Ségolène MANGE

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INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE
SANTE
CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE
BESANÇON
FORMATION CADRE DE SANTE
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme de Cadre de Santé
Option Infirmière
LE BINÔME INFIRMIER/AIDE-SOIGNANT : LA
GARANTIE D’UNE PRISE EN CHARGE OPTIMALE
DU PATIENT …
Ségolène MANGE
Promotion 2015 – 2016
Directrice de mémoire
Madame Rhila Boussour, Cadre de Santé, Institut de Formation de
Professions de Santé, Centre Hospitalier Régional Universitaire Besançon
INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE
SANTE
CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE
BESANÇON
FORMATION CADRE DE SANTE
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme de Cadre de Santé
Option Infirmière
LE BINÔME INFIRMIER/AIDE-SOIGNANT : LA
GARANTIE D’UNE PRISE EN CHARGE OPTIMALE
DU PATIENT …
Ségolène MANGE
Promotion 2015 – 2016
Directrice de mémoire
Madame Rhila Boussour, Cadre de Santé, Institut de Formation de
Professions de Santé, Centre Hospitalier Régional Universitaire Besançon
« Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès,
travailler ensemble est la réussite. »
Henry Ford, industriel et fondateur de Ford
REMERCIEMENTS
Je souhaite en premier lieu remercier Mme Rhila Boussour, ma directrice de
mémoire pour sa disponibilité, son accompagnement et son écoute tout au long
de ce travail.
Je remercie l'équipe pédagogique de son accompagnement.
Je remercie les collègues de promotion pour leurs conseils, avis et soutien.
Je remercie également les professionnels de santé qui se sont rendus
disponibles, et qui ont contribué à l'élaboration de ce travail.
Je remercie ma famille pour sa confiance et son soutien, si précieux.
SOMMAIRE
SOMMAIRE
INTRODUCTION.............................................................................................. 11
1 DU CONSTAT A L’HYPOTHÈSE ................................................................. 14
2 LE CADRE CONCEPTUEL .......................................................................... 20
2.1 LE RÔLE DU CADRE DE SANTÉ ......................................................... 20
2.1.1 Le rôle : définition ............................................................................ 20
2.1.2 Les origines de la fonction de cadre de santé ................................. 21
2.1.3 Les missions du cadre de santé ...................................................... 24
2.2 LE TRAVAIL EN BINÔME ..................................................................... 28
2.2.1 Les concepts de métier et de profession ......................................... 28
2.2.2 Le rôle de l’infirmière ....................................................................... 31
2.2.3 Le rôle de l’aide-soignante .............................................................. 40
2.2.4 Le binôme infirmier/aide-soignant ................................................... 43
2.3 L’ORGANISATION DU TRAVAIL .......................................................... 50
2.3.1 L’organisation des soins et la prise en charge des patients ............ 50
2.3.2 Le travail interdisciplinaire ............................................................... 53
2.3.3 La collaboration ............................................................................... 56
3 LA MÉTHODE DE RECHERCHE ................................................................ 65
3.1 LE CHOIX DE LA MÉTHODE ................................................................ 65
3.2 LE CHOIX DE LA POPULATION .......................................................... 67
3.3 LE CANEVAS D’ENTRETIEN ............................................................... 67
3.4 LES SITUATIONS D’ENTRETIENS ...................................................... 68
4 L’ANALYSE DES ENTRETIENS .................................................................. 71
4.1 LES DÉTERMINANTS SOCIAUX ......................................................... 71
4.2 LA COMPLÉMENTARITÉ DANS LE TRAVAIL EN BINÔME ................ 74
4.2.1 La définition du binôme ................................................................... 74
4.2.2 Les différentes compositions du binôme ......................................... 79
4.3 LE CADRE DE SANTÉ ET L’ORGANISATION DU TRAVAIL ............... 81
4.3.1 L’organisation du travail au sein de l’unité ...................................... 82
4.3.2 L’accompagnement des soignants .................................................. 86
4.3.3 Le positionnement du cadre de santé ............................................. 90
4.4 AU DELÀ DE L’ORGANISATION DU TRAVAIL EN BINÔME ............... 95
4.4.1 La relation de confiance .................................................................. 95
4.4.2 Le sens ........................................................................................... 96
4.4.3 La formation .................................................................................... 97
4.4.4 Les générations nouvelles et anciennes ......................................... 99
4.4.5 Les facteurs individuels ................................................................. 101
4.4.6 Le travail en équipe ....................................................................... 104
4.5 LE RETOUR SUR L’HYPOTHÈSE DE DÉPART ................................ 105
5 LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS ................................................................. 109
5.1 SUR LA DÉMARCHE ET LA MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ... 109
5.2 SUR MA FUTURE FONCTION CADRE DE SANTÉ ........................... 110
CONCLUSION ............................................................................................... 114
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................... 117
ANNEXES ...................................................................................................... 124
ANNEXE 1 .................................................................................................. 124
INTRODUCTION
INTRODUCTION
En formation cadre de santé à l’Institut de Formation de Professions de
Santé du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Besançon, j’ai mené un
travail de recherche conduisant à un cheminement et à un questionnement à
partir de mon parcours professionnel et de mes expériences. J’ai du mettre en
œuvre
un
protocole
de
recherche
s’appuyant
sur
la
méthode
dite
expérimentale. En effet, le décret n°95-926 du 18 aout 1995 portant sur la
création d’un diplôme de cadre de santé précise que le module 3 : analyse des
pratiques et initiation à la recherche, et le module 6 : approfondissements des
fonctions d’encadrement et de formations professionnelles, sont évalués par un
travail de recherche ou mémoire individuel donnant sur une soutenance. Ainsi,
grâce à ce travail, je vais développer entre autres deux compétences : l’analyse
de ma pratique professionnelle et l’initiation aux travaux de recherche appliqués
au domaine professionnel [1].
Ce travail de recherche est un ouvrage réfléchi et élaboré pendant près
de neuf mois de formation. Celui-ci permet de porter une attention particulière
sur une situation vécue en tant que faisant fonction cadre de santé en unité de
soins. J’ai pu ainsi prendre du recul par rapport à cette situation. Grâce à ce
mémoire de fin d’études, je peux passer d’une situation vécue à une situation
de recherche. J’ai choisi une expérience qui m’a interpelée en tant que
personne soignante et future cadre de santé. Son étude va me permettre de
cheminer
dans
mes
conceptions,
d’élaborer
tout
un
questionnement
professionnel et ainsi d’appréhender de façon différente les problèmes.
Depuis l’obtention de mon diplôme d’état d’infirmière en 1997, j’ai
travaillé en équipe pluridisciplinaire et particulièrement dans une organisation
du travail en binôme infirmier/aide-soignant. Selon moi, ce binôme est une
relation binaire de professionnels ayant pour même objectif la prise en charge
optimale de la personne soignée. Cependant dans la pratique, je constate que
la collaboration n’est pas toujours effective. Lors de ma prise de poste de
11
faisant fonction cadre de santé, en service de médecine polyvalente en 2012,
je constate que l’organisation du travail en binôme n’est pas évidente.
De ces différentes situations, le thème de l’organisation du travail et du
binôme infirmier/aide-soignant me parait un sujet pertinent. Ainsi dans un
premier temps, j’exposerai les constats au travers de mon parcours
professionnel, ainsi que le questionnement qui m’a permis d’aboutir à une
problématique et à une hypothèse.
Dans un second temps, j’aborderai le cadre conceptuel sur lequel je me suis
appuyée.
Ensuite, j’énoncerai la méthodologie de recherche, pour enfin présenter
l’analyse des entretiens menés lors de l’enquête de terrain afin de confirmer ou
infirmer l’hypothèse de départ.
Pour terminer, j’exposerai les enseignements tirés de ce travail de recherche.
12
DU CONSTAT À
L’HYPOTHÈSE
1 DU CONSTAT A L’HYPOTHÈSE
Je suis infirmière diplômée d’état depuis 1997, j’ai d’abord exercé en
oncologie médicale au Centre Hospitalier de Montbéliard pendant dix ans. Suite
à une mutation professionnelle de mon conjoint, je retrouve un poste au bloc
opératoire au Centre Hospitalier de Pontarlier pendant un an et ensuite pendant
quatre années en médecine polyvalente. Dans ces services, je fais partie d’une
équipe pluridisciplinaire dont l’organisation effective est le travail en binôme
infirmier/aide-soignant. Lors de ma pratique dans ces trois unités, je constate
que la collaboration n’est pas toujours efficiente.
En service de médecine polyvalente, où l’organisation du travail est
basée sur le travail en collaboration infirmière/aide-soignante, je prends
conscience des difficultés à travailler ensemble. Le matin, l’infirmière et l’aidesoignante1 réalisent les soins d’hygiène et de confort ensemble. Cependant si
la charge de travail est élevée du point de vue technique (un nombre important
de pansements, multiples transfusions…), chacune réalise les soins de son
coté. Ce binôme se met plus facilement en place lors des tournées de l’après
midi. En effet, les patients sont accueillis dès leur entrée, vers 15 h, le plus
souvent par l’aide-soignante et l’infirmière : elles les installent, établissent un
recueil de données et ainsi créent une relation de confiance. En fin de journée,
elles réalisent le tour de nursing et d’injections ensemble, chacune ayant ses
tâches précises. La nuit, il y a une infirmière et une aide-soignante pour vingtquatre patients; ainsi le travail en binôme est le mode de fonctionnement le plus
efficace pour les patients et les soignants. Cependant, il me semble que les
aides-soignantes reprochent souvent un « manque d’aide » de la part des
infirmières. Et celles-ci argumentent un travail technique et sur prescription
médicale conséquent entravant cette précieuse collaboration.
1
Lire partout : infirmier, infirmière et aide-soignant, aide-soignante.
14
Depuis mon expérience infirmière, je me pose déjà des questions sur le
fonctionnement du travail en binôme infirmier/aide-soignant :

Le binôme infirmier/aide-soignant : est-ce travailler ensemble ou
travailler dans l’idée d’une réalisation commune, un but commun avec
des tâches différentes ? Qu’est ce qu’un binôme ?
En 2012, j’ai l’opportunité de devenir faisant fonction cadre de santé
dans cette même unité de médecine polyvalente. En effet la personne en poste
part en formation à l’école de cadres de santé. Dès ma prise de fonction, je
m’interroge sur l’organisation du travail instaurée. Il m’arrive d’entendre
régulièrement des réflexions et d’observer des comportements qui, à mon sens,
s’éloignent de l’esprit d’équipe et de la collaboration. Par le biais de
conversations en salle de soins, en salle de repos, voire pendant des
évaluations annuelles, certaines aides-soignantes me rapportent des propos
dérangeants : « les infirmières ne vont jamais répondre aux sonnettes, ne font
jamais de toilettes ». Elles parlent même d’un éventuel oubli du rôle propre.
Plusieurs soignants m’interpellent sur cette organisation qui ne leur convient
pas.
J’observe
alors
qu’ils
existent
des
facteurs
favorisants
à
ces
dysfonctionnements. Cela dépend du comportement individuel de certains
agents. Je constate que la personnalité et l’ancienneté influent sur la volonté
de collaborer. Dans l’équipe, des infirmières travaillent seules, et ne se
préoccupent pas du travail des autres soignants. J’ai aussi constaté que
certaines ne sont pas dans la spontanéité en matière d’entraide et d’application
du rôle propre. Les infirmières présentes depuis plusieurs années dans cette
unité de soins participent plus souvent aux soins d’entretiens de la vie que les
nouvelles arrivées.
Le niveau d’expertise de l’infirmière influe sur le travail en binôme. Une nouvelle
arrivée voire jeune diplômée est plus souvent la cible de ces remarques. Si
celle-ci présente des difficultés organisationnelles et privilégie la réalisation des
15
soins prescrits, elle est rapidement cataloguée, selon les aides-soignantes
comme « non aidante ».
Ces remarques surviennent dans des périodes dites difficiles comme la période
des congés annuels et les périodes d’hiver avec l’afflux de patients insuffisants
respiratoires très dépendants dans les actes de la vie quotidienne.
Dans le déroulement de journée de ce service de médecine, il existe un temps
de travail infirmier/aide-soignant qui consiste en un tour de soins de nursing
l’après midi. Il peut s’avérer compliquer à respecter en fonction des
collaborateurs présents et de le charge de travail. Il y a l’infirmière qui est
débordée par les soins prescrits, qui gère les commandes, effectue ses tâches
administratives… et l’aide-soignante qui réalise les soins d’hygiène et de
confort seule.
Ainsi, les infirmières réagissent alors à ces remarques. Certaines d’entre elles
essaient de changer l’organisation de leur journée pour réaliser plus de toilettes
le matin et par conséquent engendrent des heures supplémentaires. Par crainte
d’éventuelles représailles ou tout simplement pour éviter tout conflit, elles
tentent de tout faire. Mais cela n’est pas sans conséquences : fatigue et risque
d’oubli. Et d’autres ont une réaction surprenante et entretiennent ce désaccord :
« Elles ne nous aident pas donc on ne les aide pas ».
Par ailleurs, les soignants témoignent d’une mauvaise entente dans l’équipe. Il
y a des associations de soignants par affinité, que l’on peut considérer comme
des clans. J’assiste alors à des changements d’horaire sur les plannings et des
absences d’agents aux pauses de travail. Ce mal être se traduit par un
renfermement sur soi, la résignation, et parfois des réactions plus ou moins
violentes comme l’ignorance. Des agents ne se saluent plus, et ne se parlent
que lorsqu’il y a stricte nécessité.
Pour autant, je n’observe pas de conséquences directes sur les patients. Mais
je me suis interrogée sur la qualité réelle de la prise en charge des personnes
16
en cas de défaut d’entraide. Les questionnaires de satisfaction des patients ou
les retours oraux sur leurs hospitalisations sont plutôt positifs. De plus, je n’ai
pas de remarque négative de la part du chef de service et de l’équipe médicale.
A ce moment, je pense que je dois remettre en question ma propre vision
de la collaboration et ma façon d’accompagner l’équipe. En tant que faisant
fonction cadre de santé, le management et la gestion de ce type de
problématique sont complexes. Pour moi, une équipe doit travailler ensemble et
avoir le même objectif : le bien être du patient. Par contre cela ne veut pas
forcément dire être tout le temps ensemble et réaliser les soins à plusieurs. Il
me semble évident que des valeurs comme le respect et la reconnaissance de
l’autre et de son travail sont indispensables dans la vie d’une équipe et pour
maintenir sa cohésion. Le collectif a besoin de règles et de valeurs pour
maintenir un environnement favorable au travail. J’estime que chacun doit
prendre connaissance du travail de l’autre et ainsi le respecter. Je pense que le
binôme peut fonctionner si chaque agent prête attention à l’autre et se recentre
vers son objectif principal : la prise en charge optimale du patient. Je souhaite
aussi plus de bienveillance et de tolérance entre les différents membres du
personnel soignant. Pour moi, les agressions verbales ne sont pas
constructives mais reflètent aussi le mal être de celui qui les exprime.
De ces observations et de ces constats, je me pose alors plusieurs
questions :

Comment faire travailler les infirmières et les aides-soignantes
ensemble ?

Comment légitimer cette organisation du travail en binôme ?

Les soignants comprennent-ils ce que représente le travail en binôme ?

Ont-ils envie de travailler en binôme ?

Pour certains soignants, y a-t-il une hiérarchisation des soins? Existentils des soins plus « valorisants » que d’autres ?

Quelle organisation du travail me paraît la plus adaptée ?
17

Cette situation est-elle propre à un service de court séjour ? Est-elle
courante ou exceptionnelle ?
Ainsi ma question de recherche est :
Quel est le rôle du cadre de santé dans l’organisation du travail en binôme
infirmier/aide-soignant ?
De cette question de départ, découlent des interrogations :

Comment au sein d’une unité de soins, le travail est-il organisé pour que
les infirmières et aides-soignantes travaillent ensemble ?

Les infirmières et les aides-soignantes arrivent-elles toujours à travailler
ensemble ? À fonctionner en binôme ? Si non, pourquoi ?

Pourquoi le cadre de santé doit-il favoriser le travail en binôme infirmier
/aide soignant en service de soins ?

L’organisation du travail en binôme permet-elle de répondre aux
obligations de qualité de prise en charge du patient en service de soins ?
De ces constats et de ces questionnements,
j’émets la problématique
suivante :
Le binôme infirmier/aide-soignant est-il une réponse organisationnelle à la
qualité de la prise en charge du patient en service de soins ?
Et l’hypothèse retenue à vérifier est :
Le cadre de santé, par l’organisation du travail dans l’unité de soins, doit
favoriser le travail en binôme infirmier/aide-soignant afin de permettre au patient
d’avoir une prise en charge optimale.
18
LE CADRE
CONCEPTUEL
2 LE CADRE CONCEPTUEL
L’objectif de ce travail de recherche est de comprendre et de cheminer
par rapport à une situation professionnelle interpelante. Il est alors nécessaire
dans mon raisonnement scientifique de mettre en avant des concepts
théoriques en lien avec mon hypothèse. Celle-ci a été construite à partir de mes
constats et de mon questionnement. Maintenant je vais la confronter avec le
champ théorique. Ainsi j’ai choisi de développer : le rôle du cadre de santé en
unité de soins, le travail en binôme, et l’organisation du travail.
2.1 LE RÔLE DU CADRE DE SANTÉ
Dans cette partie, je vais m’intéresser au rôle du cadre de santé dans
une unité de soins. Dans un premier temps, je vais définir le terme de rôle.
Dans un deuxième temps, je reviendrai sur l’origine de la fonction de cadre. Et
pour finir j’aborderai le rôle d’un cadre dans sa globalité puis en service des
soins.
2.1.1 Le rôle : définition
Selon le dictionnaire courant Larousse, le rôle est « la fonction remplie
par quelqu'un, attribution assignée à une institution. […] Sociologie : ensemble
de normes et d'attentes qui régissent le comportement d'un individu, du fait de
son statut social ou de sa fonction dans un groupe. » [2].
Pour Henry Mintzberg « c’est un ensemble organisé de comportements
appartenant à un poste de travail ou à une position identifiable (Sarbin et
Allen 1968). La personnalité individuelle peut avoir une influence sur la
façon dont le rôle est tenu, mais ne peut empêcher que le rôle soit tenu.
Ainsi, les acteurs, les cadres, et d’autres personnes, sont les interprètes
de rôles prédéterminés, mais individuellement ils les incarnent de
diverses façons » [3, p65].
20
En psychosociologie des groupes, « c’est une sorte de spécialisation de
la tâche à l’intérieur du groupe. C’est l’ensemble des comportements attendus
et jugés appropriés pour un individu occupant un certain statut. » [4].
Le rôle est défini par une fiche de poste ou tout autre document officiel dans
certains établissements de santé. Il conditionne les actions de l’individu. Celui-ci
est tenu de respecter les attentes du poste. Chaque collaborateur attend du
cadre des missions bien définies. Cependant le cadre « joue » son rôle de
façon personnalisée. Il est influencé par la situation, son expérience, son
histoire et sa personnalité.
2.1.2 Les origines de la fonction de cadre de santé
Jusqu’au Moyen âge, les soins ont deux orientations : la première
favorise le maintien et le développement de la vie et concerne le monde
féminin. Les femmes s’occupent de l’être humain de sa conception jusqu’à sa
mort. Elles se transmettent des savoirs et savoirs faire qui vont servir de
fondement à la pratique des soins. La seconde orientation est masculine.
L’homme s’occupe des blessés lors de guerre ou de chasse. Il utilise les outils
et sa force pour soigner et maitriser d’autres hommes [5, p.29].
Avec le développement du christianisme, le corps devient « source de péché »
et le soin revient aux religieux. Les congrégations religieuses ont un mode de
fonctionnement très stricte et hiérarchisé. « C’est justement
la hiérarchie
ecclésiastique qui joue le rôle d’encadrement, l’ancêtre de la surveillante étant
la supérieure » [6]. Ainsi apparaissent, début du XIXe siècle, deux modèles
d’encadrement en France : la Supérieure et la Supérieure Générale pour les
établissements placés sous l’autorité religieuse, et des « mères des novices »
pour les hôpitaux de Lyon. Les hôpitaux détiennent alors trois pouvoirs :
religieux, administratif et médical.
A la fin du XIXe siècle, les découvertes de Pasteur entrainent une nouvelle
organisation des hôpitaux. En effet, les soins deviennent de plus en plus
21
techniques et l’acquisition des méthodes en matière d’hygiène et asepsie sont
nécessaires. Ainsi le corps médical réclame du personnel formé : l’auxiliaire
médicale. La surveillante est alors « recrutée » parmi les soignantes formées
dans les premières écoles d’infirmières. Il faut, à l’époque, sept années
d’exercices pour pouvoir prétendre à un poste d’encadrement. C’est pourquoi il
est nécessaire de laisser des religieuses en place pour surveiller. Le
mouvement de laïcisation des hôpitaux est dépendant du contexte général vers
1878-1893 : la séparation de l’église et de l’état et l’évolution du travail des
femmes [7, p.24].
La première école d’infirmière apparait en 1878 à la Salpêtrière. Le 28 octobre
1902, dans la circulaire Combes, les premières écoles d’infirmières ont une
existence officielle, sont financées et soutenues par le gouvernement.
L’Assistance Publique à Paris crée un ensemble de réglementations : en
particulier pour le personnel hospitalier : le personnel est réparti en deux
catégories : le personnel infirmier (« Ecole des bleues ») et le personnel des
services généraux et auxiliaires (« l’Ecole des mauves ») jusqu’en 1962. Les
couleurs correspondent à la couleur du ruban porté par le professionnel. Par la
suite, vont apparaitre d’autres spécialisations comme « l’Ecole des rouges »
pour les panseuses, bleu ciel pour les aides anesthésistes, vertes pour les
laborantines, Kinésithérapeutes et manipulateurs en radiologie, et roses pour
les puéricultrices. La surveillante peut porter en plus du bonnet noir, une étoile
d’or sur fond bleu si elle ne dépend pas d’une autre surveillante [8, p.4].
Le décret du 18 février 1938 parle du diplôme supérieur d’infirmière et le décret
du 10 aout 1942 du diplôme d’état de moniteur.
Après la deuxième guerre mondiale, la technicité augmente dans les hôpitaux.
Le personnel devient de plus en plus qualifié. Ainsi se construit une hiérarchie
professionnelle. En 1951, la Croix Rouge Française ouvre la première école de
cadres infirmiers.
22
Le 14 novembre 1958, sont crées par le ministère de la Santé Publique et de la
Population, le certificat d’aptitude aux fonctions d’infirmière monitrice et le
certificat d’aptitude aux fonctions d’infirmière surveillante : CAFIM et CAFIS.
L’arrêté du 22 aout 1966 définit le programme de formation.
Le décret du 9 octobre1975 amorce une première tentative de réunir les deux
certificats : le certificat de cadre infirmier ou CCI.
Le décret 18 aout 1995, modifié en juin 2001, portant sur la création d’un
diplôme de cadre de Santé, décrit les modalités d’entrée en institut, le contenu
de la formation et l’obtention du diplôme.
En mars 2009, Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, a
demandé à Chantal De Singly, directrice de l'Institut du management à l'Ecole
des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), de piloter une mission sur les
cadres hospitaliers, sur la formation, le rôle, les missions et la valorisation de
ces professionnels [9]. En effet, les progrès techniques, la réforme de la
gouvernance hospitalière de 2005 et la loi « hôpital, patient, santé, territoire »
du 21 juillet 2009 ont fait réfléchir sur la place de cadre de santé dans le pôle
d’activité.
Enfin, il est pensé une réingénierie du diplôme cadre de santé avec une
séparation des deux fonctions, encadrement et formateur, avec peut être un
tronc d’enseignement commun.
L’évolution socio-historique de la fonction cadre a influencé son rôle dans les
hôpitaux. Je vais maintenant apporter des précisions sur celui-ci.
23
2.1.3 Les missions du cadre de santé
2.1.3.1 Le cadre en général
Henry Mintzberg a défini dix rôles du cadre [3]. Il les a regroupés en trois
catégories :
Le rôle interpersonnel :

