LES ADDICTIONS SANS DROGUE Pr Jean-Luc VENISSE POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 1 LES ADDICTIONS SANS DROGUE « Comme la vie est lente Et comme l espérance est violente » G. APOLLINAIRE (Alcools) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 2 LES ADDICTIONS SANS DROGUE N e u r o b io lo g y o f A d d ic tio n P h a r m a c o lo g ic a l a n d N e u r o p h y s io lo g ic a l T r e a t m e n ts W im v a n d e n B rin k A m s te r d a m In s titu te fo r A d d ic tio n R e s e a rc h A c a d e m ic M e d ic a l C e n te r U n iv e r s ity o f A m s te r d a m POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 3 LES ADDICTIONS SANS DROGUE A d d ic tiv e S u b s ta n c e s a n d A d d ic tio n A d d ic tiv e S u b s ta n c e s POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 4 LES ADDICTIONS SANS DROGUE M e d ic in e , D r u g o r D o p in g POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 5 LES ADDICTIONS SANS DROGUE M e d ic in e , D r u g o r D o p in g POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 6 LES ADDICTIONS SANS DROGUE M e d ic in e , D r u g o r D o p in g POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 7 LES ADDICTIONS SANS DROGUE M e d ic in e , D r u g o r D o p in g V ia g a ra POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 8 LES ADDICTIONS SANS DROGUE F o o d , D r u g o r D o p in g POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 9 LES ADDICTIONS SANS DROGUE A d d ic tiv e S u b s ta n c e s S u b s ta n c e s w ith a re w a rd in g n a tu re th a t m a k e y o u fe e l g o o d (E U P H O R IA ) S u b s ta n c e re s u ltin g in c ra v in g in c e rta in p e o p le a fte r re p e a te d u s e (C R A V IN G ) S u b s ta n c e s th a t le a d to lo s s o f c o n tro l (L O S S O F C O N T R O L ) H e t w a te r lo o p t in je m o n d POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 10 LES ADDICTIONS SANS DROGUE A d d ic t io n , H a b it o r H o b b y s u b s t a n c e , r e w a r d , b e h a v io r , m e m o r y POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 11 LES ADDICTIONS SANS DROGUE I INTRODUCTION II VALIDITE SCIENTIFIQUE A PLUSIEURS NIVEAUX DE L APPROCHE TRANSVERSALE DE L ENSEMBLE DES ADDICTIONS, AVEC OU SANS DROGUES 1 - niveau clinique et comportemental 2 - niveau neurobiologique 3 - niveau des facteurs de risques et de vulnérabilité 4 - niveau psychopathologique III DES CRITERES TRANSVERSAUX IV INTERET D UNE EVALUATION TRANSVERSALE POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 12 LES ADDICTIONS SANS DROGUE V UN ABORD THERAPEUTIQUE AUX REFERENCES DE BASE COMMUNES VI - APERCU DE QUELQUES UNES DE CES ADDICTIONS COMPORTEMENTALES 1 - les conduites boulimiques anorexiques 2 - les conduites de jeu excessif (jeux de hasard et d argent) 3 - Le problème des jeux vidéos 4 - les autres addictions sans drogues POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 13 LES ADDICTIONS SANS DROGUE I - INTRODUCTION Elles occupent une place centrale au sein de l addictologie, oubliées des pouvoirs publics, mais de moins en moins (cf Plan Addiction 2007-2011) Mon intérêt est lié à un parcours personnel ayant commencé autour des Troubles des Conduites Alimentaires pour s élargir progressivement : anorexie - boulimie - alcoolisations du sujet jeune - SPA illicites jeu pathologique. Congrès 1990 « Les Nouvelles Addictions » Unité Addictions 1990 Service d Addictologie 2003 POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 14 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Leur prise en compte permet : de relativiser la place du produit autrefois un peu aveuglante de s inscrire dans l évolution des idées de ces quinze dernières années avec le décalage de l approche par produit vers l approche par comportements. cf position CN thique, Rapports Roques et Parquet Reynaud Plan gouvernemental 1999 2002 N. MAESTRACCI d élargir l angle de vue pour ne pas méconnaître les associations et relais de conduites si fréquentes et pas seulement chez les jeunes ! POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 15 LES ADDICTIONS SANS DROGUE II - VALIDITE SCIENTIFIQUE A PLUSIEURS NIVEAUX DE L APPROCHE TRANSVERSALE DES ADDICTIONS 1 Niveau clinique et comportemental Parenté étroite » des séquences cognitivo-comportementales » du vocabulaire des patients » de la position du patient (avec la question du déni notamment) et de celle de l entourage » des phénomènes de tolérance et de sevrage Comorbidités communes » psychiatriques - Troubles anxieux - Troubles de l humeur * dépressifs * bipolaires - Notion de personnalité antisociale » addictives SPA alcool - jeu alcool - boulimie BZD psychostimulants - anorexie boulimie multi-impulsive autres addictions sans drogues POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 16 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Notion de facteurs de risque, de vulnérabilité et de protection identiques cf ce tableau extrait d un article récent sur les facteurs de risque pour le jeu pathologique POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 17 LES ADDICTIONS SANS DROGUE POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 18 LES ADDICTIONS SANS DROGUE 2 - Niveau neuro-biologique avec la mise en action des mêmes voies finales communes, notamment dopaminergiques mésolimbiques (avec leurs principales cibles neuro-anatomiques : ATV, noyau accumbens, cortex préfontal et leurs marqueurs génétiques. Allele A1 du gêne récepteur DRD2 et A7 DRD4), étroitement articulées aux systèmes opioïdes endogènes et cortico-surrénaliens [et également aux structures noradrénergiques (locus coeruleus) et sérotoninergiques (raphé médian) chargées en amont de réguler de façon couplée le traitement des signaux les plus perturbateurs pour notre homéostasie psycho-physiologique notion de découplage - JP TASSIN] 3 Niveau psycho-pathologique, avec des fonctions voisines pour toutes ces conduites de recherche de soulagement/anesthésie stimulation reflet fragilité narcissique et difficulté à utiliser les ressources internes Fragilité narcissique qui se révèle souvent à l adolescence autour des exigences de séparation - individuation liées à cette période du développement psycho-affectif (P. BLOS) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 19 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Dans cette mesure les différentes conduites addictives peuvent avoir valeur d agirs incorporatifs répétitifs actes anti-éprouvés avec une fonction défensive vis-à-vis d affects dépressifs non structurés Ces conduites addictives représentent un compromis acrobatique entre revendication d autonomie et nécessité de l esclavage de la dépendance (au prix d un déni de la réalité et la représentation de cette dépendance). On peut parler d auto-traitement de substitution d une dépendance inélaborable à l entourage le plus proche, de problématique du lien, et également de processus anti-développemental « panne d adolescence ». POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 20 LES ADDICTIONS SANS DROGUE III DES CRITERES TRANSVERSAUX : Le modèle d Aviel GOODMAN Elaboré pour théoriser les pratiques sexuelles addictives Critères selon les principes descriptifs du DSM voisins des critères de la Dépendance à une substance 1980 : British Journal of Addiction 1998 : « Sexual Addiction » Addiction : condition selon laquelle un comportement susceptible de donner du plaisir et de soulager des affects pénibles est utilisé d une manière qui donne lieu à deux « symptômes clés » 1) échec répété de contrôler ce comportement («perte du contrôle » de JELLINEK) 2) poursuite de ce comportement malgré ses conséquences négatives POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 21 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Les critères du Trouble Addictif (A. GOODMAN, 1990) A) Impossibilité de résister à impulsion de s engager dans le comportement B) Tension croissante avant d initier le comportement C) Plaisir ou soulagement au moment de l action D) Perte du contrôle en débutant le comportement POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 22 LES ADDICTIONS SANS DROGUE E) Cinq des critères suivants ou plus : 1) Préoccupation fréquente pour le comportement ou l activité qui prépare à celui-ci 2) Engagement plus intense ou plus long que prévu dans le comportement 3) Efforts répétés pour réduire ou arrêter 4) Temps considérable passé à réaliser le comportement 5) Réduction des activités sociales, professionnelles, familiales du fait du comportement POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 23 