Institut de Formation de Professions de Santé Formation infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex TRAVAIL EN COLLABORATION ET QUALITE DES SOINS UE concernées : UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques UE 6.2 S6 : Anglais rédaction de l’abstract du travail de fin d’étude Présenté par : CROUAIL Merryl STEFANUTTI Marie-Luce HARTMAN Lisa GRANDJEAN Elodie Promotion 2012/2015 Formateur de guidance : LAUER Karine Institut de Formation de Professions de Santé Formation infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex TRAVAIL EN COLLABORATION ET QUALITE DES SOINS UE concernées : UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques UE 6.2 S6 : Anglais rédaction de l’abstract du travail de fin d’étude Présenté par : CROUAIL Merryl STEFANUTTI Marie-Luce HARTMAN Lisa GRANDJEAN Elodie Promotion 2012/2015 Formateur de guidance : LAUER Karine « La plupart des activités humaines ne sont pas des activités individuelles et solitaires : elles sont le produit des actions concertées et coordonnées de plusieurs personnes » Romelaer, professeur des universités à Paris, 2002. Remerciements A Karine LAUER, notre formatrice de guidance, pour nous avoir accompagné tout au long de notre travail, Aux professionnels de santé qui ont participé aux entretiens, A nos familles respectives pour leur présence, leur soutien et leurs encouragements lors de nos trois années d'études. Lexique et liste des abréviations APA : Professeur d’Activités Physiques Adaptées ARS : Agence Régional de la Santé AS : Aide-soignant(e) CHRU : Centre Hospitalier Régional Universitaire DESADAPTATION POSTURALE : pathologie courante chez la personne âgée. C’est un vieillissement neurologique affectant les zones de régulation du mouvement entraînant une perte des schémas moteurs normaux de mobilité. La principale caractéristique est la rétropulsion (ou déséquilibre arrière) à laquelle sont associés les réactions d’agrippement. EHPAD : Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes GIR : Groupes Iso-Ressources ; L’évaluation à l’aide de la grille Aggir (« autonomie gérontologie groupes iso-ressources ») permet aux professionnels de déterminer le degré de dépendance d’une personne âgée. Il existe six degrés de dépendance, correspondant à six « groupes iso-ressources » (Gir). C’est à l’issue du classement en Gir qu’est proposée une prise en charge répondant aux besoins de la personne âgée. GRIEPS (Groupe de Recherche et d’Intervention pour l’Education permanente des Professionnels de la Santé) HAS : Haute Autorité de Santé HEMATURIE MICROSCOPIQUE : Présence de sang dans les urines émises lors d’une miction. Microscopique si norme ≥ 5–10 hématies/mm3 OMS : Organisation Mondiale de la Santé PYELONEPHRITE : infection et inflammation d'origine bactérienne, de l'appareil urinaire dans sa partie haute (rein). Le germe responsable est souvent l’ Escherichia coli. SYNDROME DYSEXECUTIF : atteinte des fonctions exécutives, c’est-à-dire difficulté ou impossibilité pour une personne de développer et de planifier un comportement dirigé vers un but. On observe ainsi une baisse des capacités d’attention et une baisse d’efficacité dans la gestion des tâches exigeant une attention. Dans les démences fronto-temporales, le syndrome dysexécutif est volontiers associé à une agitation, une agressivité, tandis que les troubles de l’attention sont plus souvent associés à l’apathie. Sommaire 1. Introduction .......................................................................................... p.1 2. Situation d’appel .................................................................................. p.2 2.1. Questionnement .................................................................. p.3 2.2. Question de départ ............................................................. p.3 3. La collaboration ................................................................................... p.4 3.1. Définition ............................................................................. p.4 3.2. Différence entre collaboration et coopération ....................... p.5 3.3. Législation ........................................................................... p.5 3.4. Enjeux du travail en collaboration ....................................... p.6 3.5. Facteurs favorisants et facteurs limitants ............................. p.7 3.5.1. Facteurs favorisants ........................................... p.7 3.5.2. Facteurs limitants ............................................... p.8 3.6. Moyens d’amélioration et projets en cours ........................... p.10 4. La communication ................................................................................ p.11 4.1. Définition .............................................................................. p.11 4.2. La communication selon Shannon ....................................... p.11 4.3. Les différents modes de communication .............................. p.12 4.3.1. Communication verbale ...................................... p.12 4.3.2. Communication non verbale ............................... p.13 4.4. La communication dans notre métier .................................. p.13 5. Les transmissions ............................................................................... p.14 5.1. Historique des transmissions. .............................................. p.14 5.2. Généralités ......................................................................... p.14 5.3. Les transmissions écrites .................................................... p.15 5.4. Les transmissions orales ..................................................... p.15 5.5. Législation ........................................................................... p.16 6. Qualité des soins ................................................................................. p.17 6.1. Introduction ......................................................................... p.17 6.2. Définitions de la qualité des soins ....................................... p.17 6.2.1. Selon l’OMS ....................................................... p.17 6.2.2. Selon Avedis Donabedian ................................... p.17 6.2.3. Selon Walter Hesbeen. ....................................... p.17 6.3. Les critères de qualité ......................................................... p.18 6.4. Différents points de vue de la qualité des soins ................... p.18 6.4.1. Du point de vue législatif et réglementaire. ......... p.18 6.4.2. Du point de vue des professionnels interrogés .. p.19 6.5. Les enjeux et impacts de la qualité ..................................... p.19 7. La problématique ................................................................................ p.20 8. Conclusion ......................................................................................... p.21 9. Bibliographie ....................................................................................... p.22 10. Annexe ................................................................................................ p.25 1. INTRODUCTION 1 Historiquement, dans le secteur de la santé, les rôles étaient répartis entre le médecin, qui décidait, et les infirmières, qui exécutaient. A partir des années 40, l'évolution des techniques, des connaissances, mais aussi l'humanisation des soins ont eu un impact sur l’organisation du système de santé français. La complexité de ce système alors associée à celle des multiples dimensions de problèmes de santé et de prise en soin a nécessité l’apparition de nouveaux professionnels paramédicaux. Ces derniers, ont notamment, du fait de leurs savoirs, de leurs connaissances (liés à leur profession), demandé une certaine autonomie dans leur exercice. De ce fait, les professionnels ont dû apprendre à travailler ensemble. Dans le domaine de la santé, le concept de collaboration a alors pris toute sa dimension et il semblerait que cela ait eu un impact sur la qualité des soins. Nous avons donc, d’un commun accord, décidé de mener nos recherches sur les concepts de « travail en collaboration » et de « qualité des soins ». Nous avons également mené des entretiens semi-directifs auprès de deux IDE* ainsi qu’un ergothérapeute et d’un APA*. Ces professionnels interviennent dans un service hospitalier de gériatrie. Nous avons fait le choix de ce service du fait du vieillissement de la population et du nombre de personnes âgées hospitalisées chaque année (selon l’ARS*, 33 800 personnes âgées de 75 ans et plus sont hospitalisées chaque année en Franche-Comté). De ce fait, nous serons amenés à les prendre en soin quel que soit le lieu où nous exercerons. La profession infirmière se trouve au centre de la prise en charge des patients, elle est le lien direct entre l'équipe médicale et paramédicale. Il est nécessaire pour l'infirmière de collaborer au quotidien avec l'ensemble des professionnels, et pas uniquement avec le médecin. Notre situation de départ, vécue par l’une d’entre nous, traite notamment du travail en collaboration entre une étudiante infirmière et une ergothérapeute auprès d’une personne âgée. 2. SITUATION D’APPEL 2 Mme R., 92 ans, veuve, vit en EHPAD* depuis le 19 mars 2012. Auparavant, elle vivait seule à domicile avec des aides (auxiliaire de vie, infirmière) 7 jours sur 7 et la présence constante d’une personne la nuit et se déplaçait avec un déambulateur. En février/mars 2012, elle a été adressée dans un centre de soins de suite pour un déficit mnésique, un syndrome dysexécutif*, un ralentissement global et des troubles du langage. Elle présentait également des phases de déambulation nocturne avec désorientation temporo-spatiale et comportement inadapté. Son degré d’autonomie a été évalué au niveau GIR* 2 d’où son entrée en EHPAD avec son accord. En avril 2013, Madame R. est hospitalisée en urgence pour hématurie microscopique* sur pyélonéphrite*. Depuis, cette hospitalisation Madame R. crie à chaque mobilisation «imposée», présente une confusion réversible ainsi qu’une désadaptation posturale*. Elle demeure au fauteuil, a besoin d’une prise en charge pour les activités de la vie courante mais ses fonctions intellectuelles ne sont pas totalement altérées ; elle comprend ce que nous lui disons, répond à nos questions, donne des explications cohérentes. Je devais donc prendre Mme R. en charge pour les soins de nursing. Les soignants m’avaient donné pour seules informations que Mme R. criait lorsque l’on s’occupait d’elle et que je pouvais lui faire la toilette au lavabo. La prise en charge fut difficile pour moi car je ne savais plus comment m’y prendre avec elle, en effet, elle criait lorsque je la levais de son lit, lorsque je tentais la mobilisation dans le lit… J’utilisai toutes les méthodes que je connaissais : ergonomie, communication, négociation… j’essayai même la toilette au lit, rien n’y faisait. Je cherchai donc la meilleure solution mais en vain. Jusqu’au jour, où, l’ergothérapeute du service vint prendre en charge Mme R, Elle intervenait quelques jours par semaine dans l’EHPAD et en extra-hospitalier à la demande de la famille. Je lui expliquai la situation, mes difficultés, celles de Mme R. Nous avons beaucoup échangé sur la pathologie, et aussi pourquoi Mme R. réagissait ainsi… Nous avons donc travaillé ensemble afin de permettre à Mme R. de retrouver ses automatismes et de l’assurance. L’ergothérapeute, ne venant pas tous les matins, me demanda, dans la mesure du possible, d’appliquer ses conseils dans la prise en charge de la résidente afin d’assurer une continuité des soins et une prise en charge optimale. Ce que je fis. Ici l’ergothérapeute m’a donné les « clefs » afin d’améliorer et faciliter certaines situations et m’a aidé à gérer mes difficultés dans la prise en charge de cette résidente. 3 La participation de toute une équipe et un suivi régulier dans la prise en charge montre bien qu’il est possible de changer les choses, pour le bien-être des personnes mais aussi celui des soignants. Il faut également aller chercher les informations auprès des personnes ressources, s’appuyer sur leurs connaissances, se remettre en question. 