Résumé Module 4 Partie 2 chapitre 3

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Résumé Module 4 Partie 2 chapitre 3
Les politiques des stabilisations du cycle économique
Introduction (rappels)
En introduction du chapitre sur l’allocation des ressources, nous avons vu, à partir de la présentation
de Musgrave, que l’on pouvait distinguer trois domaines d’intervention de l’Etat :
- Lorsque l’Etat intervient dans l’allocation des ressources nous savons que la justification
économique s’appuie sur le concept de défaillances de marché. Nous savons aussi qu’il faut
expliquer cette intervention parce que les AE sont victimes de biais cognitifs ou de schizophrénie
temporelle, que l’Etat peut également endosser le rôle « d’Etat paternaliste », mais aussi parce que la
société exprime des préférences pour la production publique de certains biens ou services (par
exemple, l’éducation pourrait être produite par la sphère marchande de manière totalement dérégulée,
mais cela n’est jamais le cas dans les PDEM où l’on observe toujours une organisation scolaire
publique).
Si l’on se focalise sur la réponse aux défaillances de marché, l’intervention de l’Etat sur l’allocation
des ressources doit donc permettre de mieux utiliser ses ressources (ses facteurs de production) : on
s’attend donc à ce que l’allocation des ressources se rapproche de l’optimum grâce à l’intervention
publique. Mais on sait aussi qu’il est nécessaire de discuter de la capacité de l’Etat à être efficace et à
agir pour l’intérêt général, car il existe des défaillances de l’Etat.
- Lorsque l’Etat intervient pour réguler le cycle économique, il cherche à réduire l’écart entre la
production réelle et la production potentielle (entre ce que l’activité de l’économie à un moment
donnée et ce qu’elle serait susceptible de réaliser si elle utilisait pleinement tous ses facteurs de
production).
Comme le rappelle Bénassy-Quéré dans son manuel Politique Economique, il est possible de
distinguer ces deux types d’intervention : en intervenant sur l’allocation des ressources on s’attend à
une meilleure allocation des ressources, et donc à une hausse de la croissance potentielle. L’horizon
temporel de cette intervention est plutôt le long terme. En intervenant sur les fluctuations, l’objectif
est avant tout de réduire l’écart de production. L’horizon temporelle de cette intervention est plutôt le
court terme.
Par ailleurs, l’intervention sur l’allocation des ressources porte notamment sur les incitations
(incitation à innover, incitation à investir, …), elle s’adresse donc plutôt aux producteurs, c’est-à-dire
à l’offre. L’idée étant finalement que la croissance potentielle d’une économie dépend de ce qu’elle
est capable de produire (offre). Du côté de la stabilisation par contre, le point de départ est de
constater que l’économie n’utilise pas toujours tous ses moyens de production (situation de sous
utilisation des capacités de production / de chômage par exemple) parce que la demande est
insuffisante. Réguler le cycle économique consiste donc à stimuler (ou freiner) l’activité (la demande)
pour que l’écart de production soit toujours le plus faible possible.
Cette première manière de présenter ces deux domaines de l’intervention de l’Etat conduit donc à
séparer assez nettement ces deux types d’approche. Pourtant, nous verrons à la fin de ce chapitre
qu’établir une frontière entre ces deux politiques n’a pas de sens, et que l’augmentation de la
production potentielle dépend en partie de la situation de l’écart de production au cours du temps.
Sans rentrer dans les détails, l’idée est simple : plus l’écart de production est important, qu’il dure
longtemps, plus cette situation s’accompagne de faibles incitations à investir, à innover et donc à
accumuler du capital physique et technologique, et plus le chômage de longue durée détruit du capital
humain. Au final, ne pas agir à court terme pour réduire l’écart de production conduit à plus long
terme à réduire le potentiel de croissance.
- Lorsque l’Etat intervient dans la répartition des revenus, il le fait pour réduire la pauvreté ou les
inégalités. Son intervention s’appuie sur une définition de la justice sociale. On peut alors discuter sur
la relation entre inégalités et croissance économique, en se demandant s’il existe un dilemme
efficacité/inégalités ou si, au contraire, il est possible d’avoir en même temps davantage d’efficacité
économique et d’avantage de justice sociale.
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On distingue deux types de politiques de régulation du cycle économique : la politique monétaire et
la politique budgétaire.
Ce domaine de l’intervention publique prend racine dans la révolution keynésienne des années 1930
en réaction aux politiques menées durant la Grande dépression. Au lendemain de la seconde guerre
mondiale émerge un consensus selon lequel l’Etat doit intervenir davantage dans l’économie en
empêchant des situations de chômage de masse et de spirale déflationniste.
L’économie néoclassique se met à intégrer certains éléments de la pensée keynésienne, ce qui aboutie
au développement du keynésianisme de la synthèse (P.Samuelson ; R.Solow).
Ce keynésianisme s’appuie sur l’idée « néoclassique » selon laquelle les marchés peuvent être à
l’équilibre, mais que dans certains cas cet équilibre peut être atteint grâce à des interventions
monétaires ou budgétaires de l’Etat. Ce dernier peut en effet stimuler ou freiner l’activité économique
grâce à des politiques macroéconomiques conjoncturelles.
C’est véritablement le point de départ de cette problématique de la régulation du cycle économique.
1. L’intervention conjoncturelle de l’Etat : la politique monétaire
Etudier le rôle de la politique monétaire comme instrument de régulation des cycles économiques
conduit à séparer plusieurs périodes.
On peut distinguer :
- une première période, durant laquelle les pouvoirs publics s’appuient sur les politiques de
stop and go pour « rythmer » la croissance économique en évitant à chaque fois soit la
surchauffe, soit une récession trop marquée. Le but de cette politique est de permettre à la
croissance de rester sur « le fil du rasoir ». L’arbitrage inflation / chômage est central durant
cette période, ce qui signifie que la politique monétaire a deux objectifs, mais qu’elle ne peut
pas les atteindre en même temps. elle doit choisir soit l’un, soit l’autre.
- une seconde période s’ouvre avec les années 1970. L’entrée dans la stagflation (M.Friedman)
conduit à une remise en cause radicale des politiques d’inspiration keynésienne. L’arbitrage
inflation/chômage disparaît, car ces deux « maux » sont désormais simultanés. Face à la
montée inexorable du chômage, les gouvernements essaient de stimuler l’activité mais cette
stratégie conduit à davantage d’inflation sans aucun effet sur le chômage qui continue de
progresser. Le monétarisme devient alors la théorie économique dominante et conduit à une
rupture : la politique monétaire n’a plus désormais qu’un seul objectif, maîtriser l’inflation ;
- une troisième période apparaît alors à la fin des années 1980/début des années 1990.
L’inflation galopante des années 1970 a été vaincue et peu à peu l’augmentation du niveau
général des prix devient faible et stable. sous l’influence des travaux de la nouvelle économie
keynésienne, la politique monétaire retrouve un double objectif (contrôler l’inflation et
contrôle le chômage). Cette NEK fait cependant aussi la synthèse entre keynésianisme et
NEC : si l’arbitrage inflation/chômage est possible, il ne l’est qu’à CT et à condition qu’il
existe un chômage conjoncturel. A long terme, la flexibilité des prix et des salaires fait
disparaître cet arbitrage.
- Une quatrième période s’ouvre progressivement dans les années 1990. Elle part d’un constat
simple : lors d’un retournement d’un cycle économique, la politique monétaire devient
expansionniste (pour faire baisser le chômage et réduire l’écart de production) mais ce faisant
elle développe une dynamique de cycle financier qui abouti inexorablement à un « moment
Minsky » (le nom du retournement donné par M.Aglietta). La politique monétaire qui est une
réponse au cycle devient donc aussi l’élément déclencheur du cycle suivant. Pour le dire plus
simplement : en jouant son rôle de réponse au cycle conjoncturel, la politique monétaire
« fabrique » un nouveau cycle (cf la conséquence de la politique monétaire menée par
A.Greenspan en réaction à la crise de 2001 et qui va alimenter le cycle des subprimes). Ce
constat conduit à s’interroger sur les objectifs conjoncturels de la politique monétaire : doitelle simplement surveiller l’évolution du NGP des biens ou bien doit-elle aussi surveiller
l’évolution du NGP des actifs financiers ? Faut-il que la politique monétaire assure également
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la stabilité financière en plus de la stabilité des prix et de la réduction de l’écart de
production ? Cette question se pose dans un contexte de « disparition » de l’inflation : après
la période d’inflation faible des années 1990/2000, nous sommes aujourd’hui à la porte de la
déflation. Cela a une conséquence importante sur la politique monétaire : la création de
monnaie centrale ne se traduit plus par une hausse de l’inflation, mais par l’apparition de
bulles sur les actifs financiers. Ce constat renforce donc la question du la redéfinition des
objectifs de la politique monétaire aujourd’hui.
a. Première période : la politique monétaire dans le cadre des politiques de stop and go
La politique monétaire qui se met en place au lendemain de la seconde guerre mondiale s’appuie sur
les travaux de Samuelson.
Avec Phelps, il réinterprète la relation de Phillips qui relie variation des salaires et variation du taux
de chômage pour en faire la « courbe de Phillips » qui corrèle variation du NGP (donc inflation) et
variation du taux de chômage. Ce qui ressort ce cette courbe de Phillips, c’est que moins de chômage
se paie de plus d’inflation tandis que moins d’inflation conduit à davantage de chômage. Or, la
politique monétaire a la capacité de stimuler l’activité et en cela elle va impacter le chômage et
l’inflation (par le biais de la demande). Les autorités monétaires peuvent donc agir sur la conjoncture
en alternant stimulation puis freinage de l’activité.