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Les critères du Trouble Addictif (3) 6) L engagement dans ce comportement empêche de remplir des obligations sociales, familiales, professionnelles 7) Poursuite malgré les problème sociaux 8) Tolérance marquée 9) Agitation ou irritabilité s il est impossible de réduire le comportement F) Plus d un mois ou de façon répétée pendant une longue période POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 24 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Les critère de Goodman sont repérés et complétés dans tous les travaux récents sur l addiction * Maddox et al. 200 * Schaffer et al. 1999 * West : 2001 * Petry : 2006 * Potenza : 2006 1 Etat de « craving » avant l engagement dans le comportement 2 Altération du contrôle de l engagement dans le comportement 3 Poursuite de cet engagement malgré ses conséquences négatives POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 25 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Ces critères rendent préférable le terme d Addiction à celui de Dépendance (ex. de dépendances pharmacologiques à un produit ou médicamentsans les effets destructeurs et négatifs de l addiction. Exemple de la Méthadone dépendance physiologique sans addiction). Ces critères : inclusion de certains comportements dont le Jeu Pathologique (mais aussi Achats compulsifs, addiction sexuelle ) dans la catégorie des Addictions Recommandations du NIDA aux Etats-Unis, 2002. POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 26 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Les critères « du Trouble Addictif » (Goodman 1990) sont calqués sur ceux de la Dépendance (DSM III, IV) L addiction (selon Goodman) se situe entre impulsion et compulsion Impulsion : recherche du plaisir ou d une gratification immédiate Compulsion : soulagement des tensions et réduction des affects pénibles Addiction : partage, selon les moments évolutifs, les caractéristiques de l impulsion et de la compulsion POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 27 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Le Trouble Addictif, défini par Goodman, et repris par de nombreuses études récentes, est un concept : Large Extensif Incluant les addictions à une substance et à un comportement POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 28 LES ADDICTIONS SANS DROGUE IV INTERET D UNE EVALUTATION TRANSVERSALE Une évolution transversale peut être facilitée par un outil simple : cf l outil de repérage utilisé dans le service POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 29 LES ADDICTIONS SANS DROGUE IV - UN ABORD THERAPEUTIQUE, QUI MALGRE QUELQUES SPECIFICITES S APPUIE SUR LES MEMES REFERENCES DE BASE : Notion d objectifs élargis, au delà de la seule disparition de la conduite Notion de RDR devenue elle aussi transversale Notion d engagement dans la durée d une équipe pluridisciplinaire stable (continuité fiabilité) Notion de cheminements par étapes (step by step) incluant » Travail motivationnel » Prévention et accompagnement des rechutes Place essentielle dans cette mesure des soins ambulatoires intensifs Place centrale également des thérapies cognitives et comportementales, individuelles et de groupe, ainsi que des approches familiales POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 30 LES ADDICTIONS SANS DROGUE V LISTE DE CES ADDICTIONS COMPORTEMENTALES LONGUE ET EVOLUTIVE Non limitative, dès lors que ce n est pas d abord la nature de l objet qui prime mais le mode de relation avec lui (et l impact de celui-ci sur le sujet). Parmi les plus classiques et venant illustrer les différentes figures de cette problématique du lien 1 Les addictions alimentaires Dans leurs formes extrêmes opposées, mais souvent associées, de l anorexie et la boulimie avec la place centrale de la boulimie historique de LASEGUE à RUSSEL « Toutes les anorexiques sont des affamées » (M. SELVINI) - « La boulimie comme toxicomanie sans drogue dès 1945) (WULFFENICHEL) « Rester vide mince et dure pour sauvegarder une intégrité, une valeur, voire une perfection et une puissance excitante qui est venue battre en brèche le besoin de se gaver comme le besoin de l autre, le premier n étant que le substitut pervers du second » (B. BRUSSET) évolution des critères diagnostiques DSM et réalité clinique