2.1 Questionnement En regard de cette situation, voici le questionnement que nous avons pu dégager: - Est-ce que le fait d’aller chercher les connaissances auprès de personnes ressources (ici l’ergothérapeute) et de travailler en collaboration avec elles a un impact sur la qualité des soins ? - En quoi le travail effectué entre l’étudiante et l’ergothérapeute a-t-il eu un impact sur l’évolution (bénéfique) de la prise en soins de Mme R. ? Pourquoi ? Quels sont les éléments qui y ont contribué ? - La participation de toute une équipe, une continuité des soins, des transmissions d’informations sont-ils des facteurs contribuant à des résultats optimaux de prise en soins ? - Dans notre métier, nous entendons souvent les soignants dire « nous n’avons pas le temps » mais avec de l’organisation, des connaissances, de la collaboration, du suivi régulier, des transmissions faites… serait-il possible de gagner du temps mais également, dans la situation ci-dessus, un confort de soin ? - La complexité des prises en charge et l’évolution des besoins des patients amènent-ils les équipes de soins à devoir de plus en plus travailler en interdisciplinarité ? - Quels sont les enjeux de ce travail en interdisciplinarité ? Quels en sont les freins ? - Comment améliorer la collaboration ? Cette situation ainsi que notre questionnement, nous ont permis, avec l’aide de notre formatrice de guidance, d’aboutir à notre question de départ. 2.2 Question de départ Question de départ : Comment le travail en collaboration entre les infirmières et les équipes paramédicales dans un service hospitalier de gériatrie, peut-il impacter la qualité des soins auprès des personnes âgées ? 3. LA COLLABORATION 4 Selon la définition de l’OMS*, « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». De ce fait, la prise en charge des patients ne peut plus être uniquement centrée sur leur pathologie et doit adopter une vision globale, ce qui implique un travail en collaboration entre les différents professionnels intervenant auprès des patients. 3.1 Définition Le terme « collaboration » vient du latin « cum labore » qui signifie « travailler avec ». L’IDE 2 complète cette définition par « travailler en équipe ». Selon le Petit Robert, 1995, la collaboration « est un travail en commun ; un travail entre plusieurs personnes qui génère la création d’une œuvre commune ». Selon D’Amour, infirmière et professeure à la faculté des sciences infirmières à Montréal (1997), « la collaboration interprofessionnelle est faite d’un ensemble de relations et d’interactions qui permettent ou non à des professionnels de mettre en commun, de partager leurs connaissances, leur expertise, leurs habiletés pour les mettre, de façon concomitante au service des clients et pour le plus grand bien des clients ». Elle comprend aussi « la structuration d’une action collective à travers le partage de l’information et de la prise de décision dans les processus cliniques […] avec des structures englobantes ». Elle nous explique ainsi que le travail en collaboration n’est possible que si la culture institutionnelle permet aux différents professionnels de pouvoir travailler ensemble (1). La collaboration interprofessionnelle dans le domaine de la santé, selon le professeur Diane Morin, consiste en une action collective visant à coordonner les actions et services auprès des patients et de leur entourage. Ce travail en collaboration nécessite ainsi une communication entre les différents professionnels ainsi qu’un apprentissage collectif (2). En effet, les différents professionnels interrogés insistent sur l’importance de la communication et des échanges pour pouvoir collaborer. Mais, l’IDE 1 et l’IDE 2 avouent qu’une formation au travail en collaboration n’est pas leur priorité. Cependant, les termes de « collaboration » et « coopération » sont souvent confondus et utilisés à tort. C’est pourquoi nous avons cherché ce qui fait la différence entre ces deux termes. 5 3.2 Différence entre collaboration et coopération Selon Jean Heutte, enseignant et Maitre de conférences en sciences de l’éducation (3), la différence entre le travail en collaboration et celui en coopération se situe essentiellement au niveau des interactions entre les membres du groupe. En effet, dans la coopération, la répartition du travail se fait de manière claire entre les participants, chacun a sa tâche et sera responsable de celle-ci. Le travail s’effectue en parallèle. L’assemblement des différents travaux assignés permet d’obtenir le travail final. Alors que dans une pratique collaborative, il n’y a pas de répartition proprement dite des tâches. Les différents membres travaillent ensemble et le groupe devient une entité à part entière, avec sa responsabilité collective. De cette manière, ce type de travail nécessite une constante communication entre ses intervenants afin de viser une cohérence de groupe permettant d’atteindre l’objectif final. Notre analyse des différents entretiens menés nous amène à la conclusion que les professionnels interrogés allient coopération et collaboration. Ils ont exprimé le fait que chaque intervenant à ses tâches bien définies, qu’ils communiquent entre eux et que dans ce service, le but commun est l’autonomie du patient. Ici, chacun est responsable de son rôle et l’autonomisation du patient ne s’obtient que par la somme de leurs interventions, et non pas d’un travail collectif. Ainsi, nous comprenons bien que la pratique IDE relève du travail en collaboration, puisqu’elle doit s’accorder avec les autres professionnels intervenant autour des patients. 3.3 Législation La circulaire n°96-31 du 19 janvier 1996 relative au rôle et aux missions des aides-soignants et auxiliaires de puéricultures définit la collaboration dans les établissements hospitaliers comme : Personne qui concourt à l'activité professionnelle d'une autre personne de manière ponctuelle ou continue. 6 Elle liste également les actes de collaboration autorisés : Collaboration dans les soins d'hygiène (hygiène corporelle, alimentaire, aide à l'installation des patients pour les repas etc.), Collaboration dans la surveillance des patients (identification des changements des comportements du patient et information de l'infirmier en vue d'une action sur les soins à adapter), Collaboration dans l'aide apportée aux personnes ayant perdu leur autonomie (habillement, repas etc.), Collaboration dans l'hygiène du patient et de son environnement (4). Article R 4311-4 du Code de la Santé Publique : « Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-psychologiques qu'il encadre et dans la limite de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation ». (5) Il n'existe pas de délégation de compétence entre l'AS* et l'IDE. Depuis 2010, l’HAS* adopte les termes de « coopération entre professionnels de santé » ou « coopération interprofessionnelle » dans les documents qu’elle propose afin de garantir des soins de qualité aux patients partout en France (6). Cependant, le travail collaboratif entre l’infirmier et les autres professionnels du paramédical n’est pas légiféré. 