Plus qu’une simple régulation du cycle, la politique de stop and go encadre l’évolution du rythme de
croissance en produisant des phases d’accélération puis des phases de freinage. La politique
monétaire, accompagnée de la politique budgétaire, ne se contente pas de « lisser » le cycle lorsque
des écarts apparaissent, elle est véritablement à l’origine des fluctuations économiques. On dit que la
politique conjoncturel est sur « le fil du rasoir » : elle doit éviter d’un côté la surchauffe et l’apparition
de l’inflation, et de l’autre, la récession et la montée du chômage. Cette gestion au fil du rasoir de la
conjoncture économique s’appuie sur un arbitrage inflation – chômage. Il n’est pas possible d’avoir à
la fois peu d’inflation et peu de chômage ; il faut donc alterner entre plus de chômage pour réduire
l’inflation et plus d’inflation pour réduire le chômage.
Chesney Martin Jr, gouverneur de la Fed durant les années 1950, comparait le Banque central a un
barman de soirée : il faut d’abord fournir de punch pour stimuler les convives, puis le retirer pour
éviter qu’ils ne soient souls.
1.2 Deuxième période : la politique monétaire, un unique objectif
A partir de la fin des années 1960, l’inflation a tendance non pas à fluctuer mais à croître ; nous
entrons dans l’ère de l’inflation galopante. Elle fini par atteindre 15% par an aux Etats-Unis à la fin
des années 1970 (22% en Italie). Cette accélération continue de l’inflation s’accompagne par ailleurs
d’une hausse du chômage. La situation macroéconomique est donc très différente de celle des années
1950/1960, puisque les autorités doivent faire face à plus de chômage et plus d’inflation en même
temps. Les politiques de stimulation qui sont menées pour freiner le chômage n’arrêtent pas sa hausse
tout en produisant de l’inflation, et les politiques de freinage ne stoppent pas l’inflation alors que le
chômage continue de croître. Bref, l’arbitrage inflation-chômage disparaît.
On doit à l’école monétariste une explication de cette période, que Friedman a appelé la stagflation.
Le schéma explicatif s’appuie sur l’idée que les AE découvrent peu à peu que la politique monétaire
expansionniste produit de l’inflation (l’illusion monétaire de départ disparaît progressivement). Ce
faisant ils modifient leur comportement, ce qui conduit à annuler l’effet sur l’activité qu’avait eu dans
un premier temps la politique monétaire. En renouvelant leur politique expansionniste pour lutter
contre le chômage, les banquiers centraux font augmenter la masse monétaire au-delà des besoins de
l’économie « réelle », ce qui provoque de l’inflation (théorie quantitative de la monnaie).
Par ailleurs, les autorités monétaires commettent une erreur d’analyse : elles cherchent à lutter contre
un chômage qu’elles analysent comme conjoncturel, alors que c’est le chômage structurel qui
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augmente sur cette période. Conséquence de cette erreur, la politique monétaire est totalement
inefficace pour faire baisser le chômage.
L’explication des monétaristes de la stagflation est donc la suivante : la politique monétaire
« fabrique » de l’inflation alors que le chômage structurel ne cesse de croître. Il y a donc bien à la fois
inflation et hausse du chômage.
Le raisonnement monétariste conduit à présenter une courbe de Phillips « augmentée des
anticipations » : une première période de court terme durant laquelle la relation inflation / chômage
est bien négative, mais la fin de l’illusion monétaire fait sortir l’économie du court terme, la politique
monétaire n’a alors plus qu’un seul effet : faire monter l’inflation. La courbe de Phillips devient
verticale à un niveau de taux de chômage naturel donné. Le fait que la monnaie n’a pas d’impact sur
le niveau d’activité et le chômage à LT conduit à la qualifier de « monnaie neutre ». Chez les auteurs
de la nouvelle économie classique, les anticipations étant « rationnelles », le temps d’illusion
monétaire disparaît : les agents anticipent immédiatement l’inflation dès l’annonce de la politique
expansionniste : ils cherchent tout de suite à se protéger de la perte de pouvoir d’achat. Ce
changement de comportement rend la politique monétaire totalement inefficace à court terme (puisque
la période d’illusion monétaire n’existe plus). C’est pourquoi chez les nouveaux classiques, on parle
de « monnaie super-neutre ».
La pensée monétariste va alors influencer les politiques monétaires qui vont s’attacher à « vaincre »
l’inflation. Pour cela, il faut vaincre les anticipations d’inflation (croyances que les AE ont sur
l’évolution future du NGP). Les monétaristes pensent qu’il suffit de s’appuyer sur une règle de
croissance monétaire pour empêcher les dérapages inflationnistes : le BC annonce un taux de
croissance de M1 et s’y tient durant la période. Mais le décloisonnement des marchés de capitaux
durant les années 1980 rend les frontières entre M1 (monnaie totalement liquide) et M2 et M3
(monnaie détenue sous des formes de moins en moins liquides) de plus en plus poreuses, et donc cette
technique peu efficace. Résultat, la capacité de la banque centrale à contrôler strictement la masse
monétaire est remise en cause. C’est pourquoi les BC vont plutôt s’appuyer sur la cible d’inflation
pour maîtriser l’inflation. Il s’agit de rapprocher les anticipations d’inflation de l’inflation qui est visée
par la banque centrale de manière à ce que le taux directeur (fixée par la BC à court terme) soit égal au
taux d’intérêt de long terme qui découle des anticipations des agents. Lorsque les deux taux divergent
c’est que les anticipations des agents ne correspondent pas à l’inflation visée par la banque centrale ;
par exemple, si le taux de long terme est supérieur au taux directeur de court terme, cela signifie que
les AE anticipent une inflation supérieure et qu’ils rajoutent donc au taux de court terme une prime
équivalente à l’inflation qu’ils anticipent. Comment arriver à contrôler ces anticipations d’inflation ?
La première possibilité consiste à faire ce que P.Volcker fera à la tête de la Fed au début des années
1980 ou J.C.Trichet quelques années plus tard à la tête de la Banque de France : adopter une politique
monétaire et ne pas en changer, quoi qu’il en coûte (en terme de croissance et de chômage), tant que
les anticipations d’inflation n’ont pas disparu. La seconde possibilité consiste à institutionnaliser
l’indépendance de la banque centrale. Cette indépendance permet à la BC d’éviter les décisions
politiques qui relèvent de ce que Nordhaus appelle le cycle politico-économique.
La période du début des années 1980 marque donc un tournant dans le fonctionnement de la politique
monétaire. La politique monétaire « keynésienne » est discréditée. On passe d’une d’un arbitrage
permanent inflation / chômage à un objectif unique pour la politique monétaire ; suivant en cela le
principe de Tinbergen : un seul objectif par politique économique. Cet objectif, c’est celui du
contrôle de l’inflation. La lutte contre le chômage est désormais confiée à la politique de l’emploi.
1.3 Troisième période : le retour de l’arbitrage inflation/chômage dans un contexte de
faible inflation
La fin des années 1980 marque une nouvelle inflexion dans les objectifs et le fonctionnement de la
politique monétaire. L’inflation galopante a été vaincue et les idées des économistes qualifiés de
nouveaux keynésiens s’imposent. Les économistes de la NEK (nouvelle économie keynésienne)
proposent un dépassement à la fois des idées keynésiennes des années 1950/1960 mais aussi des
travaux des monétaristes et de la nouvelle économie classique.
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Ils s’appuient sur la courbe de Phillips augmentée des anticipations pour montrer qu’il faut
effectivement distinguer ce qui se passe à court terme de ce qui se passe à long terme. Ils ne
remettent pas en cause l’idée de monnaie neutre à long terme, (c’est-à-dire qu’à LT, l’inflation est
toujours un phénomène monétaire et que la politique monétaire n’a pas d’impact sur le niveau
d’activité). Par contre, sur le court terme, ils renouent avec Keynes. A partir du concept de NAIRU
(Tobin), ils distinguent le taux de chômage structurel et le taux de chômage conjoncturel. Ils
considèrent qu’il est possible grâce à la politique monétaire de faire baisser le taux de chômage
conjoncturel : en réduisant l’output gap à zéro. Lorsque la croissance réelle est égale à la
croissance potentielle, c’est qu’il ne reste que du chômage structurel et que le chômage conjoncturel a
disparu.
Le raisonnement est donc le suivant : il existe un output gap négatif (croissance réelle inférieure à
croissance potentielle), la politique monétaire mise en place est expansionniste, la création monétaire
stimule les échanges, mais les prix et les salaires sont rigides à court terme ; durant cette période de
rigidité, les agents économiques ne subissent donc pas l’inflation, le surplus d’activité fait baisser le
chômage conjoncturel, qui se rapproche peu à peu du chômage structurel. Progressivement tout en se
rapprochant du chômage structurel, l’inflation apparaît. Durant cette période de transition, moins de
chômage signifie plus d’inflation. C’est le cas keynésien traditionnel. Mais dès que le taux de
chômage atteint son niveau structurel, le taux de chômage ne baisse plus. Continuer la politique
monétaire ne peut alors que se traduire par plus d’inflation. On retrouve le cas monétariste.
Finalement, on distingue trois moments : celui durant lequel, le taux de chômage baisse mais cela a
peu d’impact sur l’inflation (la partie presque horizontale de la courbe de Phillips), puis celui où cette
baisse provoque davantage d’inflation (la courbe de Phillips devient de plus en plus négative) et enfin
celui où la baisse du chômage est nulle mais l’inflation est forte (la courbe de Phillips est verticale).