Le rôle de symbole : il remplit des devoirs de nature sociale,
cérémoniale, et légale ; il doit être disponible du fait de son statut et de
son autorité.

Le rôle de leader : il définit l’atmosphère dans laquelle l’organisation
travaille; il motive et maintient en éveil, assume la responsabilité du
recrutement, de la formation, et de la promotion.

Le rôle d’agent de liaison : il développe avec des personnes extérieures
un réseau de contact pour des bénéfices mutuels.
Le rôle lié à l’information :

Le rôle d’observateur actif : le cadre cherche et reçoit des informations, il
a une compréhension approfondie de l’organisation et de son
environnement.
Les
informations
permettent
de
détecter
des
changements, identifier des problèmes et des opportunités, ainsi il peut
construire sa compréhension du milieu.

Le rôle de diffuseur : il répercute l’information de l’extérieur vers son
organisation.

Le rôle de porte parole : il transmet l’information de son organisation vers
l’extérieur, ainsi il remplit un rôle de relation publique : vers ses
supérieurs ou vers le public.
24
Le rôle lié à la décision :

Le rôle d’entrepreneur : il est à l’initiative et assure la conception d’une
bonne partie des changements. Il est à l’origine des projets
d’amélioration : « ensemble intégré de décisions et d’autres activités
réparties sur une certaine durée qui conduit à l’amélioration » [3, p.109].

Le rôle de régulateur : le cadre a la responsabilité des actions correctives
quand il perçoit des perturbations : conflits ou pertes de ressources.

Le rôle de répartiteur de ressources : il contrôle la répartition des
ressources : argent, temps, matériel, équipement, main d’œuvre et
réputation.

Le rôle de négociateur : il intervient lors de négociations avec une autre
organisation : par exemple pour la répartition de ressources.
Le cadre utilise les différents rôles de façon interactive. Par exemple, le rôle de
porte parole va interagir avec celui de négociateur.
L’auteur a défini le rôle du cadre en entreprise en général. Je vais maintenant
chercher ce que le rôle du cadre de santé a de plus spécifique. Cependant les
dix rôles du cadre sont tout à fait transférables au cadre en milieu sanitaire et
social.
2.1.3.2 Le cadre de santé
La mission cadres hospitaliers de Chantal De Singly s’est intéressée à la
fonction
encadrement.
Celle-ci
désigne : « l’ensemble
des
activités,
permanentes ou ponctuelles, qui consistent à organiser, coordonner, cadrer,
puis contrôler le travail des personnels ainsi encadrés. » [9, p.20].
Le cadre a quatre missions :
25

Une mission de management d’équipes et d’organisations : le cadre de
santé conçoit et anime une organisation.

Une mission transversale ou de responsabilité de projet : le cadre de
santé coordonne des actions ou assure des missions de conseil,
d’organisation ou de démarche qualité.

Une mission d’expert : celle-ci est exercée par des cadres de santé
ayant approfondi des domaines de leur fonction par leur pratique ou par
la formation.

Une mission de formation : le cadre-enseignant.
La mission cadres hospitaliers va plus loin dans la définition des rôles
d’encadrement. Le cadre de santé joue un « rôle central ». Il se trouve comme
intermédiaire entre les équipes paramédicales, la direction et les équipes
médicales. La fonction a du évoluer,
« La nouvelle gouvernance des institutions, les changements radicaux
dans les organisations du travail, l’accélération des progrès techniques et
technologiques, la mutation
du rapport social au travail, sont autant
d’éléments constitutifs du bouleversement de l’univers quotidien des
cadres tous secteurs confondus. » [9, p.28].
Ainsi le cadre doit s’adapter aux changements et garantir la qualité des soins. Il
lui est alors demandé de :

Maintenir l’état de veille (contrôles, protocoles, vigilances, traçabilités).

Gérer la tension entre standardisation et personnalisation des soins.

Assurer l’efficience et l’efficacité.

Gérer le changement permanent.

Coordonner en interne et en externe des acteurs et des cultures
différents : le « rôle pivot »

Conduire des négociations nombreuses et complexes [9, p.43].
26
Le ministère de la Santé et des Sports et la Direction Générale de l’Offre de
Soins a, dans le répertoire des métiers de la santé et de l’autonomie, élaboré la
fiche métier du cadre hospitalier ou « Encadrant d'unité de soins et d'activités
paramédicales » [10]. Celle-ci définit le métier de cadre de santé par :

Organiser l'activité de soins et des prestations associées.

Manager l'équipe et coordonner les moyens d'un service de soins,
médico-techniques ou de rééducation, en veillant à l'efficacité et la
qualité des prestations.

Développer la culture du signalement et gérer les risques.

Développer les compétences individuelles et collectives.

Participer à la gestion médico-économique au sein du pôle.
Chantal De Singly explique que le travail du cadre de santé est difficile à
évaluer et à quantifier car il est moins visible que celui de soignant. Un acte de
soins au lit du patient reste concret et observable alors que l’organisation des
soins est plus abstraite.
Je vais alors m’intéresser à cette notion de travail invisible du cadre de santé.
Selon Paule Bourret,
« Le travail n’est pas seulement un poste. Le travail n’est pas seulement
ce qui est décrit de l’extérieur, ni le comptage des gestes et des
mouvements. Approcher un peu plus le travail, c’est tenter de mettre en
évidence la façon dont les gens s’y prennent, l’intelligence qu’ils
mobilisent pour atteindre la performance. » [7, p.45].
L’évolution du travail fait qu’il est nécessaire de développer des compétences
collectives pour atteindre la « performance ». Ainsi le cadre doit valoriser le
décloisonnement entre les catégories professionnelles et la coordination entre
les interventions. Le travail hospitalier demande de travailler ensemble. Le
cadre, par sa position, effectue un travail de mise en relation, il a un rôle de
médiation et d’intermédiaire.
27
« Ils (les cadres de santé) assurent un travail de mise en cohérence du
travail des personnels qu’ils encadrent. Manager, diriger, encadrer sont
des activités qui consistent à faire travailler ensemble et à donner du
sens à l’engagement de chacun. » [7, p.52].
Le cadre de santé en unité de soins a un rôle de lien. Il est au centre de
l’équipe et coordonne les actions en fonction des situations. Il doit favoriser le
« travailler ensemble » pour une prise en charge globale et collective de la
personne soignée. Je vais maintenant m’intéresser aux deux autres acteurs de
mes recherches : l’infirmière, l’aide-soignante et au travail en binôme.
2.2 LE TRAVAIL EN BINÔME
Je vais définir ce qu’est le travail en binôme, en particulier le binôme
infirmier/aide-soignant. Avant d’apporter des précisions sur celui-ci, il me
semble nécessaire, dans un premier temps, de développer le rôle infirmier et,
dans un second temps, celui de l’aide-soignant. Ainsi je pourrai éclaircir la
notion de travail en binôme.
Pour apporter plus de clarté à mes recherches, je vais tout d’abord m’intéresser
aux définitions de métier et profession.
2.2.1 Les concepts de métier et de profession
D’après Claire Tourmen, il faut repartir des notions d’activité, de tâche, et
de poste pour définir le métier et enfin la profession.

L’activité :
« Elle est définie comme l’exécution d’une série d’actions en conditions
réelles » [11]. Celle-ci est soumise aux variations de l’environnement et
28
demande des adaptations. Donc s’il y a un « produit de travail », il y a une
activité de travail.

La tâche :
Elle correspond : « à l’ensemble des buts et des procédures prescrites aux
performances exigées et aux normes de qualité, mais aussi à l’environnement
physique de réalisation du travail » [11]. Donc s’il y a une activité, il y a une
réponse à des tâches.

Le poste :
« Les institutions définissent certaines tâches ayant un rôle productif précis et
les assignent de façon relativement stable et identifiée à des individus recrutés
pour les réaliser, on peut parler de poste… » [11]. Le dictionnaire Larousse
appuie cette définition, le poste est un « Emploi professionnel assigné à
quelqu'un en un lieu donné ; lieu où il exerce cette activité. » [2]. Plus
précisément, il s’agit d’une :
« Fonction précise, emploi professionnel qu'occupe une personne dans
une administration, une entreprise. Poste (de travail) : centre d'activités
ou ensemble de tâches et de responsabilités qui, lorsqu'y sont adjoints
les moyens adéquats, constitue le travail régulier d'un emploi. » [12].
Donc un ensemble de tâches défini par l’organisation et affecté à un individu
recruté pour ses compétences et ses qualifications correspond à un poste.

Le métier :
« initialement terme religieux, doublet de ministère et de mystère, vient
du latin minister (ministre du service divin, serviteur d’un dieu, prêtre,
agent, instrument, intermédiaire, domestique) et de ministerium (service
29
divin, fonction sacrée, sacerdoce) ; le mot latin minister est construit en
opposition à magister (maitre, majeur) et proche de mystérium (mystère,
rite, célébration, messe). Au XIIème siècle=exercice d’une profession ou
d’un art (métier des armes), service, fonction. Au XIVème siècle=savoir
faire (d’une corporation, d’un artisan, d’un ouvrier, d’un lettré), manière
de procéder, d’agir. » [13].
Pour qu’un métier se développe, il faut
« L’existence d’une formation spécifique, reconnaissance du métier par
autrui et regroupement des personnes concernées. […]
A partir du
moment où des acteurs occupant certains postes se regroupent pour
définir et défendre leurs rôles, débattent et tentent de stabiliser des
savoir-faire spécifiques, encadrent ou cherchent à encadrer l’accès au
marché du travail et revendiquent une identité spécifique, se la
reconnaissent entre eux ou cherchent à se la faire reconnaître, on peut
alors parler de métier. » [11].
Ainsi, un métier est « un ensemble de postes ou de situations de travail pour
lesquelles il existe une proximité forte d’activités et de compétences, ce qui en
permet l’étude et le traitement de façon globale et unique. » [14, p.31]

