OMC/Commerce

publicité
OMC/Commerce
Commerce : L’OMC à la recherche d’un nouveau souffle
(MFI/07.05.2013) Le successeur de Pascal Lamy à la tête de l’Organisation
mondiale du commerce, qui doit être connu dans les prochaines heures, sera
latino-américain. Le choix réside entre le Mexicain Herminio Blanco et le
Brésilien Roberto Azevedo. Le sixième directeur général de l'OMC prendra ses
fonctions le 1er septembre prochain. C'est la première fois qu'un ressortissant
d'un pays émergent va diriger cette organisation. Aura-t-il plus de chances de
débloquer des discussions à l’arrêt depuis douze ans ?
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est née en 1995. Elle a succédé au
GATT (en français : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), l'accord
signé au lendemain de la Seconde-Guerre mondiale. L'organisation, qui a son siège à
Genève, a pour but de négocier l'ouverture des marchés commerciaux et de démanteler
les obstacles au libre-échange. Il s'agit de faire tomber les protectionnismes, les droits
de douane et autres règles jugées excessives pour donner un nouvel élan à l'économie
mondiale. Par ailleurs, l'OMC aide les gouvernements à régler leurs différends
commerciaux et assiste les exportateurs, les importateurs et les producteurs dans leurs
activités.
L'échec cuisant du cycle de Doha fait dire à certains observateurs que l'OMC est
aujourd'hui sur le déclin. Le relancer l sera l’une des tâches les plus urgentes du
nouveau directeur général. Quand on regarde ces négociations phares menées depuis
plus de dix ans par l'OMC, et qui ont pour but de développer le commerce au profit
des pays les plus pauvres, on peut effectivement s'interroger sur la bonne volonté de
certains pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil et les Etats-Unis.
Les accords bilatéraux prennent le dessus
L'OMC propose une vision multilatérale des échanges commerciaux dans le monde.
Mais cette vision semble menacée par les accords régionaux qui se sont multipliés
depuis une dizaine d’années. Pour l'économiste André Sapir, du centre de réflexion
Bruegel basé à Bruxelles, les pays membres font des déclarations en faveur du
multilatéralisme défendu par l'OMC, mais au quotidien leurs efforts portent sur un
autre axe. Il est vrai que « ce n’est pas à Genève que se trouve le moteur de la
libéralisation. Mais c’est encore là que se trouve le corpus principal des règles qui
régissent le commerce international ». Ce sera un des défis les plus importants des
années à venir de réconcilier les deux visions de libre-échange.
Et le plus important de ces accords bilatéraux, c'est l'accord de libre-échange que
l'Union européenne et les Etats-Unis s'apprêtent à mettre en place d'ici deux ans.
Ensemble, les deux économies pèsent la moitié de la richesse mondiale et un tiers du
commerce mondial. Les estimations indiquent qu'un accord entre l'Union européenne
et les Etats-Unis pourrait augmenter la croissance des Européens d'un demi-point et
apporter une hausse de croissance de PIB de 0,4 % aux Etats-Unis à l'horizon de 2027.
On a chiffré ces gains à 86 milliards d'euros ajoutés chaque année à l'économie de
l'Union européenne et à 65 milliards d'euros de revenus supplémentaires pour
l'économie américaine. C'est une zone d'échange énorme. Et pour certains, à l'issue
d'un tel accord, l'OMC sera bel et bien inutile.
Pour André Sapir, la négociation d’un accord entre l’Union européenne et les EtatsUnis est un message très dangereux. « Ce serait de montrer au reste du monde que
finalement même les deux fondateurs du GATT que sont les Européens et les EtatsUnis, n’attachent plus tellement d’importance à l’OMC ». Mais un message pourrait
en cacher un autre. Et ce serait de dire que l’OMC a besoin d’un nouveau souffle. « On
a besoin d’un nouvel agenda. Il ne peut pas être basé uniquement sur les priorités des
Européens et des Américains, mais il doit être aussi intéressant pour les pays
émergents et pour les pays en voie de développement. »
Pour la première fois dans l'histoire de l'OMC, son directeur général vient d'un pays
émergent. Cela pourrait redonner de la crédibilité à cette organisation vis-à-vis des
pays en développement, estime Marie-Françoise Renard, professeur à l'Ecole de
l'économie de l'université d'Auvergne. Contrairement aux grands pays, les pays
pauvres n’ont pas les moyens de porter à l’OMC leurs revendications en matière de
traitement de différends. La Chine aurait ici un rôle majeur à jouer. « C’est la
deuxième puissance économique mondiale, mais qui se présente comme étant toujours
une économie en développement. Pour les pays du Sud, la Chine est considérée comme
un pays du Sud. Il faudrait que la Chine joue la carte des pays en développement en
soutenant la position des pays les plus pauvres, et qu’on arrive à des conclusions
concrètes dans le cycle de Doha. Ce qui pour l’instant n’est pas vraiment le cas ».
Le danger pour l'insertion des pays en développement vient en partie de la
multiplication des accords bilatéraux. On craint déjà que la 9e conférence ministérielle
de l'OMC à Bali, en décembre prochain, ne soit un nouvel échec.
Agnieszka Kumor
Téléchargement