L’intérêt de cette analyse de la NEK est finalement de montrer que les autorités monétaires doivent
arbitrer entre réduction de l’output gap et contrôle des anticipations d’inflation. Elles savent que
plus l’output gap se réduit plus les anticipations d’inflation vont augmenter.
Si la baisse du chômage se paie par peu d’inflation au départ lorsque le chômage conjoncturel est
élevé, ce n’est plus le cas lorsqu’il diminue et que ne reste plus que du chômage structurel.
La NEC réhabilite l’arbitrage inflation-chômage jusqu’au moment où le chômage conjoncturel a
complètement disparu. A partir de ce point, seule la maîtrise de l’inflation compte (il faut éviter que
les anticipations d’inflation dérapent) ; et vouloir diminuer le chômage structurel nécessite une
politique de l’emploi.
En conséquence, les années 1990/2000 voient se développer une politique monétaire qui combinent
réduction de l’écart de production et contrôle de l’inflation (par le contrôle des anticipations des
agents). Il est possible de « vérifier » à postériori ce type de stratégie des banques centrales en utilisant
« la formule de Taylor ». Cette formule de Taylor permet de calculer un taux d’intérêt « théorique »
qui serait le taux optimal découlant d’un arbitrage entre l’écart de production et l’écart entre les
anticipations d’inflation des AE et la cible d’inflation désirée par la BC. Par exemple, si l’écart de
production est faible mais que les AE ont des anticipations d’inflation qui s’écartent de la cible visée
par la banque centrale, cette dernière sera amenée à remonter son taux directeur, et le taux directeur
« théorique » doit augmenter.
En comparant ce qu’auraient du faire les banques centrales, compte tenu des circonstances et de leur
objectif de cible d’inflation, et ce qu’elles ont choisi de faire réellement, Taylor constate qu’en réalité
le taux « théorique » et le taux réellement utilisé sont très proches.
Cela montre bien que les banques centrales ont continué sur cette période à arbitrer de la manière
suivante : réduire l’output gap (faire baisser le chômage conjoncturel) nécessite de réduire le taux
directeur, mais cela fait augmenter les anticipations d’inflation qui s’écartent de la cible, ce qui
conduit la BC à resserrer ses taux, les anticipations se callent sur la cible mais au prix d’un output gap
croissante (hausse du chômage) ; la banque centrale réagit alors en faisant baisser son taux, etc …
cf le document 12 du cours qui montre que la Fed suit bien la règle de Taylor de 1998 à 2008. La Fed
détermine son taux d’intérêt en fonction de la position de l’écart de production et de l’inflation,
sachant que les deux varient en sens inverse. On retrouve bien l’arbitrage inflation/chômage.
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De 1998 à 2001 : le taux de chômage diminue et l’inflation augmente = la fed augmente son taux
directeur
De 2001 à 2004 : le taux de chômage augmente et l’inflation diminue = la fed diminue son taux
directeur
De 2004 à 2007 : le taux de chômage cesse de baisser (on arrive au taux de chômage naturel) et
l’inflation augmente = la fed ressert son taux ;
De 2008 à 2010 : le taux de chômage explose et les prix chute = la fed pratique un taux zéro ;
Une dernière remarque : entre la Fed et la BCE on notera néanmoins une différence. La Fed réagit
beaucoup plus que la BCE à l’écart de production (elle n’hésite pas à baisser radicalement le taux
directeur pour stimuler l’activité), tandis que la BCE réagit davantage sur l’écart des anticipations
avec la cible d’inflation (elle maintien le taux directeur élevé pour éviter que l’inflation dépasse la
cible fixée à 2%).
Au final, cette réhabilitation de l’arbitrage inflation/chômage s’appuie sur une distinction chômage
conjoncturel et chômage structurel. L’arbitrage inflation-chômage ne concerne que le chômage
conjoncturel. Cela permet de comprendre pourquoi les politiques de l’emploi se sont développées
dans les pays où le taux de chômage structurel a augmenté considérablement au tournant des années
1970/1980 ; cela permet aussi de comprendre que vouloir lutter contre le chômage nécessite au
préalable de définir le type de chômage que l’on souhaite faire baisser car les politiques
économiques adéquates ne seront pas les mêmes : chômage conjoncturel / politique conjoncturelle et
chômage structurel / politique de l’emploi.
1.4 Quatrième période : la politique monétaire dans un univers d’instabilité financière et
de disparition de l’inflation
Le début des années 2000 est caractérisé par le développement d’un nouveau cycle financier ; la
période 2001-2004 est celle de la phase d’élan du cycle durant laquelle l’optimisme débridé des
prêteurs et emprunteurs produit des phénomènes de prophéties auto-réalisatrices. On assiste à une
accumulation des capacités de production mondiale et à la hausse de la prise de risque dans le système
financier.
Ce cycle financier va déboucher sur un retournement qui débute mi-2007 aux Etats-Unis, puis à une
propagation mondiale de ce retournement en 2008. Le choc de demande négatif déstabilise certains
pays endettés et provoque des crises de dettes souveraines qui conduisent les Etats de l’UE à pratiquer
des politiques de consolidations budgétaires dans le but d’éviter la défiance des investisseurs
internationaux et la hausse des taux intérêts sur la dette publique. Au choc de demande négatif de
2007, venu des Etats-Unis, se rajoute donc un nouveau choc de demande négatif, en provenance
d’Europe.
Pourquoi les évènements intervenus en ce début du 21ième siècle conduisent-il à s’interroger sur le
fonctionnement de la politique monétaire ?
Il faut distinguer deux problématiques.
La première concerne les instruments de la politique monétaire.
En effet, suite au choc de 2007, les banquiers centraux ont adopté une politique de taux zéro. Cette
politique qualifiée de conventionnelle consiste à rendre le refinancement bancaire quasi gratuit et elle
est censée réduire le coût des crédits aux ménages. Elle doit donc à la fois résoudre le problème de
liquidité des banques et stimuler la dépense. Or, rapidement apparaît une trappe à la liquidité. C’està-dire un phénomène d’inefficacité de la politique monétaire. Grâce notamment aux leçons de la
déflation japonaise, la réaction des banques centrales est alors de changer d’instruments de diffusion
de la politique monétaire, de trouver de nouveaux canaux qui vont permettre la reprise de l’activité.
B.Bernanke fait donc basculer la Fed dans des politiques monétaires non conventionnelles. Quelles
sont les résultats de ces PMNC ? iIs sont mitigés : la dépression et la déflation cessent à la fin 2009, le
chômage se réduit progressivement mais la reprise de l’activité est modeste et l’économie reste à la
porte de la déflation. Il existe donc une véritable difficulté à transmettre la politique monétaire aux
agents économiques afin qu’ils consomment et investissent davantage.
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Cette difficulté peut, en outre, être renforcée par un « policy-mix » défaillant : c’est typiquement le
cas dans la zone euro. A la suite de la crise des subprimes, les déficits publics ont explosés,
entraînant des doutes sur la solvabilité des dettes publiques de certains Etats, notamment la Grèce. La
défiance des investisseurs s’est traduite par une hausse des primes de risques et une explosion du coût
de l’endettement public. Face au risque de défaut de l’Etat grec, les autres Etats ont réagit en 2010 en
prêtant à la Grèce (prêts bilatéraux et création du FESF), de fait, ils sont devenus créanciers de la
Grèce. Or, les investisseurs constatent rapidement durant l’année 2011 que la crise grecque ne se
résout pas et que la « faillite » menace toujours. Les investisseurs craignent alors que les créanciers de
la Grèce, eux même fragilisés par la crise, soient entraînés par la Grèce eux aussi dans la « faillite ».
Certains Etats voient alors bondir les taux d’intérêts des émissions de dette publique (Irlande,
Espagne, Portugal, Italie). La réponse des Etats européens est alors de « serrer les vis du budget »
(consolidation fiscale) afin de réduire les déficits publics et envoyer un signal de crédibilité aux
investisseurs. Ce faisant, tous les pays européens pratiquent en même temps une consolidation fiscale
qui affectent négativement la demande globale. Un second choc de demande négatif touche l’Europe à
partir de 2011. Cette stratégie de réduction des déficits publics est entérinée collectivement lors de
la signature du Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’UEM en 2012. L’Europe
a donc choisit de manière incohérente de mener une politique budgétaire restrictive tout en ayant
une banque centrale qui mène une politique monétaire très expansionniste. L’inefficacité de la
politique monétaire vient donc d’un défaut du policy mix européen.
La seconde problématique qui apparaît après la crise de 2008 s’appuie sur le constat suivant : le cycle
financier, qui débute en 2001/2004, bénéficie de la politique monétaire accommodante menée par
Greenspan pour répondre au choc de 2001 ; cela signifie que lorsque la politique monétaire devient
expansionniste pour répondre à un choc (et réduire l’écart de production) elle alimente un nouveau
cycle qui débouche quelques années plus tard sur une crise. C’est aussi ce que l’on remarque
aujourd’hui, depuis 2008, la politique monétaire est très accommodant, mais l’activité « réelle » repart
peu, par contre, comme le souligne P.Artus, de nombreuses bulles sur les actifs financiers se
développent. La liquidité reste dans la système financier mais ne se diffuse pas à l’économie réelle.
La question est alors de savoir pourquoi la politique monétaire génère-t-elle de nouveaux cycles et de
nouvelles crises ?
