Billet économique N33.indd

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Département Recherches
BILLET ECONOMIQUE N°33
AVRIL 2017
L’URGENCE DE METTRE EN ŒUVRE DES RÉFORMES ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE POUR
ÉVITER UNE DÉGRADATION FUTURE DE NOTRE NOTATION
Par Ghazi Boulila
- Professeur en Sciences Economiques à l’Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis
- Administrateur à la Société Tunisienne de Banque (STB)
- Directeur de l’Unité de recherche: Developpement Financier et Innovation (DEFI)
- Membre du bureau de l’ASECTU
- Membre de l’Association des Anciens de l’Institut de Défense Nationale (AAIDN)
- Président de l’Association pour la Réflexion sur le Développement Economique et Social» (ARDES)
Le constat
L’agence de notation Fitch vient d’abaisser la note de défaut émetteur
à long terme en dinars et en devises de la Tunisie (le vendredi 3 février
2017) pour la ramener de «BB-» avec perspectives négatives à «B+»
avec perspectives stables après cinq dégradations successives depuis
2011. Cette note correspond au 14ème rating sur une échelle de 20 et
qui est considérée comme hautement spéculative.
Il est à rappeler que l’agence Fitch est une parmi les agences de notation
privées à but lucratif et non pas à caractère réglementaire ou officielle.
En plus de Fitch, les deux principales agences visibles sur le marché
sont Moody’s et Standard et Poor’s qui détiennent environ 80% du marché. Leur tâche principale consiste à réduire les asymétries d’informations sur les marchés financiers entre les investisseurs et les clients en
publiant des notations allant de AAA pour les titres de très bonne qualité
à C et même D pour les titres comportant des risques très élevés de
défaut. Les taux d’intérêt augmentent avec la prime de risque, ce qui
permet de distinguer les bons titres (investment-grade securities) et les
mauvais (speculative-grade ou junk bonds).
La coïncidence entre cette dégradation et la sortie sur le marché financier international n’a pas pu aider la Tunisie à mieux gérer cette émission
obligataire en euro. En dépit de cette malheureuse circonstance, l’émission a été clôturée à 850 millions d’euros (au lieu d’un milliard d’euros
annoncé initialement) sur une échéance de 7 ans. Le coupon est de
5.625% l’an avec un rendement de 5.75%. Il est évident que la confiance
du marché financier international diminue de plus en plus et qu’il est
devenu urgent de se concentrer sur la reprise de la croissance et la maîtrise des grands équilibres macroéconomiques du pays.
Le rapport de Fitch explique cette baisse par la détérioration de la situation économique notamment suite à l’approfondissement des déficits,
la faiblesse de la croissance et la crise des finances publiques. Il met
l’accent aussi sur la baisse de l’investissement privé et public, la montée
des risques du terrorisme et l’instabilité politique. Cette situation économique et politique a agi négativement sur la transition, sur la capacité des gouvernements à retrouver un sentier de croissance supérieur
capable de réduire le chômage et sur la patience et la confiance de nos
partenaires.
Il est important de signaler que l’agence Fitch n’a pas anticipé la révolution tunisienne puisque la note était le 14 janvier 2011 la plus élevée de
son histoire fixée à BBB avec perspectives négatives. Il a fallu attendre
plus que 40 jours (le 2 Mars 2011) pour que cette agence dégrade la
note d’un cran passant à BBB- avec perspectives négatives. D’ailleurs,
les agences de notation n’ont pas anticipé les crises les plus importantes survenues en Mexique, en Asie et à la Grèce. Par exemple, lors
de la crise mexicaine qui a débuté en décembre 1994, l’agence Standard
et Poor’s n’a abaissé le rating qu’après quelques mois de l’année 1995.
1
De même, la décision de dégradation de ces agences était tardive et
n’ont pas vu arriver la crise asiatique de 1997. En outre et en dépit de
la crise observée de la Grèce, l’agence Standard et Poor’s a dégradé
sa note après une période de 4 mois.
La présente note tente de trouver des réponses aux questions
suivantes : Comment fonctionne ces agences de notations ? Quelles
sont les causes de cette dégradation? Quelle est la position de la
Tunisie par rapport aux autres pays ? Comment éviter une éventuelle
dégradation et améliorer la notation ?