3.4 Enjeux du travail en collaboration Selon le professeur Sylvie Nezelof, responsable de service en psychiatrie infanto-juvénile au CHRU* de Besançon, le travail en collaboration a de nombreux intérêts tant pour le patient que pour les professionnels de la santé. En effet, la rencontre et le travail en commun de plusieurs disciplines engendre une synergie et une émulsion dans le groupe, poussant ce dernier à donner le meilleur au patient. Il permet également une co-construction de la prise en charge du patient (chacun apporte sa pierre pour fonder un mur commun), ce qui permet d’apporter une attention globale et individuelle à la personne : le patient se sent porté par un courant, un objectif commun mais bénéficie d’attentions particulières en fonction des spécialités des professionnels gravitant autour de lui (7). 7 Le professeur Diane Morin étaye ces propos en affirmant que le travail collaboratif a des répercussions sur : Le patient, avec une amélioration de la qualité de vie et de la capacité de décision partagée, Les professionnels, permettant ainsi un enrichissement des compétences et des connaissances de chacun, Le système de soins, offrant ainsi une gamme de services plus étendue, une réduction du temps d’attente, une amélioration de l’accès aux soins et donc une meilleure continuité des soins (8). Par ailleurs, le Docteur Sophie Tremblay-Paquet, exerçant en service de radiologie au Canada, ajoute à ces notions que la formation au travail en collaboration permet d’obtenir un milieu de travail plus harmonieux où la sécurité du patient est améliorée, la valorisation professionnelle de chacun exacerbée, et la communication entre les membres efficace (9). Les professionnels interviewés nous apportent d’autres éléments quant à l’intérêt du travail en collaboration, tels que la prise en charge globale du patient et la complémentarité des actions menées. L’IDE 2 rajoute qu’il est impossible de travailler seul. De cette manière, le fait de travailler en interdisciplinarité permet d’envisager une prise en charge globale des patients mais aussi d’améliorer la qualité des soins proposés. 3.5 Facteurs favorisants et facteurs limitants 3.5.1 Facteurs favorisants Pour Jean-François Chanlat, professeur en sciences des organisations à l’université Paris Dauphine, six éléments influencent la réussite d’un travail en collaboration : Un projet, une finalité et des objectifs collectifs, Un espace temps commun pour pouvoir partager les informations, se rencontrer régulièrement, échanger ce qui favorise également les relations humaines entre les intervenants, Un univers symbolique partagé et un langage commun, Un travail reconnu et valorisé de chacun, Une hiérarchie légitime : même si chaque intervenant est essentiel au bon fonctionnement de l’équipe et à l’atteinte des objectifs, il est nécessaire de nommer un « leader » au sein de cette équipe, favorisant ainsi la coordination des actions, 8 Une éthique de la responsabilité et de la solidarité dans une optique de respect mutuel (10). Guy Le Boterf, Docteur en lettres et sciences humaines, reprend ainsi les propos de JeanFrançois Chanlat en distinguant trois conditions devant être réunies pour favoriser le travail en interdisciplinarité : Le « savoir coopérer » comprenant un langage et des valeurs communes entre les intervenants, d’où l’importance de la communication et de la construction d’une compréhension réciproque afin de mettre en place des objectifs et un projet communs, base du travail collaboratif, Le « pouvoir coopérer » nécessitant un référent de projet qui assurera les conditions du bon fonctionnement, et un décloisonnement des professions afin que chaque membre du groupe de travail conserve son identité professionnelle tout en évitant les glissements de tâches et confusion des rôles de chacun, Et le « vouloir coopérer » impliquant une adhésion des participants au projet, qui, avec du temps et de l’énergie, aboutira à des relations de confiance entre eux (11). Nous comprenons ainsi que le travail collaboratif nécessite une équipe, avec son leader, ses membres au rôle défini et ayant envie de participer au projet, définissant ensemble un objectif commun. Pour cela, l’environnement et la politique de la structure dans laquelle les professionnels évoluent doivent le leur permettre et leur donner les moyens de travailler ensemble. La communication entre les membres du groupe permettra, en plus de l’échange d’informations et de savoirs, la mise en place d’un respect mutuel et une réelle complémentarité entre les professionnels. L’IDE 2 insiste sur la proximité entre les professionnels, et l’ergothérapeute sur l’intégration dans les équipes. 3.5.2 Facteurs limitants La mise en place d’un tel travail en interdisciplinarité se confronte aussi à un certain nombre de difficultés. Le professeur Nezelof en cite quelques-unes comme la déficience dans le partage de l’information, pouvant être liée à un manque de communication, un vocabulaire ou des représentations différentes, et qui engendre un obstacle au travail en collaboration. 9 Il en est de même en ce qui concerne : Les problèmes de coordination des membres du groupe où chacun doit avoir sa place et son rôle, ce qui sous-entend de connaitre et respecter les champs de compétence de chacun et de savoir déléguer, Les enjeux de pouvoir dans le groupe impliquant d’identifier un référent et de lui laisser sa place (notion de leadership), Le manque de temps et de personnel qui rend difficile la mise en place d’un espace et d’un moment spécifique où les professionnels peuvent se retrouver dans un même lieu et échanger (12). Tous les professionnels interrogés abordent cette notion de manque de temps. De plus, l’ergothérapeute et l’APA ajoutent qu’elles ne sont pas toujours présentes aux temps de relève et de staff. Par ailleurs, nos recherches ont montré que le travail en collaboration, reposant essentiellement sur les relations humaines entre les membres du groupe, doit avoir pour base une confiance mutuelle entre professionnels, chose