AVIS JURIDIQUE Sollicité par Monsieur B. OLIVIER, représentant statutaire de son syndicat Objet : prise charge (ou non) de la consultation et des actes préalables aux traitements ODF débutés après l’âge de 16 ans Date : 23 juillet 2012 *** Avant de répondre à la question qui a été posée, il convient tout d’abord (1) d’analyser l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 25 juin 2009 (n° 08-13845, Bull. civ. II, n° 276), parce qu’il est la donnée juridique à l’origine de l’avis présentement sollicité, et l’article L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale (2). 1 – Sens de l’arrêt du 25 juin 2009 Remarque préalable : cet arrêt a été publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ce qui invite à croire que la Haute juridiction y attache une « importance certaine ». Si l’arrêt n’avait eu que peu d’intérêt, il aurait été « titré inédit » et non « publié au bulletin ». Signification : deux lignes directrices sont à retenir. D’une part, la Cour de cassation se détourne de la règle « l’accessoire qui suit le principal »1. D’autre part, elle applique à la lettre la NGAP. Expliquons ces deux lignes. 1 L’on ne reviendra pas sur la force juridique de cette règle hors du champ du présent avis, ni sur les débats doctrinaux concernant cette même règle, même s’ils sont très intéressants. 1 C’est sur le fondement de « l’accessoire suit le principal » qu’une CPAM a cru pouvoir refuser la prise en charge (et solliciter l’indu) de radios préalables à un traitement implantaire (lui non pris en charge). Il est clair que dans le pourvoi le praticien a contesté l’application de cette règle car elle ne figure pas à la NGAP. C’est un point essentiel : il est exact à la lecture de la NGAP que celleci n’énonce pas une règle générale selon laquelle « l’accessoire suit le principal ». La réponse de la Cour de cassation doit être bien comprise. A aucun moment, elle n’écrit que la règle « l’accessoire suit le principal » n’est pas applicable. Précisément, elle n’évoque pas du tout la règle, ni pour la consacrer, ni pour la rejeter. Elle s’en détourne. La Haute juridiction ne va pas – si j’ose dire – sur ce terrain d’analyse, elle préfère concentrer son raisonnement « sur ce que dit (ou ne dit pas) la NGAP ». C’est donc une application littérale (à la lettre) de la NGAP qu’elle a privilégiée. L’on peut résumer l’idée ainsi : « les mots de la NGAP rien que les mots de la NGAP, pas plus, pas moins ». Pour s’en convaincre, citons un attendu de l’arrêt sous étude : « Qu'en statuant ainsi, alors que la Nomenclature générale des actes professionnels prévoit (cette phrase montre bien que la Cour part du texte – la NGAP - et non d’une quelconque autre règle) une cotation pour des clichés d'un examen radiographique intrabuccal rétroalvéolaire effectué au cours d'une séance de diagnostic ou de traitement sans subordonner celle-ci à la prise en charge de l'acte auquel cet examen est éventuellement lié (cette phrase montre que la Cour se contente d’appliquer à la lettre l’article de la NGAP concerné ; elle se refuse à ajouter des règles à la NGAP non prévues par celle-ci ou à distinguer là où la NGAP ne distingue pas) , le tribunal a violé les textes susvisés ». Dans un arrêt récent du 21 juin 2012 (n° 11-20722, Publié au bulletin), on retrouve exactement la même idée selon laquelle la Cour de cassation applique à la lettre la NGAP. Ce dernier arrêt concerne les cotations relatives à un traitement prothétique. L’article 3 de la NGAP contient un « nota » qui prévoit que « si les dents absentes sont remplacées par une prothèse conjointe, les cotations à appliquer sont celles prévues pour les prothèses adjointes, telles que mentionnées ci-dessus » (l’article 3 apporte une dérogation à l’article 2 sur les prothèses conjointes). Mais s’agissant du « supplément pour plaque base métallique » (SPR 2 60), ce supplément est bien prévu à l’article 3 de la NGAP mais il est cité au sein de l’article 3 juste au-dessous du « nota ». D’où, selon la cour d’appel et la Cour de cassation, ce supplément ne s’applique qu’à la prothèse adjointe et non à la prothèse conjointe. L’emplacement de ce « nota », qui justifie la solution, traduit la volonté de la Cour d’appliquer à la lettre la NGAP. AXE essentiel : la lettre de la NGAP, rien que la lettre, ni plus, ni moins. Mais, je ne peux garantir que la Cour de cassation statuera toujours ainsi, qu’elle ne décidera pas à un moment donné de « quitter la lettre de la NGAP ». En revanche, je pense qu’elle n’entend pas appliquer la règle « l’accessoire suit le principal ». 2) L’article L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale Il est un point important à souligner : le pouvoir de l’UNCAM de modifier la NGAP. Citons des alinéas de l’article L. 162-1-7 : « Les conditions d'inscription d'un acte ou d'une prestation, leur inscription et leur radiation sont décidées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire. L'avis de la Haute Autorité de santé n'est pas nécessaire lorsque la décision ne modifie que la hiérarchisation d'un acte ou d'une prestation. Les décisions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (affirmation nette du pouvoir normatif de l’UNCAM, c’est-à-dire du pouvoir de modifier notamment la NGAP) sont réputées approuvées sauf opposition motivée des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale (…) ». Je tiens à souligner que, selon moi, les décisions modificatives de la NGAP sont applicables uniquement pour l’avenir. En effet, il me semble qu’à la lecture de l’article L. 162-1-7, l’UNCAM n’a pas le pouvoir de prendre des décisions rétroactives, c’est-à-dire applicables à des situations antérieures à la décision modificative de la NGAP. En droit, du reste, le principe est celui de non rétroactivité des textes légaux ou règlementaires. 