de l association une séquence comportementale évocatrice POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 31 LES ADDICTIONS SANS DROGUE avec dans l anorexie restrictive la toxicomanie endogène liée à la restriction et l hyperactivité avec la fréquence des autres addictions associées, à des SPA et sans drogues L anorexie touche 0,9 % des femmes et la boulimie 1,5 % mais en intégrant les formes subcliniques un adolescent sur 10 est concerné et 5 à 10 % des formes avérées d anorexie mentale en meurent (cf SANTE DE L HOMME mars-avril 2008) Ces addictions alimentaires illustrent tout particulièrement la spécificité du lien nourricier mère-fille et la question du sevrage (dans son sens premier) ainsi que les difficultés de la séparation - individuation. POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 32 LES ADDICTIONS SANS DROGUE 2 - Les conduites problématiques de jeux de hasard et d argent (JHA) qui viennent elles plutôt « titiller » le lien père-fils se sont multipliées à partir d une augmentation notable d une offre diversifiée des trois opérateurs : Française des Jeux PMU Casinos et de jeux ayant un potentiel addictif important (lié notamment à la brièveté du délai entre mise et gain ainsi que fréquence de jeu possible) Prévalence jeu pathologique et à risque entre 1 et 3 % de la population en moyenne partout dans le monde (600 000 à 1 800 000 français) cf rapport MILDT - Expertise collective INSERM (Ed INSERM 2008) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 33 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Ces conduites de jeu pathologique (et aussi d achats) avec leurs conséquences (dommages) notamment financières illustrent le fait qu en l absence d élaboration symbolique et de la dette de filiation (qui nous permet d assumer notre dépendance à nos ascendants) c est le comportement (et ici la dette financière) au père qui couvre le découvert qui tente d éponger celle-ci. cf éthymologie du terme Addiction cf aussi Le joueur DOSTOÏEVSKI et « DOSTOÏEVSKI et le parricide » de FREUD cf enfin la dimension ordalique de ces conduites (voir addiction au risque plus loin) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 34 LES ADDICTIONS SANS DROGUE L appartenance du Jeu Pathologique au registre des addictions est discutée par certains. Quels sont les arguments en faveur ? Clinique * Certains critères du J.P sont identiques à ceux de la Dépendance (DSM IV-TR) - Préoccupation par le jeu - Besoin de jouer des sommes d argent croissantes pour atteindre l état d excitation désiré (tolérance) - Efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter - Agitation et irritabilité lors des tentatives de réduction ou d arrêt du jeu (sevrage) * Critère communs Dépendance J.P. POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 35 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Clinique (suite) Autres traits communs J.P. Addictions Taux élevés chez adolescents et adultes jeunes Taux élevé d impulsivité Le type II (Cloninger) ou Type B (Babor) de l alcoolisme peut être appliqué au J.P. : relation entre gravité et début précoce (Potenza 2000 ; Lynch 2004) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 36 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Clinique (suite) Différences comparables du sexe-ratio (plus d Hommes) Phénomène de « télescopage » avec début plus tardif chez les femmes et évolution plus rapide vers la dépendance commun à l Addiction et au J.P. (Potenza et al. 2001 ; Tavarès et al. 2001) Influence des facteurs socio-culturels et ethniques sur le J.P. et les abus de substances POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 37 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Données sociodémographiques : L âge jeune, le sexe masculin, le bas niveau socio-économique, l appartenance à des minorités ethniques favorisent J.P. et abus de substances et dépendance (Petry 2005 ; National Research Council 1999) Mais aucune spécificité de ces facteurs associés à de multiples troubles psychiatriques POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 38 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Comorbidité Co-occurrence élevée entre J.P. et abus de substances dans toutes les études. Etude E.C.A. (Kessler, 1994 joueurs à problèmes non joueurs consomment