La méthodologie et les principaux critères de
notation de Fitch
Les experts de l’agence Fitch collectent des données statistiques
et s’entretiennent avec les autorités et les compétences des pays
pour élaborer un rating. L’agence intervient dans plus de 110 pays
et couvre pratiquement tous les indicateurs macroéconomiques et
sectoriels. Les thèmes concernés sont divisés en 14 groupes au sein
desquels 103 indicateurs sont analysés, faisant de Fitch l’agence
(1)
de rating la plus sollicitée par les investisseurs . Les informations
collectées s’étendent sur plusieurs années passées et deux années
prévisionnelles. Les indicateurs quantitatifs sont issus de sources
nationales et internationales. Ce type de données statistiques
permet de dresser un bilan de santé des économies. Toutefois, les
analyses qualitatives sont basées sur les commentaires, les avis
et la perception émis par les experts et les universitaires nationaux.
Les experts de l’agence appliquent des pondérations différentes à
chaque indicateur et mettent l’accent sur un certain nombre de critères jugés plus importants que d’autres.
Pour le cas tunisien, il parait que l’agence Fitch met l’accent sur les
quatre indicateurs suivants : i) le taux de croissance, ii) l’instabilité
politique, la sécurité et la transition politique, iii) le déficit budgétaire
et le ratio de la dette par rapport au PIB et iv) le déficit du compte
courant. Ces principaux indicateurs sont présentés dans le tableau 1
(1)
Comment les agences de notation évaluent-elles les pays ?
Avril 2017
La détérioration de ces indicateurs est la cause principale de la dégradation de notre notation. L’agence a souligné dans le rapport que
«la chute du tourisme dans un contexte de risques de sécurité élevés,
le ralentissement de l’investissement en la présence des fréquents
changements de gouvernement et des épisodes de grèves ont affaibli la croissance et les perspectives économiques». Les autres facteurs sont liés à : i) l’échec à pouvoir améliorer le taux de croissance
puisque ce taux n’a pas dépassé 1.0% en 2016 et que sa prévision
par l’agence à 2.3% en 2017 et 2.5% en 2018 s’avère difficilement
réalisable et ii) l’échec à pouvoir réduire le déficit budgétaire et « que
ce ratio a atteint, en 2016, 6.4% et qu’on aura besoin d’emprunter
sur les marchés étrangers l’équivalent de 7% du PIB pour faire face
aux besoins du budget et rembourser les dettes en respectant les
échéances ». L’agence a appuyé la perspective stable de la note suite
à l’adoption de la nouvelle gouvernance des banques publiques et
à l’engagement du gouvernement à un programme de soutien sur
quatre ans approuvé par le FMI. Ce constat et les arguments relatifs à la dégradation avancés par l’agence Fitch sont confirmés par
le FMI. Selon son dernier communiqué de presse publié en fin de
mission le 7 février 2017, «l’économie tunisienne continue de faire
preuve de résilience dans une conjoncture nationale et internationale difficile ». Le fonds insiste sur le fait que la Tunisie est affrontée
à plusieurs défis macroéconomiques signifiant que la dette publique
a continué d’augmenter dépassant 60 % du PIB en 2016, le déficit
budgétaire reste important estimé à 5,6 % du PIB en 2017, la masse
salariale de la fonction publique en pourcentage du PIB est une des
plus élevées au monde (14.4 % du PIB en 2016) et le déficit des transactions courantes reste élevé.
Tableau 1 : Les thèmes et les indicateurs de l’agence de
notation Fitch
Thèmes
Principaux indicateurs
Politique et Etat
10 critères dont i) programmes de réforme économique et ii) taille, croissance et importance
des forces armées.
Position internationale
5 critères dont i) relations avec le FMI, ii) relations avec les pays voisins, avec l’Union Européenne, les Etats-Unis et le Japon et iii) évaluation des éventuelles menaces terroristes
externes et internes.
