Présentation au propre - Enseigner et partager

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L'intérieur du théâtre de la Reine au petit Trianon en 1838, par ASSELINEAU Antoinette
(Versailles ; musée national du château et des Trianons)
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1
(
Je tiens à remercier Madame Jovignot pour ses conseils, sa disponibilité et
ses méthodes peu communes mais véritablement motivantes.
Je remercie également ma conseillère pédagogique Madame Lavault dont les
conseils constants tout au long de l’année m’ont permis de repenser ma
pratique pédagogique avec succès.
Je remercie ma deuxième conseillère pédagogique, Madame Valérie Leterq
pour son écoute, sa gentillesse et ses précieux conseils.
Mes remerciements vont également à tous ceux qui ont accepté de me faire
entrer dans l’univers magique du théâtre.
2
)
1.
*
Table des matières……………………………………………………
p3
Introduction…………………………………………………………...
p6
•
Problématique……………………………………………………..
p9
•
Plan………………………………………………………………..
p9
La naissance d’un projet : Faire en sorte que mes élèves
expérimentent les enjeux d’un texte appartenant au
répertoire de la tragédie classique……………………………….
p 10
1.1. Analyse de l’existant : un environnement se prêtant à des pratiques
originales et constructives…………………………………………………...
p 11
1.1.1. Le Lycée Charles de Gaulle comme cadre dynamique……………
p 11
1.1.2. Ma classe : des élèves dans un processus de découverte active de la
littérature…………………………………………………………….
1.1.3. Le théâtre dans la vie de ces lycéens………………………………
1.2. La naissance du projet : la tragédie au défi……………………………
2.
p 13
p 14
p 16
1.2.1. Le défi d’un redoublant……………………………………………
p 16
1.2.2. Pour une démarche constructive : faire revivre la tragédie classique…
p 17
1.2.3. La légitimité d’un tel projet………………………………………….
p 17
Mise en pratique du projet et action pédagogique : Mener
une séquence d’approche d’Andromaque de Racine en
amenant le jeu théâtral et la représentation dans ma
salle de classe…………………………………………. ……………………
p 20
2.1. Une utilisation insuffisante du théâtre : réflexions sur les pratiques
pédagogiques existantes et sur les remédiations proposées par les
ouvrages théoriques………………………………………………………………
p 21
2.1.1. Le théâtre dans les programmes : un objet d’étude à privilégier………
p 21
3
2.1.2. Les pratiques pédagogiques existantes et les problèmes qu’elles
soulèvent: « un spectacle dans un fauteuil »………………………………
p 23
2.1.3. Théories et pistes à découvrir : comment introduire le théâtre
et sa pratique dans les cours de lycée ?……………………………
p 25
2.2. De la théorie à la pratique : Projet, présentation et déroulement de ma
séquence « Découvrons l’univers d’une tragédie classique »………..
p 27
2.2.1. Le choix de la tragédie et d’une tragédie…………………………
p 27
2.2.2. Le projet : Quels savoirs ? Quelle progression ? Avec quels
moyens ?…………………………………………………………….
2.2.3. Le déroulement de la séquence : présentation succincte………….
2.3. Présentation des activités spécifiquement théâtrales…………………
2.3.1. Activités en classe entière…………………………………………
p 30
p 31
p 31
•
Dire l’alexandrin………………………………………..………
p 31
•
Le travail sur la fable…………………………………………….
p 32
•
Le théâtre-image en parallèle du travail sur la fable……………..
p 33
•
Pour la scène d’exposition : la mise en jeu avant le texte………..
p 34
•
Les courtes mises en scène et le travail de réécriture…………….
p 34
2.3.2. Les prolongements en aide individualisée…………………………
p 35
•
Activités complémentaires pour les élèves voulant approfondir
l’approche des pièces par le jeu théâtral……………..…………….
•
p 35
Atelier d’écriture sur trois semaines : renforcer la sensibilité et
la perspicacité des élèves face à un texte théâtral………………………
3.
p 29
p 36
Bilan pratique de mon projet : mes échecs et mes
réussites………………………………………………………………………
p 39
3.1. L’intérêt que j’en ai tiré dans le cadre de ma formation………………
p 40
3.1.1. Ma pratique en tant que professeur……………………….. ……
p 40
3.1.2. Une ouverture possible : les stages et les modules optionnels………
p 41
3.2. Les succès liés à la mise en pratique du projet …………………………
p 43
4
3.2.1. Ce qui a présenté une réelle efficacité et pourquoi…………………..
p 43
3.2.2. Les apports pour les élèves…………………………………………
p 44
3.3. Les difficultés rencontrées dans la mise en pratique……………………
p 46
3.3.1. Les difficultés ponctuelles……………………………………………
p 46
3.3.2. Les difficultés plus profondes………………………………………...
p 47
3.4. Quelques principes de remédiations proposés…………………………
p 49
CONCLUSION………………………………………………………….
p 51
ANNEXE…………………………………………………………………
p 53
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………..
p 74
5
&
Au théâtre, par Gaston de LATOUCHE (Evreux ; musée de l'Ancien Evêché)
6
&
La réflexion exposée ici trouve sa source dans un constat : la difficulté
pour un professeur débutant de construire et de mettre en œuvre une séquence
portant sur une œuvre théâtrale. Inscrit au programme des lycées, le théâtre résiste
en effet aux tentatives d’approche pédagogique et reste par conséquent le plus
souvent lettre morte pour les élèves dont la plupart préfère demeurer dans un
rapport de distance vis-à-vis d’un texte dont ils ne parviennent ni à sentir, ni à
vivre les enjeux.
Cet échec, ne nous voilons pas la face, est sans aucun doute lié au
parcours des jeunes professeurs formés en tant que praticiens des textes et nonspécialistes en matière de représentation, de jeu théâtral. Que faut-il faire alors ?
Doit-on se résigner à n’entrer dans l’œuvre de théâtre que par le texte ? Ou est-il
possible d’amener l’univers de la représentation théâtrale jusque dans sa salle de
classe ? En deux mots, quelle pourrait être ou devrait être la position du professeur
ayant décidé d’aborder comme objet d’étude le théâtre au cours d’une séquence ?
« Peut-on aborder une œuvre théâtrale en se cantonnant au texte ? », a
été la question à l’origine de mon mémoire. Mon premier réflexe était en début
d’année, je l’avoue, de répondre affirmativement à cette question en avançant le
caractère premier du texte et d’annexer le théâtral à la littérature, domaine pour
lequel j’avais été formée : selon moi une bonne approche du théâtre devait passer
par une lecture attentive de l’œuvre. J’étais d’ailleurs un peu sceptique devant
certaines tentatives de metteurs en scène contemporains visant à faire du texte un
matériau parmi d’autres mis à la disposition de leur créativité singulière.
Cette première prise de position, je l’ai remise en question dès les
premières semaines de mon année de stage au moment de préparer ma séquence
consacrée au théâtre. Me limiter en effet au texte n’était-ce pas courir le risque de
priver mes élèves de toute une dimension du théâtre ? Amputer le texte de ses
effets sur le public n’était-ce pas courir le risque de faire de l’œuvre un texte sans
âme et étranger aux préoccupations des lycéens, un texte mort ? A force de revenir
sans cesse au texte, ne risquais-je pas d’en oublier l’origine du mot « théâtre » :
7
« thêomai » qui signifie « contempler », étymologie significative pour cet art de la
mimésis.
« Dois-je dans ce cas, me tourner au contraire et avant tout vers la
représentation ? Dois-je faire expérimenter le devenir dramaturgique des oeuvres
par mes élèves comme nous y encourage la multiplication récente des ouvrages
dont le but est de faire l’éloge des bienfaits liés à la pratique théâtrale, de l’école
maternelle à l’université ? », ont été les deux autres questions que je me suis
ensuite posées. C’était, j’en ai conscience, jouer le jeu d’un véritable topos
pédagogique visant à prouver la nécessité des pratiques théâtrales en milieu
scolaire et à faire du théâtre « une fenêtre sur le monde », « une école de la vie »,
« un moyen de favoriser la création, d’expérimenter des émotions… »…
Je
craignais d’ailleurs, en voulant envisager à tout prix la représentation, de sacrifier
à une mode pédagogique. N’était-ce pas également, et sur un autre plan, courir le
risque de transformer mon cours en atelier théâtre en annexant à l’enseignement
de la littérature ce qui au départ était avant tout une pratique scénique ?
Choisir de se consacrer à la représentation, soulevait donc
potentiellement un certain nombre de problèmes didactiques : Comment étudier la
représentation en classe, représentation inscrite dans les programmes de Seconde
et de Première, sans n’étudier que la représentation ? Dans quelle perspective
didactique et avec quels moyens ? Quels savoirs et savoir-faire faire acquérir aux
élèves par ce moyen ?
Que je choisisse de sacrifier ma pratique pédagogique à l’un ou l’autre
de ces choix initiaux, avantage accordé au texte ou à la représentation, il me
semblait que je courais toujours un risque. C’est pourquoi, afin de trancher et
d’orienter ma recherche vers une pédagogie constructive, j’ai finalement choisi
pour mes recherches et pratiques une position médiane, me permettant d’envisager
l’œuvre de théâtre comme unité, à la fois texte et représentation, texte troué
trouvant sa réalisation pleine et entière dans son devenir dramaturgique : c’est-àdire entrer dans l’œuvre par le texte et la question du sens, sans jamais oublier son
fonctionnement dramaturgique c'est-à-dire la question de la représentation.
Mon mémoire est consacré à l’application de cette prise de position
dans l’enseignement du français au lycée. Soit : comment aborder l’étude du
théâtre en sensibilisant les élèves à la dimension dramaturgique et scénique des
8
pièces ? Comment amener la pratique théâtrale dans mon cours tout en faisant en
sorte que cette pratique ne soit pas coupée des enjeux des textes ? Comment
préparer mes élèves efficacement à l’épreuve anticipée du bac (c’est-à-dire leur
offrir des savoirs) tout en leur faisant aimer la littérature, en leur faisant vivre les
textes (la représentation permettant au texte de passer par le corps) ?
PROBLEMATIQUE
En creusant plus en avant ces premières pistes réflexives m’invitant à
repenser mes propres pratiques pédagogiques, j’ai choisi d’appliquer plus
précisément mon analyse à l’étude d’une tragédie classique dans une classe de
seconde, d’où le titre de ce mémoire : « Tragédie classique et théâtre vivant » :
comment entrer dans l’univers de la tragédie classique sans se cantonner à un
travail de lecture analytique ? Comment faire en sorte que les élèves prennent une
part active à la découverte de ce répertoire ? Comment animer une découverte
collective, l’expérimentation des enjeux d’un texte appartenant au répertoire de la
tragédie classique ?
PLAN
C’est afin de répondre à toutes ces interrogations que j’analyserai dans
un premier temps les conditions particulières qui ont fait naître mon projet. Ma
deuxième partie sera consacrée à mon action pédagogique à travers une séquence
expérimentée en classe de seconde: en deux mots j’étudierai le passage de la
théorie à la pratique. Enfin je reviendrai dans un troisième et dernier temps sur
l’efficacité de mon projet et sur la faisabilité de sa mise en pratique.
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Une scène du Bourgeois Gentilhomme, par HILLEMACHER Eugène Ernest
(Evreux ; musée de l'Ancien Evêché)
« Les pièces ne sont faites que pour être jouées et je ne
conseille de lire celle-ci qu’aux personnes qui ont des yeux pour
découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre ».
(Molière, la préface de L’amour Médecin)
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Dans cette première partie il me paraît nécessaire de revenir aux
sources de mon projet qui expliquent en grande partie l’orientation prise par mon
mémoire et mes choix en matière de pédagogie. C’est pourquoi nous observerons
ici l’environnement dans lequel ma recherche est venue s’inscrire.
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2
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Voici comment en début d’année j’ai découvert que mon
environnement de travail allait être propice à des pratiques pédagogiques
originales et constructives.
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4
Début septembre est enfin tombé le verdict tant attendu : « Le Lycée
Charles de Gaulle »… Le Dieu maléfique des premières affectations aurait-il
entendu mes prières renouvelées au milieu de toutes celles des nouveaux
professeurs certifiés et agrégés soumis aux aléas des mouvements de mutations,
et m’aurait-il épargnée ?
•
4
Le lycée Charles de Gaulle, que demander de mieux pour une
première affectation ? Situé dans un quartier relativement récent de Dijon, le
Lycée européen Charles de Gaulle fait partie des lycées les mieux « cotés » de
l’académie : des locaux récents et agréables, une véritable qualité de
l’enseignement général, le tout pour mille élèves. Ces élèves, la carte scolaire
permet au lycée de les faire venir des collèges André Malraux, Gaston Roupnel,
Carnot, Clos de Pouilly. Toutefois la richesse des langues proposées (russe,
11
arabe…) et la présence des classes européennes anglais ou allemand au nombre de
places limité expliquent l’extension de son aire de recrutement.
Dès le premier jour le proviseur, Monsieur Charpentier, rappela à tous
que la première raison de la présence des élèves dans les murs de l’établissement
était la suivante : « Préparer un baccalauréat, véritable passeport pour une
poursuite d’études supérieures. » Les chiffres de l’année dernière vinrent appuyer
cette affirmation : 97,28% de réussite au bac pour 2006 et 100% pour les élèves
suivant les options européennes. Si ce discours mit la pression aux élèves de
seconde découvrant l’univers du lycée, il ne me rassura pas non plus. Mon contrat
initial vis à vis de l’établissement était ainsi placé implicitement sous le signe
d’une obligation de réussite sans égard pour ma qualité de professeur stagiaire.
Heureusement l’équipe pédagogique, dont ma conseillère, trouvèrent les mots
pour me rassurer et m’aider à plonger dans le grand bain sans faire de vagues ; la
prise en compte du matériel mis à ma disposition acheva de me faire prendre
confiance en moi.
•
3
Salles multimédia avec 18 ordinateurs, salles avec tableau blanc
interactif permettant de diffuser des cours power point, chariot multimédia avec
lecteur de DVD ou de cassettes, lecteur CD, vidéo projecteur, rétroprojecteur…
autant de nouveaux outils mis à la disposition des professeurs du lycée. Ainsi, à
peine installée dans mon établissement, de nouvelles façons d’enseigner sont
venues s’offrir à moi. Les possibilités étaient multiples : présentation d’une
séquence sous power point à l’aide du vidéo projecteur, analyse de l’image sur le
tableau blanc interactif, visionnage de film, travail sur les textes à l’aide du
rétroprojecteur...
Concernant la configuration de mes salles, par contre, je me suis
rendue compte dès ma première semaine que le champ des possibilités était moins
ouvert : Comment, en effet « caser » mes 33 élèves dans des espaces limités à 34
tables ? Comment organiser un espace de jeu dynamique au sein de ces
configurations restreintes ?… J’allais apprendre à m’adapter, et à adapter mes
activités à ce cadre.
12
Après la richesse du matériel et mes salles, il ne me restait plus qu’à
découvrir mes élèves.
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A mon entrée dans la classe j’ai tout de suite compris que l’année de
seconde était pour les élèves une classe charnière où pouvait trouver à se
développer leur goût pour la littérature. La première fois en effet que j’ai vu mes
élèves, un peu paniquée à l’idée d’avoir affaire à un public agité par ses
préoccupations adolescentes, j’ai eu le plaisir de découvrir une classe, certes
extrêmement vivante, mais motivée et motivante.
Dès les premiers cours, ma classe, la Seconde 4, s’est révélée être
d’un très bon niveau, et relativement homogène, sans élève en véritable perdition
dans la grande mer du français. Au lycée les professeurs à qui je faisais l’éloge
naïf de ma classe me désignaient ce phénomène par l’expression : « la classe
européenne allemand », suggérant par-là que le choix de l’option permettait à
l’entrée au lycée de créer des classes de niveau : ici de très bons élèves.