qui n’est pas aisée à mettre en place. Les différences historiques et culturelles entre les professions, par exemple entre le médecin et l’IDE, peuvent également être un frein à la mise en place d’un travail interdisciplinaire et engendrer des rivalités interprofessionnelles. Ces différences n’étant pas estompées lors des formations initiales des professionnels de santé qui restent dispensées de manière cloisonnée. En effet, le futur professionnel hérite d’une tradition qui valorise l’autonomie totale dans le travail alors que les équipes interdisciplinaires valorisent la collaboration et la complémentarité. L’ergothérapeute et l’APA interviewées précisent qu’elles n’ont pas le sentiment de « faire partie » de l’équipe et que le regard extérieur qu’elles peuvent apporter peut gêner. Ainsi, nous pouvons comprendre que travailler ensemble n’est pas inné et dépend largement de la volonté des intervenants. C’est une action qui doit se travailler et fait alors partie d’un véritable processus lors de sa mise en place et pour assurer son maintien dans le temps. « L’action collective ou organisée n’est pas un évènement naturel. C’est toujours une coalition d’hommes, contre la nature, face à des problèmes matériels pour la solution desquels ils sont obligés de coopérer ». E.Friedberg (sociologue) 10 3.6 Moyens d’amélioration et projets en cours Dès 1987, l’OMS publie un rapport concernant la formation pluri professionnelle des professionnels de santé. Le message délivré est « Apprendre ensemble pour travailler ensemble ». Ce rapport dégage six paramètres dans son « levier programme de formation interprofessionnelle » : Travail en équipe, Rôles et responsabilités, Communication, Apprendre et réflexion critique, Relation avec, et reconnaitre le besoin du patient, Pratique éthique (13). Depuis 2014, l’HAS a mis en place un projet nommé PACTE (Programme d’Amélioration Continue du Travail en Équipe). Le but de ce projet est de réduire à un niveau acceptable les risques d’évènements indésirables associés aux soins, en se penchant sur le travail en équipe car ce dernier impacte la culture de sécurité du patient. Ainsi, le projet PACTE cherche à travailler sur la communication, le leadership, l’efficacité d’une équipe, la gestion des compétences de chacun, ainsi que sur la gestion des risques en équipe. Pour ce faire, un guide pédagogique et un dispositif d’évaluation d’une équipe ont été fournis aux quinze établissements de santé volontaires ; le bilan de cette phase d’expérimentation se fera courant 2015 (14). Au final, nos recherches et interviews nous permettent de comprendre que le travail en collaboration et la qualité des soins sont étroitement liés, et que la communication et les transmissions y contribuent. 4. LA COMMUNICATION 11 4.1. Définition Le terme communiquer vient du latin « communicar » qui signifie mettre en commun. Communiquer, c’est établir une relation avec autrui. Aujourd'hui, la communication est étudiée par de nombreux spécialistes des sciences humaines et est décrite comme étant un processus complexe. « Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d’entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même... » Citation de Bernard WERBER (15). Selon Margot Phaneuf, IDE, « La communication est un processus de création et de recréation d'information, d'échange, de partage et de mise en commun de sentiment et d'émotion entre des personnes. Elle est consciente et inconsciente, verbale et non verbale » (16). Ces caractéristiques font de la communication un outil complexe. 4.2. La communication selon Shannon (17) Le modèle de Shannon propose un schéma type de communication montrant le rapport entre communication, relation et information. 12 Ainsi, selon lui, le processus de communication est composé : - D’un émetteur et d’un récepteur : le premier envoyant le message et le second le recevant, - D’un message : information transmise, - De l’intention : désir de l’émetteur de transmettre une information, un message au récepteur. Il y a une raison, un besoin pour lequel on émet un message, - Des parasites : éléments tels que bruit, préjugé, mauvaise compréhension, vocabulaire inadapté, non compris, gênant la communication et empêchant la bonne réception du message, - Du décodage : processus par lequel le récepteur intègre et comprend le message, - De la rétroaction ou « feed back » : réponse du récepteur à l’émetteur. Ces principes nous semblent des principes de base dans l'établissement d'une communication qui s'établira de deux manières, par une communication verbale et non verbale. 4.3. Les différents modes de communication 4.3.1. Communication verbale La communication verbale est la forme que prennent nos échanges lorsque nous faisons intervenir la parole ou l’écriture. Eléments essentiels pour une communication verbale efficiente • Ecouter l’autre, • Etre disponible à recevoir l’information, • Ne pas émettre de jugements ni d’a priori afin de ne pas compromettre l’information, • Transmettre une information simple, claire, synthétique et cohérente, • Utiliser un langage commun, bien choisir son vocabulaire, • Etre dans la congruence (langage non verbal en adéquation avec le langage verbal), • Eviter la multiplication des intermédiaires pour éviter la déformation du message, • Engagement de l’émetteur en employant le « je », • Favoriser un endroit et un moment propice à la communication, • Avoir une ouverture d’esprit, • Avoir confiance en soi (18). 13 4.3.2. Communication non verbale Se définit comme étant l’élaboration et le partage d’éléments sans emploi de la parole. La communication non verbale s’exprime à travers la gestuelle, l’aspect externe (aspect physique, vêtements…), le comportement spatial (le rapprochement, la prise de distance…), le toucher, le langage para verbal (qualité, intensité de la voix, vocalises…) et les expressions du visage (mimiques, regards…). 