• The european solar radiation atlas (K. Scharmer ed.) fundamentals and maps • The european solar radiation atlas (K. Scharmer ed.) database and exploitation software (including CDROM) • Les émetteurs de chaleur, étude comparée (JJ Bézian, P. Barles, C. François, C. Inard) • Les indices de qualité de l’air : élaboration, usages et comparaisons internationales (J. Garcia et J. Colosio) Contact : [email protected] ou www.ensmp.fr/Presses Le premier chapitre précise les problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés de manière à définir ensuite des critères de qualité environnementale pertinents. Les méthodes proposées pour évaluer ces critères permettent d’établir un lien entre les décisions et les impacts environnementaux. Elles constituent ainsi une aide à la conception environnementale des bâtiments, depuis les premiers stades d’un projet (choix d’un site, programme, esquisse architecturale) jusqu’à la conception détaillée, la réalisation et la gestion des bâtiments. Un chapitre est consacré aux éco-techniques dans le domaine des économies d’énergie et d’eau, des énergies renouvelables, de la gestion des déchets, des matériaux à moindre impact, en incluant des aspects de confort et de santé. L’ouvrage se termine par la présentation d’exemples concrets et de réalisations. Il s’adresse aux maîtres d’ouvrages, architectes, bureaux d’études thermiques, entreprises, gestionnaires de bâtiments et à toute personne intéressée par la qualité environnementale de nos lieux de vie. L’auteur Bruno Peuportier est ingénieur de l’École Centrale de Paris, titulaire d’un doctorat de l’Université Paris VI et d’une habilitation à diriger les recherches (Université de Cergy-Pontoise). Il est actuellement chargé de recherche au Centre d’Energétique de l’École des Mines de Paris. Il a développé les logiciels COMFIE (simulation thermique des bâtiments) et EQUER (analyse de cycle de vie), mené différents projets de démonstration concernant la construction ou la rénovation de logements sociaux, de bâtiments tertiaires ou scolaires, et coordonné plusieurs projets européens sur ces thématiques. 50 Euros couv-rabats(416x210) 1 Éco-conception des bâtiments Éco-conception des bâtiments - Bruno Peuportier Également disponible aux Presses de l’École des Mines Un nombre croissant de citoyens et en particulier d’acteurs du bâtiment est sensible à la préservation de l’environnement. Ce livre a pour but d’informer sur les méthodes et les techniques permettant de faire évoluer les bonnes intentions, relayées par exemple par la démarche «HQE-haute qualité environnementale», vers une réelle performance environnementale. BÂTIR EN PRÉSERVANT L’ENVIRONNEMENT Bruno Peuportier Préface de Françoise-Hélène Jourda problèmes environnementaux indicateurs de performance outils d’aide à la conception éco-techniques : - efficacité énergétique ; - gestion de l’eau et des déchets ; - énergies renouvelables ; - matériaux à moindre impact ; - les aspects du confort ; - impacts sur la santé. exemples de réalisations sciences de la terre et de l’environnement 18/03/03, 15:39:30 Éco-conception des bâtiments Bâtir en préservant l’environnement Bruno Peuportier Chargé de recherches à l’École des Mines de Paris Les Presses de l’École des Mines Paris, 2003 © École des Mines de Paris 60, boulevard Saint-Michel, 75272 Paris CEDEX 06 FRANCE e-mail : [email protected] http://www.ensmp.fr/Presses ISBN : 2-911762-43-6 Dépôt légal : mars 2003 Achevé d’imprimer en mars 2003 (A Cort Europe, Seven, Courtabœuf) Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays Couverture : Groupe scolaire de Baigneux les Juifs Vignettes du dos de couverture : maison de l'architecte Rolf Disch et vues du quartier Vauban à Freiburg (RFA) PRÉFACE Depuis plus de vingt ans des concepteurs, architectes et ingénieurs tentent de convaincre leurs partenaires, leurs maîtres d'ouvrages et les collectivités locales de l'urgence de réfléchir sur leurs pratiques, leurs méthodes et leurs propositions en vue de minimiser les impacts des constructions sur l'environnement. Aujourd'hui l'enjeu est crucial. Il est technique, bien sûr, mais aussi -surtout- social, économique et culturel. Il remet en question des comportements, des modes de vie, des modes relationnels. Il se réfère tout particulièrement à l'usage et donc aux "Autres", ceux que l'on a trop souvent, trop longtemps oubliés, ceux qui vont vivre dans le bâtiment, mais aussi ceux qui l'entretiennent, le visitent, et ceux qui n'y rentreront jamais mais qui verront leur cadre de vie modifié par cette nouvelle construction, de près ou de loin. La diffusion large d'un nouveau savoir technique, permettant de construire en préservant au mieux l'environnement nous invite souvent, simplement, à renouer avec le "bon sens" et la reflexion à long terme, l'usage et le confort, tout en étant source d'innovation et de haute technologie. Ce nouveau savoir, sa maîtrise est source de remise en question de l'architecture contemporaine. Puisse-t-il nous conduire à renouveler notre manière de penser l'architecture et de l'écrire, dans la ville ou ailleurs... Françoise-Hélène Jourda ii Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement REMERCIEMENTS Ce livre doit beaucoup aux pionniers qui, à une époque où la qualité environnementale n’était pas encore d’actualité, ont su percevoir l’importance d’économiser les ressources et de préserver l’environnement. Ainsi par exemple la brochure « Energie solaire et architecture » réalisée en 1978 par Frédéric Nicolas, Jean-Pierre Traisnel et Marc Vaye, les concepts de murs solaires inventés par Félix Trombe et Jacques Michel en 1971, le concours « Maisons solaires maisons d’aujourd’hui » organisé par Alain Liébard et son équipe peuvent être cités parmi les contributions importantes au développement durable dans le domaine de la construction. Ces travaux ont ensuite été complétés par des démarches de maîtrise de la demande d’électricité, en particulier avec Olivier Sidler et l’ouvrage « La maison des néga-watts » de Thierry Salomon et Stéphane Bedel. Pierre Diaz Pedregal m'a également apporté ses conseils sur l'architecture bioclimatique, et Renaud Mikolasek, en développant des interfaces conviviales, a permis la diffusion de nos outils de calcul parmi les professionnels. Les Docteurs Suzanne et Pierre Déoux ont par leurs ouvrages fait progressé les connaissances sur les liens entre les bâtiments et la santé. Certains passionnés se sont lancés, dans des conditions souvent difficiles, dans la fabrication ou la distribution de techniques favorables à l’environnement : capteurs solaires, matériaux de construction renouvelables, équipements économiseurs d’eau… Merci aux maîtres d’ouvrage, aux concepteurs, architectes et bureaux d’études techniques, et aux entreprises qui ont expérimenté ces innovations ainsi qu’aux institutions qui ont soutenu ces démarches. Mes remerciements vont enfin aux collègues suisses et allemands, en particulier Niklaus Kohler, qui ont élaboré et diffusé des données sur les impacts environnementaux des principaux produits et procédés, permettant ainsi de faire progresser la connaissance sur des aspects encore mal cernés. En s’inspirant de ces précurseurs, cet ouvrage vous invite à contribuer à la protection de l’environnement. iv Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement TABLE DES MATIÈRES PRÉFACE REMERCIEMENTS INTRODUCTION : LA QUALITÉ ENVIRONNEMENTALE DES BÂTIMENTS 1 CHAPITRE I : LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX 1.1 L'échelle planétaire 1.1.1 L'effet de serre 1.1.2 La destruction de la couche d'ozone 1.1.3 L'épuisement des ressources 1.1.4 Les atteintes à la biodiversité 1.1.5 La prolifération nucléaire 1.2 L'échelle régionale 1.2.1 Les effets liés à la pollution de l'air 1.2.2 Le prélèvement et la pollution de l'eau 1.2.3 Les déchets et la pollution des sols 1.2.4 La radioactivité 1.2.5 Les risques 1.3 L'échelle locale 1.3.1 Le bruit 1.3.2 La dégradation des écosystèmes et des paysages 1.3.3 L'occupation des sols 1.3.4 Les perturbations du micro-climat 1.3.5 Les odeurs 1.4 Dans le bâtiment lui-même 1.4.1 La qualité de l'air et la santé 1.4.2 La qualité de l'eau et la santé 1.4.3 Les champs électromagnétiques 1.4.4 Les sources d'inconfort 1.4.5 Les risques 1.5 Synthèse sur les impacts 3 3 4 11 12 15 17 18 18 22 28 36 38 40 40 43 44 44 44 45 46 51 54 55 55 56 CHAPITRE II : LES INDICATEURS ENVIRONNEMENTAUX 2.1 Les indicateurs de potentiel 2.1.1 Effet de serre 2.1.2 Destruction de la couche d'ozone 2.1.3 Acidification 2.1.4 Eutrophisation 2.1.5 Smog d'hiver 59 59 61 62 63 63 64 vi Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 2.1.6 Smog d'été (formation d'ozone photochimique) 2.2 Les indicateurs de volume critique 2.2.1 Écotoxicité 2.2.2 Odeurs 2.2.3 Toxicité humaine 2.2.4 Indicateurs de la norme AFNOR XP P01-010 2.3 Autres indicateurs 2.3.1 Ressources abiotiques connues 2.3.2 Énergie primaire 2.3.3 Consommation d’eau 2.3.4 Déchets ultimes 2.3.5 Métaux lourds 2.3.6 Substances cancérigènes 2.3.7 Déchets radioactifs 2.3.8 Indicateurs orientés dommages 2.4 Les indicateurs environnementaux urbains 2.4.1 Indicateurs sur les sources d'émissions (pressions) 2.4.2 Indicateurs d’état 2.5 Les indicateurs environnementaux et le développement durable 2.6 Conclusions du chapitre 2 CHAPITRE III : LES MÉTHODOLOGIES ET LES OUTILS PROFESSIONNELS 3.1 L’analyse de cycle de vie 3.1.1 Méthodologie adoptée 3.1.2 Modélisation du bâtiment, une approche objets 3.1.3 Recueil des données 3.1.4 Développement logiciel 3.1.5 Limites de la méthodologie 3.1.6 Exemple d'application expérimentale lors de l’exposition Ecologis 3.1.7 Premières études de sensibilité : contributions relatives des différentes sources d'impact 3.1.8 Normalisation d'un écoprofil 3.1.9 Autres outils d'analyse de cycle de vie des bâtiments 3.1.10 Conclusions 3.2 La simulation thermique 3.2.1 Principes de la modélisation 3.2.2 Principales hypothèses et limites du modèle 3.2.3 Algorithme de résolution 3.2.4 Développement informatique 3.2.5 Validation des calculs 3.2.6 Quelques applications du logiciel 64 65 66 67 68 70 71 71 73 75 75 75 76 76 77 77 78 80 85 87 89 91 93 94 96 97 99 100 102 106 109 110 111 111 112 114 116 119 122 Préface 3.2.7 L’interface utilisateurs 3.3 Les calculs d'éclairage 3.3.1 La lumière 3.3.2 Éclairage naturel 3.3.3 Modélisation de l'éclairage naturel par la méthode lumen 3.3.4 L'éclairage artificiel 3.3.6 Pratiques usuelles d'éclairage par type de bâtiment 3.4 Les calculs d’acoustique 3.4.1 Outils simplifiés 3.4.2 Outils détaillés 3.5 L'évaluation des impacts sanitaires 3.6 La gestion des déchets de chantier 3.7 Les outils généralistes 3.8 L'utilisation des outils 3.8.1 La programmation 3.8.2 La conception architecturale 3.8.3 La gestion d'un chantier 3.8.4 La gestion d'un parc immobilier 3.9 Conclusions et perspectives sur les outils 3.9.1 Chaînage entre modèles 3.9.2 Adaptation des modèles à l'évolution d'un projet 3.9.3 De l'évaluation à la conception CHAPITRE IV : LES "ÉCOTECHNIQUES" DU BÂTIMENT 4.1 L'efficacité énergétique et les énergies renouvelables 4.1.1 Chauffage 4.1.2 Climatisation 4.1.3 Renouvellement d'air 4.1.4 Éclairage des locaux et consommation d'électricité 4.1.5 Eau chaude sanitaire 4.2 La gestion et la qualité de l'eau 4.3 Le traitement des déchets 4.4 Les produits de construction 4.5 Le confort et la santé 4.5.1 Confort acoustique 4.5.2 Confort visuel 4.5.3 Confort thermique 4.5.4 Qualité de l’air et confort olfactif 4.5.5 Autres aspects de santé 4.6 Conclusions du chapitre 4 vii 124 127 128 134 137 144 152 157 157 158 158 160 161 162 162 164 168 171 175 176 176 177 179 182 183 192 194 195 202 204 208 208 214 214 215 215 216 217 218 viii Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement CHAPITRE V : QUELQUES RÉALISATIONS EXPÉRIMENTALES 5.1 Le projet Ecolonia (Pays Bas) 5.1.1 Description du programme 5.1.2 Conception économe en énergie 5.1.3 Gestion sur le cycle de vie 5.2 Le lotissement aurore (Ardennes) 5.2.1 Fonctionnement des systèmes 5.2.2 L'aide apportée durant la conception du projet 5.2.3 Description de l'installation expérimentale 5.2.4 Résultats du suivi 5.2.5 Conclusions du suivi expérimental 5.2.6 Analyse de cycle de vie 5.3 Maisons individuelles 5.3.1 Réalisation expérimentale de Castanet Tolosan 5.3.2 Maison lauréate du concours habitat solaire habitat d'aujourd'hui (1998) 5.4 Bâtiment tertiaire a Mèze 5.5 Le projet "Soft energy community" (Fukuyama, Japon) 5.5.1 Le concept de village énergies douces 5.5.2 Évaluation des ressources 5.5.3 Optimisation énergétique et économique 5.5.4 Caractéristiques techniques 5.6 Perspectives d'évolution des performances 5.6.1 Le standard des "maisons passives" 5.6.2 Les bâtiments producteurs d'énergie 5.6.3 Le management des opérations de construction 5.6.4 L'approche du co-housing 5.7 Conclusions du chapitre 5 246 249 249 250 251 254 255 255 256 257 263 265 CONCLUSIONS 267 BIBLIOGRAPHIE Environnement Thermique Éclairage 269 269 273 274 223 223 223 225 226 228 229 231 233 233 239 240 241 241 242 INTRODUCTION LA QUALITÉ ENVIRONNEMENTALE DES BÂTIMENTS La notion de qualité est complexe dans le secteur du bâtiment, du fait de la variété des fonctions remplies par les ouvrages : fournir un espace adapté au bon déroulement d'activités diverses, dans des conditions de confort données, protéger les biens et les personnes, maîtriser les relations avec l'extérieur, donner une image, etc. Les critères de qualité concernent des domaines techniques variés (mécanique des structures, acoustique, éclairage, thermique) mais aussi des aspects plus subjectifs (esthétique, qualité de la vie, confort). Nous introduisons dans cet ouvrage un domaine supplémentaire : la qualité environnementale, liée à la qualité des ambiances intérieures et à la réduction des impacts environnementaux d'un bâtiment. L'objectif est de diffuser des connaissances issues de la recherche, en complément d'approches, en particulier architecturales, menées par ailleurs. Le premier chapitre définit les principaux problèmes environnementaux, posés à différentes échelles : du niveau planétaire, régional et local jusqu'à l'ambiance intérieure des bâtiments. Le second chapitre introduit des indicateurs correspondant aux problèmes environnementaux passés en revue au chapitre 1. Ces indicateurs permettent de relier les décisions prises aux impacts potentiels, et ainsi de contribuer à la prise en compte des aspects environnementaux dans les processus de décision. Des indicateurs permettant d'apprécier l'état de l'environnement dans une ville sont également présentés. Ces développements donnent un éclairage complémentaire sur la contribution d'un bâtiment au bilan urbain, et ce type d’analyse peut également orienter le choix d'un site pour un projet de construction neuve. Les indicateurs environnementaux sont intégrés dans une structure plus vaste incluant les aspects économiques, sociaux et culturels dans une approche de développement « durable » (sostenible en espagnol, sustainable en anglais, nachhaltig en allemand). "Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs1". La définition du rapport Brundtland précise que le développement durable "contient deux concepts clés : 1 Rapport Brundtland, Notre avenir à tous, rapport de la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement, Ed. du Fleuve, 1987 2 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement • le concept de besoins, en particulier les besoins essentiels des plus démunis dans le monde, auxquels une priorité devrait être accordée ; • et l'idée de limites, imposées par l'état de la technologie et de l'organisation sociale, à la capacité de l'environnement de satisfaire les besoins présents et futurs." Le troisième chapitre propose quelques méthodes et outils à l'usage des professionnels : maîtres d'ouvrages, architectes, bureaux d'études techniques, entreprises et gestionnaires de parc immobilier. La méthode d'analyse de cycle de vie, qui permet l'évaluation de la qualité environnementale d'un produit, est présentée dans son application au secteur du bâtiment. Le chaînage entre cette méthode et les calculs thermiques est exposé. Le logiciel COMFIE, développé par l'Ecole des Mines, a été considéré car il permet d'évaluer à la fois les besoins de chauffage et le niveau de confort thermique de manière précise (simulation dynamique en multizone). Le chapitre 4 esquisse quelques solutions techniques applicables dans le secteur du bâtiment pour réduire les impacts environnementaux. Ceci concerne les matériaux et composants utilisés, mais surtout la gestion des flux, qui revêt une importance primordiale dans le bilan global des émissions. Des solutions permettant de mieux gérer les flux d'énergie, d'eau et de déchets sont donc présentées. Quelques exemples de réalisations sont donnés dans le chapitre 5 à titre d'illustration. A la fin de ce chapitre, des recommandations sont données sous une forme synthétique pour gérer les différentes phases d'un projet, depuis l'étude de faisabilité jusqu'à la fin de vie. Cet ouvrage s'adresse à divers types d’acteurs : maîtres d'ouvrage, architectes, bureaux d'études techniques, entreprises de BTP, fabricants de matériaux ou de composants, gestionnaires de parc immobilier, urbanistes. En fonction de ses connaissances antérieures et de ses préoccupations, le lecteur pourra organiser sa lecture à l'aide du sommaire. Les principes d'éco-conception présentés ne doivent pas être perçus comme une méthode rigide : il s'agit d'une démarche qui vient compléter les aspirations des maîtres d'ouvrage et la créativité des architectes. CHAPITRE I LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX Un bâtiment constitue un lieu intermédiaire entre ses occupants et l'environnement extérieur, ayant pour but de constituer un espace approprié aux activités prévues (logement, activités professionnelles, etc.) tout en s'intégrant dans un site. Nous pouvons alors distinguer : • "l'environnement intérieur", ainsi appelé parce qu'il constitue l'environnement pour les occupants du bâtiment. Cet "environnement construit" doit satisfaire un certain nombre d'exigences de qualité (fonctionnalité des espaces, confort hygrothermique, visuel, acoustique et olfactif, protection de la santé et qualité de la vie); • • l'environnement extérieur, depuis les abords du bâtiment, le site proche, la région (avec des échelles spatiales qui peuvent différer entre le découpage administratif et l’analyse des problèmes environne-mentaux), jusqu’au niveau planétaire. Il s’agit de minimiser les impacts à ces différentes échelles (protection du climat, de la faune et de la flore, des ressources, de la santé, du paysage); les relations entre intérieur et extérieur, qui elles aussi doivent satisfaire certaines exigences : circulation des personnes et des biens, protection, qualité esthétique de l'enveloppe, valorisation des flux « naturels » (apports solaires, eaux pluviales), connexion aux réseaux d'eau, d'énergie, de transports, gestion des déchets. A ces différentes échelles spatiales se superpose l’échelle temporelle. Un bâtiment dure en général de nombreuses années, et il s’agit d’assurer au mieux la pérennité des performances. D’autre part, la problématique du développement « durable » amène à prendre en compte les aspects à long terme dans l’intérêt des générations futures (protection du climat, déchets de longue durée de vie, biodiversité, patrimoine génétique…). Ce cadre très vaste étant posé, nous présentons ici un certain nombre de problèmes environnementaux en insistant sur les aspects en général encore peu abordés dans le secteur du bâtiment. 1.1 L'ÉCHELLE PLANÉTAIRE Entre 1950 et 2000, la population mondiale est passée de 2,5 à 6 milliards d'habitants, et le nombre de villes de plus de 8 millions d'habitants de 2 à 25. Un cinquième de la population n'a pas accès à l'eau potable. Les 4 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement émissions de CO2 ont été multipliées par 4,51. Les forêts primaires ont perdu de 30% à 50% de leur surface et 10 millions d'hectares de forêts tropicales (soit près d'un cinquième de la surface de la France), ainsi que 1000 espèces de plantes ou d'animaux disparaissent chaque année. Les considérations planétaires sont les plus difficiles à prendre en compte sur le terrain, pour plusieurs raisons : • • chaque acteur joue un rôle infime dans le bilan global, ce qui réduit la motivation pour prendre des décisions dans l'intérêt général ; respecter la planète ne se traduit en général pas en terme économique, ni en terme immédiatement perceptible (réduire ses émissions de CO2 n'a pas d'effet direct sur sa propre santé et sa qualité de vie). Pourtant, une modification en apparence faible du bilan planétaire peut avoir des conséquences très importantes. Par exemple, la concentration de l'atmosphère en oxygène est de 21%. Si elle passait à 16%, les oiseaux, reptiles et mammifères s'asphyxieraient et si elle augmentait jusqu'à 25%, l'incendie ferait rage jusque dans la forêt pluviale2. 