La profession :
« Initialement terme religieux, vient du latin professio (déclaration
officielle, déclaration publique, action de se donner comme, état,
condition, métier), formé de pro (devant) et de fateri (déclarer, publier,
avouer, reconnaître) ; proche du latin ecclésiastique propheta (interprète
d’un dieu qui parle en son nom). Au XIVème siècle= corps de métier
ayant un certain prestige, état. Au XVIème siècle= déclaration ouverte
d’une croyance, d’une opinion, d’un comportement (« profession de foi »,
« faire profession de ») » [13].
30
Pour Claire Tourmen, la profession est « un cas particulier de métier
particulièrement structuré» [11]. Par exemple, au sein d’une profession, il existe
un code de déontologie. Et celui-ci établit les relations entre les membres de la
profession et la société.
Donc un métier caractérisé par une « structuration forte de l’accès au marché
du travail (fermeture) que ses membres contrôlent, une identité largement
revendiquée et reconnue socialement, des savoirs faire spécifiques bien
identifiés » devient une profession [11].
Le métier d’infirmière appartient au groupe des professions de santé. Elle
peut occuper une multitude de postes (en cardiologie, en psychiatrie..) et
réaliser toutes sortes de tâches ou missions (« Tâche confiée à une personne
ou à un organisme » [12]) comme par exemple les soins d’entretien de la vie et
de confort à une personne âgée dépendante. Maintenant je vais m’intéresser à
son rôle en unité de soins.
2.2.2 Le rôle de l’infirmière
Pour définir le rôle de l’infirmière en service de soins, il est important de
retracer l’historique de la profession d’infirmière pour identifier comment celle-ci
a pu évoluer et quels sont les textes législatifs qui la régissent.
2.2.2.1 L’historique de la profession d’infirmière
Les premières traces de soins datent de l’époque Mésopotamienne avec
une forte empreinte de magie et de divination. Les égyptiens développent une
médecine issue de rites religieux et les connaissances anatomiques sont
influencées par les rituels de conservations des corps. La médecine se pratique
dans des temples par des prêtres. Ce sont les grecs qui jettent les bases des
connaissances médicales, toujours imprégnées de religion et de mythologie. En
460 avant JC, Hippocrate instaure une démarche rationnelle de la médecine
31
basée sur l’observation sans l’intervention divine. Les romains reprennent les
concepts grecs. A la chute de l’empire romain, les écrits de l’antiquité sont alors
conservés dans des monastères. Ainsi la vision de la médecine est dépendante
de celle de la religion. Les premiers hôpitaux sont fondés par l’église. Les soins
sont dispensés par des religieuses avec comme motivation la charité et l’amour
de Dieu ; cela pendant plusieurs siècles.
Le XVIIème siècle est marqué par une misère importante due aux guerres, aux
épidémies et à la fiscalité. Pendant cette période, se créent des hôpitaux
généraux fondés le plus souvent par les riches. Saint Vincent de Paul est crée
en 1617 par l’association des Dames de la charité, il reste un symbole de
l’enfermement pour les malades les plus démunis. La Compagnie de filles de la
Charité a pour mission de secourir les malades sans ressources et instruit alors
des jeunes filles aux soins (avec des critères de moralité, une réputation
irréprochable, une santé robuste, moins de vingt-huit ans et de famille
respectable). C’est le premier programme d’éducation aux soins.
La révolution française supprime les congrégations religieuses des services
hospitaliers. Cependant, les religieuses peuvent continuer à travailler à
conditions d’abandonner leur tenue (qu’elles retrouveront sous le Second
Empire).
L’émergence de la médecine moderne et les nouvelles pratiques vont induire la
fin de la dominance religieuse à l’hôpital. De plus, il existe une volonté politique
de séparation de l’état et de l’église. Ainsi des infirmières laïques viennent
rejoindre les sœurs. Celles-ci sont non qualifiées et viennent d’un milieu
défavorisé, les soins restent alors réalisés par les religieuses. Les
administrations des hôpitaux deviennent laïques.
En 1878, la première école d’infirmières est ouverte à la Salpêtrière. Désiré
Magloire Bourneville, médecin neurologue, publie des manuels à l’usage des
infirmières. La circulaire Combes de 1902 impose la mise en place d’un
enseignement pour les infirmières.
32
En Angleterre, Florence Nightingale (1820-1910), établit un programme de
formation des infirmières et constitue une référence dans le domaine du
nursing. En effet elle prend en compte l’environnement social du patient. Elle
est une pionnière dans le domaine de la recherche infirmière. Chaque nouvelle
« diplômée » doit alors énoncer le « serment de Florence Nightingale » crée en
1893 :
« Je m’engage solennellement devant Dieu et en présence de cette
assemblée, à mener une vie intègre et à remplir fidèlement les devoirs
de ma profession. Je m’abstiendrai de toute pratique délictueuse ou
malfaisante. Je ne prendrai ou n’administrerai volontairement aucun
remède dangereux. Je ferai tout pour élever le niveau de ma profession
et je garderai, avec discrétion, les choses privées qui me sont confiées et
tous les secrets de famille que la pratique dans mon service me ferait
éventuellement connaître. J’aiderai de mon mieux le médecin dans son
travail, et je me dévouerai au bien-être de ceux qui sont laissés à ma
garde. » [14, p.23].
En 1920, la définition du rôle de l’infirmière est « de servir le malade en veillant
constamment sur lui et tout ce qui l’entoure, et principalement en secondant
assidûment et docilement le médecin… Son rôle auprès des malades est celui
d’une sœur ou d’une mère » [14, p.19].
Les deux guerres mondiales ont données toute son importance à la profession
infirmière. La loi du 15 juillet 1943 la définit pour la première fois.
La loi du 8 avril 1946 considère l’exercice infirmier comme des soins prescrits et
conseillés par le médecin.
L’arrêté du 18 septembre 1951 passe la formation à deux ans et propose un
programme en alternance. Les notions d’analyse de pratique et de travail en
collaboration avec le médecin apparaissent.
33
La loi du 31 décembre 1970 modifie la durée des études à vingt-huit mois, le
plan de soins infirmiers apparait. Les concepts de santé publique et d’éducation
sont développés. Les soins deviennent éducatifs et psychologiques en plus de
techniques.
La loi du 31 mai 1978 relative à la profession d’infirmier ou d’infirmière propose
une définition de la profession infirmière qui prévaut encore maintenant, le rôle
propre est reconnu et défini :
« Est considérée comme exerçant la profession d’infirmière ou d’infirmier
toute personne qui, en fonction des diplômes qui l’y habilitent, donne
habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical,
ou bien en application du rôle propre qui lui est dévolu. En outre,
l’infirmière participe à différentes actions, notamment en matière de
prévention,
d’éducation
de
la
santé
et
de
formation
ou
d’encadrement.»[15].
L’arrêté du 23 mars 1992 signe la fusion des formations psychiatrique et soins
généraux. La durée des études est trois ans et trois mois. L’école devient IFSI :
Institut de Formation en Soins Infirmiers. Le décret du 15 mars 1992 relatif aux
actes professionnels devient le décret de compétences du 11 février 2002,
relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession infirmière [16], et
est inclus dans le code de la santé publique en 2004.
L’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état infirmier introduit la notion de
référentiel de formations et les accords de Bologne prévoient les modalités
d’une réforme LMD (licence, master, doctorat). Les études sont ramenées à
trois ans. Il existe une volonté d’introduire un modèle basé sur les
compétences. Le portfolio, les unités d’enseignement et les ECTS (European
credits transfer system) apparaissent. Marc Catanas explique que malgré la
législation du rôle propre en 1973 et du diagnostic infirmier en 1993, il existe
une volonté de copier le modèle universitaire. Selon lui, tout cela relève d’un
fort besoin de reconnaissance [17]. Le métier d’infirmière accède au champ de
34
la profession : contrôle de la formation et accès aux écoles, recherche infirmière
sur le modèle universitaire, déontologie, législation et ordre, des savoirs bien
spécifiques et une identité affirmée.
Il semble alors évident que la représentation actuelle de la profession infirmière
est intimement liée à son histoire. Je vais maintenant apporter des précisions
sur le rôle infirmier.
2.2.2.2 La définition du rôle de l’infirmière
L’infirmière est, selon le dictionnaire Larousse, une : « Personne habilitée
à assurer la surveillance des malades et à les soigner sur prescription
médicale. » [2]. Cette définition est très courte et réductrice de la réalité de la
profession.
L’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état infirmier définit un référentiel
d’activités et de compétences du métier d’infirmière. Ainsi celui-ci propose une
définition du rôle de l’infirmière :
« Evaluer l’état de santé d’une personne et analyser les situations de
soins ; concevoir et définir des projets de soins personnalisés ; planifier
des soins, les prodiguer et les évaluer ; mettre en œuvre des traitements.
Les infirmiers dispensent des soins de nature préventive, curative ou
palliative, visant à promouvoir, maintenir et restaurer la santé, ils
contribuent à l’éducation à la santé et à l’accompagnement des
personnes ou des groupes dans leur parcours de soins en lien avec leur
projet de vie. Les infirmiers interviennent dans le cadre d’une équipe pluri
professionnelle, dans des structures et à domicile, de manière autonome
et en collaboration » [18, p.46].
Le code de la santé publique version en vigueur au 19 décembre 2012
précise dans l’article R4311-1 :
35
« L'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte
l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur
évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et
épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de
dépistage, de formation et d'éducation à la santé.
Dans l'ensemble de ces activités, les infirmiers et infirmières sont soumis
au respect des règles professionnelles et notamment du secret
professionnel.
Ils exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du
secteur de la santé, du secteur social et médico-social et du secteur
éducatif. » [20].
Il semble nécessaire d’apporter des précisions sur les soins infirmiers. Il
existe plusieurs définitions au mot Soin :
Au singulier :
« Souci, préoccupation relatif à un objet, une situation, un projet auquel
on s'intéresse(…) Occupation, responsabilité qu'une personne doit
assumer » [12].
Au pluriel :
« Actes de sollicitude, de prévenance envers quelqu'un, actions par
lesquelles on s'occupe de la santé, du bien-être physique, matériel et
moral d'une personne (…) Ensemble d'actions, de moyens mis en œuvre
pour rétablir ou entretenir l'hygiène, la propreté, l'esthétique du corps,
d'une partie du corps. » [12].
Soins de santé :
« Ensemble des soins administrés à chaque membre d'une collectivité
en cas de maladie, et aussi en ce qui concerne la prévention, la
réadaptation, l'éducation sanitaire, l'entretien de la santé. » [12].
36
Selon le dictionnaire des soins infirmiers,
Le soin est :
«Action ou ensemble d’actions qu’une personne décide et/ou accomplit
pour elle-même et/ou pour autrui en vue de se soigner ou de le
soigner. » [19, p.184].
Les soins infirmiers sont :
« Ensemble de connaissances, de compétences et de techniques
relatives à la conception et à la mise en œuvre d’actes de soins
infirmiers. Ils ont pour but de répondre aux besoins de santé d’une
personne et/ou d’une collectivité et font l’objet de la discipline enseignée
au personnel infirmier. » [19, p.193].
Le code de la santé publique établit : Article R. 4311-2 :
« Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité
technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en
tenant compte de l'évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour
objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son
éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci
dans ses composantes physiologique, psychologique, économique,
sociale et culturelle :
1° De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et
mentale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales
physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion
ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ;
37
2° De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des
informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux
médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs
prescriptions ;
3° De participer à l'évaluation du degré de dépendance des personnes ;
4° De contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la
surveillance clinique et à l'application des prescriptions médicales
contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l'initiative du ou
des médecins prescripteurs ;
5° De participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la
douleur et de la détresse physique et psychique des personnes,
particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et
d'accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. » [20].
Donc l’infirmière est une professionnelle, c'est-à-dire une personne ayant
obtenu un diplôme reconnu par l’état suite à des études réglementées par des
textes législatifs et un concours d’entrée. Elle dispense des soins infirmiers :
ensemble de savoirs, savoir faire et savoir être spécifiques à la profession et
dans un cadre légal précis.
Les soins infirmiers sont la traduction de l’anglais « nursing ». Ce terme
correspond en français à l’ensemble des soins d’hygiène et de confort
appartenant au rôle propre. Le rôle propre est celui qui reconnait le plus
d’autonomie à l’infirmière : « fonction de l’infirmier (ière) qui se voit reconnaitre
l’autonomie, la capacité de jugement et l’initiative. Il (elle) en assume la
responsabilité. » [19, p.171].
Le Décret n°2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à
l’exercice de la profession d’infirmier indique trois catégories de soins : sur rôle
38
prescrit, sur rôle propre et réalisés en présence d’un médecin qui peut intervenir
à n’importe quel moment :
« Relèvent du rôle propre de l'infirmier les soins liés aux fonctions
d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement
ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne
ou d'un groupe de personnes. Dans ce cadre, l'infirmier a compétence
pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu'il juge nécessaires
conformément aux dispositions de l'article 5 ci-après. Il identifie les
besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des
objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il
peut élaborer, avec la participation des membres de l'équipe soignante,
des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé
de la conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins
infirmiers. ».
Je vais m’intéresser plus particulièrement à l’article 4 :
« Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son
rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à
domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier peut,
sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aidessoignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-psychologiques
qu'il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces
derniers du fait de leur formation. » [16].
Il apparait que l’infirmière est responsable des soins réalisés sur rôle propre.
En Résumé, l’infirmière est une professionnelle qui réalise des soins
infirmiers sur rôle prescrit, et sur rôle propre, rôle dont elle assume la
responsabilité et qu’elle assure avec la collaboration de l’aide soignante, de
l’auxiliaire de puériculture ou les aides médico-psychologiques. Je vais
39
m’intéresser au rôle de l’aide soignante en service de soins afin de comprendre
quels sont les liens entre elle et l’infirmière.
2.2.3 Le rôle de l’aide-soignante
Le dictionnaire des soins infirmiers propose de définir aide-soignante par
« personne qui, en collaboration avec l’infirmier (ière), sous sa
responsabilité et son contrôle, dispense des soins relevant du rôle propre
de l’infirmier (ière), dans la limite des compétences que lui confère sa
formation. » [19, p.17].
Je vais étudier l’historique du métier d’aide-soignante et son rôle.
2.2.3.1 L’historique du métier d’aide-soignante
En 1946, une loi oblige les infirmières à avoir un diplôme pour exercer et
ainsi expose les hôpitaux à la pénurie de personnel. Pour pallier à ce manque,
des mesures transitoires sont envisagées. Des personnes non diplômées sont
autorisées à exercer la profession d’ « infirmier auxiliaire polyvalent avec
activité limitée. » [21].
Cette mesure de création d’une catégorie intermédiaire est provisoire, car elle
permet le reclassement d’une partie du personnel. Seulement sous les
demandes des syndicats : la catégorie aide-soignante est créée.
En1956, le CAFAS, Certificat d’Aptitude à la Fonction Aide-soignante, apparait.
Les soins d’entretien de la vie et de confort sont alors confiés à cette catégorie.
Ces soins répondant aux besoins élémentaires des patients étaient effectués
auparavant par des personnes non qualifiées. On assiste alors à une division
du travail au sein des structures hospitalières.
40
Dans le décret du 12 aout 1996, le CAFAS devient DPAS : Diplôme
Professionnel d’Aide-soignant.
En parallèle de l’évolution de la profession infirmière, la formation aidesoignante est redéfinie. Elle exécute des soins sous la responsabilité de
l’infirmière. Elle contribue à la prise en charge des patients et participe aux
soins dans le cadre du rôle propre de l’infirmière en collaboration avec elle et
sous sa responsabilité. [21]
2.2.3.2 La définition du rôle de l’aide-soignante
Le référentiel de formation annexée à l’arrêté du 22 octobre 2005 relatif à
la formation conduisant au diplôme aide-soignant définit :
« L'aide-soignant exerce son activité sous la responsabilité de l'infirmier,
dans le cadre du rôle propre dévolu à celui-ci, conformément aux articles
R. 4311-3 à R. 4311-5 du code de la santé publique.
Dans ce cadre, l'aide-soignant réalise des soins liés aux fonctions
d'entretien et de continuité de la vie visant à compenser partiellement ou
totalement un manque ou une diminution de l'autonomie de la personne
ou d'un groupe de personnes. Son rôle s'inscrit dans une approche
globale de la personne soignée et prend en compte la dimension
relationnelle des soins. L'aide-soignant accompagne cette personne
dans les activités de sa vie quotidienne, il contribue à son bien-être et à
lui faire recouvrer, dans la mesure du possible, son autonomie.
Travaillant le plus souvent dans une équipe pluri professionnelle, en
milieu hospitalier ou extrahospitalier, l'aide-soignant participe, dans la
mesure de ses compétences et dans le cadre de sa formation, aux soins
infirmiers préventifs, curatifs ou palliatifs. Ces soins ont pour objet de
promouvoir, protéger, maintenir et restaurer la santé de la personne,
dans le respect de ses droits et de sa dignité » [20].
41
Le circulaire n° 96-31 du 19 janvier 1996 relative au rôle et aux missions des
aides-soignants et des auxiliaires de puériculture dans les établissements
hospitaliers liste quatre grands axes :

La collaboration dans les soins d’entretien de la vie et de confort

La collaboration dans la surveillance des patients

La collaboration dans l’aide aux personnes ayant perdu leur autonomie

La collaboration dans l’hygiène de l’environnement de la personne
hospitalisée [27].
Cependant le métier d’aide-soignante n’a pas de décret de compétences. Il
n’appartient pas aux professions de santé réglementées dans le code de la
santé publique mais il est référencé dans la liste des métiers paramédicaux
[22]. Comme le rappelle Nathalie Lelievre, juriste spécialisé en droit de la santé,
la Direction Générale de l’Offre de Soins décrit le métier d’aide-soignante ainsi :
« L’aide-soignante contribue à une prise en charge globale des
personnes en liaison avec les autres intervenants au sein d’une équipe
pluridisciplinaire, en milieu hospitalier ou extra hospitalier, dans le
secteur médical, social, ou médico-social. Il veille, en cas de besoin, à
leur éducation et à celle de leur entourage. Au sein de cette équipe, il
dispense, en collaboration et sous la responsabilité de l’infirmier, les
soins visant à répondre aux besoins d’entretien et de continuité de la vie
de l’être humain et à compenser partiellement un manque ou une
diminution d’autonomie de la personne » [22].
L’infirmière peut solliciter l’aide de l’aide-soignante en fonction de ses
compétences et en assurant son encadrement. Le domaine de compétences, à
défaut de décret de compétences, se détermine au regard de la formation reçue
par l’aide-soignante. Ce manque de réglementation structurée pose de
multiples difficultés au quotidien. En effet l’infirmière engage sa responsabilité
lorsqu’elle sollicite l’aide-soignante et la responsabilité de cette dernière est
engagée si elle dépasse ses fonctions. Olivier Dupuy, docteur en droit, soutient
42
le fait que l’aide-soignante ne doit effectuer les seuls actes correspondant à sa
qualification. Les programmes de formations évoluent généralement dans le
sens de l’attribution de compétences nouvelles. Donc l’infirmière qui attribue
une tâche se doit de vérifier si l’aide-soignante dispose des qualifications et
contrôler les actes effectués [23].
En résumé, l’aide soignante réalise des soins infirmiers sur rôle propre
en collaboration et sous la responsabilité de l’infirmière. Celle-ci doit avoir au
préalable vérifié le niveau de compétences et contrôlé les bonnes pratiques de
cette dernière. Ces notions sont omniprésentes dans le cadre législatif du
métier aide-soignant. Il est maintenant intéressant d’étudier l’articulation du
travail de l’infirmière avec l’aide-soignante en particulier le travail en binôme.
2.2.4 Le binôme infirmier/aide-soignant
Dans la revue « l’aide soignante » de mars 2014 [24], plusieurs
professionnels apportent des éclairages sur le travail en binôme. Pour
Angélique Payen, il se définit « comme l’association de deux personnes ayant
des compétences complémentaires dans le but d’atteindre un objectif
commun » [25]. Les auteurs vont définir ses objectifs, ses avantages et ses
limites.
Selon Simona Del Alamo, les objectifs sont :

Sécuriser les conditions de travail

Améliorer la qualité des soins effectués

Renforcer la motivation des soignants et augmenter l’efficacité de leur
tâche

Diminuer la pénibilité physique du travail et la charge émotionnelle des
soignants

Mettre les compétences de chaque intervenant en synergie

Assurer une continuité des soins
43

Contribuer au développement des apprentissages

Favoriser une bonne communication interprofessionnelle avec les
patients [26].
A la lecture de ces articles, les avantages du travail en binôme sont :

Un renforcement de l’esprit d’équipe par le soutien mutuel et la
solidarité : ainsi il permet de diminuer l’absentéisme. Il a un rôle dans la
diminution de la charge émotionnelle dans les prises en charge difficiles.
Il rapproche les soignants autour de valeurs communes.

Une complémentarité entre les agents : par exemple, les soins stériles
sont facilités et sécurisés et les risques de contaminations sont diminués
comme en service de réanimation. Il responsabilise l’aide-soignante.

Une prise en charge des patients plus efficace : rapidité des réponses,
efficacité par apport d’expériences, de compétences et de visions
différentes.

Une amélioration de la circulation des informations par une meilleure
communication.
Les inconvénients et les limites sont :

La nécessité d’une organisation : il faut l’anticiper. Le binôme peut
s’avérer difficile à maintenir en cas de manque d’effectif.

Les désaccords et les tensions peuvent être des freins au travail en
binôme. La routine peut être aussi néfaste à la qualité du travail, en effet
des discussions « parasites » entre les soignants peuvent avoir lieu au lit
du patient.

Le risque de glissement de tâches : l’aide-soignante peut être amenée à
réaliser des soins hors de son champ d’activités par pression des
infirmières ou par sa propre initiative [24].
44
Le travail en binôme correspond au travail à réaliser ensemble au même
moment auprès du patient avec un objectif commun :
« Pendant les soins, l’aide-soignante aide l’infirmière à installer le patient et
prépare le matériel médical. Ensuite l’infirmière s’occupe des soins
techniques, pendant que l’aide-soignante observe le patient et le soutient
moralement (…). Le matin, les soins se font généralement après la toilette et
l’habillage de la personne, gestes pendant lesquels l’aide-soignante est
aidée par l’infirmière. » [26].
Ce travail en binôme est donc un moyen de prise en charge efficace de
la personne soignée. Dans la circulaire du 19 janvier 1996, je retrouve dans le
chapitre « une prise en compte indispensable de l’apport de l’aide-soignant ou
de l’auxiliaire de puériculture au sein de l’équipe de soins » l’idée de la
nécessité de répartition et de coordination des tâches au sein de l’équipe. Elle
insiste sur la nécessité de ce binôme :
« Il convient, chaque fois que c’est possible de favoriser l’établissement
de
relations
binaires
infirmier/aide-soignant
et
infirmier
ou
puéricultrice/auxiliaire de puériculture qui permettent l’existence de
véritables relations fonctionnelles et personnalisées. »
De plus ce texte aborde le rôle du cadre de santé dans cette dynamique :
« les cadres infirmiers ont un rôle primordial à jouer pour impulser une
dynamique de réflexion, pour entreprendre les actions nécessaires
notamment dans le domaine de l’organisation du travail et de l’équilibre
entre les différentes catégories professionnelles composant les équipes ,
et pour en faire vivre le contenu au quotidien. » [27].
Si travailler en binôme est « travailler ensemble » pour garantir la prise
en charge optimale du patient, cela dépend-il uniquement des individus qui
composent ce binôme ? Sophie Divay, sociologue, explique que les restrictions
45
budgétaires et la fragmentation du milieu professionnel sont des facteurs
entravant la coopération. Les restrictions ont eu pour conséquence la création
d’un effectif cible du personnel dans les services. Celui-ci correspond le plus
souvent à l’effectif minimum et est insuffisant en cas d’absentéisme. Ainsi
apparaissent de nombreux agents en contrat de remplacement et un turn over
important au sein des équipes. Les agents en place s’épuisent pour tenter de
transmettre leurs savoirs et maintenir les compétences. De plus le remplaçant
ne va pas s’investir de la même façon que quelqu’un qui est amené à rester en
poste. Cela engendre alors une détérioration du travail collectif. La
fragmentation du milieu professionnel hospitalier vient du fait que chaque
catégorie défend son territoire et ses intérêts [28].
Le transfert d’activité du médecin sur l’infirmière du à une surcharge de travail
médical valorise la profession infirmière mais a crée une défense de territoire
qui se traduit souvent par une mise à l’écart des décisions, du travail sur de
nouveaux protocoles ou une exclusion de la visite médicale des patients de
cette même infirmière. Je retrouve ce même problème entre l’infirmière et l’aide
soignante. En effet le rôle propre « appartient » au décret de compétences
infirmier mais est délégué aux aides-soignantes qui se l’octroient et
revendiquent alors ce rôle. Cependant les infirmières ne sont pas prêtes à
abandonner le rôle propre pour lequel elles se sont battues jusqu’ en 1978, date
à laquelle la loi leur reconnait. Sophie Divay rappelle aussi dans son article
que :
« Le métier d’aide-soignante est né dans les années 1950 d’une
recomposition de la division du travail soignant, en s’appropriant les
tâches que les infirmières leur avaient déléguées. Pour autant, les
interactions entre infirmières et aides-soignantes ne sont pas simples et
la coopération se fait parfois difficilement. Si toutes disent avoir besoin
les unes des autres, l’organisation du travail ne leur offre pas toujours la
possibilité de travailler ensemble. » [28].
46
Une étude menée à l’hôpital Saint Louis à Paris dans le service de
transplantation rénale et pancréatique, sur la notion de binôme infirmier/aidesoignant, a permis de mettre en avant :

Pour les aides-soignantes : un manque de considération pour leur travail
et un manque de reconnaissance de la part des médecins et des
infirmières. En effet pour elles, les infirmières se refugient derrière les
actes techniques et abandonnent leur rôle propre. Elles souhaitent plus
d’ « aide ». Elles n’assistent pas aux transmissions orales des infirmières
jugées chronophages et peu adaptées.

Pour les infirmières : une obligation de délégation des tâches inhérentes
au rôle propre due à une activité médicale élevée. Cependant elles
reconnaissent aux aides-soignantes une relation importante et privilégiée
avec le patient. Elles rappellent que les aides-soignantes travaillent sous
leur responsabilité et par délégation du rôle propre [29].
Donc il apparait alors une notion de « pouvoir » et une difficulté de coopération
entre les deux catégories. L’auteur de cette étude cite Renaud Sainsaulieu pour
illustrer son constat :
« Chaque fois que quelqu’un, par la place qu’il occupe et les
responsabilités qu’elle lui octroie, est en mesure de répondre à une
incertitude importante, il en tire du pouvoir, c'est-à-dire des moyens de
pression, d’actions, de négociation sur les autres membres … Chacun
monnaye sa bonne volonté, cherche à saisir toutes les opportunités qui
amélioreront sa situation, à maintenir et à élargir sa marge de
liberté. »[29].
L’incertitude concerne l’attribution du rôle propre. Un paradoxe apparait au
regard de mes lectures : l’aide-soignante semble se mettre en position de
« subalterne » car elle prend en charge des soins délégués et délaissés par les
infirmières
et pourtant trouve une valorisation individuelle et collective en
revendiquant et s’attribuant ces soins. Mais le binôme peut être une «
47
façade », comme l’explique Daniel Maroudy, cadre de santé [30]. En effet,
parfois, il se dissimule derrière une juxtaposition de tâches où chacun travaille
de son coté par catégorie, ou derrière une fausse entente et une confusion des
rôles, avec un fort risque de glissement de tâche.
Le transfert de compétences d’une catégorie à l’autre entraine alors la division
du travail. Ainsi le médecin a délégué des tâches à l’infirmière, qui ne peut plus
assurer l’ensemble de ses missions. A son tour, elle les confie à l’aidesoignante. Everett C. Hughes, en 1951, a étudié cette division du travail, le
transfert de compétences et plus particulièrement le travail infirmier. Il précise :
« Dans
le
monde
médical,
deux
tendances
contraires
sont
simultanément à l’œuvre. Au fur et à mesure que la technologie médicale
change et progresse, certaines tâches spécifiques se trouvent déléguées
par le médecin à l’infirmière, c'est-à-dire déclassées. L’infirmière délègue
à son tour certaines tâches à la femme de service. Mais les métiers et
les personnes se trouvent par ailleurs revalorisés, dans certaines limites.
L’infirmière se rapproche du docteur en matière de techniques
employées, et consacre une plus grande partie de son temps à diriger
d’autres travailleurs. L’infirmière auxiliaire reçoit une formation plus
poussée, et commence à revendiquer les prérogatives qui devraient,
selon elle, aller de pair avec la tâche qu’elle accomplit. » [31, p.65].
Il se demande aussi « Pourquoi est-elle (la tâche) accomplie par l’infirmière
plutôt que par quelqu’un d’autre, ou par quelqu’un d’autre plutôt que
l’infirmière ? » [31, p.70]. Je retrouve alors l’idée de frontière entre les
catégories professionnelles en service de soins. Plus le nombre de tâches
augmente, plus il y a de frontières. Donc elles sont le lieu de coopération et de
conflit selon E.Hughes. Il explique aussi que les tâches déléguées sont celles
qui sont jugées les plus déplaisantes: « il s’agit d’une partie du « sale boulot »
des infirmières (tous les métiers ont leur part de sale boulot). »[31, p.72].
48
Je retrouve encore ce paradoxe entre le « sale boulot » et « revalorisation des
tâches déclassées ».
Marc Catanas pose alors une question intéressante :
« La recherche de reconnaissance des professions de soins (surtout
infirmiers et aides-soignants) ne serait-elle pas liée aux barrières
institutionnelles que vivent ces professions et qui font écran à la nature
même des tâches et aux réels enjeux d’une division du travail dont les
limites sont sans cesse mouvantes, mais dont le contrôle reste entre les
mains de la profession dominante qui agit en fonction de ses intérêts du
moment ? » [32].
Suite à une augmentation de son activité, je peux alors supposer que l’aidesoignante, en binôme avec l’agent de service hospitalier, va alors déléguer une
partie de son travail vers celle-ci : l’entretien des chambres.
Le travail en binôme ou « le travail ensemble » a ses avantages et ses
limites. Il a des objectifs bien précis et requiert une organisation. Cette même
organisation dépend des interactions entre chaque acteur. Il existe des
frontières entre chaque catégorie qui évoluent en fonction de l’évolution des
établissements de soins et de leurs exigences (financières, qualitatives et
législatives). Il devient intéressant de réfléchir maintenant sur les notions
d’organisation du travail, de collaboration et de délégation afin de comprendre
ces interactions.
49
2.3 L’ORGANISATION DU TRAVAIL
2.3.1 L’organisation des soins et la prise en charge des patients
L’organisation se définit comme un : « Ensemble structuré (de services,
de personnes) formant une association ou une institution ayant des buts
déterminés » [12].
Selon Philippe Bernoux dans la théorie de l’analyse stratégique, les
organisations se caractérisent par :

« La division des tâches » : l’auteur parle d’un groupe structuré où le
travail est réparti entre les individus de manière précise et claire.

