Caropsis verticillatinundata (Thore) Rausch. - INPN

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Angiospermes
Caropsis verticillatinundata (Thore) Rausch.
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Le Faux cresson de Thore
Syn. : Thorella verticillatinundata (Thore) Briq. ; Thorella bulbosa P. Fourn. ;
Ptychotis thorei Gren. et Godron
Angiospermes, Dicotylédones, Apiacées (Ombellifères)
Caractères diagnostiques
Plante glabre de 5-15 cm de hauteur à tige couchée ou ascendante, creuse, simple ou peu rameuse.
Feuilles radicales souvent réduites à un long pétiole creux ou
pourvues à leur sommet de quelques folioles courtes et
opposées. Feuilles caulinaires moyennes longuement pétiolées,
pennées à folioles opposées, découpées en 7-20 segments
linéaires, paraissant verticillées autour de l’axe ; les caulinaires
supérieures semblables mais plus petites.
Petites ombelles à 4-6 rayons filiformes, pourvues d’un involucre de 3-5 bractées persistantes et linéaires.
Fleurs blanches à sépales distincts, pétales échancrés à pointe
recourbée vers l’intérieur, à 5 étamines munies d’anthères
violettes.
Fruits : diakènes de petite taille (0,2 cm de long), ovoïdes, comprimés latéralement à 5 côtes peu saillantes.
Confusions possibles
Le Faux cresson de Thore peut être confondu avec des individus
chétifs de Carum verticillé - Carum verticillatum (L.) Koch -,
autre apiacée des lieux tourbeux, à feuilles pennées pourvues de
folioles imitant des verticilles. Ce dernier se différencie par une
tige pleine et des ombelles à 6-12 rayons.
Caractères biologiques
Caropsis verticillatinundata est une plante vivace de type géophyte à rhizome. L’hiver, la plante, inondée sous une colonne
d’eau de hauteur variable, ne subsiste qu’à l’état de rhizomes
ou de graines. Suite à l’abaissement du niveau d’eau, cette
espèce amphibie laisse apparaître ses premières feuilles dès
la fin du mois de mai. Cependant, la germination de jeunes
pousses reste aléatoire : des conditions défavorables d’humidité
(maintien du milieu en eau) peuvent décaler l’année de germination.
Biologie de la reproduction
Selon le degré de concurrence végétale et d’humidité du substrat, le mode de reproduction de Caropsis verticillatinundata
diffère :
- en milieu ouvert, ses tiges sont principalement stolonifères
montrant une reproduction végétative et sexuée ;
- à l’inverse, confronté à une concurrence végétale, le devenir
de l’espèce est assuré essentiellement par voie sexuée.
En outre, dans les pelouses humides de bas niveau topographique rarement exondées, le stade végétatif de plantule n’est
guère dépassé. La plante ne possède que des feuilles réduites au
rachis et à courtes folioles. Le Faux cresson de Thore ne peut se
reproduire que par voie végétative sous cette forme stérile qui
correspond à la forme submersa.
La floraison s’étale de juillet à septembre. La floraison estivale
s’effectue suite à l’exondation du milieu, facteur conditionnant
le développement plus ou moins tardif de la plante. Les diaspores sont essentiellement disséminées par l’eau (hydrochorie).
Aspect des populations, sociabilité
L’espèce forme de beaux gazons denses et étendus dans les
pelouses ouvertes pâturées (jusqu’à 500 pieds sur quelques
dizaines de mètres carrés). Ailleurs, les populations sont plus
lâches (moins de 100 individus par hectare), voire seulement
représentées par quelques pieds isolés.
Caractères écologiques
Écologie
Caropsis verticillatinundata est présente à un niveau topographique variable dans les zones humides oligotrophes, parfois
tourbeuses, inondées en hiver et constamment imbibées d’eau
en été. Durant la période hivernale, la colonne d’eau peut
atteindre 0,5-1 m de hauteur. Le substrat, acide (pH 4-5),
recouvert d’une mince couche de matière organique, est essentiellement composé de limons et de sables grossiers. On trouve
néanmoins de l’argile, du sable fin en faible quantité. Espèce
pionnière, elle nécessite suffisamment de luminosité et
d’espace ; une concurrence végétale trop importante conduit
irrémédiablement à sa disparition.