1.1.1 L'EFFET DE SERRE Figure 1.1 : Principe de l'effet de serre L'atmosphère diffuse une partie du rayonnement solaire dans toutes les directions, mais une forte proportion est transmise vers la terre. Celle-ci s'échauffe, et émet à son tour un rayonnement. La gamme de longueur d'onde d'un rayonnement dépend de la température du corps émetteur. Ainsi, le soleil, dont la température de surface est d'environ 5800 K, émet un rayonnement visible tandis que la terre, dont la température moyenne est de 15°C, émet un rayonnement à grande longueur d'onde (infrarouge). Certains gaz présents dans l'atmosphère (CO2, vapeur d'eau, méthane...) sont plus transparents au rayonnement du soleil qu'au 1 World business council for sustainable development, annual review, 1997 2 Systèmes solaires n°120, 1997 Les impacts environnementaux 5 rayonnement infra-rouge de la terre, produisant ainsi un effet de serre : le rayonnement est en partie piégé (forçage radiatif), ce qui provoque un échauffement. L'effet de serre existe naturellement, sans lui la température moyenne terrestre serait de -18°C. C'est son augmentation qui pose problème. Les activités humaines ont entraîné une augmentation de la quantité de gaz à effet de serre : le CO2 dégagé lors de l'utilisation de combustibles fossiles est responsable à 55% de l'accroissement de l'effet de serre, les CFC (chloro-fluoro-carbones) à 25% et le méthane à 15%, le protoxyde d'azote (N2O), le SF6 et l'ozone formé expliquent les 5% restants3. La concentration de CO2 dans l'atmosphère est passée de 280 ppm avant l'ère industrielle à plus de 350 aujourd'hui. Elle augmente actuellement de 0,5% par an (ce qui représente 5 à 6 giga-tonnes) et, à ce rythme, doublerait en 2060. Vers 1800, chaque français consommait en moyenne 70 kg d'équivalent charbon par an4. Il en utilise aujourd'hui environ 5 tonnes (deux fois moins cependant qu'un américain en moyenne). Chaque français émet en moyenne 8,7 tonnes d'équivalent CO2 par an, toutes activités confondues. A titre de comparaison, un américain moyen en émet presque trois fois plus (les émissions ont augmenté d'environ 11% aux USA entre 1990 et 2002) et un indien sept fois moins. A titre de comparaison, en respirant, nous rejetons 16,2 litres de CO2 par heure, soit 280 kg en une année. Les négociations internationales (processus de Kyoto) ont amené un certain nombre d'états à s'engager sur une réduction de leurs émissions par rapport au niveau de 1990. Par exemple, l'Europe des 15 devrait réduire ses émissions de 8% globalement (avec des écarts entre les pays, allant d'une réduction de 28% pour le Luxembourg à une augmentation de 27% pour le Portugal, les émissions de la France devant rester stables). Les engagements de Kyoto représente une réduction globale de l'ordre de 5% pour les pays développés. La concentration du méthane a doublé, passant à 1,8 ppm, et augmente de 0,9% par an. La durée de vie de ces gaz va de 10 ans pour le méthane à 120 ans pour le CO2 (en fait, les phénomènes complexes de réabsorption du CO2 dans les océans et la biosphère incitent à considérer plutôt un intervalle compris entre 50 et 200 ans). C'est pourquoi les équivalences varient en fonction de la durée considérée dans l'analyse : sur 100 ans, 1 kg de méthane équivaut à 25 kg de CO2 ; sur 500 ans, il ne vaut plus que 7 kg de CO2 (1 kg de N2O équivaut à 290 kg de CO2). 3 ADEME, brochure Effet de serre 4 Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 6 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Les conséquences de l'accroissement de l'effet de serre sont un réchauffement global, dont l'importance est encore controversée5. Depuis 1850, la température moyenne est passée de 14,3 à 14,6°C. Un doublement de la concentration en CO2 provoquerait une augmentation qui va, selon les prévisions, de 1,9 à 5,2 K. Les zones climatiques se déplaceraient alors vers les pôles (200 km par K supplémentaire), à une vitesse pas toujours compatible avec l'adaptation des espèces végétales. Les simulations conduites avec "Arpège-Climat étiré"6 en supposant un doublement de la concentration en CO2, évaluent l'augmentation de température en France entre 1 et 2°C l'hiver et plus de 2°C l'été, avec des précipitations plus abondantes l'hiver et une sécheresse plus marquée l'été. Le Gulf Stream, courant marin qui réchauffe les côtes de l'Europe de l'Ouest, pourrait disparaître. Les risques climatiques concernent le développement de cyclones dans certaines régions, la sécheresse l'été et de fortes pluies l'automne dans nos régions. L'influence du réchauffement global sur la fréquence et l'ampleur des tempêtes ne peut actuellement pas être mise en évidence par les modèles météorologiques. Les compagnies d'assurance et de réassurance s'inquiètent de l'augmentation des sinistres, et suggèrent de renforcer l'application du principe de précaution. La tempête de fin 1999 en France a causé le décès de 80 personnes. Les dégâts ont été évalués à 40 milliards de francs (plus de 6 milliards d'euros) et 300 millions d'arbres ont été abattus, soit l'équivalent de 100 millions de m3 de bois, 25% de plus que la production annuelle moyenne. Les inondations de 2002 en RFA ont causé 27 morts et 15 milliards d'euros de dégâts. Si tous les glaciers continentaux fondaient, le niveau des mers augmenterait de 80 mètres. Le glacier de Sarennes, dans le massif des Grandes Rousses, est instrumenté par le CEMAGREF. La fonte sur un siècle est de 80% en masse, avec un maximum de recul de 3 mètres par an7. L'épaisseur de glace de l'océan arctique a été réduite de 42%, et le pôle nord est maintenant dans l'eau en été8. Le Groenland perd 51 milliards de m3 d'eau chaque année, l'équivalent du débit du Nil. Entre 1950 et 1997, la surface des banquises antarctiques a été réduite de 7000 km2, la température s'étant élevée de 2,5 °C dans cette région. 5 Philippe Roqueplo, Effet de serre : une véritable expertise est-elle possible ? La Recherche, n°259, volume 24, novembre 1993 6 Pierre Bessemoulin, Changement de climat en France au XXIe siècle ? Pollution atmosphérique n°165, janvier-mars 2000 7 Energie Plus n°244, 15 avril 2000 8 Lester R. Brown, Les changements climatiques, 29 août 2000 Les impacts environnementaux 7 Figure 1.2 : Évolution du glacier des Bossons (recul d'environ 500 m entre 1980 et 1995), source : Ecole des Houches D'après les modèles, le niveau des mers augmenterait de +66 cm ± 57 cm en 2100, menaçant ainsi 3% des terres (500 millions d'hectares) d'inondation ou de salination. Selon une étude de la banque mondiale, une élévation d'un mètre submergerait la moitié des rizières du Bangladesh. Les îles de Tuvalu, 189ème état admis à l'ONU, sont victimes de la montée des eaux dans le Pacifique. L'endiguement des îles étant trop onéreux, les 11 000 habitants de cet état viennent de demander à pouvoir immigrer en Nouvelle Zélande. Le point culminant de Tuvalu n'est qu'à 4,5 m au dessus du niveau de la mer9. Les impacts économiques concernent l'agriculture10 (quantité et qualité des produits, besoin d'irrigation, de produits phytosanitaires…), 9 Politis, 29 novembre 2001. 10 Richard Delecolle, Pierre-Alain Jayet et Jean-François Soussana, Agriculture et réchauffement climatique, quelques éléments de réflexion, La jaune et la rouge, 2000 8 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement mais aussi les ressources en eau et la santé11 (effet des canicules, augmentation de la concentration d'ozone troposphérique, développement de maladies infectieuses comme le paludisme). Vu l'incertitude sur les conséquences de l'effet de serre, ces impacts sont très difficiles à évaluer financièrement. Certains12 avancent des chiffres de l'ordre de 500 $ par tonne de CO2, ce qui correspond à environ 0,5 euro/kWh électrique et 0,11 euro/kWh thermique (énergie primaire : gaz). L'effet de serre aurait aussi pour conséquence une réduction des besoins de chauffage dans les bâtiments (7% pour un accroissement de température de 1K), mais impliquerait une utilisation accrue de la climatisation. Cependant même si l'état actuel de la connaissance ne permet pas de prévoir les conséquences avec certitude, les experts incitent à la prudence et à la réduction des émissions13. Les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre14 sont bien sûr les économies d'énergie mais aussi le choix des combustibles. Pour la même quantité d'énergie produite, la quantité de CO2 émise est présentée dans le tableau 1.1 pour différents combustibles, en prenant le charbon dur comme référence. Il faut cependant prendre en compte l'ensemble de la chaîne, de l'extraction à l'utilisation en passant par la distribution. Pour le gaz naturel par exemple, les pertes de distribution (au niveau des gazoducs, etc.) peuvent atteindre 25%. TABLEAU 1.1 : ÉMISSIONS DE CO2 POUR DIFFÉRENTS COMBUSTIBLES Combustible Lignite Charbon dur Pétrole Gaz naturel CO2 émis 121 100 (référence) 88 58 (rapport / référence) Bois 0* (*) le CO2 émis est compensé par le CO2 absorbé par la forêt Au niveau mondial, le carbone stocké dans le bois représenterait de l'ordre de 500 milliards de tonnes, ce qui est du même ordre que le stock 11 Jean-Pierre Besancenot, Le réchauffement climatique et la santé, La jaune et la rouge, 2000 12 Olav Hohmeyer and Michael Gärtner, The cost of climate change : a rough estimate of orders of magnitude, The yearbook of renewable energies, EUROSOLAR/CEE, 1994 13 Yves Martin, L'effet de serre, rapport de l'académie des sciences n°31, novembre 1994 14 L'effet de serre et la Communauté européenne, Revue générale de thermique, n°329, mai 1989 Les impacts environnementaux 9 contenu dans l'atmosphère15. Le développement des forêts représente donc également un frein à l'effet de serre. Si le bois de feu tend à devenir rare dans certains pays du sud, il semble sous-employé dans les pays développés et la Conférence de Rio préconise un accroissement de son utilisation dans ces pays. La fabrication des CFC est maintenant interdite, mais une fabrication résiduelle clandestine subsiste peut-être dans certains pays, et certains substituts (HFC et HCFC) contribuent également de manière importante au forçage radiatif. Les émissions de méthane pourraient être réduites (amélioration des procédés d'extraction, de transport et d'utilisation du gaz naturel, récupération ou incinération sur les décharges, meilleure gestion du bétail, modifications dans la culture du riz et la gestion des lagunes). Le moindre recours aux engrais azotés dans l'agriculture permettrait d'éviter certaines émissions de protoxyde d'azote. Les coûts de réduction des émissions varient de quelques cents à plus de 400$ par tonne selon les études16. A l'optimum économique, le coût marginal de réduction des émissions égale le coût marginal de l'impact évité. Vu l'incertitude sur les deux termes, une telle optimisation est délicate. Il est toutefois possible de promouvoir les stratégies 'sans regret', c'est-à-dire sans surcoût. Il s'agit par exemple de certaines mesures d'économie d'énergie dans le bâtiment, pour lesquelles l'investissement est rentabilisé sur la durée de vie. Le tableau 1.2 résume le coût estimé des diverses actions de prévention inventoriées au niveau européen17. TABLEAU 1.2 : COÛTS DE DIVERSES MESURES DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE CO2 ET POTENTIEL POUR L'EUROPE (EU15) Coût (1) <0 Technique de prévention Gisement (2) Cycles combinés à gaz et raffineries 513 Réduction des émissions industrielles 347 Isolation thermique des bâtiments existants 81 Valorisation de la biomasse solide 33 Gestion améliorée en chauffage/climatisation 42 Maîtrise de la demande d'électricité 36 Amélioration des véhicules marchandises 19 15 Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 16Jean-Charles Hourcade, Traitement de l'innovation et évaluation des coûts à long terme de la réduction des émissions de CO2, Revue de l'Energie, n°427, janvier 1991 17 Commission Européenne, Economic evaluation of sectorial emission reduction objectives for climate change, 2001 10 < 10 euros < 20 euros < 30 euros < 50 euros < 100 euros < 150 euros < 300 euros < 500 euros Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Réductions des émissions dans l'agriculture Réduction des émissions industrielles Vitrages plus isolants en réhabilitation Valorisation du bois en chauffage Meilleure gestion des décharges Amélioration des voitures Amélioration du transport marchandises Améliorations dans l'industrie Améliorations dans l'industrie Eolien onshore Cogénération bois Décharges remplacées par l'incinération Chaudières à condensation Hydroélectricité Améliorations dans l'industri Réductions des émissions dans l'agriculture Cogénération et séparation CO2 Améliorations des voitures Améliorations dans les mines Eolien offshore Cogénération Biodiesel et éthanol Solaire thermique Amélioration des voitures Pompes à chaleur 14 150 80 64 26 24 19 8 35 30 29 23 15 17 12 5 76 29 14 18 40 33 8 21 16 (1) par tonne équivalent CO2 évitée (2) en millions de tonnes équivalent CO2 évitées Un certain nombre de travaux concernent le stockage de CO2. Dans certaines conditions, ce gaz dissous se combine avec l'eau pour former du carbonate, qui est capté par les coquillages pour, associé au calcium, former leur coquille. Quand l'animal meurt, il coule et une partie de la coquille est dissoute, l'autre partie sédimente au fond des océans. Après quelques millions d'années, les couches ainsi formées peuvent atteindre quelques mètres d'épaisseur et, en se tassant, forment une roche calcaire. Ainsi, certaines pierres utilisées dans la construction constituent un stockage de CO2. Selon certaines études, le CO2 injecté dans les océans à une profondeur de 100 à 500 mètres pourrait être stocké pendant 50 ans, les échanges entre les différentes couches des océans étant très lents. Une durée de plusieurs siècles est évaluée pour une injection à 1000 mètres (le CO2 étant liquide à la pression correspondant à cette profondeur). A partir de 3000 mètres, la pression est telle que le CO2 est plus lourd que l'eau. Mais les conséquences de l'acidification produite sont encore inconnues. Les impacts environnementaux 11 L'activation des coraux ou du phytoplancton sont parfois envisagées, mais de nombreuses incertitudes persistent sur l'efficacité de tels procédés et sur d'éventuels effets secondaires indésirables. 1.1.2 LA DESTRUCTION DE LA COUCHE D'OZONE L'atmosphère est divisée en cinq zones : la troposphère (altitude<17 km), la stratosphère (de 17 à 50 km), la mésosphère (de 50 à 80 km), l'ionosphère (de 80 à 600 km) et l'exosphère. La troposphère, où nous vivons, est le lieu des circulations d'air et des phénomènes atmosphériques (pluie, nuages, cyclones…). Elle contient presque toute la vapeur d'eau et une grande partie des gaz à effet de serre. La couche d'ozone est située plutôt dans la stratosphère, là également où se consument les météorites. La température est très basse dans la mésosphère (-100°C), puis remonte ensuite dans l'ionosphère, où les rayons X et gamma issus du soleil sont arrêtés, pour atteindre 1200°C dans l'exosphère. La couche d'ozone est située entre 12 et 45 km d'altitude, avec un maximum de concentration à 25 km. Elle filtre la presque totalité des rayons ultraviolets de type B, qui provoquent des atteintes de la peau (cancer), des yeux (cataracte) et du système immunitaire (les UVB contrarient également la croissance de certaines plantes, détruisent le phytoplancton marin et accélèrent le vieillissement de certains matériaux18). La couche d'ozone subit des variations saisonnières "naturelles": son épaisseur au dessus du pôle sud diminue pendant la nuit polaire (juin à septembre). Ceci est dû à la formation de nuages stratosphériques, qui capturent le dioxyde d'azote et empêchent celui-ci de piéger les atomes de chlore, responsables de la dégradation de l'ozone. Les nuages d'aérosols volcaniques, comme ceux du Pinatubo, peuvent jouer le même rôle. Mais cette variation saisonnière s'est amplifiée et sous nos latitudes, une diminution d'épaisseur de près de 5% en moyenne est constatée l'hiver. Les CFC sont les principaux responsables car ils s'élèvent lentement jusqu'à la stratosphère où ils sont détruits par les UV en dégageant du chlore, qui à son tour provoque la destruction catalytique de l'ozone. Les autres composés impliqués dans ce phénomène sont les halons (utilisés dans la protection contre l'incendie), responsables à 12% de la destruction totale de l'ozone. Les HCFC peuvent aussi jouer un rôle, et certains produits sont réglementés. Les HFC n'ont par contre aucun effet. La convention de Vienne (1985), le protocole de Montréal (16 septembre 1987) puis la convention de Londres (1990) ont conduit 70 pays à ratifier la suppression 18 Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 12 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement totale des CFC avant l'an 2000. Leur utilisation est interdite en France depuis 1996. Les HCFC seront interdits à la consommation en 2030. 23% du total des CFC consommés en France étaient utilisés dans la fabrication de mousses d'isolation19 (à base de polyuréthane pour les trois quarts et de polystyrène extrudé pour un cinquième). Le contenu moyen en CFC dans ces mousses était d'environ 10%, et la quantité de CFC stockée était évaluée en 1989 à 54 000 tonnes. Le secteur froid et climatisation représentait, avec un parc d'un million d'unités chargées en moyenne de 2 kg de fluides, entre 10 et 15% de la consommation française de CFC avant l’interdiction. Une forte proportion de gaz (40 à 50%) était utilisée lors d'opérations de rechargement. La substitution par les HCFC ou HFC et la récupération des fluides constituent les solutions actuellement mises en œuvre dans ce secteur. 1.1.3 L'ÉPUISEMENT DES RESSOURCES Certaines matières premières tendent à devenir rares, à une échéance plus ou moins proche. Le pétrole est particulièrement concerné, avec des réserves estimées à 1600 milliards de barils, soit environ 36 fois la consommation annuelle actuelle20 (60 fois selon d’autres sources21), mais c'est également le cas du mercure, du cadmium, de l'étain, du nickel, du plomb, du zinc et du cuivre. D'autres combustibles comme le gaz ou l'uranium pourraient à leur tour se raréfier : la production annuelle d’uranium s’élève à 36 000 tonnes (40 000 tonnes22 en 1995), dont 11 000 au Canada, 7 500 en Australie, 3500 au Niger et 2500 au Kazakhstan, en Ouzbékistan et en Russie23 ; la consommation est de 60 000 tonnes, alimentant 430 réacteurs civils. La production est inférieure à la consommation du fait du recyclage du combustible et de l'utilisation de certains stocks. Les réserves sont estimées entre 3,2 et 4,3 millions de tonnes24 selon le coût d’extraction - 60 et 100 euros/kg respectivement -, les ressources prouvées étant de 1,6 et 2,2 millions de tonnes respectivement. Les réserves représentent donc de l'ordre de 60 années de consommation. Alors que la filière nucléaire est souvent associée à 19 Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 20 Energie Plus n°140, février 1995, d'après l'étude BIP n°7727 (Pétroconsultants) 21 François Ramade, Écologie appliquée, Ediscience, Paris, 1995 22 Les Echos, 9 septembre 1996 23 L’état du monde, Ed. La Découverte, Paris, 1996 24 François Ramade, Écologie des ressources naturelles, Ed. Masson, Paris, 1994 Les impacts environnementaux 13 l'indépendance énergétique, la production française ne représente que 10% de notre consommation et son volume décroît. Certains bois tropicaux, pour lesquels les exploitations forestières sont mal gérées, voient également leur gisement se réduire. La surface couverte par la forêt tropicale a été réduite de moitié25, et 10 000 km2 disparaissent chaque année (soit 1% de la surface forestière totale, mais jusqu'à 6% en Afrique occidentale). La déforestation a pour principale cause le défrichage dans le but d'accroître les surfaces cultivées. L'exploitation forestière ne contribue que pour 6% à la déforestation26, les activités liées à l'agriculture étant responsables de plus de 90%. 85% de la production mondiale de bois tropicaux sert de bois de feu, 10% aux constructions locales et seulement 5% sont exportés27. La France est le premier importateur européen de bois tropicaux, avec 1,3 millions de m3 par an28. Une partie de ce bois tropical est importé de manière illégale (certains avancent le chiffre de 50%29). Les principales essences concernées sont l'okoumé et le méranti (utilisés pour la fabrication du contreplaqué, qui représente plus de 50% du marché du bois tropical), le niangton, le moabi, le mengkulang et le framiré (menuiserie), l'iroko (parquets). Ces essences viennent d'Afrique, sauf le méranti qui provient d'Asie. Le groupe Isoroy, principal producteur français de contreplaqué, a créé son propre label, "Eurokoumé", certifiant l'utilisation d'un matériau dont l'exploitation ne perturbe pas l'écosystème (l'exploitation gabonaise est limitée à 1% de la population d'okoumé dans le pays). Le label FSC (Forest Stewardship Council) sera présenté au paragraphe suivant. Le Brésil commence à exporter des produits. Le chêne et le châtaignier sont des substituts possibles (le choix des essences en fonction de leur utilisation sera abordé au chapitre 4). La consommation mondiale de bois était de 3,5 milliards de m3 par an en 199230. La consommation de papier continue d’augmenter au rythme de 2% par an, l’édition quotidienne du journal “Le Monde ” correspond par exemple à la production annuelle de 160 hectares d’épicéa. Mais la production de papier ne conduit pas au déboisement, tout au moins en 25 R. Barbault, Écologie générale, Ed. Masson, Paris, 1990 26 Étude de l'Institut für Weltwirtschaft de Kiel, réalisée pour le compte de Greenpeace 27Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 28 Que Choisir, guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 29 Sustainable Building, n°4, Pays Bas, 2001 30 François Ramade, Écologie appliquée, Ediscience, Paris, 1995 14 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement France. En effet, la pâte de bois provient à 25% des chutes de scierie, et à 75% de coupes d'éclaircies (élagage nécessaire au développement de la forêt). Les jeunes arbres captent plus efficacement le carbone. L'usage du bois et l'exploitation forestière favorisent donc le stockage du carbone, et la Conférence de Rio préconise leur extension, en particulier dans le secteur de la construction31. La fabrication des plastiques consomme 4% de la production pétrolière. Le contenu énergétique de ces matériaux est valorisable en fin de vie, et certains plastiques peuvent être recyclés. La contribution de ce secteur à l'épuisement des ressources pétrolières est donc jugée faible. A l'inverse, les matières les plus présentes sur notre planète sont (par ordre décroissant de proportion dans la composition de la terre) l'oxygène (46%), le silicium (27%), l'aluminium, le fer, le sodium, le potassium et le magnésium. Le béton est la deuxième matière consommée après l’eau, avec 900 kg par an et par personne. En France, 400 millions de tonnes de granulats et 20 millions de tonnes de ciment sont consommées annuellement. Le code minier distingue deux types de matières premières : la classe des mines (charbon, pétrole, gaz, uranium, métaux, sel, potasse, phosphates) et la classe des carrières, dont font partie les matières premières de la construction32. Alors qu'une concession minière s'impose au propriétaire du sol comme aux documents d'urbanisme, l'exploitant d'une carrière doit acquérir les terrains à l'aplomb du gisement ou obtenir un accord du propriétaire, et respecter les règlements d'urbanisme. Mais dans certains cas, l'État peut, par décret en Conseil d'état pris après enquête publique, créer des "zones exclusives de recherche et d'exploitation de carrières", dites "zones 109" afin d'autoriser l'exploitation malgré l'avis du propriétaire. Une procédure de Projet d'intérêt général peut également être menée par le préfet. La réduction des consommations de matière première peut être obtenue par l'allègement des composants (certains bétons légers n'utilisent que 50% de matière par rapport à la construction traditionnelle, les PVC allégés permettent un gain de 30%), l'amélioration des performances (diminution de l'épaisseur des structures en béton, acier à haute limite d'élasticité consommant entre 20 et 25% de matière en moins), le recyclage 31 Christian Barthod, Ministère de l'agriculture et de la pêche, Chronique des négociations internationales récentes, Revue Aménagement et Nature, n°115, automne 94. 