DOSSIER Le confort au cœur du soin ? §Personne âgée L’humanitude, une méthodologie de soins Pour les soins aux personnes grabataires, très âgées ou malades, une méthode §Paramédicaux §Formation mise au point par Rosette Marescotti et Yves Gineste, basée sur la douceur et le respect. Nicole Sicard, gériatre La méthodologie de soin dite « humanitude », « Les trois premiers piliers de l’humanitude sont le regard, la parole et le toucher. » Lorsqu’il fait ses premiers pas, l’enfant répond à une exigence singulière de l’espèce qui lui vient de la nuit des temps : homo sapiens est le seul mammifère bipède vrai. Si l’on mesure le nombre de regards et de paroles que reçoivent des personnes vieilles, grabataires, malades, le résultat est impressionnant : neuf regards rapides sur une journée, cent vingt secondes de communication directe en moyenne par 24 heures !… Les deux premiers piliers de l’humanitude ne sont pas naturellement activés… le soignant en prend conscience et s’entraîne à pénétrer dans le champ visuel à bonne hauteur, de façon axiale, proche, prolongée, à échanger quelques mots agréables sur un ton mélodieux avant de passer à l’action. Le toucher reçu par ces personnes est principalement de caractère « utile », celui qu’il faut comprendre pour l’accepter. Ceci est compromis avec peu de facultés cognitives. Le soignant apprend un toucher tendre, qui n’induise aucune sensation désagréable ou agressive (saisie technique mais dure, en pince, en griffe, geste rapide…), qui aurait un impact négatif sur le ressenti. Ces techniques s’appliquent aux gestes de soin et aux mobilisations passives ou actives. Un grand nombre d’états grabataires sont iatrogènes, par défaut de sollicitation, suite à des contentions. Le temps que passe un soignant avec un patient est exploité au maximum, il sollicite les capacités de chacun. La verticalité est bien entendu privilégiée, et le choix du type de toilette en tient compte. Le soin reprend sa place dans la relation, ce sont les principes de la « capture sensorielle® », avec préliminaires, rebouclage sensoriel, consolidation émotionnelle. Le temps toilette peut avoir pour orientation non seulement l’hygiène et le « bienêtre », mais aussi la communication, la prévention des dégradations corporelles, la réhabilitation, le confort, la motivation… des personnes soignées, mais aussi des soignants : qui fait du bien se fait également du bien. est l’aboutissement de trente années d’obser vations, d’analyse, de propositions et d’ajustements de deux enseignants d’Education Physique et Sportive, formateurs en manutention des malades : Rosette Marescotti et Yves Gineste. Ils ont mis au point des techniques de communication verbale et non verbale, de « décontracture », de mobilisation douce, d’aide au lever et à la marche, développé les concepts de « manutention relationnelle® », de « toucher-tendresse® », de « mourir debout® », proposé une classification des patients selon leurs possibilités de verticalisation, des « programmes d’activité minimum », la « toilette évaluative », des algorithmes décisionnels… plus de 150 outils et concepts, toujours évolutifs, sur lesquels reposent les formations. Le concept d’humanitude est le résultat de l’étude du déroulement des nombreuses toilettes réalisées auprès des malades les plus difficiles, lors de l’application en stage des théories enseignées : les patients ne sont pas agressifs lorsque l’on entre et reste en contact avec eux, si l’on s’interdit d’imposer un geste, de le faire à leur place, sans l’annoncer… Tout mammifère, pour survivre après la mise-bas, est léché par sa génitrice. Celle-ci informe le nouveau-venu qu’il est son petit, initie l’attachement à la mère, la reconnaissance du groupe et l’appartenance à l’espèce. L’humanitude est l’ensemble des critères qui permettent à chaque homme de reconnaître l’autre comme membre de son espèce, de se reconnaître soi-même comme tel. Il est aujourd’hui reconnu que le petit d’homme ne se développe pas « normalement » s’il ne peut bénéficier de ces liens dès la naissance et dans l’enfance. Il est moins manifeste que ces liens au grand âge restent fondamentaux pour le maintien de cette reconnaissance mutuelle implicite. Les trois premiers piliers de l’humanitude sont le regard, la parole et le toucher, ceux que la maman échange avec son bébé dès son arrivée. PRATIQUES 45 AVRIL 2009 54