« La distribution des rôles » : chacun des acteurs a une tâche attribuée
et un rôle qu’il joue différemment d’un autre.

« Un système d’autorité » : il veille au respect des buts et aux
comportements adéquats des individus.

« Un système de communications » : il est indispensable pour mettre
rapidement en relation les individus.

« Un système de contributions-rétributions » : chaque acteur donne et
reçoit en échange [33, p.118].
L’organisation se définit aussi comme :
« Un construit humain ou ensemble d’humain structuré. Cet ensemble,
composé de membres qui y développent des stratégies particulières, qui
les structurent dans un ensemble de relations régulières soumises aux
contraintes changeantes de l’environnement, est donc lui-même en
mouvement permanent. » [33, p.138].
Pour Michel Crozier, une organisation est « un construit humain et n’a pas de
sens en dehors du rapport à ses membres. » [34, p.50]. Il s’agit donc pour lui
50
d’un « royaume des relations de pouvoir, d’influence, du marchandage et du
calcul. » [34, p.197]. Dans son livre l’acteur et le système, il explique que les
individus sont des acteurs et ne doivent pas être traités comme des moyens
(acteur dans le sens de quelqu’un qui agit et non quelqu’un qui joue un rôle).
Chacun agit en fonction de ses compétences propres et a une marge de liberté
plus ou moins grande. Il développe l’idée que l’organisation se construit autour
de relations de pouvoirs entre les acteurs, en plus des règles, normes et
réglementations. Ils existent alors des zones dans l’organisation : les « zones
de certitude » où les réactions des acteurs sont prévisibles et de « zones
d’incertitude » où elles ne le sont pas.
Le fonctionnaliste Talcott Parsons (sociologue américain 1902-1979) considère
quant à lui l’organisation comme un système social. Elle réalise son but à
travers les relations qu’elle entretient avec l’environnement au sein duquel elle
opère. Elle évolue au sein d’un système composé de sous systèmes qui sont
interdépendants avec les différents composants de la structure sociale : « les
uns ont besoin des autres pour atteindre leurs objectifs propres ». Pour lui, les
organisations doivent s’assurer que toute une série de fonctions soient
remplies :

« La fonction reproduction des normes et des valeurs » : c'est-à-dire
l’ajustement des buts aux normes et valeurs de la société

« La fonction adaptation » : correspond à la mobilisation des différentes
ressources (humaines, capital …)

« La fonction exécution » : c’est la réalisation des buts

« La fonction intégration » : elle concerne l’harmonisation des différents
éléments qui la composent, ainsi que l’engagement et la loyauté de ses
membres. [35, pp.33-34].
Dominique Tonneau précise qu’en établissement de santé :
« L’organisation est ce qui permet de mettre en forme les relations entre
les différents acteurs de soins, pour leur permettre de réaliser au mieux
51
leurs tâches, avec le minimum de pénibilité, et le maximum de résultat
sur le malade. »[36, p.29].
Elle explique aussi que le but de l’organisation à l’hôpital est ce qui permet d’
« agencer » les différentes composantes du travail afin de satisfaire le patient et
le personnel.
Les établissements de santé font l’objet d’exigences de plus en plus accrues,
en lien avec la qualité et l’efficacité des soins, les contraintes de financements
des services de soins, les attentes du personnel et l’intensification de l’activité.
Ils subissent un environnement de plus en plus contraignant du fait du
développement de la technicisation, des règles de financement, de la place de
l’hôpital, du malaise du personnel et des attentes des personnes soignées. Les
enjeux sont alors l’amélioration des conditions de travail, la valorisation et la
reconnaissance du travail, l’efficacité et la qualité des soins, et l’efficience [36].
« L’efficacité et la qualité des soins apparaissent de plus en plus liées à
la prise en charge globale des malades au sein de l’institution
hospitalière, et à une vigilance accrue de la part de l’ensemble du
personnel de toutes catégories, allant bien au-delà de la stricte définition
de leur rôle. Il existe à l’hôpital comme dans toute entreprise un écart
inéluctable entre le travail prescrit (…) et le travail réel (…). » [36, p.14].
Chaque agent se doit de combler cet écart afin que la prise en charge du
patient permette d’améliorer son état de santé.
De plus « le malade forme une réalité une et totale, très sensible donc aux
lacunes et dysfonctionnements du système organisationnel qu’il a en face de
lui. » [36, p.14]. Donc l’hôpital doit le prendre en charge de façon coordonnée et
globale.
L’organisation du travail est primordiale pour la prise en charge de qualité du
patient.
52
Les agents ne réalisent pas seulement des actes mais font preuve d’initiatives,
assument des responsabilités, et doivent faire en sorte de participer au succès
de l’organisation collective pour la qualité des soins.
« Chercher une meilleure organisation, c’est partir du constat de certains
dysfonctionnements, ressentis chez telle ou telle catégorie d’acteurs (…),
et chercher à lever ces dysfonctionnements, en évitant d’alourdir les
contraintes qui pèsent sur les autres catégories, ou du moins à trouver
une meilleure situation d’équilibre, c'est-à-dire un nouveau consensus
sur les contraintes admissibles de part et d’autre. » [36, p.16].
Donc le cadre de santé, en identifiant les contraintes, doit rechercher la
meilleure organisation qu’il soit. C'est-à-dire celle qui permet la prise en charge
optimale du patient.
2.3.2 Le travail interdisciplinaire
« Le travail interdisciplinaire est devenu la pierre angulaire de la prise en
charge des patients, requérant des compétences multiples. » [37, p.71]. Il existe
un lien entre équipe interdisciplinaire et qualité de la prise en charge du patient.
« Une équipe se définit par la présence d’une interaction forte entre les
individus qui la composent, un objectif commun, une responsabilité
collective, la répartition interne et la complémentarité des rôles de
chacun…L’interdisciplinarité s’avère un pré requis à la qualité des soins
et nécessite la collaboration étroite des différentes disciplines pour
résoudre les situations complexes de soins. » [37, p.73].
Pour Anne-Claude Griesser, les caractéristiques d’une équipe sont :

Des objectifs communs et partagés
53
Pour l’ensemble de l’équipe, les tâches sont bien définies et les buts sont clairs.
La communication est donc importante et est un « processus continu
d’ajustement. ». Le cadre de santé a un rôle lié à l’information (cf. chapitre sur
le rôle du cadre.).

Des rôles et des responsabilités clairement définis
Les acteurs doivent connaitre la répartition des rôles et des responsabilités de
chacun afin d’éviter tous malentendus.

Un sentiment d’appartenance :
Etre solidaire permet de tisser des liens indispensables à la réalisation d’un but
[37].
Pour Roger Mucchielli, le sentiment d’appartenance se définit ainsi :
« Sentir le groupe dans lequel on se trouve et se sentir soi-même de ce
groupe englobe un ensemble d’attitudes individuelles et de sentiments,
désignés par le mot « appartenance ». (…) Elle implique une identification
personnelle par référence au groupe, des attaches affectives, l’adoption de
ses valeurs, de ses normes, de ses habitudes, le sentiment de solidarité
avec ceux qui en font partie, leur considération sympathique. » [38, p.99].

La motivation et le besoin de feed back :
Les agents ont besoin de trouver de l’intérêt dans ce qu’ils font et un sens à leur
travail. Il est nécessaire d’avoir un retour sur leurs contributions et de connaitre
l’efficacité de leurs actions. « Le sentiment d’avoir relevé un défi favorise la
cohésion du groupe » [38, p.76]. Roger Mucchielli dit :
54
« La cohésion d’équipe vient de la commune motivation pour la tâche.
(...)Le principe plus les coéquipiers sont motivés pour le travail,…plus
l’équipe est cohésive et plus le désir de réussite collective est grand, ne
connait aucune exception. » [38, p.48]
La cohésion correspond :
« Au degré d’attachement réciproque entre les participants et aux forces
émotionnelles et cognitives qui permettent de maintenir ensemble les
membres du groupe et de résister ainsi aux risques de désintégration. Elle
résulte à la fois de la dynamique des relations affectives, du mode
d’organisation du groupe et de la nature des relations avec les autres
groupes » [39].

Des compétences collectives :
Le fait d’avoir des formations conjointes permet de prendre conscience du
savoir et des compétences de l’autre. Selon Anne-Claude Griesser, cela incite
le respect réciproque.
Il est nécessaire de différencier interdisciplinarité et pluridisciplinarité :
« Le problème de la pluridisciplinarité réside dans la juxtaposition et le
morcellement des activités et des tâches dans la prise en charge du
patient. Cette approche morcelée et rationnelle est réductrice. Les soins
de qualité ne consistent pas en la juxtaposition d’interventions de chaque
discipline. L’interaction des savoirs doit être favorisée par la dynamique
d’équipe. La notion d’interdisciplinarité doit être préférée car elle reflète
mieux la vision collaboratrice que représente le travail du personnel
hospitalier. » [14, p.115].
55
Donc l’interdisciplinarité associe les compétences des différents acteurs de
soins pour le bénéfice du patient. Paul Christophe Abel reprend cette idée :
« Face à cet éclatement menaçant la synergie soignante, il y a nécessité
d’un
travail
d’articulation
« interdisciplinaire »
avec
les
autres
paramédicaux (kinésithérapeute, psychologue, assistante sociale, etc.),
mais également « transdisciplinaire » avec l’administration, les services
techniques et généraux, voire des collaborateurs extérieurs. ».
Il explique aussi que le cadre de santé de proximité est celui qui fait lien : il est
un « agent d’articulation » [40, p.28].
2.3.3 La collaboration
Une définition au terme de collaboration, selon le dictionnaire
LAROUSSE est :

« Action de collaborer, de participer à une œuvre avec d'autres. »,
Donc collaborer :
« Travailler de concert avec quelqu'un d'autre, l'aider dans ses
fonctions ; participer avec un ou plusieurs autres à une œuvre
commune : J'ai collaboré avec lui à la préparation du projet. » [2].
Cette autre définition est très proche:
« La collaboration est le fait de travailler ensemble dans l’exécution d’une
certaine action, générant une compréhension commune et une
connaissance partagée. Dans une situation de collaboration, le résultat
est ainsi imputable au groupe dans son entier. » [39].
56
Elle précise l’idée de responsabilité commune.
La collaboration en établissements de santé se définit comme :
« un processus interprofessionnel de communication et de prise de
décisions permettant aux connaissances et aux aptitudes distinctes et
communes des fournisseurs de soins de santé d’influencer de façon
synergique les soins prodigués au patient ou au client. » [41, p.211].
Collaborer signifie alors « travailler ensemble » et non « faire à la place de
l’autre ». En effet, Gilles Devers, avocat, explique : « la collaboration suppose
l’esprit d’un travail en commun et non à la réalisation de tâches « à la place »
d’un autre. » [42].
Cependant, il semble qu’en service de soins, particulièrement où j’ai
exercé en tant qu’infirmière et faisant fonction cadre de santé ; il y avait souvent
un amalgame entre : collaboration, coopération, cohésion et délégation. Il me
semble alors important de bien distinguer ces notions.
2.3.3.1 La coopération
Selon Roger Mucchielli, la coopération est la :
« Participation intentionnelle et coordonnée des membres d’un groupe
(ou de 2 ou plusieurs personnes) dans une action commune. Les
obstacles habituels à la coopération sont la compétition, l’égocentrisme,
et la non considération d’autrui (manque de confiance) et les obstacles
ordinaires à la communication » [38, p.101].
57
Olivier Meier explique que :
« La coopération est un mode de relation entre différents acteurs, qui
contribue dans un climat de confiance et d’ouverture réciproque
(compréhension mutuelle) à la réalisation d’un projet collectif. La
coopération est donc le contraire de l’affrontement et s’opère dans un
esprit d’intérêt général de tous les acteurs concernés. Dans la
coopération, les notions d’interactions et de réciprocité demeurent
fondamentales, dans la mesure où la coopération ne se limite pas à un
simple échange d’informations. » [39].
La coopération est ce qui fait que chacun des membres d’un groupe travaille
ensemble.
« La coopération est une méthode d’action par laquelle des personnes
ayant des intérêts communs collaborent. (…) Elle concerne tout d’abord
la relation qui se construit avec le patient ainsi qu’avec sa famille, mais
elle implique aussi la relation entre les équipes pluridisciplinaires. » [41,
p.217]
La coopération est donc une notion plus large et regroupe tous les
acteurs dans une unité de soins : les soignants, le patient et ses proches. Le
patient reste alors le centre de cette coopération.
2.3.3.2 La cohésion
La Cohésion d’un groupe est la :
« Résultante de l’ensemble des forces qui agissent sur les membres
pour les faire rester dans le groupe, pour inciter à participer et à
coopérer, pour les rendre solidaires. Une même motivation et une
identité d’objectifs, joints à la confiance mutuelle, à la confiance dans le
58
groupe et dans son organisation, s’exprime au niveau groupal, par la
cohésion » [38, p.101].
« L’appartenance de la part de ses membres, gage de participation et de
coopération, est le vécu singulier de ce qui est cohésion au niveau
groupal descriptif » [38, p.37].
La cohésion, pour Madeleine Grawitz, est la :
« solidarité des membres d’un groupe, résultant de l’attraction réciproque
ou de la complémentarité des individus qui la composent, d’une
communauté de buts, d’action, de normes, parfois d’origine ou
d’allégeance d’un même chef. (...) Noter que la cohésion marque l’état
des individus ensemble tandis que l’intégration marque le mouvement de
ou des individus vers le groupe. » [43, p.68].
Donc la cohésion est ce qui fait que le groupe reste ensemble pour
mener son action commune.
2.3.3.3 La délégation
Selon le dictionnaire Larousse, la délégation est :

« Action de déléguer quelqu'un, quelque chose : La délégation d'un
mandat électif. Délégation de pouvoirs.

Opération par laquelle une personne (le délégant) ordonne à une autre
(le délégué) de faire ou de s'engager à faire une prestation à une
troisième (le délégataire). »
Et déléguer

« Envoyer quelqu'un au nom d'un groupe, de quelqu'un d'autre, dans un
but déterminé, avec une mission définie : Déléguer des représentants.
59