32 Jean Tassin, L'accès aux ressources en matériaux de construction, Energie et matières premières n°10, 4ème trimestre 1999 Les impacts environnementaux 15 (le taux peut atteindre 60% pour le cuivre33, 50% pour l'acier utilisé dans le bâtiment - mais l'acier provenant de la démolition n'est pas toujours recyclé -, entre 30 et 50% pour l'aluminium, le plomb et le zinc) et la réutilisation. En 1992, 2000 tonnes de plastique ont été recyclées dans le bâtiment (dalles, tubes et chemins de câble). 1.1.4 LES ATTEINTES À LA BIODIVERSITÉ Le nombre d’espèces connues s’élève à environ 1,7 million34, dont 1 million d’animaux (750 000 insectes) et 250 000 plantes. Les études effectuées sur les océans et les forêts tropicales conduisent à estimer que les espèces connues ne représentent qu’entre 5 et 35% du total, soit un nombre d’espèces variant entre 5 et 30 millions. Certaines espèces animales ou végétales sont en voie d'extinction, soit parce qu'elles sont directement éliminées, soit parce que l'homme agit de manière néfaste sur leur écosystème. L’homme a fait disparaître 151 espèces de vertébrés supérieurs au cours des derniers 400 ans, soit une espèce tous les 2,7 ans. Cette vitesse est 20 fois supérieure au rythme d’extinction des mammifères au cours des époques géologiques passées. Selon l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), le nombre des mammifères gravement menacés est passé de 169 à 180 ces cinq dernières années. Au total, des milliers d'espèces animales et végétales disparaissent chaque année. La destruction des forêts tropicales ombrophiles (aimant les climats pluvieux), qui abritent probablement 75% de l’ensemble des espèces vivantes et dont la surface a déjà été réduite de moitié35 (au taux de 1,8% par an) augmenterait ce rythme d’extinction des espèces de 1000 à 10 000 fois. Par exemple, la forêt ivoirienne a été réduite de 90% en 30 ans, et l'exploitation forestière se déploie actuellement sur tout le bassin du Congo (jusqu'aux zones frontalières entre le Cameroun, la république centrafricaine, le Congo Brazzaville et le Gabon). De nombreuses infractions aux règles d'exploitation sont constatées : non respect des limites de coupes, abattage d'arbres trop jeunes, etc. La déforestation s'accompagne de braconnage et d'une extermination massive de la faune, afin d'alimenter en viande les forestiers. De grands mammifères (éléphants, gorilles…) sont ainsi chassés des forêts et, devenant une menace pour la population, sont alors tués. Des entreprises françaises, qui réalisent 80% du chiffre d'affaires de la filière bois au Cameroun, sont souvent montrées du doigt. Au Brésil, 80% du bois amazonien est exploité en toute illégalité, selon des ONG qui 33 Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 34 François Ramade, Écologie appliquée, Ediscience, Paris, 1995 35 ou de 30% , selon les sources 16 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement utilisent une encre invisible, ne se révélant qu'aux ultra-violets, pour remonter les filières. Selon la revue Sustainable Building, environ la moitié des importations de bois tropical en Europe sont illégales. Un processus de certification, FSC (Forest Stewardship Council) a été mis en place. Une forêt est certifiée FSC si sa gestion respecte un certain nombre de critères : • • • • • • respect des lois nationales et locales, y compris taxes ; respect des droits des populations locales ; respect des droits des travailleurs ; protection de l'environnement (réduction des impacts, préservation des espèces menacées, contrôle de l'érosion, respect des écosystèmes...) ; plantation prenant en compte la régénération de la forêt, la diversité des espèces, les paysages... ; entretien des forêts et protection appropriée contre les incendies et les ravageurs. Le bois issu de ces forêts est estampillé FSC et porte une codification permettant de connaître sa provenance. Plus de 20 millions d'hectares sont certifiés FSC dans le monde, dont 10 millions en Suède, 3 millions aux USA et en Pologne, un million en Grande Bretagne, 700 000 au Brésil, 72 000 en Indonésie et seulement 1000 en France. Les espaces boisés couvrent actuellement 28% du territoire français (contre 50% au Moyen âge), ce qui représente 1,9 milliard de m3 de bois sur pied36. Leur extension est de 75 000 hectare par an. La proportion de surface boisée est de 77% en Finlande, 68% en Suède, 47% en Autriche, 45% en Espagne, 36% au Portugal, 30% en Allemagne et en Italie. La production française annuelle est de 85 millions de m3, mais seulement 35 millions de m3 sont récoltés37, pour une valeur de plus d'un milliard d'euros (35 milliards pour l'ensemble de la filière bois, y compris la menuiserie, l'ameublement, le papier et les cartons). La récolte de bois de chauffage hors du circuit commercial serait de l'ordre de 15 millions de m3 par an. La consommation, de l'ordre de 60 millions de m3, est couverte pour un quart par le recyclage. La récolte intérieure ne couvre que trois quarts des besoins en bois brut. Deux tiers des 3,7 millions de propriétaires forestiers possèdent moins d'un hectare, ce qui tend à faire augmenter les coûts d'exploitation par rapport au bois d'Europe du nord et de l'est. 36 CSTB Magazine, n°117, septembre 1998 37 Isabelle Savini et Bernard Cristofini, Le courrier de l'environnement de l'INRA, n°42, février 2001 Les impacts environnementaux 17 Le secteur de la construction est un gros consommateur de bois, sous forme de produits bruts (grumes, sciages), demi-finis (panneaux) ou finis (portes, fenêtres, éléments de charpente, parquets...) : 3/4 en volume des sciages résineux, 1/7 des sciages feuillus et 2/3 des sciages tropicaux. La moitié de la récolte européenne, qui est de 200 millions de m3 par an, est consacrée au bois de feu. Cette énergie représente près de 10 millions de tonnes équivalent pétrole en France, et alimente 7,2 millions de logements. Parmi les atteintes à la biodiversité figurent également la destruction des récifs polynésiens par l’extraction du sable corallien utilisé comme matériau de construction, ou la disparition du saumon atlantique dans de nombreuses rivières (par exemple en Écosse ou dans le bassin de la Loire) à cause de barrages empêchant leur migration. La pollution des océans par les hydrocarbures est responsable de la disparition de nombreux oiseaux, par exemple la colonie de macareux des îles Scilly en Cornouailles ne comptait plus que 100 individus en 1967 contre 100 000 en 1907. Les lignes électriques sont également dangereuses pour les oiseaux : en dix ans en France, 700 rapaces, 220 cigognes blanches et 133 flamands roses ont été victimes des lignes électriques (dont 90% à moyenne tension et 10% a haute et très haute tension), selon la ligue pour la protection des oiseaux. La faible densité moyenne des clients en France (50 clients par km2 contre 120 en RFA) rend difficile l’enfouissement du réseau : seulement 20% des lignes sont enterrées contre 60% en RFA. 1.1.5 LA PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE Le traitement des déchets nucléaires est maintenant géré mondialement (par exemple retraitement de déchets japonais à La Hague), avec des risques associés au transport de ces matières. Le commerce incontrôlé depuis certains pays représente un danger potentiel. Enfin, certaines sources mentionnent l’utilisation d’uranium appauvri en Irak afin d’augmenter la densité, et donc la portée et l’efficacité des projectiles : selon l’Institut pour la science et la sécurité internationale de Washington, 940 000 cartouches de 30 mm (contenant 300 g d’uranium appauvri) ont été tirées depuis des avions et 1200 obus de 120 mm ont été tirés par des chars, soit un total de 300 tonnes d’uranium appauvri38. La radioactivité de l’uranium appauvri est la moitié de celle de l’uranium naturel, mais les poussières d’uranium produites lors des explosions peuvent être inhalées, ce qui inquiète certains médecins. 38 Le monde diplomatique, avril 1995 18 1.2 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement L'ÉCHELLE RÉGIONALE 1.2.1 LES EFFETS LIÉS À LA POLLUTION DE L'AIR 1.2.1.1 L'acidification Le dioxyde de soufre et les oxydes d'azote dégagés par les activités humaines sont transformés en sulfates et en nitrates, voire en acide sulfurique et nitrique dans les nuages, et retombent ensuite avec l'eau de pluie. Les polluants touchent directement les aiguilles et les feuilles des arbres. Ils altèrent leur couche de cire protectrice et lessivent le calcium et le magnésium, présent dans la composition de la chlorophylle. Figure 1.3 : l'acidification Arbre altéré par Mais ils peuvent aussi détruire les radicelles et lessivent les éléments nutritifs du sol (calcium, magnésium, potassium). La composition des sols est alors modifiée (augmentation de la concentration en aluminium par exemple) ce qui, au delà d'un certain seuil, nuit à certaines espèces végétales. Les valeurs limites sont données dans les deux tableaux 1.3 et 1.439. En France, malgré la prépondérance des vents d’ouest favorables à la dispersion des polluants, la superficie atteinte par le dépérissement atteignait l’ordre du million d’hectare en 198040 (sur un total de 15 millions, représentant 27% du territoire national). Un quart des arbres d'Europe sont endommagés (défoliation supérieure à 25%), en particulier près de 60% des hêtres et des chênes de plus de 60 ans, les plus durement touchés. Le taux de défoliation atteint plus de 70% en République Tchèque, plus de 50% en Ukraine, de l'ordre de 40% en Moldavie, en Pologne, en Biélorussie et au Luxembourg, plus de 30% aux Pays Bas. Depuis 1992, la situation a tendance à s'améliorer en Europe de l'Est tandis qu'elle se 39 C. Elichegaray, Retombées des polluants acides : vers des normes draconiennes au 21ème siècle, Agence de la Qualité de l'Air 40 François Ramade, Écologie appliquée, Ediscience, Paris, 1995 Les impacts environnementaux 19 détériore en France et en Italie, où la pollution atmosphérique est un facteur s'ajoutant aux problèmes liés à la sécheresse. TABLEAU 1.3 : CHARGES CRITIQUES POUR L'AZOTE Type de végétation arbres à feuilles caduques conifères arbustes prairies Charge critique en azote (kg/ha/an) 5-20 3-15 3-5 3-10 TABLEAU 1.4 : CHARGES CRITIQUES POUR L'ACIDITÉ TOTALE Classe de sols 1 2 3 4 5 Exemples Charge critique en acides (kilomoles H+/km2/an) granites < 20 gneiss 20-50 schistes 50-100 gabbros 100-200 calcaires > 200 Équivalence en soufre (kg/ha/an) <3 3-8 8-16 16-32 > 32 Les chaufferies de puissance supérieure à 75 thermies par heure (environ 2200 kW) sont soumises à des contraintes sur la hauteur de la cheminée en fonction de leur puissance, de la vitesse ascendante, de la température d'émission et de la teneur en soufre du combustible41. Les incinérateurs et d'autres usines dégagent d'autre part de l'acide chlorhydrique (par exemple lors de l'incinération du PVC), qui s'ajoute aux autres acides cités plus haut. Cette atteinte à la végétation est renforcée par une autre pollution : la pollution photo-oxydante par l'ozone. Ce composé est produit dans la troposphère (basse atmosphère, d'altitude inférieure à 10 km) par la réaction des oxydes d'azote et des composés organiques volatils (COV42) sous l'effet des UV, et également au voisinage des lignes à haute tension. La concentration "naturelle" de l'ozone est de 20 à 50 ppb, elle atteint maintenant parfois 100 ppb. Les seuils définis dans la directive européenne 41 Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 42 Les COV sont des molécules organiques (hydrocarbures, aldéhydes, cétones, acides et dérivés), constituées principalement mais aussi d'atomes d'oxygène, de chlore, de méthane, principal COV, est non toxique et photochimique. Il n'est donc en général d'hydrocarbures non méthaniques (HCNM). d'atomes de carbone et d'hydrogène, soufre, de phosphore ou de fluor. Le pratiquement inerte du point de vue pas comptabilisé, on parle alors 20 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement de 1992 sont de 110 µg/m3 sur 8 heures pour les risques sur la santé, 180 µg/m3 sur 1 h pour l'information des populations, 200 pour l'altération de la végétation et 360 (sur 1 heure) pour l'alerte des populations. L'ozone accélère l'oxydation du dioxyde de soufre en sulfate, et accroît donc le phénomène des pluies acides. Mais cette substance a aussi des répercussions directes sur la santé humaine, sur certaines cultures et sur le vieillissement de certains plastiques. Elle contribue également à l'effet de serre. La réduction des émissions de COV peut s'effectuer par incinération thermique ou catalytique, par adsorption sur charbon actif ou par traitement biologique. Le coût de traitement varie, selon les secteurs d'activité, entre 1 et 4 euros par kg de COV évité. Le protocole de Genève, signé par la France en 1991, stipule une réduction de 30% des émissions de COV d'origine humaine (en France, 35% des émissions de COV sont d'origine naturelle : végétation, feux de forêts...). La réduction du SO2 et des NOx est liée aux économies d'énergie (pour le chauffage, les transports, etc.) et au choix des combustibles : le SO2 est produit lors de la combustion du charbon, du fuel et du diesel (dont la contribution est de 10%), les NOx proviennent de l'utilisation des carburants pour véhicules (contribution de 75%) et du gaz naturel. 1.2.1.2 Le smog et la pollution de l'air extérieur Une atmosphère polluée augmente la fréquence et la gravité des maladies respiratoires. Figure 1.4 : Smog En Europe, 25 millions de personnes sont exposées au smog d'hiver (dépassement des directives européennes relatives à la qualité de l'air pour le SO2 et les matières en suspension) et 40 millions au smog d'été (dépassement des valeurs indicatives de l'Organisation Mondiale de la Santé sur la concentration en ozone). Certains composants impliqués sont des COV, qui se décomposent sous l'effet du rayonnement solaire et, en présence de NOx, produisent de l'ozone (cf. le paragraphe précédent). Le méthane n'est pas toxique (mais il participe à l'effet de serre), c'est pourquoi parmi les COV est définie la catégorie des hydrocarbures non méthaniques (HCNM) : alcanes, isoprène, terpènes... En France, 65% des COV émis sont d'origine humaine (les émissions "naturelles" proviennent de la végétation et des feux de forêts). Les impacts environnementaux 21 D'autres substances nuisent à la qualité de l'air : le monoxyde de carbone (CO) toxique, qui représente entre 4 et 6% des gaz d'échappement des véhicules, les NOx (cf. paragraphe 1.2.1.1) et l'ozone que ces substances produisent indirectement (l'ozone est 500 fois plus toxique que le CO), le plomb (qui provient principalement de la circulation automobile), et surtout les poussières. Il s'agit de particules dont le diamètre est de l'ordre de quelques microns (les pollens sont d’une taille variant entre 10 et 100 µm). Les particules de diamètre supérieur à 10 µm sont arrêtées au niveau de l'appareil respiratoire supérieur43. Entre 3 et 10 µm, elles atteignent les bronches et bronchioles. Seules les particules de taille inférieure à 3 µm pénètrent dans les alvéoles des poumons. Les poussières sont en général constituées par un noyau de carbone sur lequel des hydrocarbures peuvent être adsorbés. Certains composés peuvent avoir des effets cancérigènes sur les poumons, mais les principales conséquences concernent les maladies respiratoires. L'augmentation de la mortalité est reliée à l'accroissement de la concentration PM10 (concentration en µg/m3 des particules de taille inférieure à 10 µm) par un facteur de 0,1 à 0,3 selon les études. La concentration des matières solides dans l’air varie entre 0,05 et 0,5 mg/m3 en milieu rural, et entre 0,1 et 1 mg/m3 en milieu urbain44. Selon une étude suédoise45, le risque de cancer est 50% plus élevé chez les professionnels exposés aux émissions des moteurs diesel (réparateurs de machines et de moteurs, conducteurs de poids lourds et d'engins de BTP...). Le risque est 70% plus élevé chez les personnes exposées à la suie (ramoneurs, industrie métallurgique, pompiers...). L'émission de poussières est taxée à 23 euros par tonne. L'ADEME (Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) collecte cette taxe afin de soutenir des actions de prévention, de R&D et de mesure (réseaux de surveillance de la qualité de l'air). La taxe sur la qualité de l'air concerne les installations de combustion d'une puissance globale supérieure à 20 MW, les installations ayant émis plus de 150 tonnes par an de certains polluants (HCl, hydrocarbures, solvants, COV...), et les incinérateurs d'ordures ménagères d'une capacité supérieure à 3 tonnes par heure. L'incinération de déchets chlorés (PVC, etc.) produit de l’acide chlorhydrique et des dioxines (50 µg TEQ46 par kg). Les dioxines, qui se déposent au voisinage des incinérateurs, peuvent être concentrées dans les végétaux puis ingérées par les animaux et concentrées dans leur chair. Ainsi, le taux de dioxines de certains produits laitiers dépasse la limite de 1 43 S. Déoux, L'écologie c'est la santé, Ed. Frison Roche, 1994 44 CIBSE, Guide B3 : ventilation et conditionnement d’air, Londres, 1986 45 Svensk-Franska forskningsföreningen n°78, 28 mai 1999 46 équivalent Tétrachlorodibenzo-p-dioxine, indice obtenu par agrégation des émissions de différents types de dioxines et de furanes, pondérées selon leur toxicité. 22 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement pg/g recommandée par l'Union Européenne (le seuil d'alerte étant de 3 pg/g). Avec une telle concentration, la dose maximale de 1 pg/kg/jour considérée par le ministère de la santé peut être atteinte par un enfant. Certaines dioxines sont cancérigènes, entraînent des risques d'altération de la croissance du fœtus, et un affaiblissement du système immunitaire. Le PVC est utilisé essentiellement dans le secteur du bâtiment (58%, contre 17% dans les emballages), or le tri et la collecte du PVC ne sont actuellement effectués que pour les déchets ménagers. Le taux de recyclage du PVC est donc faible, la plupart des déchets sont incinérés. Outre les composés chlorés, l’incinération du PVC utilisé dans la construction dégage des métaux lourds (barium, cadmium) jouant le rôle de stabilisateurs et de protection anti-UV. Les adjuvants (plastifiants, agents moussants, retardateurs de combustion...) peuvent représenter jusqu’à 60% du poids des composants en PVC. L'accroissement de la présence de NO2 dans l'atmosphère est responsable à Paris d'une augmentation de 15 à 20% des hospitalisations pour asthme et des visites à domicile pour affection des voies respiratoires47. L'augmentation de la teneur en SO2 provoque une hausse de 10% de la mortalité des personnes souffrant de problèmes cardiovasculaires. L'élévation des niveaux de base d'ozone se traduit par une hausse de 20% du nombre d'hospitalisations de personnes âgées souffrant de maladies respiratoires chroniques. Le smog de Londres, en décembre 1952, provoqua la mort de 4000 personnes en 5 jours. 1.2.2 LE PRÉLÈVEMENT ET LA POLLUTION DE L'EAU 1.2.2.1 La gestion de l'eau L'eau se trouve principalement dans les océans (97,4%), les glaciers (1,9%), les eaux souterraines (0,6%), les lacs (0,01%), mais aussi 0,005% dans l'humidité des sols, 0,0009% dans l'humidité de l'air, seulement 0,00012% dans les rivières et 0,000008% dans les cellules vivantes48. Bien que la ressource hydrique ne soit pas menacée globalement dans notre pays, l'approvisionnement en eau peut être problématique durant certaines périodes et dans certaines régions. La principale utilisation en France est le refroidissement des centrales électriques (17 milliards de m3, soit 46% de la consommation totale). Les industries (16% en quantité, mais la quasi totalité des substances toxiques émises et 40% des matières en 47 Etude de l'observatoire régional de la santé d'Ile de France, publiée dans Energie Plus n°137, nov. 94 48 Jean Matricon, Vive l'eau, Ed. Gallimard, 2000 Les impacts environnementaux 23 suspension49), l'irrigation (11%) et la consommation des ménages (14%) viennent ensuite. La pluviométrie moyenne annuelle est de 750 mm, soit un volume de 440 milliards de m3, mais le stock d'eau disponible instantanément est de 100 milliards de m3 en moyenne. En Ile de France, la consommation totale des ménages représente 2 millions de m3 par jour, soit environ 10% du débit moyen de la Seine. Il faut en tout 3,5 millions de m3 par jour pour alimenter Paris, contre 20 000 m3 par jour vers 1800. La consommation journalière moyenne par habitant est passée de 7 à 150 litres. La consommation d'eau du robinet est trois fois plus élevée au Canada. 