SCIIENCEei UUIA IES- • Philosophie des sciences Sociales rwer. /...nieitiuwe • . H. DARIN irige DR A BKIN - - LE KIBBOUTZ sociÉTÉ JULIO CORTAZAR DIFFÉRENTE Grâce à son dynamisme, le kibboutz trouvera sûrement les moyens de permettre à la jeune génération de prendre en charge les postes clefs, tout en profitant de l'expérience accumulée par les fondateurs. » Mais, par exemple, les privilèges accordés aux anciens, les valikiw, le fait que le confort s'acquiert à l'ancienneté, comme dans n'importe quel régime de fonctionnariat ne sont nullement remis en question par l'auteur. Du fait même de s'a réussite, • du fait même qu'il est un • des rares endroits_ du• monde où-on ait réellement tenté de supprimer la contradiction entre travail manuel et travail intellectuel, le kibboutz méritait une analyse plus poussée. Cette analyse est seulement ébauchée dans le petit volume de Simon Ben David — pseudonyme d'un ancien dirigeant sioniste proche aujourd'hui d'Ury Avnery — et qui pose le problème clef : « Qui dirige 'Israël ? ». La perspective historique est mieux définie dans la mesure où l'auteur montre bien quel a été le passé est-européen du sionisme, dans quel milieu est apparu le thème du « pouvoir juif », un pouvoir qui se voulait juste: A propos des kibboutzim, l'auteur écrit que, dans l'ensemble des mouvements, « le but national a définitivement éclipsé le but social ». Et qu'on « peut se demander si la prolongation de l'état de guerre n'entraînera pas la débâcle de l'ensemble du mouvement ». C'est bien là en effet la question. Les kibboutzim vorit-ils se condamner à n'être phis qu'une autocratie nationale et militaire ? Ce serait d'une affreuse tristesse. PIERRE VIDAL-NAQUET Philosophie des sciences sociales par Paul Lazarsfeld Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 504 p., 42F. • Moitié ingénieur, moitié Nimbus, tour à tour rêveur et attentif, Paul Lazarsfeld est sans doute le meilleur représentant de la sociologie américaine. Professeur à Columbia, ancien président de la société américaine de sociologie, il a enseigné à la Sorbonne et un « Vocabulaire des sciences sociales » a fait connaître certaines de ses méthodes (1). La pensée sociale et politique européenne a vécu et vit encore souvent de concepts : la théorie paraît, ici, plus importante que la classification de faits vérifiables. La sociologie américaine tente, elle,' de construire une science positive des faits, solidement encadrée par un appareil mathématique. La plupart des études contenues dans a Philosophie des sciences sociales » sont consacrées à l'édification d'une épistémologie, d'une science 'des démarches capables d'analyser les faits hu- (1) En collaboration avec R. Boudon, Mouton and Co, 1965. cision, la' position des voitures, leurs marques respectives, l'âge des occupants, le mouvemeirt des partisans, les cris des blessés, le goût des cigares après le combat. Mais la ce:donne des voitures s'imMobilise pour des jours, des semaines et une autre vie s'organise rappelant celle des temps de guerre, des sieges, ou encore celle des tribus primitives, la civilisation redevient plus humaine. Mais les guérilleros rejoignent leurs compagnons . déjà installés dans la montagne et ces retrouvailles annoncent la rupture de l'ordre ancien : dans la marche de ces hommes, c'est toute l'Amérique latine qui commence à bouger et un mythe prend naissance, celui du Che. Depuis e° les Armes secrètes », on savait que Cortazar excelle à nouer, dénouer, tisser, 'déchirer les fils, à jouer avec les apparences, avec les avatars dû sens. Dans deux nouvelles, ici, l'espace et le _temps éclatent ; deux séries d'événements, distinctes par le lieu et l'époque où elles se produisent, sont décrites ensemble, montées en parallèle et, quoi. que s'inscrivant dans des contextes de férents, brûlent d'un même feu. Mieux, dans « l'Autre 'Ciel », le narrateur est présent dans les deux séries, erre à Buenos Aires dans le passage Guemes en 1945 et à Paris dans la galerie Vivienne en 1870.