Confier un pouvoir à quelqu'un, le lui transmettre : Déléguer son
autorité. » [2].
« La délégation se définit comme le fait de transmettre un pouvoir à
quelqu’un, de confier une tâche à une autre personne, généralement à
un
subordonné.
responsabilité.
Elle
C’est
ne
désengage
l’aptitude
à
pas
confier
le
à
déléguant
un
de
sa
subordonné
la
responsabilité d’un mandat de travail, tout en lui fournissant le support et
les ressources nécessaires. » [41, p.215].
Cette définition apporte des précisions : la responsabilité du déléguant et du
délégué est partagée, et le déléguant doit assurer les moyens au subordonné
de réaliser la tâche.
Une question se pose : peut-on alors parler de délégation entre infirmière et
aide-soignante ?
Il n’apparait pas dans les textes législatifs professionnels la notion de
délégation : ni dans le Décret n°2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes
professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier et en particulier l’article
4 et ni dans la Circulaire du 19 janvier 1996 relative au rôle et aux missions des
aides-soignants et des auxiliaires de puériculture dans les établissements
hospitaliers.
Gilles Devers, avocat, précise :
« Par la délégation, une personne demande à une autre d’agir en son
nom et pour son compte. Dans le cadre de la collaboration, il y a un
travail en commun, qui suppose une appréciation d’ensemble. C’est la
toute la différence. » [42].
L’infirmière collabore avec l’aide-soignante dans le cadre de son rôle propre
uniquement. Elle détermine les tâches qui peuvent être confiées sous sa
responsabilité. L’aide-soignante n’a pas un rôle « initial ». Si celle-ci pratique
60
des soins seule et de sa propre initiative dans une première prise en soins de
patient : il s’agit d’une situation de délégation de soins et ceci est illégal.
L’auteur argumente : « Sur le plan du droit, la qualification est alors celle
d’exercice illégal de la profession d’infirmier et, s’agissant de l’infirmière ou des
cadres qui ferment les yeux, le fait s’analyse comme complicité d’exercice
illégal de la profession. » [42].
Olivier Dupuy, docteur en droit, oppose les deux notions collaboration et
délégation :
« La collaboration est le terme retenu par la réglementation pour
caractériser le concours qu’est susceptible d’apporter l’aide-soignante
aux actes relevant de l’infirmière. Il n’est pas rare d’observer des
professionnels
dénommer
cette
relation
d’agissement
«par
délégation ». » [23].
L’auteur exprime l’idée que la délégation serait plus appropriée pour nommer la
relation
d’autorité
entre
l’infirmière
et
l’aide-soignante
et
il
qualifie
d’ « impropre » la notion de binôme. Il argumente son idée avec les définitions
du dictionnaire Le Robert : « l’acte de délégation consiste pour le déléguant à
« ordonner à une autre personne, le délégataire, de faire. » alors que collaborer
signifie « travailler de concert avec un autre, l’aider dans ses fonctions. » »
[23].
Isabelle Génot-Pok, juriste consultante, pose une question intéressante : « A
quoi sert un diplôme sanctionnant des études et certifiant une compétence si
n’importe qui peut effectuer des actes à la place de celui qui est seul en droit de
les exécuter ? » De plus l’auteur
explique que l’organisation en binôme
confirme l’utilité de l’existence des deux soignants : infirmière et aidesoignante : « S’en tenir à la réelle collaboration et au partage de l’organisation
du travail en binôme est un des moyens efficaces pour justifier de la réalité et
de la nécessité de deux catégories professionnelles complémentaires et
efficaces. » [44].
61
La délégation et la collaboration sont juridiquement différentes et selon
certains auteurs, la délégation ne s’applique pas entre les infirmières et les
aides-soignantes. L’infirmière reste responsable du projet de soins et l’aidesoignante s’inscrit dans ce projet par son rôle d’observatrice et de
collaboratrice.
Selon Paul Macrez, « une collaboration efficace, dans un service de soins, se
remarque par une organisation des soins qui offre la possibilité de travail en
binôme infirmier/aide-soignant. ». Il explique que les difficultés de collaboration
sont souvent dues : à un encadrement déficient, au manque de personnel et à
son épuisement, aux soins « à la chaîne », au glissement de tâches, aux
conflits, au « corporatisme », et au manque de formation continue. En revanche
« une organisation des soins quotidienne discutée et non imposée », la
participation
active
des
aides-soignantes
aux
projets
de
soins,
aux
transmissions et aux relèves médicales, et des temps de pauses communs sont
des facteurs favorisants la collaboration. Cela est encouragé par un
encadrement efficace et « ouvert » [21].
En conclusion, la coopération au sein d’une équipe interdisciplinaire
permet la collaboration. La cohésion est la force qui permet à celle-ci de
continuer à travailler ensemble vers un objectif commun : une prise en soins de
qualité du patient. L’organisation du travail est primordiale pour la meilleure
prise en charge de la personne soignée. Le cadre de santé de proximité, par
son rôle de lien, doit rechercher la meilleure organisation du travail. Il apparait
au cours de mes lectures que le travail en binôme infirmier/aide-soignant est
une organisation efficace.
La problématique de ce travail de recherche retenue est :
Le binôme infirmier/aide-soignant est il une réponse organisationnelle à la
qualité de la prise en charge du patient en service de soins ?
62
Et l’hypothèse est :
Le cadre de santé, par l’organisation du travail dans l’unité de soins, doit
favoriser le travail en binôme infirmier/aide soignant afin de permettre au patient
d’avoir une prise en charge optimale.
63
LA MÉTHODE DE
RECHERCHE
3 LA MÉTHODE DE RECHERCHE
Cette étape du travail de recherche consiste à présenter la méthodologie
choisie et à argumenter mes choix.
Dès le début de la formation cadre de santé, je réfléchis à une situation
de travail qui m’a interpellée. Mon parcours de professionnel de santé s’est
déroulé majoritairement en médecine adulte. Ainsi j’ai envie de traiter un thème
sur le travail en équipe et en collaboration, particulièrement sur le travail en
binôme infirmier/aide-soignant.
Je suis partie d’une situation récurrente dans mon quotidien d’infirmière.
Puis en tant que faisant fonction cadre de santé, je rencontre de nouveau une
problématique de collaboration entre ces deux métiers. Aidée de ma directrice
de mémoire, et à partir de tout un questionnement, je rédige alors une question
de départ qui aboutit sur une problématique et une hypothèse. Ce cheminement
s’enrichit de lectures et de recherches sur des concepts inspirés de cette
hypothèse.
3.1 LE CHOIX DE LA MÉTHODE
Ce travail suit la méthode dite expérimentale, celle-ci s’inscrit dans une
démarche scientifique qui consiste à confirmer ou infirmer une hypothèse.
D’une situation, le chercheur va formuler une question de départ. Celui-ci émet
alors une problématique qui, aboutira sur une hypothèse. Il faut donc respecter
un schéma : observation, hypothèse, confirmation/infirmation. Pour cela, cette
méthodologie se base sur des recueils de données empiriques auprès de
professionnels de terrain.
« L’esprit de la science doit exclusivement faire appel à l’observation
directe, à la constatation, à l’expérience. La connaissance ne peut donc
être trouvée que dans l’analyse de faits réels. Ceux-ci doivent faire l’objet
65
de la description la plus neutre, la plus objective et la plus complète
possible. » [45, p.25].
L’intérêt de ce travail est donc de produire un résultat ou un savoir recherché et
observé sur le terrain. Ainsi il permet d’éviter une généralisation des pratiques
et de questionner des habitudes et des « évidences » non démontrées.
« La méthode expérimentale permet de mettre à l’épreuve certains
éléments et de tester leurs effets scientifiquement avant qu’ils ne soient
systématisés en tant que pratique (…) elle invite à ré-interroger des
allants de soi, des habitudes, en mettant à l’épreuve le test de leur
influence et/ou de leur efficacité. » [45, p.37].
Je choisis de réaliser des entretiens semi-directifs :
« L’entretien est l’outil qui permet de comprendre le comportement des acteurs,
tout comme l’observation : un questionnement
qui cherche à comprendre
comment tel ou tel phénomène apparait. » [46].
De plus dans le cadre d’un entretien semi-directif, l’ordre des questions se fait
en fonction du déroulement de l’échange. Ainsi, il ressemble alors à un dialogue
ou à une conversation entre deux personnes où l’écoute et le respect sont
privilégiés. Il permet alors d’élargir le champ de recherche grâce aux apports de
l’interviewé. Cependant il doit être préparé autour de thèmes bien définis en
rapport avec la problématique et l’hypothèse. Il est important de recentrer les
échanges sur ces thèmes et donc d’utiliser des questions de relance afin
d’éviter des débordements. Pour cela, il est nécessaire d’avoir sélectionné les
bonnes personnes et réfléchi à une grille d’entretien adaptée.
66
3.2 LE CHOIX DE LA POPULATION
Au départ de mon questionnement, je m’interroge sur ce que je cherche
réellement à comprendre. C’est ainsi, qu’avec l’aide de ma directrice de
mémoire, je me suis orientée vers les cadres de santé. En effet le thème de
mon travail de recherche est l’organisation du travail en binôme. Comme je
l’explique dans la première partie de ce mémoire, le cadre de santé a une
mission de management d’équipe et d’organisation. Il organise l’activité des
soins et coordonne les moyens. De plus, l’hypothèse cible particulièrement le
cadre de santé.
Puis je dois déterminer dans quelle unité mener les entretiens. Je me
demande, à ce moment, si le type d’unité de soins a une importance pour
l’organisation du travail en binôme. Je sélectionne alors des services de court et
de moyen séjour. Je cherche à savoir si la durée d’hospitalisation et le type de
patient accueilli ont une influence. Les spécialités sont la médecine, la chirurgie,
les soins intensifs et les soins de suite et de réadaptation. Je sélectionne alors
six unités de soins.
Je décide de ne pas aller en long séjour, car je pense alors, que le nombre
d’infirmière et d’aide-soignante par jour étant différent, un travail en binôme
n’est pas possible.
Je souhaite aussi interviewer des faisant fonction cadres de santé, pour
savoir si l’ancienneté, l’expérience ou la formation du manager peut jouer sur
l’organisation du travail.
3.3 LE CANEVAS D’ENTRETIEN
Pour réaliser la grille d’entretien (cf. annexe n°1 p.124), je réfléchis à des
questions qui ne sont pas « enfermantes » ou « orientées ». Cette grille me
donne un guide pour démarrer la discussion sur le travail en binôme et
67
l’organisation par le cadre de santé dans les différentes spécialités rencontrées.
Après validation de celle-ci par ma directrice de mémoire, j’ai envoyé au
directeur des soins du centre hospitalier et au directeur du centre de soins et de
réadaptation concernés, une demande d’autorisation d’entretien, en leur
exposant le thème de ma recherche et
le canevas d’entretien. Après
acceptation de leurs parts, je m’adresse aux différents cadres supérieurs de
pôle pour informer de mes démarches et de l’accord des directeurs, en
transmettant une copie des différents documents. Et enfin, je contacte par mail
ou par téléphone, les cadres de santé des unités pour convenir d’un rendez
vous. Je fais le choix de ne pas leur communiquer ma problématique et mon
hypothèse afin de ne pas influencer les échanges. En revanche, le canevas
d’entretien leur avait été transmis par leur hiérarchie.
3.4 LES SITUATIONS D’ENTRETIENS
Les rendez-vous sont pris, en fonction des disponibilités des cadres. Je
rappelle que les informations récupérées restent anonymes et confidentielles.
Je dois rester le plus neutre possible afin de garantir la libre expression du
cadre de santé.
Les entretiens ont lieu du 16 au 22 février 2016. Ils durent entre 21 et 59
minutes. Je les enregistre afin d’être plus disponible pour le dialogue et les
relances pendant les échanges. Je les retranscris au fur et à mesure. Les
entretiens dactylographiés représentent entre six et dix pages et environ cinq
heures de frappe en moyenne soit trente-cinq heures au total.
Ils ont lieu dans les bureaux respectifs des cadres et faisant fonction cadres de
santé dans leurs établissements.
Je n’ai pas rencontré de problème majeur pour réaliser ces interviews. Les
participants ont montré de l’intérêt et une grande disponibilité.
68
Chaque entretien détient sa singularité, du fait des questions posées, de
l’évolution des échanges et des relances. L’intérêt est de ne pas rompre la
progression de l’entretien et l’émergence de nouvelles idées. Cependant, je me
suis aperçue lors de la retranscription, que je n’ai pas effectué de relance à
certaines réponses qui auraient méritées plus de précisions.
J’élabore un tableau récapitulatif classant les réponses de chaque interlocuteur,
par rapport aux questions posées : définition du binôme,
facteurs
favorisants/freins, avantages/inconvénients, rôle du cadre de santé et divers.
Ainsi par cette première analyse, je parviens à une analyse thématique que je
développe maintenant.
69
L’ANALYSE
DES
ENTRETIENS
4 L’ANALYSE DES ENTRETIENS
4.1 LES DÉTERMINANTS SOCIAUX
Je reprends les déterminants sociaux sous forme de tableau récapitulatif
afin de faciliter la lecture et l’analyse. Celle ci se base sur six entretiens, menés
dans un centre hospitalier régional universitaire et dans un centre de soins et
de réadaptation. Chaque interlocuteur est identifié par un code, afin de veiller à
son anonymat et de rendre plus facile la lecture :
Le tableau des déterminants sociaux :
CDS1 : cadre de santé 1
CDS2 : cadre de santé 2
CDS3 : cadre de santé 3
CDS4 : cadre de santé 4
FF1 : faisant fonction cadre de santé 1
FF2 : faisant fonction cadre de santé 2
IDE : infirmière diplômée d’état
AS : aide-soignante
M : horaire du matin
AM : horaire de l’après midi
J : horaire de journée
SSR : Soins de Suite et de Réadaptation
71
CDS1
CDS2
CDS3
CDS4
FF1
FF2
âge
41
55
51
60
35
44
sexe
F
F
F
F
F
F
année
d'obtention
du diplôme
de cadre
2014
2009
2006
1990
ancienneté
dans
fonction
2 ans
6 ans
10 ans
26 ans
6 mois
5 mois
spécialité
chirurgie
chirurgie
soins
intensifs
SSR
médecine
SSR
4ans
5ans
5ans
6mois
5mois
oui
oui
oui
non
oui
18+8
14 :1IDE
pour 4 et
1AS pour
7
30
20
30
ancienneté
3,5ans (+FF)
dans service
sectorisation
nombre de
patients
répartition
AS/IDE jour
oui
25
2IDE/2AS M
2IDE/2AS M
2IDE/1ou2AS
et AM
AM
4IDE/2AS
3IDE/3AS
2IDE/4AS M
M
par jour
1IDE/2AS
3IDE/3AS
soit M, J et
AM
AM
AM
2IDE/4AS
M
1IDE/2AS
AM
1IDE/1AS
1IDE pour
60et 1AS
pour 30
patients
non
non
répartition
AS/IDE nuit
1IDE/1AS
2IDE/1AS
3 ou 4 IDE
1IDE pour
60 et 1AS
pour 30
patients
Travail en
binôme
IDE/AS
oui
oui
oui
non
72
Au regard de ce tableau, je constate que :
L’échantillon de personnes interviewées est exclusivement féminin. Geneviève
Picot, sociologue et formatrice en Institut de Formation en Soins Infirmiers
explique qu’ « un cadre sur cinq et 17.8% des cadres de santé infirmières sont
des hommes » [8, p.88]. Donc il n’est pas étonnant que les cadres de santé
rencontrées soient uniquement des femmes.
La moyenne d’âge est de 47.6 ans, avec une fourchette allant de 35 à 60 ans.
L’ancienneté dans la fonction va de 5-6 mois pour les faisant fonction cadres
de santé à 26 ans pour les cadres de santé diplômées.
L’ancienneté dans le service va de quelques mois à 5 ans maximum.
Un service sur six n’est pas sectorisé : la cardiologie.
La moitié des unités fonctionne en binôme infirmier/aide-soignant dès que
possible.
Le nombre de patients par unité est de 14 pour l’unité de soins intensifs à 30
pour les Soins de Suite et de Réadaptation.
La répartition des soignants par nombre de patients est différente d’un service à
l’autre. Les soins intensifs sont normés, soit une infirmière pour quatre patients
et une aide-soignante pour sept. Sinon pour une infirmière de jour, le nombre
de patients à gérer est de 4 à 30.Pour une infirmière de nuit, il est de 4 à 60 : il
y a
une mutualisation de deux services en moyen séjour. Pour une aide-
soignante de jour, le nombre de patient varie de 7 à 25.Pour une aide-soignante
de nuit, il varie de 25 à 30. Il n’y a pas d’aide-soignante de nuit en soins
intensifs.
73
A présent, l’analyse des entretiens va se poursuivre à travers les thèmes
dégagés de la retranscription et au regard des concepts développés
précédemment.
Donc après une première analyse par regroupement des réponses des cadres
de santé et faisant fonction cadres de santé, j’ai dégagé trois intitulés :