98% de la population française est actuellement desservie en eau potable, alors qu'un tiers de la population mondiale n'y a pas accès. La gestion de l'eau est effectuée par bassin hydraulique et par commune (éventuellement par groupement de bassins). Des directives européennes réglementent la qualité pour les divers usages de l'eau (eau potable, eaux de baignade, eaux piscicoles, etc.). 1.2.2.2 La dystrophisation L'eutrophisation, enrichissement des eaux en sels minéraux50, se développe très lentement dans les conditions naturelles (sur une échelle de temps géologique). Figure 1.5 : Algues vertes sur les côtes, photo Halte aux marées vertes Mais le déversement par l'homme de quantités importantes de matières organiques fermentescibles et d'effluents riches en phosphates ou en nitrates accélère considérablement ce processus : le terme de "dystrophisation" est alors employé. Les engrais azotés ou phosphatés utilisés dans l'agriculture, les NOx ainsi que le NH3 gazeux ou dissous dégagé par certains procédés industriels, les lessives et détergents au phosphate sont en partie entraînés par ruissellement vers les eaux de surface (rivières et lacs). Ils favorisent alors la croissance des algues qui prolifèrent (par exemple les algues vertes qui envahissent certaines plages) et, dans une première phase, génèrent de 49 Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 50R. Barbault, Écologie générale, Ed Masson, 1990 24 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement l'oxygène. La surcharge en biomasse végétale entraîne une diminution de la transparence des eaux, qui empêche les réactions photosynthétiques et donc le dégagement d'oxygène en profondeur. La décomposition des algues mortes par les micro-organismes finit par appauvrir le milieu en oxygène, ce qui conduit à éliminer peu à peu toute vie aquatique. Des vases putrides se forment au fond par fermentations anaérobies, dégageant de l'hydrogène sulfuré et de l'ammoniac. Les rejets ménagers de phosphates peuvent représenter plus de la moitié de l’indice d’eutrophisation des rejets agricoles (pour une même population). Les stations d’épuration n’éliminent qu’environ 80% du phosphore51. Certains rejets de polluants dans l'eau génèrent directement une demande en oxygène, qui peut être évaluée par trois indices52 : • • • la demande chimique en oxygène (DCO) : quantité d'oxygène (en mg) consommée dans un litre d'eau par les matières oxydables, sous l'action d'un oxydant chimique énergétique; la demande biologique en oxygène (DBO) : quantité d'oxygène nécessaire à l'oxydation par voie biologique (sous l'action des microorganismes) des matières organiques présentes dans l'eau; La DBO5 est la DBO mesurée sur 5 jours53; la demande totale en oxygène (DTO) : quantité d'oxygène nécessaire à la combustion totale en atmosphère oxydante d'un litre d'échantillon. La combinaison de la dystrophisation avec d'autres phénomènes (en particulier l'élévation de température) peut conduire à appauvrir encore plus la teneur en oxygène. Certaines espèces (par exemple la truite, salmonidés) sont plus exigeantes en oxygène : en dessous de 5 à 6 mg/l, elles émigrent. Une teneur inférieure à 3 mg/l entraîne la mort si le poisson ne peut pas émigrer. Ces teneurs sont respectivement de 3-3,5 et 2 pour les carpes et les gardons (cyprinidés)54. 1.2.2.3 Autres atteintes aux milieux aquatiques Outre le problème de la dystrophisation exposé précédemment, les pollutions peuvent modifier la transparence (la turbidité caractérise le degré de non transparence; les matières en suspension peuvent être létales pour les poissons par colmatage des branchies), l'acidité (augmentation de la concentration en CO2 à partir des bicarbonates en eau dure pour un pH < 6, 51 François Ramade, Écologie appliquée, Ediscience, Paris, 1995 52 Normes AFNOR T90-101, 102 et 103 53 Norme AFNOR T90-103 54Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 Les impacts environnementaux 25 libération d'ammoniac moléculaire plus toxique que la forme ionique à pH >8, mort des poissons si pH <6 ou pH >9), la température (son élévation favorise les processus d'évaporation et de fermentation), la salinité, et l'état du film de surface (diminution des échanges gazeux). Les variations brusques de température sont dangereuses pour les poissons. La limite supérieure de température tolérable dépend de la concentration en oxygène (cf. section précédente) : elle est de 22 à 24°C pour les salmonidés55 (limite réglementaire CEE56 de 21,5°C), et d'environ 30°C pour les cyprinidés (limite réglementaire de 28°C), si l'élévation est progressive. La centrale de Montereau, une centrale thermique de 750 MW fonctionnant au charbon, prélève 28 m3/s dans la Seine, dont le débit d’étiage au niveau de cette localité est à peine de 30 m3/s57. Cela signifie qu’au moment des basses eaux, la quasi totalité du fleuve circule dans le condenseur. L’augmentation de la température des eaux est en moyenne de 7°, et cette température peut atteindre 30°C en période estivale. Les centrales nucléaires ont une puissance supérieure (900, 1300 voire 1450 MW dans l’avenir) et un rendement moins élevé, donc la puissance thermique à évacuer est encore beaucoup plus forte sur certains sites regroupant plusieurs tranches. La teneur en oxygène (c, en mg/l) est reliée à la température des eaux (t, en °C) par l’équation : c = 80 / (0,2 t -7,1) Aux alentours de 20°C, la perte d’oxygène est donc de 2% par degré d’élévation thermique. Parallèlement à cet effet direct, l’effet indirect (prolifération bactérienne, augmentation de la demande d’oxygène de l’ensemble des organismes) est également très important. L’échauffement provoque également une diminution de la concentration en calcium. Les conséquences sont une diminution de la diversité de la flore (algues, plancton) et de la faune (larves d’insectes, mollusques, oeufs de poisson et alevins, accroissement de certaines maladies chez les poissons et chocs mécaniques). La toxicité de certains produits peut se ressentir à moyen ou long terme, sans avoir forcément d'effets immédiatement visibles. La contamination indirecte (par consommation d'espèces contaminées) peut conduire à un phénomène de bio-accumulation. La toxicité aquatique 55Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 56 Directive n° 78/659/CEE du 18 juillet 1978 57 François Ramade, Écologie appliquée, Ediscience, Paris, 1995 26 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement s'exprime par la concentration létale CL 50/24h, c'est-à-dire la concentration qui provoque la mort de la moitié des individus testés au bout de 24 heures. L'inverse de CL 50/24 h est utilisé comme unité de mesure pour les matières inhibitrices, et exprimé en équitox (cf. métox pour les métaux lourds). La toxicité humaine peut dépendre de l'âge : par exemple les nitrates sont beaucoup plus nocifs pour les nourrissons que pour les adultes car ils se transforment en nitrites dans leur estomac. L'action des produits phytosanitaires sur la qualité des eaux dépend de leur persistance (leur résistance à la biodégradation, caractérisée par la "demi-vie", c'est-à-dire le temps nécessaire à la disparition de la moitié du produit) et de leur mobilité, évaluée par le coefficient de partage carbone organique-eau (Koc) : le rapport des concentrations dans la phase immobile (carbone) et mobile (eau). Les conditions d'application des produits (nombre, dates, doses), la composition et la texture du sol, l'état de la culture et les conditions météorologiques (température et précipitations) sont aussi des paramètres très influents. La teneur maximale fixée en France pour l'atrazine (utilisée pour le traitement du maïs) dans l'eau potable est de 0,1 µg/l. Les PCB (polychloro-biphényles) et le DDT (dichloro-diphényletrichloréthane) dissous dans l'eau sont concentrés dans la chaîne alimentaire. Ainsi, les poissons de la mer baltique sont assez fortement contaminés, et une étude suédoise menée sur des phoques58 a montré des liens entre l'ingestion de PCB et l'ostéoporose, maladie de plus en plus fréquente chez les femmes nordiques. La quantité moyenne de pollution journalière par habitant est la suivante59 : 90 g de matières en suspension (MES), 57 g de matières oxydables (MOX), 0,2 équitox de matières inhibitrices, 1,5 g d'azote réduit, 4 g de phosphore total, 0,05 g de composés organohalogénés adsorbables sur charbon actif, et 0,23 métox. L'équivalent habitant est une unité qui correspond à : (MOX + MES/3))/0,087 = (DCO + 2 DBO5 + MES) / 0,26. Le traitement des eaux intervient toujours en complément de la prévention, solution de loin la meilleure (procédés plus propres, économes, réutilisation des eaux usées). Il est plus coûteux : jusqu'à 800 euros par tonne de DBO5 éliminée. Les premières étapes - le dégrillage (passage dans une simple grille), le dessablage, le déshuilage et le tamisage - coûtent de 0 à 2 centimes d'euros par m3. La neutralisation (mise au pH) dure environ 20 minutes. Elle est suivie par la coagulation, qui annule les charges électriques des particules en suspension grâce à des réactifs minéraux (trichlorure de fer, sulfate 58 Association franco-suédoise pour la recherche, Sciences et technologies en Suède n°116, 28 avril 2000 59 Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 Les impacts environnementaux 27 d'aluminium...) dans un milieu fortement agité (durée : 20 minutes). La floculation provoque ensuite la formation de particules agglomérées de tailles suffisantes pour décanter ou flotter. L'agitation lente nécessaire à ce processus dure également 20 minutes. La décantation consiste alors à faire passer l'effluent dans un bassin à faible vitesse (durée supérieure à 1 heure) où les boues peuvent sédimenter. L'injection d'air dissous à une pression de 5 bars et détendu brusquement à la pression atmosphérique permet la flottation et la séparation de la mousse, pendant une dizaine de minutes. La filtration permet de retenir les boues, qui sont ensuite éventuellement épaissies par lagunage ou en lit de séchage : pour être mises en décharge, elles doivent être pelletables. Le coût de ces opérations est d'environ 3 centimes par m3 d'eau traitée (en plus des 2 centimes précédents). Le traitement par charbon actif permet, par adsorption, de traiter les solutions diluées (concentration en composés organiques inférieure à 1%) et ne contenant pas de sels. La durée du traitement varie entre 20 minutes et 1 heure (temps optimal), et le coût est de 1 centimes/m3. L'ultrafiltration consiste à filtrer les particules de quelques millièmes de micron par une membrane, sans altérer la qualité minérale des eaux. Elle permet de séparer les matières en suspension (minérales, organiques, vivantes - bactéries, virus, champignons...-), les colloïdes, les émulsions, les macromolécules. Figure 1.6 : Différents modes de filtration de l'eau L'osmose inverse, utilisée pour le dessalement de l'eau de mer, met en œuvre des membranes dont le seuil de coupure est compris entre 0,001 et 0,0001 micron. Elle modifie le pH et les qualités minérales de l'eau, en 28 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement retenant des ions comme les carbonates. La figure 1.6 présente les différents modes de filtration en fonction de la taille des produits à filtrer60. Les traitements biologiques consistent à nourrir des microorganismes avec les matières à éliminer. Ils peuvent s'effectuer dans des bassins d'oxydation ou par lagunage, mais cette technique nécessite des surfaces et un temps de séjour élevé. Dans l'usine d'eau potable d'Ivry, l'eau pompée dans la Seine est d'abord filtrée sur un lit d'argile qui lui retire ses plus grosses particules. Puis elle traverse un lit de sable et passe ensuite dans des bassins filtrants où elle séjourne 6 heures. Un traitement à l'ozone la débarrasse de ses bactéries et la désinfecte. Une dernière filtration au charbon actif en grains achève la potabilisation. L'ensemble du traitement dure 12 heures, et la production est de 120 millions de litres par jour. L'eau est chlorée pour son transport vers quatre grands réservoirs, où elle est partiellement déchlorée avant d'être distribuée. L'ajout de chlore à l'eau potable permet de réduire sensiblement les risques de transmission de maladies par l'eau (bactéries et virus). Mais le chlore réagit également avec les matières organiques d'origine naturelle présentes dans l'eau, telles les feuilles en décomposition. Cette réaction chimique produit une famille de composés dont les trihalométhanes, notamment le chloroforme. 1.2.3 LES DÉCHETS ET LA POLLUTION DES SOLS • • • • Le sol est constitué : par des matières minérales, qui peuvent être classées selon la taille des particules : les éléments grossiers de diamètre supérieur à 2 mm, les sables entre 0,005 et 2 mm, les limons entre 0,002 et 0,005 mm, les argiles pour les diamètres inférieurs à 0,002 mm (2 microns); par des matières organiques (végétaux et animaux vivants, matières organiques fraîches ou en cours de décomposition, humus) ; par les eaux souterraines et les éléments dissous (organiques ou minéraux) ; par des constituants gazeux (air, gaz issus des décompositions organiques et de la respiration des êtres vivants). Le sol permet de stocker l'eau (effet tampon), de la filtrer et de la purifier (dégradation des substances toxiques organiques par action microbienne). La pollution des sols peut être diffuse, par exemple les radioisotopes issus des fuites dans les installations nucléaires, les gaz favorisant 60 J. Mallevialle et T. Chambolle, La qualité de l'eau, La Recherche n°221. Les impacts environnementaux 29 l'acidification (cf. paragraphe 1.2.1) ou ponctuelle (installations industrielles ou minières, décharges, stations services, installations militaires...). Les métaux lourds La pollution par les métaux lourds, comme le cadmium, peut engendrer la mort de systèmes racinaires. Les métaux lourds se déposent surtout au voisinage des routes et des décharges. Ils sont absorbés par les plantes et dissous dans l'eau, et ils entrent ainsi dans notre chaîne alimentaire. Il s'agit surtout du plomb et du cadmium. Le plomb est rejeté par la combustion du charbon ou de carburants au plomb, ainsi que par l'épandage de boues issues des stations d'épuration. Le cadmium provient de l'usure des pneus, de l'utilisation de certains combustibles pour le chauffage, et également de la fertilisation par les boues d'épuration. Sa concentration, de l'ordre de 2,5 ppm naturellement, peut atteindre jusqu'à 20 ppm dans certains sites. L'unité de mesure pour la toxicité à long terme des métaux est le métox, donné dans une échelle de 1 à 50 suivant 4 classes de toxicité61 : 1 g de zinc ou de chrome = 1 métox, 1 g de cuivre ou de nickel = 5 métox, 1 g de plomb ou d'arsenic = 10 métox, 1 g de mercure ou de cadmium = 50 métox. Environ un quart des français vidangent eux-mêmes leur véhicule, et rejettent l'huile usagée dans le sol. En fonction du type de substance polluante (composés halogénés, métaux...), différents traitements peuvent être préconisés : traitement biologique, immobilisation (stabilisation par exemple par la chaux, ou vitrification), isolation-confinement (étanchéité et drainage), déchloration (par réaction chimique), extraction par solvant (lessivage), traitement thermique (fours rotatifs) ou désorption thermique à basse température (micro-ondes par électrodes). Les déchets solides non radioactifs Le concept de déchet est purement artificiel, car dans la “ nature ” les produits issus d’un processus forment une matière première potentiellement utilisable par un autre processus. Peut-être ce concept est-il appelé à disparaître dans le futur, en tout cas la “ catégorie ” (classe 1, 2 ou 3, cf. ci-dessous) ne peut être considérée comme une propriété inéluctablement associée à un produit, au même titre que la densité par exemple. La quantité de déchets n’est qu’un indicateur, utilisé actuellement pour des raisons pratiques. 61 Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 30 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Il existe plusieurs types de déchets, classés selon leurs effets possibles sur l'environnement et la santé. Les plus dangereux sont appelés déchets toxiques (les plus nocifs dans la catégorie des déchets industriels spéciaux). Les déchets ménagers (ou certains déchets industriels assimilables à cette catégorie, appelés déchets banals) peuvent eux aussi polluer les sols, l'eau et l'air. Enfin, certains déchets sont inertes (sans odeurs, non fermentescibles et non toxiques) et la seule gêne qu'ils occasionnent est leur encombrement et la dégradation éventuelle des paysages. La notion de déchets ultimes a été introduite plus récemment, pour les déchets qui, pour des raisons techniques ou économiques, ne peuvent plus faire l'objet ni d'une valorisation ni d'un traitement. A partir de 2002, en France, seuls ces déchets sont censés être stockés et 6700 décharges devront disparaître62. Les déchets spéciaux (dont les toxiques) sont traités de plus en plus efficacement par les industriels. Certains sont même recyclés dans des procédés, par exemple pour servir de combustibles dans les cimenteries. La production de déchets toxiques s'élève à quelques kilogrammes par an et par habitant63, soit entre 2 et 5 millions de tonnes en France (les déchets industriels en France représentent en tout 150 millions de tonnes, dont 32 millions de tonnes de déchets banals et 18 millions de tonnes de déchets spéciaux64). Mais certains produits (arsenic, métaux lourds) ont une durée de vie très longue. Les déchets ultimes et certains types de déchets spéciaux peuvent être reçus dans des décharges de classe 1, c'est-à-dire dans des sites imperméables. Les déchets liquides, biocides, explosifs ou radioactifs, et les sels solubles de métaux lourds n'y sont pas admis. Les déchets banals, assimilables aux ordures ménagères, peuvent être amenés en décharge de classe 2 (sites semi-perméables). Ceci exclut les déchets pouvant charger les eaux de percolation (eaux qui traversent la décharge verticalement) en polluants ou en sels solubles, même non toxiques. Cette information est donnée par l'analyse des lixiviats65. Le classement des déchets nécessite la mesure de nombreux paramètres (pH, conductivité, DCO, doses de métaux lourds, cyanures, phénols, sulfates, chlorures, nitrates, nitrites, ammonium, fluorures, sulfures, détergents anioniques, arsenic, pesticides organochlorés, 62 Loi sur les déchets du 13 juillet 1992 63 Assemblée Nationale, Colloque Recherche, Industrie et Environnement, février 1994 64 Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 65 Norme AFNOR X31-210, la lixiviation est le phénomène d'entraînement des éléments solubles par l'eau ou un autre solvant. Les impacts environnementaux 31 PCB et phtalates, hydrocarbures). Les décharges de classe 3 (sites perméables) accueillent les déchets inertes. Les déchets ménagers sont encore parfois mis en décharge, mais cette pratique est maintenant interdite en France. Lorsqu'elles sont situées au voisinage des nappes phréatiques, les décharges peuvent nuire à la qualité des eaux. photo PNUE66 En effet, l'eau traversant les déchets catalyse les réactions chimiques (fermentation aérobie et anaérobie avec production méthanique) et transporte les substances dissoutes. Elle constitue ainsi un vecteur prépondérant des risques de pollution soit de la nappe phréatique soit des sources ou ruisseaux situés dans le site ou à proximité67. Des drainages sont alors nécessaires : il faut collecter les eaux de ruissellement en amont pour réduire le débit pollué, et les lixiviats (eaux polluées ayant traversé les déchets) en aval afin d'éviter leur infiltration dans le sol. Il faut d'abord s'assurer que le sous-sol est imperméable afin de ne pas polluer les nappes phréatiques. Puis les ruisseaux existants (permanents ou intermittents) doivent être canalisés afin de protéger les eaux claires. Ensuite, un drainage superficiel permet de diriger les eaux de ruissellement vers le réseau d'eau propre. Enfin, un drainage interne capte les eaux polluées pour les conduire à la station d'épuration. Le traitement comporte de nombreuses étapes : débourbage, distillation fractionnée à 65°C, fermentation de 72 heures, décantation. Le méthane produit peut être récupéré, éventuellement utilisé pour le procédé d'épuration lui-même (distillation). Le coût actuel de la mise en décharge est de 3 euros par tonne. Selon des statistiques de l'ADEME68, les déchets ménagers sont constitués par 29% de matières putrescibles, 25% de papiers/cartons, 13% 66 Programme Environnement des Nations Unies 67 Georges Gimbert et Christiane Dufour, Le traitement des lixiviats, Génie Urbain, nov. 94 68 ADEME, Déchets municipaux : les chiffres clés, février 1998 32 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement de verre, 11% de plastiques, 6% de textiles, 4% de métaux, et divers autres matériaux dont 0,5% de déchets spéciaux. La solution préconisée généralement dans notre pays pour remplacer les anciennes décharges est l'incinération : 40% des déchets ménagers ont été traités par cette méthode en 199069 (10% par compostage et 50% ont été mis en décharge). Lorsque l'usine n'est pas trop éloignée d'une zone urbanisée, la récupération de l'énergie peut s'effectuer vers un réseau de chaleur alimentant des bâtiments, voire même pour produire en plus de l'électricité (cogénération). En zone rurale, la production d'électricité est la seule valorisation énergétique rentable pour la filière de l'incinération. Les quantités de déchets ménagers en 1995 et les différents modes de traitement sont présentés dans le tableau 1.570. TABLEAU 1.5 : MODES DE TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS EN FRANCE (1998) Traitement Nombre d'installations Mise en décharge 384 Incinération avec 85 valorisation Incinération sans 188 valorisation Compostage 79 Tri 26 Fabrication de 1 Combustibles Solides Total 763 Quantités