°A Buenos Aires, il fuit sa mère et sa fiancée, à Paris il retrouve Josiane, la prostituée et un jeune homme pâle, un peu inquiétant, qu'il n'ose pas aborder bien qu'on le dise Sud-Américain, dont la mort passera inaperçue, et qui, bien que jamais nommé, est parfaitement reconnaissable : c'est Lautréamont. Et la poésie étant ce qu'il y a de plus réel, c'est rimaginaire, ici, ciui donne au récit sa vérité, son inquiétante beauté. CLAUDE BONNEFOY - mains • l'enquêteur découpe dans la trame du réel des éléments observables — les « indicateurs » — dont la distribution varie suivant les comportements ou les attitudes, des relations et des Variables dont on peut mesurer la fréquence. "Au terme de multiples questionnaires (dont les réponses qu'on y a faites sont soumises à un Ordinateur et suggèrent des rapports indécelables par la seule observation), on arrive à' formuler des hypôthèses que Lazarsfeld nomme des e inférences ». La sociologie tente donc de tirer de la réalité elle-même -- et non plus de la philosophie — la _ matière de son discours. Du chemin où s'étaient engagés Hegel et Marx, qui retrouvaient dans le mouvement de la vie le mouvement de l'esprit, il ne reste 'plus rien. Eclatent les e tabous » du penseur européen — la classe, l'institution, le sacré. Restent les attitudes, les comportements, bref, tout • ce qui concerne la « psychologie sociale », tout ce que l'opinion publique nous découvre et qu'elle ignore elle-même. Toutefois, Lazarsfeld, né dans cette Europe théoricienne, garde la nostalgie de la philosophie. Aussi entreprend-il de définir les fondements de l'empirisme, obéissant, en fait, à cette vieille lof qui veut que l'empirisme ne puisse se justifier que par un conceptualisme caché. Certes, les prédécesseurs européens de la recherche américaine qu'il étudie (Niceforo, Quetelet, Le Play) lui servent moins que Max Weber. Et dans une brillante étude, Lazarsfeld analyse les travaux expérimentaux peu connus du penseur allemand, comme ses grandes enquêtes sur le comportement politique. Il est vrai que Weber attachait une importance déterminante aux attitudes singulières, aux éléments particuliers de l'action humaine, plus aisément « compréhensibles » selon lui n'était-il pas plus un psychologue de l'histoire qu'un sociologue ? Et cela nous ramène au débat l'étude expérimentale de la réalité sociale se fonde sur la croyance qu'il existe une opinion moyenne et qu'elle constitue une région privilégiée de la vie collective. L'enquête peut nous donner sur cet « impensé », masqué par les différences individuelles ou simplement par l'ignorance, des données positives qui fondent solidement une connaissance scientifique. Seulement, cette notion de l'opinion moyenne renvoie elle-même à la croyance en l'existence (par-delà les classes, les groupes et les différences spécifiques) d'un « homme moyen », sans doute mythique, et là gît le vrai problème. Marx prétendait mettre un terme au conceptualisme déchaîné de Hegel et de la philosophie européenne en opposant à la connaissance absolue la pratique. La pratique est l'exercice même de l'activité humaine affrontant la différence et ne pouvant la réduire ni l'intégrer à r e esprit ». La sociologie empirique américaine pense mettre un terme au conceptualisme européen et fonder une sociologie moderne en éliminant les différences spécifiques et en homogénéisant les particularités — comme la - - société de consommation homogénéise les besoins ou ,les désirs. On voit que le problème n'est plus seulement scientifique, mais devient, ici, politique. Et il l'était déjà au siècle dernier, lorsque des « empiristes » reprochèrent à Marx d'avoir posé le concept de « classe sociale: » sans avoir procédé à dès enquêtes du genre de celles de Le Play. Mais qui a jamais vu une « classe sociale » ? Le