70% de la communication est non verbale, elle accompagne la communication verbale. (19) 4.4. La communication dans notre métier Selon Margot Phaneuf, dans le milieu de la santé, la communication est dite « fonctionnelle ». (20) Celle-ci reprend toutes les caractéristiques de la communication verbale et non-verbale (gestuelle, attitudes, mots utilisés…). Dans notre métier, elle englobe tous les types d'échanges que nous pouvons avoir : collecte des données, analyse, interventions infirmières et évaluation. Cette communication s’applique à des situations concrètes qui doivent être exposées de manière claire et précise, en s’adaptant aux divers intervenants concernés, et convient aux temps de « relèves » qui deviennent de plus en plus courts. Notre métier touchant à l’humain, la communication fonctionnelle ne doit pas devenir « mécanique », mais conserver une dimension relationnelle et constructive facilitant une bonne collaboration, que ce soit avec les patients ou entre professionnels. Lors de nos différents entretiens avec les professionnels, le concept de communication a été repris par tous et, est un élément clé pour une collaboration efficace. Il ne peut y avoir de collaboration sans communication. Agir en commun est une raison supplémentaire de communiquer. La communication étant un échange d’informations, notre rôle de soignant est principalement basé sur cet échange, et notamment grâce aux transmissions qu’elles soient orales ou écrites. 5. LES TRANSMISSIONS 14 Depuis plusieurs décennies, les transmissions infirmières sont considérées comme faisant partie intégrante de la communication. En effet, elles ont pour fonction de garantir la circulation d’informations, notamment en milieu hospitalier ce qui est vital pour y maintenir un bon fonctionnement. Nous avons pu constater lors de nos recherches mais aussi lors de nos différents stages que la qualité des soins prodigués au patient dépend intégralement de la qualité des transmissions, et que celles-ci ont pour fonction de promouvoir la santé du patient. L’action de « transmettre » est définie d’après le dictionnaire HACHETTE encyclopédique comme le fait de transmettre quelque chose à quelqu’un. La transmission quant à elle représente l’action de transmettre 5.1. Historique des transmissions En 1986, en France, Cécile BOISVERT, IDE, titulaire d’une maitrise en sciences infirmières et formatrice au GRIEPS* a introduit les transmissions ciblées. Celles-ci ont été rapidement adoptées en raison de leur utilisation qui se révèle aisée. Les écrits professionnels ont ainsi pu être mis aux normes grâce à cette méthode. Dès lors, les transmissions ciblées ont répondu aux exigences légales du code de la santé publique (21). L’écrit a progressivement été privilégié au niveau des transmissions en raison des modifications réglementaires qui ont eu lieu ces vingt dernières années. Lors de nos entretiens, l’APA nous dit bien qu’elles sont légiférées et que les professionnels se doivent de faire des transmissions écrites. 5.2. Généralités Une information pour être exploitable, qu’elle soit de nature écrite ou orale, doit répondre à certains critères. Elle doit être claire, précise, objective, c’est-à-dire sans jugement de valeur, et utiliser un langage professionnel commun. Elle doit également être synthétique, pertinente, compréhensible. Cette transmission d’informations a finalement pour objectif de garantir des relations de travail optimales entre les différents membres de l’équipe soignante, mais, également de pouvoir garantir au patient une qualité dans les soins qui lui sont apportés ainsi que la continuité de ceux-ci. 15 5.3. Les transmissions écrites Les transmissions ciblées se définissent comme « une méthode pour organiser la partie narrative du dossier du patient, afin que le récepteur comprenne rapidement la situation et les soins nécessaires à dispenser » (22). Elles contribuent au confort du personnel en terme de gain de temps. Les transmissions ciblées se trouvent sur une feuille bien spécifique qui doit être conservée dans le dossier de soin du patient. Comme nous avons pu le constater lors de nos différents entretiens avec les professionnels, des transmissions écrites de qualité contribuent largement au fait de permettre la continuité des soins et préviennent les risques. En stage, les professionnels répètent souvent aux étudiants infirmiers qu’il est primordial de noter chaque soin réalisé, car, ce qui n’est pas noté est considéré comme non exécuté. En effet, lorsqu’un soin ou une observation est effectué auprès d’un patient, la personne qui en est à l’origine a pour rôle d’écrire elle- même la transmission, qu’elle soit IDE, AS, diététicienne, kinésithérapeute, médecin ou élève. Le nom et la qualité de la personne qui écrit les transmissions doivent apparaitre de façon systématique. Néanmoins, le choix des mots, les tournures de phrases peuvent ne pas être compris de la même manière par tous ceux qui les lisent. Les transmissions écrites peuvent ainsi être source d’interprétations voire de confusion car, contrairement aux transmissions orales, elles restent figées et ne sont pas source de discussion immédiate entre les professionnels. 5.4. Les transmissions orales Elles se définissent comme un « temps de communication verbale qui va permettre d’échanger des informations prioritaires et pertinentes sur la personne soignée, en complément d’informations écrites » (23). Si les transmissions écrites ont plutôt une fonction de référence, que ce soit au niveau légal ou historique, les transmissions orales quant à elles servent d’avantage à contextualiser les actions, à expliciter les faits au moment où ils se produisent. L’objectif de ce temps (relève) est d’informer au mieux la collègue qui nous remplacera, de lui faire passer des informations qui ont eu lieu dans la journée concernant le patient. Ce temps de relève orale permet également par exemple à une personne qui ne connait pas le patient de pouvoir le prendre en soins de manière efficace. 