Angiospermes Caropsis verticillatinundata (Thore) Rausch. 1618 Le Faux cresson de Thore Syn. : Thorella verticillatinundata (Thore) Briq. ; Thorella bulbosa P. Fourn. ; Ptychotis thorei Gren. et Godron Angiospermes, Dicotylédones, Apiacées (Ombellifères) Caractères diagnostiques Plante glabre de 5-15 cm de hauteur à tige couchée ou ascendante, creuse, simple ou peu rameuse. Feuilles radicales souvent réduites à un long pétiole creux ou pourvues à leur sommet de quelques folioles courtes et opposées. Feuilles caulinaires moyennes longuement pétiolées, pennées à folioles opposées, découpées en 7-20 segments linéaires, paraissant verticillées autour de l’axe ; les caulinaires supérieures semblables mais plus petites. Petites ombelles à 4-6 rayons filiformes, pourvues d’un involucre de 3-5 bractées persistantes et linéaires. Fleurs blanches à sépales distincts, pétales échancrés à pointe recourbée vers l’intérieur, à 5 étamines munies d’anthères violettes. Fruits : diakènes de petite taille (0,2 cm de long), ovoïdes, comprimés latéralement à 5 côtes peu saillantes. Confusions possibles Le Faux cresson de Thore peut être confondu avec des individus chétifs de Carum verticillé - Carum verticillatum (L.) Koch -, autre apiacée des lieux tourbeux, à feuilles pennées pourvues de folioles imitant des verticilles. Ce dernier se différencie par une tige pleine et des ombelles à 6-12 rayons. Caractères biologiques Caropsis verticillatinundata est une plante vivace de type géophyte à rhizome. L’hiver, la plante, inondée sous une colonne d’eau de hauteur variable, ne subsiste qu’à l’état de rhizomes ou de graines. Suite à l’abaissement du niveau d’eau, cette espèce amphibie laisse apparaître ses premières feuilles dès la fin du mois de mai. Cependant, la germination de jeunes pousses reste aléatoire : des conditions défavorables d’humidité (maintien du milieu en eau) peuvent décaler l’année de germination. Biologie de la reproduction Selon le degré de concurrence végétale et d’humidité du substrat, le mode de reproduction de Caropsis verticillatinundata diffère : - en milieu ouvert, ses tiges sont principalement stolonifères montrant une reproduction végétative et sexuée ; - à l’inverse, confronté à une concurrence végétale, le devenir de l’espèce est assuré essentiellement par voie sexuée. En outre, dans les pelouses humides de bas niveau topographique rarement exondées, le stade végétatif de plantule n’est guère dépassé. La plante ne possède que des feuilles réduites au rachis et à courtes folioles. Le Faux cresson de Thore ne peut se reproduire que par voie végétative sous cette forme stérile qui correspond à la forme submersa. La floraison s’étale de juillet à septembre. La floraison estivale s’effectue suite à l’exondation du milieu, facteur conditionnant le développement plus ou moins tardif de la plante. Les diaspores sont essentiellement disséminées par l’eau (hydrochorie). Aspect des populations, sociabilité L’espèce forme de beaux gazons denses et étendus dans les pelouses ouvertes pâturées (jusqu’à 500 pieds sur quelques dizaines de mètres carrés). Ailleurs, les populations sont plus lâches (moins de 100 individus par hectare), voire seulement représentées par quelques pieds isolés. Caractères écologiques Écologie Caropsis verticillatinundata est présente à un niveau topographique variable dans les zones humides oligotrophes, parfois tourbeuses, inondées en hiver et constamment imbibées d’eau en été. Durant la période hivernale, la colonne d’eau peut atteindre 0,5-1 m de hauteur. Le substrat, acide (pH 4-5), recouvert d’une mince couche de matière organique, est essentiellement composé de limons et de sables grossiers. On trouve néanmoins de l’argile, du sable fin en faible quantité. Espèce pionnière, elle nécessite suffisamment de luminosité et d’espace ; une concurrence végétale trop importante conduit irrémédiablement à sa disparition. Communautés végétales associées à l’espèce L’espèce se développe dans des pelouses amphibies en bordure de systèmes naturels (lacs, marais) et de plans d’eau artificiels (réservoirs, étangs) relevant de l’Elodo palustris-Sparganion. 