reçues % (milliers de tonnes par an) 9 593 43 7 652 35 2 700 12 1 788 385 17 8 2 0 22 136 100 Dans d'autres pays, les décharges sont conçues pour être étanches. Les émissions dans l'air, l'eau et les sols sont ainsi minimisées et le méthane produit est soit brûlé dans des torchères, soit récupéré. Chaque personne produit environ un kg par jour de déchets ménagers, ce qui représente en France 22 millions de tonnes par an (le total des déchets produits avoisine les 600 millions de tonnes, dont 400 pour les déchets organiques agricoles ou agro-alimentaires, 100 pour les gravats et les déchets inertes des industries extractives, 50 pour les déchets industriels). En ce qui concerne les ordures ménagères, le recyclage de certains produits (verre, papier, métaux) peut apporter des améliorations. Le compostage est parfois employé en zone rurale, surtout pour les déchets verts (issus de la tonte, de 69 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 70 Energie Plus n°205, Mai 1998 Les impacts environnementaux 33 l'élagage...). Le mélange d'ordures ménagères et de déchets verts facilite le compostage. En France, le papier est fabriqué à base de 37% de vieux papier et de 63% de pâte de bois. Les vieux papiers ne sont donc pas utilisés uniquement pour fabriquer du papier recyclé. Ainsi, même pour la production de papier "standard", nous importons du vieux papier de l'Allemagne ou des USA (208 000 tonnes en 198971). Le recyclage des vieux papiers nécessite moins d'énergie que la fabrication de la pâte de bois, et évite les impacts liés à cette production (consommation d'eau, rejets de matière organique et chimique). Une tonne de vieux papier permet de produire une tonne de pâte, évitant ainsi la consommation de 2 à 3 tonnes de bois. Il induit cependant d'autres nuisances : 20% du papier recyclé est désencré, ce qui dégage des métaux lourds, entraînés vers les stations d'épuration. Le blanchiment au chlore dégage des organochlorés : 4 kg par tonne de pâte, dont des dioxines. La présence d'aimants dans les centres de traitement (environ un tiers des centres étaient équipés en 1990) permet de trier les ferrailles qui, une fois broyées, nettoyées et épurées, atteignent une teneur en fer de 92%. L'acier peut également être obtenu par déferraillage des cendres d'incinération, mais avec une perte liée à l'oxydation pendant la combustion. La production d'acier à partir de ces ferrailles récupérées nécessite deux fois moins d'énergie que la fabrication à partir de minerai (2500 thermies par tonne, soit 73 MWh, au lieu de 5000), et évite de générer 700 kg de déchets par tonne produite72. L'aluminium est également récupérable par la technique des courants de Foucault. Le recyclage assure 40% de la production d'acier en France et 30% de la consommation d'aluminium. De 277 000 tonnes en 1979, la quantité de verre recyclée est passée à 750 000 tonnes en 1989, ce qui représente environ un tiers du poids total de verre dans les déchets ménagers73. Chaque tonne de verre usagé, broyée et refondue, économise 100 kg de fuel, 700 kg de sable, 280 kg de calcaire et 230 kg de carbonate de soude74 par rapport à la fabrication de produit neuf. Le calcin (verre collecté et broyé) est utilisé pour la fabrication du verre dans une proportion comprise entre 30 et 60%, et permet de réduire la température de fusion. 71 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 72 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 73 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 74 Chambre syndicale des verreries mécaniques, chiffres 1990 34 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Environ 30% des vieux vêtements collectés sont exportés puis réutilisés; 30% servent à l'essuyage industriel ; près de 20% retournent, après effilochage, à la fabrication de textiles neufs ; 10% sont destinés à la cartonnerie et plus précisément à la fabrication de cartons bituminés, d'isolants thermiques et phoniques ; les 10% restants sont éliminés75. Chaque année, 35 000 tonnes de textile sont collectées, alors que chaque habitant achète 15 kg de vêtements neufs (soit en tout 800 000 tonnes). Les piles et accumulateurs, dont les piles "bouton", à fort pourcentage de mercure (30%), peuvent être ramenées chez les détaillants où elles sont collectées par des entreprises spécialisées. La France a beaucoup tardé à appliquer la directive européenne de 1991 obligeant les pays membres à collecter et recycler les piles contenant des métaux nocifs pour l'environnement, et a été condamnée en 1996 à verser 150 000 écus par jour de retard. La collecte a été pendant longtemps très partiellement prise en charge par la section jeunesse de la Croix Rouge française. Les piles collectées sont actuellement prises en charge par les collectivités locales, le coût du traitement devant être à terme supporté par les fabricants, libres de le répercuter dans leur prix de vente. Nous consommons en France 7 tonnes de piles bouton par an76, et 550 millions de piles alcalines ou salines. Certaines piles alcalines ont une faible teneur en mercure (moins de 0,02%), d'autres ne contiennent pas de cadmium. Certaines piles salines sont sans mercure. Les batteries automobiles peuvent être amenées à une déchetterie, et le plomb pourra être régénéré. En 1994, 10 millions de tonnes de déchets ménagers (sur 22) ont été traités par incinération, ce qui a produit 2 millions de tonnes de mâchefers77. La composition des mâchefers est contrôlée régulièrement, afin de s'assurer que les teneurs limites en métaux lourds (cadmium, chrome VI, plomb, arsenic et mercure), en sulfates, en composés organiques et en imbrûlés sont respectées. Selon ces teneurs, les mâchefers peuvent être valorisés directement (catégorie "V"), ou bien doivent être "maturés" (catégorie "M" : stockage d'au moins 2 mois et au plus un an, durant lequel se produisent des réactions chimiques exothermiques) ou même stockés de manière permanente dans une décharge en raison de leur fraction lixiviable élevée (catégorie "S"). Les utilisations possibles des mâchefers sont les structures routières ou de parking (à l'exception des chaussées réservoir ou poreuses) ou les remblais compactés (sauf le remblaiement de tranchées comportant des canalisations métalliques ou des systèmes drainants). Les chantiers 75 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 76 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 77 Jean-Michel Laudrin, Les mâchefers d'incinération d'ordures ménagères, Génie Urbain, nov. 94. Les impacts environnementaux 35 doivent être situés à plus de 30 m d'un cours d'eau, en dehors des zones inondables ou des périmètres de protection rapprochée des captages d'alimentation en eau potable, et à une distance suffisante du niveau des plus hautes eaux connues. Les déchets inertes sont par exemple les gravats de démolition, à condition qu'ils ne comportent pas de matériaux comme le bois ou le plastique. Les éléments en béton peuvent être concassés pour former des granulats réutilisables. L'IFREMER (Institut Français de Recherche pour l'exploitation de la Mer) a réalisé une étude sur les déchets abandonnés sur le littoral, dont la quantité est passée de 1,7 à 6,5 kg par mètre linéaire entre 1982 et 1995. Ces déchets proviennent à 70% des cours d'eau, à 20% des bateaux et à 10% des vacanciers. L'étude donne également une estimation de la durée de vie de ces déchets. TABLEAU 1.6 : PERSISTANCE DE DIFFÉRENTS TYPES DE DÉCHETS Type de déchet Trognon de pomme Mouchoir en papier Ticket de bus Corde en chanvre Mégot sans filtre Mégot avec filtre Allumette Chewing gum Planche de bois Boite de conserve en fer Briquet jetable Canette en aluminium Sac en plastique Bouteille en plastique Bouteille en verre Estimation de la durée de vie Quelques jours à 6 mois 3 mois 3 à 4 mois 3 à 4 mois 3 à 4 mois 1 à 2 ans 6 mois 5 ans 13 à 15 ans 10 à 100 ans 100 ans 200 à 500 ans 450 ans 100 à 1000 ans 4000 ans Les stratégies de prévention (technologies propres, valorisation des déchets) doivent être mises en œuvre en priorité. En complément, les principales filières de traitement des déchets sont : • la voie thermique (incinération, de préférence avec récupération d'énergie, pyrolyse78 ou plasma); cette dernière technique permet d'atteindre un taux de destruction maximal : il ne reste pas d'imbrûlés, et les résidus minéraux (métaux lourds...) sont vitrifiés, formant des 78 décomposition d'un corps sous l'effet de la chaleur, sans qu'un autre élément n'intervienne (l'oxygène par exemple pour la combustion) 36 • • Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement déchets inertes (le coût en est cependant élevé : environ 600 euros par tonne); la voie physico-chimique (ajustement du pH, précipitation ou neutralisation oxydo-réductrice de la phase aqueuse, épuisement gravitaire ou déshydratation mécanique par filtration des déchets boueux); la solidification (vitrification, enrobage par des mélanges de polymères, silicates, ciments, extraction par solvants de micropolluants organiques, neutralisation, précipitation ou polymérisation, éventuellement par enrobage avec d'autres déchets). 1.2.4 LA RADIOACTIVITÉ Le Sievert et le rem sont des unités de mesure qui permettent d'évaluer l'effet biologique d'un rayonnement sur une durée déterminée79. Une dose physique est exprimée en Gray (gy) ou en rad (1 rad = 0,01 gy). Le gray correspond à 1 joule par kg de matière. La dose équivalente biologique se calcule en fonction de la dose physique absorbée, en tenant compte de la nature du rayonnement, de son énergie et de sa distribution dans le temps et l'espace. Pour les rayons X et γ (photons) et pour le rayonnement β (électrons), 1 Sv équivaut à 1 gy, et 1 rem à 1 rad. Pour les rayons α, 1 rad (dose physique) équivaut à 10 rems (effet biologique). Pour les neutrons, 1 rad équivaut à entre 3 et 10 rems selon leur énergie. Un débit de dose est exprimé en gy/h pour une dose physique ou en Sv/h pour une dose biologique. L'activité représente le nombre de désintégrations par seconde des corps radioactifs. Le Becquerel (Bq) équivaut à une désintégration d'atome par seconde, le Curie (Ci) vaut 3,7 1010 Bq. La directive Euratom 96/29 considère une équivalence de 1,11 10-8 Sv par Bq. L'effet des particules radioactives est très différent dans le cas d'une contamination externe (exposition au rayonnement) et interne (inhalation ou ingestion de matière). Une poussière de plutonium 239 de seulement 1µm de diamètre qui parvient jusqu'au poumon génère une irradiation ponctuelle très ionisante, qui conduit le plus souvent à l'apparition d'un cancer même avec une très faible dose. Il n'existe pas de seuil en dessous duquel le rayonnement serait inoffensif80. Les effets des faibles doses sont cependant très difficiles à mettre en évidence, car ils se manifestent après un temps de latence qui 79 Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire (GSIEN) 80 S. Muratet et O. Vernet, Etude et comparaison des effets génétiques et biologiques de la pollution atmosphérique et de très faibles doses de radioactivité naturelle, Rapport de l'Université P. Sabatier, Toulouse, 1989 Les impacts environnementaux 37 varie entre plusieurs années (leucémies), plusieurs dizaines d'années (tumeurs solides) et même plusieurs générations (maladies génétiques). La radioactivité naturelle est en Europe et au niveau de la mer de l'ordre de 0,03 µSv/h. Elle augmente avec l'altitude et la latitude. La présence de radon émanant de certains sols (granitiques en particulier) peut augmenter les doses reçues par les occupants d'un bâtiment (cf. paragraphe 1.4). Les test d'armes atomiques en atmosphère, les fuites ou accidents dans des installations nucléaires ont augmenté le niveau de la radioactivité, qui se situe aux alentours de 0,10 µSv/h dans diverses villes européennes81. Les effets de la filière nucléaire peuvent être locaux (au voisinage des mines d'uranium, de stockage de l'uranium appauvri, des installations de fabrication de combustible et de retraitement, des centrales et des lieux de stockage des déchets), régionaux (par exemple l'accident de Tchernobyl) et les risques peuvent être planétaires (transport voire utilisation de plutonium, risque de prolifération). Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'accident de Tchernobyl a causé 31 morts. Une brochure du bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires précise qu'il y a eu 31 victimes dans les trois premiers mois après l'accident, 106 depuis parmi les ouvriers les plus impliqués, 600 000 intervenants fortement contaminés, 7 millions de personnes qui développeront sans doute des maladies liées au nuage radioactif et 3 millions d'enfants nés depuis l'accident qui mourront prématurément. En France, les registres des cancers ne sont pas tenus systématiquement : c'est seulement 14 ans après le passage du nuage que la région Rhône Alpes a mis en place un tel registre pour les cancers de la thyroïde. Les champignons concentrent de nombreuses substances toxiques (par exemple les métaux lourds), et en particulier la radioactivité (césium 137, l'iode ayant une durée de vie faible). La partie souterraine des champignons, le mycélium, est formé par des filaments très fins situés à quelques centimètres de profondeur. Ces filaments forment un réseau étendu (entre quelques dizaines et quelques centaines de m2) et qui peut prospérer pendant des dizaines d'années, concentrant jusqu'à 30% du césium du sol, alors qu'il ne représente que 5 à 6% en masse. Les espèces les plus contaminées (pied de mouton, girolles, certains bolets) dépassent la limite de 600 bq/kg fixée par la Commission Européenne pour la commercialisation des produits. Les risques d'accident nucléaire sont bien entendu moins élevés avec les technologies mises en œuvre dans les pays occidentaux, mais ils ne sont pas nuls. Ainsi, il est difficile d'assurer une installation nucléaire contre un risque d'accident majeur et une loi a dû être votée pour que l'état prenne à sa charge le coût des dommages. Les déchets radioactifs de faible et moyenne activité (classe A) sont destinés à être stockés pendant 300 ans dans des centres de stockage en 81Séminaire Urban energy and environmental indicators, Rennes, février 1994 38 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement surface (La Hague dans la Manche, Soulaines-Dhuys dans l'Aube). A l'issue de ces 300 ans, les sites seront banalisés, malgré le taux résiduel d'émetteurs à vie longue (radioactivité résiduelle au bout de 10 périodes, tolérance sur l'existence d'émetteurs alpha dans les déchets de classe A). Aucune solution satisfaisante n'a été trouvée jusqu'à présent pour le stockage de longue durée des déchets nucléaires. Nous en produisons en France environ 0,5 kg par an et par habitant82. Des expériences in situ sont envisagées pour étudier le stockage souterrain dans divers types de sols. Certains préconisent le stockage en surface, plus facilement contrôlable. Le coût du stockage de longue durée dépend énormément du taux d'actualisation considéré. Avec un taux de 8%, les frais de gardiennage deviennent négligeables au delà de 200 ans. Mais le taux de croissance économique sur une longue période est difficilement prévisible. Ce taux n'a été que d'environ 2% sur les 200 dernières années. Il faut attendre une vingtaine de périodes pour que les déchets se désactivent suffisamment pour être sans danger, soit 490 000 ans pour le plutonium 239. En septembre 1996, l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI), organisme public dépendant du ministère de la santé, a autorisé la société ISOVER Saint Gobain à utiliser du silicate de sodium radioactif pour la fabrication de ses laines de verre. La production a commencé au cours de l'été 1997 à l'usine d'Orange, mais malgré la faible toxicité du produit, l'entreprise a dû revenir à une production classique en raison de l'inquiétude des clients. La valorisation des matières contenues dans les déchets est une bonne chose en soi, sous réserve que ces matières soient saines et décontaminées83. Cela ne doit cependant pas être un prétexte pour se débarrasser à bon compte des polluants en les diluant dans les produits finis et les objets de consommation courante. Certains métaux lourds (piles...) peuvent ainsi être introduits dans un convertisseur d'aciérie, certains organochlorés dans le ciment, de l'arsenic dans la chaux, etc. 1.2.5 LES RISQUES Certaines opérations - chantiers, procédés divers (chimie et pétrochimie, biotechnologie, nucléaire) - et le transport de matières dangereuses peuvent comporter des risques qui, même si ils ont une probabilité très faible, peuvent globalement avoir un impact non négligeable. Les installations classées sont soumises à de nombreuses réglementations, comme la "directive Seveso" européenne (directive communautaire n°82/501/CEE du 24 juin 1982), transcrite en droit français 82 ANDRA, La gestion des déchets radioactifs, 1996 83 Marc Lassus, La fausse valorisation ou les excès du recyclage, Environnement et Technique, n°207, juin 2001 Les impacts environnementaux 39 en juillet 85 et qui a conduit à classer plus de 320 installations. Celles-ci peuvent être soumises soit à autorisation, soit à simple déclaration. De nombreuses réglementations concernent tous les aspects du droit de l'environnement : démocratisation des enquêtes publiques, protection de l'environnement, code de l'urbanisme, sécurité civile (plans d'opération interne à l'usine, plans particuliers d'intervention - niveau 1 non toxique, niveau 2 interne, niveau 3 externe -, plan Orsec au niveau départemental, régional ou national). L'étude de danger (éventuellement l'étude de sûreté, encore plus poussée et vérifiée par un organisme tiers, pour les installations les plus dangereuses) et l'étude d'impact sont obligatoires pour les installations classées. L'information du public est assurée par des brochures dans les zones d'application des plans d'urgence, par messages radiophoniques en cas d'alerte, par publications périodiques de rapports descriptifs sur l'état de l'environnement84. Même s'ils ne génèrent pas de risque sur la population voisine, certains procédés industriels mettent en jeu la santé du personnel, en particulier dans certains pays où les réglementations en matière de médecine du travail sont plus laxistes (par exemple l'exploitation de l'amiante au Brésil et, il n'y a pas si longtemps, en France). Le site de construction peut présenter lui-même un risque, en particulier pour ce qui concerne les inondations, les glissements de terrain et les incendies de forêt. Le transport de matières dangereuses est également réglementé par un ensemble de textes nationaux et internationaux, pour chaque mode de transport (par rail, par route, maritime, aérien). Le transport routier présente des risques non négligeables : les camions représentent 2% des véhicules mais 14% des accidents85. Le transport des hydrocarbures induit un risque de marées noires : 525 accidents entre 1975 et 1980, soit une moyenne de 440 000 tonnes par an. Les accidents dans les puits off shore , le dégazage des navires s’ajoutent à ces chiffres et le rejet total de pétrole représente environ 3,6 millions de tonnes par an. Comme une tonne s’étale sur 12 km2, l’océan est recouvert d’un mince film d’hydrocarbure86. Les marées noires 84 Directive européenne n°90/313/CEE du 7 juin 1990 : les autorités publiques sont tenues de mettre à la disposition de toute personne qui en fait la demande les informations qu'elles détiennent en matière d'environnement, le demandeur n'ayant pas à justifier d'un intérêt; les états membres peuvent refuser de diffuser certaines informations, mais ce refus devra être motivé; la réponse de l'administration devra être donnée dans un délai de deux mois, et la décision pourra faire l'objet d'un recours administratif ou contentieux 85 Antenne 2, journal télévisé, décembre 1994 86 François Ramade, Écologie appliquée, Ediscience, Paris, 1995 40 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement font périr entre 150 000 et 450 000 oiseaux par an dans la mer du Nord et l’Atlantique Nord. A titre d'ordre de grandeur, l'accident de l'Erika en 2000, qui transportait 20 000 tonnes d'hydrocarbures, a perdu près de la moitié de sa cargaison et a fait périr 12 000 oiseaux (l'Amoco Cadiz avait émis 230 000 tonnes en 1978). Le coût de l'accident pour la collectivité est évalué à 1,2 milliards d'euros. Le pétrole est formé par un très grand nombre de composés différents (jusqu'à 3000), dont seuls 250 ont une molécule identifiée. 95 ont fait l'objet d'une étude de toxicité et seulement 25 sont totalement étudiés. Les molécules les plus légères se dissolvent plus facilement, de telle sorte que le fuel qui arrive sur les plages est plutôt formé de molécules lourdes, en général plus cancérigènes (par exemple le benzo(a)pirène). Les pipelines sont également des sources de pollution : en Sibérie par exemple, 15 000 tonnes de fuel sont répandues chaque année. 