Certes, sur mes trente trois élèves quelques-uns uns ont montré tout au
long de l’année une certaine faiblesse, mais la dynamique de la classe, animée par
une dizaine d’éléments à la culture littéraire déjà fortement affirmée, a le plus
souvent permis de les tirer vers le haut.
N’ayant pas un besoin urgent de consolider des acquis ou de travailler
sur la langue pour combler des lacunes, j’ai alors fait le choix de me lancer avec
eux, et ce dès le début de l’année, dans l’exploration de textes d’un niveau
soutenu : ma première séquence a été en effet consacrée au travail de l’écrivain
avec plusieurs cours sur le groupe Oulipo ou encore sur la poésie particulière de
Francis Ponge ; ma deuxième séquence a été consacrée à la découverte des
caractéristiques de la nouvelle avec une nouvelle « classique », La Maison du chat
qui pelote de Balzac, mais aussi avec deux nouvelles de Stefan Zweig à la
structure complexe : Le Joueur d’échecs et Vingt quatre heures de la vie d’une
femme. Ce choix m’a permis de découvrir une classe à la curiosité littéraire et
13
intellectuelle affirmée avec des élèves friands d’anecdotes littéraires et en très
forte demande.
Concernant leur rapport au théâtre, j’ai été également très vite fixée.
En effet, lors de la présentation des objets d’étude au premier cours, l’étude du
théâtre a soulevé un vent d’enthousiasme spontané ou du moins un enthousiasme
plus marqué que pour l’argumentation. Quelques questions ont été alors lancées :
Qui préfère le théâtre au roman ou à la poésie ? : dix mains levées… Qui a déjà vu
une pièce de théâtre ? : une quinzaine de mains levées…Quel théâtre de Dijon
connaissez-vous ?: l’auditorium, le Parvis Saint Jean…
Ce fut alors mon tour d’être enthousiaste. Après tout quel enseignant
n’a pas rêvé un jour d’avoir des élèves spontanément intéressés par un genre
littéraire ? Bien sûr mon enthousiasme n’a pas été constant et je me suis rendue
compte deux mois après la rentrée que leur engouement théâtral masquait
certaines lacunes : A part un de mes redoublants aucun de mes élèves n’avait lu
Racine, tous victimes de la vague Molière au collège… Et la plupart d’entre eux
considérait Antigone d’Anouilh comme une tragédie classique…
En partant de ces deux constats - des élèves aimant le théâtre mais
ayant des lacunes sur le sujet – j’ai donc décidé de sonder leur environnement afin
de savoir ce qui était mis à leur disposition pour cultiver ce goût et combler ces
manques.
1+1+5
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6
Je me suis tout d’abord renseignée pour savoir s’il y avait un club ou
un atelier théâtre au lycée. L’atelier théâtre est tenu le mardi soir par la mère d’un
ancien élève du lycée, Michelle Beaumont, qui accompagne depuis quelques
années tous les mardis soirs un groupe d’élèves dans la découverte du théâtre. Le
travail, de plus en plus intéressant chaque année grâce à la persévérance de
quelques amateurs suivant l’atelier depuis trois ans, se concrétise à la fin de
l’année par une représentation.
Aucun de mes élèves ne s’est inscrit : manque d’informations,
horaires ingrats, manque d’initiative ?… et pourtant l’un d’entre eux a fait du
14
théâtre pendant toutes ses années de collège. Je suis étonnée de leur manque
d’investissement, mais la situation me motive encore plus pour leur faire
découvrir un monde qui n’est pas le leur. Au moins je suis sûre de ne pas empiéter
sur le territoire de l’atelier.
•
!
Je me suis ensuite tournée vers la vie culturelle dijonnaise avec ses
nombreux théâtres : Le duo dijonnais avec l’Auditorium et le Grand théâtre, Le
Parvis Saint Jean, le Théâtre Mansart… La programmation de l’année était riche :
Pirandello, Andromak version revisitée de la pièce de Racine pour le duo
dijonnais. Pour les spectacles de l’ABC : Labiche avec La Cagnotte, Marivaux
avec La mère confidente, Molière avec Le Tartuffe, Le Misanthrope… Le tout
était très alléchant sur le papier.
Dès le début de l’année je me suis chargée de contacter les
responsables des visites du Grand théâtre de Dijon mais je me suis heurtée à des
difficultés d’organisation, non pas de la part du jeune professeur que j’étais, mais
de la part des théâtres : peu de temps de libre, des problèmes pour gérer à la fois
les visites et les répétitions… Bref, au bout d’une dizaine de coups de fils j’ai
baissé les bras et ai décidé de me tourner vers des photos de salles à l’italienne
faute de la visite grandeur nature d’une salle de spectacle.
Concernant les spectacles, Andromak pouvait m’intéresser mais la
représentation ayant lieu mi-Juin, il m’était difficile de mobiliser les élèves pour
une date si lointaine et si proche des examens dans un lycée présentant la
particularité d’être centre d’examen: je me contentai de signaler à mes élèves
l’existence de ce spectacle. Restaient les représentations des spectacles de Molière
ayant lieu au mois d’avril ; mais là ce fut à moi d’avoir quelques difficultés
d’organisation, ne m’y prenant pas suffisamment à l’avance pour avoir des places
pour l’ensemble de mes élèves. Ces échecs à répétition ont au moins eu le mérite
de m’apprendre combien il est important d’anticiper sur le programme théâtral
pour avoir une chance de s’asseoir face à la scène.
15
Ce premier point fait sur l’environnement dans lequel j’ai fait mon
année de stage, il me reste à analyser les circonstances dans lesquelles mon projet
est né.
1+
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Mon projet est né très tôt dans l’année, dès la première semaine.
1+ +1
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)
Lors de mes premiers cours, alors que je mettais à contribution mes
trois redoublants en leur demandant de partager avec les autres élèves leur
première expérience de la seconde, l’un d’entre eux a émis un jugement
catégorique : « J’espère que cette année nous ne ferons pas de tragédie
classique ». J’ai alors laissé la parole à cet élève qui se disait avec beaucoup
d’éloquence traumatisé par « Phèdre ».
Cette conversation quoique informelle a été très enrichissante car
plusieurs constats en sont ressortis: la difficulté de compréhension du texte
racinien écrit en vers (texte au langage soutenu et semé d’expressions
périphrastiques que les élèves ne comprennent plus), l’ennui provoqué par le
manque d’action ( ou plutôt une définition différente de « l’action » pour l’élève
et le professeur), des thèmes dépassés… Autant de critiques ont été lancées, me
laissant perplexe : d’une certaine manière la tragédie classique venait d’être mise
au défi…
Comment allais-je faire accepter à mes élèves une séquence d’étude
sur une tragédie classique, de Racine qui plus est, alors que l’un de mes élèves
venait de descendre devant tous ses camarades (et avec des arguments construits)
cet objet d’étude ? Sur le moment je me suis contentée de rassurer l’ensemble de
la classe : Oui nous ferions une tragédie classique, mais je leur promis
implicitement que cette pièce ne resterait pas étrangère à leurs préoccupations,
qu’ils comprendraient tout et, qui plus est, aimeraient cette séquence. N’était-ce
pas présomptueux de ma part ?
16
1+ +
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!!
Ainsi mon projet de mémoire n’est pas né d’une difficulté propre à ma
classe, mais d’un problème soulevé spontanément par l’un de mes élèves :
Comment mener une séquence d’étude sur la tragédie classique sans que ces
quatre semaines ne deviennent rébarbatives, voire cauchemardesques ? L’idée m’a
taraudée un certain temps avant de prendre forme tout à fait dans mon esprit et de
se concrétiser sous la forme de ma problématique de mémoire.
Il me fallait donc réfléchir à une démarche pédagogique à la fois
originale, de façon à intéresser mes élèves, et constructive, c’est à dire une façon
de les aider à élaborer des savoirs… il me fallait prendre en compte leur difficulté
(notamment l’étrangeté du texte racinien en vers) et leur manque de motivation.
L’enjeu élaboré était de taille : faire revivre la tragédie classique ;
faire en sorte que ces personnages un peu trop nobles, pompeux… deviennent des
proches de mes élèves ; faire en sorte que les vers ne soient pas un obstacle mais
un moyen de rentrer dans l’œuvre ; faire en sorte que les thèmes trouvent à se
réinvestir dans leur vécu. Il me fallait me dépouiller de mes habitudes de lecture :
fini le spectacle dans un fauteuil cher à Musset et à un grand nombre
d’enseignants, j’étais à la recherche d’une pratique pédagogique imprégnée de
pratique théâtrale pouvant redonner aux textes leur dimension scénique.
J’étais en plein dans la préface de L’Amour Médecin de Molière : «
Les pièces ne sont faites que pour être jouées et je ne conseille de lire celles-ci
qu’aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du
théâtre. »
1+ +5
,
-
Mais pourquoi, me direz-vous, vouloir à tout pris partir avec mes
élèves à la rencontre du théâtre ? Trois pistes ont fondé la légitimité de ce projet.
Le premier point a été mon envie de développer les pratiques d’oral au
sein de ma classe, projet difficile à réaliser avec une classe de 33 élèves en heures
de cours. Si, en effet, les programmes insistent sur l’importance à accorder à cet
objet qui constitue « un enjeu important dans la mesure où il joue un rôle
17
déterminant pour la participation toute vie sociale »1, la mise en pratique dans le
cadre de la classe de ces pratiques orales relève souvent d’un défi quotidien. Ainsi
après avoir multiplié les interrogations orales de début de cours, les jeux de rôles
en aide individualisée, les lectures à haute voix, les débats, je me suis rendue
compte qu’il devenait urgent de trouver d’autres pratiques avant d’épuiser la
motivation de mes élèves. La perspective de développer quelques activités
théâtrales avec l’ensemble de ma classe ou par groupes m’a alors paru une
opportunité intéressante, ou du moins un bon moyen de favoriser les pratiques
orales sans les couper du reste de mon cours. Cela m’a également semblé être un
bon moyen de rompre avec les habitudes de la classe, d’enfin découvrir les corps
de mes élèves-troncs, de les faire venir au tableau, de les voir se mouvoir… et un
bon moyen de les faire progresser dans leur maîtrise de l’oral tout en les faisant
réfléchir aux nombreux paramètres qui exercent une influence sur la prise de
parole.
Si développer l’oral a été l’un de mes premiers buts, le deuxième a été
d’aider mes élèves à approfondir leur lecture des textes c’est-à-dire les aider à
oublier le formalisme du collège pour se plonger dans le sens des oeuvres. Mes
élèves avaient en effet montré dès le début de l’année une finesse d’observation
des faits littéraires, il me fallait les amener à présent de l’observation de la forme à
l’interprétation, aux hypothèses de lecture, bref au sens. Les pratiques théâtrales
m’ont semblé dans ce cadre être une porte d’entrée ludique pour enfin permettre à
ces lycéens d’expérimenter les enjeux des textes. En effet quoi de mieux que de
jouer un extrait de dilemme pour intégrer et comprendre la complexité d’un
personnage ; que le recours à une image (jouer la pièce en images fixes) pour
concrétiser le sens …
Enfin ce projet a trouvé à s’inscrire dans le cadre des programmes :
dans la continuité du collège et en prévision de la première j’allais donner à mes
élèves le sens du théâtre, les familiariser avec la représentation, leur faire adopter
un état d’esprit dramaturgique.
1
Accompagnement des programmes, Français, classes de seconde et première, CNDP
18
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La naissance de ce projet m’a conduite assez tôt dans l’année à
interroger les pratiques pédagogiques existantes, les attentes des programmes, les
solutions proposées dans les ouvrages théoriques consultés ou lors d’un stage de
formation du Pôle National de ressources que je fis au mois de novembre… De la
théorie à la pratique voici comment mon projet a été mis en pratique.
19
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.
,
,
(
6
Une Loge aux Italiens, par Eva GONZALES
(Paris, Musée d’Orsay)
20
&&+
.
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6
Une fois mon projet commencé, l’intérêt d’une approche de la littérature
un peu vivante m’a semblé l’évidence même. Mais la consultation d’ouvrages
théoriques, la prise en compte de mon environnement de travail, m’ont fait
prendre conscience que cette démarche n’allait pas forcément de soi. « De la
théorie à la pratique », voici quel aurait pu être le titre de cette deuxième partie
consacrée à la mise en pratique de mon projet : Comment mener une séquence
d’approche d’Andromaque de Racine en sensibilisant par l’expérience les élèves
au fonctionnement dramaturgique de la pièce ? Comment introduire le jeu dans
une séquence consacrée au théâtre ?
+1
0
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Le premier point que je souhaiterais aborder sera avant tout un bilan
des pratiques d’enseignement existantes. Je partirai pour cela de ce que
préconisent les programmes.
+1+1
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)-
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3
!
Le théâtre occupe dans les Programmes une place importante puisqu’il fait
partie des « objets d’étude » à étudier au cours de l’année : « Il s’agit de percevoir
les spécificités (le théâtre comme texte et comme spectacle) et les évolutions du
genre ».2
2
Programmes des enseignements de la classe de seconde générale et technologique – français, in B.O. n°28, 12
juillet 2001
21
Les Documents d’accompagnement3 préconisent pour cet objet de partir
des connaissances des élèves acquises au collège (Molière pour l’essentiel) et de
compléter cette première approche en l’enrichissant. Il s’agit pour l’essentiel
de donner aux élèves « une connaissance critique de l’art théâtral, par une
réflexion sur les caractéristiques du genre et ses évolutions. » : l’étude du genre
est ainsi à lier avec une perspective d’histoire littéraire. Dans ce cadre est
d’ailleurs conseillée la lecture d’œuvres significatives relevant de la tragédie ou de
la comédie.
Mais l’année de seconde ne doit pas seulement se cantonner à un travail
sur les textes et doit également introduire les élèves à « la spécificité de l’œuvre
théâtrale, à la fois texte et spectacle ». Les conséquences pour la mise en pratique
pédagogique sont multiples ; le théâtre doit en effet être analysé en tant que genre
scénique, ce qui impose entre autres un travail sur l’oral : « des mises en scènes,
des lectures à haute voix, des récitations peuvent s’associer au travail sur la
nature de l’œuvre comme spectacle »4. Les documents d’accompagnement se
voulant plus précis encore, ajoutent d’ailleurs qu’il est nécessaire de prendre en
compte dans le cours de français, « le rôle de l’espace scénique des décors, des
costumes, des éclairages et d’engager une réflexion sur les conventions de
représentation. » Ainsi l’étude du théâtre doit pouvoir associer, dans la mesure
du possible, le travail sur le texte et sur l’interprétation scénique. Pour cet aspect
la pratique d’activités théâtrales est conseillée mais aussi la vision d’une
réalisation de l’œuvre étudiée en classe5.
Pour reprendre les programmes, il s’agit donc de confronter les élèves à la
dimension scénique de tout texte théâtral, cette initiation devant permettre de faire
le lien avec la première. Dans cette classe en effet, la spécificité du théâtre, à la
3
Accompagnements des programmes des classes de seconde et première générales, CNDP, 2001
4
Sur ce point, je soulignerai l’importance accordée à l’oral dans cet objet d’étude qu’est le théâtre, les
programmes invitant à concrétiser les textes par un travail d’oralisation. Les textes officiels insistent d’ailleurs
sur l’importance que doit occuper l’oral au lycée : « il est à la fois le moyen des apprentissages et une fin en soi.
C’est un enjeu important dans la mesure où il joue un rôle déterminant pour la participation à toute vie sociale.
Il constitue le premier mode de rapport à la langue et à la culture ». Le but est ainsi de permettre aux élèves de
pratiquer des activités orales diversifiées et de commencer à analyser les spécificités de l’oral (variations des
formes de parole et des niveaux de langue en fonction des situations, des buts, des interlocuteurs).
5
Je souligne tout de suite qu’un problème s’est posé avec l’œuvre choisie, Andromaque, dont il n’était pas
possible de se procurer une représentation filmée ; d’où mon choix de travailler en module sur des extraits de la
mise en scène de Phèdre par Chéreau (les trois aveux de Phèdre), choix qui m’a par ailleurs permis de faire
découvrir à ma classe un autre texte de Racine.