La complémentarité dans le travail en binôme

Le cadre de santé et l’organisation du travail

Au-delà du travail en binôme.
Tout au long de mon analyse, j’illustrerai mes propos par le discours des
interviewés, avec quelques références d’auteurs.
4.2 LA COMPLÉMENTARITÉ DANS LE TRAVAIL EN BINÔME
4.2.1 La définition du binôme
Tous les cadres et faisant fonction cadres de santé m’ont donné une
définition.
4.2.1.1 Une relation binaire de collaboration
Pour CDS1, le binôme est une sorte de relation binaire, c’est aussi le fait
de travailler ensemble: « c’est disons euh, un, pardon, une sorte de couple. Le
fait de travailler avec quelqu’un, confiance, entente et qu’on se comprenne. Ce
n’est pas forcement quelqu’un qui commande à l’autre ». Je retrouve cette idée
lors de l’entretien avec CDS3, en effet elle explique « le binôme, ce sont deux
personnes qui travaillent en étroite collaboration ou qui travaillent ensemble ».
L’idée de travailler ensemble est présente dans chacun des entretiens.
74
La collaboration est une notion importante pour trois personnes sur six.
Elle est citée dans la définition de FF2 : « ben c’est le fait pour moi, qu’il y est
une infirmière et une aide-soignante sur un secteur et qu’elles travaillent en
collaboration, oui c’est ça ».
Travailler en binôme est « travailler à deux » ou en étroite collaboration.
Le travail en binôme ne demande pas d’être ensemble à chaque instant. C’est
une organisation du travail qui s’adapte en fonction des besoins des patients et
des agents présents.
Je retrouve alors la notion de complémentarité dans les réponses de CDS1,
CDS3 et FF1 :
CDS1 indique « un moment on est ensemble et on fait le soin ensemble ou un
moment on décide à deux : « moi, je vais là pendant que tu vas là et on décide
les deux à quel moment on va se retrouver ». Par exemple je fais une aide à la
toilette dans une chambre et toi dans une autre, on se dispatche. Et quand c’est
le moment de lever le patient, on s’appelle puis on va faire dans une autre
chambre ».
FF1 explique « pour moi un binôme, ce sont des personnes qui se complètent
pour prendre en charge un patient. (…) Le travail en binôme permet de se
compléter et prendre en charge la personne ensemble globalement et
correctement ».
CDS3 parle d’ « une complémentarité et pas la même vision des choses ».
La complémentarité est le fait d’être complémentaire. Selon le dictionnaire
Larousse, complémentaire est :
75
« Qui constitue un complément, qui vient s'ajouter à d'autres choses de
même nature pour les compléter : Des informations complémentaires. Se
dit de choses, de personnes qui se complètent l'une l'autre. » [2].
Par conséquent, le binôme est une relation de collaboration binaire où le travail
de chacun est complémentaire.
4.2.1.2 Une planification commune du travail
Ainsi je comprends qu’il n’est pas forcement nécessaire d’être ensemble
au même moment et au même endroit.
« Dans le domaine de la santé, la collaboration est généralement définie
comme un processus conjoint de prise de décision partagée […] Les
écrits sur la question font de la collaboration interprofessionnelle un
ensemble
de
relations
et
d’interactions
qui
permettent
à
des
professionnels de mettre en commun, de partager leurs connaissances,
leur expertise, leur expérience pour les mettre de façon concomitante au
service des clients et pour le plus grand bien de ceux-ci. » [47].
Cependant, CDS2 explique que les soignants ne peuvent pas travailler chacun
de leur côté et ont besoin de se retrouver au lit du patient au même moment :
« il ne faut pas mettre de côté le « faire les soins ensemble », le « travailler
ensemble », on ne peut pas travailler chacun de son côté. Je suis assez pour
garder ce lien : « je ne te laisse pas faire ton boulot de ton côté, et moi du
mien ». D’ailleurs CDS2 parle d’une relation à trois : « c’est un triangulaire avec
le patient et une vraie discussion ».
CDS3 en soins intensifs, tient un discours semblable « faire la toilette à deux,
la toilette fait partie du travail de l’infirmière. On travaille à deux, c'est-à-dire que
l’infirmière faisait la toilette avec l’aide-soignante et l’aide-soignante aidait à
tenir la jambe pour les pansements, c’était comme ça ».
76
Dans le travail en binôme, il faut aussi réaliser des soins ensemble, c'està-dire aménager des temps à deux avec le patient. Ces instants sont
nécessaires pour chacun : soignant et soigné.
Le travail en binôme est plus évident le matin selon les témoignages de CDS1
et CDS3 :
CDS1 remarque « on a toujours fait en binôme le matin surtout pour les soins
d’hygiène et de confort surtout pour ça […] plutôt sur le travail du matin, un peu
sur l’après midi, mais chacun travaille plus de son côté sur l’après midi […] mais
je trouvais qu’il n’y avait pas de travail de collaboration vraiment avec
l’infirmière sur l’horaire de l’après midi ».
CDS3 indique « le binôme infirmier/aide-soignant, je pense à ça le matin pour
les toilettes. Le matin comme c’est un service de soins intensifs, elles font la
prise de constantes, installation de patients. Infirmiers, aides-soignants
travaillent ensemble ».
La collaboration se fait sur le rôle propre infirmier donc sur les soins
d’entretien de la vie et de confort. Dans les établissements de santé, les
toilettes et aides à la toilette se font généralement le matin, donc le travail en
binôme infirmier/aide-soignant semble plus évident sur la matinée. Je reviens
alors sur la temporalité : travailler ensemble ne se fait pas n’importe quand et
n’importe comment. Il faut que les deux soignants soient disponibles et
s’organisent.
CDS2 déclare « en pneumo, l’infirmière et l’aide-soignante, cela a ses limites,
l’aide-soignante travaille avec l’infirmière jusqu’à 10h. L’infirmière estime qu’à
10h, elle doit laisser l’aide-soignante parce qu’elle a des pansements. Mais il y
a une organisation au départ. On commence par les toilettes plus conséquentes
ou par les patients qui partent au bloc ».
77
FF2 dit « « je te préviens que je vais faire une grosse toilette » alors je ne vais
pas m’engager dans un gros pansement car je sais qu’on m’attend. Et des
infirmières disent qu’elles viendront plus tard et les aides-soignantes mettent le
patient au propre et attendent l’infirmière pour le lever et il faut revenir ».
CDS4 soutient « un binôme veut dire deux mais pas au même endroit et au
même moment les deux. Cela peut être du binôme du style, tu vas faire la
toilette de M. Truc pendant qu’en attendant je vais faire le pansement vers
Mme X. Je viens te retrouver dans 10 minutes pour le pansement de Mme Y ».
Donc, le travail en collaboration demande de l’organisation entre l’infirmière et
l’aide-soignante et une planification commune est un critère primordial de
réussite.
De plus, Dominique Efros, sociologue, explique que :
« La co-activité : réunit dans un même espace des professionnels de
différentes spécialités qui poursuivent des buts différents. La coopération
suppose, en revanche, que les individus agissent ensemble sur le même
objet de travail en visant le même « but proximal ». Dans la collaboration,
les individus ne réalisent pas les mêmes opérations mais travaillent sur
le même objet avec un but commun. Quant à l’entraide, elle consiste soit
à seconder quelqu’un, soit à faire le travail à sa place. » [48].
Ainsi de mes recherches et des entretiens sur le terrain, je comprends
que la conception de travail en binôme dépend de la définition qu’on en donne.
La moitié des cadres de santé rencontrés parle de collaboration : les deux
acteurs ne sont pas nécessairement au même endroit au même moment, ne
font pas forcément des soins identiques, mais ont le même objectif.
78
4.2.2 Les différentes compositions du binôme
Les cadres de santé et faisant fonction cadres interviewées n’ont pas
défini la composition du binôme de la même façon. Pour trois d’entre eux
CDS4, FF1 et FF2, il s’agit uniquement du binôme infirmier/aide-soignant. Pour
les autres, il existe : infirmier/aide-soignant, cadre de santé/cadre de santé,
aide-soignant/agent de service hospitalier et professionnel de santé/étudiant
(infirmier/étudiant infirmier).
Au regard des entretiens, FF2 déclare «c’est le fait pour moi qu’il y est une
infirmière et une aide-soignante sur un secteur et qu’elles travaillent en
collaboration, oui c’est ça ». FF1 décrit le binôme ainsi « c’est infirmière/aidesoignante ». CDS4 soutient à son tour : « son plus proche binôme est avec
l’aide-soignante. Je n’en vois pas d’autre ».
Je remarque qu’il s’agit des trois cadres ou faisant fonction cadres de santé qui
estiment qu’il n’y a pas de travail en binôme infirmier/aide-soignant dans les
unités dont elles s’occupent.
Je rappelle que le binôme, selon les concepts recherchés pour ce travail,
se définit « comme l’association de deux personnes ayant des compétences
complémentaires dans le but d’atteindre un objectif commun » [25]. Donc cela
rejoint l’idée que le binôme d’agent de même profession n’est pas un « véritable
binôme de travail ». En effet, il est possible de se compléter si chacun apporte
des compétences différentes. Deux cadres de santé ou deux infirmières ont les
mêmes missions donc ces binômes ont moins d’intérêts du point de vue de la
collaboration et de la complémentarité. Ce sont alors des associations, qui ont
un objectif de remplacement ou d’entraide.
D’ailleurs FF1 explique « c’est possible de travailler à deux infirmières mais du
coup ce n’est pas un binôme c’est redondant, ce n’est pas optimiser le travail,
pour moi un binôme ce sont des personnes qui se complètent pour prendre en
79
charge un patient ». Et FF2 complète en disant « ce n’est pas un véritable
binôme car on ne travaille pas ensemble, c’est juste un coup de main ».
Le travail en binôme est intéressant pour les soignants et le patient, si les
compétences mises en œuvre sont différentes et peuvent se compléter.
Pour
ce
qui
concerne
les
situations
d’apprentissage
binôme
professionnel/étudiant et binôme expert/novice, je comprends que ce sont des
situations particulières d’encadrement et non un travail en collaboration.
Pourtant
CDS3
parle
de
binôme
infirmier/étudiant
infirmier
et
aide-
soignant/élève aide-soignant « parfois, il y a des étudiants et donc l’aidesoignante va travailler avec l’élève aide-soignante. Du coup elles sont deux et il
y a un nouveau binôme étudiant/diplômé ».
Cependant trois cadres ou faisant fonction cadres de santé ont défini la
composition du binôme comme une relation binaire de travail et considérer que
chaque acteur se complète avec n’importe quel autre acteur quelque soit sa
fonction. Donc je peux penser que dans un même corps de métier, comme
infirmier/infirmier, il est possible d’apporter des compétences différentes et se
compléter.
La différence de compétences amène alors une autre vision des soins et du
patient. C’est un intérêt du travail à deux : l’un voit des éléments que l’autre ne
voit pas. Ainsi la prise en charge du patient est plus complète.
CDS1 explique « il y a une autre vision quand on travaille avec l’aidesoignante. Dans la chambre il y a aussi la vision aide-soignante et infirmière, le
patient dans sa globalité, il me semble qu’il est mieux pris en charge ».
CDS3 argumente : « une complémentarité et pas la même vision des choses.
Je suis désolée, j’estime que les aides-soignantes n’ont pas la même vision,
elles ont un grand rôle à jouer auprès du patient, sans elles, cela ne pourrait
pas tourner […] pour moi, c’est important d’être deux personnes avec un œil
80
différent. On n’a pas la même vision, la même sensibilité et la même façon de
raisonner au niveau de son travail par rapport à ses connaissances ».
En étudiant les retranscriptions des entretiens, je retrouve chez chacune
des personnes interviewées beaucoup d’intérêts pour le travail en binôme
infirmier/aide-soignant. Lorsque celui est présent dans le service, les cadres de
santé argumentent leur rôle dans sa mise en place et son maintien. Si celui-ci
est moins évident dans leur unité, elles développent les avantages de
l’organisation du travail en équipe et l’entraide entre aide-soignante et
infirmière. Je fais alors une remarque : à aucun moment, il n’a été notion de
binôme médecin/infirmier, et médecin/cadre de santé. Les compétences sont
différentes, et se complètent au chevet du patient. Le médecin n’est pas un
paramédical : cela a peut être influencé les réponses. Le sujet concerne le
travail en binôme, particulièrement infirmier/aide-soignant. Le rôle propre ne
concerne que ces deux métiers.
4.3 LE CADRE DE SANTÉ ET L’ORGANISATION DU TRAVAIL
Je rappelle, comme développé dans le cadre conceptuel de ce travail de
recherche que le cadre de santé en unité de soins a un rôle de lien. Il
coordonne les actions en fonction des situations. Il favorise le « travailler
ensemble » pour une prise en charge globale et collective de la personne
soignée. Le cadre de santé valorise le décloisonnement entre les catégories
professionnelles et la coordination entre les interventions. Le travail hospitalier
demande de travailler ensemble. Le cadre, par sa position, effectue un travail
de mise en relation, il a un rôle de médiation et d’intermédiaire.
81
4.3.1 L’organisation du travail au sein de l’unité
4.3.1.1 Les effectifs et la sectorisation
La problématique de l’effectif est importante pour l’organisation du travail
en binôme. Mais il ne faut pas nécessairement un nombre égal d’infirmière et
d’aide-soignante.
FF1 explique « il y avait un binôme infirmier/aide-soignant par secteur, on
pouvait travailler facilement, mais c’est plus compliqué car moins d’aidesoignante que d’infirmière. […] j’entends que c’est l’effectif qui impose qu’on
peut le faire ou pas […] pas tous les jours, mais même avec un effectif
divergeant, il y aurait la possibilité de créer un binôme tous les jours sur
l’horaire 8h-16h, même ça j’aimerais que ce soit fait (…) C’est un travail de
longue haleine, j’en suis qu’au début. J’ai commencé par donner ma vision
donc dès que l’effectif le permet je fais sectoriser et même quand il ne le permet
pas ». À la lecture de ce témoignage, je comprends qu’il est difficile d’organiser
des binômes, si l’effectif est déséquilibré comme en service de médecine ou de
moyen séjour. Néanmoins, cela fonctionne en soins intensifs où il y a le double
d’infirmières par rapport aux aides-soignantes le matin. Il y a possibilité malgré
tout de fonctionner en binôme avec un effectif déséquilibré.
Toutefois CDS2 nuance ce propos « l’organisation se fait au départ parce
qu’elles sont deux par secteur : une aide-soignante et une infirmière et il y a
deux secteurs […] si le soir je n’ai qu’une aide-soignante, c’est le problème.
D’ailleurs le nuit il y a deux infirmières et une aide-soignante. Du coup elle est
tiraillée un peu, comme du ping pong ».
Comme je l’ai fait remarquer dans le précédent chapitre, FF1 et CDS2 ont des
définitions différentes du travail en binôme, FF1 parle de complémentarité et
CDS2 est sur le travail commun au lit du patient. Ainsi je peux comprendre la
différence d’opinion.
82
La sectorisation semble aussi être un facteur important d’organisation du
travail en binôme. Il y a une opposition d’opinion entre CDS4 et FF1 sur la
nécessité de sectoriser. En effet :
CDS4 soutient « quand j’étais jeune, on travaillait beaucoup en binôme et
après il y a eu la sectorisation, euh, cela nous a aidé sans nous aider. Au début
on faisait des tâches en fonction des besoins du patient. Mais après on a
scindé ça : toi tu fais ça et moi que ça. Il peut y avoir une certaine porosité : une
pouvait déborder de travail et l’autre n’allait pas aider».
Alors que FF1 argumente « je suis faisant fonction cadre depuis début aout, ce
n’est pas encore sectorisé, et du coup le binôme n’est pas présent et c’est
quelque chose que j’essaie de mettre en place […] en sectorisant ; il y aura
moins de personne à prendre en charge donc plus de confort. Car on passe de
vingt à dix et on peut mettre en place les binômes».
CDS2 rejoint l’idée de FF1 en disant « l’organisation se fait au départ parce
qu’elles sont deux par secteur : une aide-soignante et une infirmière».
Par ailleurs, les unités de soins sectorisées ne fonctionnent pas forcément en
binôme de travail, FF2 explique « cela ne fonctionne pas en binôme. Cela reste
difficile, car il y a énormément de soins. Trente patients pour quatre aidessoignantes et deux infirmières […] deux aides-soignantes et une infirmière par
secteur, il y a quand même de la collaboration. »
Je constate donc qu’il n’y a pas de règle évidente au niveau de l’effectif et de la
sectorisation des unités de soins. Le cadre de santé organise le travail en
fonction de l’effectif et peut favoriser la sectorisation dans le but de renforcer la
prise en charge globale du patient. FF1 renforce ce propos en expliquant « j’y
crois, donc, les arguments sont faciles à trouver, au lieu de vingt, elles auront
dix patients en charge. Le travail en binôme permet de se compléter et prendre
en charge la personne ensemble globalement et correctement ».
83
Le binôme est difficile à mettre en place lorsqu’il y un nombre important
de soins à effectuer, comme le décrit FF2. CDS4 explique aussi « il y a un
binôme, une infirmière pour soixante et une aide-soignante pour trente patients,
il faut qu’elles travaillent à deux pour les patients lourds. Elles se retrouvent à
un moment donné, et quand l’infirmière a un creux, elle fait du nursing ». Enfin,
FF1 confirme cette idée « c’est sûr quand elles (les infirmières) ont beaucoup
de pansements, c’est le temps des toilettes qui est réduit. Ce n’est pas grave
avec le travail en binôme, si elles ont beaucoup de pansement, elles priorisent
les toilettes les plus lourdes avec l’aide-soignante ».
Un nombre élevé de soins sur prescription médicale est alors un facteur
limitant au travail en binôme. L’infirmière priorise alors les soins dits lourds avec
l’aide-soignante. Trois personnes interviewées sur six abordent cette difficulté. Il
semble alors important de connaitre le rôle de chaque acteur et de respecter la
disponibilité de chacun.
4.3.1.2 la définition du poste et des rôles
Je rappelle que l’infirmière est une professionnelle qui réalise des soins
infirmiers sur rôle prescrit, et sur rôle propre, rôle dont elle assume la
responsabilité et qu’elle assure avec la collaboration de l’aide soignante. Et,
l’aide soignante réalise des soins infirmiers sur rôle propre en collaboration et
sous la responsabilité de l’infirmière.
Il existe, pour clarifier les missions, des outils comme la fiche de postes. Le rôle
est défini par une fiche de poste ou tout autre document officiel dans certains
établissements de santé. Il conditionne les actions de l’individu. Celui-ci est
tenu de respecter les attentes du poste.
Ainsi FF1 argumente « j’explique les bienfaits de ma vision de travailler en
binôme et leur fait des rappels. C’est beaucoup de travail au corps. Je leur fait
faire aussi des fiches d’activités pour savoir qui fait quoi, quelle est leur charge
84
de travail pour répartir les choses équitablement, pour réfléchir à une
réorganisation de travail et optimiser ».
Cela est évident dans des services comme les soins intensifs: « C’est pareil ici
ce sont des urgences cardiaques donc quand un patient arrive, il y a une
infirmière et une aide-soignante qui le prennent en charge. Comme quand il y a
une réa. L’aide-soignante a des tâches bien définies, met les électrodes, la
télémédecine. Et l’infirmière perfuse et son rôle est bien défini ».
CDS4 soulève la notion de responsabilité : « elles (aides-soignantes) font
le rôle propre de l’infirmière, d’accord donc, ces deux là (infirmière et aidesoignante) sont obligées de travailler ensemble. Celle-ci (infirmière) doit avoir
un regard la dessus si elle veut soigner quelqu’un ».
Par ailleurs, je retrouve chez CDS2 un discours semblable « j’essaie de leur
expliquer aux infirmières que les aides-soignantes travaillent sous leur
responsabilité et qu’elles ne sont pas là que pour faire du nursing, mais que
cela fait partie de leur rôle propre. Elles ont aussi un rôle de contrôle et
d’encadrement pour les nouvelles arrivées. Le binôme, il me semble c’est
essentiel […] Du coup je vois que l’infirmière est sensibilisée maintenant qu’elle
est un peu responsable de l’aide-soignante et de l’apprentissage. « Soit je vais
t’apprendre car tu ne sais pas faire et puis non là, tu ne fais pas » oui,
glissement de tâches, cela les a bien recadré, « jusqu’où je peux aller, jusque
là et après c’est plus ton rôle ».
Le travail en binôme, selon CDS2 a permis de limiter les glissements de
tâches. Alors que selon certains auteurs étudiés dans le cadre conceptuel, il
pouvait favoriser ce risque: l’aide-soignante peut être amenée à réaliser des
soins hors de son champ d’activités par pression des infirmières ou par sa
propre initiative. L’infirmière engage sa responsabilité lorsqu’elle sollicite l’aidesoignante, et la responsabilité de cette dernière est engagée si elle dépasse
ses fonctions.
85
Le cadre de santé observe le déroulement des soins et surveille le
respect du rôle de chacun. Par cela, il est garant de l’organisation du travail et
de la qualité des soins dispensés aux patients. Il n’y a pas de glissement de
tâches et la personne soignée reçoit des soins prodigués par le bon
professionnel.
4.3.2 L’accompagnement des soignants
Walter Hesbeen, infirmier et docteur en santé publique,
a écrit « Le
cadre de proximité a pour fonction d’organiser et d’accompagner la relation
singulière du soin au sein des pratiques du quotidien. » [49, p.95]. Le cadre de
santé a souvent l’expérience du travail en binôme lors de son parcours
professionnel et trouve les moyens de transmettre son expérience.
4.3.2.1 l’expérience du travail en binôme
Le travail en binôme est insufflé par le cadre de santé. FF1 explique
« c’est un travail de longue haleine, j’en suis qu’au début […] c’est beaucoup de
travail au corps. Je leur fait faire aussi des fiches d’activités pour savoir qui fait
quoi, quelle est leur charge de travail pour répartir les choses équitablement,
pour réfléchir à une réorganisation de travail et optimiser donc du coup je suis
derrière et fait des rappels ».
Je comprends que le cadre de santé est présent et accompagne l’équipe à
l’évolution de l’organisation. Il ne l’impose pas, il encourage la réflexion de
l’ensemble des collaborateurs et fait des rappels si besoin.
Toujours selon FF1, il faut avoir travaillé en binôme pour encourager sa mise
en place « mais dès qu’on pouvait, on le faisait et du coup je ne conçois pas
que cela puisse être autrement. […] Parce que quand on y a gouté, c’est
difficile de faire autrement. On y voit que des avantages : un patient, une
intervention, où une quantité de choses sont faites ».
86
Le cadre de santé peut aussi se servir de l’expérience des agents pour
argumenter ce choix d’organisation. FF1 rapporte « depuis que je suis arrivée,
on fait une mutualisation du personnel sur le pôle, on fait tourner sur les autres
services et en soins intensifs, elles travaillent en binôme. Toutes celles qui en
reviennent me disent que c’est drôlement bien de travailler en binôme ».
Le cadre de santé, par son expérience, peut proposer un modèle
d’organisation. Cependant à l’aide de l’expérience des agents, il peut la faire
accepter.
FF2 soutient même que le fait d’avoir exercé en tant qu’aide-soignante
avant de devenir infirmière, facilite le travail en binôme et la collaboration. Elle
énonce « parce que j’étais aide-soignante, et
on le voit chez les élèves
infirmières qui étaient aides-soignantes […] cela ferait du bien à beaucoup de
monde ». La connaissance du métier de l’autre permet de mieux anticiper ses
besoins, et de comprendre la réalité de son quotidien. Elle cite plus loin dans
l’entretien « voir le travail de l’aide-soignante au quotidien, il est important de
voir ce que fait l’autre ? Quand j’étais aide-soignante, je pensais que le métier
d’infirmière était confortable derrière son chariot de médicaments, son
ordinateur. Et quand je suis devenue infirmière, j’ai compris autre chose».
4.3.2.2 La communication au sein de l’équipe
La communication est un élément fondamental du management et du
positionnement du cadre de santé. En tant qu’animateur, il est le vecteur des
informations. Il favorise l’expression de chacun.

Le rappel des règles
FF2, en unité de Soins de Suite et de Réadaptation, reconnait une
difficulté pour que le travail en collaboration se fasse de façon systématique
« j’avais demandé, car on a beaucoup de palliatif, qu’une infirmière se détache
87
pour faire la toilette en binôme, parce que c’est vrai c’est un soin lourd et très
répétitif. Et ce sont toujours les mêmes aides-soignantes qui font les mêmes
patients. Cela a été fait mais je n’ai peut être pas assez répété les choses.
(…) Des fois, elles (les infirmières) sont derrières les ordis, elles font rien donc
je leur dis « est ce que vous pourriez aller aider car elles font le palliatif toutes
seules » je trouve cela plus confortable à deux. Et ce n’est pas un
automatisme ».
FF1 déclare « je suis derrière et fait des rappels et quand elles me voient :
« oui, oui c’est vrai il faut qu’on sectorise… » Et même pour les relèves».
CDS3 dit également « je fais des rappels. Il faut intervenir quelque fois»
Le cadre de santé utilise la communication verbale afin d’inciter chaque
collaborateur à travailler ensemble.

Les réunions
Le cadre de santé fait des rappels sur la responsabilité de chacun. Il agit
afin d’assurer la sécurité, la continuité des soins et une prise en charge globale
et optimale du patient. Ainsi il organise des réunions de service afin de
transmettre des informations, de confronter les points de vue et d’interroger sur
les pratiques.
CDS3 explique « je fais des réunions par grade pour les organisations
d’horaires et leur donner des responsabilités».
CDS4 déclare « et cela fait 4-5 ans, on fait des réunions, et j’essaie de faire
comprendre, et toucher du doigt le sens du soin. Je ne veux plus que deux
infirmières fassent une toilette ensemble au lieu de faire avec une aidesoignante».
88

La relève
Dans chaque entretien, je retrouve l’importance de la relève ou temps de
transmission. Il s’agit dans chaque unité d’un temps de travail en commun entre
les infirmières et les aides-soignantes. En effet :
CDS3 estime que la présence des aides-soignantes à la relève est
indispensable « les aides-soignantes à la relève, oui ! Et toutes à la même
relève, si on veut qu’elles travaillent en binôme. Il ne faut pas les mettre de
côté, les aides-soignantes ont énormément d’importance ».
CDS1 souligne « même relève pour tout le monde [...] pour moi le problème
c’est qu’il y a une relève pour les deux secteurs, car il y a deux infirmières et
une aide-soignante. Donc on fait une relève pour que l’aide-soignante de
l’après midi entende tout».
CDS2 argumente « C’est important qu’il y ait ce lien de binôme au moment de
la relève : l’infirmière commence à parler de sa partie puis l’aide-soignante
complète pour le même patient […] elles ont un temps de relève en binôme,
l’aide-soignante et l’infirmière du matin et en face d’elles celui du soir, patient
par patient ».
CDS4 soutient « beaucoup plus d’infos qui remontent pour démêler les
problématiques des patients. On ne va pas refaire deux fois la même chose, on
laisse sa place à celle-ci (aide-soignante) à la relève. »
Cependant FF1 reconnait un problème lors du temps de transmissions « tous le
monde assiste aux relèves, et uniquement les infirmières font les transmissions.
Les aides-soignantes écoutent et n’interviennent pas ». Les soignants font une
relève commune mais l’aide-soignante n’intervient pas et cela va à l’encontre
de l’intérêt du travail en binôme et du partage d’information des visions
différentes.
89
Le cadre de santé favorise le temps de relève commun entre les
infirmières et les aides-soignantes. En effet, le travail en binôme, pour exister, a
besoin de transmissions et de partage de point de vue. Il s’agit d’une étape
importante de lien et d’organisation.
4.3.3 Le positionnement du cadre de santé
« Le
positionnement
est
un
ajustement
permanent,
entre
les
composantes du statut, les exigences de l’institution, les attentes et les
comportements
du
personnel,
les
valeurs
personnelles
et
professionnelles du cadre. En ce sens, se positionner c’est gérer le
risque, car mis à part le statut rien n’est défini ni stable […] le
positionnement c’est évacuer le flou, clarifier pour soi, pour et avec les
autres, ses conceptions, ses théories de références. » [50].
4.3.3.1 Le cadre de santé : un élément moteur

L’organisation du travail et projet :
Par sa position, le cadre de santé encourage le changement et propose
une organisation en faveur du travail collectif à partir des ressources
individuelles. Cinq cadres de santé sur six ont un projet d’organisation au sein
de leur unité.
CDS4 explique « ici j’ai travaillé le …, une stratégie, qui n’était probablement
pas la bonne. Je les ai fait travailler sur le tutorat des élèves infirmiers et aidessoignants en les faisant réfléchir sur la clinique et la responsabilité de
l’infirmière ».
CDS1 argumente : « j’ai impulsé un changement. Le travail de l’après midi
aide-soignant, c’est beaucoup les désinfections […] mais je trouvais qu’il n’y
avait pas de travail de collaboration vraiment avec l’infirmière sur l’horaire de
90
l’après midi et une activité beaucoup de ménage […] pas vraiment d’accueil du
patient, car nous, les entrées se font vraiment l’après midi, pas d’accueil, pas
de prise de constantes avec l’infirmière, pas de chose comme ça. Et les aidessoignantes se plaignaient que le matin que les infirmières ne venaient pas trop
les aider. C’est sûr que si les infirmières sont seules dans leur coin l’après midi
pour gérer les entrées/sorties, et qu’elles disent qu’il n’y a personne pour aider
l’après midi : c’est peut être normal que le matin, il n’y ait pas de binôme. Et il
n’y a pas de raison d’en avoir. Donc j’ai modifié l’organisation ASH ».
CDS2 développe « s’il y a eu une organisation de revue, c’est celle de l’après
midi sur le secteur des soins. L’aide-soignante démarrait son tour de constantes
toute seule et les notait pendant que l’infirmière préparait ses soins. Quand
l’infirmière avait fini, l’aide-soignante faisait marche arrière et avec l’infirmière,
elles faisaient les soins de nursing donc elle passait deux fois […] donc j’ai dit
que l’aide-soignante devait faire des desinf pendant que l’infirmière préparait
ses soins. Et quand elle a fini, elle appelle l’aide-soignante et elles démarrent le
tour. « J’arrive vers le patient et je fais tout ». Et tout le monde est content ».
CDS3 déclare « si, il y eu le dossier informatisé. Il faut insister pour que les
aides-soignantes notent dans ce dossier et prennent en charge certains trucs.
Elles sont capables de remplir la personne à prévenir sur idéomed®, et
dispolit® 3 fois par jours. J’ai dit aux aides-soignantes de remplir ce logiciel car
les infirmières sont trop occupées. ».
FF1 a pour projet : « la sectorisation et le binôme infirmier/aide-soignant à
mettre en place ».
Les cadres de santé ont mis en place des nouvelles organisations du travail qui
touchent le binôme infirmier/aide-soignant. Elles concernent la réflexion et le
rappel des responsabilités, la répartition des tâches et la collaboration. Les
propositions du cadre de santé ont toujours un but d’optimisation des actions et
de collaboration au sein de l’équipe.
91
CDS2 argumente alors un management participatif pour la mise en place d’une
nouvelle organisation « le travail en binôme cela créé du lien […] l’organisation
ne se fait pas du jour au lendemain, il y a eu des tâtonnements. Et on a fait des
réunions pour leur demander comment elles voyaient les choses ? Mais elles
avaient toutes une idée et fallait qu’elles s’expriment. Mais elles avaient l’idée
qu’il fallait qu’elles travaillent ensemble ».

