La Malle de Molière Objectif : Préparer l'intervention d'acteurs et réfléchir sur la mise en scène. Vous lirez les 3 scènes suivantes tirées de différentes comédies de Molière et répondrez aux questions suivantes : 1. Écrire un résumé de chaque scène dans un paragraphe court (entre 5 et 10 lignes). 2. Indiquez si la scène appartient plutôt à la farce ou au genre de la comédie sérieuse (comme Tartuffe). Justifiez (3 lignes). Facultatif : Quelles seraient vos idées de mise en scène pour chaque texte ? Le Bourgeois gentilhomme, II, 4 Le Bourgeois gentilhomme est une comédie-ballet, c’est-à-dire une pièce de théâtre mêlant musique et danse. L’expression « comédie-ballet » a été inventée par Molière et Jean-Baptiste Lully (qui a composé la musique du Bourgeois gentilhomme) en 1661. Un bourgeois, Monsieur Jourdain entend acquérir les manières des gens de qualité, celles d’un gentilhomme. À cet effet, il commande un nouvel habit, se lance dans l'apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie. Maître de philosophie, Monsieur Jourdain [...] Maître de philosophie : Que voulez-vous donc que je vous apprenne ? Monsieur Jourdain : Apprenez-moi l’orthographe. Maître de philosophie : Très volontiers. Monsieur Jourdain : Après vous m’apprendrez l’almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n’y en a point. Maître de philosophie : Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer selon l’ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j’ai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles parce qu’elles expriment les voix ; et en consonnes, ainsi appelées consonnes parce qu’elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer les diverses articulations des voix. Il y a cinq voyelles ou voix : A, E, I, O, U. Monsieur Jourdain : J’entends (1) tout cela. Maître de philosophie : La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A. Monsieur Jourdain : A, A. Oui. Maître de philosophie : La voix E se forme en rapprochant la mâchoire d’en bas de celle d’en haut : A, E. Une œuvre verbale et musicale 1|P a ge Monsieur Jourdain : A, E, A, E. Ma foi ! oui. Ah ! que cela est beau ! Maître de philosophie : Et la voix I en rapprochant encore davantage les mâchoires l’une de l’autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I. Monsieur Jourdain : A, E, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive la science ! Maître de philosophie : La voix O se forme en rouvrant les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas : O. Monsieur Jourdain : O, O. Il n’y a rien de plus juste. A, E, I, O, I, O. Cela est admirable ! I, O, I, O. Maître de philosophie : L’ouverture de la bouche fait justement comme un petit rond qui représente un O. Monsieur Jourdain : O, O, O. Vous avez raison, O. Ah ! la belle chose, que de savoir quelque chose ! Maître de philosophie : La voix U se forme en rapprochant les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les deux lèvres en dehors, les approchant aussi l’une de l’autre sans les rejoindre tout à fait : U. Monsieur Jourdain : U, U. Il n’y a rien de plus véritable : U. Maître de philosophie : Vos deux lèvres s’allongent comme si vous faisiez la moue : d’où vient que si vous la voulez faire à quelqu’un, et vous moquer de lui, vous ne sauriez lui dire que : U. Monsieur Jourdain : U, U. Cela est vrai. Ah ! que n’ai-je étudié plus tôt, pour savoir tout cela ? Maître de philosophie : Demain, nous verrons les autres lettres, qui sont les consonnes. Monsieur Jourdain : Est-ce qu’il y a des choses aussi curieuses qu’à celles-ci ? Maître de philosophie : Sans doute. La consonne D, par exemple, se prononce en donnant du bout de la langue au-dessus des dents d’en haut ! Da. Monsieur Jourdain : Da, da. Oui. Ah ! les belles choses ! les belles choses ! Maître de philosophie : L’F en appuyant les dents d’en haut sur la lèvre de dessous : Fa. Monsieur Jourdain : Fa, fa. C’est la vérité. Ah ! mon père et ma mère, que je vous veux de mal ! Maître de philosophie: Et l’R, en portant le bout de la langue jusqu’au haut du palais, de sorte qu’étant frôlée par l’air qui sort avec force, elle lui cède, et revient toujours au même endroit, faisant une