22
fois texte et spectacle, est mise en avant et doit amener les élèves à mieux cerner
la diversité des ressources du littéraire, et à s’interroger sur les liens entre oral et
écrit, verbal et visuel… En première la complexité de ce langage entre donc au
premier plan : il s’agit de faire comprendre aux élèves comment l’œuvre
dramatique prend toute sa signification dans sa réalisation sur scène.
Mon entreprise est donc partie de ces programmes, mais l’accouchement a
été difficile et les obstacles nombreux. J’allais d’ailleurs prendre conscience du
fossé séparant les prescriptions des programmes et l’utilisation insuffisante du
théâtre dans les pratiques d’enseignement existantes.
+1+
,
0
*!
. 7
)*
8
Je dois avouer que le passage de la théorie à la pratique a été pour moi
assez abrupte, et je l’estime symptomatique du fossé qui sépare encore
aujourd’hui le texte de la représentation, la lecture des textes du jeu théâtral…
L’examen des pratiques existantes m’a d’ailleurs fait repenser aux mises en garde
de Jean Luc Mattéoli : 6
« Le texte de théâtre peut en effet se prêter à l'
exploitation
ordinaire qu'
on fait du texte romanesque ou poétique en classe
(explication), mais est finalement toujours ignoré dans sa spécificité,
voire tronqué : la partie scénique de l'
écriture est négligée et l'
appel qui
pourrait être fait, à cette occasion, à l'
imagination et à la création des
élèves est éludé. ».
Ce que je craignais par-dessus en préparant ma séquence c’était de couper
le texte de son fonctionnement dramaturgique. Il me fallait donc m’éloigner d’un
certain culte du texte littéraire à l’œuvre chez un grand nombre d’enseignants,
culte refusant de rien envisager qui ne soit texte, et multipliant les lectures
analytiques. Si j’estimais en effet, que rien n’interdisait à l’enseignant de se livrer
justement à la lecture analytique (souvent indispensable), il me semblait que la
prééminence de cette pratique dans l’enseignement du théâtre posait problème.
Pour moi cette méthode était vouée en grande partie à l’échec dans la
multiplication des buts visés : déchiffrer le texte du XVIIème souvent
6
LES LANGUES THEATRALES CONTEMPORAINES, J-L. MATTEOLI, déc. 01, Académie de Dijon, site
Enseignement du théâtre
23
incompréhensible à la première lecture par les élèves ; donc traduire le texte, mais
aussi repérer les procédés et qualités littéraires du texte ; et enfin envisager la mise
en scène dans le temps restant… programme ambitieux sur le papier mais courant
le risque de n’atteindre aucun de ces objectifs, les élèves s’arrêtant souvent à la
première étape.
Comment échapper à cela ? Comment atteindre ces objectifs autrement ?
Comment dépasser l’illusion fort répandue et toute naturelle (à laquelle s’adonne
une grande partie du corps enseignant) que le texte est premier, au moins dans le
temps ? Comment considérer la représentation autrement que comme l’édifice
venant s’appuyer sur le socle premier du texte ? Comment vaincre ces postulats
impliquant entre autres que le texte de théâtre puisse se lire comme un autre texte
littéraire, et qu’il puisse être soumis à la même analyse qu’un roman ou une
nouvelle ?
Il me semblait nécessaire de repartir avec mes élèves du texte et de ses
caractéristiques en
soulignant
notamment
la
dimension
lacunaire
et
nécessairement trouée de tout texte théâtral. L’image de la bande dessinée m’a
d’ailleurs été extrêmement utile pour sensibiliser ma classe à ce problème : il est
aussi incohérent de lire un texte de théâtre sans envisager son devenir
dramaturgique que de lire une bande dessinée dont on n’aurait que les bulles.
Leur faire toucher d’emblée du doigt ce problème, c’était leur montrer qu’un texte
de théâtre ne peut pas être envisagé comme certains autres textes de fiction que
nous avions étudiés depuis le début de l’année, et qui dans une certaine mesure
comblaient leur imagination ( alors que la scène exclut toute détermination
préalable).
J’ai mis les choses au point dans la présentation de la séquence en
leur disant que pour cette séquence il serait indispensable d’aborder les textes
avec un état d’esprit dramaturgique. « Soyez la nouvelle génération de metteur en
scène, de comédiens d’Andromaque », a été ma seule recommandation.
L’expression les a fait sourire et pourtant il me semblait que cette exigence allait
me permettre de leur faire découvrir de façon approfondie les enjeux du texte. Par
ce travail de théâtralisation imaginaire je voulais les aider à voir le théâtre
24
autrement, à être sensible à la pluralité des choix possibles, ouvrir l’imagination
aux possibilités latentes du texte de théâtre7…
Comment faire cependant pour parvenir à cet idéal sans nécessairement
faire "jouer" mes élèves, le jeu en effet étant limité par mon absence de formation,
le trop grand nombre d'élèves, l'espace trop réduit (et contigu à d'autres salles de
classe )?
+1+5
3
!
.
4
6
Dans l’absolu, il existe un éventail de ressources très large si l’on fait
le choix de faire découvrir aux élèves la place de la représentation dans l’univers
théâtral . Mais cela suppose du temps et des ressources. Modestement et sans
prétendre monter un atelier-théâtre, voici les possibilités que j’ai retenues et qui
me paraissaient applicables directement à ma classe.
Parmi les textes théoriques plusieurs livres proposent des solutions
concrètes. S’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait sans doute celui de Chantal
Dubiline et Bernard Grosjean, Coups de théâtre en classe entière8. Dans cet
ouvrage, en effet, les deux praticiens s’interrogent concrètement sur ce que met en
jeu la pratique du théâtre dans le cadre scolaire et voici ce qu’ils retiennent :
« Jouer c’est agir, et c’est pouvoir, dans le champ du théâtre, se laisser aller à
son imagination, à ses impulsions et à ses émotions et simultanément trouver une
forme pour les exprimer, les partager avec d’autres et surtout se procurer et
procurer du plaisir ». Conscients des impératifs liés au programme et des
obstacles matériels (manque d’espace, nombre d’élèves… ) les deux auteurs de
cet ouvrage proposent à la fois des activités et des exemples de séquence
facilement applicables.
7
Je repensais d’ailleurs en disant cela aux propos de Pascal Charvet lors de l’une de ses interventions: « Le
lecteur pourra constater que lire un texte de théâtre c’est déjà le mettre en scène et que le mettre en scène, c’est
lire sans qu’il soit jamais possible de séparer, d’un côté, un temps du texte et, de l’autre, un temps de la
représentation. Mettre en scène, c’est entrer en dialogue avec tous les lecteurs d’une pièce, celui qu’on a été,
celui que l’œuvre fabrique en vous, ceux qui vous précèdent. »
8
DULIBINE C. et GROSJEAN B., Coups de théâtre en classe entière, Paris, CRDP, Edition Argos démarche,
2005
25
Parmi ces propositions que l’on retrouve dans grand nombre
d’ouvrages pratiques comme Pratiques du théâtre de Christiane Page9, Le jeu
dramatique en milieu scolaire de Jean Pierre Ryngaert10… certaines sont
facilement applicables :
Le théâtre image : il s’agit de créer des sortes de tableaux vivants
fixes, en sculptant et en agençant les corps des joueurs, figés dans une complète
immobilité, en arrêt sur image, avec une grande précision dans la posture, le
regard et l’expression du visage. Ces images servent ensuite de support à la
verbalisation. Ce travail de mise en image peut être réalisé à partir des moments
clefs d’une pièce ou pour expliciter les enjeux d’une scène, d’une tirade…
La lecture expressive pour entrer dans le texte : Il s’agit ici de lire
de manière vivante l’ensemble d’une scène en impliquant l’ensemble des élèves :
les élèves se répartissent dans l’ensemble de la classe, de manière à former un
grand cercle. Chaque élève, dans l’ordre de parole défini par ce cercle et dans
l’ordre des répliques tel qu’il est donné par le texte, prend en charge une seule
réplique, la profère à l’ensemble de la classe, puis passe le relais, pour la réplique
suivante, à son voisin. La seule consigne donnée est de lire avec énergie mais sans
mettre le ton. Ce travail peut-être fait sur l’ensemble de la pièce grâce à une
sélection de répliques opérée par les élèves ou le professeur et peut être
accompagné de contraintes de débit, hauteur, contraintes physiques (chuchoter,
crier, parler lentement parler rapidement, comme si vous étiez inquiet, comme si
vous alliez vous évanouir…)… On peut également constituer des chœurs pour
vaincre la peur des élèves à réciter.
Le travail sur la réplique peut être mener en parallèle, à partir de la
sélection par le professeur d’une série de répliques afin de découvrir une large
masse d’informations sur l’œuvre, son référent, ses enjeux, ses choix esthétiques (
sélection de répliques significatives pour un personnage, un thème…). Il s’agit de
libérer les élèves du texte qui le plus souvent les inhibe en jouant avec toutes les
manières de les dire, de les prononcer, de les proférer… ainsi les élèves doivent
sortir du réflexe de la récitation. Ces consignes amènent chacun à se poser la
question, fondamentale au théâtre, de l’adresse et du sens.
9
PAGE Christiane, coord. Par, Pratiques du théâtre, Paris, CNDP / Edition Hachette Education, 1998
10
RYNGAERT, Jean-Pierre. Le jeu dramatique en milieu scolaire. Bruxelles : De Boeck Université, 1991
26
Les ouvrages théoriques proposent également une série de
questions indispensables à poser face à un texte de théâtre : Quelles
informations véhicule la scène ? Quelle est la position du spectateur ? Qui parle à
qui ? Comment passe-t-on du début à la fin ? Que dire sur l’action et le rapport de
la parole à l’action ?
Ce sont entre autres ces propositions qui ont retenu mon attention et m’ont
montré que la pratique du jeu théâtral n’était pas incompatible avec la
construction des savoirs en classe entière : il me fallait oser le théâtre en dépit des
obstacles… de la théorie à la pratique, voici le résultat de toutes ces réflexions.
+ + 9
3
,
.
- :
7 9
!
,
!
8
De la théorie à la pratique, je vous propose à présent de passer à mon
action pédagogique c’est-à-dire à la mise en pratique de mon projet, à travers une
séquence sur Andromaque expérimentée en classe de seconde et inspirée
d’expériences pédagogiques faisant vivre le théâtre.
+ +1+
0
,
Lorsque l’on amorce une séquence sur le théâtre en Seconde, la
première chose à rappeler c’est que les élèves n’arrivent pas au lycée
complètement dépourvus de connaissances concernant le théâtre : comme le
rappellent les programmes, et comme nous l’apprend l’expérience, la plupart des
collégiens étudie au moins une pièce de Molière… c’était le cas de mes élèves.
Cette donnée explique en partie mon choix de ne revenir en cours que brièvement
sur les ressorts de la comédie et de limiter mon intervention dans ce domaine à un
devoir à la maison (sous la forme d’une recherche autour de la comédie) réalisé
durant les vacances de Noël, c'est-à-dire dans le prolongement de la séquence sur
la tragédie classique.
Après ce préalable nécessaire, j’ai alors opté pour une étude évolutive
du théâtre : le collège ayant mis en place quelques notions en matière de comédie
27
et la classe de première ayant pour but d’étudier des œuvres mêlant les genres et
les registres, je décidai en effet d’aborder et d’approfondir en seconde l’étude de
la tragédie et de ses codes. Il s’agissait avant tout de permettre à mes élèves de
construire leur étude du théâtre sur des bases solides.
Quand je dis que je choisis la tragédie, je devrais dire la tragédie
classique, suivant en cela les conseils des programmes des lycées. En effet si les
instructions officielles imposent l’étude de la comédie ou de la tragédie en
seconde, les Documents d’accompagnement, partant du principe que « les
modèles génériques de la comédie et de la tragédie se sont constitués à l’âge
classique », conseillent de faire intervenir une œuvre de cette époque
Pour ce qui est de l’œuvre théâtrale à étudier, son choix m’a dans ce
contexte paru déterminant dans la mesure où, peu habitués à lire des œuvres de ce
répertoire, je craignais de voir mes élèves se fermer à la moindre difficulté. Choix
décisif donc, d’où une première question : Corneille ou Racine ? Je dois dire que
ce sont mes goûts personnels qui ont guidé ce premier choix. De plus, à part un
de mes redoublants, aucun de mes autres élèves n’avait lu Racine ce qui me
paraissait être un manque important du point de vue de leur culture personnelle.
Deuxième question : Quelle tragédie de Racine ? Je suis partie alors à
la recherche des conseils des autres professeurs de lettres du Lycée, ce qui m’a
permis d’écarter Britannicus pour la complexité de ses références littéraires et
culturelles, et de retenir Andromaque, pièce a priori prisée des élèves de seconde.
Il ne me restait plus qu’à relire cette pièce que j’avais moi-même étudiée en
seconde sans que cela ne m’ait véritablement marquée.
Pourquoi Andromaque, alors me direz-vous ? La réponse ne m’est
venue qu’après une relecture attentive de la pièce : cette tragédie, en plus d’être
reconnue comme étant l’une des plus grandes pièces de Racine, avait le mérite de
présenter des personnages complexes et intéressants pour l’étude des registres et
de l’argumentation. Et il me semblait que les personnages d’Hermione et d’Oreste
avaient de quoi capter l’attention de ces lycéens plus férus de « sitcoms » que de
tragédies politiques.
J’avais la pièce, je connaissais les exigences des programmes, il ne me
restait plus qu’à mettre en œuvre mon projet.
28
+ + +
-
. ;
!
6
!
4
6
Cette séquence que j’ai choisie d’intituler « Découvrons l’univers de
la tragédie classique avec Andromaque de Racine » a été réalisée, en raison des
impératifs liés au mémoire, du 20 novembre aux vacances de Noël sur environ
quatre semaines et demi (ce qui n’était pas beaucoup étant donnée la richesse des
notions abordées). Je venais de consacrer ma première séquence au travail de
l’écrivain à partir d’un groupement de textes comprenant entre autres des textes
du groupe Oulipo, et trois poèmes de Francis Ponge ; et ma deuxième séquence
avait eu pour objet d’étude le récit à travers l’analyse de trois nouvelles. En dehors
des contraintes de temps liées au mémoire, plusieurs principes ont guidé ma
progression vers la séquence III : tout d’abord une volonté de progresser dans les
compétences ; mais aussi un principe d’alternance au niveau des genres étudiés
(poésie, nouvelle, théâtre). Enfin ayant prévu au cours de l’année une séquence
sur le romantisme avec Hernani, il me fallait faire cette séquence sur la tragédie
classique avant.
J’avais enfin une place pour une tragédie classique dans ma
progression, il fallait à présent m’interroger : quels savoirs et savoir-faire allais-je
sélectionner pour guider la démarche de cette séquence ? Quels moyens allaient
me permettre d’atteindre ces objectifs ?
La perspective dominante de ma séquence s’est imposée d’ellemême à la lecture des programmes : avec Andromaque j’allais étudier avec mes
élèves un genre, le théâtre (et plus particulièrement la tragédie telle qu’elle a été
codifiée à l’époque classique) et un registre le tragique ; pour cela il me fallait
également construire les notions de genre et de registre.
Concernant les perspectives secondaires je me suis inspirée des pistes
fournies par Les documents d’accompagnements des programmes : Aborder des
textes relevant de l’esthétique classique devant permettre, selon les documents
d’accompagnement, de remplir des exigences d’histoire littéraire, j’allais donc
initier mes élèves à quelques enjeux et aspects de l’esthétique classique. Enfin
l’étude d’un texte théâtral pouvait également être l’occasion d’aborder avec eux
l’argumentation et les effets sur le destinataire.