Pour répondre, il faut en fait se demander ce qui « normalement » conduit la BC à limiter la création
monétaire et éviter le surplus de liquidité. Quelle est la limite à la création monétaire ? Cette limite,
depuis l’après seconde guerre mondiale, c’est l’inflation. Dès que l’inflation apparaît la politique
monétaire devient restrictive. Or, aujourd’hui que constate-t-on la disparition de l’inflation. Du coup,
sur quel critère la BC doit-elle se pencher pour savoir si elle doit poursuivre ou cesser sa politique
expansionniste ? Pour Artus, la BC doit avoir une cible d’inflation (hausse du niveau général des prix
des biens) mais aussi une cible de hausse du niveau général des prix des actifs. Cela signifie que la BC
doit avoir pour objectif de contrôler l’inflation et de contrôler la stabilité financière. Dans la période
actuelle, son objectif est plus exactement de faire apparaître des anticipations d’inflation (pour sortir
des portes de la déflation) et de contrôler les prix sur les marchés des actifs.
La situation actuelle est donc une situation où les politiques monétaires ultra accommodantes ne
produisent pas d’inflation. Cela signifie donc que la courbe de Phillips de LT a disparu ! c’est bien là
le danger : à quel moment doit s’arrêter la création monétaire si l’indicateur d’inflation n’apparaît
plus ? mais on constate aussi aux Etats-Unis (récente étude Artus pour Natixis) qu’à court terme sur la
période 2012-2015, le taux de chômage s’est effondré et que l’inflation a baissé en même temps ! ce
qui veut dire que le courbe de Phillips a aussi disparu à court terme : normalement, quand le taux de
chômage baisse, l’inflation progresse.
Comme dans les années 1970, la politique monétaire se trouve dans une situation « anormale » par
rapport à sa pratique habituelle. Dans les années 1970, le chômage progressait en même temps que
l’inflation ; dans les années 2010, le chômage baisse en même temps que l’inflation. Comment
expliquer cette faiblesse que l’on pourrait qualifiée de « structurelle » de l’inflation car cela fait
maintenant plus de 25 ans qu’elle se situe à un niveau très bas ? certains économistes avancent comme
explication l’entrée dans la stagnation séculaire : la croissance va rester durablement très faible
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pendant plusieurs années (explications : démographie, surcapacité mondiale de production, baisse
croissance potentielle …) ; il n’y a donc pas de raison que l’inflation reparte à la hausse, ce qui
provoque une baisse des anticipations d’inflation.
En résumé, pour Artus, cette nouvelle configuration : disparition inflation à CT et à LT
s’accompagnant d’un taux de chômage faible fait disparaître l’arbitrage inflation-chômage qui sert de
cadre habituellement à la politique monétaire. Les politiques expansionnistes n’étant plus freinées par
l’apparition de l’inflation mais générant des bulles financières, il est donc nécessaire que la stabilité
financière devienne un nouvel objectif des politiques monétaires.
2. La politique budgétaire
3. 2.1 La politique budgétaire et l’état de la conjoncture : distinguer le déficit
« automatique » du déficit « discrétionnaire »
Le budget de l’Etat se décompose en recettes et dépenses. Lorsque les dépenses sont supérieures aux
recettes, le budget de l’Etat est en déficit.
Dans quelle mesure le solde du budget de l’Etat peut-il être relié au cycle économique, c’est-àdire à la conjoncture économique ?
On distingue deux situations :
- Le budget de l’Etat va réagir aux variations conjoncturelles : un déficit apparaît alors comme la
conséquence d’un ralentissement économique (récession ou dépression)
Lorsque le rythme de l’activité varie (accélération ou récession), cela impacte automatiquement les
recettes publiques mais aussi les dépenses.
Généralement, un ralentissement économique fait augmenter les dépenses (dépenses sociales
notamment) tout en impactant négativement les recettes (les impôts sur le revenu, sur les sociétés, la
TVA récoltée soit moins élevés) : donc, un ralentissement se traduit automatiquement par une
dégradation des comptes publics. Les recettes diminuent alors que les dépenses augmentent. Cette
dégradation peut alors conduire au déficit public.
Inversement, une accélération économique a les effets strictement inverses (les dépenses sociales
diminuent) tandis que les recettes fiscales augmentent. Cette accélération a donc tendance à améliorer
les comptes publics.
On constate donc que les variations de la conjoncture ont un effet « automatique » sur les recettes
et les dépenses publiques. Un déficit budgétaire peut donc apparaître «automatiquement » quand la
conjoncture se dégrade (cf ce qui s’est passé après 2008).
La conséquence de ce déficit automatique est qu’il a une action contra-cyclique. En effet, lorsque la
croissance ralentie, les dépenses sociales augmentent, ce qui va maintenir la demande globale. C’est
pourquoi on parle de « stabilisateur automatique ». On remarquera d’ailleurs, que les pays où la
protection sociale est développée (France) ont des stabilisateurs automatiques bien plus importants
que les pays qui ont une protection sociale plus réduite (Etats-Unis). Les variations de la conjoncture
ont des conséquences « automatiques » plus importantes sur le solde du budget de l’Etat.
- L’Etat utilise son budget comme un instrument pour répondre aux écarts de production : lorsque le
chômage augmente, l’Etat pratique un déficit public afin de stimuler l’activité économique. Le
raisonnement est donc différent du cas précédent. La puissance publique peut chercher
volontairement à augmenter ses dépenses (ou à baisser ses recettes) afin de stimuler l’activité
économique. De la même manière que la BC en baissant ses taux d’intérêt cherche à augmenter la
demande globale, l’Etat peut aussi augmenter la dépense globale : soit en augmentant ses propres
dépenses, soit en réduisant les impôts (et donc ses recettes). Ce type de stratégie est mené dans une
situation macroéconomique d’insuffisance de la demande globale. L’Etat cherche alors à se substituer
aux agents économiques privés en s’appuyant. En modifiant ses dépenses / ses recettes, la puissance
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publique cherche à mettre en oeuvre un effet multiplicateur. Dans ce cas de figure, le budget de l’Etat
sert volontairement d’outil pour agir sur la conjoncture.
Cette manipulation des recettes et des impôts peut aussi conduire à un déficit, mais cette fois-ci ce
déficit est « volontaire » (il relève bien d’une volonté de l’Etat) et il vise à agir sur la conjoncture.
En résumé, la politique budgétaire comme outil conjoncturel est donc soit « automatique », soit
« discrétionnaire » (volontaire). On peut préciser pour terminer que les pays qui sont dotés de
stabilisateurs automatiques importants font moins appels à la politique discrétionnaire (puisque le
budget réagit déjà beaucoup aux modifications de conjoncture), tandis que les pays où les
stabilisateurs sont réduits, font davantage appel à la politique budgétaire discrétionnaire pour jouer un
rôle contra-cyclique. C’est pourquoi la politique conjoncturelle est beaucoup plus active aux EtatsUnis qu’en Europe.
- Les déficits publics peuvent avoir d’autres origines que les stabilisateurs automatiques ou la
politique discrétionnaire ; ils ne sont pas toujours en lien avec l’état de la conjoncture. Il ne faut
pas réduire l’usage du budget de l’Etat à ce que l’on a coutume d’appeler la politique budgétaire.
En effet, l’origine d’un déficit public peut trouver sa source ailleurs que dans l’état de la conjoncture.
On sait par exemple que la durée de vie de l’Etat étant potentiellement sans limite, son horizon
temporel dépasse celui des individus. La puissance publique peut donc procéder à des investissements
à un temps t au bénéfice des générations ultérieures. Il peut donc accepter de subir un déficit en t pour
améliorer le bien-être des générations futures, et donc augmenter la croissance potentielle en
permettant l’accumulation de capital public.
Dans un registre différent, comme l’a montré l’école du public choice, les hommes politiques peuvent
se servir du budget pour optimiser leur chance de réélection, en augmentant par exemple les
investissements, ou en baissant les impôts, avant les élections. Les défaillances de l’Etat peuvent
donc expliquer aussi les situations de déficits budgétaires.
Enfin, la structure même du budget de l’Etat peut conduire à ce que les dépenses augmentent plus
rapidement que les recettes et conduisent à des déficits récurrents. Cela peut par exemple provenir de
déséquilibres des comptes sociaux qui se renouvellent d’année en année.
En résumé, le déficit budgétaire peut être la conséquence de fluctuations économiques, de la mise en
place d’une politique volontariste, d’une politique d’investissement public, de défaillances de l’Etat
ou d’un déséquilibre structurel du budget de l’Etat.
- Si l’on décompose plus finement le solde du budget de l’Etat, on peut faire apparaître :
Un solde conjoncturel qui varie en fonction des fluctuations économiques : ce solde est finalement
assez peu dépendant des choix du gouvernement. Que le gouvernement le veuille ou non, une
récession se traduit par moins de recettes et plus de dépenses et l’apparition d’un déficit conjoncturel ;
et plus les stabilisateurs automatiques sont importants (donc plus la protection sociale est développée),
plus ce type de déficit budgétaire sera important.
Un solde structurel qui correspond aux dépenses et recettes indépendantes des fluctuations. Ce solde
structurel peut donc varier pour des raisons dont nous avons déjà parlé plus haut : tout d’abord, parce
que l’Etat veut utiliser de manière volontariste le budget pour agir sur l’activité (mesure contracyclique). C’est la politique budgétaire discrétionnaire. Mais ce solde structurel peut aussi se
dégrader si l’Etat mène une politique de grands travaux (investissement public). D’ailleurs, on
remarquera qu’une politique budgétaire discrétionnaire peut s’appuyer sur des « grands travaux » (cf
le New Deal par exemple). L’action conjoncturelle de l’Etat peut donc amener à une accumulation de
capital public et stimuler à plus long terme la croissance potentielle. Mais le solde structurel peut aussi
se dégrader si, comme nous l’avons vu, le budget de l’Etat est structurellement déséquilibré. Par
exemple, le vieillissement de la population pèse de plus en plus sur l’équilibre des comptes publics
dans les pays qui possèdent un régime de retraite public. Dans ce cas là, le déséquilibre des comptes
publics va conduire à terme à des réformes. Enfin, un déséquilibre structurel peut aussi apparaître
lorsque le budget de l’Etat suit le cycle politique (critique du public choice).