Facteurs démographiques,
structurels et d’éducation
9 critères dont i) PIB par tête, dépenses de
consommation par habitant et ii) taux de mortalité infantile, espérance de vie et développement
.
des services de santé
Analyse du marché de l’emploi
10 critères dont i) croissance des salaires, ii)
description des principaux critères de détermination des salaires et iii) influence des syndicats
dans les entreprises et nombre de journées de
travail perdues pour cause de grève.
Structure de la production et du
commerce
6 critères dont i) Part des importations et des
Dynamisme du secteur privé
7 critères dont i) taux de création et de démantèlement d’entreprises et ii) taille du secteur
public soumis à l’économie de marché, projets
de privatisation.
Equilibre de l’offre et de la
7 critères dont i) solde extérieur de biens et services (% PIB), ii) épargne intérieure brute (% PIB),
et iii) répartition de l’investissement intérieur
demande
.
exportations (% PIB)
brut entre les secteurs public et privé (% PIB).
Balance des paiements
12 critères dont i) balance commerciale et ii)
balance des opérations courantes et vi) flux de
.
capitaux à long terme et à court terme
Analyse des freins à la croissance à moyen terme
5 critères dont i) ampleur de l’output gap et ii)
croissance du PIB justifiée par l’évolution de la
productivité.
mique
Politique macroécono
10 critères dont i) politique monétaire et ii) politique budgétaire.
Commerce et politique en
matière d’investissement
étranger
8 critères dont i) politique en matière d’investissement étranger, contrôles sur le rapatriement
des intérêts, bénéfices, dividendes et produits
de désinvestissement.
Banque et finance
5 critères dont i) besoins de financement récents et prévisionnels des sociétés privées et
publiques, ii) politiques de crédit, opérations
d’open-market, réserves minimum etc.
Actifs en devises
5 critères dont i) ratio réserves / importations.
Dette extérieure
7 critères dont i) politique de gestion de l’endettement du secteur public hors emprunts souverains par l’Etat
Source : La notation souveraine des agences et ses enjeux, http://www.bsieconomics.org/79-la-notation-souveraine-des-agences-et-ses-enjeux
2
2
Avril 2017
Tunisie versus pays scandinaves et asiatiques :
masse salariale des fonctionnaires élevée mais qualité des
services publics antagonistes
La Tunisie a connu depuis 2011 des augmentations importantes
de la masse salariale dans le secteur public suite à des revendications syndicales. Elle a passé de 10,8 % du PIB en 2010 à 14.4 % en
2016. Selon le FMI ce ratio est un des plus élevés au monde. Il est
en fait le 10ème le plus élevé par rapport à 153 pays derrière la
Libye (50.3%), la Micronésie (22.0%), le Lesotho (21.6%), l’ile Marshal
(20.7%), l’Arabie Saoudite (17.8%), l’Irak (17.1%), le Zimbabwe (16,5%),
2
le Danemark (16.4%) et le Koweït (16.3%) . En dépit de cette évolution rapide et excessive, ce ratio n’a pas conduit ni à l’amélioration de
la qualité ni à l’augmentation de la productivité des services de l’administration publique. En effet, selon les données statistiques de la
Banque Mondiale (Doing Business 2016), la Tunisie occupe la 77ème
place sur les 190 pays pour la facilité de faire des affaires, 103ème
place pour la création d’entreprise, 101ème place pour l’obtention
de prêt, 118ème place pour la protection des investisseurs minoritaires, 106ème pour le paiement des taxes et impôts et 76ème pour
l’exécution des contrats (voir le tableau 3). Cette divergence entre un
ratio de la masse salariale par rapport au PIB élevé et une qualité des
services faible a entrainé une réduction de la performance de l’économie tunisienne et des déséquilibres des indicateurs macroéconomiques. Les pays scandinaves comme le Danemark et la Norvège
ont certes un ratio élevé des salaires mais ont aussi en compensation une des meilleures qualité des services publics au monde avec
respectivement un 3ème et 6ème rang pour la facilité de faire des
affaires, 24ème et 21ème rang pour la création d’entreprise, 6ème
et 43ème rang pour l’octroi de permis de construire et 1er et 22ème
rang pour le commerce transfrontalier.