La valorisation
Selon CDS1 et CDS2, le travail en binôme est valorisant et apporte de la
motivation. En effet,
CDS1 déclare par rapport à la nouvelle organisation de l’après midi dans son
unité « cela parait être un accueil de meilleure qualité et un travail plus
intéressant pour l’aide-soignante […] cela fait plus plaisir, leur rôle est valorisé
sur l’après midi, parce que c’est vrai faire le ménage… ».
CDS2 explique : « c’est un vrai plus, sans qu’on soit dans le contrôle de l’autre.
Le plus : un patient lourd, fatigue du personnel, faire les choses tout seul c’est
épuisant. Alors qu’à deux il y a une émulsion, c’est naturel. C’est comme quand
on est deux, celle qui est sur le canapé et celle qui veut faire du sport, c’est
entrainant. Je n’ai pas vérifié mais peut être que les choses qu’on laisse de
côté, si l’autre est là, on va jusqu’au bout du soin».
Le travail en binôme infirmier/aide-soignant, encouragé par le cadre de
santé est valorisant pour l’aide-soignante et sert de stimulant au travail de
qualité.
92
4.3.3.2 L’objectif : la prise en charge du patient
Le travail en binôme a des avantages selon les cadres ou faisant
fonction cadres de santé interrogées. Le principal est une prise en charge de
qualité depuis l’accueil du patient.
CDS4 affirme « si le binôme fonctionne, tout fonctionne. Meilleure organisation,
meilleur rendement au niveau de la qualité. Beaucoup plus d’infos qui
remontent pour démêler les problématiques des patients ».
CDS1 confirme « c’est garantie car il y a une autre vision quand on travaille
avec l’aide-soignante. Dans la chambre il y a aussi la vision aide-soignante et
infirmière. Le patient dans sa globalité, il me semble qu’il est mieux pris en
charge. Et pis aussi dans l’après midi pour mon service, c’est plus, euh,
l’accueil est de meilleure qualité. L’infirmière a moins la tête dans le guidon.
L’aide-soignante a un laps de temps pour accueillir correctement et il y en a qui
prennent vraiment plaisir à ça ».
CDS 2 dit « c’est le patient dans sa globalité et on fait tout à deux ».
CDS3 reconnait un grande place à l’aide-soignante dans le travail à deux et
ainsi ses compétences ajoutées à celles de l’infirmière assurent une prise en
charge complète et sécurisée de la personne soignée « elles (les aidessoignantes) ont les bases du bien-être et du confort et les infirmières la
technicité surtout ici. Donc l’aide-soignante, c’est une prise en charge globale et
moins technique. Elles prennent les tensions bien sûr et sont branchées sur les
constantes mais il n’y a pas que ça. Elles ont un rôle complémentaire avec
beaucoup de délégation de la part des infirmières. On parle toujours des
infirmières, mais les aides-soignantes ont un rôle important et elles regardent le
patient dans son ensemble».
93
FF1 est favorable au travail en binôme infirmier/aide-soignant dans le service.
Ainsi son projet commence par une réflexion sur l’intérêt de ce travail à deux. Il
tourne autour du patient et de la qualité de la communication et des
transmissions d’informations. FF1 explique « le travail en binôme permet de se
compléter et prendre en charge la personne ensemble globalement et
correctement. Donc en gros ce sont les arguments que j’avance […] elles se
rendent compte que pour le patient et même pour elle, c’est plus simple, moins
fatiguant de prendre moins de patient et moins éparpillé […] Oui, la prise en
charge globale du patient parce que le fait de voir ces deux personnes qui se
présentent à deux, cela conforte le patient de savoir, ils les repèrent plus
facilement sinon il peut voir jusqu’à six personnes et répéter toujours les
mêmes choses ».
D’ailleurs, le rôle du cadre de santé est de recentrer sur la priorité des soins.
C’est dans ce sens que FF2 déclare « je pense qu’on travaille mieux, il faut se
recentrer sur le patient. Un patient lourd avec des escarres avec le lever et lève
malade, il faut être deux, on a perdu dix minutes mais c’est plus confortable
pour tout le monde ».
Ainsi
à
travers
les
entretiens,
je
retrouve
des
éléments
du
positionnement du cadre de santé face au travail en binôme infirmier/aidesoignant. Depuis le début de cette analyse, je comprends que le cadre de santé
organise les conditions pour que le travail en binôme puisse se faire dans
certaines unités. Il crée un milieu propice à la collaboration en rappelant les
règles. Il doit alors être présent pour vérifier leurs applications. Je rappelle que
le cadre de santé a un
rôle d’observateur actif : il cherche et reçoit des
informations, il a une compréhension approfondie de l’organisation et de son
environnement. Les informations permettent de détecter des changements,
identifier des problèmes et des opportunités, ainsi il peut construire sa
compréhension du milieu.
Cependant, une prise en charge de qualité est assurée même si le travail
en binôme infirmier/aide-soignant n’est pas formalisé comme en unité de Soins
94
de Suite et de Réadaptation. Donc cela se passe au-delà de l’organisation en
binôme : elle ne peut, à elle seule, assurer des soins optimaux. Le cadre de
santé va alors aller plus loin dans son encadrement et son management.
CDS4 le précise « l’organisation n’est pas suffisant, il faut insuffler un esprit
clinique pour que cela fonctionne. Il faut que celle-ci (infirmière) se réapproprie
la clinique, sinon elle ne va pas aller vers le binôme. Quand celle-ci (infirmière)
va vers celle-ci (aide-soignante), elle est curieuse de ce qui se passe pour le
patient, elle a un regard sur le patient. Et elle passe par ici (vers l’aidesoignante) pour avoir des infos. Donc pour avoir un binôme, il faut que celle-ci
(infirmière) ressente le besoin d’aller vers celle là (aide-soignante) […]
l’organisation, oui, mais on ne peut pas s’arrêter à ça et il faut mettre du sens à
ce qu’elles font, sinon elles vont rester coller dans leur truc ».
4.4 AU DELÀ DE L’ORGANISATION DU TRAVAIL EN BINÔME
A la lecture des entretiens, je retrouve des notions importantes pour le
travail en binôme infirmier/aide-soignant comme la confiance, et le sens. De
plus, il apparait d’autres éléments intéressants, comme la formation et
l’encadrement des nouveaux arrivants, la différence de génération, et les
facteurs individuels.
4.4.1 La relation de confiance
Trois cadres sur six parlent de relation de confiance quand il s’agit de
travailler à deux :
CDS4 déclare « pour que cela fonctionne, il faut qu’il y ait de la confiance ».
CDS1 affirme « le fait de travailler avec quelqu’un, confiance, entente et qu’on
se comprenne ».
95
CDS3 explique « par exemple l’infirmière s’absente pour une entrée, l’aidesoignante va lui dire que pendant son absence « il y avait ça et je me suis
aperçu que le redon a drôlement coulé » Elle va rendre compte de ce qu’elle a
observé, il y a une étroite collaboration et un lien de confiance entre les deux».
4.4.2 Le sens
Le cadre de santé a cheminé sur sa connaissance de lui-même, la
démarche d’analyse, ses connaissances théoriques et pratiques et sur la
démarche éthique. Ainsi grâce à cela, il travaille sur le sens à donner à ses
actions. Le sens évolue en fonction des valeurs, des croyances, des
expériences et des besoins. Le cadre de santé, au-delà de son rôle
d’organisation, incite les acteurs du binôme à donner du sens à ce qu’ils font.
CDS4 déclare « j’ai peur c’est que celle-ci (l’infirmière) ait perdu le sens de la
globalité, non de la complexité du soin ». CDS4 soutient l’idée que l’un des
obstacles du travail en collaboration infirmière/aide-soignante est la perte de
l’objectif principal : la prise en charge optimale du patient. La complexité du soin
représente ici l’ensemble des éléments qui le compose, et ces éléments sont
liés les uns aux autres. Donc la perte de ces liens entraine alors une rupture
dans le travail en binôme.
Au-delà du sens, il y a le bon sens. Selon le dictionnaire Larousse : «
sentiment de ce qui est raisonnable, capacité de juger sainement.» [2].
FF1 explique « c’est du bon sens, c’est du travail d’équipe, on est là pour
travailler en équipe. La chose optimale est comme ça. Mais avec une certaine
souplesse. Après tout, on a le bon sens de nos valeurs. J’ai la culture du travail
en équipe et la continuité des soins depuis les urgences […] ce n’est pas grave
avec le travail en binôme, si elles ont beaucoup de pansements, elles priorisent
les toilettes les plus lourdes avec les aides-soignantes, puis après elles les
laissent toutes seules pour les patients plus autonomes. C’est du bon sens et
ce n’est pas toujours évident ».
96
Pourtant, le travail à deux se met en place de façon naturelle en cas de
situations de soins difficiles comme des patients en soins palliatifs.
CDS4 explique « moi, j’ai toujours privilégié les personnes les plus difficiles. Je
m’en occupais toujours avec l’aide-soignante en cancérologie. C’est la
complexité de la situation qui fait travailler en binôme proche»
4.4.3 La formation
L’origine du sens et de la collaboration se fait à partir de la formation des
soignants. Cependant, CDS4 et FF2 trouvent qu’il y a des difficultés avec les
étudiants en soins infirmiers depuis le nouveau référentiel : il y a une perte de
sens.
CDS4 argumente « et paradoxalement le programme des études n’a jamais
autant été centré sur la clinique et l’analyse des situations. Elles ne trouvent
pas le sens de cette réflexion. On ne sait pas donner du sens. Quand on
demande de faire un projet de soins, une problématique, on a réellement perdu
quelques choses. Les nouvelles infirmières, probablement pas toutes, c’est peu
de connaissances, pas de mobilisations pour jongler avec les connaissances, et
la clinique, moyen. Elles sont basées sur la technique surtout avec ce cursus de
stage, des stages de dix semaines, elles sont centrées sur ça : KT, SNG. Il
faudrait des TP en IFSI, trois stages par an donc neuf au lieu de quinze
avant !».
FF2 confirme « on voit les troisièmes années ; je pense qu’il y a un problème
avec le nouveau référentiel. Il faut faire des soins et valider. Elles ne savent
plus pourquoi elles font les choses et aucune volonté. On ne se renseigne pas
[…] J’ai entendu des élèves inf dire « je suis élève infirmière, je ne fais pas de
toilettes » j’en ai parlé aux profs mais ils m’ont répondu « vous croyiez que
vous étiez bonne en sortie d’école ». Mais je dis juste qu’on avait une autre
approche du soin».
97
Ces
deux cadres de santé, en Service de Soins et de Réadaptation,
expliquent que les étudiants sont préoccupés par la validation d’actes
techniques et finalement mettent de côté le rôle propre, surtout à partir de la
troisième année d’étude. Ainsi les futurs professionnels ont des difficultés avec
la prise en charge du patient dans sa globalité.
En revanche, CDS3 remarque une évolution au niveau de la formation aidesoignante « ce matin à l’évaluation d’une élève aide-soignante avec une
formatrice et quand elle fait le tableau des dépendances, elle touche du doigt
des choses que les infirmières ne touchent pas ». CDS4 tient un discours allant
vers la même idée « par exemple, les aides-soignantes, lors de la démarche de
soins, elles donnent les thérapeutiques avec la surveillance à faire, je trouve
que c’est énorme. Donc elles font aussi la surveillance des médicaments et du
nursing. Donc à quoi elle sert l’autre (infirmière) ? Celle-ci (infirmière) va devenir
une technicienne : endoscopie, échographie, cicatrisation dirigée, faire ce que
les médecins ne veulent plus ou ne peuvent plus faire. Et celle-ci (aidesoignante) faire ce qu’on faisait quand on sortait du diplôme prendre le patient
de A à Z. Elles vont être plus pertinentes ».
Dans le cadre conceptuel de ce mémoire, je retrouve déjà cette idée de
transfert de compétences et de division des tâches en 1951 chez Everett C.
Hughes.
La perte de sens et le manque de pertinence entraînent un défaut de
collaboration entre les infirmières et les aides-soignantes ; La formation initiale
est à l’origine, selon certaines cadres de santé rencontrées, de cette
problématique. Cependant comme j’ai relevé précédemment dans cette
analyse, le fait d’avoir été aide-soignante avant d’exercer en tant qu’infirmière
aide à comprendre la nécessité de travailler ensemble et à prendre en soins le
patient dans sa globalité.
98
4.4.4 Les générations nouvelles et anciennes
Il y a une différence de points de vue quant à la nouvelle génération de
soignants et le travail en binôme infirmier/aide-soignant.
CDS4 remarque « la nouvelle génération d’infirmière a perdu le sens de la
globalité. C'est-à-dire, elles se cantonnent aux gestes : un pansement, une perf,
un cathé central, et laissent très facilement ce qui est nursing et soins de
confort à l’aide-soignante. Mon rôle à moi c’est que cela aille dans l’autre sens.
Et dans les deux sens. […] les nouvelles infirmières ont tout à gagner à
travailler en binôme avec les anciennes aides-soignantes. Reprendre la base :
c’est quoi son job à l’infirmière ? Et les aides-soignantes ont raison de trouver
de l’autonomie et il faut les valoriser ».
CDS3 rejoint ce point de vue « conflit de génération et délit de sale gueule, une
autre façon de travailler […] les nouvelles générations de soignants sont
souvent plus hostiles aux toilettes, certaines, pas toutes dans le même panier. Il
y a des infirmières qui sont infirmières pour la technique. Mais le soin est
technique, communication et relations humaines. Et il y en a qui croit qu’elles
sont infirmières pour être des techniciennes et les toilettes : c’est aussi leur
job».
FF2 donne alors une explication « la nouvelle génération, il ne faut pas
compter dessus. C’est aussi notre tort, on a deux petites jeunes et on ne leur
montre pas l’exemple, elles travaillent comme on travaille. Quand je fais une
toilette, l’infirmière en face va faire une aide à la toilette. Il faut montrer
l’exemple, mais c’est plus confortable de rester derrière l’ordinateur ».
Trois cadres de santé sur six reprochent à la nouvelle génération d’infirmière
son manque d’implication pour le rôle propre, ceci depuis la formation. Ce qui
entraine alors un manque de collaboration avec les aides-soignantes. FF2 parle
d’un modèle défaillant, c’est à dire l’exemple que donnent des infirmières en
poste.
99
Au contraire, FF1 voit plutôt une génération influençable « les nouveaux
arrivants sont plus malléables que ceux qui sont en place. Là où j’ai de la
chance, c’est avec la mutualisation et elles se rendent compte que c’est
bénéfique de travailler en binôme. C’est ça, elles n’ont pas d’expérience de
vingt ans avec des habitudes et je ne sais pas si elles ont la philosophie métier.
Les vieilles habitudes sont toujours là, mais cela commence à prendre forme».
Les nouvelles générations sont plus enclines au changement que les
anciennes.
CDS1 reprend un exemple concernant les aides-soignantes « les difficultés, je
pense qu’il y a certaines aides-soignantes pour qui c’était confortable de ne pas
accueillir les patients et qui se sentent moins concernées. Il y a eu quelques
changements qui ont fait qu’il y eu de nouvelles d’autres services qui ont
l’habitude d’accueillir et d’installer les patients du coup, cela s’est pas trop senti.
Je pense que pour certaines, ce n’était pas leur travail, les anciennes du
service».
CDS2 explique « j’ai travaillé dans un service d’hémodialyse, où, euh, ce n’était
pas défini le rôle du binôme infirmier/aide-soignant. C’était chacun pour soi, et
cela ne s’est pas mis en place pendant le temps où j’étais infirmière là-bas.
Surtout on a essayé de miser sur la sectorisation. On partait de très loin avec
des anciennes infirmières qui étaient là depuis 37 ans et qui avaient toujours
fonctionné comme ça ».
Je constate alors d’un côté, une génération qui a du mal à quitter ses
habitudes et qui parfois, ne montre pas le bon exemple, et de l’autre, une
génération qui est en perte de sens et qui « oublie » son rôle propre.
Cependant elles ont besoin les unes des autres pour évoluer.
100
4.4.5 Les facteurs individuels
4.4.5.1 La mésentente entre les agents
Selon trois cadres de santé, la mauvaise entente entre certaines
infirmières ou aides-soignantes peut être une entrave au travail en binôme :
CDS4 explique « il y en a qui disent : « je ne veux pas travailler avec n’importe
qui » ».
CDS2 relève « c’est plus des difficultés de personnes, une infirmière qui ne veut
pas travailler avec une aide-soignante parce qu’elles ne s’entendent pas : des
contentieux de longues dates. Des fois, elles me le font remonter : « je vais
faire le soir avec elle » et je leur dis « calme toi demain, ce sera avec une
autre ». Les binômes tournent beaucoup ».
CDS3 souligne « La mésentente, c’est un milieu de femme, elles ne peuvent
pas toujours s’entendre. Elles doivent se recentrer sur le professionnel. Et
quand il y a un conflit, je ne le vois pas toujours, on ne peut pas être partout ».
Le cadre de santé a un rôle de modérateur. Les problématiques
personnelles ne doivent pas influencer le domaine professionnel. Cependant, il
n’est pas toujours présent et reconnait alors certaines limites.
4.4.5.2 Les affinités
A l’opposé de la mésentente, il y a les affinités entre collaborateurs.
CDS2 signale « j’ai deux aides-soignantes qui voulaient toujours travailler
ensemble, car elles s’entendent bien et ont la même façon de voir les choses.
Et j’ai dit ici cela ne se fait pas ».
101
FF1 soutient « il peut y avoir une question d’affinité mais on est là pour travailler
pour le patient donc il faut mettre de côté ses affinités, pour le patient. […] il faut
peut-être changer les binômes régulièrement pour éviter les rituels et les
mauvaises habitudes. Il ne faut pas que le binôme empêche d’aller aider la
collègue de l’autre secteur ».
CDS4 argumente « les binômes, il faut les diriger sinon ce sera par affinité et
cela va être bizarre ».
CDS3 complète alors « je m’aperçois bien que deux infirmières ont plus
d’affinités et travaillent ensemble. Cela peut arriver mais pas de chose comme
« j’en ai marre quand je travaille avec elle, elle ne vient jamais ». Mais dans les
équipes il y a des hauts et des bas, il faut bien en être conscient, ce sont des
montagnes russes».
Trop ou pas assez d’affinités est un obstacle à la collaboration et aux
mélanges de compétences. En effet, deux infirmières ou deux aides-soignantes
qui souhaitent toujours travailler en binôme ne permettent pas le partage. Cela
peut entrainer l’instauration de rituels et de mauvaises habitudes car il n’y a
jamais de remise en question et de renouveau.
4.4.5.3 La personnalité
La personnalité est
« ce qui constitue la personne, qui la rend
psychiquement, intellectuellement et moralement distincte de toutes les
autres. » [12].
Selon les cadres ou faisant fonction cadres de santé rencontrées, des agents
seraient solitaires, peu entrain à la collaboration ou oublieraient leur rôle propre.
CDS4 explique « après c’est dans l’ordre de ce qu’il y a dans la tête à celle-ci
(infirmière). C’est personne dépendante, affectif, état d’esprit différent, il y en a
102
qui vont spontanément vers l’autre et il y en a qui vont se cacher derrière la
technique. Elles le laissent volontiers leur rôle propre […] il y en a qui disent :
« je ne veux pas travailler avec n’importe qui »».
FF2 souligne « cela dépend de la personnalité de chacun. La dispo qu’elle
veut bien avoir ».
FF1dit « Il y a des personnes qui aiment travailler seules et cela peut être un
frein. Mais j’explique qu’il y a un bénéfice pour le patient et pour elles : « on est
moins cassé physiquement que tout seul » ».
Par exemple, la nuit, CDS2 relève « je ne suis sûre que la nuit, ils soient
satisfait du binôme : le problème de fonctionnement des gens de nuit au niveau
psychologique. Les gens de nuit aiment bien travailler seuls. Et si on met
quelqu’un avec eux, ils ont l’impression qu’on les surveille et pense qu’ils
dorment […] pas de binôme la nuit, l’aide-soignante va où on a besoin d’elle.
J’ai un infirmier qui veut travailler seul donc il ne sollicite jamais l’aidesoignante».
Pourtant FF1 affirme que le travail en binôme est évident la nuit « c’est un vrai
travail en binôme infirmier/aide-soignant ».
La personnalité des agents est un facteur important. Elle détermine la
réussite du travail en binôme. Le travail collectif peut être gêné par des
caractères individualistes. C’est au cadre de santé de rappeler le pourquoi de la
présence du soignant. Il avance les avantages de la collaboration. Le travail en
binôme se crée avec des individus avec leurs valeurs, leurs expériences et leur
personnalité. Il va au-delà d’une relation binaire, il s’inscrit dans la dynamique
d’équipe. En effet, l’infirmière et l’aide-soignante font partie, avant d’être un
binôme, d’une équipe de soins.
103
4.4.6 Le travail en équipe
Roger Mucchielli définit l’équipe comme « un groupe primaire typique, où
dominent l’unité d’esprit, la cohésion, les liens interhumains, l’engagement
personnel et l’adhésion totale des membres au groupe restreint, avec lequel ils
s’identifient. » [38, p.8]. Il précise aussi qu’une équipe de travail est : « un
groupe d’individus qui sont proches et semblables, et qui partagent un destin
commun dans les événements se rapportant à la tâche. Groupe dans lequel
des membres sont interdépendants dans l’accomplissement d’un but commun
et perçoivent cette interdépendance […] leur motivation est commune ; il y a
des interactions, une structure et une configuration de rôles complémentaires »
[38, p.102].
Dans les entretiens, il est question d’un autre membre de l’équipe : l’agent de
service hospitalier ou ASH. Trois cadres ou faisant fonction cadres de santé
parlent alors d’un binôme aide-soignant/ASH.
CDS2 développe « sinon il existe aussi le binôme aide-soignant/ASH pour
servir les repas, les ASH ne vont pas toutes seules. Non, il a fallu le rappeler,
l’aide-soignante disait à l’ASH : « t’as qu’a commencé je vais faire autre
chose » et j’ai rappelé que les repas faisait partie de leur fonction […] c’est vrai
et plus au-delà du binôme. Pour moi, L’ASH doit participer à la relève. Elles
peuvent nous dire des choses. Le patient parle avec l’ASH de ses angoisses
par rapport à sa sortie. Donc elle doit participer à la relève, à la distribution des
repas, café et collations : des petits plus. L’ASH du matin et du soir vont à la
relève du côté conventionnel. Il faut les inclure à la relève car elles travaillent
avec nous ».
CDS3 reprend cette idée de binôme mais l’ASH n’a pas sa place à la
relève « travailler ensemble c’est répartir les tâches ensemble. Il y a le binôme
aide-soignant/ASH pour la distribution des repas. Les aides-soignantes sont
garantes de la bonne distribution des repas avec les régimes alimentaires les
choses comme ça. Puis l’ASH aide à installer le patient dans le lit, le petit bras
104
musclé qui va aider un peu. Mais j’estime que les ASH n’ont rien à faire à la
relève ».
FF1 explique « pour les désinf quand les patients partent, elles (ASH) les font
rarement seules, une aide-soignante se détache. Toujours avec l’aidesoignante, jamais seule, elle aide à distribuer les repas. C’est essentiel que cela
relève du binôme, ce n’est pas du rôle ASH ».
Chaque acteur travaille en complémentarité d’un autre. Dans une équipe,
chacun a son rôle, et garde le même objectif. Ainsi le travail en binôme
infirmier/aide-soignant va plus loin qu’un simple travail à deux. D’autres
personnes interviennent : l’ASH par exemple. De plus, ce binôme ne doit pas
faire oublier les autres intervenants de l’équipe auprès du patient. Par
conséquent, FF1 argumente « il ne faut pas que le binôme empêche d’aller
aider la collègue de l’autre secteur. C’est du bon sens, c’est du travail d’équipe,
on est là pour travailler en équipe. La chose optimale est comme ça ».
4.5 LE RETOUR SUR L’HYPOTHÈSE DE DÉPART
Je reviens maintenant sur ce que cette analyse m’a permis de
comprendre.
Le travail en binôme ne se résume pas à travailler ensemble au chevet
du patient. Il demande une organisation par le cadre de santé mais aussi entre
les soignants : il se traduit souvent par une planification des soins nécessitant
d’être deux. Mais au-delà du « coup de main » et de l’entraide, il s’agit d’un état
d’esprit et d’une envie de travailler ensemble. En effet, les différentes définitions
du binôme montrent des liens et une complémentarité entre tous les acteurs,
ainsi qu’une nécessité de collaborer pour la meilleure prise en charge du
patient : une prise en charge globale. Cette complémentarité de compétences
donne alors un sens différent à cette relation binaire : cela va plus loin qu’un
soin réalisé à deux au lit du patient.
105
Travailler à deux n’est pas une évidence, d’autres facteurs entrent en ligne de
compte, comme les affinités et la formation initiale. Malgré la bonne volonté du
cadre de santé, les difficultés relationnelles et les différentes personnalités, par
exemple « les solitaires », font qu’on ne peut pas toujours faire travailler deux
personnes ensemble. Mais le cadre de santé insuffle le travail collectif en
prônant certaines valeurs et en encourageant la collaboration. Il rappelle
l’objectif principal des soins et du travail : le prendre soin du patient. Il recentre
sans cesse sur ce but en cas de litige et défaut d’organisation. La situation
influence le travail à deux : c’est sa complexité qui parfois entraîne la
collaboration. Je parlerai volontiers maintenant plus d’un travail en équipe. Le
travail en binôme infirmier/aide-soignant est une partie du travail en équipe et
permet de reconnaitre l’autre en tant que professionnel, de lui donner sa place
et accompagner le patient de façon globale et complémentaire.
Après cette analyse, je décide alors de reprendre la problématique et
l’hypothèse de ce travail de recherche.
A la problématique suivante :
Le binôme infirmier/aide-soignant est-il une réponse organisationnelle à la
qualité de la prise en charge du patient en service de soins ?
Je proposais comme hypothèse :
Le cadre de santé, par l’organisation du travail dans l’unité de soins, doit
favoriser le travail en binôme infirmier/aide-soignant afin de permettre au patient
d’avoir une prise en charge optimale.
106
Au regard de ce que j’ai appris dans ce travail, maintenant, je propose une
autre hypothèse qui pourrait être traitée :
Le cadre de santé favorise le « travailler ensemble », afin de permettre au
patient d’avoir une prise en charge optimale, par l’organisation du travail dans
l’unité de soins, son positionnement et ses valeurs. Et il tient compte de la
singularité de chacun des acteurs : de leur profession, de leur histoire et de
leur façon d’être.
107
LES
ENSEIGNEMENTS
TIRÉS
5 LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS
5.1 SUR LA DÉMARCHE ET LA MÉTHODOLOGIE DE
RECHERCHE
Ce travail de recherche m’a permis de marquer un temps d’arrêt sur une
problématique
rencontrée
dans ma
pratique
professionnelle :
en
tant
qu’infirmière, puis en tant que faisant fonction cadre de santé. Grâce à ces neuf
mois de réflexion, j’ai pu prendre du recul par rapport à mon quotidien et à
l’activité dans une unité de soins.
J’ai pris conscience que ce travail de recherche relevait d’une méthodologie
rigoureuse et scientifique. Ainsi la démarche du chercheur se fait avec patience
et accompagnée de moments de doute.
Je réalise l’importance de la question de départ, elle permet d’orienter les
recherches et de se poser les bonnes interrogations afin de formuler une
problématique et une hypothèse cohérente.
Après un démarrage flou, je vois ce travail comme un assemblage, un puzzle.
J’ai dû apprendre à m’organiser et à structurer ma pensée afin de garder les
éléments pertinents des lectures et des informations recueillies lors de la phase
conceptuelle. Cette étape de recherche théorique est une phase de rupture
nécessaire au cheminement de cet ouvrage. Je comprends que chaque idée a
son importance, à condition qu’elle ait un lien avec celle énoncée
précédemment. C’est un travail d’exploration et de lien.
Après de nombreux questionnements et de choix, je réalise une grille
d’entretien afin d’enquêter sur le terrain. Ce fut un exercice délicat car j’ai eu
des difficultés à me détacher de mon hypothèse. Mes questions étaient
orientées, c'est-à-dire, elles ne permettaient pas d’ouverture et l’émergence de
nouvelles idées. Grâce à ma directrice de mémoire, j’ai réajusté. Cependant, je
109
ne maitrise pas l’art de l’entretien et des relances. Ainsi au moment de
l’analyse, il me manquait des informations. Je regrette de ne pas avoir fait plus
d’entretien. Je pense que j’aurais dû aller rencontrer des cadres de santé en
établissement de long séjour, car au décours de l’analyse, j’ai découvert des
éléments qui nécessiteraient d’être remis en question. Ainsi j’aurais pu
réellement rompre avec des « allants de soi ».
Le travail de mise en relation des concepts et des apprentissages issus du
terrain est très intéressant. Il demande parfois de laisser de côté des notions
qui m’ont paru utiles et judicieuses pour l’évolution de ce travail. Il faut donc
faire des choix et s’y tenir.
Au début de cette « aventure », je ne me rendais pas compte de l’ampleur de
ce travail. J’ai dû apprendre à gérer mon temps et m’organiser de façon
autonome. J’ai planifié mes écrits et rencontré régulièrement ma directrice de
mémoire.
De mon expérience d’initiation à la recherche, j’ai enrichi mes
compétences et mis en évidence certains enseignements utiles à ma future
pratique.
5.2 SUR MA FUTURE FONCTION CADRE DE SANTÉ
Ce travail fait écho à une multitude de situations rencontrées durant trois
années de pratique d’encadrement en service de médecine. Je peux
maintenant mieux comprendre certains comportements et réactions. En effet,
réfléchir sur des concepts comme la collaboration, le délégation, et
l’organisation du travail, m’ a permis d’avancer dans ma conception du travail
en binôme infirmier/aide-soignant et du travail en équipe.
Ignorant où j’exercerai après mon année de formation, j’utiliserai ces
apprentissages dans ma pratique quotidienne. En effet, lors d’une situation de
110
conflit ou de problème, je mènerai une démarche d’analyse avec une recherche
d’informations. Je prendrai le temps de la réflexion et structurerai mes idées.
De plus, ce travail m’a permis de faire des progrès en rédaction et de mettre
des mots sur des idées et des concepts. Ces progrès me permettent de mieux
rédiger des documents et d’argumenter mes propos.
Finalement, je conçois mieux l’importance du rôle du cadre de santé dans
l’organisation du travail en équipe :

