Service de presse de Travail.Suisse – N° 3 – 23 février 2009 – Salaires des dirigeants _______________________________________________________________________________ Salaires des dirigeants: le moment est venu d’agir! Ce n’est pas uniquement depuis l’éclatement de la bulle hypothécaire que les salaires élevés des dirigeants sont devenus un problème. Cela fait des années que Travail.Suisse montre du doigt les excès salariaux qui existent dans les étages de la direction. Dans l’intervalle, diverses propositions ont été émises pour endiguer ces outrances. Et des mesures ont déjà été prises à l’étranger. Voici un aperçu de la situation. Certes, l’initiative contre les rémunérations abusives ne demande aucune limitation directe des rémunérations, mais elle prévoit plusieurs mesures qui offrent aux actionnaires la possibilité d’exercer leur influence. L’initiative exige le vote obligatoire, lors de l’Assemblée générale, en ce qui concerne les rémunérations des membres du conseil d’administration, des membres de la direction, ainsi que des comités consultatifs ; elle exige aussi la publication des plans de bonus et de participation. Les actionnaires devraient ainsi pouvoir contrôler la politique de rémunération de l’entreprise. Les exigences relatives à l’élection annuelle des membres du comité de rémunération, à la réglementation statutaire des montants des rentes, des crédits et des prêts, ainsi qu’à la durée du contrat de travail des membres de la direction, vont aussi dans la même direction. Enfin, l’initiative prévoit également que les indemnités de départ (« parachutes dorés »), les rémunérations anticipées (« golden hello » ou cadeau de bienvenue) et les primes pour des achats ou des ventes d’entreprises sont interdites. L’initiative contre les rémunérations abusives contient donc tout un train de mesures visant à juguler toute croissance incontrôlée dans le domaine des rémunérations des managers. Mais la mesure la plus importante, à savoir la limitation directe des salaires des dirigeants, est sciemment ignorée par le comité d’initiative. Travail.Suisse voit là un potentiel d’amélioration. En effet, alors que les mesures proposées dans l’initiative contribueront certainement à endiguer les rémunérations des dirigeants, la démarche la plus efficace consistera encore et toujours à plafonner leurs salaires. La révision du droit de la société anonyme est trop peu incisive La révision du droit de la société anonyme, qualifiée de contre-proposition indirecte à l’initiative contre les rémunérations abusives, prévoit elle aussi un renforcement des droits des actionnaires, mais dans une bien moindre mesure. Ainsi est-il prévu à juste titre que l’Assemblée générale doit voter sur les indemnisations versées aux membres du conseil d’administration, mais une votation sur les salaires des membres de la direction n’est pas prescrite de manière contraignante. Le nouveau droit de la société anonyme prévoit par ailleurs des possibilités facilitées d’introduire une action en justice pour enrichissement abusif, aussi bien contre la direction que contre le conseil d’administration. Toute- Service de presse de Travail.Suisse – N° 3 – 23 février 2009 – Salaires des dirigeants _______________________________________________________________________________ fois, le Conseil fédéral ne veut réduire ni les bonus ni le montant des rémunérations des managers. Bien que le Conseil fédéral admette qu’il faille agir en matière d’indemnisations des managers, il ne semble pas avoir l’intention de préparer aussi les outils nécessaires à cet effet. Ainsi, l’on ne voit pas pourquoi les salaires de la direction ne sont pas obligatoirement soumis à l’approbation de l’Assemblée générale, puisque c’est justement au niveau de la direction que l’on trouve les plus gros profiteurs. Les propositions des partis Les propositions présentées par le PS visent en particulier la branche financière et les abus que l’on y constate. Ainsi, la loi sur les banques doit être modifiée de manière à ce que les systèmes de bonus n’entraînent plus, comme jusqu’ici, des risques disproportionnés. Pour le top management, des salaires fixes, comportant une partie variable considérablement réduite, devraient devenir la règle. Et UBS devra adapter ses salaires à ceux de la Banque Nationale Suisse aussi longtemps qu’elle sera soutenue par l’Etat. Même son de cloche à l’UDC; les salaires d’UBS doivent être alignés sur ceux des entreprises de la régie fédérale. De son côté, le PEV demande, pour les salaires des dirigeants, dans le contexte des versements de bonus d’UBS, l’introduction du droit de cogestion des actionnaires, réclamée par l’initiative contre les rémunérations abusives, cependant que les Verts exigent une limitation des bonus et des indemnités de départ. À l’étranger, on agit... En Allemagne, un plafonnement des salaires à 500'000 euros pour les membres de la direction et du conseil d’administration est applicable à toutes les banques qui ont recours à l’aide de l’Etat. Cette réglementation ne s’applique donc pas aux managers qui ne siègent pas dans ces instances. Toutefois, certaines banques allemandes semblent être plus raisonnables qu’UBS; ainsi, après avoir enregistré un déficit de 378 millions d’euros pour 2008, Commerzbank renonce à tout versement de bonus. En France, une demande d’aide financière est liée à un renoncement aux bonus. Si une banque verse un bonus à ses dirigeants pour 2008, elle peut se voir menacée d’un gel de l’aide financière qu’elle reçoit. Le programme conjoncturel de Barack Obama prévoit également des coupes dans les rémunérations des managers. Ainsi, les entreprises sauvées par l’Etat n’ont-elles pu verser plus que 500'000 dollars au maximum en salaires à leurs managers, et les bonus additionnels devront rester bloqués aussi longtemps que les entreprises n’auront pas remboursé les deniers publics, y compris les intérêts. De plus, le cercle des dirigeants dont les bonus peuvent être réclamés en retour, est élargi et passe de cinq à 25 managers des niveaux les plus élevés. De même, les indemnités de départ sont réduites. Les dix managers de haut Service de presse de Travail.Suisse – N° 3 – 23 février 2009 – Salaires des dirigeants _______________________________________________________________________________ niveau des entreprises sauvées ne recevront désormais plus aucune indemnité de départ, les 25 managers suivants recevront encore à titre d’indemnité maximale un salaire annuel. Dans les entreprises qui ont demandé l’aide de l’Etat, mais qui ne sont pas directement menacées de faillite, les cinq dirigeants des niveaux les plus élevés reçoivent encore au maximum un salaire annuel à titre d’indemnité. Ces mesures ont été de nouveau durcies par le Sénat; pour toutes les entreprises soutenues, le bonus ne peut encore représenter qu’un tiers au maximum de l’indemnisation globale. … quand la Suisse suivra-t-elle? Au cours des années passées, on l’a bien vu: l’économie n’a pas la volonté de s’autoréguler. C’est pourquoi il est grand temps que l’Etat, en Suisse aussi, prenne des mesures de régulation et mette fin à la folie des salaires versés dans les étages de la direction. Car un système qui ne sert qu’à maximaliser à court terme les profits de quelques rares dirigeants mine des valeurs centrales pour la Suisse telles que la décence, le partenariat social et la considération mutuelle, et met donc en péril son modèle de réussite. Suivons la tendance mondiale; 750'000 francs de salaire annuel, c’est plus qu’assez pour un manager suisse. Matthias Humbel, collaborateur de projet, Travail.Suisse Travail.Suisse, Hopfenweg 21, 3001 Berne, tél. 031 370 21 11, [email protected], www.travailsuisse.ch