manière de tremblement : Rra. Monsieur Jourdain : R, r, ra, R, r, r, r, r, ra. Cela est vrai. Ah ! l’habile homme que vous êtes ! et que j’ai perdu de temps ! R, r, r, ra. Maître de philosophie : Je vous expliquerai à fond toutes ces curiosités. Monsieur Jourdain : Je vous en prie. Au reste, il faut que je vous fasse une confidence. Je suis amoureux d’une personne de grande qualité, et je souhaiterais que vous m’aidassiez à lui écrire quelque chose dans un petit billet (2) que je veux laisser tomber à ses pieds. Maître de philosophie : Fort bien. Monsieur Jourdain : Cela sera galant (3), oui ? Maître de philosophie : Sans doute. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ? Monsieur Jourdain : Non, non, point de vers. Maître de philosophie : Vous ne voulez que de la prose ? Monsieur Jourdain : Non, je ne veux ni prose ni vers. Maître de philosophie : Il faut bien que ce soit l’un ou l’autre. Monsieur Jourdain : Pourquoi ? 2|P a ge Maître de philosophie : Par la raison, Monsieur, qu’il n’y a pour s’exprimer que la prose ou les vers. Monsieur Jourdain : Il n’y a que la prose ou les vers ? Maître de philosophie : Non, Monsieur : tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui n’est point vers est prose. Monsieur Jourdain : Et comme l’on parle, qu’est-ce que c’est donc que cela ? Maître de philosophie : De la prose. Monsieur Jourdain : Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit », c’est de la prose ? Maître de philosophie : Oui, Monsieur. Le mot « bourgeois » désigne tout d’abord l’habitant d’un bourg (un gros village où se tiennent les marchés) et plus généralement d’une ville. L’habitant de villes commerçantes devient vite synonyme d’aisance et de possession de droits et de biens immobiliers. Plus tard, le bourgeois se définit par son appartenance à un groupe social aisé, la bourgeoisie. Déjà, à l’époque de Molière, le bourgeois a des rêves de noblesse. Monsieur Jourdain : Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse (4)rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ; mais je voudrais que cela fût mis d’une manière galante, que cela fût tourné gentiment (5). Maître de philosophie : Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d’un… Monsieur Jourdain : Non, non, non, je ne veux point tout cela ; je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Maître de philosophie : Il faut bien étendre un peu la chose. Monsieur Jourdain : Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais tournées à la mode ; bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre. Maître de philosophie : On les peut mettre premièrement comme vous avez dit. Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien :D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour. Monsieur Jourdain : Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ? Maître de philosophie: Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Monsieur Jourdain : Cependant je n’ai point étudié, et j’ai fait cela tout du premier coup. Je vous remercie de tout mon cœur, et vous prie de venir demain de bonne heure. Maître de philosophie : Je n’y manquerai pas. Monsieur Jourdain à son laquais : Comment ? mon habit n’est point encore arrivé ? Second laquais : Non, Monsieur. Monsieur Jourdain : Ce maudit tailleur me fait bien attendre pour un jour où j’ai tant d’affaires. J’enrage. Que la fièvre quartaine puisse serrer bien fort le bourreau de tailleur ! Au diable le tailleur ! La peste étouffe le tailleur ! Si je le tenais maintenant, ce tailleur détestable, ce chien de tailleur-là, ce traître de tailleur, je… 3|P a ge Notes : 1 - Je comprends. 2 - Courte lettre. 3 - Élégant, gracieux et distingué. 4 - Verbe « savoir » au subjonctif imparfait. 