Rôle de communication :
Il reçoit, analyse et transmet les informations. Il encourage l’expression de ses
collaborateurs, particulièrement en situation difficile comme les conflits, une
prise en charge de patient lourde, ou tout simplement lors d’une relève. Comme
développé dans l’analyse des entretiens, ce temps de transmissions est
primordial dans le travail en équipe interdisciplinaire. Chacun doit pouvoir
communiquer des informations lors de ces moments d’échanges.

Rôle de chercheur :
Le cadre de santé
fait preuve de neutralité : pas de jugement. Il fait des
recherches, et analyse. Il formule le problème en déterminant les causes et les
conséquences. Il fait preuve de rigueur et de méthode. C’est un observateur qui
prend du recul par rapport aux faits.

Rôle de lien :
Comme développé dans le cadre conceptuel, il s’agit d’un rôle très important. Il
représente l’équipe devant les différentes instances et devant la direction. Il est,
parfois, l’intermédiaire entre les soignants et les familles. Il collabore aussi avec
111
l’équipe médicale. Il est au cœur de l’équipe soignante et coordonne les
différentes professions.

Rôle d’accompagnateur :
Il insuffle des valeurs professionnelles et encourage la participation des agents
aux décisions et aux différents projets. Il rappelle les règles et veille à leurs
applications. Il programme des temps d’échanges afin de permettre le partage
des différentes visions et l’émergence d’idées nouvelles. C’est un médiateur : il
est en position de réguler les tensions. Il encourage le respect et la
bienveillance entre les membres de l’équipe.
De cette réflexion, je comprends alors qu’il y a deux notions
fondamentales intimement liées, défendues par le cadre de santé, pour le
travail en équipe : le sens du prendre soin et l’objectif commun : la prise en
charge globale de la personne soignée.
112
CONCLUSION
CONCLUSION
Les difficultés de collaboration entre les infirmières et les aidessoignantes m’ont souvent interpellée lors de mon parcours professionnel. D’une
situation vécue en tant que faisant fonction cadre de santé en service de
médecine polyvalente, j’émets une question de départ :
Quel est le rôle du cadre de santé dans l’organisation du travail en binôme
infirmier/aide-soignant ?
Mon questionnement débouche sur une problématique :
Le binôme infirmier/aide-soignant est-il une réponse organisationnelle à la
qualité de la prise en charge du patient en service de soins ?
Et ainsi je propose cette hypothèse :
Le cadre de santé, par l’organisation du travail dans l’unité de soins, doit
favoriser le travail en binôme infirmier/aide-soignant afin de permettre au patient
d’avoir une prise en charge optimale.
Je lis et découvre beaucoup d’ouvrages et d’auteurs ayant traité de ce sujet.
Je détaille ces apprentissages théoriques dans le cadre conceptuel et fait des
liens avec l’analyse des entretiens sur le terrain auprès de cadres et faisant
fonction cadres de santé. Durant cette analyse, je découvre que :

Les types d’unités et l’ancienneté des cadres de santé dans la fonction
n’ont pas tant d’influence sur l’organisation du travail en binôme que les
facteurs individuels, comme les affinités ou la personnalité.

Les problèmes d’effectifs ne sont pas des freins au travail en binôme.

La sectorisation de l’unité n’entraine pas forcément un travail à deux.
114

La complémentarité des compétences et les visions différentes des
soignants enrichissent le travail en binôme.

L’organisation du travail en binôme dépend de la définition qu’on en
donne.
Au cours de cette année, cette initiation à la recherche m’a permis de
prendre conscience de l’intérêt du rôle de lien du cadre de santé entre les
acteurs de soins. La notion de travail en binôme s’incère dans celle du travail
d’équipe : l’infirmière et l’aide-soignante travaillent en équipe, dans l’équipe, et
avec l’équipe. Les concepts de collaboration, cohésion et partage sont des
concepts primordiaux du « travail ensemble » et à la prise en charge optimale
du patient. La personne soignée est le centre des préoccupations et des
attentions.
Je réalise l’importance des missions du cadre de santé au cœur du soin. Il est
un élément moteur et entraine un groupe d’individus vers un travail collectif
auquel il souhaite donner du sens. Ainsi au-delà de l’idée de travail en binôme
et en équipe, le cadre de santé rappelle au quotidien les missions de chacun et
le sens du prendre soin.
C’est pourquoi, cet ouvrage, à mon avis, mériterait d’être poursuivi. La
progression dans cette démarche de recherche me donne envie de continuer
ce travail et envisager d’autres réflexions. En ce sens, j’ai atteint l’objectif
essentiel de ce mémoire de fin d’études. C’est ainsi qu’en fin d’analyse, ma
réflexion m’amène à d’autres pistes de travail et hypothèses.
115
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[43]
GRAWITZ Madeleine. Lexique des sciences sociales. Paris : Edition
Dalloz, 2004, 421p.
[44]
GENOT-POK Isabelle. La relation infirmier/aide-soignant, collaboration
oui, délégation non. Soins, octobre 2014, n°689, pp.35-37.
[45]
EYMARD Chantal. Initiation à la recherche en soins et santé. Ruel
Malmaison : Editions Lamarre, aout 2003, 243p.
[46]
GOUNAND Bénédicte, RYSER Corinne. Les outils de recueil de
données : initiation. Institut de Formation de Professions de Santé Besançon,
formation cadre de santé 2015/2016, septembre 2015.
[47]
DESBONNET
Thierry.
Coopération,
« management du soigner » [en ligne]. Disponible
inter
professionnalité
et
sur
http://www.cadredesante.com/spip/profession/management/Cooperationinterprofessionnalite. (Consulté le 24.03.2016).
[48]
EFROS Dominique. Travailler en équipe, de quelle équipe et de quel
travail parle-t-on ? Soins cadres, février 2004, n°49, pp.26-29.
[49]
HESBEEN Walter. Cadre de santé de proximité - un métier au cœur du
soin. Paris : Editions Elsevier Masson, juin 2011, 155p.
[50]
MOTTA Jean-Michel. Travail en équipe : positionnement cadre envers
« l’Un-dividu »
soignant.
[en
ligne]. Disponible
sur
http://www.cadredesante.com/spip/profession/management/Travail-en-equipePositionnement. (Consulté le 16.04.2016).
122
ANNEXES
ANNEXES
ANNEXE 1
Mange Ségolène
Etudiante cadre de santé
IFPS Besançon
Grille d’entretien
Les données utilisées dans le cadre de ce travail restent strictement
confidentielles, aucun nom ne sera mentionné.
Dans le cadre de mon travail de fin d’étude, j’aborde la thématique de
l’organisation du travail et le binôme infirmier/aide-soignant.
Age :
Sexe :
Service :
Année d’obtention du Diplôme de Cadre de Santé :
Ancienneté dans le service :
De combien de personnes est constituée l’équipe de votre unité ? Infirmière et
aide-soignante
1-Pour vous, qu’est-ce qu’un binôme au travail ?
2-Lorsque vous évoquez le binôme, au quel pensez vous ?
124
3-Avez-vous déjà eu l’expérience du travail en binôme infirmier/aidesoignant en tant que soignant ?
Oui
Non
En tant que cadre de santé ?
Oui
Non
4-En tant que cadre ou faisant fonction cadre de santé, depuis que vous êtes
dans cette unité, avez-vous élaboré un projet d’organisation du travail ? Lequel
et pourquoi ?
5-Dans l’unité où vous exercez, l’organisation du travail en binôme
infirmier/aide-soignant existe-t-elle ?
Oui
Non
Si oui : qui l’a mis en place ? Quels bénéfices avez-vous pu observer ? Quelles
difficultés avez-vous identifiées?
Si non : pourquoi ?
6-Pour vous, le binôme infirmier/aide-soignant est-il une garantie de prise en
charge optimale du patient ?
Oui
Non
Si oui pourquoi ?
Si non pourquoi ?
Merci de votre collaboration.
125
Centre Hospitalier Régional Universitaire de Besançon
I.F.P.S.- Formation cadre de santé
44, chemin du sanatorium
25030 BESANCON CEDEX
Titre du mémoire : Le binôme infirmier/aide-soignant : la garantie d’une prise en
charge optimale du patient…
Ségolène MANGE
Année de formation : 2015-2016
Formation cadre de santé, option : infirmière
Résumé du mémoire :
Exerçant en unité de médecine polyvalente, j’ai constaté, tout au long de ma carrière
d’infirmière et de faisant fonction cadre de santé, les difficultés des infirmières et des
aides-soignantes à travailler ensemble. Elles ont pourtant le même but : une prise en
charge optimale de la personne soignée. Pour cela, il semble primordiale qu’elles
collaborent. Le cadre de santé est garant de la qualité des soins et organise le travail
afin de favoriser la complémentarité et le partage des compétences, afin de répondre au
mieux à cet objectif.
Le binôme infirmier/aide-soignant est-il une réponse organisationnelle à la qualité de la
prise en charge du patient en service de soins ?
Les recherches du cadre conceptuel, la rencontre des professionnels de terrain et son
analyse démontrent l’importance du travail en collaboration et du rôle du cadre de santé.
Cependant l’organisation du travail n’est pas le seul élément à prendre en compte pour
travailler à deux. Le cadre de santé par son rôle de lien, transmet à l’équipe
interdisciplinaire l’importance du sens et de l’objectif principal : le prendre soin.
Mots clés : binôme, infirmière, aide-soignante, organisation de travail, cadre de santé,
collaboration, équipe, complémentarité, sens, lien, prise en charge optimale du patient.
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