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En résumé, lorsque le solde structurel est déficitaire, cela peut provenir d’une volonté de mener une
politique de relance budgétaire ou de réaliser des investissements publics ; mais cela peut aussi être la
conséquence d’une mauvaise gestion des deniers publics ou d’une structure particulière du budget de
l’Etat de plus en plus déséquilibrée. L’interprétation du solde structurel est donc délicate. Au-delà de
ces différences, on considère que le solde structurel indique toujours les choix, les stratégies du
gouvernement. C’est la partie du déficit public sur laquelle il a une maîtrise. Que le gouvernement
pratique une politique de relance ou qu’il augmente les investissements en espérant être élu, il s’agit
toujours d’une volonté de sa part. Lorsque les déficits structurels se creusent, ils est toujours possible
de mettre en place des réformes pour revenir à l’équilibre (exemple les réformes des retraites). C’est
là, la différence avec le solde conjoncturel qui exprime les recettes et les dépenses sur lesquelles la
puissance publique n’a pas de prise à court terme.
Enfin, dans le solde budgétaire il faut tenir compte d’une troisième rubrique qui est nécessairement
déficitaire, celle du service de la dette (ou charges de la dette) : elle regroupe les intérêts de la dette et
la dette que l’Etat doit rembourser chaque année.
Une fois que l’on a décomposé le solde budgétaire, on obtient :
Solde budgétaire = solde budgétaire primaire + service de la dette
Solde budgétaire = solde primaire structurel + solde primaire conjoncturel + service de la dette
2.2 La politique budgétaire et l’effet multiplicateur : quels résultats ?
Nous allons étudier dans cette partie les conséquences d’une utilisation volontaire (discrétionnaire)
du budget.
On distingue les politiques de relance (qui consistent à creuset le déficit en cherchant à créer un effet
multiplicateur), des politiques de consolidation fiscale (qui consistent à réduire les déficits, dégager
des excédents du déficit primaire structurel et faire baisser l’endettement public).
- La politique budgétaire s’inscrit dans le cadre théorique de la pensée keynésienne. L’idée est
d’utiliser le budget de l’Etat pour faire augmenter les dépenses globales et générer un effet
multiplicateur dans des périodes de ralentissement.
Cela peut passer par une hausse des dépenses publiques (effet multiplicateur de la dépense
publique) ou une baisse des impôts (effet multiplicateur fiscal).
Lorsque la dépense publique augmente, cela entraîne un surplus de revenu pour des agents privés
(ceux qui bénéficient des commandes publiques), ce surplus de revenu entraînent de nouvelles
consommations, qui à leur tour engendrent des nouveaux revenus … Cependant, à chaque étape, les
agents économiques consomment et épargnent. Or, l’épargne fait sortir du circuit de la dépense une
partie des revenus. Donc peu à peu, les nouvelles consommations sont d’un montant de plus en plus
faible, jusqu’à devenir nulles ; l’effet multiplicateur s’arrête.
Lorsque les recettes fiscales diminuent (parce que les impôts diminuent) les agents consacrent une
partie de ce « surplus » de revenu à consommer mais aussi à épargner. Le surplus de revenu se diffuse
dans l’économie par vague successive et produit aussi un effet multiplicateur. Mais ce multiplicateur
fiscal est plus faible que celui de la dépense.
Choisir de créer un déficit en augmentant les dépenses, pour un montant de recettes données, produit
donc un effet multiplicateur de la dépense publique.
Choisir de créer un déficit en baissant les impôts pour un montant de dépenses données, produit un
effet multiplicateur « fiscal ».
Dans les deux cas, le déficit budgétaire permet une augmentation de la dépense globale, et on s’attend
donc à moyen terme à voir les recettes fiscales augmenter ; cette hausse des recettes publiques sera la
contrepartie du déficit initial.
Que se passe-t-il si l’Etat augmente la dépense publique et dans le même temps augmente les impôts
du même montant ? Observe-t-on aussi un effet multiplicateur ? Logiquement, le budget reste
équilibré, mais comme la montré Haavelmo, puisque l’effet multiplicateur de la dépense publique est
supérieur au multiplicateur fiscal, cela signifie que le surplus de dépenses engendrées par la hausse de
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la dépense publique est supérieur à la réduction de dépenses consécutives à la hausse des impôts.
Conclusion du théorème d’Haavelmo, un budget qui reste équilibré produit quand même un effet
multiplicateur à partir du moment où il augmente d’une année sur l’autre.
Si on représente graphiquement une « relance » keynésienne avec des courbes d’Og et de Dg, on
observe à la fois une hausse du produit (abscisses) et une hausse du NGP (ordonnées). La relance
« keynésienne » permet de réduire le chômage mais se paie de plus d’inflation. On retrouve bien
l’arbitrage inflation-chômage.
Il existe donc un policy-mix : la politique budgétaire et la politique monétaire peuvent agir de concert
pour stimuler l’activité. Pour les keynésiens cependant, la politique budgétaire a un avantage sur la
politique monétaire. En effet, cette dernière peut être victime de la trappe à liquidité : malgré un taux
directeur très bas, l’économie ne repart pas. la raison vient de la faiblesse de la demande qui pousse
les investisseurs à attendre avant d’investir.
- Cette approche traditionnelle du multiplicateur que l’on retrouve chez les keynésiens de la synthèse
sera critiquée par les monétaristes, la NEC et le public choice à partir des années 1970. Tout
comme la politique monétaire keynésienne sera discréditée à cette période, la politique budgétaire
« de relance » connaîtra le même sort. On pense par exemple en France au triple échec des relances de
1976, 1979 et 1981
Il faut distinguer trois niveaux de critiques.
Le premier niveau de critique porte sur l’inefficacité de cette politique. La politique budgétaire de
relance serait inefficace pour stimuler l’activité car :
- pour la financer, l’Etat émet des titres qui font augmenter les taux d’intérêt et qui captent
l’épargne des investisseurs ; l’investissement privé est donc doublement pénalisé. On parle ici
d’effet d’éviction.
- les agents privés anticipent une future hausse des impôts et ajustent leur niveau de dépense à la
baisse (hausse de l’épargne), ce qui a pour conséquence de réduire l’effet multiplicateur – c’est
l’effet Ricard-Barro ; - les agents privés savent que la hausse de revenu engendrée par l’effet multiplicateur est
temporaire, or leur consommation est déterminée par leur revenu « permanent » (Milton
Friedman) qui ne change pas ; donc, la hausse de la dépense publique ne stimule pas la
dépense privée ce qui empêche l’effet multiplicateur de fonctionner ;
Le second niveau porte sur les anticipations d’inflation. La politique budgétaire modifie les
anticipations d’inflation qui vont augmenter car :
- les prix sont davantage flexibles que ne le postulent les keynésiens et la politique budgétaire
génère rapidement une inflation par la demande que les AE vont découvrir peu à peu ; une fois
« la vérité » sur l’inflation connue, les AE modifient leur comportement et réduisent leur
consommation. Ce schéma correspond à l’hypothèse d’anticipations adaptatives ; lorsque les
anticipations sont rationnelles, les AE modifient immédiatement leur comportement à
l’annonce d’une relance, ce qui « casse » l’effet multiplicateur. On retrouve ici une critique
radicale de Lucas à propos des modèles macroéconomiques keynésiens. Pour Lucas (NEC),
ces modèles font l’erreur de considérer que les comportements des AE ne changent pas ; or, à
l’annonce d’une politique économique, les AE anticipent des évènements futurs (hausse impôt,
inflation …) ce qui les conduit à changer de comportements, et ce changement rend la
politique économique totalement inopérante. Cette critique de Lucas porte sur toutes les
politiques conjoncturelles keynésiennes : la politique budgétaire et la politique monétaire qui
sont toute deux frappées d’inefficacité totale. Le seul effet de ces politiques est de créer de
l’inflation. Cf graphique cours n°69.
Le troisième niveau de critique est très simple : c’est celui du public choice. Le budget de l’Etat est
utilisé en fonction du cycle politico-économique et donc la hausse de la dépense publique est
constante, ce qui engendre une multiplication des déficits publics.
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- Face à cette critique théorique importante qui se développe durant les années 1970/1980, la NEK va
adopter une position intermédiaire : en adoptant l’hypothèse de rigidité des prix à court terme, cette
approche montre qu’une politique de relance fait augmenter dans un premier la demande globale
(effet multiplicateur) mais que dans un deuxième temps avec la flexibilité croissante des prix et des
salaires, les coûts de production vont augmenter, entraînant un choc d’offre négatif : la courbe d’Og se
déplace vers la gauche. Le niveau global (Y) diminue et le niveau général des prix augmente.
On constate donc que le débat théorique autour de l’effet multiplicateur, et donc l’intérêt de la
politique budgétaire discrétionnaire, est riche.
Que nous disent les travaux empiriques sur cette question ?
Pour répondre à cette question, il est possible de partir de l’observation de deux situations :
Que se passe-t-il quand une politique de relance est menée ?