16 Les transmissions orales présentent de nombreux avantages tels que : faciliter l’échange entre les professionnels, amener à un processus de négociation auquel participent les soignants, éviter les mauvaises interprétations et apporter des éclaircissements sur les situations. A contrario, elles sont fugaces et il peut y avoir des fuites d’informations. Cependant les professionnels que nous avons interrogés disent les préférer aux transmissions écrites. Ils expliquent cela par le fait que les transmissions écrites « se perdent » dans le sens où les jours passent et qu’elles se retrouvent loin en arrière dans le dossier de soins. Ils le justifient également par le fait que cela prend du temps de tout écrire et de dire aussi qu’elles ne sont pas lues. 5.5. Législation Suite à la loi du 4 mars 2002 « relative aux droits du malade et à la qualité du système de soins », les transmissions sont devenues une obligation légale puisque cette loi notifie à l’art.L.1111-7 que « toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé, […] à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers »(24) Les articles R.4311-1,2 et 3 du code de la santé publique stipulent que dans l’exercice de sa fonction, l’infirmière contribue au recueil de données cliniques, au recueil d’informations utiles aux autres professionnels et aux médecins, au diagnostic infirmier ; ce qui fait que l’infirmière a l’obligation, dans son rôle propre, d’inscrire toutes les informations nécessaires à la prise en soins du patient, dans le dossier de soins. Quant à l’article R. 4312-29, il est relatif au devoir de l’infirmière de communiquer toute information susceptible de mener au diagnostic (25). Les transmissions ciblées peuvent être demandées afin de faire office de preuve devant les tribunaux en cas de litige. Nous nous apercevons donc de l’importance qu’elles peuvent avoir au sein d’un établissement de soins et comprenons qu’elles peuvent, dès lors que survient une défaillance dans les soins, constituer une véritable preuve juridique. Cependant, les transmissions réalisées de manière orale, n’ont quant à elles aucune valeur juridique, d’où l’importance de toujours les coupler. 6. QUALITE DES SOINS 17 6.1. Introduction La qualité des soins est un concept difficile à définir. En effet, elle dépend de multiples facteurs tels que la personne elle-même (qu’elle soit soignante, patient, famille…), de ses valeurs, de sa culture, de ses représentations, du lieu, du moment. La qualité d’un soin est donc subjective. Nous essaierons toutefois de vous proposer quelques définitions trouver lors de nos recherches. 6.2. Définitions de la qualité des soins 6.2.1. Selon l’OMS, 1982 « C’est garantir à chaque patient l’assortiment d’actes diagnostiques et thérapeutiques, qui lui assure le meilleur résultat en terme de santé, conformément à l’état de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour la plus grande satisfaction en terme de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de soins ». Cette définition comporte plusieurs dimensions : l’évolution scientifique, les moyens financiers, le relationnel, les bénéfices/risques (sécurité) (26). Ici, la qualité des soins allie accès à l’ensemble des soins et connaissances scientifiques. La pratique infirmière n’est pas exempte de cela puisque le législateur stipule dans l’article R4312-10 du Code de la Santé Publique : « pour garantir la qualité des soins qu’il dispense et la sécurité du patient, l’infirmier ou l’infirmière a le devoir d’actualiser et de perfectionner ses connaissances professionnelles » ou dans l’article R4311-2 du CSP : « les soins infirmiers sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques » (27). 6.2.2. Selon Avedis Donabedian, médecin, 1980 « Les soins de haute qualité sont les soins visant à maximiser le bien-être des patients après avoir pris en compte le rapport bénéfices/risques à chaque étape du processus de soins » (28). Ici, il est question de santé du patient et de sécurité dans les soins. Le patient se situe au centre du soin. 6.2.3. Selon Walter Hesbeen, infirmier et docteur en santé publique « La qualité du soin est relative à la situation vécue par des personnes qui se rencontrent et cheminent ensemble, les unes étant soignées et les autres soignantes et que la pratique 18 soignante de qualité est celle qui prend du sens dans la situation de vie de la personne soignée et qui a pour perspective le déploiement de la santé pour elle et pour son entourage […] Elle procède de la mise en œuvre cohérente et complémentaire des ressources diverses dont dispose une équipe de professionnels et témoigne des talents de ceux-ci. Elle s’inscrit dans un contexte politique, économique et organisationnel aux orientations, moyens et limites pertinents et clairement identifiés » (29) En effet, l’infirmier n’a-t-il pas pour obligation de dispenser des soins de qualité aussi bien technique que relationnelle comme le stipule l’article R4311-2 du Code de la Santé Publique, « les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade » (30). 6.3. Les critères de qualité Les critères de qualité sont basés sur des recommandations et des éléments de prise en charge où il est possible d’agir pour améliorer la qualité. Sont concernés par ces critères de qualité, toutes les instances (exemple : l’HAS), les regroupements de professionnels (exemple : les maisons médicales) et les professionnels de santé, notamment les infirmiers désireux d’analyser et d’améliorer leurs pratiques (31). Pour ce faire, un « guide du service de soins infirmiers », mis en place par l’HAS reprenant toutes les normes de soins infirmiers a été établit. Les infirmiers peuvent s’y référer lors de l’exercice de leur fonction. Ce guide contient les normes à respecter (application de protocoles, coordination et continuité des soins) depuis l’arrivée jusqu’à la sortie du patient. « Ce guide veut être une réponse à la fois aux exigences de qualité des usagers, aux grandes orientations de politique de santé, ainsi qu’une réponse à l’exigence d’une maîtrise de l’exercice professionnel reflétant une évolution des pratiques de soins et un niveau de professionnalisme ». Les auteurs de ce guide avaient pour optique de faire en sorte que ce dernier soit un outil de travail permettant aux professionnels d’évaluer la qualité des soins (32). 6.4. Différents point de vue de la qualité des soins 6.4.1. Du point de vue législatif et règlementaire La loi du 4 janvier 1993, établit suite à l’affaire du sang contaminé, parle, pour la première fois, de qualité des soins comme objectif sanitaire. 