5 - Joliment, avec élégance, noblesse. Le Misanthrope, II, 1 Alceste hait l'humanité tout entière, y dénonce l'hypocrisie, la couardise et la compromission. Mais il aime pourtant Célimène, coquette et médisante. Le vertueux se lance ainsi dans des combats perdus d'avance qui l'acculent à la fuite… Molière y critique les mœurs de la Cour, l'hypocrisie qui règne dans cette société du paraître, où les comportements frisent la parodie. CÉLIMÈNE : Mais de tout l’univers vous devenez jaloux. ALCESTE : C’est que tout l’univers est bien reçu de vous. CÉLIMÈNE : C’est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée, Puisque ma complaisance est sur tous épanchée ; Et vous auriez plus lieu de vous en offenser, Si vous me la voyiez sur un seul ramasser. ALCESTE : Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie, Qu’ai-je de plus qu’eux tous, Madame, je vous prie ? CÉLIMÈNE : Le bonheur de savoir que vous êtes aimé. ALCESTE : Et quel lieu de le croire a mon cœur enflammé ? CÉLIMÈNE : Je pense qu’ayant pris le soin de vous le dire, Un aveu de la sorte a de quoi vous suffire. ALCESTE : Mais qui m’assurera que, dans le même instant, Vous n’en disiez peut-être aux autres tout autant ? CÉLIMÈNE : Certes, pour un amant, la fleurette est mignonne, Et vous me traitez là de gentille personne. Hé bien ! Pour vous ôter d’un semblable souci, De tout ce que j’ai dit je me dédis ici, Et rien ne saurait plus vous tromper que vous-même : Soyez content. ALCESTE : Morbleu ! faut-il que je vous aime ? Ah ! que si de vos mains je rattrape mon cœur, Je bénirai le Ciel de ce rare bonheur ! Je ne le cèle pas, je fais tout mon possible À rompre de ce cœur l’attachement terrible ; Mais mes plus grands efforts n’ont rien fait jusqu’ici, Et c’est pour mes péchés que je vous aime ainsi. CÉLIMÈNE : Il est vrai, votre ardeur est pour moi sans seconde. 4|P a ge ALCESTE : Oui, je puis là-dessus défier tout le monde. Mon amour ne se peut concevoir, et jamais Personne n’a, Madame, aimé comme je fais. CÉLIMÈNE : En effet, la méthode en est toute nouvelle, Car vous aimez les gens pour leur faire querelle ; Ce n’est qu’en mots fâcheux qu’éclate votre ardeur, Et l’on n’a vu jamais un amant si grondeur. ALCESTE : Mais il ne tient qu’à vous que son chagrin ne passe. À tous nos démêlés coupons chemin, de grâce, Parlons à cœur ouvert, et voyons d’arrêter... Le Malade imaginaire, III, 10 La pièce tourne essentiellement autour d'Argan, qui est le « malade imaginaire » qui a donné son titre à la pièce. Veuf, il s'est remarié avec Béline qui simule des soins attentifs, mais n'attend en réalité que la mort de son mari pour hériter. Il se fait faire des saignées, des purges et prend toutes sortes de remèdes, dispensés par des médecins pédants et soucieux davantage de complaire à leur patient que de la santé de celuici. Toinette, sa servante, se déguise en médecin et lui dispense des conseils pleins d'ironie où elle se moque du ridicule des médecins. Angélique, sa fille, aime Cléante au grand dépit d'Argan. Il préférerait voir sa fille mariée à Thomas Diafoirus lui-même médecin. Pour les tirer d'affaire, Toinette recommande à Argan de faire le mort. Sa femme est appelée par Toinette, et manifeste sa joie d'être débarrassée de son mari devant celui-ci, qu'elle croit mort. Toinette appelle ensuite Angélique, qui manifeste un chagrin sincère de la mort de son père : celui-ci arrête aussitôt son jeu et accepte l'union de sa fille avec Cléante, à la condition que ce dernier devienne médecin. Son frère, Béralde, lui conseille de devenir médecin luimême, ce qu'il accepte. La pièce se termine par une cérémonie bouffonne d'intronisation d'Argan à la médecine. Scène 10 - TOINETTE, en médecin, ARGAN, BERALDE TOINETTE Monsieur, je vous demande pardon de tout mon coeur. ARGAN Cela est admirable. TOINETTE Vous ne trouverez pas mauvais, s'il vous plaît, la curiosité que j'ai eue de voir un illustre malade comme vous êtes; et votre réputation, qui s'étend partout, peut excuser la liberté que j'ai prise. 5|P a ge ARGAN Monsieur, je suis votre serviteur. TOINETTE Je vois, monsieur, que vous me regardez fixement. Quel âge croyez-vous bien que j'aie? ARGAN Je crois que tout au plus vous pouvez avoir vingt-six ou vingt-sept ans. TOINETTE Ah! ah! ah! ah! ah! j'en ai quatre-vingt-dix. ARGAN Quatre-vingt-dix! TOINETTE Oui. Vous voyez en effet des secrets de mon art, de me conserver ainsi frais et vigoureux. ARGAN Par ma foi, voilà un beau jeune vieillard pour quatre-vingt-dix ans! TOINETTE Je suis médecin passager, qui vais de ville en ville, de province en province, de royaume en royaume, pour chercher d'illustres matières à ma