29
En débutant la séquence, j’avais en tête les multiples objectifs à
atteindre : travailler sur la pièce avec un état d’esprit dramaturgique de façon à ne
pas s’arrêter aux difficultés de compréhension ; construire les notions de genre et
de registre ; analyser les spécificités du langage théâtral ; percevoir les
composantes générales de la tragédie classique ; travailler sur le théâtre comme
spectacle impliquant des effets sur ses destinataires ; aborder des notions
spécifiques au théâtre comme le monologue, les didascalies, les apartés11… De
façon simple il y avait des savoirs à construire autour de l’histoire du théâtre et
des genres théâtraux, mais aussi autour du lexique du théâtre. Il y avait également
des savoir-faire à élaborer : repérer la structure d’une œuvre dramatique, repérer le
fonctionnement de la double énonciation et la dimension potentiellement
spectaculaire du texte de théâtre, identifier la fable et les thèmes, repérer les
situations et leurs enjeux, apprécier le fonctionnement de la conversation et les
ressorts de l’écriture…mais aussi développer des capacités humaines comme
coopérer dans un groupe, respecter des consignes, s’impliquer.
La liste des buts à atteindre était longue, il me fallait faire le tri au
moins face à mes élèves. L’objectif principal proposé à la classe en début de
séquence a donc été de découvrir la spécificité du langage théâtral, à la fois texte
et représentation, tout en s’initiant à l’univers de la tragédie classique. Pour le
reste je savais que je pouvais développer ces objectifs sur plusieurs séquences.
J’avais donc les savoirs, il me fallait parvenir à ces objectifs mais avec
quels moyens ?
+ +5+
.
Afin d’être plus concrète dans l’approche de mon travail, j’ai choisi de
joindre en annexe12 un descriptif (sous forme de tableau) de toutes les séances
telles qu’elles ont eu lieu. La présentation des activités étant assez succincte, je
reviendrai dans le point suivant sur une présentation détaillée des activités
spécifiquement théâtrales. Avant d’aborder cette partie, qui est véritablement la
mise en pratique de mon projet, je rappellerai que mon but était de faire en sorte
11
voir en Annexe p 54 Le projet de séquence répertoriant les objectifs, les perspectives, les démarches
proposées…
12
Voir en annexe p 55
30
d’apporter à chaque séance une dimension nouvelle à mes élèves concernant le
théâtre et d’éviter les répétitions.
+ 5+
!
Le travail d’appropriation du texte de Racine est passé par un certain
nombre d’activités spécifiquement théâtrales sur lesquelles je désirerais revenir.
Avant tout j’aimerais souligner qu’il n’a jamais été question pour moi de faire
jouer toute une scène par mes élèves, de façon récitée après une lecture
analytique : il n’a jamais s’agit de faire de moi un metteur en scène (d’ailleurs je
n’aurais certainement pas su m’y prendre) mais de travailler avec ma classe en
tenant compte des contraintes : classe entière, contrainte de temps, manque de
moyen… Voici brièvement exposées les quelques démarches mises en place, qui
ont facilité l’accès de mes élèves au texte racinien.
+5+1+
!
*
Ces premières activités ont été réalisées en classe, le plus souvent en
classe entière.
•
9
,
0
La première séance m’ayant permis de faire émerger les représentations
des élèves concernant le théâtre, je choisis pour ma deuxième séance une activité
plus spécifiquement théâtrale : dire l’alexandrin.
Chantal Dubiline et Bernard Grosjean13 notent qu’« il est essentiel de faire
comprendre aux élèves que l’alexandrin appartient à leur langue… », c’est
pourquoi, pour mon deuxième cours sur Andromaque je privilégie un travail
d’immersion sonore : chaque élève se voit attribuer une petite bande de papier sur
laquelle se trouve noté le numéro d’un acte, d’une scène, le nom de l’un des
personnages, quelques vers et une contrainte (contraintes de débit (parler
lentement ou vite), de hauteur (parler fort, chuchoter) contrainte physique (
comme si vous aviez mal au dos, comme si vous étiez en colère)… Chaque élève
13
DULIBINE C. et GROSJEAN B., Coups de théâtre en classe entière, Paris, CRDP, Edition Argos démarche,
2005
31
doit se lever lorsque vient son tour pour proclamer sa réplique tandis que les
autres élèves restent les yeux fermés.
Une fois la crainte du ridicule passée, il se produit quelque chose de
presque jubilatoire : les élèves n’ayant plus peur de s’affronter à leur diction
laborieuse, ils peuvent faire entendre le texte racinien et faire émerger des bribes
de sens. Les contraintes permettent de lutter contre la tentation musicale de
l’alexandrin en proposant un rapport sensuel au langage. Il s’agit de retrouver ce
que Vitez et Deleuze préconisaient : « parler sa propre langue comme si c’était
une langue étrangère ». A travers ce travail de vaporisation du texte une question
émerge : Quelle émotion est encore possible avec cette langue qui n’est plus la
mienne ? Quelle sensation ?
•
!
)
Le travail sur la fable de la pièce intervient très tôt dans ma séquence. Il
me paraît en effet essentiel de revenir au plus concret de la pièce en reprenant acte
par acte sous la forme d’une série de questions. Pour cette démarche je suis
essentiellement les conseils d’un metteur en scène rencontré lors d’un stage au
pôle national ressource de Dijon : Pascal Collin relisait en effet avec moi le début
d’Andromaque en s’étonnant de ce « Oui ! » sur lequel débute la pièce lorsqu’il
me donna ce conseil : « Avec des lycéens il est important d’oublier à quel point
Racine c’est beau pour se concentrer sur l’évènement, les processus et les
relations humaines. Demande–toi toujours qu’est ce que ça donne si on essaie de
raconter juste la fable ? Ne cherche pas à faire entendre de la littérature, le
théâtre n’est pas une annexe de la littérature : reprends les choses de façon
extrêmement concrète sans aucun jugement de valeur esthétique. »
Mon but est alors d’évacuer tout problème de sens en posant effectivement
un certain nombre de questions très concrètes sur la pièce : Pourquoi Andromaque
est-elle en Epire ? Pourquoi Pyrrhus hésite t-il entre Andromaque et Hermione ?
... chaque acte est décortiqué et les élèves deviennent de plus en plus habiles à
manier le texte.
Ce travail porte donc ses fruits mais comporte l’inconvénient majeur d’être
long et donc fastidieux à la longue pour les élèves. La démarche est bonne mais la
mise en place doit, je m’en rends compte, être plus rapide.
32
•
+
!
)
Le travail sur la fable est heureusement accompagné de la pratique du
théâtre-image. Après la constitution de cinq groupes de travail, chaque groupe est
chargé de relire l’un des actes de la pièce pour y retrouver « son moment fort, son
moment clef ». Les élèves sont ensuite invités à jouer en cours ce moment fort à
l’aide d’images théâtrales fixes et muettes.14 Je ne donne pas plus de consignes
laissant ainsi une certaine autonomie aux élèves et décide de suivre Chantal
Dubiline et Bernard Grosjean qui conseillent d’avoir recours à ces pratiques : « Le
théâtre image est un outil extrêmement utile pour préciser les enjeux d’une
situation dramatique ou d’un échange de répliques ».
Dans la pratique, cette activité ne suscite pas immédiatement l’intérêt des
élèves : profondément dérangés dans leur passivité coutumière ils émettent
quelques soupirs de protestation lorsque je leur transmets les consignes. Pourtant
le premier groupe place d’emblée la barre très haut par un travail poussé sur la
scène 4 de l’acte I, ce qui permet à mes élèves de comprendre où je veux en venir
avec ce jeu théâtral, de dégager la signification d’une telle pratique, et surtout de
trouver la motivation nécessaire pour entrer dans le jeu. Les groupes d’élèves se
laissent ainsi prendre progressivement au jeu, s’efforçant de montrer les tensions
entre les différents couples de personnages…
Dans l’ensemble les productions permettent d’alimenter les réflexions sur
la fable, le sens de la pièce en clarifiant certaines choses, en précisant les enjeux
de certaines séquences. Bien sûr le travail esthétique autour du tableau ne répond
pas à chaque fois à mes attentes, mais il y a globalement un effort : les élèves
viennent en toges, avec des glaives, des objets symboliques… c’est d’ailleurs le
symbolique qui l’emporte permettant de former des représentations significatives,
et pourquoi pas inoubliables, dans l’esprit des élèves. Le bilan est donc positif : le
rythme du cours bénéficie de l’alternance entre cours dialogué et pratiques
théâtrales et les élèves se montrent finalement motivés.
14
Cf en Annexe pages 62 et suivantes les réalisations concrètes des élèves :
33
•
*
,0
.
-
!
0
Pour la scène d’exposition, je souhaite varier encore une fois les pratiques
et propose en travail préparatoire à mes élèves un travail assez concret : il leur faut
se mettre le temps d’un week-end dans la peau d’un metteur en scène ayant à
travailler sur la scène 1 de l’acte I d’Andromaque. Mon but est de faire de mes
élèves des lecteurs privilégiés en les faisant travailler autour de la concrétisation
du texte.
Ainsi mes élèves transformés en dramaturges, scénographes, costumiers,
éclairagistes doivent inventer des solutions pratiques autour d’un même texte :
Comment incarner les deux personnages présents sur scène ? Quel costume ?
Quel décor pour figurer quel lieu ? Quand la scène a t-elle lieu ? Est-ce qu’il faut
l’actualiser ou la replacer dans son contexte par des choix scénographiques et des
costumes ?… Autant de questions sont posées afin de les amener du texte à
l’interprétation.
Les réalisations proposées à l’aide de dessins et indications fournies sont
variées et relativement hétérogènes, certains se laissant prendre au jeu et d’autres
choisissant de ne faire que le strict minimum15… Cependant dans l’ensemble, ce
travail préparatoire est apprécié comme changeant des questions habituelles et
faisant appel à leur imagination : l’entrée dans l’œuvre par la scène d’exposition
se révèle finalement moins difficile à mener que je ne le craignais. Est-ce que ce
travail préalable en est la cause ?, je ne sais pas, mais je ne peux pas l’exclure.
•
*
!
0
Enfin, un certain nombre de courtes mises en scène sont proposées au
cours de la séquence. Ces mises en scène ont lieu principalement en début de
cours : il s’agit pour moi de préparer mes élèves à entrer dans la séance et donc
dans le texte avec un état d’esprit dramaturgique. A aucun moment il ne s’agit de
rechercher des performances individuelles (les prestations des élèves nous
ramenant vite les pieds sur terre) mais d’animer des découvertes collectives des
enjeux des textes : l’investissement corporel et émotionnel des élèves leur
permettant de plonger au plus concret de la pièce.
15
Voir en Annexe p 68 le travail de deux élèves
34
Ces pratiques théâtrales sont souvent accompagnées de travaux de
réécriture de courts extraits : changer le niveau de langue d’un extrait en passant
d’un niveau de langue soutenu à un niveau de langue courant par exemple…16
Chacune de ces activités n’est pas couronnée de succès, mais dans l’ensemble la
pratique théâtrale de début d’heure a pour effet d’impliquer davantage les élèves
dans le cours et les recherches.
+5+ +
&
!
Ces activités ont quant à elles été proposées en Aide Individualisée
dans le prolongement de la séquence, afin d’aider les élèves les plus en difficulté à
approfondir leur approche des pièces par le jeu théâtral. Mon public n’étant pas
forcément complètement acquis à la cause théâtrale, je choisis des activités
pouvant fonctionner comme des sortes de déclencheurs favorisant des prises de
conscience.
•
!
*!
0
!
-
La première heure d’Aide individualisée est consacrée à la première scène
d’Ubu roi, pièce qui permet de renouveler les apports et démarches par rapport à
ce qui est vu en cours autour de la tragédie classique.
La scène est lue une première fois par les six élèves qui enchaînent les
répliques selon une contrainte (débit, hauteur, accent…) qu’ils se fixent euxmêmes. Malgré la difficulté du texte, quelques sourires naissent, preuves que la
compréhension du texte peut être immédiatement accessible.
La scène est ensuite passée à l’épreuve des « Comme si… », chaque
proposition permettant aux élèves de se former une représentation propre du texte
: Comme si Père Ubu était un éléphant et Mère Ubu une hyène, Comme si c’était
un couple dans son lit juste avant de s’endormir, Comme si c’était un couple à
table au petit déjeuner et que Père Ubu venait de découcher… Ce jeu me permet
de sensibiliser les élèves au caractère fondamentalement incomplet du texte de
16
Voir en Annexe p 67 les travaux de réécritures proposés par certains élèves
35
théâtre : pour comprendre l’histoire, il faut écrire une « sous histoire » qui permet
de comprendre, par exemple, comment naît la scène de ménage entre les deux
personnages.
Deux élèves sont ensuite désignés : assis sur deux chaises face aux autres
ils proposent un déchiffrage du texte permettant de concrétiser leurs options de
lecture. Les objectifs visés ne touchent pas tant le jeu théâtral en lui-même que les
options de lecture, l’attention portée aux indications du texte, le travail sur l’oral.
D’ailleurs, globalement la scène intéresse les élèves qui goûtent le plaisir de
pouvoir concrétiser une histoire, de pouvoir crier le fameux « merdre » du père
Ubu, de pouvoir entrer dans des personnages fondamentalement plus proches
d’eux que les héros de la tragédie classique.
•
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)
0
.
*!
3
Un atelier d’écriture est ensuite crée sur trois semaines afin de renforcer
leur perspicacité et leur sensibilité face à un texte de théâtre.
Voici le sujet général : « Ecrire une pièce de théâtre qui soit une tragédie,
en veillant à respecter les contraintes propres à ce genre telles qu’elles sont
voulues à l’époque classique (sur le lieu, le temps, les personnages, le type
d’intrigues, les thèmes, le vocabulaire). »
La première heure consiste en un travail autour du genre de la tragédie
telle qu’il a été codifié à l’époque classique.
Les élèves travaillent par groupes de deux sur l’intrigue générale : ils sont
invités à remplir un tableau indicatif.
Tragédie
Lieu
Unité de lieu
Palais à volonté, antichambre
Temps
24H
époque reculée, antique
Personnages
Héros
Rois, empereurs
Thèmes
Passion amoureuse
Conflit politique
Poids de la fatalité
Mort
Niveau de langue Soutenu
Votre choix
36
Pour les personnages, le schéma actantiel est brièvement rappelé à l’aide
de questions:
- Combien y aura-t-il de personnages ?
- Désignez le sujet, l’objet, un opposant et un adjuvant.
Une fois ce travail initial effectué, les élèves travaillent sur l’intrigue
générale de leur pièce : la plupart choisissent d’ailleurs comme thèmes principaux
le conflit politique et la passion amoureuse. Dans un souci d’originalité deux
groupes se détachent : le premier tient à situer sa pièce dans un contexte maure
(l’un des élèves du groupe ayant choisit l’option « arabe », il se sert de ses
connaissances pour situer historiquement les données du drame) ; le deuxième
groupe choisit de transposer la tragédie classique dans un décor de boudoir se
rapprochant en cela du drame bourgeois, mais les thèmes proprement tragiques
sont préservés.
La deuxième heure est consacrée à l’écriture de la scène d’exposition
Plusieurs consignes sont rappelées : respecter les conventions d’écriture
d’un dialogue théâtral, insérer des didascalies, faire en sorte que cette scène
d’exposition soit informative et que son apport informationnel ne soit pas vécu
comme trop artificiel.
Ce travail permet de revenir avec les élèves sur les fonctions de la scène
d’exposition. Il n’est notamment pas facile pour eux de sélectionner les
informations indispensables pour le reste de l’intrigue.
La dernière heure est consacrée à la rédaction de la dernière scène de la
tragédie : je leur impose un dénouement sous la forme d’un récit revenant sur la
mort de l’un des personnages.
Afin de contrôler à distance ce travail d’écriture, le tableau est partagé en
trois pour les trois groupes d’élèves. Ce dispositif me permet d’observer de loin
leurs débats, leurs choix (les élèves sont d’ailleurs satisfaits de pouvoir envahir
l’espace du professeur), mais aussi d’intervenir sur leurs fautes d’orthographe de
façon beaucoup plus pertinente : on peut effacer, proposer des solutions et
recommencer.
