COUPLAGES ROTATION-NOYAU DES PLANETES TELLURIQUES

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COUPLAGES ROTATION-NOYAU DES PLANETES TELLURIQUES. E. Bois1, N. Rambaux2,3, V. Dehant3, T.
Van Hoolst3, M. Greff-Lefftz4, A. Mocquet5, H. Legros6, 1Observatoire de la Côte d’Azur ([email protected]),
2
Université de Namur, 3Observatoire Royale de Belgique, 4Institut de Physique du Globe de Paris, 5Université de
Nantes, 6Ecole et Observatoire des Sciences de la Terre à Strasbourg.
Introduction : La connaissance de la structure interne
des planètes telluriques constitue un champ d’investigation majeur pour la planétologie actuelle, en particulier sous sa visée planétologie comparée. Beaucoup de
points sont aujourd’hui à l’étude dans différents laboratoires (la formation, la géométrie, les propriétés physiques, la composition…). La cohérence de notre approche passe par une double visée : (i) modéliser (analytiquement et numériquement) les intérieurs plausibles des
corps solides du système Solaire, (ii) calculer les implications géodésiques (en termes de déformations, de
champs gravitationnels et de rotations) des différents paramètres de la structure interne (dimension des graines
et des noyaux, leurs formes, la rhéologie du manteau,
etc.) qui interviennent dans la modélisation. Ces diverses modélisations (géométriques et dissipatives) sont à
comparer et discriminer vis-à-vis de leurs signatures
possibles sur les observables de telle sorte à converger
vers une caractérisation de plus en plus fine du noyau de
la planète. De manière générale, ces enjeux ne sont pas
sans retombée cosmogonique et la connaissance de la
structure interne fournit des éléments précieux pour
remonter aux processus de formation et d’évolution des
planètes du système Solaire.
Quatre axes majeurs et fédérateurs peuvent être identifié
dans notre projet : (1) modélisation de la rotation des
planètes telluriques incluant l’intégration des couplages
spin-orbite et rotation-noyau, (2) la déduction et l’identification des contraintes sur la structure interne par l’analyse des couplages rotation-noyau et noyaumanteau, (3)
l’analyse des fonctions de transfert des structures internes, (4) l’analyse comparée des planètes mères et satellites naturels ainsi que le croisement des méthodes.
L’étude de la rotation dynamique des objets et des marées se comprend ici comme un outil de diagnostic de la
structure interne et de l’état physique de l’intérieur des
planètes.
Modélisation spin-orbite à N-corps : A partir d’une
formulation post-Newtonienne du problème des N-corps
de figures étendues, déformables, tournants et en interactions mutuelles et de la théorie de la rotation solide
appliquée aux planètes telluriques, a été élaboré progressivement le premier modèle spin-orbite relativiste du
Système solaire (les auteurs : Bois, Journet, Vokrouhlicky pour la phase dite BJV; Bois, Rambaux pour la
généralisation spin-orbite) [1,2,3,4,5,6,7]. Ce modèle dit
SONYR (Spin-Orbit N-bodY Relativistic model) permet
donc d'intégrer simultanément les modes spin et orbite
des planètes du Système solaire. L’aspect modulaire du
modèle permet de choisir une intégration dans un cadre
relativiste ou bien simplement Newtonien. Il inclut de
surcroît les couplages rotation-noyau des planètes telluriques [7,8,9,10,11]. Pour notre propos de planétologie
comparée, il est à observer que le modèle est écrit dans
une axiomatique commune de la rotation des corps
solides non-rigides d’une part [11,12], tenant compte
d’autre part d’une variété de couplages issus des interactions entre le manteau, le noyau et la graine.
Tout ceci fait de SONYR un modèle véritablement
unique à la croisée de la mécanique céleste et de la
géophysique.
La structure interne de la Lune et de Mercure :
Un premier scénario de noyau lunaire, relié au manteau par couplage inertiel, a été construit et mis en
place dans le modèle spin-orbite. Ce fut une première
à l’époque (1998-2002). La présence d'un noyau lunaire, à trois axes d’inertie inégaux, intégré pour la
première fois à une théorie complète de la Lune,
permis de mettre en évidence l'excitation de l'une des
fréquences de résonance spin-orbite 1:1 du système
(2.9 ans). Il fournit de surcroît une relation de proportion entre la réponse en termes de libration et la
taille du noyau [7,13].
Globalement, l’approche entreprise pour la rotation
de Mercure [14,15,16,17] a suivi celle innovée pour
la Lune. Cela étant, la structure interne de Mercure
est la plus énigmatique des planètes telluriques. En
effet, Mercure possède en proportion le noyau le plus
gros des planètes telluriques et un champ magnétique
d’origine interne. La structure interne de cette planète
recèle une information précieuse quant à la formation
et l’évolution des planètes telluriques du Système solaire et plus largement, eu égard les découvertes de
planètes extrasolaires, de certains processus et mécanismes agissant sur une planète proche de son étoile.