Communautés végétales associées à l’espèce
L’espèce se développe dans des pelouses amphibies en bordure
de systèmes naturels (lacs, marais) et de plans d’eau artificiels
(réservoirs, étangs) relevant de l’Elodo palustris-Sparganion.
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Angiospermes
Son optimum correspond ainsi aux gazons bordant les berges
des retenues d’eau où elle peut s’étendre, en condition favorable,
par reproduction végétative et sexuée. Le groupement à
Caropsis verticillatinundata, l’Eleocharitetum multicaulis, est
principalement représenté par le Scirpe à tiges nombreuses
(Eleocharis multicaulis), l’Hydrocotyle vulgaire (Hydrocotyle
vulgaris), l’Elodès des marais (Hypericum elodes), l’Agrostide
stolonifère (Agrostis stolonifera). La forme stérile, se reproduisant
végétativement et appartenant au Thorello submersaeLittorelletum uniflorae, se rencontre surtout en compagnie de la
Littorelle uniflore (Littorella uniflora).
Le groupement à Faux cresson de Thore peut évoluer vers une
cariçaie notamment à Laiche élevée (Carex elata). On peut ainsi
le rencontrer au sein du Magnocaricion elatae, dans les zones
ouvertes entre les touradons.
Convention de Washington : annexe I
Espèce protégée au niveau national en France (annexe I)
Cotation UICN : monde : rare ; France : vulnérable
Présence de l’espèce
dans des espaces protégés
Aucune des stations de Caropsis verticillatinundata ne se trouve
au sein d’un espace protégé.
Évolution et état des populations,
menaces potentielles
Évolution et état des populations
Quelques habitats de l’annexe I
susceptibles d’être concernés
3110 - Eaux oligotrophes très peu minéralisées des plaines
sablonneuses (Littorelletalia uniflorae) (Cor. 22.11 x 22.31)
6410 - Prairies à Molinia sur sols calcaires, tourbeux ou argilolimoneux (Molinion caeruleae) (Cor. 37.31)
Répartition géographique
Le Faux cresson de Thore est une espèce eu-atlantique, endémique des zones humides d’Europe occidentale. Sa répartition
est limitée au Portugal (Beira, Estremadura, Algarve) et à
la France ; sa présence est également suspectée en Espagne et
particulièrement en Galice.
En France, son aire de répartition actuelle est disjointe et limitée
à trois départements littoraux atlantiques. Le Faux cresson de
Thore se rencontre d’une part en Loire-Atlantique (marais
de Brière) et d’autre part dans le Sud-Ouest où il a été revu
récemment en Gironde (étang de Carcans, lac de Lacanau) et
dans les Landes (lacs de Biscarosse, de Parentis, à Léon et à
Soustons sur les rives nord de l’Étang blanc).
En France, l’espèce apparaît nettement en régression dans tous
les départements où elle est présente, principalement suite à
l’évolution des pratiques et des aménagements agricoles. À
l’heure actuelle, il est difficile de dénombrer avec exactitude les
stations de Caropsis verticillatinundata, tant le nombre de sites
perturbés pouvant avoir conservé une potentialité de reconquête
du biotope est important.
Des stations ont autrefois été signalées dans le Morbihan, l’Indre
(Brenne), le Lot-et-Garonne et dans les Pyrénées-Atlantiques.
Elles sont aujourd’hui éteintes ou n’ont pas été revues. Seuls la
Brière et les étangs aquitains (Gironde et Landes), malgré la
disparition de très nombreuses stations, présentent toujours de
belles populations en bordure d’étang.
Menaces potentielles
Depuis toujours, les zones humides tirent leur richesse biologique d’un équilibre entre les particularités du milieu et
l’exploitation qui était faite de leurs richesses naturelles. Or,
actuellement, suite à l’évolution des pratiques de gestion, cet
équilibre est remis en question.