1.3 L'ÉCHELLE LOCALE 1.3.1 LE BRUIT Le son est dû à une variation de la pression régnant dans l'atmosphère, engendrée par une source sonore. Cette variation est appelée pression acoustique. Il lui correspond un niveau sonore, exprimé en décibels (dB) sur une échelle logarithmique et défini par rapport à une référence : le seuil de perception auditive pour une fréquence de 1000 Hertz. La perception humaine est fonction de la fréquence. Une pondération est alors effectuée pour obtenir un niveau sonore filtré, exprimé en dB (A). Le niveau des nuisances sonores est réglementé : les valeurs limites dépendent du site (zone d'hôpitaux, zone résidentielle rurale, urbaine ou suburbaine, zone commerciale ou industrielle) et de l'heure. La réglementation tient aussi compte de la présence de bruits impulsionnels et de sons à tonalité marquée (fréquence "pure"). L'émergence est la différence entre le niveau sonore de réception et le niveau initial (mesuré lorsque l'installation est à l'arrêt). Le bruit participerait pour 11% aux accidents du travail et 15% aux journées de travail perdues87. Il a également une incidence sur la qualité du travail et, dans le logement, sur la qualité de la vie. La surdité vient en tête des maladies professionnelles, avec 50% du budget total d'indemnisation88. Treize millions de français vivent dans des zones où le bruit moyen de façade est compris entre 55 et 65 dB(A), six millions sont exposés à un bruit diurne extérieur compris entre 65 et 70 dB(A), seuil de réaction 87 Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 88Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 Les impacts environnementaux 41 physiologique (modification des rythmes cardiaque et respiratoire, de la température cutanée, de la motricité digestive, de l'activité cérébrale...). La fatigue auditive est un phénomène réversible, mais pas la surdité. Celle-ci peut être causée par une exposition prolongée à des niveaux sonores élevés (90 dB (A)), ou à une exposition brève à des niveaux très élevés (140 dB (A)). Le tableau 1.7 donne une représentation synthétique des différents niveaux sonores89. TABLEAU 1.7 : COMPARAISON DE DIFFÉRENTS NIVEAUX SONORES Possibilité de Sensation Nbre Bruits conversation auditive dB seuil 0 d'audibilité silence 5 inhabituel 10 très calme 15 à voix chuchotée calme intérieurs laboratoire d'acoustique laboratoire d'acoustique studio d'enregistrement 20 studio de radio 25 conversation à voix basse à 1,50 m appartement dans quartier tranquille 30 Bruits extérieurs bruissement d'une feuille légère jardin tranquille 35 à voix normale assez calme 40 45 50 bruits courants 60 Bruits de véhicules bateau à voile bureau tranquille dans quartier calme appartement normal restaurant tranquille grands magasins, conversation bruits minimaux le jour dans la rue rue très tranquille rue résidentielle 89 Code Permanent Environnement et Nuisances, Ed. législatives transatlanti que de 1ère classe auto silencieuse bateau à moteur 42 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement assez forte 65 bruyant 70 mais supportable 75 difficile pénible 85 90 95 100 obligation de crier impossible normale, musique de chambre appartement bruyant restaurant bruyant, musique atelier dactylo, usine moyenne radio très puissante, atelier de tournage atelier de forgeage scie à ruban très 105 difficilement supportable 110 raboteuse seuil de douleur 120 banc d'essais de moteurs 130 exige une 140 protection spéciale marteau-pilon turbo-réacteur au banc d'essais atelier de chaudronnerie circulation importante automobile de tourisme sur route wagons-lits modernes métro sur pneus circulation métro en intense à 1 m marche, klaxons rue à trafic intense marteau piqueur à moins de 5 m rivetage à 10 m TGV avion à hélice moto sans silencieux à 2 m, wagon de train métro (intérieur des vieux wagons) train passant dans une gare moteur d'avion à quelques mètres Selon l'INRETS et l'OCDE, la dépréciation des logements due au bruit des transports est estimée à près de 0,5 milliards d'euros par an. La réduction à la source est obtenue par interposition de matériaux absorbants dans les organes de transmission ou sous les outils vibrants, par réduction des vitesses de rotation ou des hauteurs de chute des matériaux, par des silencieux sur les échappements. La propagation du bruit peut Les impacts environnementaux 43 également être réduite par des matériaux absorbants limitant la réverbération, en particulier au niveau du sol (sols textiles ou plastiques isophoniques). En champ libre, le niveau sonore diminue de 6 dB (A) par doublement de la distance à la source. Des écrans peuvent également être employés. Dans les bâtiments, les systèmes à chape flottante sur laine minérale, les doublages acoustiques composés de plâtre et de laine minérale, l'utilisation de produits absorbants en plafond, les doubles vitrages acoustiques et les entrées d'air acoustiques constituent une palette de solutions techniques. 1.3.2 LA DÉGRADATION DES ÉCOSYSTÈMES ET DES PAYSAGES Les extractions de sables et graviers représentaient 17 millions de tonnes en 1950, 230 millions en 1980 et 400 millions de tonnes aujourd'hui90, prélevées sur 4000 sites. Les granulats (grains de dimension inférieure à 80 mm) peuvent être d'origine alluvionnaire, ou produits en broyant des roches, calcaires ou éruptives. Bien qu'il ne s'agisse pas pour le moment de pénurie, les sites pour lesquels ces extractions causent des dommages limités (vis-à-vis des écosystèmes comme les vallées alluvionnaires, ou par rapport aux paysages) se raréfient. La grave alluvionnaire dans le lit mineur des rivières est un filtre de la nappe phréatique et un support de frayère (lieu de reproduction des poissons), qui doit être préservé. C'est pourquoi une politique de substitution au profit des roches massives est encouragée par les pouvoirs publics. Pour cette filière, la restauration des carrières en fin d'exploitation impose de planifier le stockage des matériaux de découverte (par exemple la terre végétale), de niveler et de nettoyer le terrain, éventuellement de restaurer la végétation pré-existante. La protection de la qualité des eaux autour du site figure également dans le cahier des charges des exploitants. L'intégration paysagère des bâtiments est un élément majeur de la conception architecturale. Des outils de conception assistée par ordinateur permettent de visualiser un projet dans son environnement futur, en utilisant une photo scannée du site. Il est alors possible d'effectuer une enquête de satisfaction auprès d'un échantillon de personnes et de comparer plusieurs variantes. L’atteinte au “ droit au soleil ” (ombrage des bâtiments voisins), la déflexion du vent (création de courants d’air nuisant au confort dans les rues et autres espaces extérieurs proches des grands bâtiments) sont d’autres nuisances parfois engendrées par les constructions, comme aussi l’élévation 90 Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 44 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement de température dans les zones très urbanisées, qui peut atteindre quelques degrés. 1.3.3 L'OCCUPATION DES SOLS L'occupation d'espace, en particulier naturel, s'apparente à la consommation d'une ressource qui peut se raréfier localement. Les sols artificiels occupent 8% du territoire français91, avec de grandes variations : de 0,4% en Lozère à 90% à Paris (15% dans le Nord et dans le Rhône). La réutilisation d'espaces déjà urbanisés et le maintien des arbres existants doivent être privilégiés. Actuellement, chaque habitant de la terre dispose de 0,26 hectare en moyenne pour satisfaire ses besoins alimentaires, ce qui est insuffisant : un français par exemple dispose de 0,8 hectare. Les experts prévoient une réduction de 20% de cette surface d’ici 2010, à cause de la croissance démographique92. En France, les espaces bâtis ont augmenté leur superficie de 12% depuis 1992. 1.3.4 LES PERTURBATIONS DU MICRO-CLIMAT Un bâtiment peut nuire au confort des espaces extérieurs proches, par l’effet de déflexion du vent (en particulier dans le cas de bâtiment de grande taille et de rues étroites). Il peut également remettre en cause le “ droit au soleil ” des bâtiments voisins. 1.3.5 LES ODEURS La muqueuse olfactive tapissant l'intérieur des fosses nasales est couverte de cils très fins immergés dans une couche de mucus et implantés sur des cellules sensibles aux odeurs, reliées au nerf olfactif. Les produits les plus malodorants sont les produits azotés et les amines (par exemple la méthylamine, 8000 fois plus odorante que l'ammoniac, présente dans les gaz d'équarrissage), les aldéhydes (butyraldéhyde, à l'odeur rance), les acides organiques (acides acétique, butyrique et valérique, odeurs fortes et piquantes), les solvants organiques (dans les peintures) et les produits soufrés (H2S, 2500 fois plus odorant que l'ammoniac, les mercaptans qui dégagent une odeur de choux pourri). 91 Les données de l'Institut Français de l'Environnement, n°80, janvier-février 2003 92 François Ramade, Écologie appliquée, Ediscience, Paris, 1995 Les impacts environnementaux 45 La conception d'installations étanches (limiter la longueur des conduites, le nombre des raccordements, la circulation d'eau résiduaire à l'air libre...) ou la modification des procédés (mise en dépression du bâtiment, lavages plus fréquents, ventilation, chaulage ou précipitation des sulfures) constituent des solutions de prévention. Le traitement des émissions gazeuses complète ces dispositifs : condensation, incinération (thermique ou catalytique), adsorption, absorption, ozonation, biofiltration (sur lit de tourbe), dilution et utilisation d'agents masquants. 1.4 DANS LE BÂTIMENT LUI-MÊME Les anglo-saxons ont introduit le concept de "syndrome des bâtiments malsains". Il s'agit d'un ensemble de symptômes - absentéisme dans des locaux tertiaires, troubles de la santé (maux de tête, fatigue, affections respiratoires), plaintes des occupants - supposés induits par le bâtiment et/ou ses équipements (ventilation insuffisante, climatisation mal conçue ou mal entretenue, matériaux et revêtements émettant des polluants...). Dans ce concept global, les liens entre les troubles constatés et les polluants émis ne sont pas clairement établis. Certains facteurs pathogènes ont cependant pu être isolés : l’amiante, le plomb, certains allergènes, certains composés organiques volatils, etc. Nous présentons ici quelques notions de qualité de l’air, de qualité de l’eau ainsi que quelques autres aspects liés à la santé (champs électromagnétiques, confort, risques). L'association suisse Umweltmedizin regroupant des médecins concernés par les problèmes d'environnement a recensé plus de 65 000 substances chimiques commercialisées (cf. le tableau 1.8). Seules un peu plus de 1000 ont été correctement étudiées du point de vue de la toxicité, et près de 45 000 ont des effets totalement inconnus. Sur celles étudiées complètement ou partiellement, 3 500 sont connues pour avoir des effets néfastes sur la santé, dont 150 à 200 ont des effets cancérigènes. Chaque année, 300 nouvelles substances sont commercialisées, souvent sans que soient menés des tests de toxicité. En 1993, le nombre de produits chimiques importés à plus de 1000 tonnes dans la communauté économique européenne a été de 1800. TABLEAU 1.8 : ÉTAT DE LA CONNAISSANCE SUR LA TOXICITÉ DES SUBSTANCES CHIMIQUES Type Nombre % très étudié Pesticides 3350 9 Cosmétiques 3410 2 Médicaments 1815 18 Additifs 8630 4 autres 48500 0 % étude partielle 27 24 21 16 21 % très peu étudié 25 56 35 34 0 % non étudié 39 18 26 46 79 46 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 1.4.1 LA QUALITÉ DE L'AIR ET LA SANTÉ La qualité de l’air est d'abord fonction de l'air extérieur (cf. paragraphe 1.2.1). Il faut donc, lors du choix d'un site de construction, examiner les sources éventuelles d'émissions (usines, routes...) et la direction des vents dominants. Mais certaines activités ayant lieu à l'intérieur des bâtiments peuvent également constituer des sources de pollutions supplémentaires. La composition approximative de l’air “ propre ”, sec, au niveau de la mer, est la suivante : 78% d’azote (N2), 21% d’oxygène, 1% d’argon et 0,03% de gaz carbonique93. Les autres constituants (hydrogène, particules solides, gaz rares...) sont en quantité plus faible. Les émissions de CO2 d’origine anthropique portent la concentration en CO2 à 0,035%. Le "syndrome des bâtiments malsains", d'origine souvent multifactorielle, désigne un ensemble de symptômes (oculaires, respiratoires et cutanés, stress) dont la cause ne peut pas être clairement identifiée. En France, ce syndrome toucherait 30% des bâtiments neufs climatisés et entre 10 et 30% de leurs occupants94. Un mauvais entretien (filtres mal nettoyés, germes dans les conduites) ou une conception inadaptée (humidité mal maîtrisée) peuvent être en cause. La cuisson au gaz introduit des NOx. Les chauffe-eau ou les poêles mal réglés émettent du CO, qui induit 100 à 300 décès par an et plus de 5000 hospitalisations. L'hémoglobine s'associe préférentiellement avec le CO plutôt qu'avec l'oxygène et cette fixation est irréversible. Pour une concentration de 800 ppm de CO dans l'air, 50% de l'hémoglobine est ainsi transformée en carboxyhémoglobine, ce qui réduit l'oxygénation cellulaire, avec une atteinte du système nerveux central. Le CO à faible dose (pollution de l'air urbain) peut provoquer le décès prématuré de certaines personnes cardiaques. Une intoxication modérée produit des symptômes peu spécifiques (maux de tête, vertiges, nausées), ce qui rend le diagnostic difficile. Le seuil de toxicité en exposition prolongée se situe à une concentration de 0,1% en volume. Le CO est principalement produit par les automobiles (200 millions de tonnes par an, soit 94% du total), les autres 93 ASHRAE Handbook, Fundamentals, chap. 11 : air contaminants, ASHRAE, Atlanta, 1993 94Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 Les impacts environnementaux 47 sources étant l'industrie (4 millions de tonnes), les centrales thermiques (2 millions de tonnes) et divers procédés (6 millions de tonnes). Le bricolage induit également de nombreuses sources d'émissions : solvants (certains sont nocifs pour le système nerveux), pigments, soudure (plomb volatil), décapage (métaux comme le plomb, le cadmium ou le chrome). De nombreux aérosols sont utilisés pour le nettoyage des fours, des vitres, comme insecticides ou déodorants d'atmosphère. Les métaux s'accumulent dans le corps : le plomb surtout au niveau du système nerveux, le cadmium dans les reins, le chrome dans les poumons. Quatre éthers de glycol ont été interdits pour la vente au grand public en 1997 au delà d'une concentration de 0,5% (dans les peintures, encres, vernis et produits cosmétiques). Ces produits ont des effets sur la reproduction. Cette réglementation ne concerne pas les professionnels, qui peuvent alors être exposés à des doses supérieures à la dose de référence, obtenue à partir de l'expérimentation animale après application d'un facteur de sécurité. La fumée de tabac contient du benzène, des formaldéhydes et des dioxines. Le formaldéhyde est également émis par certains matériaux comme les bois agglomérés, certaines colles, certaines mousses (uréeformol) et certaines moquettes. Ses effets sur la santé sont nombreux (irritation des yeux, maux de tête, troubles respiratoires, troubles du sommeil). Il est classé dans le groupe 2A des "agents probablement cancérigènes pour l'homme" par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Le démarrage des véhicules dans des garages attenants aux logements émet du benzène (cancérigène95) et d'autres composés organiques volatils, qui peuvent pénétrer dans le logement si il existe une porte (le logement est souvent mis en dépression par le système de ventilation). De même la qualité d’air d’un logement est améliorée si il existe une séparation entre la cuisine et les autres pièces. Les produits de traitement du bois peuvent irriter la peau, les yeux et les voies respiratoires. Ils peuvent aussi provoquer des céphalées, des vertiges et des vomissements. L'utilisation de produits sans lindane ni pentachlorophénol, ni autre organochloré est préconisée par certains médecins96. Certains produits à base de métaux (chrome, cuivre, arsenic) sont également parfois déconseillés. Des fibres peuvent être émises par certains isolants, des conduits de ventilation ou des faux-plafonds. Il existe plus de 70 variétés de fibres minérales artificielles, dont certaines sont classées parmi les agents irritants ou cancérigènes. La fibre de verre comporte de plus grosses fibres que la 95 S. et P. Déoux, L'écologie c'est la santé, Ed. Frison-Roche, Paris, 1993 96 S. et P. Déoux, L'écologie c'est la santé, Ed. Frison-Roche, Paris, 1993 48 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement laine de roche. Les fibres pénètrent d'autant plus profondément dans l'organisme qu'elles sont fines. Elles peuvent provoquer des troubles respiratoires et cutanés (classement par le Centre International de Recherche sur le Cancer dans le groupe 2B des "agents peut-être cancérigènes chez l'homme"). Il est assez simple d'assurer le confinement de ces fibres par des contre cloisons étanches, afin d'éviter tout risque pour l'occupant (les risques concernent alors les phases de fabrication, de mise en œuvre et de dépose). La biopersistance est liée à la durée de vie d'une fibre dans l'organisme, qui dépend de mécanismes physiologiques semblables à la dissolution. De nouvelles fibres sont conçues pour se dégrader rapidement dans l'organisme en cas d'inhalation. L'amiante est maintenant interdite dans le bâtiment, sous toutes ses formes, suite à une campagne de presse. Dès 1906, des inspecteurs du travail avaient décrit des cas de fibrose pulmonaire liés à l'amiante. Le lien entre l'exposition à l'amiante et le cancer du poumon a été montré en 1955 par l'enquête épidémiologique de Richard Doll en Grande Bretagne, et confirmé par de nombreuses autres études. Seules les fibres de type amphibole ou crocidolite avaient été interdites en 1988 en France, alors que d'autres pays avaient été plus rigoureux : la Suisse et le Danemark ont interdit l'amiante dès 1986. En France, le Ministère de la santé estime qu’il y aurait au moins 600 morts par an suite à une exposition à l’amiante, avec une progression de 25% tous les 3 ans. Une autre source cite le chiffre de 3 000 morts par an97. Des procédures de diagnostic et de réhabilitation existent, suite aux travaux de l'Institut National de Recherche et de Sécurité et du Comité Permanent Amiante. Les peintures au plomb (céruse, hydrocarbonate de plomb) sont interdites de fabrication depuis 1917 et à la vente depuis 1948. Au delà d'un certain seuil, l'ingestion ou l'inhalation de plomb est toxique : elle provoque des troubles réversibles (anémie, troubles digestifs) ou irréversibles (atteintes du système nerveux). Des moyens appropriés existent pour la réhabilitation des vieux logements (décapage doux limitant l'émission de poussière, encapsulation...). Dans certaines régions où le sous-sol est granitique ou riche en uranium ou en thorium, par exemple en France dans le Massif Central, les Vosges, la Loire, en Corse et en Bretagne, les infiltrations de radon provenant du sous-sol imposent une ventilation accrue pour évacuer ce polluant, et une conception appropriée (étanchéité, vide sanitaire). Ce sont en fait les dérivés issus de la désintégration du radon (polonium en particulier) qui sont dangereux pour la santé car ils se déposent sur les voies aériennes pulmonaires, alors que le radon est rapidement exhalé. 97 Association nationale de défense des victimes de l’amiante, ANDEVA, 3 rue Sainte Félicité 75015 Paris Les impacts environnementaux 49 Figure 1.7 : Carte des activités volumiques du radon dans les habitations, bilan de 1982 à 2000, source : Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) Une étude de l'IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire) de 1995, effectuée sur les mineurs d'uranium, a établi une relation linéaire entre l'exposition cumulée au radon et l'augmentation du risque relatif pour les décès par cancer du poumon. La limite de 150 Becquerel/m3 est considérée comme acceptable en France (elle est plus stricte aux Pays Bas : 20 Becquerel/m3), avec les réserves indiquées au paragraphe ci-dessus traitant des faibles doses de radioactivité. En 1990, la CEE a recommandé une intervention au delà de 400 Becquerel/m3 pour les constructions existantes et 200 Becquerel/m3 pour l'habitat neuf. Une campagne de mesure du CEA menée en Ile de France et dans 35 départements montre que ces niveaux ne sont respectivement dépassés que dans 1,5 et 5% des cas98. Selon l'IPSN, le niveau de 1000 Becquerel/m3 (resp. 400) serait dépassé dans 60 000 logements (resp. 120 000). Aux USA, entre 10 et 15% des cancers du poumon chez les non-fumeurs99 sont attribués au radon. Des 98 Plan Construction et Architecture, appel à propositions de novembre 1993 : Réalisations expérimentales de bâtiments à haute qualité environnementale. 99Éric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 50 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement estimations similaires attribuent au radon la mort d’environ 2000 personnes par an en France. L'inhalation de silice est également associée au cancer du poumon100. L'inhalation de biocontaminants peut entraîner, selon l'état de santé des personnes exposées et le type de micro-organisme, des rhinites, allergies, et dans les cas extrêmes des infections respiratoires et pulmonaires. Les acariens sont des insectes microscopiques, de l'embranchement des arthropodes et de la classe des arachnides (4 paires de pattes), du genre dermatophagoïde101. Ils se développent dans les lieux humides (en particulier les literies mal aérées), et sont sources d'allergies (asthme) par l'intermédiaire de leurs déjections. La ventilation des locaux permet de réduire les risques, mais il faut aussi parfois agir sur les sources d'allergènes. En l’absence de ventilation suffisante, ou dans des locaux non chauffés, l’humidité relative de l’air peut être élevée et une condensation peut se produire au niveau des parois les plus froides. Si l’humidité relative d’une paroi descend au dessous de 70% sur une durée suffisante, alors des moisissures peuvent apparaître. Inversement, dans des locaux chauffés et faiblement occupés, l’air est très sec car l’air froid d ’hiver introduit par la ventilation contient une faible quantité de vapeur d’eau. L’air peut alors être légèrement humidifié pour atteindre une humidité relative située entre 40 et 60%. Il faut cependant veiller à ne pas introduire un autre risque, lié aux légionelles. Certains systèmes de climatisation ou de production/distribution d'eau chaude sanitaire présentent des risques bactériologiques du fait d'une conception inadaptée (niveau de température favorable aux microorganismes). En juillet 1976, 221 cas d'infection pulmonaire ont été décelés lors d'un congrès de la légion américaine. La bactérie identifiée a été nommée Légionnella pneumophila. Cette bactérie peut être inhalée au voisinage des panaches des tours aéroréfrigérantes ou lors d'une douche. Elle peut être mortelle si elle atteint les poumons. L'arrêté préfectoral du 27 avril 1999 concerne les exploitants et propriétaires d'installations comportant des tours de refroidissement aéroréfrigérantes. Le label danois sur la qualité de l'air intérieur évalue l'impact des composants par des mesures en chambre concernant les COV, les odeurs, l'amiante, les fibres, etc. Pour l'instant, ce label est dans une phase 100 Bulletin d'information en santé environnementale, publication du réseau de la santé publique du Québec - Volume 4 - No 3 - Mai-Juin 1993 101 Ministère de la Santé, Ministère de l'équipement et du logement, Bâtiment et santé, Décembre 1999 Les impacts environnementaux 51 exploratoire et ne concerne que les revêtements de sols textiles et les faux plafonds102. 