Que se passe-t-il quand une politique de consolidation est menée ?
Les exemples historiques sont nombreux.
Les multiplicateurs s’observent dans deux cas : une politique de relance qui stimule la croissance ou
une politique de consolidation qui freine la croissance. Dans ces deux cas, la variation du budget de
l’Etat affecte le niveau d’activité, ce qui rejoint les analyses théoriques keynésiennes.
Exemples historiques :
- L’effet positif sur la demande globale d’une politique de relance budgétaire s’observe aux
Etats-Unis en 2001, dans le monde en 2009 ; L’effet positif sur la demande globale d’une baisse des
impôts s’obverse aux Etats-Unis en 2002.
- L’effet négatif sur la demande globale d’une politique de consolidation budgétaire s’observe
en Europe à partir de 2011, mais aussi en 1993.
On peut maintenant chercher les exemples qui illustrent au contraire l’absence d’effet multiplicateur.
Cela correspond à une situation ou la politique de relance ne fait pas repartir la croissance ou que la
consolidation fiscale ne produit pas un effet dépressif sur l’activité. On retrouve donc ici des
illustrations des approches critiques vis-à-vis de l’analyse keynésienne.
- la politique de relance ne permet pas une reprise de l’activité : France 79-81 et Japon années
1990 ;
- la politique de consolidation fiscale n’entraîne pas d’effet dépressif sur l’activité : Danemark
1986.
Cet état des lieux empirique montre que le montant des multiplicateurs est très varié d’un pays et
d’une période à l’autre.
2.3 La montée des endettements et les crises de dettes souveraines
Partons d’une série de constats proposée par Bénassy-Quéré dans Politique économique.
a) On observe un creusement généralisé des déficits publics dans tous les PDEM depuis les
années 1980 :
- L’accélération des dépenses de protection sociale et le ralentissement des recettes publiques
« fabriquent » du déficit primaire structurel ;
- Les chocs conjoncturels (1993-2001 et surtout 2008) font augmenter le déficit primaire
conjoncturel ;
- Le ralentissement de la croissance et la hausse des taux d’intérêt réels (au moment notamment
de la désinflation) fait augmenter la charge de la dette.
Les déficits se cumulent donc et font augmenter la dette publique. Si cette hausse de la dette est
supérieure à celle du pib alors le ratio d’endettement (dette/pib) augmente.
b) au regard de l’histoire longue, on observe des périodes durant lesquelles, le ratio
d’endettement a déjà été très élevé, mais à la différence de ces périodes, les PDEM sont aujourd’hui
en temps de paix ;
c) les contraintes qui pèsent sur les Etats pour maîtriser leur dette augmentent : en raison de la
structure des dépenses (dépenses sociales croissantes), d’une croissance plus faible, et de périodes de
désinflation qui provoquent une hausse du service de la dette.
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d) cette hausse du ratio d’endettement se retrouve dans des pays où les pratiques budgétaires
sont très différentes. Le Japon qui ne pratiquait pas le déficit budgétaire a vu sa dette s’envolée
depuis les années 1990 (12 plans de relance entre 1992 et 2002 !). En Europe, les années 1990 et
l’entrée dans l’euro ont poussé les Etats à « encadrer » leur politique budgétaire par des règles de
finances publiques qui s’avèrent entre pro-cyclique en période de ralentissement économique.
Aujourd’hui c’est bien le choix d’une consolidation rapide en Europe qui empêche la politique
monétaire expansionniste de fonctionner. aux Etats-Unis, le pragmatisme en matière de politique
conjoncturel est bcp plus fort, notamment parce que les stabilisateurs y sont plus faibles. La seule
période d’amélioration de la dette publique se fait sous l’administration Clinton.
- On peut donc se demander jusqu’où cette tendance à la hausse de l’endettement public peut
aller ? Existe-t-il une limite à l’endettement public ?
Pour répondre à cette question nous pouvons tout d’abord nous appuyer sur un raisonnement
théorique, puis, observer empiriquement s’il existe des seuils d’endettement maximal au-delà desquels
les Etats connaissent des crises de dette souveraine.
Pour comprendre comment fonctionne la dette publique et ce qui peut conduire à une crise de la dette,
il faut commencer par une remarque :
- l’endettement public et l’endettement privé ne suivent absolument pas la même logique.
Un agent économique qui s’endette doit rembourser sa dette durant le reste de sa vie. Son horizon
temporel est donc borné – ce qui limite donc son endettement. Cette caractéristique n’est bien
évidemment pas celle d’un Etat, celui-ci n’a a priori pas de raison de disparaître, et la durée durant
laquelle il peut procéder au remboursement de sa dette est donc infinie. Cela signifie donc que la
« limite » d’endettement que rencontre un AE privé ne peut se transposer à la puissance publique.
Celle-ci est donc en capacité permanente de remplacer une ancienne dette par une nouvelle.
Seconde différence avec un AE privé, celui-ci ne maîtrise pas ses revenus futurs ; admettons que ses
remboursements de prêts augmentent, il ne peut pas augmenter ses salaires pour pouvoir faire face à
cette hausse. Tandis que l’Etat peut moduler ses recettes/dépenses publiques pour faire face à un
surcroît de charges de la dette. La contrainte de remboursement est là aussi moins forte.
En résumé, la limite temporelle que connaît l’agent privé ne s’applique pas à l’Etat, et la capacité
de l’Etat à moduler son budget lui permet de faire face à une éventuelle hausse du service de la dette.
Une fois que l’on a fait ce constat d’une différence essentielle entre la dette privée et la dette publique,
il faut essayer d’expliquer pourquoi l’augmentation de la dette publique peut poser problème.
Abordons tout d’abord un premier cas. Il peut exister une première limite lorsque l’Etat choisit de
financer sa dette publique en créant de la monnaie : la banque centrale monétise la dette en
achetant les titres émis par le Trésor. Cela ne pose pas de problème particulier quand le total de la
création monétaire dans l’économie ne dépasse pas les besoins en liquidité, mais si l’Etat « abuse » de
cette technique, il peut conduire à une création monétaire excédentaire au regard des besoins
économiques. On reconnaît là l’explication de l’inflation de la théorie quantitative de la monnaie.
Exemple : l’hyperinflation allemande de 1923 (l’Allemagne monétise sa dette dans un contexte de
remboursement des réparations de guerre). C’est notamment pour éviter ce type de dérapage
inflationniste que certaines règles ont été mises en place : les banques centrales doivent suivre une
cible d’inflation, les banques centrales sont indépendantes du pouvoir politique, les banques centrales
ne peuvent pas acheter de titres publics sur le marché primaire (au moment de leur émission). Dans le
cas des économies modernes, ces règles sont suivies par les Banques centrales (avec des « formules »
différentes suivant les pays). Ce cas de figure a donc peu de chance de se (re)produire.
Comment alors expliquer la survenue d’une crise des dettes souveraines ?
Une autre piste consiste à s’intéresser à l’évolution du montant de la dette. Pourquoi ce montant
augmente-t-il ?
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L’Etat peut accumuler les déficits conjoncturels ou structurels d’une période à l’autre, il a donc
besoin chaque année de s’endetter. Si ce montant d’endettement est supérieur à ce qu’il est en train de
rembourser alors le volume de la dette progresse.
Une autre source d’augmentation de la dette publique provient de l’évolution des taux d’intérêt des
emprunts publics. Souvenons nous que l’Etat peut faire « rouler » sa dette : à chaque fois qu’il doit
rembourser une dette, il emprunte de nouveau pour la rembourser et contracte une nouvelle dette. Que
se passe-t-il si les taux d’intérêts des nouveaux emprunts sont supérieurs à ceux des emprunts
précédents ? Prenons l’exemple suivant :
En t, l’Etat emprunte 100 et doit verser 1 d’intérêt.
Il rembourse donc 101 au temps t+1 ; mais il peut emprunter pour rembourser cette somme
L’Etat emprunte donc 101 en t+1 et devra par exemple verser 9 d’intérêt car les intérêts ont augmenté
(entre la première et la seconde période)
Il rembourse alors 110 au temps t+2, etc …
On constate donc que la somme des intérêts progresse, alors qu’il s’agit simplement de financer le
remboursement de la dette précédente. L’Etat s’endette davantage uniquement pour pouvoir
rembourser sa dette passée. On appelle cela l’effet boule de neige de la dette publique. La dette se
nourrit d’elle-même.
On vient donc de comprendre qu’une hausse du déficit primaire ou une hausse du service de la
dette font augmenter le montant de la dette. Mais est-ce que cela met l’Etat en danger ? On peut
s’appuyer sur deux exemples historiques pour répondre :
- Le premier est celui qu’a connu la Grèce : début 2010, le montant attendu des futurs
remboursements de la dette (pour les années 2012-2013) atteint l’équivalent du budget de l’Etat.
Pourquoi ? Parce que les taux d’intérêt des emprunts grecs ont explosé. Dans ce cas, bien
évidemment, le service de la dette rend son remboursement impossible.
- Le second cas est celui plus général de tous l’ensemble des PDEM qui ont vu le montant de la dette
progressée depuis les années 1970 sans que cela ne produise de crise de la dette souveraine.
Pourquoi ce qui s’est passé en Grèce ne s’est pas passé au Japon, en Belgique … dans tous les
autres PDEM où l’endettement public a fortement progressé depuis les années 1980 ?
