Sujet : Adam SMITH est

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Sujet : Adam SMITH est-il un auteur moderne ?
Adam SMITH (1723-1790) écrit en 1776 L’enquête sur la nature et les causes de la richesse
des nations, ouvrage clé dans l’histoire de la pensée économique. Ce livre suscite dès sa parution un
grand intérêt, la 1ère traduction en français est faite en 1781. A l’aube de l’expansion du capitalisme
industriel, la liberté des échanges est entravée par des règlements multiples, hérités, entre autres, des
politiques mercantilistes. S’est déjà exprimée, en France notamment, la doctrine du « laissez faire »,
qui exige la libre circulation des marchandises et des hommes. C’est dans ce contexte que SMITH va
expliquer la nature de la richesse et les conditions de sa croissance. Ce livre devient l’ouvrage de
référence de la plupart des grands auteurs du XIXème siècle, même si c’est parfois pour le critiquer.
Au-delà de cette influence immédiate, l’œuvre de SMITH met en place un ensemble de concepts qui
restent largement présents aujourd’hui.
Problématique : En quoi Adam SMITH peut-il être considéré comme le père fondateur de l’économie
politique moderne ?
I- L’actualité des idées d’Adam SMITH :
A- SMITH défend un libéralisme « éclairé » :
Adam SMITH «énonce le concept de « main invisible » selon lequel la poursuite par chacun de son
intérêt personnel aboutit à l’intérêt général, sans que les individus n’en aient eu l’intention. SMITH
montre l’harmonie apportée par le marché. Il défend la concurrence interne mais aussi internationale
(théorie des avantages absolus). Le libéralisme est enfin reconnu depuis une trentaine d’années, avec
la faillite des systèmes collectivistes et les problèmes de l’Etat-Providence. Le libre-échange
international s’est étendu à de nouveaux pays.
F. HAYEK voit en SMITH un des inventeurs de l’idée d’un « ordre spontané » émergeant des
actions individuelles.
M. THATCHER se réclamera à la fois de SMITH, BASTIAT et HAYEK pour justifier sa politique
libérale.
Le libéralisme de SMITH est nuancé : selon lui, l’Etat se doit ériger les infrastructures utiles à la
société mais dont la construction n’est pas rentable pour une entreprise privée.
Le modèle de croissance endogène de BARRO (1990) vise à montrer l’influence du capital public
sur la croissance.
B- SMITH a une vision moderne du fonctionnement global de l’économie :
* Sa théorie de la concurrence, qu’il définit comme la libre entrée sur un marché, est en accord avec la
théorie des marchés contestables de BAUMOL (1982) et la vision de la libre concurrence dans l’école
autrichienne (SALIN), plutôt qu’avec la théorie de la CPP des néoclassiques – laquelle est source de
difficultés d’application.
* Son approche non monétaire de l’économie se retrouve dans les diverses formes de la théorie
quantitative de la monnaie et, plus récemment, dans la théorie des cycles économiques réels (LONG,
PLOSSER). La monnaie est analysée comme un moyen de circulation, mais elle n’est pas censée agir
sur les grandeurs économiques. En relation avec sa volonté de se démarquer de la pensée mercantiliste
(richesses = quantité de biens et non stock de métal précieux).
C- SMITH a exploré de nouveaux champs : l’économie des incitations et l’économie du travail
* Son analyse des sociétés par actions préfigure les analyses de la théorie des droits de propriété
(DEMSETZ). Son analyse des effets désincitatifs de l’impôt préfigure la théorie de l’offre de
LAFFER et GILDER. Son analyse du comportement des entrepreneurs face à l’Etat préfigure la
théorie des Choix collectifs (BUCHANAN, TULLOCK).
* Son analyse de la division du travail, à travers l’exemple de la manufacture d’épingles, préfigure les
analyses de la firme (COASE, WILLIAMSON). Sa théorie des différences de salaires annonce la
théorie du capital humain (BECKER).
II- Adam SMITH : un auteur dépassé ?
A- SMITH n’a rien inventé d’essentiel en économie :
- Les vertus de la division du travail avaient été énoncées par PLATON dans La République.
- L’idée de « main invisible » n’a pas été inventée par SMITH bien qu’il ait trouvé la formule. Elle
était dans l’air du temps depuis le début du 18ème siècle, avec la Fable des abeilles de
MANDEVILLE (1714) et la « main suprême » de l’abbé GALIANI (1751). Ces 2 auteurs
montrant que nos passions viles sont les plus souvent, en dépit de nous-mêmes, ordonnées à
l’avantage de l’ensemble. SMITH n’emploie qu’une fois cette formule dans La richesse des
nations et la liste qu’il dresse des exceptions à la règle du marché est longue.
B- SMITH a enfanté le marxisme :
SMITH développe la théorie de la valeur travail. Il va ainsi contribuer à faire momentanément tomber
dans l’oubli des générations de penseurs qui avaient conceptualisé la théorie de la valeur utilité
(CANTILLON, CONDILLAC, TURGOT) et engager la réflexion économique sur une voie qui
conduira à RICARDO puis à MARX et au socialisme. Faisant perdre un siècle à la science
économique, jusqu’à la révolution marginaliste. C’est « l’homme qui a fait dérailler la science
économique » pour Philippe SIMONNOT.
C- SMITH a eu des intuitions qui se sont révélées erronées :
- Il considère comme productif seulement le travail portant sur la matière. Donc comme
improductif le travail immatériel, ce que l’on appelle aujourd’hui les services. Secteur d’où l’on
tire plus de 75% des richesses de nos jours dans les pays industrialisés.
- L’idée de salaire de subsistance, sous l’effet de la démographie. La hausse des salaires permet aux
pauvres de faire vivre leurs enfants et donc d’accroître à terme la main-d’œuvre disponible,
provoquant alors une baisse des salaires vers leur niveau antérieur. Or l’accumulation du capital et
le progrès technique permettent d’augmenter le niveau de vie.
Conclusion : Il y a dans SMITH un concentré de la plupart des thèmes économiques actuels. Sa
réflexion économique s’inscrit dans une réflexion plus large sur la société et ses fondements moraux
et juridiques, ses institutions, ses régulations (La théorie des sentiments moraux, 1759) => SMITH
était peut-être meilleur philosophe qu’économiste.
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