Le travail se met difficilement en route car les élèves ont du mal à
distinguer scène et hors scène, récit dans un dialogue de théâtre du dialogue
conventionnel : ce sont de vrais problèmes de scénarios d’écriture et de
37
représentation mentale. D’autre part, il leur faut régler le sort de tous leurs
personnages sans pour autant tous les faire mourir.
Une fois la rédaction terminée, chaque groupe est invité à jouer sa
proposition. Le passage par le jeu permet aussitôt de voir ce qui fonctionne dans
leurs écrits et ce qui ne fonctionne pas…
( ' " & &$ '
La mise en pratique de mon projet a ainsi été un travail d’expérimentation
s’appuyant sur toutes les ressources que j’ai pu trouver dans mon travail de
recherche préalable.
Si nous avons pu voir concrètement, dans cette partie, l’application de ce
projet, il convient à présent de tirer un bilan de cette pratique, seule façon
d’acquérir la distance nécessaire à une remise en question formatrice.
38
&&&+
-
.
*
Portrait d'une actrice de l'Opéra, par BALLAVOINE Jules Frédéric
(Bordeaux ; musée des beaux-arts)
"C'est d'abord en s'éloignant d'une signification trop précise, unique, que, par
ricochet, obscurément, des significations multiples se manifestent, le spectacle
se gonfle de substances qui restent inexprimées – tout est là, travaillé,
disponible, explosif, mais caché, suspendu, avec effet retard […]"Un mot
d'interprétation et la fête est finie". Si le spectateur prend la décision que ce
qu'il voit ou entend – équivalence du mot ou du geste – n'a qu'un seul sens – ce
que nous avons essayé de ne pas faire – alors il détruit à la fois la richesse et le
secret, la complexité, la contradiction."
Claude REGY Espaces perdus (Plon, 1991)
39
&&&+
-
.
*
Au terme de cette étude, il convient à présent de réfléchir
rétrospectivement sur le projet et sa mise en pratique : Que retenir ou écarter
comme stratégies mises en place ?…
Avec cette troisième partie je me propose donc d’analyser les réussites et
les échecs rencontrés afin d’élargir la portée de mon travail grâce à une dimension
plus réflexive et afin de proposer d’autres pistes possibles dans un principe de
remédiation.
5+1+ ,
2
-,
Dans ce premier point il m’a semblé intéressant de revenir sur ce que cette
expérience m’a apporté, sur l’intérêt que j’en ai tiré dans le cadre de ma
formation.
5+1+1+
Proposer une séquence entièrement fondée sur les liens entre
l’enseignement et le théâtre m’a fait prendre conscience à quel point ces deux
domaines trouvaient à s’enrichir dans un principe d’interaction : alors que mes
objectifs étaient plutôt axés sur le théâtre, dans une formation au théâtre, ma
pratique a également évolué vers des objectifs axés sur la personne dans un
système de formation par le théâtre. Ainsi l’activité de jeu dramatique a, je pense,
conduit mes élèves à acquérir, au-delà d’un savoir sur le théâtre, un
questionnement sur soi et sur les autres…
Je dis pour « mes élèves », mais il est bien évident que cette formation m’a
également touchée. Amener le jeu dans la salle de classe c’est en effet accepter
pendant un instant de perdre son statut de professeur pour entrer dans la peau d’un
animateur, d’un dramaturge : le regard doit être à tout prix bienveillant, il faut
accepter de se placer parmi les élèves et non plus en face d’eux… et plus que tout,
40
il faut parvenir à susciter l’entrain dans un objectif d’animation, de dynamisation
de la classe… ce qui est, je m’en rends compte à présent, ce que tout professeur
vise à chacun de ses cours, que ceux-ci soient ou non consacrés au théâtre.
Par ailleurs la pratique collective de la « tentative », consubstantielle à
mon approche du théâtre liant à la fois le texte au jeu, m’a également permis
d’entraîner mes élèves dans une construction le plus souvent collective du cours…
changeant en cela mes pratiques plus magistrales du début d’année : j’ai appris à
aller avec eux vers le sens, à engager le dialogue… Je pense que tout cela
m’aidera (du moins je l’espère) face aux problèmes posés par la confrontation à
des élèves ou à des classes parfois instables et difficiles : je n’oublierai jamais à
quel point la dramatisation peut devenir un formidable outil d’expression et de
communication.
5+1+ +
.
Le principal aspect positif de ce projet a donc été l’enthousiasme de mes
élèves face aux exercices théâtraux mais aussi le plaisir que j’ai éprouvé à être
face à des élèves souhaitant découvrir ce genre théâtral. C’est sans doute cette
envie de susciter un regain d’intérêt chez ces adolescents qui m’a conduit à
approfondir ma formation dans le domaine du théâtre en participant à plusieurs
stages.
Le premier, mené par Carole Vidal-Rosset dans le cadre de la formation
facultative de l’IUFM, m’a introduite dans l’univers du théâtre en m’obligeant
notamment à réfléchir sur les liens pouvant exister entre le théâtre et
l’enseignement du français. Les activités qui se sont succédées m’ont permis de
comprendre la nécessité de passer par le jeu pour approfondir la démarche
d’analyse des textes, mais aussi de découvrir l’efficacité de certaines activités
comme le théâtre image ou la lecture à haute voix…activités demandant à chaque
fois un investissement corporel et émotionnel de la part de celui qui accepte de
s’y livrer.
41
Le deuxième stage auquel j’ai participé s’est tenu au mois de novembre sur
le thème « Comment les metteurs en scène contemporains mettent en scène les
classiques ». L’apport de cette formation a été multiple : au-delà de la réflexion
sur un thème qui touchait de très près ma séquence sur Andromaque, ces trois
journées de travail m’ont permis d’apprivoiser l’univers du théâtre en rencontrant
des comédiens, des professeurs de théâtre et quatre metteurs en scène : Irène
Bonnaud, Robert Cantarella, Benoît Lambert, et Pascal Collin.
Les activités proposées (Mettre en scène Le Misanthrope en lui redonnant
du sens, Jouer les premières pièces de quelques pièces dont Dom Juan et Cinna)
m’ont fait prendre conscience de la nécessité d’aller au-delà d’un certain respect
conservateur habitant la pratique du théâtre en France : on ne va pas au théâtre
comme on va au musée et notre activité en tant que professeur ne doit pas être
celle d’un conservateur. D’ailleurs les classiques ne peuvent être joués ou même
étudiés que dans la mesure où ils présentent encore une utilité aujourd’hui.
Pascal Collin est sans doute celui qui a su en quelques mots me faire saisir
l’importance de la représentation : pour donner au texte sa chance, pour qu’il se
révèle actuel et nécessaire… il ne faut pas tant que ce texte parle d’aujourd’hui ou
d’hier, mais qu’il acquiert une signification en tant que processus vivant de
création.
Le dernier stage auquel je me suis inscrite a lieu cette fois-ci dans le cadre
de la formation IUFM, et est animé par Carole Vidal-Rosset. Sous le titre de
« Lecture du spectacle vivant », il s’agit d’aller voir cinq pièces : La Mouette de
Tchekhov, Music Hall de John Osborne, Le Misanthrope de Molière et deux
versions de Tartuffe. Chaque représentation est précédée d’une préparation en
amont et d’un retour en aval. Le principe est intéressant dans la mesure où il nous
donne un procédé de lecture facile à reproduire avec les élèves : préparer la
lecture d’une œuvre pour éviter toute passivité… et revenir sur toute pièce vue
afin que de la représentation on puisse passer à l’interprétation.
Chacune de ces formations m’a énormément appris, en m’obligeant
notamment à m’éloigner de mes pratiques universitaires de lecture. La démarche
que je voulais enseigner aux élèves, à savoir expérimenter les enjeux des textes de
théâtre en passant par la pratique théâtrale, il m’a fallu l’acquérir. Pour pouvoir
42
enseigner, il m’a fallu apprendre et m’investir dans un domaine pour lequel j’étais
au départ encore novice. Je pense que c’est aussi cela qui a donné de la richesse à
mon projet.
5+ +
*
3
-
Au-delà de l’intérêt que j’ai tiré de cette expérience j’aimerais à présent
revenir sur les succès liés à la mise en pratique de ce projet : soit quelles activités
retenir ? Quels apports pour les élèves ?
5+ +1+
Mon premier objectif était de développer, renforcer les savoirs propres à
faciliter la lecture, et pour cela il a été utile de travailler et sur l’aspect formel des
textes et sur l’aspect thématique de la pièce. Au-delà du travail de lecture
analytique (qui semble encore aujourd’hui incontournable dans l’enseignement du
français) plusieurs activités ont d’ailleurs présenté une réelle efficacité dans ce
domaine. La plus prisée a été le théâtre-image, outil dramatique formidable pour
faciliter les analyses exigeantes du texte : le travail par groupe sur la matière du
texte a permis autant de questionner le théâtre que d’inscrire sa pratique dans le
plaisir. Cette activité a représenté un moyen idéal d’investigation des
significations du texte mais aussi des représentations mentales des élèves : il leur
fallait regarder, essayer de comprendre ce que l’autre groupe voulait suggérer.
Je vous renvoie d’ailleurs aux réponses des élèves face à un sondage leur
demandant une opinion sur les activités de théâtre17 . Avec leurs mots les élèves
ont montré qu’ils comprenaient et aimaient ces pratiques activant le texte :
Tiphaine : J’ai trouvé cela très intéressant : comment l’on peut
représenter symboliquement toute une scène par une image et, en même
temps, cela nous a permis de nous détendre et de rigoler pendant le
cours. Cela nous a permis de nous amuser tout en apprenant quelque
chose ce qui est une très bonne méthode.
Clément L : J’ai bien aimé les moments de pratiques théâtrales,
car c’est une autre façon d’approcher le théâtre et cela nous permet de
voir qu’il n’est pas forcément facile pour un metteur en scène de faire
passer le message de la pièce au public.
Clément S. : Je trouve que les moments de pratiques théâtrales
sont très intéressants. Tout d’abord ils permettent de faire une coupure
17
cf en Annexes p72 quelques réponses supplémentaires données au sondage de fin de séquence.
43
dans le cours et dans l’explication abstraite des actes. Ensuite ils
permettent de s’imaginer concrètement la scène. Enfin je trouve que c’est
un bon travail de groupe qui permet aux élèves de la classe de mieux se
connaître.
Le travail de mise en scène de la première scène, bien qu’absent des
sondages, et donné en devoir à la maison, a également fonctionné : donner une
consistance scénique à ce qui n’est que suggéré a en effet constitué un travail de
construction de sens sans égal applicable ensuite à l’ensemble de la pièce ; le
passage par la mise en scène leur a, par exemple, permis de comprendre le rôle de
certains personnages restant muets et la double énonciation est apparue plus
évidente…
De façon générale quelle que soit la pratique théâtrale que j’ai abordée,
mon cours a semble-t-il bénéficié de l’alternance entre les activités, de
l’interaction entre les moments d’étude du texte et des moments de jeu : le tout a
rendu mon cours plus accessible à des élèves imprégnés de culture audiovisuelle.
Chaque activité a conduit les élèves dans une démarche « d’appropriationexpérimentation » du texte racinien : travail de mise en bouche du texte
(microlecture de répliques, proclamation de tirades…), travaux de réécriture
(réécriture en changeant de niveau de langue, écriture du monologue
d’Andromaque expliquant son dilemme)… contribuant à rendre l’œuvre plus
proche, non pas parce que la beauté du texte serait intemporelle, non pas parce
que les thèmes abordés (amour, guerre, conflit politique) leur parleraient encore…
mais grâce à l’universalité, l’intemporalité du geste de création théâtral.
5+ + +
*!
1<
De façon générale il m’a semblé que, par ces biais permettant d’aborder
avec eux la richesse de l’œuvre malgré leurs réticences, ma classe découvrait le
plaisir de l’implication, loin de leur passivité coutumière. L’investissement
attendu de leur part, leur a en effet permis de devenir les acteurs du texte mais
aussi du cours. Les activités et notamment les travaux d’oralisation du texte, leur
ont par exemple permis d’explorer des sensations, désirs… tout en favorisant
18
Afin de mesurer les apports pour mes élèves, je vous renvoie encore une fois en annexe p72 au
sondage effectué au sein de la classe en fin de séquence, sorte de bilan démocratique.
44
l’appropriation des alexandrins qu’ils avaient jusque là considérés comme
étrangers à eux-mêmes.
Certains, et sans doute est-ce là une grande victoire, ont pu dominer leur
timidité en travaillant en groupe, en entrant dans la peau de personnage…
D’autres, peu enclins à la prise de parole spontanée, ont eu envie de s’exprimer
sous le masque de l’acteur, le jeu favorisant un déblocage pour certains : « J’ai
acquis plus de confiance en moi et une meilleure connaissance des classiques »
(Alexis ) …D’autres conquis par l’aspect ludique du « jeu » théâtral ont trouvé
une forme de réconciliation possible avec une matière qu’ils jugeaient fastidieuse :
« Les moments de pratiques théâtrales étaient très intéressants, car ils
suggéraient une approche plus ludique de la pièce et nous permettaient de laisser
libre cours à notre imagination. »(Lucie)
Les apports ont donc concerné leur personne : davantage d’autonomie, la
découverte d’un moyen d’expression idéale, l’investissement dans un groupe
grâce à cet outil de communication. Mais les apports se sont aussi faits en matière
de méthodologie : les activités théâtrales ont en effet eu le mérite d’encourager à
une appropriation du texte, à un plaisir de découverte du texte. Il s’agissait
d’appliquer l’une des prescriptions de Pennac dans Comme un roman, à savoir
faire parler le texte avant de parler sur le texte, goûter à ce plaisir d’investir une
histoire avant de mobiliser ses compétences : d’où l’importance du travail sur la
fable, l’importance des activités de début de cours… permettant d’entrer dans le
texte et de vaincre la hantise de ne pas comprendre.
Les objectifs de contenus ont été également une réussite dans la mesure où
l’on pense pouvoir faire le tour de l’univers de la tragédie classique en quatre
semaines : brève histoire du théâtre, travail sur les règles du théâtre classique,
initiation à la notion de registre, évocation des thèmes classiques…
« Tiphaine : Je pense avoir acquis des connaissances sur les
tragédies classiques : comment les reconnaître, quelles sont leurs règles.
Enfin je ne connaissais aucune œuvre classique, ce qui m’a permis
d’élargir ma culture littéraire. »
« Clément L. : Je pense avoir acquis l’essentiel des compétences
du commentaire littéraire, ainsi que la prononciation des vers. Et je
pense avoir compris la signification d’ensemble des œuvres. »
« Elodie : Maintenant les enjeux d’une pièce comme Andromaque
sont beaucoup plus clairs pour moi. Je crois avoir beaucoup appris au
cours de cette séquence. »
45
Pour conclure je citerai Pennac dans Comme un roman19, conclusion idéale
qui pourrait être l’objectif premier de tout professeur :
« La question de savoir ce que nous avons « compris » (question
finale) ne manque pas d’intérêt. Compris le texte ? oui, oui, bien sûr…
mais surtout compris surtout qu’une fois réconciliés avec la lecture, le
texte ayant perdu son statut d’énigme paralysante, notre effort d’en saisir
le sens devient un plaisir (…)
Et nous avons compris autre chose, aussi. Avec un brin
d’amusement, nous avons compris, « compris comment ça marche »,
compris l’art et la manière de parler autour (…) »
5+5+
Si mes élèves ont effectivement trouvé des repères et des clefs de lecture
grâce à cette séquence, il serait faux de dire que tout n’a été que succès. Il
convient donc à présent d’analyser les difficultés rencontrées pour mener cette
séquence à la fois théorique pratique.
5+5+1+ 9
Certains problèmes se sont donc effectivement posés et il serait stérile de
vouloir éviter d’en parler. La plupart de ces difficultés étaient d’ailleurs sans
aucun doute liées à la nouveauté de la pratique théâtrale : plusieurs élèves
réclamaient l’activité théâtrale pour pouvoir bouger, les autres la redoutaient par
crainte du ridicule… bref pour certains il y avait trop de théâtre et pour la plupart
pas assez.