Les pays directement concurrents à la Tunisie comme le Maroc,
l’Egypte, l’Algérie et la Turquie ont certes des ratios de salaire relativement faibles mais un mauvais rang relatif aux indicateurs de la
qualité des services publics (voir tableau 3). Par exemple le Maroc
a relativement fait mieux que les autres et a profité de la crise de la
Tunisie pour imposer un ratio de salaire de 12.6 % ayant le 23ème
grand ratio dans le monde mais en contrepartie les marocains ont
amélioré la qualité des services publics. Il occupe en 2016 la 68ème
place pour la facilité de faire des affaires, 40ème place pour la création d’entreprise, 18ème place pour l’octroi de permis de construction, 57ème place pour le raccordement à l’électricité, 87ème place
pour la protection des investisseurs minoritaires, 41ème pour le
paiement des taxes et impôts et 52ème pour l’exécution des contrats
(voir le tableau 3).
En dépit de la crise économique en Grèce, le gouvernement socialiste
est arrivé à fixer un ratio de la masse salariale par rapport au PIB
relativement faible à 11.2% correspondant au 37ème pays ayant le
plus important ratio dans le monde. En compensation, le pays dispose d’un classement du climat des affaires relativement bon.
(2)
“Managing Government Compensation and Employment - Institutions, Policies, and Reform Challenges”, IMF Board Paper, April 2016.
3
La Malaisie est un cas intéressant à étudier puisqu’elle dispose
à la fois d’un ratio de salaire faible évalué à 5.8% soit le 123ème
ratio le plus élevé ou le 34ème ratio le plus faible au monde
et surtout un bon classement du climat des affaires proche des
pays scandinaves ce qui explique la performance de l’administration publique de ce pays et son succès à attirer les IDE.
L’analyse précédente montre que l’économie tunisienne est
enfermée dans son environnement réglementaire suffocant qui
l’a classée dans les derniers rangs en termes de bureaucratie,
de qualité de services publics et d’une administration publique
inefficace malgré que le nombre de fonctionnaires soit important
et que le ratio de la masse salariale par rapport au PIB soit un
des plus élevés dans le monde. Cette mauvaise qualité des services publics touche presque toutes les activités et surtout une
partie du secteur des services comme les télécommunications,
le transport, la santé, l’éducation, la formation, les services professionnels, la douane, les collectivités locales, la justice etc. Le
résultat inéluctable est l’augmentation des prix de ces services.
A titre d’exemple, citons les prix des appels téléphoniques internationaux qui sont 5 fois plus élevés que ceux dans les pays
avancés, les billets d’avion de la compagnie nationale, Tunis Air,
plus de 30 % plus chers que celui des autres compagnies, le prix
du transport de marchandise (tonne/km), les honoraires d’un
comptable ou d’un avocat qui sont proches de ceux des pays
avancés, le temps mis pour dédouaner les marchandises des
ports qui est 10 fois plus lents que celui des pays asiatiques, le
coût des crédits important etc. Ces réglementations handicapent
l’entrée de nouveaux acteurs sur les marchés, ce qui entraine une
concurrence monopolistique ou oligopolistique nuisible au bon
fonctionnement des marchés : augmentation des prix de l’output,
détérioration de la qualité des produits et de la productivité des
3
entreprises « onshore » et « offshore » .
En effet, ces entreprises restent handicapées par l’utilisation de
ces services comme inputs diminuant ainsi leur productivité et
les condamnant à se spécialiser dans la production des biens à
faible valeur ajoutée dans des activités de l’assemblage et de la
sous-traitance. Ce mécanisme réduit les impôts collectés auprès
de ces entreprises, augmente le déficit budgétaire et la dette publique, baisse la compétitivité de l’économie, augmente le déficit
du commerce extérieur et réduit ainsi la croissance économique
et l’emploi. Pour sortir de ce cycle dangereux pour l’économie, il
est essentiel de ramener à terme la masse salariale sous la barre
de 10% du PIB dans l’objectif de s’approcher des normes internationales et celles des pays concurrents et de laisser à l’Etat
des fonds pour financer l’investissement public et développer
un climat des affaires propice à l’investissement privé (infrastructure, éducation, formation, politique fiscale, politique sociale,
politiques agricole et industrielle etc.). Dans ce cadre, une réforme
globale du système de rémunération dans la fonction publique
s’imposera et devra privilégier l’équité et le mérite tout en préservant les équilibres macroéconomiques.