3 C’est là que l’application littérale de la NGAP (voir l’arrêt de 2009) peut parfois être favorable aux praticiens. Pour reprendre l’exemple de l’arrêt de 2009, les radios préalables au traitement implantaire sont prises en charge jusqu’à la décision de l’UNCAM : en bref, prise en charge avant, plus de prise en charge depuis la décision. Cet exemple peut être dupliqué dans d’autres situations du domaine dentaire. 3) Réponse à la question Rappel de la question : « des actes de diagnostic qui sont à la nomenclature (NGAP) soit le TO15 et la CS réalisés sur les personnes de plus de 16 ans n'ont pas fait l'objet d'une délibération de la CHAP et par voie de conséquence d'aucun décret mais ils rentrent dans le champ d'application de l'arrêt de cassation. Donc sont-ils pris en charge en application de l’arrêt de 2009 ? » En bref, les actes de diagnostic (TO 15) ou la consultation peuvent-ils être pris en charge lorsqu’ils sont réalisés sur un patient âgé de plus de 16 ans ? Reprenons la méthode vue ci-dessus qui est en deux temps : primo, que dit le texte de la NGAP applicable ? Secundo, application à la lettre de ce texte, promue par la Cour de cassation. a) S’agissant des actes diagnostics, l’article 5, 1° (intitulé « Examens ») de la NGAP dans sa version de juin 2012 (disponible sur internet) dispose que « Examens avec prise d'empreinte, diagnostic et durée probable du traitement (les examens spéciaux concourant à l'établissement de ce diagnostic, et notamment radiographie dentaire, radiographie et téléradiographie de la tête sont remboursés en sus) sont côtés TO 15 ». Cet article ne vise pas le seul cas des traitements commencés avant 16 ans ; il est plus général. Par une application littérale de l’article 5, 1°, ce texte ayant une formulation générale, il ne faut pas distinguer là où la NGAP ne distingue pas. 4 Par ailleurs, le paragraphe qui précède l’article 5, 1° précise que « La responsabilité de l'Assurance Maladie est limitée aux traitements (mot important) commencés avant le seizième anniversaire. Tout traitement doit concerner les dysmorphoses corrigibles, et doit être commencé au plus tard six mois après la date de l'accord sous peine de la caducité de celuici. ». Ce paragraphe ne vise que « les traitements » et non les actes qui précèdent le traitement. Littéralement, il ne s’intéresse qu’aux traitements. Si l’on privilégie une application à la lettre à la fois de cet article et du paragraphe qui le précède, on peut conclure que le TO 15 n’est pas lié à l’âge du patient en début de traitement. Donc la cotation est applicable à un patient âgé de plus de 16 ans. RESERVE : je me permets d’écrire qu’un juge n’a pas, à ma connaissance, statué en ce sens. Et qu’il est toujours délicat de se servir d’un arrêt de Cour de cassation (celui du 25 juin 2009) pour en tirer une règle générale, insusceptible d’être aménagée selon les cas. Aucune certitude n’existe donc, ce que l’on peut regretter surtout que l’UNCAM n’a pas répondu à votre courrier, dans lequel la question lui a été ouvertement posée. Vous comprendrez donc que je ne peux me prononcer dans un sens (pris en charge) ou dans un autre (non prise en charge) sans émettre une réserve. Un juge pourra considérer que la conclusion ci-dessus relève du « juridisme étroit » et refuser de séparer le sort du traitement, de celui des actes qui le précèdent. Il pourra préférer interpréter le texte plutôt que de l’appliquer littéralement et statuer en faveur d’une absence de prise en charge. Insistons : un juge peut écarter la règle « l’accessoire suit le principal », mais, concrètement, arriver à la même solution (non prise en charge par exemple) cette fois-ci par une interprétation de texte (= en faisant dire à un texte ce qu’il ne dit pas, mais que le juge pense que le texte devrait dire). b) Quant à la consultation, une nouvelle fois le paragraphe qui précède l’article 5, 1° ne la cite pas ; encore une fois, il n’évoque que le traitement. Littéralement, on ne peut pas conclure à l’exclusion de la cotation dans notre cas. A la lecture, maintenant, de l’article 15 de la NGAP, la consultation peut être cotée si les conditions sont réunies. Mais il n’y a pas (littéralement toujours) d’indications qui excluent la 5 cotation dans l’hypothèse d’une personne âgée de plus de 16 ans. Par ailleurs, si l’on constate que des décisions de l’UNCAM sont intervenues, elles se rapportent aux consultations prévues aux articles qui suivent l’article 15 de la NGAP2 et non à ce dernier texte. Donc on peut conclure en faveur de la cotation d’une consultation. RESERVE : voir la même réserve ci-dessus formulée. 2 Par exemple, l’article 15.2.3 intitulé « Consultation réalisée au domicile du patient atteint de maladie neurodégénérative par le médecin traitant ». 6