Il faut se rappeler que les emprunts réalisés à un moment donné se remboursent ultérieurement ; or
dans le futur, les conditions peuvent changer : il n’est pas possible de savoir au préalable quelle sera la
croissance, le montant des recettes publiques, le taux d’intérêt, l’inflation … et cela peut bien
évidemment considérablement changer le « poids » de la dette. Tout au plus peut-on imaginer une
tendance plus ou moins soutenable. Pour imaginer cette « tendance » on ramène l’évolution de la dette
à celle de la croissance : c’est le ratio d’endettement (dette/pib) qui mesure finalement ce « poids »
de la dette par rapport aux capacités de l’économie.
Le ratio d’endettement met en perspective l’état des finances publiques et la croissance économique.
Lorsque ce ratio augmente cela signifie que la dégradation des comptes publics est plus rapide que
celle de la croissance ; et si cette dégradation se poursuit, la dette doit à terme devenir
insoutenable.
Mais on en revient toujours à la même question : à quel moment cette dégradation devient-elle
problématique ?
Ce ratio augmente quand le numérateur augmente plus rapidement que le dénominateur, et a
fortiori, lorsque le dénominateur diminue (cas grec période 2010-2015).
Le numérateur croit plus vite que le dénominateur si le déficit est supérieur à la croissance :
- Le déficit primaire augmente plus vite que la croissance ;
- Le service de la dette augmente plus vite que la croissance.
Mais une fois que l’on a dit cela, on ne peut pas conclure sur le moment où l’endettement n’est plus
soutenable. On en conclut donc qu’il n’y a pas de limite théorique à l’endettement public.
En réalité ce qui fait basculer une dynamique à la hausse de la dette dans la crise de la dette,
c’est l’opinion des prêteurs : tant que les investisseurs considèrent que l’Etat est en mesure de
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rembourser sa dette, il n’y aura pas de crise de la dette. Si des doutes apparaissent, alors la défiance va
conduire à un assèchement du marché / une envolé des taux qui va produire un effet boule de neige
précipitant la crise. L’Etat devant faire rouler sa dette ne sera plus en mesure de le faire à des
conditions de marché soutenable. L’explosion des taux oblige l’Etat à rembourser sa dette initiale
(plus tous les intérêts contractés depuis le départ), ce qui peut conduire à des montants supérieurs à ses
capacités. Comme ce fut le cas pour la Grèce.
On voit tout de suite la différence entre le cas grec et le cas japonais. L’Etat japonais a le ratio
d’endettement public le plus élevé des PDEM (en tout cas bien supérieur à celui de la Grèce,
l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande) mais les investisseurs (essentiellement nippons) n’ont jamais
douté de sa capacité à rembourser et il peut sans difficulté renouveler en permanence sa dette.
En résumé, il est possible d’expliquer pourquoi une dette publique et un ratio d’endettement
progressent, mais il n’est pas possible d’expliquer à quel moment cette dynamique haussière
déclenche une défiance des investisseurs qui conduit à la crise de la dette souveraine.
Une dernière remarque sur cette question de la dette publique et ses origines : en cas de sujet sur ce
thème, à moins que cela ne soit préciser dans le sujet, il faut aussi penser aux crises de dettes
souveraines des PVD. Nous avons vu ensemble par exemple la crise mexicaine de 1982. Cette crise
est la conséquence d’un déficit public croissant durant les années 1970 (pour financer le
développement de la protection sociale mexicaine) financer par des prêts en eurodollars. La hausse
des taux d’intérêt aux Etats-Unis sous Volcker a alors fait expliquer le service de la dette en dollars de
l’Etat mexicain qui n’a pu faire face aux sommes dues aux créanciers.
- Observe-t-on empiriquement un seuil que les Etats ne devrait pas dépasser ?
Au moment des crises des dettes souveraines européennes, deux économistes américains sortent une
étude qui fera grand bruit (notamment pour ses conclusions, son usage politique mais aussi pour sa
méthodologie scientifique). Reinhart et Rogoff publient cette étude en 2010 dans laquelle ils montrent
qu’à partir d’un ratio d’endettement de 90% du pib, le taux de croissance devient plus faible : dit
autrement, le poids de l’endettement public pèse sur la croissance.
On pourrait donc penser que ce fameux seuil maximal est de 90% et donc que tous les Etats qui
auraient dépassé ce chiffre devrait consolider leur budget pour stimuler leur croissance.
Dans le contexte post-crise 2008, au moment où les déficits et la dette ont explosé, que l’Europe rentre
dans la crise grecque, cette publication scientifique fait donc beaucoup parler d’elle car elle alimente
le débat sur « faut-il arrêter la hausse de l’endettement public et réduire rapidement la dette
publique ? ».
Mais la limite « pratique » de cette étude se résume à travers une autre question : si un pays, qui a
dépassé le seuil de 90% du pib, décide une consolidation fiscale, est-ce que la croissance qu’il
obtiendra après consolidation sera plus élevée que celle qu’il connaît avant ?
En effet que le poids de la dette freine la croissance est une chose, mais l’impact négatif sur l’activité
que peut avoir la consolidation fiscale en est une autre.
Une consolidation budgétaire peut avoir des effets multiplicateurs négatifs (réduire le budget de
l’Etat et donc ses dépenses pèse négativement sur la dépense globale), et donc que plus cet effet
multiplicateur est important, plus la consolidation fiscale pèse sur la croissance et plus la croissance
obtenue après consolidation sera plus faible que celle d’avant la consolidation ! Dit autrement, dans ce
cas, la dette freine la croissance, mais la consolidation peut la tuer !
Les Etats endettés après la crise de 2008 se trouvent donc dans un dilemme : faut-il accepter les
conséquences négatives sur la croissance du poids de l’endettement, ou bien faut-il accepter les
conséquences négatives sur la croissance de la consolidation budgétaire ?
La réponse dépend en fait de la taille des multiplicateurs générés par la consolidation budgétaire :
s’ils sont faibles, l’Etat a intérêt à réduire rapidement sa dette publique (la baisse de la dépense
publique a peu d’impact négatif) ; s’ils sont élevés, l’Etat a intérêt à réduire lentement sa dette
publique (la baisse de la dépense publique a un impact négatif important).
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A partir de cette grille de lecture, observons les stratégies adoptées par les Etats-Unis d’un côté,
et l’Europe de l’autre après l’envolé de la dette publique en 2008/2010.
- En Europe, c’est le choix de la consolidation rapide qui va être fait.
Tout d’abord par les Etats européens eux-mêmes. Ensuite par la Commission européenne dans le
cadre des stratégies de sauvetage aux pays en difficulté, comme l’Espagne.
Il faut se rappeler qu’après la crise de 2008 tous les PDEM décident au G20 de Londres (2009) de
mener de manière coordonner des politiques de relance. A la même époque la Commission
européenne suspend le respect du Pacte de stabilité et de croissance. Mais dès 2010, cette politique
expansionniste va être remis en cause en Europe qui va basculer en moins de 2 ans dans une stratégie
de consolidation. Pourquoi ? Au moment de la crise grecque, les Etats européens mettent en œuvre
des aides bilatérales à la Grèce et créent le FESF (qui deviendra en 2012 le MES). Ces Etats (+ le FMI
+ le FESF + BCE) deviennent créanciers de la Grèce à la place des créanciers privés (les banques
européennes particulièrement affectées par la crise des subprimes n’auraient pas supporté une
nouvelle dégradation de leur bilan si la Grèce avait fait « faillite »). Or le remède imposé à la Grèce
pour rétablir ses comptes publics, et redonner confiance aux investisseurs, ne marche pas (chute de
25% du pib en 4 ans). Il est clair que la Grèce ne pourra pas se refinancer seule sur les marchés en
2012, ce qui était prévu par les premiers plans d’aide. Donc courant 2011, la panique s’empare des
investisseurs qui anticipent une faillite de la Grèce et se demandent quels Etats européens seront les
plus affectés comme créanciers par cette situation. Les taux montent en Espagne, Irlande, Portugal,
Italie … Face à cette situation, les Etats européens décident tous de manière unilatérale (sans se
concerter) de passer de la relance à la consolidation budgétaire. La stratégie est donc de réduire le
déficit et la dette publique pour donner confiance aux investisseurs et éviter une envolée des primes de
risques. Cette stratégie simultanée plonge l’Europe dans un second choc de demande négatif. Les
Etats entérinent cette stratégie de sortie rapide de l’endettement lors du Traité pour la Stabilité, la
coordination et la gouvernance de l’UEM signé en 2012. Dans ce traité intergouvernemental, les
Etats s’engagent à intégrer dans leurs règles constitutionnelles une nouvelle règle de finance
publique : il faut limiter le déficit structurel à 0,5% du PIB. On sait que ce déficit structurel peut
varier si les finances publiques sont mal gérées (ex Grèce), mais on sait aussi qu’il peut varier
lorsqu’une politique de grands travaux est décidée ou bien une politique de relance. Limiter le déficit
structurel à 0,5% du pib c’est peut-être rendre la gestion des finances publiques plus vertueuses, mais
c’est aussi faire une croix sur l’usage de la politique budgétaire comme outil conjoncturel contracyclique.
Le résultat de cette compression de la dépense publique est le « drame » européen pour reprendre
l’expression de Brender, Pisani et Cagna dans leur ouvrage « Les crises de la dette souveraines ». A
l’occasion de la mise en placek, de ce qu’un article de l’OFCE a appelé « l’austérité maniacodépressive », l’Europe a « redécouvert » la puissance des multiplicateurs publiques. On a tendance à
penser ces multiplicateurs quand on parle de hausse de la dépense publique, mais ils fonctionnent
aussi lorsque les dépenses diminuent ! La consolidation fiscale entamée en Europe depuis 2011 a donc
fait plongé le PIB ; en 2015, le PIB reste encore inférieure à celui de 2007, alors qu’aux Etats-Unis, le
rattrapage était terminé en 2011.