L’espèce peut être menacée par la destruction directe de ses
stations : du fait d’opérations de drainage, d’aménagements tels
que la construction de ports de plaisance, notamment sur les
rives des sites girondins et landais, de la mise en culture des
zones humides.
L’abandon progressif des activités agricoles traditionnelles en
rapport avec les zones humides (pâturage, fauche, récolte du
roseau pour la confection de toitures, extraction de la tourbe)
conduit à la disparition des habitats pionniers favorables au Faux
cresson de Thore. Le milieu se ferme et connaît alors une évolution
vers la cariçaie à Laiche élevée et la phragmitaie à Roseau
commun (Phragmites australis) ou la saulaie à Saule roux (Salix
acuminata) qui s’accompagne d’une surélévation du niveau du
sol (atterrissement).
Le maintien d’un niveau d’eau élevé durant la période estivale
perturbe le cycle biologique de l’espèce, l’absence de période
d’exondation empêche la formation des ombelles.
Rare, très rare ou localisé
Disparu ou non revu depuis 1990
Plantation de résineux : cette perturbation anthropique a conduit
à la disparition de l’espèce, par assèchement et fermeture du
milieu, dans l’étang de Barreyre (en Gironde), transformé en
zone boisée.
Statuts de l’espèce
Ajoutons enfin la colonisation des groupements aquatiques et
amphibies par les espèces envahissantes, en particulier la Jussie
à grandes fleurs (Ludwigia grandiflora).
Directive « Habitats-Faune-Flore » : annexes II et IV
Convention de Berne : annexe I
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Angiospermes
Propositions de gestion
passant par une étude préalable des conditions de germination
des graines et des modes de gestion à mettre en œuvre.
Propositions relatives à l’habitat de l’espèce
Étudier les variations des niveaux d’eau dans les stations du
Faux cresson de Thore afin de définir les conditions optimales
de développement de l’espèce.
L’élément essentiel à prendre en compte dans la mise en place de
mesures de gestion réside dans le maintien d’un régime hydraulique favorable à la dynamique de Caropsis verticillatinundata.
Proscrire toute opération de drainage ou d’assèchement au
niveau des retenues d’eau abritant l’espèce et favoriser un
battement du niveau d’eau permettant une exondation estivale.
Maintenir le pâturage et la fauche dans les zones déjà exploitées
dans le but de limiter la fermeture du milieu par les hélophytes
(Roseau commun) et par le Saule roux.
Restaurer les sites propices ayant déjà abrité Caropsis verticillatinundata, par pâturage, fauche ou broyage des touradons de la cariçaie permettant ainsi à la banque de graines du sol de s’exprimer.
Rechercher les propriétaires et gestionnaires des stations afin
d’instaurer des conventions de gestion et de les informer sur le
statut de protection et l’écologie de l’espèce.
Lutter contre les espèces envahissantes qui colonisent l’habitat
de l’espèce.
Propositions concernant l’espèce
Envisager une campagne de prélèvements de graines et de
matériel vivant afin de recueillir la meilleure représentativité
génétique de l’espèce. Cette opération pourra être réalisée par
précaution dans une optique de réintroduction en cas de
disparition brutale de l’une ou l’autre des stations.
Exemples de sites avec gestion conservatoire menée
Le parc naturel régional de Brière a mis en place, en 1983-1984,
un programme relançant l’élevage de bovins. La création de
ponts a notamment permis au bétail de franchir les canaux et
de pouvoir ainsi accéder à des prairies en voie d’abandon
permettant une réouverture du milieu. Des fonds de gestion de
l’espace rural (FGER), dans ce même parc, ont permis
le broyage de la cariçaie sur plusieurs hectares. Ces zones
restaurées sont maintenues en état par un pâturage.
Expérimentations et axes
de recherche à développer
Étudier les conditions de restauration des stations anciennes en
Bibliographie
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