(3) Rapport de la Banque Mondiale (2015) : La révolution inachevée.
Avril 2017
Tableau 2 : Comparaison du classement de la masse salariale en pourcentage du PIB et du climat des
affaires
Danemark
Norvège
Grèce
Malaisie
Tunisie
Maroc
Égypte
Algérie
Turquie
Ratio de la masse salariale dans la fonction publique par rapport au PIB et classement par rapport à 157 pays en 2016
Masse salariale/
PIB%**
Classement de la
masse salariale/PIB
16.4
14.3
11.2
5.8
14..4
12.6
8.9
12.2
8.3
8
11
37
123
10
23
74
30
87
Classement du climat des affaires 2016 (190 pays)*
Facilité de faire des
affaires
3
6
61
23
77
68
122
156
69
Création d’Entreprise
24
21
56
12
103
40
39
142
79
Octroi de Permis de
Construire
6
43
58
13
59
18
64
77
102
Raccordement à l’électricité
14
12
52
3
40
57
88
118
58
Transfert de Propriété
12
14
141
40
92
87
109
162
54
Obtention de Prêts
32
75
82
20
101
101
81
175
82
Protection des investisseurs minoritaires
19
9
42
3
118
87
114
173
22
Paiement des Taxes et
Impôts
7
26
64
61
106
41
162
155
128
Commerce Transfrontalier
1
22
29
60
92
63
168
178
70
Exécution des Contrats
24
24
133
42
76
52
162
102
33
Règlement de l'insolvabilité
8
6
52
46
58
131
109
74
126
Source: *Doing Business 2016 et ** “IMF Government Compensation and Employment Dataset, 2016”.
Le positionnement du Rating souverain de la Tunisie selon la classification de l’agence Fitch
L’agence Fitch a commencé à noter la Tunisie en 1995. Entre 1995 et
début janvier 2011 (soit 16 années), la note de la Tunisie a été améliorée d’un cran passant de BBB- avec perspectives stables à BBB avec
perspectives stables. En effet, on a commencé avec une note de BBBperspectives stables en 1995 et le 24 Mai 2001, la note a été améliorée d’un cran passant à BBB avec perspectives stables. Cette note a
été maintenue même après le 14 Janvier 2011 et l’agence n’a pas ainsi
prévu la révolution venir.
Il faut souligner que la Tunisie n’a jamais obtenu une notation qualifiée
de bonne ou moyenne solvabilité (voir la dernière colonne du tableau
3). La note montre que notre solvabilité moyenne dépend des conditions économiques ainsi que de la concurrence. Cependant, la dégradation de la situation économique a fait baissé la note progressivement
jusqu’à ce que la solvabilité devient assez dépendante des conditions
économiques.
4
4
Avril 2017
Depuis le 14 Janvier 2011, la note de la Tunisie a été dégradée de cinq
fois selon Fitch:
Le 14-1-2011, la note était BBB sous surveillance perspectives négatives, puis le 2 Mars 2011 la note a été dégradée d’un cran BBB- avec
perspectives négatives et le 27 Février 2012 la dégradation a été gardée la même ;
Le 12 Décembre 2012, la note a été dégradée d’un cran BB+ avec
perspectives négatives ;
Le 30 Octobre 2013, la note a été dégradée de 2 crans BB- avec perspectives négatives, le 25 Avril 2014 et le 24 Octobre 2014 la dégradation a été maintenue la même ;
Le 27 Mars 2015 et le 25 Septembre 2015, la note a été maintenue à
BB- mais a passé à Perspectives stables ;
Les 26 Août 2016 et le 4 Mars 2016, la note a été maintenue à BBmais revient perspectives négatives;
Le 3 Février 2017, la note a été dégradée d’un cran B+ avec perspectives stables.