Concernant ce dernier point, une des difficultés rencontrées a été de faire
comprendre aux « prothéâtres » la nécessité du passage du jeu au texte, la
nécessité de certains cours généraux sur les règles tragiques par exemple ou sur la
technique de la dissertation… enfin initiés à la pratique théâtrale, le passage à la
théorie constituait en effet à chaque fois pour eux une source de frustration :
Amandine : Je n’ai pas apprécié la séance de l’initiation à la
dissertation. Car je n’arrive pas à faire les dissertations, à trouver les
idées et à les mettre en place.
Laura : Je n’ai pas aimé la séance générale sur la tragédie
classique.
19
Daniel PENNAC, Comme un roman, Gallimard, 1992
46
D’autre part, quelques maladresses de ma part auraient pu être évitées, afin
de toujours rester dans une optique d’animation et dynamisation de la découverte
du théâtre : le travail sur la fable s’est révélé fastidieux à cause de la longueur, en
dépit de l’alternance avec le théâtre-image ; l’étude de la scène d’exposition aurait
du davantage bénéficier d’un travail de mise en scène au lieu de favoriser la
micro-lecture souvent stérile pour les élèves ; dans les morceaux choisis pour être
l’objet de proclamation, ma préférence s’est révélée aller essentiellement aux
tirades alors que l’apprentissage de dialogues aurait pu se révéler également
fructueux… mea culpa pour tous ces problèmes d’ajustement… mea culpa
également pour ne pas avoir réussi à favoriser le jeu autant que je l’aurais
voulu….
Enfin, un dernier obstacle s’est posé et a été, il faut l’avouer, le manque
d’expérience de mes élèves. Faire proclamer des vers en début de cours a exigé de
moi de faire le deuil d’une certaine idée du théâtre où tous les vers auraient été
respectés. Il m’a fallu me faire une raison et me dire que j’avais en face de moi
des élèves et non des comédiens : les voix ne portaient pas, les salles étaient mal
adaptées, les élèves récitaient le texte…
Toutes ces difficultés ponctuelles m’ont appris à avoir une certaine
distance critique vis-à-vis de ma pratique. Enseigner c’est aussi faire un travail de
comptable, évaluer ses échecs et ses réussites pour trouver ce qui fonctionnera le
mieux avec des élèves donnés, sur un sujet donné.
5+5+ + 9
Il existe plusieurs travers lorsque l’on aborde le texte théâtral en classe
entière : soit l’on part du texte en privilégiant les lectures analytiques, soit l’on
envisage le texte pour ensuite le jouer dans une démarche d’atelier théâtre, soit
l’on privilégie le jeu en travaillant sur des improvisations. Cette séquence m’a
appris quel savant dosage faire de toutes ces activités qui, prisent
indépendamment les unes des autres, ne présentent aucun intérêt.
Cet apprentissage est aussi passé par la prise en compte des obstacles
rencontrés. La première difficulté a d’ailleurs été d’éviter toute dilution dans le
47
temps. J’ai ainsi appris à mes dépens que le jeu, pour ne pas empiéter sur la
théorie, devait être une activité séparée, circonscrite dans des limites de temps
précises et fixées à l’avance…. Il n’y a que de cette manière que l’articulation
entre la dominante pratique et la dominante théorique de la séquence peut être
pensée.
Pour mieux comprendre cette difficulté, il est important de restituer le
contexte : l’un de mes objectifs, vis-à-vis de mes élèves mais aussi vis-à-vis de
mes collègues, était de faire en sorte que les moments de pratiques théâtrales ne
soient pas vécus comme une perte de temps face aux impératifs du programme. A
chaque fois il m’a donc fallu faire le lien entre les pratiques théâtrales, les
objectifs et compétences visés, la construction des savoirs…
Maintenir le lien entre les activités et les savoirs n’a d’ailleurs pas toujours
été facile : l’on m’a souvent mise en garde contre le risque de voir mes activités
dramatiques proposées en cours se transformer en activisme sans rime ni raison,
complètement détachés des enjeux de la séquence. Les activités proposées autour
de la diction des alexandrins ont d’ailleurs suscité la perplexité de certains de mes
collègues, mais aussi de mes élèves : je me demande maintenant si, malgré mes
multiples explications concernant les enjeux d’une telle pratique, il en restera
quelque chose dans le futur… Je pense que la question de la construction des
savoirs doit être perpétuellement posée, seule garde-fou contre tout débordement.
Mon projet a ainsi provoqué chez moi un grand nombre de remises en
questions de mes pratiques. J’ai d’ailleurs repensé à plusieurs reprises aux propos
de Brecht répondant à la question : « Comment les classiques devraient-ils être
pour être utiles ? »:
« Comment les classiques devraient-ils être pour être utiles ?
Qu’est ce qui fait leur valeur ? » : « Pour établir cette valeur, livronsnous mentalement à une petite expérience. Imaginons qu’une quelconque
œuvre classique, Faust ou Guillaume Tell, soit jouée par des enfants, des
écoliers. Est-ce que vous croyez que cela aurait pour ces enfants la
moindre valeur ? Est-ce que les pensées qu’ils auraient à exprimer
constitueraient pour eux un enseignement ? Tireraient-ils profit, eux ou
d’autres, des mouvements qu’ils auraient à faire, des attitudes qu’ils
auraient à prendre ? Ces enfants deviendraient-ils alors plus aptes que
d’autres à vivre, la société qu’ils composeraient, le serait-elle ?Répondez
sérieusement : si l’on faisait cette expérience, qu’auraient fait d’autre
ces enfants, sinon de dire quelques belles phrases et d’accomplir
quelques gestes pleins de noblesse ? Se seraient-ils trouvés dans des
48
situations où ils auraient à se trouver un jour dans la vie ? Nos œuvres
classiques ne sont faites que pour être vues, pas pour qu’on en tire une
leçon pratique. »
Pour toute personne se lançant dans un tel projet il est ainsi utile de se
poser des limites afin de ne pas transformer son cours en atelier théâtre : en ce qui
concerne ma séquence il m’a fallu par exemple être très claire vis-à-vis des
élèves : mon but n’était pas de monter un atelier, mais de leur faire découvrir les
enjeux du texte racinien selon un modèle passant par l’expérimentation. Je ne
tenais pas à faire doublon avec l’atelier théâtre existant à Charles de Gaulle… ce
n’était pas le but, je n’avais d’ailleurs pas suffisamment d’expérience pour me
transformer en metteur en scène professionnel et l’inégalité des captations
théâtrales de la part de mes élèves aurait remis en cause la mise en place d’un tel
projet dès sa naissance.
5+=+ ;
Ainsi chaque obstacle, mais aussi chaque réussite a été l’objet d’une
interrogation sur mes pratiques pédagogiques. De cette expérience découle donc la
distance nécessaire à une réflexion et la possibilité de proposer quelques tentatives
de remédiations que j’appliquerai dans une nouvelle séquence consacrée cette fois
au drame romantique et intitulée: « Drame romantique et théâtre vivant avec
Hernani de Victor Hugo ».
Mon but sera peut-être d’acquérir plus de modestie dans le projet de
façon à ce que mon ambition de départ laisse place à des objectifs plus
accessibles. Le fait que mes élèves aient à présent un minimum de connaissance
en matière de théâtre devrait me permettre d’entrer plus rapidement dans le
concret de la pièce, et d’autre part la séquence sera moins longue (trois
semaines) de façon à ne pas susciter la lassitude.
Pour combattre le manque de temps, il me faudra réserver au jeu un
espace de temps annoncé clairement, le plus souvent en début de cours. D’autre
part l’interaction sera privilégiée et donc les scènes de dialogue afin de pouvoir
analyser l’enchaînement des répliques, les rapports de force… Ce travail devrait
49
également me permettre d’exploiter plus profondément la terminologie de
Vinaver : la figure du bouclage, du duo, du duel, du mouvement vers…
Afin d’amener mes élèves à s’approprier le texte par des moyens
théâtraux, je renouvellerai l’expérience du travail sur la réplique en laissant
mes élèves aller chercher dans le texte des répliques significatives pour chaque
personnage… le but étant de dégager des thèmes et des situations. Afin que le
travail sur la fable ne se dilue pas dans le temps, il me faudra procéder de façon
moins mécanique en proposant par exemple un travail de groupe autour de la
reconstitution de la fable en fonction des personnages. Je reprendrai le travail
de théâtre-image, moyen formidable de mise en jeu de la scène qui s’adapte bien
aux conditions matérielles imposées par les salles de cours, et permet une
participation active au travail d’enquête sur le texte.
Il sera donc important pour ce nouveau travail de partir des attentes de mes
élèves exprimées dans le sondage déjà cité. Enseigner exige une modification, une
adaptation continue de ses pratiques en fonction des objectifs choisis, des réussites
et des échecs : quand cela marche c’est très bien, sinon il faut savoir changer et
proposer autre chose sans s’entêter.
50
Aux questions inaugurales qui ouvraient ce mémoire ( « Comment entrer
dans l’univers de la tragédie classique sans se cantonner à un travail de lecture
analytique ? Comment faire en sorte que les élèves prennent une part active à la
découverte de ce répertoire ? Comment animer une découverte collective, une
expérimentation des enjeux d’un texte appartenant au répertoire de la tragédie
classique ? »), il me semble avoir répondu en essayant de rendre compte d’une
expérience nouvelle pour moi, semée d’embûches mais aussi de réussites. De la
naissance du projet né du défi lancé par un redoublant que la tragédie classique
avait ennuyé, à la réalisation concrète d’une séquence nourrie par une série
d’apports théoriques, j’ai essayé de retracer quel fut mon parcours réflexif.
Mon but, pour ce mémoire que l’on dit « professionnel », était
véritablement de sonder ma pratique en tant qu’enseignante, de l’enrichir… mais
aussi que cette réflexion ait des répercussions positives sur mon action
pédagogique au sein de ma classe : au-delà du caractère expérimental de ma
séquence, je voulais créer dans ma classe une dynamique devant permettre à mes
élèves de se trouver dans une posture active de découverte. Ainsi, même si
l’introduction du jeu théâtral en classe s’est parfois avérée délicate (la dynamique
de jeu entrant souvent en opposition avec le système de travail des élèves), je
pense que mon projet a finalement été une réussite. Partir du texte, tout en gardant
à l’esprit la représentation comme fin, m’a en effet permis de construire
efficacement avec mes élèves des savoirs. Et d’un autre côté la démarche inverse
consistant à partir de la représentation pour arriver au texte a également porté ses
fruits, permettant aux élèves de comprendre la richesse et la spécificité du genre
théâtral : avec des moyens modestes, ma classe a vu avec plaisir le texte devenir
vivant et familier tandis qu’ils construisaient avec moi l’explication littéraire.
La conclusion de ce mémoire sonnera sans doute comme une évidence
pour tous les adeptes du théâtre, et aura peut-être un goût de topos pédagogique,
mais il faut courir ce risque : Pour lire véritablement le théâtre, les élèves doivent
51
sans aucun doute être introduits à ce temps fort du texte qu’est la représentation,
avec toutes les étapes qui y conduisent et celles qui suivent. Pour cela, lorsqu’il
aborde une œuvre intégrale de ce genre, le professeur doit accepter de devenir le
passeur entre le texte et la représentation par le biais du jeu théâtral. Ainsi les
« pratiques textuelles du théâtre » (si tant est que ces activités soient envisagées
pour tous les élèves et non pas pour quelques volontaires férus de théâtre), parce
qu’elles agissent, font jouer et jouent le texte… permettent aux élèves de le
comprendre, de le lire, de l’interpréter et même parfois de l’écrire.
Mon ambition n’était pas de rejoindre les grands discours sur le théâtre, de
transformer « le théâtre à l’école en école du théâtre », mais de rendre accessible
l’univers de la tragédie classique à des adolescents d’aujourd’hui, de leur faire
construire le sens des œuvres par une expérimentation continue des textes, de
jouer avec la liberté que les œuvres invitent à construire. « Tragédie classique et
théâtre vivant » était donc le titre de mon mémoire, pari qui me semble en partie
réussi au vu des échos positifs lancés par mes élèves. Certes tout n’était pas parfait
mais j’attends avec impatience ma séquence sur le drame romantique pour
parachever mes recherches dans ce qui serait un projet intitulé « Drame
romantique et théâtre vivant » ouvert à d’autres activités, d’autres démarches… au
fil de mes expériences.
52
0
53
Séquence 3 : Découvrons ensemble l’univers de la tragédie classique avec Andromaque, de Racine
Problématique : En quoi la pièce Andromaque est-elle
Compétences visées
une tragédie classique ?
Oral :
-Importance accordée à la lecture orale des textes
Objet d’étude :
Le théâtre
-Savoir lire et dire l’alexandrin
-Répondre de façon ordonnée et argumentée à une question
Perspective dominante : Etude d’un genre la tragédie
et des registres tragique, pathétique…
Lecture :
Perspectives secondaires :
-Lire un texte théâtral dans sa spécificité
Histoire littéraire et culturelle : étude du classicisme
-Savoir saisir la signification d’ensemble de l’œuvre
Etude de l’argumentation et des effets sur le
-Savoir réinvestir la démarche de lecture analytique pour
destinataire
progresser dans la compréhension de l’œuvre
-Gagner en autonomie dans l’élaboration des hypothèses de
lecture
Maîtrise de la langue/ stylistique/ rhétorique :
- langue :
Ecrit :
• les types et formes de phrases
-Répondre
de façon rédigée à plusieurs questions (type bac)
• les pronoms
-Savoir rédiger l’introduction et une partie de commentaire
- perspective d’ensemble
-Initiation à la dissertation
• le vocabulaire d’analyse d’un texte
de théâtre
• les niveaux de langue
• l’énonciation théâtrale
Objectifs
- Travailler sur la pièce avec un esprit dramaturgique de façon à ne pas s’arrêter face aux difficultés de
compréhension
- Construire les notions de genre et de registre
- Analyser les spécificités du langage théâtral et aborder plusieurs notions comme le monologue, les
didascalies…
- Percevoir les composantes générales de la tragédie classique
- Travailler sur le théâtre comme spectacle impliquant des effets sur les destinataires
-OI : Andromaque et lectures analytiques :
• La scène d’exposition
• La folie d’Oreste : ActeV, scène 5
• La chute de Troie racontée par
Andromaque Acte III, scène 8 :
v992-1011
• La violence de la passion dans une
tirade d’Hermione : Acte IV, scène5
vers 1356-1385
Lectures annexes et lectures cursives
- Bérénice, de Racine
- Lecture de l’image avec Le Massacre des Innocents
de Nicolas Poussin
- Lecture de l’image mobile avec des extraits de
Phèdre, dans la mise en scène de Chéreau (les trois
aveux)
Démarches utilisées :
Dispositifs pédagogiques
- Observation – analyse : pour la structure de la
- Lecture de l’image : Phèdre de Chéreau en extraits
pièce
- Alternance travail de groupe et cours dialogué pour
- Lecture analytique d’extraits
les textes
- Travail comparatif avec une autre pièce de
- Exposé d’un élève sur le classicisme
Racine
- Tableau blanc interactif et présentation power point
pour une présentation de l’univers du théâtre
- Travail de groupes pour les activités théâtrales
Travaux réalisés par les élèves
Mode d’évaluation
- Travail de préparation à chaque cours
- DM3 : Introduction et un axe de commentaire
- Recherche : Racine, Classicisme
- DS3 : Evaluation sommative +initiation à la
- Activités théâtrales
dissertation
- Apprendre par cœur des vers pour les réciter
- Evaluation des oraux : activités théâtrales
54
"
&&& .
9
:
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0
4
*
"
$ )-
!
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?
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4
9 !
3
?
"
Lundi 20
Novembre
& . >
,
-power point -Présentation
de la séquence
Cours 2
heures
-Activer les
prérequis
!