plus de tabac et d alcool, ont les critères abus ou dépendance, mais ont aussi les critères d autres troubles psychiatriques (pers. Antisociale, troubles anxieux, dépressifs et psychotiques ) Etude NESARC (43 000 sujets) : co-occurrence fréquente entre J.P. et nombreux troubles Axe I et Axe II POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 39 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Données psychophysiologiques Dysfonction du lobe frontal chez les J.P. et les Addicts (cortex préfrontal++) Difficultés d attention, mémoire, fonctions d exécution comparables chez J.P. et addicts (Regard et al 2003 ; Goldstein et al 2004) Plusieurs études récentes montrent aux taches de prise de décision les choix suivant les pertes sont plus risqués, avec activité cérébrale chez les J.P. et les addicts, joueurs ou non, comparés aux contrôles (Petry et al 2001 ; Casedini et al 2002, Willonghby et al 2002). POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 40 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Données neurobiochimiques Nombreux systèmes de neurotransmission impliqués à la fois dans le J.P. et les abus de substances. Dopamine, récompense et renforcement dans les addictions Données contradictoires des études dans le J.P. (Borg et al. 1997 ; Roy et al. 1989) Circuit cérébral dans l addiction : voies dopaminergiques mésolimbiques reliant aire segmentale ventrale et Nac. ou striatum ventral (Nestler et al. 1997) Données comparables dans le J.P. (Chamlers et al. 2003) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 41 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Données neurobiochimiques (suite) Systèmes sérotoninergiques impliqués dans Alcoolisme et J.P. (taux bas HIAA dans le LCR chez J.P. et Alcoolisques ; Potenza, 2002) taux MAO plaquettaires des J.P., TCI, Addicts. Réponses à l agoniste partiel de la sérotonine mCPP distinguent sujets PG ou addicts des contrôles (Potenza, 2002) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 42 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Données neurobiochimiques (fin) Modification opiacés endogènes dans l addiction et le J.P. (données contrastées). Relativiser les résultats des travaux neurobiochimiques car Faiblesse des échantillons Proposants avec comorbidité addictive et psychiatrique Techniques différentes pour l étude du LCR et la mesure des métabolites (Pétry, 2006) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 43 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Données génétiques Etude de jumeaux (Eisen et al. 1998) Les facteurs familiaux expliquent 62 % variance dans le risque de développer J.P Relation linéaire entre Abus d alcool/Dépendance et J.P. dans cet échantillon Association Allèle Taq-A1 du récepteur dopaminergique D2 et J.P. Le même allèle associé aux troubles impulsifs, compulsifs et aux addictions (Blum et al. 1995) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 44 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Données génétiques (suite) Gène DRD4 relié aux trouble de l attention, J.P., addictions Etude de Comings (2001), 139 joueurs et 139 contrôles. Gènes codant pour DRD2, DRD4, transporteur de la dopamine DA1 associés au J.P. (8 % de la variance). Risque accru, en présence de ces gènes, de développer des troubles impulsifs et Abus de substance POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 45 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Nombreux arguments permettent de considérer le J.P. comme une addiction : Critères cliniques : perte du contrôle, poursuite malgré les conséquences négatives, modification de la tolérance, phénomènes de sevrage. Comorbidité élevée J.P./addictions Données physiologiques, biologiques, génétiques communes Similarités des approches thérapeutiques POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 46 LES ADDICTIONS SANS DROGUE LE JEU PATHOLOGIQUE : UNE ADDICTION SANS PRODUIT Intérêt pour le dépistage du Jeu Pathologique dans les programmes de traitement des addictions. Considérer le Jeu Pathologique comme une addiction permet de focaliser l intérêt sur cette pathologie Intérêt de la prise en charge du Jeu pathologique dans les services ou consultations d addictologie POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 47 LES ADDICTIONS SANS DROGUE « C était le moment de m en aller mais un étrange désir s empara de moi. J avais comme besoin de provoquer la destinée, de lui donner une chiquenaude, de lui tirer la langue. J ai risqué la plus grosse somme permise, 4 000 florins, et je l ai perdue ». DOSTOIEVSKI (Le Joueur) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 48 LES ADDICTIONS SANS DROGUE 3 le problème des jeux vidéos est de plus en plus régulièrement soulevé avec comme toujours de fortes oscillations entre diabolisation et banalisation. En fait une illustration parmi beaucoup d autres de la place nouvelle prise par les NTIC révolution culturelle et médiatique mais aussi économique et sociale (R. DEBRAY) Nouveau « cordon ombilical numérique » avec téléphones portables, MSN, blogs « Hygiaphone sentimental » permettant d échapper à la dictature de l apparence, en mettant le corps hors jeu (P. LARDELIER « Le pouce et la souris »). Mais constituant une vraie fracture générationnelle d où le stress de parents « obnubilés par quelque chose qui leur échappe » (S. TISSERON) Les problèmes d addictions aux jeux vidéos concernent très prioritairement les jeux de simulation en ligne en univers persistant. MMORPG cf WOW > 10 millions de joueurs » 70 % > 2 ans d abonnement » Hommes jeunes surtout » Seulement 20 % de mineurs POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 49 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Risques addictifs à la mesure des enjeux narcissiques et identificatoires là encore Sentiments de puissance (hiérarchie dans la Guilde) mais également dépendance au groupe. Identification forte à un avatar paré de beaucoup de qualités rêvées Développement de possibilités relationnelles insoupçonnées (« frères d arme »), notamment en cas de difficultés dans la vie réelle (phobie sociale) Dans plusieurs études environ 10 % joueurs addicts Mais aspects positifs, structurants, voire auto-thérapeutiques de ces jeux espace de socialisation expérimentation contrôlée du monde et de soi dans le monde (M. STORA, S. TISSERON) La place et la responsabilité spécifiques d Internet dans les différents comportements addictifs constatés, comme vecteur ou objet même d addiction, est discutée POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 50 LES ADDICTIONS SANS DROGUE « Un peu d amour, c est comme un peu de bon vin l un ou de l autre rendent un homme malade ». Trop de J. STEINBECK (Tortilla Flat) POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 51 LES ADDICTIONS SANS DROGUE 4) Autres addictions sans drogues Les conduites d achats compulsifs, souvent rapprochées des JHA concernent avant tout des femmes d âge moyen, avec une fréquence remarquable des comorbidités dépressives. Les dépendances affectives et sexuelles qu il s agisse de la dépendance à un certain type de relation amoureuse (séduction, passion, fusion ) de la dépendance à l autre ou de la dépendance sexuelle sous différentes formes cf F.X. POUDAT La dépendance amoureuse ed. O. JACOB. 2005 La dépendance à l amour passion comme recherche de sensations fortes La dépendance à l autre comme recherche de la fusion conjugale La dépendance à la séduction comme drogue compulsive POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 52 LES ADDICTIONS SANS DROGUE L appartenance addictive de certaines aliénations sectaires est également un sujet de réflexion passionnant, avec là encore des effets de rencontre entre les facteurs de vulnérabilité de l adepte, son parcours, et les spécificités du discours de la secte. Les addictions sportives, et pas seulement en terme de dopage puisqu il a été montré que la pratique sportive intensive et en compétition (pas seulement chez les sportifs de haut niveau) était susceptible de comporter des risques addictifs, et notamment l association à des conduites anorexiques-boulimiques dans certains cas, ou surtout la bascule vers la pharmaco-dépendance après l arrêt de la pratique sportive (même en l absence de pharmaco assistance antérieure du type dopage). 