L’instabilité politique qui s’est manifestée à travers une succession
de huit gouvernements durant les six dernières années (Ghannouchi 1 et 2, Essebsi, Jbali, Laraith Jomaa, Essid et Chahed) et
près de 220 ministres a accentué la crise et a augmenté la masse
salariale dans l’administration sans une contrepartie d’amélioration de productivité ou de qualité des services. Ces changements
rapides des gouvernements ont entrainé une incertitude sur les
politiques publiques futures et sur l’exécution des réformes. L’Argentine est un exemple concret des conséquences néfastes de
l’instabilité politique sur le développement économique. Ce pays
était en 1960 parmi les vingt premiers pays au monde en termes
de PIB par tête d’habitant pour reculer en 2000 et atteindre un
rang proche des pays les plus sous-développés sous l’effet de
l’instabilité politique.
Aujourd’hui, la Tunisie se trouve avec des pays sous-développés avec
un grade très spéculatif comme l’Arménie, le Gabon, la Cote d’Ivoire,
le Kenya, le Lesotho, le Nicaragua, le Nigeria, le Rwanda, le Sri Lanka,
le Suriname et l’Uganda comme le montre le tableau 3. Il est évident
que ce mauvais rang est un signal d’alarme adressé au gouvernement
et aux responsables politiques et que la persistance de l’échec économique risque de plonger le pays dans le désordre et de se diriger vers la
situation de la Grèce. Le tableau 3 synthétise la notation souveraine de
long terme. Les pays qui se trouvent en tête avec une note AAA sont
ceux dont les fondamentaux économiques sont les plus robustes. Les
notes des dettes de plusieurs pays de la zone euro ont été dégradées
suite à la crise de 2008.
Tableau 3 : Positionnement du Rating souverain de la Tunisie selon la classification de l’agence de notation Fitch
Source: www.tradingeconomics.com/country-list/rating , www.bct.gov.tn/bct/siteprod/page.jsp?id=54
Qualité de
l'investissement
Qualité
du risque
Rating
Rating pays observé au 10 février 2017
Première
qualité
AAA
Australie, Canada, Danemark, Allemagne, Luxembourg, Pays Bas, Norvège,
Singapour, Suède, Suisse, Etats Unis
AA+
Autriche, Finlande, Hong Kong
AA
France, Kuwait, Nouvelle Zélande, Qatar, Emirats Arabes Unis,
Grande Bretagne
AA-
Belgique, Macao, Arabie Saoudite, Corée du Sud, Taiwan
A+
Chili, Chine, République tchèque, Estonie, Israël, Slovénie
A
Ireland, Japon, Malte
Très
haute qualité
Grade
investissement
Q u a l i t é
moyenne
supérieure
Q u a l i t é
Moyenne
Spéculatif
A-
Ireland, Italie, Mexique, Pérou, Espagne, Thaïlande
BBB
Andorre, Colombie, Kazakhstan, Panama, San Marino
Mai 2001 à 2 Mars 2011
BB+
Aruba, Bulgarie, Hongrie, Inde, Indonésie, Maroc, Namibie, Philippine, Romanie, Russie, Afrique du Sud, Uruguay
Azerbaïdjan, Bahreïn, Portugal, Turquie
12 Décembre 2012
BB
Brésil, Costa Rica, Croatie, Guatemala, Macédoine, Paraguay
BBB-
B+
Très spéculatif
Ultra-spéculatif
5
Latvie, Lituanie, Malaisie, Pologne, Slovénie
BBB+
BB-
Grade
Spéculatif
Evolution du rating de
la Tunisie, 1995-Mars
2017
1995 à 2001
25 Septembre 2015
27 Mars 2015
Bangladesh, Bolivie, Chypre, République Dominicaine, Géorgie, Serbie, Sey- 26 Août 2016 à
30 Octobre 2013
chelles, Vietnam
Arménie, Gabon, Cote d’Ivoire, Kenya, Lesotho, Nicaragua, Nigeria, Rwanda,
Sri Lanka, Suriname, Tunisie, Uganda
B
Angola, Argentine, Cameroun, Cape Verde, Equateur, Egypte, El Salvador,
Ethiopie, Ghana, Jamaïque, Pakistan, Zambie
B+
Belarus, Iraq, Liban, Mongolie, Ukraine
CCC
Grèce, République du Congo, Venezuela
3 Février 2017
DDD
5
Avril 2017
Conclusion
L
e recours de plus en plus important au marché obligataire afin de se refinancer a rendu la mission des agences inévitable. La note émise par les
agences est fondamentale pour fixer le taux d’intérêt sur le marché des obligations souveraines, pour attirer les investisseurs étrangers et donner la