1.4.2 LA QUALITÉ DE L'EAU ET LA SANTÉ La dureté de l'eau est un indicateur de sa concentration en équivalent CaCO3. Un degré français (°f) équivaut à 10 mg/l de CaCO3. Une eau "douce" a une dureté inférieure à 20°f, une dureté supérieure à 35 correspond à une eau "dure". La dureté favorise le dépôt du tartre et donc la multiplication microbienne. Inversement, la douceur entraîne une dissolution plus importante des métaux. La dureté n'affecte que peu la santé car ses effets sont contradictoires (augmentation des calculs rénaux, prévention des maladies cardiovasculaires, mais ces possibilités sont encore controversées). L'utilisation massive d'engrais dans l'agriculture ainsi que l'élevage intensif ont contribué à augmenter la teneur en nitrates de la plupart des réseaux d'eau potable. Dans certaines régions, les teneurs ont été multipliées par 5. L'excès d'ingestion de nitrates peut avoir des conséquences surtout chez les nourrissons. En effet, les nitrates sont métabolisés en nitrites, qui réagissent avec l'hémoglobine pour former la méthémoglobine, inapte au transport de l'oxygène103. Chez le nourrisson, cette réaction est amplifiée à cause d'une faible acidité gastrique et parce que la méthémoglobine n'est pas, comme chez l'adulte, transformée en oxyhémoglobine. Ceci conduit à une mauvaise oxygénation des tissus. D'autre part, les nitrites formés après l'absorption de nitrates produisent, à leur tour, des nitrosamines, dont la plupart des variétés sont cancérigènes. Les pesticides utilisés en agriculture sont globalement constitués par 46% d'herbicides, 31% d'insecticides et 18% de fongicides. Une eau propre à la consommation ne doit pas contenir plus de 0,1 µg/l par pesticide, et le total des pesticides ne doit pas dépasser 0,5 µg/l. Ces produits peuvent, comme les métaux lourds, être concentrés dans la chaîne alimentaire. Il existe de nombreux types de pesticides (plus de 35 000 produits). Les organochlorés se dégradent très difficilement, tant dans l'environnement que dans le corps humain. Le DDT et tous les organochlorés sauf le lindane sont interdits en France. Les risques liés aux pesticides sont l'apparition de cancers et la neurotoxicité chronique (maladie de Parkinson). L'agent orange (défoliant utilisé au Viet-Nam) pourrait affecter la reproduction, les organophosphorés la respiration et les organochlorés l'immunité. La présence de métaux lourds dans l'eau ou dans la chaîne alimentaire (certains légumes concentrent ces métaux présents en faible 102CSTB Magazine n°74, mai 1994 103 S. et P. Déoux, L'écologie c'est la santé, Ed. Frison-Roche, Paris, 1993 52 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement quantité dans les eaux d'irrigation) a également des conséquences importantes. Les conduites en plomb sont interdites depuis 1978 pour l'alimentation en eau et depuis 1995104 dans les bâtiments. Il est recommandé de ne pas consommer l'eau ayant séjourné dans les canalisations en plomb. La directive européenne "eau potable" du 03/11/1998, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, exige une concentration en plomb inférieure à 25 µg/l fin 2003 et à 10 µg/l fin 2013. Pour le premier seuil, un traitement de l'eau par filmogène ou par correctif est prévu. Le deuxième seuil nécessitera de remplacer les canalisations en plomb (ce qui concerne essentiellement les bâtiments construits avant 1949). A terme, des limites de concentration dans l'eau potable pourraient être également imposées pour d'autres substances : bore, arsenic, hydrocarbures polycycliques aromatiques, solvants chlorés, nickel, antimoine, cuivre, benzène, bromates, trihalométhanes dont notamment le chloroforme. Il faut noter que les robinets en laiton dégagent du plomb en quantité non négligeable durant les premiers mois d'utilisation. Les fabricants envisagent de les stocker plusieurs mois avant la vente. Le cadmium est capté par certaines plantes (laitues, asperges, maïs, tomates). Absorbé ou inhalé, il est stocké dans le foie et les reins, où sa concentration a été multipliée par 50 en Europe depuis le début du siècle. Il perturbe les fonctions rénales et pourrait provoquer une hypertension et favoriser le cancer de la prostate. Le mercure a été médiatisé vers la fin des années 50, avec la "maladie de Minamata", qui causa la mort de 1022 personnes105 ayant absorbé du poisson contaminé par l'usine chimique Chisso (le poisson ayant concentré entre 100 et 1000 fois le mercure). Le mercure avait provoqué de nombreuses infirmités, et la naissance d'enfant handicapés. Le mercure minéral est peu absorbé tandis que le méthylmercure, grâce à sa solubilité dans les lipides, pénètre dans le cerveau, la moelle épinière et les nerfs périphériques et provoque des troubles neurologiques et rénaux. Ce n'est que fin 99 que les filets de protection, fermant la baie aux poissons non contaminés, ont pu être enlevés après avoir vérifié que le niveau de contamination des poissons de la baie est inférieur aux normes officielles. L'acidité des eaux rend soluble une partie de l'aluminium contenu dans les roches, qui peut alors rejoindre les aquifères. Des sels d'aluminium peuvent aussi être employés dans les stations d'épuration, pour éliminer certains minéraux et des matières organiques. La Communauté Européenne a fixé un seuil de concentration en aluminium, après traitement, de 0,2 mg/l. Les conséquences possibles de l'ingestion d'aluminium sont l'ostéoporose 104 Décret n°95-363 du 7 avril 1995 105 Actualités Environnement n°156, 1999 Les impacts environnementaux 53 (affection des os) et la maladie d'Alzheimer. Cette maladie est la quatrième cause de décès dans les pays développés, après les affections cardiaques, le cancer et les accidents vasculaires cérébraux. Aux USA, elle touche entre 10 et 15% des plus de 65 ans. Certaines eaux minérales à forte teneur en fluor peuvent être à l'origine de fluorose (fragilisation des os par manque de calcium). Le conditionnement des eaux minérales peut nuire à leur qualité : des bouteilles en PVC gardées trop longtemps peuvent avoir des effets cancérigènes. Les bouteilles en verre contiennent du plomb. Dans certaines régions, du radon peut être présent dans l'eau de distribution, entraînant des risques de cancer. Les légionelloses sont des infections pulmonaires d'origine bactérienne. Il existe une forme bénigne, analogue à un syndrome grippal, et une forme grave, appelée maladie des légionnaires, qui survient le plus souvent chez des personnes fragilisées (personnes âgées, immunodéprimées). On trouve le germe responsable dans tous les milieux aquatiques naturels ou artificiels, notamment dans les installations sanitaires (douches, robinets, réservoirs et canalisations d'eau chaude), et comme on l'a vu les installations de climatisation (tours aéroréfrigérantes). En ce qui concerne l'eau chaude sanitaire, plusieurs méthodes de prévention et de traitement existent. Le choc thermique consiste à porter l'ensemble des ballons et des circuits à 70°C pendant au moins 30 minutes tous les jours. Des traitements au chlore sont également proposés. L'entretien des installations, en particulier le détartrage régulier, est indispensable, le tartre étant la principale nourriture de la bactérie. A la sortie d'une usine de potabilisation, une dose de chlore est introduite pour assurer un potentiel bactéricide jusqu'au robinet du consommateur et pour éviter une recontamination dans le réseau de distribution. Le goût de chlore peut être atténué par la conservation de l'eau au réfrigérateur : lors de l'abaissement de température de l'eau, l'agitation moléculaire est ralentie d'où une moindre dispersion des molécules de chlore. La chloration d'eau riche en matières organiques produit des halométhanes (comme le chloroforme), supposés être cancérigènes, d'où un compromis à trouver entre la protection bactériologique et la limitation du risque cancérigène. Les parois des tuyaux d'amenée d'eau sont colonisées par une fine pellicule de bactéries non pathogènes appelée "biofilm". Ce film pouvant servir de nourriture à des germes pathogènes, il est utile de le réduire en réduisant la teneur en carbone organique dissous. Les conduites en plomb tendent à disparaître (elles sont interdites depuis 1995, cf. le paragraphe précédent), mais le laiton contient 8% de plomb. Ce métal peut provoquer de nombreuses affections, même à des concentrations très faibles : anémie dans le sang, effets neurotoxiques, tension, affections des reins, altération de la reproduction. 54 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Les sources ou puits privés nécessitent un entretien adéquat (éloignement du bétail, étanchéité en surface et purification régulière par javellisation) pour éviter la pollution micro-biologique. Les ions négatifs sont présents en plus grand nombre dans certains sites naturels (par exemple aux abords d'une cascade en montagne). Ils sont beaucoup plus rares en ville, du fait de la teneur élevée de l'air en poussières, aérosols et micro-organismes variés. Au voisinage du sol, en moyenne une molécule sur 1016 est ionisée106, soit une concentration de l'ordre de 2 à 3000 ions par cm3 dans un milieu extérieur non pollué. Le rayonnement cosmique produit deux paires d'ions par cm3 et par seconde au niveau de la mer, 3 paires à 2000 m d'altitude. La radioactivité des roches produit entre 2 paires (terrains sableux) et 100 paires (certains terrains granitiques). Le radon en produit 5. La végétation produit des ions négatifs (fonction chlorophyllienne, émission d'électrons par les feuilles très pointues des conifères). Les écrans de télévision ou d'ordinateur produisent par contre des ions positifs. Les ions négatifs ont un effet germicide107, et certains médecins préconisent leur production dans les bâtiments. 1.4.3 LES CHAMPS ÉLECTROMAGNÉTIQUES Le champ magnétique terrestre est d'environ 0,5 Gauss. Un champ magnétique supplémentaire peut exister autour d'une faille géologique, de l'ordre de 10-9 Gauss. En ce qui concerne les champs magnétiques artificiels, un seuil de 2,5 mG est recommandé pour une fréquence de 50 Hz : il faut donc s'éloigner de quelques dizaines de cm des appareils électriques, d'un peu plus loin encore de l'arrière des ordinateurs et téléviseurs où la fréquence de balayage est de 20 000 Hz ou plus. Ce seuil est 200 fois plus faible que le champ magnétique terrestre, mais il s'agit de champs pulsés, alors que le champ naturel est constant. L'exposition chronique aux champs électromagnétiques pulsés (couvertures chauffantes, télévision et ordinateurs rapprochés, etc.) est déconseillée par certains médecins, qui préconisent par exemple d'éloigner un radio-réveil d'au moins 70 cm du lit. Construire au voisinage d'une ligne à haute tension semble également contre-indiqué. Les effets de ces rayonnements, difficiles à mettre en évidence, seraient des maux de tête, la fatigue et l'insomnie pour les fréquences extrêmement basses (50 Hz), et le risque d'avortement spontané pour les très basses fréquences (50 kHz, au voisinage des écrans cathodiques). La pollution électrostatique (moquettes 106 Prof. J. Breton, Certificat international d'écologie humaine, Cours de l'Université de Bordeaux 1, 1986 107 Jacques et Micheline Breton, Climat et Santé, Rapport de la Faculté de Médecine de Dijon, 1994 Les impacts environnementaux 55 synthétiques) entraîne une concentration plus élevée de poussières autour des personnes, et un risque de contamination bactérienne. En ce qui concerne l'éclairage, les ampoules à halogènes non protégées par une double enveloppe de verre laissent passer les rayons ultraviolets dont certains sont néfastes à la santé. Les tubes fluorescents, de pulsation à 100 Hz, peuvent provoquer des maux de tête et leur dominante bleue/violet peut accélérer le vieillissement de la rétine. 1.4.4 LES SOURCES D'INCONFORT Les principales sources d'inconfort dans les bâtiments peuvent être d'origine hygrothermique (surchauffe l'été sous une toiture ou dans un espace survitré, courants d'air froid dans un espace trop ventilé ou mal climatisé, air trop sec ou trop humide), visuelle (éblouissement, obscurité), olfactive (ventilation insuffisante), acoustique (protection insuffisante contre les bruits issus de l'extérieur, des logements voisins ou des circulations éventuels). Les effets combinés de ces facteurs ne sont pas négligeables. Par exemple l'influence de la couleur sur les sensations thermiques est bien connue : les corpuscules de Ruffini, sensibles à la chaleur, sont situés profondément sous la peau et ne sont accessibles qu'aux rayons lumineux de plus grande longueur d'onde (rouge, jaune); les corpuscules de Krause, sensibles au froid, sont au contraire plus superficiels. Il existe aussi des effets psychologiques, par exemple les grandes longueur d'onde rétrécissent les espaces. Les sujets asthmatiques préfèrent ainsi les couleurs comme le vert ou le bleu, qui élargissent les dimensions perçues. Les aspects concernant le confort hygrothermique, visuel, acoustique et olfactif font l'objet d'une abondante littérature, et ne sont donc pas repris ici. 1.4.5 LES RISQUES L'intoxication par le CO constitue la première cause de mortalité par toxique en France, avec 8000 cas par an et 400 morts. L'absence de conduit de cheminée dans certains logements chauffés à l'électricité peut accroître ce risque si l'occupant décide de changer d'énergie (poêle à fuel ou à gaz). L'incendie constitue également un risque majeur dans les bâtiments, et la réglementation impose le choix de matériaux en fonction de leur classement au feu. Les classes M0 (matériaux incombustibles, classe européenne A1) et M1 (matériaux très difficilement inflammables, classe A2) correspondent à des matériaux qui ne génèrent pas de fumée toxique. Quelques incendies ayant détruit des bâtiments recevant du public et comportant une quantité élevée de PVC sans protection adéquate ont attiré l’attention sur ce matériau, qui peut dégager de l’acide chlorhydrique et des dioxines en brûlant (par exemple lors de l’incendie d’une discothèque en 56 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement RFA où 161 personnes ont péri). Le syndicat national des plastiques alvéolaires108 présente dans une brochure les moyens d’améliorer la résistance au feu des parois (matériaux plastiques insérés dans des panneaux sandwich, matériaux-écrans, parements ignifuges), et d’atteindre des temps de résistance au feu de l’ordre de 20 à 30 minutes même pour des matériaux ou composants classés M2 (difficilement inflammable, classe européenne B). La sécurité des bâtiments nécessite une approche globale (conception adéquate, compartimentage, systèmes de détection et d’extinction, prévention, entretien, issues de secours et organisation des évacuations...), et ne se limite pas au choix des matériaux. Le transport d’énergie occasionne des risques, que ce soit le gaz (explosion de gazoduc ou incendie), les produits pétroliers (110 accidents routiers par an, 4 accidents de pétroliers touchant les côtes françaises en 15 ans) ou l’électricité. Au total, les accidents domestiques mortels touchent 20 000 personnes par an, ce qui est très élevé comparé aux 8 000 morts sur la route ou aux 1000 accidents mortels du travail. D’autres risques sont liés à l’environnement lui-même du bâtiment : la construction en zone inondable, ou en zone menacée par un glissement de terrain, en zone sismique ou exposée à des vents violents. Des règles de conception existent pour une protection contre le climat (pluie, neige, vent, grêle) ou les séismes. Le choix du site est un élément important. 1.5 SYNTHÈSE SUR LES IMPACTS La revue des impacts présentée précédemment a été simplifiée dans la mesure où dans la réalité, une chaîne très complexe d’effets se produit. Par exemple, l’émission de gaz carbonique modifie les propriétés optiques de l’atmosphère. Il en découle une perturbation climatique, variable d’une région à l’autre. Les modèles météorologiques ne sont pas encore capables de prédire les conséquences de cette perturbation globale à l’échelle locale (tempêtes, inondations, réchauffement...). Le réchauffement de certaines régions peut ensuite avoir des conséquences sanitaires (extension du paludisme...), porter atteinte à la biodiversité (dans la mesure où certaines espèces végétales, les arbres en particulier, ne pourront pas survivre si le déplacement des zones climatiques est trop rapide). Ces conséquences en chaîne ne peuvent pas être évaluées avec les connaissances actuelles, c’est pourquoi les décisions concernant la protection du climat sont basées sur le principe de précaution : même si les conséquences d’un phénomène ne sont pas connues avec précision, si ces 108 SNPA, 15 avenue du recteur Poincaré, 75016 Paris Les impacts environnementaux 57 conséquences sont potentiellement très graves, alors par précaution il est préférable de réduire les émissions induisant ce phénomène. La problématique est également rendue complexe par le nombre des aspects abordés, et par d’éventuelles contradictions entre eux. Par exemple, une exigence de confort d’été plus stricte peut impliquer le recours à la climatisation, et donc induire une augmentation de la consommation d’énergie et des impacts qui en découlent. L’approche généralement employée est l’approche multicritères. Pour simplifier, des notes sont attribuées sur chaque thème aux différentes variantes proposées : dans l’exemple précédent, la solution sans climatisation aurait 0 pour le confort et 5 pour l’énergie, celle avec climatisation 5 pour le confort et 0 pour l’énergie. Des facteurs de pondération sont définis pour chaque aspect (par exemple 0,5 pour le confort et 0,5 pour l’énergie), ce qui permet d’évaluer une note globale. L’approche multicritères est bien entendu plus subtile que cette présentation simplifiée, mais il n’en demeure pas moins que le choix des facteurs de pondération est basé sur des considérations subjectives, liées au contexte et aux priorités des décideurs. Une autre approche, cependant plus complexe, est de rechercher des synthèses pour résoudre de telles contradictions. Dans l’exemple précédent, il est souvent possible d’ajuster l’inertie thermique d’un bâtiment pour limiter, voire annuler ses besoins de climatisation, par exemple en utilisant une dalle lourde permettant d’atténuer les amplitudes de température. Cette dalle permet aussi de stocker les apports solaires d’hiver, et ainsi de réduire les besoins de chauffage. L’énergie nécessaire à la fabrication de la dalle est faible par rapport à l’énergie consacrée au chauffage du bâtiment (voir le chapitre 3). Cette solution constitue donc une synthèse entre les aspects de confort d’été et de thermique d’hiver. Mais elle nécessite un bon contact thermique entre la dalle et l’ambiance, c'est-à-dire d’éviter par exemple de poser une moquette épaisse sur la dalle. Ceci peut alors induire une contradiction avec un autre aspect de confort ou de qualité de vie : pouvoir marcher pieds nus sans avoir froid aux pieds. La priorité accordée à ces différents aspects influence la décision qui sera finalement prise en fonction d’un arbitrage nécessairement subjectif. Le degré d’exigence de confort est lui-même subjectif et varie selon le contexte (au siècle dernier, un appartement chauffé à 15°C était jugé confortable, en 1973, la campagne « anti-gaspi » préconisait 19°C et aujourd’hui, des études de l’université de Toulouse proposent 22 à 23°C). Les incertitudes dans l’évaluation des impacts et dans l’application du principe de précaution d’une part, la subjectivité dans le choix des priorités entre les aspects environnementaux d’autre part font que la qualité environnementale peut être définie de manière très diverse. Quoi qu’il en soit, la gravité des problèmes environnementaux est maintenant patente et il n’est plus raisonnable d’ignorer les conséquences environnementales des 58 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement décisions que nous prenons. Le secteur du bâtiment contribue de manière importante à ces problèmes. Il est donc nécessaire de recourir, autant que possible, aux outils d’aide à la décision et aux technologies qui permettent de réduire les impacts environnementaux des bâtiments. CHAPITRE II LES INDICATEURS ENVIRONNEMENTAUX A la plupart des thèmes environnementaux présentés au chapitre 1 correspondent des indicateurs permettant d’évaluer les impacts potentiels résultant des choix techniques, et ainsi d’orienter les décisions. Nous donnons la définition de ces indicateurs, qui peuvent être en première analyse considérés comme des indicateurs de performance : en deuxième analyse, il faudrait considérer une chaîne plus vaste d’effets environnementaux (cf. la conclusion du chapitre précédent). Ces indicateurs de performance globaux peuvent être complétés par des indicateurs partiels, plus simples à évaluer. Il s’agit par exemple des consommations d’énergie non renouvelable et d’eau, de la proportion de matériaux recyclés utilisés dans une construction, de la proportion de déchets d’activité triés, etc. Il nous a semblé utile d’aborder également les indicateurs environnementaux utilisés au niveau urbain, de manière à mieux cerner la contribution d’un bâtiment à la performance environnementale du quartier, voire de la ville où il est implanté. 