Les Etats européens ont donc joué un rôle important dans cette stratégie de sortie rapide (volonté de
faire baisser rapidement la dette publique), mais la Commission européenne également. Dans le cas
espagnol son raisonnement a été le suivant : elle a anticipé une perte de confiance des investisseurs
qui aurait débouché sur une crise de la dette souveraine puis une crise bancaire (les banques
espagnoles détenant des titres publics ne valant plus rien). Pour rétablir cette confiance elle a demandé
à l’Etat espagnol de dégager un excédent primaire supérieur au service de la dette , donc un excédent
capable de réduire l’endettement (on constate donc que c’est le même raisonnement que ceux des
Etats membres); en faisant l’hypothèse que suite à cette politique, le PIB ne baisse pas (la
Commission fait l’hypothèse qu’en réduisant la dépense publique cela va conduire à plus de dépenses
privées : ce qui correspond à l’hypothèse de l’effet d’éviction – quand la dépense publique augmente,
la dépense privée baisse ; et quand la dépense publique baisse, la dépense privée augmente) ; mais
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cette hypothèse s’est avérée fausse et au lieu de faire augmenter la dépense privée, la baisse de la
demande publique l’a déprimée. Dit autrement, l’interprétation keynésienne des multiplicateurs l’a
emporté ici sur l’interprétation des nouveaux classiques et des monétaristes.
En adoptant un regard davantage historique, on peut aussi se demander quelles ont été les
conséquences de l’intégration européenne sur l’utilisation des politiques budgétaires ?
- Une politique de contrôle de la dépense publique depuis le projet d’intégration monétaire : la
politique budgétaire devient de plus en plus contra-cyclique
La construction européenne s’est emparée de la question de la politique budgétaire au moment du
passage à la monnaie unique. A cette époque la réalisation de l’UEM conduit à établir les règles du
policy mix européen : quelle répartition des tâches entre la politique monétaire unique et des
politiques budgétaires nationales ? Le policy mix européen est établi sur la base suivante : en cas de
choc symétrique, c’est à la politique monétaire d’agir, en cas de choc asymétrique, c’est à la
politique budgétaire nationale d’agir. C’est ce que l’on appelle le consensus de Bruxelles. Si l’on
analyse la situation actuelle comme la conséquence d’un choc symétrique en 2007 puis en 2011 (crise
dette souveraine Grèce), on constate qu’effectivement la politique monétaire européenne a joué son
rôle contra-cyclique : d’abord par une politique de taux zéro, puis par des opérations de LTRO, puis
fin 2014 en mettant véritablement en place un assouplissement quantitatif (premier QE européen).
Mario Draghi est alors surnommé Super Mario pour sa capacité à agir de manière contra-cyclique.
Pourtant, il semble de plus en plus que placer la politique de relance uniquement sur les épaules de
Super Mario est insuffisante. Malgré la stimulation monétaire, la croissance ne repart pas. La raison
en est simple (cf ouvrage de Brender, Pisani, Cagna) : la demande privée n’a pas encore pris le relais
de la demande publique qui s’est effondrée depuis 2010. Il y a donc une insuffisance de demande sur
le continent européen qui plonge la politique monétaire dans la trappe à la liquidité : la BCE a beau
stimuler la création de monnaie celle-ci n’est pas utilisée dans l’économie réelle pour faire repartir le
moteur de l’économie.
Pour comprendre cette situation, il faut maintenant se pencher sur le deuxième élément du policy
mix, la politique budgétaire.
Au moment de la préparation de l’entrée dans l’euro (année 1990), les Etats européens font le constat
suivant : lorsqu’un Etat émet une dette dans sa propre monnaie et lorsque l’émission s’accélère cela se
paie par une hausse du taux d’intérêt sur la dette publique ; cette hausse agit comme un garde-fou qui
empêche l’emballement du déficit et de la dette. Mais lorsqu’un Etat émet une dette dans une monnaie
qu’il partage avec d’autres pays de la zone monétaire, son émission de dette publique se « noie »
avec les émissions des autres pays ; en conséquence, la réaction du taux d’intérêt sera plus faible car
émettre de nouveaux titres de dette publique ne fait que peu augmenter le total de dette publique émise
par l’ensemble des Etats. Donc le taux d’intérêt ne réagit pas comme dans le premier cas. En
conséquence, l’union monétaire peut conduire à des dérapages budgétaires. C’est pour cela qu’il a été
décidé de mettre dans les critères de convergence un critère de déficit maximal en % du pib à ne
pas dépasser et un critère de dette maximale. C’est également pour cela qu’a la BCE ne peut pas
financer directement les Etats sur le marché primaire d’émission de la dette (c’est-à-dire au moment
de son émission), et que les Etats ne peuvent pas financer d’autres Etats (transferts « gratuits »). Ces
critères de convergence deviendront ensuite les critères du Pacte de Stabilité et de Croissance
signé à Maastricht.
Ces critères ont-il empêché les Etats de pratiquer des politiques contra-cyclique ?
Si l’on observe l’histoire de l’application du PSC, on constate qu’à de nombreuses fois, il n’a pas été
respecté (par la France et l’Allemagne en 2003 par exemple), on peut donc interpréter ce pacte comme
une contrainte assez molle sur les Etats. D’ailleurs, de nombreux Etats européens sont entrés dans la
crise de 2007 avec des finances publiques fragiles alors même qu’ils venaient de connaître cinq
années de croissance économique. Néanmoins cette contrainte existe et a existé. Appliquer ce type de
« règle » conduit à demander des efforts de contrôle du budget au moment où celui-ci peut déraper.
Or, à quelle occasion peut-il déraper ? Lorsqu’il y a un choc de demande négatif. Ce qui revient à
limiter la dépense (pour que le déficit ne dépasse pas 3% du pib) au moment d’une récession
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économique. C’est en cela que ce type de règle a un effet pro-cyclique plutôt que contra-cyclique. En
enlevant toute liberté de laisser le déficit se creuser (au-delà de 3% du pib) en cas de récession, le PSC
limite à la fois l’effet des stabilisateurs automatiques et la possibilité de mettre en œuvre une politique
de relance. Cette stratégie avait été critiquée par Jean-Paul Fitoussi dès 1995 dans son ouvrage « Le
débat interdit. Monnaie, Europe, Pauvreté ». La signature du Traité pour la stabilité, la coordination
et la gouvernance de l’UEM va rajouter une nouvelle règle d’or des finances publiques avec la règle
de déficit structurel ne dépassant pas 0,5% du pib au cadre du PSC. Cette fois-ci le type de déficit
visé est plus clair : c’est le déficit structurel. Or, on sait que ce déficit peut être créé par une politique
discrétionnaire de relance ou d’investissements publics de long terme. L’application de ce critère est
donc particulièrement contraignante en terme d’utilisation discrétionnaire du budget de l’Etat : les
Etats européens ont donc choisis volontairement de ne quasiment pas se servir des politiques
budgétaires de relance.
En conclusion : ln policy mix européen est totalement incohérent et défaillant.
L’articulation des politiques budgétaires et de la politique monétaire est totalement défaillante parce
qu’incohérente : d’un côté la politique monétaire stimule mais de l’autre côté la politique budgétaire
freine.
Comme le budget européen est insuffisant pour prendre le relais des budgets nationaux, la situation
européenne reste durable anémiée.
Cette situation fait débat. Certains défendent l’idée de la nécessaire mise en œuvre d’un budget
européen plus consistant que le budget actuel, qui pèse moins de 1% du pib européen et est utilisé à
40% par la PAC.
On a vu qu’un budget fédéral sur le modèle américain pourrait être une solution à :
- la politique sociale européenne ;
- à la politique de lutte contre les inégalités territoriales et l’hétérogénéité économiques des
territoires ;
- mais il pourrait aussi être une solution au policy-mix européen pour redonner à la politique
budgétaire une dimension contra-cyclique, mais aussi une capacité à financer des
investissements d’avenir.
- Les Etats-Unis et le choix d’une stratégie de sortie lente
Les Etats-Unis ont fait un choix opposé : après la crise des subprimes, l’activisme monétaire et
budgétaire a été utilisé à plein régime. La Fed a mis en place 4 QE depuis 2008 et la dette publique
des Etats-Unis a augmenté de 65% du pib en 2008 à 115% du pib en 2015.
Les Etats-Unis ont rebondi très rapidement après la crise débuté en 2007 : fin 2011, le PIB américain
avait retrouvé son niveau d’avant crise. Pourtant la dette continue à augmenter. Les américains ont fait
le pari d’une consolidation lente : ils attendent que la croissance soit suffisamment forte pour
entreprendre un dégonflement de la dette publique. Tant que la croissance n’est pas suffisante, c’est à
l’Etat de dynamiser l’économie par ses politiques conjoncturelles.
Ce « pari américain » est néanmoins un pari risqué (on retrouve ici les interrogations sur les limites
de l’endettement et les difficultés à prévoir les évènements futurs) :
- L’évolution prévue des dépenses de sécurité sociale ne peut-elle pas conduire à une nouvelle
explosion de la dette, qui serait cette fois « insoutenable » ?
- La hausse de la dette publique peut-elle alors entraîner une perte de confiance des investisseurs ?
- La politique monétaire ultra-expansionniste ne peut-elle pas à défaut d’inflation stimuler les bulles
financières ?
Pour autant, si ce pari est risqué, il est à l’heure actuelle réussi en comparaison à la situation
européenne.
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