confiance aux bailleurs de fonds. La notation des agences doit être analysée, anticipée et confrontée par les ministères, la BCT et les analystes universitaires afin d’éviter de nouvelles dégradations et surtout améliorer notre position. En effet, six ans après la révolution, notre pays a relativement
réussi la transition vers la démocratie et les libertés d’expression, mais n’a pas pu sortir de la crise économique. Ce piège pourra mettre en péril tous
les acquis politiques et sociaux. L’agence Fitch et la FMI ont bien montré que la hausse de la masse salariale des fonctionnaires en pourcentage du
PIB et la détérioration de la qualité des services publics ont compromis la viabilité des finances publiques et de la dette à moyen et long termes en
générant des déficits structurels alarmants et démesurés et en évinçant l’investissement public et privé.
Les résultats de l’enquête compétitivité de l’année 2014 de l’Institut Tunisien de la Compétitivité et des Etudes Quantitatives (ITCEQ) auprès de 1200
entreprises privées confirment ce constat. Les chefs d’entreprises trouvent que les services de l’administration publique pénalisent leurs activités et
réduisent leurs compétitivités. Parmi les facteurs cités, on trouve le cadre macroéconomique et réglementaire, le financement bancaire, la
fiscalité et les charges sociales, l’insécurité, les ressources humaines, les procédures administratives et le système judiciaire, la corruption et
l’instabilité politique. Ils insistent sur le fait que les procédures administratives se compliquent davantage dans la mesure où pour accélérer un
service, il faudrait recourir à des malversations et des pots de vin. L’exemple le plus cité touche le service portuaire et surtout le délai moyen long
de 2 semaines environ entre le moment où les produits arrivent au point d’entrée du territoire et le moment où les procédures douanières sont
effectuées. Les hommes d’affaires évoquent aussi que le système fiscal est considéré comme une contrainte majeure à l’investissement. Une réforme de la fonction publique devra revoir en premier lieu l’amélioration des services fournis et l’absence de lien entre rémunération et performance,
l’avancement automatique du personnel, les grèves fréquentes, le recrutement par le mérite, la mobilité de la main d’œuvre et comment attirer les
talents et les compétences en second lieu.
En outre, plusieurs autres facteurs expliquent cet échec économique du pays: i) On a pris beaucoup de temps pour discuter des questions juridiques
et on a négligé les questions économiques. En conséquence, la situation économique des régions s’est dégradée, le chômage a augmenté, le bien être
de la population a chuté etc. Plus on laisse le temps passer sans agir, moins les politiques économiques seront efficaces. ii) Le terrorisme a pollué la
révolution et on n’a pas pris les bonnes décisions à temps. L’image de la Tunisie s’est dégradée, ce qui n’aide pas à attirer l’IDE et les touristes. iii) La
géopolitique de la région est à notre défaveur. iv) Le jeu égoïste des partis politiques n’a pas favorisé un comportement coopératif pour sortir de ce
piège. v) Le pays est dans une dynamique qui favorise le comportement de recherche de rente et le système politique mis en place ne permet pas la
stabilité politique et la constitution des partis forts capables de gouverner. vi) L’instabilité politique et les grèves illégales ont augmenté l’incertitude
et ont agi négativement sur le comportement de l’épargne et de l’investissement.
Cette situation difficile a entrainé un déséquilibre de plus en plus importants des finances extérieures et publiques et une augmentation rapide et
dangereuse de la dette publique. En dépit de ces problèmes, les tunisiens sont condamnés à s’unir autour d’un projet national en se mettant au
travail pour redémarrer la croissance économique en panne, sortir de la crise et éviter la banqueroute.
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Avril 2017
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