20 % des toxicomanes à l héroïne substitués à la clinique Monte Christo avaient de tels antécédents sportifs W. LOEWENSTEIN POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 53 LES ADDICTIONS SANS DROGUE - Les addictions au travail souvent oubliées tant elles peuvent concerner ceux qui s intéressent aux problématiques addictives. Elles peuvent rendre compte de certains états de «burn out». Importance d insister encore sur le fait que ce n est pas l objet qui définit l addiction mais le mode de relation qui s est construit avec lui, avec ses conséquences négatives. Risque de stigmatisation et de médicalisation abusive qui n est souvent rien d autre qu une forme de jugement moral POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 54 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Les conduites à risque répétitives et l addiction au risque vont sous des formes très diverses également pouvoir s inscrire dans le même registre Risque recherché activement et non subi, dans certaines consommations massives de SPA, mais aussi divers comportements à risque sur la VP à distance de toute démarche exploratoire au niveau sexuel et autres Elles permettent de mettre en avant quelques fonctions et dimensions de personnalité également évoquées à propos d addictions à des SPA comme la recherche de sensations et l impulsivité ou encore l ordalie POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 55 LES ADDICTIONS SANS DROGUE 1 - la dimension "recherche de sensations" - dimension de personnalité développée dans les années 1960 par M. ZUCKERMAN - définie par la recherche de sensations et d'expériences variées, nouvelles, intenses, ainsi que par la volonté de prendre des risques à différents niveaux pour obtenir ces expériences - Retrouvée beaucoup plus souvent que dans la population générale chez les toxicomanes joueurs pathologiques (apparemment surtout en cas de pratique sur les lieux de jeu même) autres preneurs de risques - Associée à la notion d'un niveau d'activation cérébrale insuffisant (avec ses marqueurs biologiques) mais aussi à une difficulté à mobiliser les ressources du monde interne, des représentations et des émotions POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 56 LES ADDICTIONS SANS DROGUE 2 La notion de conduites ordaliques - resitue, elle, la question du risque par rapport à celle de hasard - faisant de certaines conduites à risques * une manière de tester le destin ou de consulter les oracles * de s'en remettre au jugement de Dieu (cf. Ordalie au moyen-âge) - avancée par A. CHARLES NICOLAS et M. VALLEUR à propos des toxicomanes, cette référence souligne les difficultés à la séparation/individuation à nouveau pour ces sujets * dans une dépendance inélaborable à leur entourage le plus proche * menacés dans la relation à l'autre de perdre leur sentiment d'identité la perception de leurs limites propres - et dans la nécessité d'aller les vérifier à travers ces conduites extrêmes et cette confrontation - au danger - et à la mort POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 57 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Le rôle joué par notre société à ce sujet est indéniable qui tout en stigmatisant certaines de ces conduites en valorise beaucoup d'autres (cf. les héros des temps modernes et le culte de la performance) voir notamment les travaux de A. EHRENBERG et D. LEBRETON qui oblige chacun à se construire lui-même les repères de sa vie là où ils étaient auparavant plus largement définis par un ensemble de traditions et de valeurs. Vertige de cette liberté sans limites qui a à voir avec la problématique du vide qui habite beaucoup de ses jeunes. POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 58 LES ADDICTIONS SANS DROGUE « En s'affrontant physiquement au monde, en jouant réellement ou métaphoriquement avec sa vie, on force une réponse à la question de savoir si l'existence vaut ou pas d'être vécue . On peut parler de résurgence du sacré sous une forme inédite de quête et falsification de sens. » D. LEBRETON POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 59 LES ADDICTIONS SANS DROGUE Comment éviter les pièges du jugement moral de la médicalisation abusive voire de l effet de mode tout en prenant compte la souffrance et les dommages liés à des addictions qui n ont rien à envier à leurs homologues plus classiques à des SPA ? POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 60 LES ADDICTIONS SANS DROGUE CHU NANTES Pôle Universitaire d Addictologie et Psychiatrie Service d Addictologie 44000 NANTES POLE UNIVERSITAIRE D ADDICTOLOGIE ET PSYCHIATRIE CHU NANTES 61