Nous avons analysé de manière systématique l’impact de chacun des couplages rotation-noyau pour un
grand nombre de scénarios plausibles de sa structure
interne [18] et ainsi cerné les paramètres géophysiques qui dominent les mouvements de librations de
ce corps. Nous avons trouvé que les librations de 88
jours présentent une forte dépendance au rayon du
noyau ou de manière équivalente à la concentration
de Soufre S dans le noyau [10,19,20]. Entre les différents scénarios de structure interne, l’on obtient :
0 as < Δϕ < 19 as pour 0.1 < S < 14
où Δϕ est l'amplitude de la libration à 88 jours en longitude (as pour arcseconde). Ces relations sont précieuses dans le cadre des missions spatiales BepiColombo et MESSENGER; elles permettent en effet la
possibilité de discriminer entre certains modèles de
structure interne par une mesure précise des librations. Il est à noter que la présence de Soufre est une
donnée fondamentale dans les modèles de formation
et d’évolution de Mercure; ce qui n’est pas sans conséquence sur les modèles de formation du Système
solaire.
Rotation et structure interne de Mars : Une étude
similaire a été menée dans le cadre des nutations et du
mouvement du pôle pour la planète Mars. Différents résultats ont déjà été obtenus, en particulier pour le calcul
de la fonction de transfert de Mars pour les nutations, le
mouvement du pôle, les marées et les surcharges superficielles [21,24,26,27,28,29,30,]. Après ses premières
phases [22,23,31], le projet consiste à améliorer la fonction de transfert à partir d’une étude quasi-analytique
d’un modèle de planète à trois couches [25] : graine,
noyau, manteau, permettant, dans un formalisme unique,
de connaître à la fois la déformation et la rotation de la
planète Mars. Le but est ici d’estimer au mieux en
fonction de la paramétrisation du modèle, l’existence de
résonances possibles qui amplifient les réponses des
nutations [24,26,27,28,29]. L’étude de l’impact de la
déformation par la grande anomalie latérale traduite par
la région de Tharsis a été analysée et nous avons étudié
les effets des modes normaux de Mars sur le mouvement du pôle, en particulier l’effet de l’existence d’une
graine possible à l’intérieur de Mars [32]. Nous avons
également effectué des simulations des missions spatiales qui rejoignent ces objectifs.
Satellites Galiléens et Titan : En parallèle, nous appliquons les différentes approches développées à l’étude
des couplages rotation-noyau des satellites Galiléens
d’une part, et de Titan d’autre part. Au voisinage de
certains satellites, la détection d’un champ magnétique
induit suggère l’existence d’un océan interne dans ces
corps. Les propriétés de cette couche liquide dépendent
de l’état thermique et de la composition du satellite.
Notre objectif est donc, suivant l’approche et l’axiomatique établies pour l’étude des planètes telluriques, de
déterminer l’impact de la présence d’un océan sur l’amplitude des librations. Tant analytiquement que numériquement, nous étudions les couplages rotation-noyau
entre les différentes couches du corps et analysons les
différentes librations de la couche externe en fonction
des propriétés de l’océan interne. La richesse géophysique des satellites Galiléens permet de plus d’entrevoir
de nouvelles fenêtres très intéressantes (déformation
maréale importante pour Io, champ magnétique pour
Ganymède et Callisto, océan de glace pour Europe,
existence de résonances rotation-noyau…).
Références :
[1] Bois, E., Wytrzyszczak, I., and Journet, A., (1992),
Celest. Mech. and Dyn. Astron., 53, 185
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Dyn. Astron., 57, 295
[3] Bois, E., Boudin, F., and Journet, A., (1996), A&A,
314, 989
[4] Bois, E., and Girard, J.F., (1999), Celest. Mech. and
Dyn. Astron., 93, 329
[5] Bois, E., and Vokrouhlicky, D., (1995), A&A, 300,
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[6] Rambaux, N., and Bois, E., (2004), A&A, 413, 381393.
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[9] Rambaux, N., Dehant, V., Van Hoolst, T., and
Bois, E., (2005), Journées Systèmes de Références
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[10] Rambaux, N., Van Hoolst, T., Dehant, V., and
Bois, E., (2006), A&A, en révision.
[11] Bois, E. (1995), A&A, 296, 850
[12] Rambaux, N., Bois, E., Dehant, V., Legros, H.,
Defraigne, P., De Niron, O., Gegout, P., Greff, M.,
and Van Hoolst, T., (2002) Programme National de
Planétologie, 44-45.
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[14] Rambaux, N., and Bois, E., (2003), 25th meeting
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[15] Rambaux, N., and Bois, E., (2003), SF2A, 145.
[16] Bois, E., and Rambaux, N., (2006), Icarus, soumis.
[17] Rambaux, N., and Bois, E., (2006), A&A Lett.,
soumis.
[18] Van Hoolst & Jacobs 2003, Journal of Geophysical Research, 108, 7-1.
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[26]Van Hoolst T., Dehant, V., and Defraigne, P.,
(2000), Phys. Earth Planet. Int., 117, 397-405.
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[28] Barriot J.-P., Dehant V., Folkner W., Cerisier J.C., Ribes A., Benoist J., Preston R., Defraigne, P.,
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[32] Dehant, V.; de Viron, O.; Karatekin, O.; Van
Hoolst, T., (2006), A&A, 446, 345-3.
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