H. ! (applaudissements, G**** H. entre)
Mop
- G****, Bonjour, vous êtes Consultant, formateur, coach certifié et conférencier,
codirigeant associé du Cabinet C**** basée à P**** et à L**** et délégué régional de
l'European M**** & Coaching C**** en charge des dispositifs solidaires.
- Nous avons fait appel à vous comme expert en relation d’aide afin de nous éclairer sur les
causes, les manifestations, les conséquences et l’accompagnement, plus précisément sur
la posture de que devrait adopter l’accompagnant pour sortir de la procrastination.
- Vous pourrez bien sûr intervenir à tout moment, et vous avez accepté de nous faire une
démonstration en direct d’un accompagnement avec un(e) volontaire du public.
U****
- Avant de vous diffuser un reportage réalisé dans les rues de P****, nous allons vous
présenter nos invités :
- Mme W**** C. ! (applaudissements, W**** entre)
- W**** bonjour !
- Vous avez 38 ans, êtes mariée, mère de famille de 4 enfants, formatrice dans le
commerce et actuellement en formation au Collège Coopératif de P**** pour préparer
un DUFA de formateur.
- Vous nous avez confié que vous procrastiniez et accepté de témoigner en direct sur le
malaise que cela provoque chez vous et dans votre entourage.
Mop
- Nous accueillons également M. S**** N. ! (applaudissements, S**** entre)
- S**** bonjour !
- Vous avez 35 ans, êtes marié, sans enfants, êtes responsable de magasin d’une chaîne de
Pizzas bien connu et vous êtes également en formation au Collège Coopératif de P****
pour préparer ce même DUFA.
- Vous avez voulu vous exprimer sur votre procrastination et les avantages que vous en
tirez dans votre vie de tous les jours, aussi bien professionnelle que personnelle.
U****
Enfin, nous avons le plaisir d’accueillir Mme A**** D. ! (applaudissements, A**** entre)
- A**** bonjour !
- Vous avez 35 ans, êtes célibataire, mère d’un petit garçon, conseillère à l’emploi et la
formation et vous aussi, suivez la formation du Collège Coopératif avec vos collègues.
- Contrairement à vos collègues, vous ne procrastinez pas et êtes venue témoigner de la
difficulté de vivre et de travailler avec des procrastinateurs, ou trices.
Mop
- Les présentations étant faîtes, nous allons maintenant diffuser notre reportage d’une
dizaine de minutes.
- Nous sommes allés dans le **e arrondissement de P****, autour de la place de la R****,
pour collecter quelques témoignages sur la procrastination.
U****
- A tout de suite !
Temps 0:15:00
103
ATTENTION !! Top vidéo après noir
Vidéo : 2 - Reportage - 0:12:48
Lumière
Temps 0:30:00
Mop
U****
G****
U****
G****
U****
W****
Mop
W****
Mop
S****
U****
S****
U****
A****
Mop
-
G****, je me tourne vers vous.
Avez-vous des commentaires à faire sur ces témoignages ?
Quelles sont les remarques que vous pouvez faire sur ces personnes ?
Sur leurs visions de la procrastination ?
…
Quels sont les signes de la procrastination ?
…
Merci G****.
Maintenant, passons à nos invités.
W**** rebonjour – Rappel biographique –
1ère question : Comment procrastinez vous ?
Que faîtes-vous pour repousser au lendemain ce que vous avez à faire ?
...
2ème question : Pourquoi, selon vous, procrastinez-vous ? (voir les « peurs » et autres causes)
…
Merci W**** pour votre témoignage.
Passons maintenant à vous S**** ! – Rappel biographique1ére question : Comment procrastinez-vous ?
…
2ème question : Quels bénéfices vous apporte la procrastination, dans votre vie privée,
dans votre vie professionnelle ?
…
Merci **** !
Nous allons terminer par A****. – Rappel biographique1ère question : Connaissez-vous beaucoup de procrastinateur ?
Dans votre vie privée, d’un point de vue professionnel ?
…
2ème question : En quoi leurs comportements vous handicapent, vous énervent ?
104
- Sont-ils des « boulets » pour vous ?
A****
- …
Temps 0:45:00
Mop
G****
U****
Merci A****.
Je me retourne maintenant vers G****.
Quelles sont vos réactions face à ces témoignages ?
…
Quelles sont les causes de la procrastination ? (c’est la question qui fait transition sur ce que G****
-
va présenter)
G****
- …
Présentation de G****
SLYDES PowerPoint (à voir avec G****)
Exercice avec volontaire du public (à voir s’il y a volontaire ou pas)
Lancer et/ou relancer le débat si besoin
Questions éventuelles pour le débat

La procrastination est-elle due à une psychopathologie ?

Est-ce culturel ?

A-t-elle un rapport avec l’époque, est-ce générationnel ?

Peut-elle être considérée comme une protection face au productivisme et la vie effrénée de nos
sociétés ?

Le retour en force de ce mot a-t-il un lien avec la crise ? La multiplication, notamment sur internet,
de « spécialistes, coach et psychothérapeutes en tout genre » en est-elle un signe ? Ne culpabilise-ton pas les gens avec la procrastination ?

La procrastination n’est-elle pas un élément de la construction de l’individu ?

Quelle posture d’accompagnement pour sortir de la procrastination ?
Temps : 1:30:00
U****
- Voilà que se termine notre émission d’aujourd’hui.
- Il ne nous reste plus qu’à applaudir et remercier :
o G****
o W**** , A**** , S**** ,
o (si il y a eu) le (la) volontaire pour son aimable participation
partagé entre U**** et Mop
o la technique
o et bien évidemment notre cher et fidèle public !
Mop
Nous nous retrouvons la semaine prochaine pour un nouveau plateau et un nouveau
thème qui sera ... à inventer sur place
U**** & Mop
- Au revoir U****, au revoir Mop
- Et à la semaine prochaine !
Noir
Vidéo : 3 - générique fin - 0:02:43
Lumière
105
Table des matières
Remerciements
p. 3
« Avertissement de l’Editeur »
p. 4
Sommaire
p. 5
« Si tu t’imagines »
p. 6
« Oui, Jérôme c’est moi »
p. 8
« Attention Mesdames et Messieurs »
« Comment tu t’appelles ? »
« Viens voir les comédiens »
p. 18
p. 20
p. 23
« Rosarum, rosis, rosis »
« Le Bon-Dieu sans confession »
« Quand on vous aime comme ça »
p. 25
p. 27
p. 31
Interlude
« Une opératrice va vous répondre »
p. 34
p. 35
« Sacré Charlemagne ! »
« Antisocial tu perds ton sang froid ! »
« On lâche rien ! »
p. 38
p. 40
p. 44
« Céci-ile »
Entretien avec Cécile Volanges
p. 51
p. 52
« Y en a qui »
p. 74
« J’me souviens plus très bien »
p. 78
Bibliographie
p. 80
Table des annexes
p. 96
Annexes
p. 97
Table des matières
p. 106
106
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