concept, on l'oublie souvent, est un pari. Dans la mesure où, comme le disait Bache. lard, « il n'y a de science que du çaché », il est une structure, un découpage hypothétique du réel. Une hypothèse dont on ne peut se passer si l'on n'admet pas l'idée d'une société immobile et figée. Or, c'est cette société immobile et figée qu'admet implicitement Lazarsfeld. Et c'est à cette société, réduite à la consommation sage et tranquille, qu'en revient fatalement la sociologie américaine qui, aujourd'hui, doute d'elle-même parce qu'elle n'a su prévoir ni la révolte noire, ni la révolte des jeunes, ni aucun des mouvements qui• affectent la société globale. La « Philosophie des sciences sociales » de Lazarsfeld -- comme souvent aux EtatsUnis et en France la « psychologie sociale » — sonne comme un glas. Avec un grand talent et une compétence indiscutée, le sociologue américain nous parle d'une sociologie rassurante, celle d'une société de consommation qui ignore la pratique du changement et le dynamisme collectif. JEAN DUVIGNAUD - Gilles Vigneault - Tous les feux -le feu par Julio Côrtazar traduit de l'espagnol par Laure Guille-Bataillon Gallimard, coll. Du monde entier, 208 p., 17 F. • Un embouteillage sur l'autoroute du Sud, le débarquement d'une poignée de guérilleros sur une île d'Amérique latine, une vieille dame cardiaque à qui on cache la mort de son fils, un homme qui adore flâner au centre des villes, particulièrement dans les galeries marchandes, ce sont la les sujets simples des nouvelles de « Tous les feux le feu ». Il semble même qu'on pourrait les classer-dans des catégories bien précises : intimisme romantique, comédie de moeurs, littérature engagée, satire sociale: D'où l'on conclurait à l'éclectisme de l'auteur, à la diversité de ses registres. Et il est possible qu'une lecture en -surface ne révèle pas autre chose. Mais qui connaît Cortazar, son art de se glisser dans les coutures de la réalité pour en explorer l'envers sait bien que l'essentiel n'est pas là. Comme toujours chez Cortazar, l'écriture paraît d'abord innocente. On est bien sur l'autoroute du Sud, un dimanche soif au mois d'août, on est bien dans les marais ou les montagnes avec des guérilleros qui font le coup de feu contre l'armée. Tout est décrit avec pré./ par Lucien Rioux Seghers, Chansons d'aujourd'hui, 192 p., 9,50 F. • Il ne chante même pas toujours juste. Sa voix est fêlée, rouillée par les bourrasques et les tempêtes de la côte nord du Saint-Laurent. Un visage long et aigu, une chevelure broussailleuse et fuyante, chassée par le vent. 1.1 arrive sur scène en costume sombre et sage, comme s'il était resté le séminariste et le professeur qu'il a été, il y a presque vingt ans. Ce faisant, il parle des gens de Netashquan —'le village où il est né -et d'ailleurs ; de Jean du Sud le marin, de Caillou la Pierre le centenaire, de Jack Monoloy l'Indien et de la Blanche pour laquelle il mourut, de Paul-EuGazette,- qui s'était abonné à tous les journaux et à toutes les revues pour connaître le monde, de Bébé la Guitare, pêcheur, bûcheron, qui faisait danser les gens les soirs de fête, de John Débardeur le docker, de Zidor, le prospecteur, de Ti-Franc la patate le cultivateur, de Berlu, qui sait comment on peut vivre à crédit. De Tit Paul_ De tous, Vigneault parle en voisin, en ami. Il en parle dans une langue rare et savoureuse, dans une langue de poète, qui appelle l'aube « la barre du jour » : celle des Québecois auxquels, dit Rioux « il rend leurs racines et leurs ancetres ». Et il dynamite gentiment l'image confortable et légèrement condescendante que nous avions d'eux un peuple de pêcheurs, de trappeurs, de bûcherons, robustes, folkloriques et-, bigots. Dans son livre, Lucien Rioux nous offre, outre un portrait de Vigneault et un choix de chansons et de contes; une petite promenade dans le Québec d'hier et d'aujourd'hui. RENE BACKMANN Le Nouvel Observateur Page 37