160 Angiospermes Son optimum correspond ainsi aux gazons bordant les berges des retenues d’eau où elle peut s’étendre, en condition favorable, par reproduction végétative et sexuée. Le groupement à Caropsis verticillatinundata, l’Eleocharitetum multicaulis, est principalement représenté par le Scirpe à tiges nombreuses (Eleocharis multicaulis), l’Hydrocotyle vulgaire (Hydrocotyle vulgaris), l’Elodès des marais (Hypericum elodes), l’Agrostide stolonifère (Agrostis stolonifera). La forme stérile, se reproduisant végétativement et appartenant au Thorello submersaeLittorelletum uniflorae, se rencontre surtout en compagnie de la Littorelle uniflore (Littorella uniflora). Le groupement à Faux cresson de Thore peut évoluer vers une cariçaie notamment à Laiche élevée (Carex elata). On peut ainsi le rencontrer au sein du Magnocaricion elatae, dans les zones ouvertes entre les touradons. Convention de Washington : annexe I Espèce protégée au niveau national en France (annexe I) Cotation UICN : monde : rare ; France : vulnérable Présence de l’espèce dans des espaces protégés Aucune des stations de Caropsis verticillatinundata ne se trouve au sein d’un espace protégé. Évolution et état des populations, menaces potentielles Évolution et état des populations Quelques habitats de l’annexe I susceptibles d’être concernés 3110 - Eaux oligotrophes très peu minéralisées des plaines sablonneuses (Littorelletalia uniflorae) (Cor. 22.11 x 22.31) 6410 - Prairies à Molinia sur sols calcaires, tourbeux ou argilolimoneux (Molinion caeruleae) (Cor. 37.31) Répartition géographique Le Faux cresson de Thore est une espèce eu-atlantique, endémique des zones humides d’Europe occidentale. Sa répartition est limitée au Portugal (Beira, Estremadura, Algarve) et à la France ; sa présence est également suspectée en Espagne et particulièrement en Galice. En France, son aire de répartition actuelle est disjointe et limitée à trois départements littoraux atlantiques. Le Faux cresson de Thore se rencontre d’une part en Loire-Atlantique (marais de Brière) et d’autre part dans le Sud-Ouest où il a été revu récemment en Gironde (étang de Carcans, lac de Lacanau) et dans les Landes (lacs de Biscarosse, de Parentis, à Léon et à Soustons sur les rives nord de l’Étang blanc). En France, l’espèce apparaît nettement en régression dans tous les départements où elle est présente, principalement suite à l’évolution des pratiques et des aménagements agricoles. À l’heure actuelle, il est difficile de dénombrer avec exactitude les stations de Caropsis verticillatinundata, tant le nombre de sites perturbés pouvant avoir conservé une potentialité de reconquête du biotope est important. Des stations ont autrefois été signalées dans le Morbihan, l’Indre (Brenne), le Lot-et-Garonne et dans les Pyrénées-Atlantiques. Elles sont aujourd’hui éteintes ou n’ont pas été revues. Seuls la Brière et les étangs aquitains (Gironde et Landes), malgré la disparition de très nombreuses stations, présentent toujours de belles populations en bordure d’étang. Menaces potentielles Depuis toujours, les zones humides tirent leur richesse biologique d’un équilibre entre les particularités du milieu et l’exploitation qui était faite de leurs richesses naturelles. Or, actuellement, suite à l’évolution des pratiques de gestion, cet équilibre est remis en question. L’espèce peut être menacée par la destruction directe de ses stations : du fait d’opérations de drainage, d’aménagements tels que la construction de ports de plaisance, notamment sur les rives des sites girondins et landais, de la mise en culture des zones humides. L’abandon progressif des activités agricoles traditionnelles en rapport avec les zones humides (pâturage, fauche, récolte du roseau pour la confection de toitures, extraction de la tourbe) conduit à la disparition des habitats pionniers favorables au Faux cresson de Thore. Le milieu se ferme et connaît alors une évolution vers la cariçaie à Laiche élevée et la phragmitaie à Roseau commun (Phragmites australis) ou la saulaie à Saule roux (Salix acuminata) qui s’accompagne d’une surélévation du niveau du sol (atterrissement). Le maintien d’un niveau d’eau élevé durant la période estivale perturbe le cycle biologique de l’espèce, l’absence de période d’exondation empêche la formation des ombelles. Rare, très rare ou localisé Disparu ou non revu depuis 1990 Plantation de résineux : cette perturbation anthropique a conduit à la disparition de l’espèce, par assèchement et fermeture du milieu, dans l’étang de Barreyre (en Gironde), transformé en zone boisée. Statuts de l’espèce Ajoutons enfin la colonisation des groupements aquatiques et amphibies par les espèces envahissantes, en particulier la Jussie à grandes fleurs (Ludwigia grandiflora). Directive « Habitats-Faune-Flore » : annexes II et IV Convention de Berne : annexe I 161 Angiospermes Propositions de gestion passant par une étude préalable des conditions de germination des graines et des modes de gestion à mettre en œuvre. Propositions relatives à l’habitat de l’espèce Étudier les variations des niveaux d’eau dans les stations du Faux cresson de Thore afin de définir les conditions optimales de développement de l’espèce. L’élément essentiel à prendre en compte dans la mise en place de mesures de gestion réside dans le maintien d’un régime hydraulique favorable à la dynamique de Caropsis verticillatinundata. Proscrire toute opération de drainage ou d’assèchement au niveau des retenues d’eau abritant l’espèce et favoriser un battement du niveau d’eau permettant une exondation estivale. Maintenir le pâturage et la fauche dans les zones déjà exploitées dans le but de limiter la fermeture du milieu par les hélophytes (Roseau commun) et par le Saule roux. Restaurer les sites propices ayant déjà abrité Caropsis verticillatinundata, par pâturage, fauche ou broyage des touradons de la cariçaie permettant ainsi à la banque de graines du sol de s’exprimer. Rechercher les propriétaires et gestionnaires des stations afin d’instaurer des conventions de gestion et de les informer sur le statut de protection et l’écologie de l’espèce. Lutter contre les espèces envahissantes qui colonisent l’habitat de l’espèce. Propositions concernant l’espèce Envisager une campagne de prélèvements de graines et de matériel vivant afin de recueillir la meilleure représentativité génétique de l’espèce. Cette opération pourra être réalisée par précaution dans une optique de réintroduction en cas de disparition brutale de l’une ou l’autre des stations. Exemples de sites avec gestion conservatoire menée Le parc naturel régional de Brière a mis en place, en 1983-1984, un programme relançant l’élevage de bovins. La création de ponts a notamment permis au bétail de franchir les canaux et de pouvoir ainsi accéder à des prairies en voie d’abandon permettant une réouverture du milieu. Des fonds de gestion de l’espace rural (FGER), dans ce même parc, ont permis le broyage de la cariçaie sur plusieurs hectares. Ces zones restaurées sont maintenues en état par un pâturage. Expérimentations et axes de recherche à développer Étudier les conditions de restauration des stations anciennes en Bibliographie - ABBAYES H. (des), CLAUSTRES G., CORILLION R. et DUPONT P., 1971.- Flore et végétation du massif Armoricain. I. Flore vasculaire. Presses universitaires de Bretagne, Saint-Brieuc, 1226 p. - ANNEZO N., MAGNANON S. et MALENGREAU D., 1996.- Bilan régional de la flore bretonne. Rapport adressé au conseil régional de Bretagne, DIREN Bretagne, Rennes, 103 p. - BIORET F., 1994.- Catalogue des espèces et des habitats de la directive « Habitats » présents en Bretagne. Rapport pour la préfecture de la région de Bretagne, direction régionale de l’environnement de Bretagne, Rennes, 222 p. - DANTON Ph. et BAFFRAY M., 1995.- Inventaire des plantes protégées en France. Nathan, Paris ; AFCEV, Mulhouse, 294 p. - DUPONT P., 1995.- Supplément (jusqu’à l’année 1974) à la flore vasculaire du Massif armoricain. Publication posthume de Henry des ABBAYES. ERICA, 7 : 1-76. - DUPONT P., 1995.- Caropsis verticillatinundata (Thore) Rauschert. p. : 114. In OLIVIER L., GALLAND J.-P., MAURIN H. et ROUX J.-P., 1995.Livre rouge de la flore menacée en France. Tome I : Espèces prioritaires. Collection « Patrimoines naturels », volume 20. CBN de Porquerolles, MNHN, ministère de l’Environnement, Paris, 486 p. * LACHAUD A., 1998.- Étude de la répartition, de l’écologie de Marsilea quadrifolia et Thorella verticillatinundata - Propositions de gestion. Conservatoire botanique national de Brest, Brest, 29 p. - LAHONDÈRE Ch., 1998.- Notes manuscrites non publiées. * LAHONDÈRE Ch. et BIORET F., 1996.- Contribution à l’étude de la végétation des étangs et des zones humides du Médoc. Compte rendu des huitièmes journées phytosociologiques de la SBCO : Lacanau (Gironde) : 21-23 mai 1994. Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest, NS, 27 : 475-502. - LESOUEF J.-Y., 1986.- Les plantes endémiques et subendémiques les plus menacées de France (partie non méditerranéenne). Conservatoire botanique national de Brest, Brest, 256 p. * RALLET L., 1935.- Étude phytogéographique de la Brenne. 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