19 Depuis les ordonnances de 1996 (Art.L.710-5), les hôpitaux sont soumis à une procédure externe d’évaluation de la qualité et de la sécurité des soins appelée accréditation (33) ; apparaissent également les recommandations de bonne pratique. La loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé évoque le droit à la qualité des soins et à la sécurité sanitaire. Depuis 2008, les établissements de santé doivent rendre publics leurs indicateurs en matière de qualité et de sécurité des soins (34). L’article L6111-2 du Code de la Santé Publique stipule que « Les établissements de santé élaborent et mettent en œuvre une politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et une gestion des risques visant à prévenir et traiter les évènements indésirables liés à leurs activités » (35). Il en découle de ces lois la mise en place de nombreuses procédures (certification, protocoles, commissions, accréditation…) permettant d’améliorer continuellement la qualité et la sécurité des soins. Cela implique, bien entendu, la participation, l’engagement, l’implication de tous les professionnels mais également des patients. 6.4.2. Du point de vue des professionnels interrogés Pour les IDE 1, IDE 2 et l’APA, la qualité des soins repose sur la prise en charge globale du patient, sous-entendu, bio-psycho- socio. Cela va donc au-delà de l’acte technique, elle prend en compte l’acte relationnel et la prise en charge individuelle. Ces mêmes professionnels identifient chacun un élément essentiel différent pour un soin de qualité : pour l’un ce sera les transmissions, pour d’autres, le relationnel avec les collègues ou avec les patients mais aussi le facteur temps. 6.5. Les enjeux et impacts de la qualité Pour arriver à la finalité qu’est un soin dit « de qualité », il est nécessaire de mettre en place une organisation incluant le management, le travail en équipe pluridisciplinaire ainsi qu’une coordination entre les différents intervenants. La qualité des soins est la finalité d’une procédure où chaque professionnel, quel que soit sa fonction, se complémentarise. Pour cela, la coordination est primordiale et nécessite la définition des rôles et des missions de chacun, la mise en place d’outils de communication. 7. LA PROBLEMATIQUE 20 Nos recherches et nos entretiens nous ont permis d’étayer nos connaissances quant au travail en collaboration ainsi que de comparer la réalité du terrain aux données scientifiques. Nous étions toutes d’accord pour dire que dans notre pratique infirmière, il est nécessaire de travailler avec les autres et ensemble, et qu’il y avait encore un trop grand cloisonnement des professions et notamment avec les paramédicaux. Ce cloisonnement a été mis en évidence par les professionnels mais ne semble pas être un frein pour eux. Cependant, ils évoquent le besoin d’être intégré dans les équipes pour que la collaboration soit plus efficace. Or, lors de nos recherches, l’intégration dans les équipes ne semblent pas être un concept prévalent de collaboration. Le décloisonnement des professions implique que les participants gardent leur identité professionnelle et connaissent leurs compétences mutuelles. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir un leader afin de coordonner les actions, rôles de chacun pour que le projet puisse être mené. La collaboration dépend donc de la politique et de la dynamique d’établissement et non pas seulement de la volonté des professionnels. Dans nos recherches, il a souvent été question de la nécessité de former les professionnels à la collaboration, ce qui ne semblait pas être une priorité pour les deux IDE que nous avons interrogés. Nous nous posons donc la question suivante : La présence d’un module, obligatoire et commun, sur le thème du travail en collaboration, lors de la formation initiale de chacun (paramédicaux), permettrait-il, un meilleur décloisonnement des professions ? 8. CONCLUSION 21 Le travail en collaboration nécessite une équipe composée de plusieurs professionnels dont les compétences se complémentarisent. L’avantage de leur travail en collaboration vient du fait que leurs contributions individuelles s’additionnent et se potentialisent. Ils collaborent ensemble afin d’atteindre un but commun Ainsi, pour qu’une équipe pluriprofessionnelle puisse fonctionner, il est nécessaire que chacun des membres partage les informations, communique ensemble avec un langage commun, connaisse le rôle de chacun, se respecte mutuellement et connaisse le ou les objectifs communs. Un leader doit être nommé. L’utilisation de supports écrits est nécessaire afin que chacun puisse y consigner ses informations et ses résultats. Ainsi, les autres collaborateurs peuvent en prendre en connaissance. La communication est un des piliers fondamental du travail en collaboration, une déficience à ce niveau peut nuire aux partages inter et intra professionnels, et par la suite, à la sécurité du patient. En effet, des études au Canada ont montré que, entre 1995 et 2003, 70% des évènements indésirables touchant la sécurité du patient étaient dus à un manque de communication et donc de travail interdisciplinaire. Ainsi, on peut en déduire que la communication, primordiale dans la pratique collaborative, l’est également dans la qualité des soins puisqu’elle influe sur la gestion des risques (36). Pour conclure, le travail en collaboration est primordial dans le métier infirmier puisqu’elle assure, dans son rôle propre et son rôle sur prescription médicale, la prise en charge globale du patient. Au vu de la complexité des soins actuels, l’intervention d’autres professionnels de santé est nécessaire et passe donc par la collaboration. De plus, l'infirmière est amenée de plus en plus à collaborer avec les autres professionnels en raison au développement du travail en réseaux et des hospitalisations à domicile. 9. 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ANNEXE 25 TRAVAIL EN COLLABORATION : 1. Que signifie, pour vous, travailler en collaboration ? 2. Quel est pour vous l’intérêt principal de travailler en collaboration ? et avec qui ? 3. Quels sont, pour vous, les facteurs influençant ou favorisant la collaboration ? 4. Quels sont, pour vous, les freins au travail en collaboration ? Qu’est ce qui pourrait être mis en place pour y remédier ? 5. De quels outils, facilitant le travail en collaboration, disposez-vous dans le service ? 6. En quoi le travail en collaboration est-il essentiel dans votre spécialité ? 7. En quoi le travail en collaboration permet-il d’optimiser les soins proposés au patient ? QUALITE DES SOINS : 8. Que signifie, pour vous, la qualité des soins ? 9. Quel est pour vous l’élément essentiel déterminant un soin de qualité ? 10. En quoi, travailler en collaboration et qualité des soins sont-ils liés ?