capacité, pour trouver des malades dignes de m'occuper, capables d'exercer les grands et beaux secrets que j'ai trouvés dans la médecine. Je dédaigne de m'amuser à ce menus fatras de maladies ordinaires, à ces bagatelles de rhumatismes et de fluxions, à ces fièvrotes, à ces vapeurs et à ces migraines. Je veux des maladies d'importance, de bonnes fièvres continues, avec des transports au cerveau, de bonnes fièvres pourprées, de bonnes pestes, de bonnes hydropisies formées, de bonnes pleurésies avec des inflammations de poitrine: c'est là que je me plais, c'est là que je triomphe; et je voudrais, monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l'agonie, pour vous montrer l'excellence de mes remèdes et l'envie que j'aurais de vous rendre service. ARGAN Je vous suis obligé, monsieur, des bontés que vous avez pour moi. TOINETTE Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l'on batte comme il faut. Ah! je vous ferai bien aller comme vous devez. Ouais! ce pouls-là fait l'impertinent; je vois bien que vous ne me connaissez pas encore. Qui est votre médecin? ARGAN Monsieur Purgon. 6|P a ge TOINETTE Cet homme-là n'est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade? ARGAN Il dit que c'est du foie, et d'autres disent que c'est de la rate. TOINETTE Ce sont tous des ignorants. C'est du poumon que vous êtes malade. ARGAN Du poumon? TOINETTE Oui. Que sentez-vous? ARGAN Je sens de temps en temps des douleurs de tête. TOINETTE Justement, le poumon. ARGAN Il me semble parfois que j'ai un voile devant les yeux. TOINETTE Le poumon. ARGAN J'ai quelquefois des maux de coeur. TOINETTE Le poumon. ARGAN Je sens parfois des lassitudes par tous les membres. TOINETTE Le poumon. ARGAN Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c'étaient des coliques. TOINETTE Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez? ARGAN Oui, monsieur. 7|P a ge TOINETTE Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin. ARGAN Oui, monsieur. TOINETTE Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de dormir? ARGAN Oui, monsieur. TOINETTE Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture? ARGAN Il m'ordonne du potage. TOINETTE Ignorant! ARGAN De la volaille. TOINETTE Ignorant! ARGAN Du veau. TOINETTE Ignorant! ARGAN Des bouillons. TOINETTE Ignorant! ARGAN Des oeufs frais. TOINETTE Ignorant! ARGAN Et, le soir, de petits pruneaux pour lâcher le ventre. 8|P a ge TOINETTE Ignorant! ARGAN Et surtout de boire mon vin fort trempé. TOINETTE Ignorantus, ignoranta, Ignorantum. Il faut boire votre vin pur, et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros boeuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner. Votre médecin est une bête. Je veux vous en envoyer un de ma main; et je viendrai vous voir de temps en temps, tandis que je serai en cette ville. ARGAN Vous m'obligerez beaucoup. TOINETTE Que diantre faites-vous de ce bras-là? ARGAN Comment? TOINETTE Voilà un bras que je me ferais couper tout à l'heure, si j'étais que de vous. ARGAN Et pourquoi? TOINETTE Ne voyez-vous pas qu'il tire à soi toute la nourriture, et qu'il empêche ce côté-là de profiter? ARGAN Oui; mais j'ai besoin de mon bras. TOINETTE Vous avez là aussi un oeil droit que je me ferais crever, si j'étais à votre place. ARGAN Crever un oeil? TOINETTE Ne voyez-vous pas qu'il incommode l'autre, et lui dérobe sa nourriture? Croyez-moi, faitesvous-le crever au plus tôt: vous en verrez plus clair de l'oeil gauche. ARGAN Cela n'est pas pressé. 9|P a ge TOINETTE Adieu. Je suis fâché de vous quitter si tôt; mais il faut que je me trouve à une grande consultation qui doit se faire pour un homme qui mourut hier. ARGAN Pour un homme qui mourut hier? TOINETTE Oui: pour aviser et voir ce qu'il aurait fallu lui faire pour le guérir. Jusqu'au revoir. ARGAN Vous savez que les malades ne reconduisent point. BERALDE Voilà un médecin, vraiment, qui paraît fort habile! ARGAN Oui; mais il va un peu bien vite. BERALDE Tous les grands médecins sont comme cela. ARGAN Me couper un bras et me crever un oeil, afin que l'autre se porte mieux! J'aime bien mieux qu'il ne se porte pas si bien. La belle opération, de me rendre borgne et manchot! 10 | P a g e