-POWER
POINT
-lecture de
l’image
-Entrer dans
l’univers de la
tragédie et du
théâtre en
envisageant la
pièce comme
texte et
représentation
"
Mardi 21
Novembre
Cours 1
heure
Andromaque
(Sélection
de répliques
par le
professeur)
. 9
-Lecture orale
-Mise en
de tous les
bouche du
texte racinien élèves
pour entrer
dans l’œuvre
-Apprendre à
dire le vers
racinien
-Appropriation
personnelle du
texte
-Préparer la
vision de la
scène
-Rappeler
certaines règles
de versification
-alexandrin
-didascalie
-monologue
-aparté
-vocabulaire
du théâtre :
scène,
parterre,
coulisse,
loge, paradis
Travail préparatoire:
biog Racine+ la place
d’Andromaque dans la
légende troyenne
Devoir à la maison
Travail de groupe sur
les images muettes
+exposé sur le
classicisme
+lire Bérénice
Pour 21/11 :
Choisissez un vers ou
deux : Hermione,
Andromaque, Pyrrhus,
Oreste + apprendre
-rappel de
certaines
règles de
versification :
Fiche sur la
versification
Travail préparatoire:
Choisir dans l’œuvre un
ou deux vers
représentatifs des quatre
personnages principaux
de la pièce (chaque
rangée a un
personnage)
Devoir à la maison
-apprendre la fiche sur
les éléments de
versification
-lire et apprendre la
page 211 du manuel :
sur la tragédie
-apprendre par cœur les
vers qui vous étaient
attribués
!
-Chaque élève se
voit attribuer un
ou plusieurs vers
qu’il doit
prononcer avec
une contraintes
(de débit, une
contrainte
physiologique…)
55
Vendredi
24
Novembre
Cours 1
heure
"
&&& .
Manuel p
Construire la
175 : texte
notion de
d’Aristote
genre
sur
« susciter la Reconnaître les
crainte et la composantes
pitié »
de la tragédie
telle qu’elle
s’est fixée à
l’époque
classique
"
Lundi 27
Novembre
Cours 2
heures
Mardi 28
Novembre
Cours 1
heure
&% .
Andromaque -Reconstituer à
l’aide de
questions la
fable de la
pièce : analyser
concrètement
les situations
-Connaître la
signification
d’ensemble de
la pièce
-Par un travail
symbolique et
plastique,
préciser les
enjeux des
situations
dramatiques
clefs des actes
"
Correction du
DSII
Passer de la
nouvelle au
dialogue de
théâtre :
maîtriser les
conventions
théâtrales
,
0 3 ,
Catharsis
-Les élèves
fatalité
proclament à
tour de rôle les
Moment de
vers qu’ils ont
pratique
choisis comme
théâtrale en fin représentatifs
de cours
des 4
personnages
principaux de la
pièce
Cours
dialogué
)
Travail préparatoire:
-lire et apprendre la
page 211 du manuel :
sur la tragédie
- Choisir dans l’œuvre
votre vers ou vos deux
vers préférés : chaque
rangées a son
personnage+l’apprendre
Devoir à la maison
-jouer la pièce en
images muettes
-faire une fiche et
l’apprendre : sur
l’action dramatique à
partir de la p226
,
Jouer les
moments forts
de chaque acte
en images
muettes (par
groupes)
Cours
dialogué
Moments de
pratique
théâtrale pour
ponctuer le
cours et
l’illustrer
.
Cours
dialogué
Ecrire un
dialogue de
théâtre
Travail de
réécriture :
passer du récit
au dialogue de
théâtre à partir
d’un extrait de
la nouvelle Le
Joueur
d’échecs
-ironie
tragique
9 " &&
-Un duo d’élève Ecrire les
didascalies
vient jouer
l’échange entre
Monsieur B et le
narrateur (cf le
travail de
réécriture)
Travail préparatoire:
Jouer les moments forts
de chaque acte en
images muettes (par
groupes)
Devoir à la maison
Pour vendredi
- lire p 213 sur règles
du théâtre classique
- Que se passe t-il
concrètement dans
l’acte IV et dans l’acte
V ? (Rédigez)
Devoir à la maison
Pour Lundi
-Lisez la scène
d’exposition et ajoutez
des didascalies pour
expliciter les sentiments
des personnages
-vous êtes les metteurs
en scène de cette
scène : comment la
mettriez vous en scène :
qui ? où ? quand ?
comédiens ?
-Deux élèves doivent
apprendre un extrait de
la scène : vers 85 à 100
et 108 à 122
56
& .
Mardi 28
Novembre
Module 1
heure
Phèdre de
Chéreau en
extraits : les
trois aveux
de Phèdre
-à Oenone
-à Hippolyte
-à Thésée
-
Découvrir une
autre pièce de
Racine à
travers sa
représentation
filmée
*
Lectures de
l’image
mobile
Quels sont les
points
communs entre
les
personnages de
Phèdre et
d’Hermione ?
"
&% .
)
,
:
Vendredi Andromaque Reconstituer à Cours
l’aide de
dialogué
01/12
questions la
fable de la
Moments de
pièce : analyse pratique
concrète des
théâtrale pour
Cours 1
situations
ponctuer le
heure
cours et
Connaître la
l’illustrer
signification
d’ensemble de
la pièce
Découvrir la
représentation
d’une autre
pièce de Racine
Travail préparatoire
Lucas (qui a déjà lu la
pièce) est chargé de la
présenter
Devoir à la maison
-lire p213 sur les règles
du théâtre classique
-Que se passe t-il dans
les actes Iv et V ?
:
Jouer les
moments forts
des actes III, IV,
V en images
muettes (par
groupes)
*
Règle de
bienséance
Unité de
temps, de
lieu, d’action
Devoir à la maison
Pour lundi
-revoir les règles du
théâtre classique
-Lisez la scène
d’exposition et ajoutez
des didascalies
-vous êtes les metteurs
en scène de cette
scène : comment la
mettriez vous en scène :
qui ? où ? quand ?
comédiens ?
Par un travail
symbolique et
plastique,
préciser les
enjeux des
situations
dramatiques
clefs des actes
Revoir les
règles du
théâtre
classique
"
Lundi 04
décembre
Cours 2
heures
Andromaque Reconnaître les
fonctions de la
scène
Scène
d’exposition d’exposition
Acte I,
scène1
Dégager les
enjeux de cette
V105 à 122 scène, des
significations
d’ensemble
pour la pièce
@
A
Travail préparatoire:
-Jouer les moments
forts de chaque acte en
images muettes (par
groupes)
-Que se passe t-il
concrètement dans
l’acte IV et dans l’acte
V?
-lire la page 213 sur les
règles du théâtre
classique
% .
*
,0
Scène
Travail de
metteur en scène d’exposition
sur la scène
lecture linéaire d’exposition
Litote
de la tirade de
Asyndète
Pylade v105- Deux élèves
Antithèse
122 pour faire proclament les
apparaître les vers 85 à 100 et
enjeux
108 à 122 en
contenus dans début de cours
chaque vers
Cours
dialogué
Pratique
théâtrale en
Travail préparatoire :
-lisez la scène
d’exposition et ajoutez
des didascalies
-vous êtes les metteurs
en scène de la scène
d’exposition
-deux élèves doivent
apprendre un extrait de
la scène : vers 85 à 100
et 108 à 122
Devoir à la maison
mardi 05/12
- lire la dernière scène
57
début de cours
-réécrire les vers 1630 à
1634 dans un niveau de
langue courant
-un élève est chargé
d’apprendre les vers
1633 à1640
Distribution du DM3 :
Faire un commentaire
littéraire de la scène 5
de l’acte I de Bérénice
Recherche par
deux
"
MARDI 05 Andromaque A partir d’un
exemple
décembre
Acte V, sc5 imparfait de
commentaire
littéraire sur ce
texte, les
Cours 1
élèves doivent
heure
comprendre la
démarche du
commentaire :
citations,
analyse des
procédés,
interprétations
%& .
Cours
dialogué
Lecture active
d’un exemple
de
commentaire :
les élèves
doivent
repérer ce qui
va, ce qui ne
va pas, les
citations, les
procédés, les
interprétations
Dégager de
grands axes de
lecture pour
cette scène
finale :
pourquoi finir
sur la folie
d’Oreste ?
"
Vendredi
08
décembre
Cours 1
heure
Le Massacre
des
innocents
De Nicolas
Poussin
Quelles sont
les
caractéristiques
du
classicisme ?
Un élève joue les les types de
vers 1633 à 1640 phrase et
formes de
phrase
Deux élèves
lisent leur
travail de
réécriture des
vers 1630à 1633
dans un niveau
de langue
courant
Travail préparatoire :
- lire la dernière scène
-réécrire les vers 1630 à
1634 dans un niveau de
langue courant
-un élève est chargé
d’apprendre les vers
1633 à1640
Classicisme
Travail préparatoire :
-finir de lire le
commentaire
-apprendre sur types et
formes de phrases
p220
-exposé :le classicisme
Devoir à la maison
pour vendredi
-Le DM3
-lire : sc8 Acte III
-Faire une fiche sur les
registres à partir de la
page 228 du manuel
-un élève est chargé
d’apprendre les vers
992-1002
-pour un élève : changer
le niveau de langue de
quelques vers et
apprendre la
transposition : sc8
ActeIII v992 996
Devoir à la maison
pour vendredi
-finir de lire le
commentaire
-apprendre sur types et
formes de phrases p220
-exposé sur le
classicisme
% && .
Exposé
d’élève
Analyse de
l’image : Le
massacre des
Méthodologie : innocents
analyse de
l’image fixe
Découvrir un
artiste
classique :
Nicolas
Poussin
,$
58
"
Lundi 11
décembre
Cours 2
heures
Andromaque Aborder la
Acte III,
notion de
scène 8 vers registre
992 1011
Lancer des
pistes
interprétatives
en analysant le
dilemme
auquel est
soumise
Andromaque
"
Mardi 12
décembre
Cours 1
heure
Mardi 12
décembre
Module 1
heure
% &&& .
Cours
dialogué pour
la lecture
analytique
Travail de
recherche tout
seul
,
Un élève est
chargé de jouer
les v992-1002
Gagner en
autonomie
pour définir
une
problématique
&& . >
Andromaque Maîtriser les
conventions du
dialogue de
théâtre
Expérimenter
par l’écriture
les enjeux du
dilemme dans
la tragédie
Hypotypose
Un élève est
chargé de jouer
la transposition
des vers 992 à
996 en niveau de
langue courant
&B .
Andromaque Comment se
manifeste la
Acte Ivsc5
v1356- 1385 violence de la
passion dans la
tirade
d’Hermione ?
Registre
Travail préparatoire :
-Le DM3
-lire : sc8 Acte III
-Faire une fiche sur les
registres à partir de la
page 228 du manuel
-pour un élève : changer
le niveau de langue de
quelques vers et les
jouer v992 996
Devoir à la maison :
-apprendre le manuel
p222 sur les niveaux
de langue
-lire sc5 de l’acte IV
v1356 1385 : comment
se manifeste la violence
de la passion dans la
tirade d’Hermione ?
-un élève est chargé
d’apprendre les vers
1356-1365
C D
Lecture
analytique
Travail préparatoire :
- Comment se
manifeste la violence de
la passion dans la tirade
d’Hermione ?
Un élève est
chargé de jouer
les v1356-1365
Cours
dialogué pour Reprise chorale
la lecture
de ces vers par
analytique :
toute la classe
travail à partir
des pistes
lancées par les
élèves
Devoir à la maison
-lire la 224 :
l’énonciation théâtrale
-lire les pages
consacrées à la
dissertation p517-520
Travail de
recherche tout
seul
Travail
d’écriture
En vous
inspirant des
registres et des
figures de
style mis en
œuvre dans la
pièce de
Racine,
rédigez le
monologue
d’Andromaque
qui reviendrait
sur le dilemme
tragique dans
lequel elle est
0
Ecrire un
monologue de
théâtre
Un élève est
chargé de
« jouer » son
monologue
-les pronoms
personnels
sujets
Travail préparatoire :
Devoir à la maison
-lire la 224 :
l’énonciation théâtrale
-lire les pages
consacrées à la
dissertation p517-520
59
plongée. Sa
délibération
intérieure
devra la
conduire à
faire un choix
définitif
.
Vendredi
15
décembre
Fiche de
méthode
Cours 1
heure
Initier les
élèves à la
méthode de la
dissertation à
partir de sujets
portant sur le
théâtre
3
Devoir à la maison
-révision pour le DS3
Quelles sont
les exigences
d’un tel sujet ?
9 !
!
>!
Lundi 18
décembre
Contrôler les
savoirs des
élèves sur les
œuvres
étudiées en
cours et sur le
genre de la
tragédie
Evaluation
sur deux
heures
Contrôler les
savoir-faire par
une initiation à
la dissertation
!
3
Cours 1
heure
DM3
-corriger le
DM3 à partir
des
productions
des élèves
-proposer un
bilan de
séquence à
partir du
sondage
Travail préparatoire :
Tout revoir
Revoir la méthode de la
dissertation
Evaluation
écrite : « C’est
quand les
personnages
cèdent à leur
passion que
commence
véritablement
la tragédie »
9
Mardi 19
décembre
Travail préparatoire :
-lire la 224 sur
l’énonciation théâtrale
-lire les pages
consacrées à la
dissertation p517-520
-lire fiche
-manipuler
quelques
sujets
Devoir à la maison
-petit sondage
-relire l’extrait de
Bérénice qui était à
commenter
5
-correction du
DM
Dire la tirade de
Bérénice de
façon chorale :
deux élèves pour
un vers
Travail préparatoire :
Relire la tirade de
Bérénice
Devoir à la maison
Faire une recherche
complémentaire sur le
classicisme
60
0
61
&
0
CONSIGNES : Réalisez en « images fixes » les moments clefs de chaque acte
LE PREMIER GROUPE : ACTE I
Le premier groupe choisit la scène 4 de l’acte I : Dans cette scène Pyrrhus
apprend à Andromaque quelle est la mission d’Oreste (délégué officiellement
pour réclamer le dernier descendant troyen) et lui promet de sauver l’enfant
si elle consent à l’épouser.
Oreste tient dans ses bras Astyanax, qui n’est jamais présent sur scène mais
qui constitue l’un des enjeux de la pièce
Pyrrhus à genoux demande la main d’Andromaque avec une bague
Les Grecs réclament avec insistance
Astyanax et créent la situation d’urgence
par une pression sourde
Andromaque est en proie
à un dilemme symbolisé par ce jeu de deux plateaux
62
LE DEUXIEME GROUPE : ACTE II
Le deuxième groupe choisit la scène 4 de l’acte II : Alors qu’Oreste s’était
réjoui de la décision de Pyrrhus de ne pas livrer Astyanax aux Grecs, la scène
4 constitue un véritable renversement de situation : Pyrrhus vient annoncer à
son rival amoureux qu’il a changé d’avis : il livrera Astyanax aux Grecs et
épousera Hermione. Oreste assiste impuissant à ce changement cruel.
Un semblant de décor est tracé
au tableau avec les moyen du bord
Phoenix, fidèle à son rôle de conseiller
est dans une position de retrait
Oreste subit la décision de Pyrrhus,
impuissant. Son cœur se brise car ses
espoirs s’écroulent. La scène contraste
avec la scène 3
Pyrrhus annonce froidement à Oreste
sa décision d’épouser Hermione.
La couronne symbolise son pouvoir
sur les autres
63
LE TROISIEME GROUPE : ACTE III
Le troisième groupe choisit la scène 6 de l’acte III : Au début de l’acte,
Pyrrhus s’est résolu à livrer Astyanax et à épouser Hermione. Andromaque,
cette mère aux abois tente ici, encouragée par sa confidente Céphise, une
ultime démarche auprès de Pyrrhus. Ce dernier faiblit en dépit des
exhortations de son vieux gouverneur Phoenix.
Les deux confidents, Phoenix et Céphise, sont dans une position de retrait par
rapport à la scène qui se joue devant eux. Phoenix réprouve la faiblesse de
Pyrrhus tandis que Céphise encourage Andromaque à épouser ce dernier.
Pyrrhus est dans une position de supériorité.
Sa décision de livrer Astyanax lui permet d’inverser
le rapport de force.
Andromaque, soumise aux décisions de Pyrrhus,
adopte devant ce dernier une position de
supplication due à l’urgence de la situation
64
QUATRIEME GROUPE : ACTE IV
Le quatrième groupe choisit la scène 3 de l’acte IV : Hermione, évincée par le
mariage imminent de Pyrrhus avec Andromaque, laisse éclater sa fureur :
elle charge Oreste de le venger par l’assassinat immédiat de Pyrrhus, besogne
qui lui répugne, mais qu’il finit, devant son implacable acharnement
d’amante jalouse par prendre sur lui d’exécuter.
Hermione est à l’origine de la tragédie.
Son geste est le bras vengeur désignant à
Oreste ses futures victimes
Oreste, armé par Hermione,
Est en proie au doute, mais n’ose
refuser face à la violence de la passion
d’Hermione
Pyrrhus est insensible face à
ce qui se joue, tout occupé
aux préparatifs de son mariage :
insouciance
65
CINQUIEME GROUPE : ACTE V
Le cinquième groupe choisit la scène 3 de l’acte V : le travail est intéressant
dans la mesure où ce groupe prend le risque de représenter symboliquement
une situation qui n’a pas lieu sur scène, à savoir, le meurtre de Pyrrhus par
l’armée grecque. Le passage du récit à l’image implique un travail sur la
représentation.
La présence d’un prêtre sur scène est chargée
de concrétiser le mariage d’Andromaque avec Pyrrhus
Oreste est dans une position de retrait :
Il désigne Pyrrhus aux Grecs et
se voit ainsi soudain dépouiller de son
rôle de vengeur par l’armée des Grecs
Pyrrhus succombe assailli par les coups
L’armée des Grecs, déjà présente dans
l’Acte I, de menace sourde devient
bras meurtrier sous les yeux
d’Andromaque devenue reine
66
!
!
CONSIGNES : Réécrire quelques vers en passant d’un niveau de langue
soutenu à un niveau de langue courant. Jouer ce cours extrait afin de faire
apparaître de façon concrète la situation à ce moment précis de la pièce.
ACTE V, scène 5 : vers 1630, 1631, 1632, 1633
Trouverai-je partout un rival que j’abhorre ?
Percé de tant de coups, comment t’es tu sauvé ?
Tiens, tiens, voilà le coup que je t’ai réservé.
Mais que vois-je ? A mes yeux Hermione l’embrasse !
Proposition de Lucie :
Survivra t-il ce rival que moi je déteste ?
Blessé comme tu l’étais, comment t’es-tu sauvé ?
Je viens pour te donner un dernier coup funeste.
Je n’en crois pas mes yeux ! Hermione ! L’embrasser !
Proposition de Quentin
Verrai-je donc partout cet ennemi haï ?
Que j’ai bien tué et qui aujourd’hui revit.
Pour toi, voilà la fin, je vais t’exécuter.
Mais que se passe t-il ? Il prend ma bien aimée !
67
%
2
*
*
1
&
CONSIGNES : Comment mettriez-vous en scène la scène 1 de l’acte I.
Transformez-vous en metteurs en scène, éclairagistes, costumiers : Quel
décor ? Quels costumes ? Comment voyez-vous les comédiens ? Comment
allez-vous jouer le rapport entre les personnages d’Oreste et de Pylade ?…
Répondez de façon précise aux questions Où ? Quand ? Qui ? Quoi ?
Proposition de Cécile
L’espace scénique sera vu comme un jeu dont les personnages seront les pions
L’espace de la scène est vide. Seuls les murs sont habillés et comportent 8
portes, une pour chacun des personnages. Des rideaux autour des portes
jouent le rôle d’annonciateurs de mort : lorsqu’un personnage vient à mourir,
sa porte est recouverte d’un rideau.
Au sol, le dallage est en fait un code de couleur : chaque carreau a sa couleur,
qui représente l’humeur des personnages.
- Le jaune pour la joie : plusieurs dalles côte à côte pour que l’acteur
puisse exprimer par des gestes amples son sentiment
- Le rouge pour la colère. Les dalles sont éloignées. La colère sépare les
personnages.
- Le gris pour la tristesse ou le désespoir : carreaux situés sur les bords
de la scène, à l’écart.
68
-
Le noir pour la mort : lorsqu’un personnage s’en sent proche.
Le rose pour l’amour : deux dalles côte à côte.
En bleu, l’aveu : dalle se situant sur l’avant scène pour rendre la parole
publique
Ainsi Oreste entre sur scène les bras ouverts par la porte à son nom et s’arrête
sur une case jaune pour montrer sa joie, juste à côté de son ami Pylade.
Ils s’embrassent puis commence le dialogue des retrouvailles. Durant toute sa
tirade, Oreste reste statique : seuls ses bras et l’expression de son visage
montre sa joie de retrouver son ami.
Pylade commence sa tirade sur une case jaune, puis se déplace vers une case
grise proche pour faire le récit de sa tristesse et de son inquiétude face aux
nouvelles alarmantes qui concernaient son ami.
Oreste s’interroge sur sa situation. Vient-il chercher l’amour ou la mort ? Il se
déplace de cases rouges en cases noires…..
Propositions d’Elodie
69
Je pense que le décor et les costumes sont très importants quant à la pièce :
ils nous aident à mieux définir l’époque et surtout à pouvoir rentrer dedans,
ils nous aident aussi à cerner certaines caractéristiques des personnages.
C’est pourquoi je préfèrerais une représentation réaliste, que tout le monde
comprendrait en un simple coup d’œil plutôt qu’une représentation
symbolique, où certains symboles resteraient sûrement ambigus.
Les acteurs
Pour Oreste, je prendrais un acteur qui aurait pu être un héros grec : c’est-àdire, grand, musclé, avec des cheveux bouclés ; quelqu’un digne d’un grand
héros, quelqu’un de remarquable.
Pour Pylade je choisirais quelqu’un de plus petit, plus mince, quelqu’un de
totalement différent de Oreste. Il me faudrait quelqu’un qui ne serait pas là
pour se battre mais pour suivre, conseiller…
Il faut que l’on remarque d’abord Oreste, car c’est lui le héros.
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Travail d’écriture : En vous inspirant des registres et des figures
de style mis en œuvre dans la pièce de Racine, rédigez le monologue
d’Andromaque qui reviendrait sur le dilemme tragique dans lequel elle est
plongée. Sa délibération intérieure devra la conduire à faire un choix définitif
Proposition de Julie et Saroun
Oh ! Dieux ! Pourquoi m’infliger un affreux dilemme ?
Comment pourrais-je résister, moi, pauvre humaine ?
Comment choisir entre ma chair et tout l’Epire
Lorsque seul Hector assouvissait mon désir ?
Dois-je aux Grecs sacrifier ma progéniture ?
Le laisser partir et mourir serait si dur.
Ou bien épouser le bourreau de mon peuple et
Garantir à mon fils un père attentionné.
Quel nouveau sort pour moi, à côté de ce roi ?
Alors je préfère mourir, tel est mon choix.
Proposition de Tiphaine et Jennifer
Injuste dilemme qui se pose à moi,
Que toi Pyrrhus, tu me rappelles tant de fois.
Mon Dieu ! Quel choix cruel m’est imposé ;
Entre quels extrêmes suis-je déchirée !
D’un côté Pyrrhus, l’assassin de mon époux ;
De l’autre mon fils, auquel je tiens plus que tout !
Que dois-je décider ? Que dois-je faire ?
Avec Pyrrhus comme mari, ma vie serait un enfer ;
Mais je ne pourrai supporter la mort de mon fils,
J’ai la sensation de me trouver au bord d’un abysse !
Je hais cet homme mais je dois l’épouser ;
La vie de mon seul enfant en serait sauvée.
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"
Un système de sondage distribué en fin de séquence m’a permis d’évaluer ce
que mes élèves avaient retiré de cette séquence, de prendre en compte leurs
remarques (dans la mesure où ces dernières me semblaient constructives)…
Dans cette séquence, quelle séance avez-vous préférée ? Et pourquoi ?
Anaëlle : Dans cette séquence, j’ai préféré la séance 2. J’ai trouvé intéressant de
dire des vers avec une certaine intonation, un certain accent
Lucas : J’ai préféré la séance avec les tableaux fixes joués par les 5 groupes. Le
côté ludique et original du cours nous donne envie d’aller en français
Tiphaine : La séance que j’ai préférée a été la séance VII sur l’étude du
classicisme lorsque nous avons travaillé sur le tableau, Le Massacre des
innocents. Je trouve l’étude d’un tableau plus originale et donc plus intéressante
que celle d’un texte ; et je trouve également les cours plus intéressants lorsque
nous sommes dans la salle au tableau blanc interactif.
Elodie : J’ai préféré la microlecture sur la scène d’exposition lors de la séance 5.
Je trouve cela très intéressant de creuser les vers pour découvrir tant de choses.
Clément S : La séance que j’ai préférée est l’étude de l’adaptation
cinématographique de la pièce de théâtre Phèdre. Cela change des séances
habituelles et permet de voir ce qu’est réellement le théâtre.
Cyril : La séance 1 nous a permis de rentrer dans l’univers du théâtre
Dans cette séquence, quelle séance n’avez-vous pas appréciée ? Et pourquoi ?
Lucas : Je n’ai pas aimé tous les cours ennuyeux tels que l’initiation à la
dissertation et les points de grammaire, car on ne fait rien et on écoute des leçons
sur des sujets qui ne nous intéressent pas
Clément : J’ai trouvé la séance sur la fable d’Andromaque trop longue, mais c’est
sans doute la plus importante afin de comprendre l’histoire.
Amandine : Je n’ai pas apprécié la séance de l’initiation à la dissertation, car je
n’arrive pas à faire les dissertations, à trouver les idées et à les mettre en place.
Hélène : Je n’ai pas aimé la séance sur la scène d’exposition car nous sommes
restés trop longtemps sur un même texte.
Laura : Je n’ai pas aimé la séance générale sur la tragédie classique.
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Dans cette séquence, qu’avez-vous pensé des moments de pratiques
théâtrales ?
Lucas : C’était les cours les plus intéressants de l’année
Paul : Je n’ai pas compris pourquoi on a fait un roman photo pour chaque acte
Tiphaine : J’ai trouvé cela très intéressant : comment l’on peut représenter
symboliquement toute une scène par une image et, en même temps, cela nous a
permis de nous détendre et de rigoler pendant le cours. Cela nous a permis de
nous amuser tout en apprenant quelque chose ce qui est une très bonne méthode.
Lucie : Les moments de pratiques théâtrales étaient très intéressants, car ils
suggéraient une approche plus ludique de la pièce et nous permettaient de laisser
libre cours à notre imagination.
Clément L : J’ai bien aimé les moments de pratiques théâtrales, car c’est une
autre façon d’approcher le théâtre et cela nous permet de voir qu’il n’est pas
forcément facile pour un metteur en scène de faire passer le message de la pièce
au public.
Clément S. : Je trouve que les moments de pratiques théâtrales sont très
intéressants. Tout d’abord ils permettent de faire une coupure dans le cours et
dans l’explication abstraite des actes. Ensuite ils permettent de s’imaginer
concrètement la scène. Enfin je trouve que c’est un bon travail de groupe qui
permet aux élèves de la classe de mieux se connaître.
Quelles compétences pensez-vous avoir acquises ?
Jennifer P.: Je pense avoir acquis le réflexe d’étudier en profondeur le théâtre.
Cela m’a également permis de lire deux livres que toute seule je n’aurais jamais
lus.
Tiphaine : Je pense avoir acquis des connaissances sur les tragédies classiques :
comment les reconnaître, quelles sont leurs règles. Enfin je ne connaissais aucune
œuvre classique, ce qui m’a permis d’élargir ma culture littéraire.
Rudy : Je pense avoir acquis la méthode du commentaire
Alexis : J’ai acquis plus de confiance en moi et une meilleure connaissance des
classiques
Clément L. : Je pense avoir acquis l’essentiel des compétences du commentaire
composé, ainsi que la prononciation des vers. Et je pense avoir compris la
signification d’ensemble des œuvres.
Elodie : Maintenant les enjeux d’une pièce comme Andromaque sont beaucoup
plus clairs pour moi. Je crois avoir beaucoup appris au cours de cette séquence.
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)
Œuvres lues par les élèves
RACINE J., Andromaque, Folio classique, 1667
RACINE J., Bérénice, Folio classique 1670
Documents exploités en classe
Phèdre de Racine, mis en scène par Chéreau, DVD, 2004, Arte vidéo (exploité
sous forme d’extraits)
Textes institutionnels
Programmes des enseignements de la classe de seconde générale et technologique
– français, in B.O. n°28, 12 juillet 2001
Accompagnements des programmes des classes de seconde et première générales,
CNDP, 2001
Ouvrages généraux sur le théâtre
ARTAUD Antonin, Le théâtre et son double, éd. Idées Gallimard
CHARVET P., COMPERTZ ST., MARTIN S., MORTER D., POUILLON Chr,
Pour pratiquer les textes de théâtre, De Boeck Duculot, 1992
CORVIN Michel, Grand dictionnaire du théâtre, Bordas, 1991
LARTHOMAS Pierre, Le Langage dramatique, Edition P.U.F.
PRUNER M., L’analyse du texte de théâtre, édition les Topos, chez
DUNOD,1998
ROUBINE J.J., Introduction aux grandes théories du théâtre, Dunod, 1998,
Nathan-Université, 2000
RYNGAERT J.P., Introduction à l'
analyse du théâtre, Nathan, 1994.
UBERSFELD A., Lire le théâtre I, Belin Sup,1996.
VINAVER Michel, Ecritures dramatiques, essais d’analyse de texte de théâtre,
éd. Actes Sud
74
Ouvrages didactiques : le jeu théâtral
BOAL A., Jeux pour acteurs et non acteurs, Maspéro, 1978
DULIBINE C. et GROSJEAN B., Coups de théâtre en classe entière, Paris,
CRDP, Edition Argos démarche, 2005
PAGE Christiane, coord. Par, Pratiques du théâtre, Paris, CNDP / Edition
Hachette Education, 1998
RYNGAERT, Jean-Pierre. Le jeu dramatique en milieu scolaire. Bruxelles : De
Boeck Université, 1991
ZUCCHET, Oser le théâtre, CRDP académie de Grenoble, 2000
Revues
Dire et représenter la tragédie classique, Théâtre d’aujourd’hui, édition CNDP,
1993
Sites
Educnet/ théâtre : http://www2.educnet.education.fr/sections/theatre/
Rencontre avec des metteurs en scène dans le cadre d’un stage au Pôle
National Ressource
BONNAUD Irène
COLLIN Pascal
CANTARELLA Robert
LAMBERT Benoît
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!!
Résumé : Etudier une oeuvre théâtrale et plus précisément une tragédie
classique en classe de seconde implique pour l'enseignant de faire un certain
nombre de choix pédagogiques délicats : Comment entrer dans l’univers de
la tragédie classique sans se cantonner à un travail de lecture analytique ?
Comment faire en sorte que les élèves prennent une part active dans la
découverte de ce répertoire ? Comment animer une découverte collective,
l’expérimentation des enjeux d’un texte appartenant au répertoire de la
tragédie classique ? … Ce sont autant de questions auxquelles ce mémoire
tente de répondre en faisant partager une démarche inspirée d’expériences et
pratiques théâtrales faisant revivre les textes.
Mots clefs :
-
Théâtre
-
Tragédie classique
-
Jeu
-
Oral
-
Pratiques théâtrales
Etablissement en responsabilité :
-
Le Lycée Charles de Gaulle, Dijon
-
Niveau de la classe en responsabilité : SECONDE
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