2.1 LES INDICATEURS DE POTENTIEL Nous avons vu la difficulté d’établir des liens entre les émissions et les impacts réels (par exemple entre l'émission de gaz carbonique et les dégâts causés par une tempête ou une inondation...). Il est alors pertinent de recourir au principe de précaution dans l’état actuel des connaissances. De ce fait découle l’utilisation d’indicateurs de potentiel. Un impact potentiel ne se produira pas nécessairement, mais l’indicateur est utile car la réduction de cet impact potentiel permet de réduire le risque de l’impact réel. L’indicateur de potentiel de réchauffement global (GWP, global warming potential) correspond à cette catégorie. Les indicateurs d’acidification et d’eutrophisation également, mais pour des raisons différentes. Les émissions à l’origine du phénomène des pluies acides ont réellement un impact sur la végétation si leur concentration est suffisamment élevée. L’impact dépend non seulement des émissions introduites par le procédé ou le produit étudié, mais aussi de ce qui est appelé la "concentration de fond", liée à l’ensemble des autres émissions dans la même région. Les émissions évaluées par l’indicateur, liées uniquement au procédé ou au produit étudié, n’ont donc qu’un impact potentiel. 60 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement En ce qui concerne l’eutrophisation, la réalisation de l’impact est également liée à la concentration en polluant, mais celle-ci dépend plus de la dilution des produits que de leur quantité. Ainsi, une quantité donnée de polluant aura plus d’impact réel si elle est émise dans un petit lac que si elle est rejetée vers l’océan. Il faut toutefois noter que les conséquences sont visibles sur les côtes, avec le phénomène des algues vertes. Les indicateurs sont évalués d’après les flux élémentaires, quantités de substances émises ou puisées dans l’environnement. L'ensemble des flux élémentaires constitue l'inventaire d'un produit ou d'un procédé au sens de l'analyse de cycle de vie. En notant Ci,j le coefficient d'agrégation du ie flux élémentaire (Fi, exprimé en kg) pour l'indicateur Ij correspondant à l'impact j, nous avons : Ij = Σ Ci,j . Fi (1) i Par exemple l’indicateur du réchauffement global (GWP) est exprimé en poids d’équivalent C02 : la contribution relative des gaz émis dans l’atmosphère est fonction de leurs propriétés optiques. La durée de vie dans l’atmosphère des substances qui contribuent à l’effet de serre n’étant pas forcément égale à celle du CO2, les coefficients d’agrégation dépendent de la durée d’analyse considérée. L’indicateur GWP100 est évalué sur un horizon de 100 ans. Nous incluons dans notre évaluation le CO2 d'origine non fossile de manière à prendre en compte l'utilisation du matériaux bois dans la construction (absorption de CO2 lors de la croissance des arbres, émissions lors de la mise en décharge et l'incinération, avec éventuellement valorisation énergétique). A titre d'exemple, l'indicateur pour l'effet de serre à horizon 100 ans se calcule par : GWP100 = 1 . F1 + 24,5 . F2 + 320 . F3 + 5 . F4 + 9 . F5 + 24 900 F6 + Σ Ci . Fi (2) i>6 où F1 à F6 sont respectivement les quantités de C02, de méthane, de N2O, de trichlorométhane, de dichlorométhane et de SF6 émises. Les flux d’indice i supérieur à 6 correspondent à des CFC, des HCFC, des HFC, des HC et des halons : la liste de ces substances et les valeurs correspondantes des coefficients Ci sont données ci-dessous. Les tableaux 2.1 à 2.14 contiennent les coefficients (ou indices) avec lesquels l'agrégation de l'inventaire en indicateurs environnementaux est effectuée. Ces valeurs reflètent l'état actuel des connaissances, et elles peuvent donc changer au fur et à mesure de l'amélioration de ces Les indicateurs environnementaux 61 connaissances. Nous avons repris ces valeurs du rapport du CML [HEIJUNGS, 1992]1, sauf indication contraire. 2.1.1 EFFET DE SERRE Les potentiels des différents gaz à l'effet de serre [IPCC, 19942] sont donnés dans le tableau 2.1. L'indice qu'ils représentent s'appelle le GWP (Global Warming Potential) et nous en donnons les valeurs pour des échelles de temps de 20, 100 et 500 ans. L'indicateur est exprimé en kg équivalent de CO2 (nous avons considéré une période de 100 ans dans notre analyse). TABLEAU 2,1 : POTENTIEL DE RÉCHAUFFEMENT GLOBAL DES GAZ À EFFET DE SERRE Formule Substance GWP20 GWP100 GWP500 CO2 dioxyde de carbone 1 1 1 CH4 méthane 62 24,5 7,5 N2 O hémioxyde d’azote 290 320 180 CFCl3 CFC-11 5000 4000 1400 CF2Cl2 CFC-12 7900 8500 4200 CF3Cl CFC-13 8100 11700 13600 CF4 CFC-14 4100 6300 9800 CHF2Cl HCFC-22 4300 1700 520 C2F3Cl3 CFC-113 5000 5000 2300 C2F4Cl2 CFC-114 6900 9300 8300 C2F5Cl CFC-115 6200 9300 13000 C2F6 CFC-116 12500 19100 8200 CHCl2CF3 HCFC-123 300 93 29 CHFClCF3 HCFC-124 1500 480 150 CHF2CF3 HFC-125 4800 3200 1100 CHF2CHF2 HFC-134 3100 1200 370 CH2FCF3 HFC-134a 3300 1300 420 CH3CFCl2 HCFC-141b 1800 630 200 CH3CF2Cl HCFC-142b 4200 2000 630 CHF2CH2F HFC-143 950 290 90 CH3CF3 HFC-143a 5200 4400 1600 CH3CHF2 HFC-152a 460 140 44 C3F5HCl2 HCFC-225ca 550 170 52 C3F5HCl2 HCFC-225cb 1700 530 170 1 R. Heijungs et al., Environmental Life Cycle Assessement of Products, Guide, October 1992 2 International panel on climate change (IPCC), Scientific assessment working group of IPCC, Radiative forcing of climate change, World meteorological organization and United nations environment programme, 1994, 28p 62 C3HF7 CHF3 C3H2F6 C3H3F5 C2H2F2 CCl4 CH3CCl3 CF3Br CHCl3 CH2Cl2 SF6 c-C4F8 C6F11 NMVOC Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement HFC-227ea HFC-23 HFC-236fa HFC-245ca HFC-32 HC-10 HC-140a HALON-1301 trichlorométhane (chloroforme) dichlorométhane Hexafluorure de soufre Perfluorocyclobutane perfluorohexane composés organiques volatils, hors méthane3 4500 9200 6100 1900 1800 2000 360 6200 15 3300 12100 8000 610 580 1400 110 5600 5 1100 9900 6600 190 180 500 35 2200 1 28 16500 6000 4500 31 9 24900 9100 6800 11 3 36500 13300 9900 6 2.1.2 DESTRUCTION DE LA COUCHE D'OZONE STRATOSPHÉRIQUE Les valeurs des indices des gaz qui portent atteinte à la couche d'ozone stratosphérique sont situées dans le tableau 2.2. Ces indices sont appelés ODP (Ozone Depletion Potential) et ils sont donnés avec leurs marges de d'incertitude. L'indicateur est exprimé en kg d'équivalent CFC11. TABLEAU 2.2 : POTENTIELS DE DESTRUCTION D'OZONE Formule CFCl3 CF2Cl2 C2F3Cl3 C2F4Cl2 C2F5Cl CHF2Cl CHCl2CF3 CHFClCF3 CH3CFCl2 CH3CF2Cl 3 Substance CFC-11 CFC-12 CFC-113 CFC-114 CFC-115 HCFC-22 HCFc-123 HCFC-124 HCFC-141b HCFC-142b HCFC-225ca ODP 1,0 1,0 1,07 0,8 0,5 0,055 0,02 0,022 0,11 0,065 0,025 marge 1,0 - 1,0 0,88 - 1,06 0,92 - 1,07 0,57 - 0,82 0,29 - 0,5 0,032 - 0,08 0,013 - 0 02 0,016 - 0,034 0,1 - 0,12 0,035 - 0,07 0,016 - 0,025 U. Fritsche et al., Total Emission Model for Integrated Systems (TEMIS), Version 2.0 Manual, öko-Institut Darmstadt, 1994 Les indicateurs environnementaux CCl4 CH3CCl3 CF3Br CF2BrCl C2F4Br2 HCFC-225cb HC-10 HC-140a HALON-1301 HALON-1211 HALON-1202 HALON-2402 HALON-1201 HALON-2401 HALON-2311 CH3Br 63 0,033 1,08 0,12 16 4 1,25 7 1,4 0,25 0,14 0,6 0,023 - 0,033 1,03 - 1,15 0,11 - 0,13 10,0 - 17,2 1,8 - 5,0 1,25 - 1,7 5,9 - 10,2 1,4 - 1,4 0,25 - 0,4 0,14 - 0,3 0,44 - 0,7 2.1.3 ACIDIFICATION Les valeurs des indices des substances qui contribuent à l'acidification sont données dans le tableau 2.3. Ces indices sont appelés AP (Acidification Potential). L'indicateur est exprimé en kg d'équivalent SO2, ou parfois en équivalent H+ (1 kg eq. SO2 = 32 kg eq. H+). TABLEAU 2.3 : POTENTIELS D'ACIDIFICATION Formule SO2 NO NO2 NOx NH3 HCL HF Substance dioxyde de soufre monoxyde d'azote dioxyde d'azote oxyde d'azote ammoniac acide chlorhydrique acide fluorhydrique AP 1,0 1,07 0,7 0,7 1,88 1,88 1,6 Il peut paraître surprenant que l'ammoniac participe à l'acidification, alors que l'ammoniaque est une base. En fait, ce gaz se décompose et plusieurs réactions en chaîne conduisent à la formation d'acide nitrique. 2.1.4 EUTROPHISATION Les valeurs pour les indices des substances contribuant à ce thème sont données dans le tableau 2.4. Ces indices sont appelés NP. L'indicateur est exprimé en kg d'équivalent PO43. U. Fritsche et al., Gesamt-Emissions-Model Integrierter Systeme (GEMIS), Version 2.1 Erweiterer Endbericht, öko-Institut Darmstadt, 1994 64 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement TABLEAU 2.4 : POTENTIELS D'EUTROPHISATION Formule NO NO2 NOx NH4+ N PO43P COD Substance (émissions dans l'eau) monoxyde d’azote dioxyde d’azote oxydes d’azote ammonium azote phosphate phosphore Demande Chimique en Oxygène (DCO) NP 0,2 0,13 0,13 0,33 0,42 1,0 3,06 0,022 2.1.5 SMOG D'HIVER Les valeurs pour les indices des substances contribuant à ce thème sont données dans le tableau 2.5, l'indicateur étant exprimé en kg [Goedkop, 1995]4. TABLEAU 2.5 : INDICATEUR DE SMOG D'HIVER Carbone Poussières Poussière de fer SO2 Suie 1 1 1 1 1 2.1.6 SMOG D'ÉTÉ (FORMATION D'OZONE PHOTOCHIMIQUE) Les valeurs des indices des substances concernées sont données dans le tableau 2.6 [Goedkop, 1995]5. L'indicateur est exprimé en kg équivalent éthylène (C2H4). TABLEAU 2.6 : INDICATEUR DE SMOG D'ÉTÉ 1,1,1-trichloroéthane 1,2-dichloroéthane alcools aldéhydes benzène carprolactam chlorophénols 0,021 0,021 0,196 0,443 0,189 0,761 0,761 4 M. Goedkoop et al., The Eco-indicator 95, final report, NOVEM, 1995 5 M. Goedkoop et al., The Eco-indicator 95, final report, NOVEM, 1995 Les indicateurs environnementaux pétrole brut CxHy alcanes CxHy aliphatiques CxHx aromatiques CxHzCl hydrocarbures halogénés dichlorométhane diethyl éther diphényl éthanol éthylène éthylène glycol éthylène oxyde formaldéhyde hexachlorobiphényl hydrocarbures (moyenne) isopropanol cétones méthane méthyl éthyl kétone méthyl mercaptane naphtalène COV hors méthane PAH (hydrocarbures polycycliques aromatiques, moyenne) pentane pétrole phénol acide anhydride phtalique propane propène styrène terpentine tétrachlorométhane toluène acétate de vinyle chlorure de vinyle COV (composés organiques volatils, moyenne) 65 0,398 0,398 0,398 0,761 0,021 0,01 0,398 0,761 0,268 1 0,196 0,377 0,421 0,761 0,377 0,196 0,326 0,007 0,473 0,377 0,761 0,416 0,761 0,408 0,398 0,761 0,761 0,42 1,03 0,761 0,377 0,021 0,563 0,223 0,021 0,398 2.2 LES INDICATEURS DE VOLUME CRITIQUE Ce type d’indicateur est utilisé pour évaluer des effets qui dépendent de la concentration en polluants dont la nocivité diffère. Il n'est alors pas possible d'ajouter simplement les quantités de polluants, puisque leur effet n’est pas identique. Dans ce cas, pour chaque polluant est définie une concentration maximale tolérable Cm (kg/m3), par exemple telle que 66 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 95% des individus du milieu considéré sont préservés. Le volume critique s’obtient alors en divisant les émissions par Cm. Par exemple, l’indicateur Ecotoxicité aquatique s’exprime comme la somme des volumes critiques (m3 d ’eau polluée) pour les différents polluants. Plus un polluant est nocif, plus la concentration Cm est faible (une concentration faible suffit à produire des dégâts importants), donc plus le volume critique, à émission donnée, est grand. Les volumes critiques peuvent ainsi être additionnés pour différents polluants. Des méthodes plus précises existent : les indicateurs sont dérivés de modèles permettant de suivre le transport des polluants entre divers compartiments écologiques (air, eaux fluviales, sol, nappes phréatiques…), leur (bio)dégradation éventuelle, leur transfert dans l'air, l'eau et la nourriture, les doses reçues par la population concernée, et les effets (maladies, victimes). Mais ces modèles plus précis nécessitent davantage de données, et ces données ne sont disponibles que pour un petit nombre de substances (180, et même encore moins, 46, pour le modèle EUSE qui prend en compte la concentration de fond). Enfin pour le moment, les modèles ne considèrent pas les interactions entre différentes substances. 2.2.1 ÉCOTOXICITÉ Les valeurs des indices des substances contribuant à l'écotoxicité sont données dans le tableau 2.7. Ces indices, qui correspondent à l'inverse de Cm, sont les suivants selon le milieu concerné : • ECA (Ecotoxicological Classification factor for Aquatic ecosystems) pour le milieu aquatique ; • ECT (Ecotoxicological Classification factor for Terrestrial ecosystems) pour le milieu terreste. Nous donnons ci-dessous seulement un extrait de la liste du CML qui comporte plus de cent substances. Nous y avons inclus quelques valeurs d'hydrocarbures, mais aucune valeur correspondant à des pesticides, qui ne concernent pas directement le secteur du bâtiment. Les indicateurs sont exprimés en m3 d'eau ou en kg de sol pollué (à une concentration maximale tolérable, selon l'approche de l'agence américaine pour la protection de l'environnement, EPA). Ils sont obtenus en additionnant les émissions multipliées par les indices correspondants. TABLEAU 2.7 : INDICATEUR D'ÉCOTOXICITÉ Formule Métaux As Cd Cr Co Substance ECA ECT arsenic cadmium chrome cobalt 0,2 200 1,0 3,6 13 0,42 0,42 Les indicateurs environnementaux Cu Pb Hg Ni Zn Hydrocarbures C6H6 C6H5OH 67 cuivre plomb mercure nickel zinc 2,0 2,0 500 0,33 0,38 benzène phénol pentachlorophénol PCB-28 (polychlorobiphényl) PCB-52 PCB-101 PCB-118 PCB-138 PCB-153 PCB-180 dioxines (eq. TCDD) chloroforme pétrole brut 0,029 5,9 5,6 16 430 40 360 71 100 130 0,77 0,43 29 1,7 2,6 5,3 5,9 1400 0,17 0,05 2.2.2 ODEURS L’approche est similaire, Cm étant remplacé par un seuil Cs, seuil de détection de chaque odeur, défini comme la concentration telle que 50% d ’un échantillon représentatif détecte le produit. Le volume critique est de même obtenu en divisant les émissions par Cs, et l’indicateur Odeurs en sommant les volumes critiques. Cet indicateur est exprimé en m3 d ’air pollué. Les valeurs pour les indices des substances contribuant à ce thème sont données dans le tableau 2.8. Ces indices, qui correspondent à Cs, sont appelés OTV (Odour Threshold Value in air) et nous donnons seulement un extrait de la liste du CML qui comporte plus de soixante substances. L'indicateur est exprimé en m3 d'air malodorant (d'odeur équivalente à une concentration de 1 kg/m3 d'ammoniac), et s'obtient en additionnant les émissions divisées par l'OTV correspondant. TABLEAU 2.8 : INDICATEUR DE GÉNÉRATION D'ODEURS Formule NH3 C6H5Cl CH2Cl2 CS2 C2H5OH CH3OH Substance ammoniac chlorobenzène dichlorométhane disulfite de carbone éthanol méthanol OTV 1,0 1,0 640 0,18 0,64 73 68 C6H5OH H2 S C2H3Cl3 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement phénol sulfite d'hydrogène 2-propan (acétone) trichloroéthane 0,039 0,00043 72 3,9 2.2.3 TOXICITÉ HUMAINE La démarche est un peu plus complexe, car l’effet induit dépend de la dose de polluant reçue et non de la concentration dans le milieu. Une dose est le rapport entre la masse de polluant inhalée ou ingérée sur une certaine durée et la masse de l’individu. Une personne inhale en respirant de l’ordre de 20 m3 d’air par jour, et ingère environ deux litres d’eau par jour, pour un poids moyen de 70 kg. Par exemple, le monoxyde de carbone est toxique à partir d'une concentration de 1 g/m3 pour une exposition de longue durée. La dose journalière reçue par jour par une personne de 70 kg respirant 20 m3 d'air vicié à 1 g CO/m3 est de : 20 x 0,001 / 70 = 2,8 10-4 kg CO/kg L’impact réel en terme de maladies générées dépend de la densité de population autour du point d’émission, et donc de la localisation de l’émission. A la limite, si l’émission d’un polluant se produit dans un désert et que ce polluant se dégrade rapidement, la population touchée est nulle donc l’impact également. Mais dans la prise de décision, les émissions ne peuvent en général pas être localisées : nul ne sait où seront produits les parpaings ou les briques lors de la conception architecturale, nul ne sait si le gaz viendra de Sibérie ou de Norvège dans plusieurs années, ni où l’électricité sera produite, etc. C’est pourquoi une moyenne planétaire est considérée. La population de la terre est P=6 milliards, et le volume de l’atmosphère est Va = 3 1018 m3. Le volume Va considéré se limite à la troposphère, soit l'équivalent de 6 km de hauteur d'air à 1 atmosphère (ce qui correspond à 10 km de hauteur réelle). La dose journalière seuil Ds considérée pour chaque polluant correspond, pour les substances cancérogènes, à 1 cas supplémentaire de cancer par an pour 10 000 ha. La quantité de chair humaine contaminée à la dose Ds par l’émission E d’une substance dans l’air est : E x 20 x P / Va / Ds. Un raisonnement analogue est conduit pour le milieu aquatique, en considérant une profondeur de 10 m accessible à la pollution, soit un volume d'eau Ve = 3,5 1018 litres d'eau sur une surface égale à 70% de la surface de la terre. Pour les émissions dans le sol, le poids du sol Ps pouvant jouer un rôle sur la toxicité est obtenu en considérant une épaisseur de 15 cm, 30% de la surface terrestre et une masse volumique de 1200 kg/m3, ce qui conduit à 2,7 1016 kg. Le sol n'est pas ingéré, l'exposition au polluant est alors caractérisée par un paramètre p. Les indicateurs environnementaux 69 L’indicateur de toxicité humaine est la somme des quantités de chair humaine contaminées par les différents polluants. Il s’exprime alors comme : Σ (émissions dans l’air x 20 x P / Va / Ds) + Σ (émissions dans l’eau x 2 x P / Ve / Ds) + Σ (émissions dans le sol x p x 70 x P / Ps / Ds) Les indices des substances contribuant à ce thème sont donnés dans le tableau 2.9. Ces indices sont les suivants selon le milieu concerné (exprimés en kg de chair contaminée à Ds / kg de substance émise) : • HCA (Human toxicological Classification factor for the Air) pour le milieu atmosphérique ; • HCW (Human toxicological Classification factor for Water) pour le milieu aquatique ; • HCS (Human toxicological Classification factor for the Soil) pour le milieu terrestre. Nous donnons ci-dessous seulement un extrait de la liste du CML qui comporte plus que cent substances. Comme pour l'écotoxicité, nous avons inclus quelques valeurs pour des hydrocarbures, mais aucune valeur correspondant à des pesticides. L'indicateur est exprimé en kg de chair humaine contaminée à une dose maximale tolérable. Il s'obtient en sommant les quantités émises dans l'air (resp. l'eau et le sol) multipliées par HCA (resp. HCW et HCS). TABLEAU 2.9 : INDICATEUR DE TOXICITÉ HUMAINE Formule Métaux As Ba Cd Cr3+ Cr6+ Co Cu Fe Hg Mn Mo Ni Pb Sn V Zn Substance HCA HCW HCS arsenic barium cadmiun chrome (III) chrome (VI) cobalt cuivre fer oxydes de fer mercure manganèse molybdène nickel plomb étain 0,000045 vanadium zinc 4700 1,7 580 6,7 47000 24 0,24 0,042 0,067 120 120 3,3 470 160 0,017 1,4 0,14 2,9 0,57 4100 2 0,02 0,0036 0,0057 4,7 0,043 0,019 7 0,018 130 0,065 0,0052 0,29 0,057 0,79 0,0014 0,7 0,014 0,025 120 0,033 0,0029 0,007 0,15 70 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Composés non organiques NH4+ ammonium 0,02 Brbromide 0,033 CO monoxyde de carbone 0,012 CNcyanure (libre) 0,67 cyanure (lié) 2,6 Ffluorure 0,48 H2 S sulfure d'hydrogène 0,78 NO3azotate 0,0091 NO2azoture 0,26 NOx oxyde d'azote 0,78 SO32sulfite 0,038 SO2 dioxyde de soufre 1,2 Autres C6H6 benzène 3,9 C6H5OH phénol 0,56 chlorobenzène (en général) chlorophénol 11 (en général, sans PCB) (C6H2Cl2)2O2 2,3,7,8 TCDD (dioxine) 3300000 chloro-PAH6 (en général) pétrole 1,7 chloroforme 1,2 0,0017 0,0029 0,057 0,22 0,041 1,4 5,4 0,00078 0,022 0,0033 0,66 0,048 0,19 0,95 290000 67 0,00092 0,095 0,62 5,7 0 5,7 3,3 On remarque ici encore que la liste des substances considérée n'est pas exhaustive. Certains produits comme les éthers de glycol n'y figurent pas, alors que leur nocivité est signalée : ils sont interdits à la vente au grand public mais peuvent être utilisés par les professionnels. Ces produits permettent la dissolution des pigments dans certaines peintures. Cet exemple illustre la limite des indicateurs, qui doivent évoluer pour prendre en compte les très nombreuses substances nouvelles mises sur le marché. 2.2.4 INDICATEURS DE LA NORME AFNOR XP P01-010 La norme AFNOR XP P01-010 concernant la qualité environnementale des produits de construction7 comporte une annexe sur le calcul des "impacts environnementaux" où sont définis un certain nombre 6 Hydrocarbure Polycyclique Aromatique 7 norme AFNOR XP P01-010, qualité environnementale des produits de construction, Informations sur les caractéristiques environnementales des produits de construction, partie 1 : Méthodologie et modèle de déclaration des données, mai 2001, et partie 2 : Cadre d'exploitation des caractéristiques environnementales pour application à un ouvrage donné, avril 2002 Les indicateurs environnementaux 71 d'indicateurs, dont la plupart sont proches des indicateurs présentés ici (changement de climat, acidification, destruction de la couche d'ozone, formation d'ozone photochimique, consommation de ressources, déchets). Deux indicateurs sont spécifiques à cette norme : • un indicateur de pollution de l'air, basé sur la méthode des volumes critiques en considérant comme concentration seuil la concentration limite autorisée, pour chaque substance, par l'arrêté du 2 février 1998 ; • un indicateur de pollution de l'eau basé sur la même méthode, avec un seuil correspondant à ce même arrêté mais pour les concentrations dans l'eau. Ces deux indicateurs sont exprimés respectivement en m3 d'air et en m3 d'eau polluée. Les valeurs des seuils correspondent à un arrêté français, donc ces indicateurs semblent plus difficilement généralisables à d'autres pays que des indicateurs basés sur des seuils moins spécifiques. Les dioxines ne semblent pas figurer parmi les substances considérées dans l'indicateur de pollution de l'air de l'AFNOR, alors que dans l'indicateur de CML, elles sont considérées (en équivalent 2,3,7,8 TCDD ) comme 275 millions de fois plus toxiques que le monoxyde de carbone. L'indicateur de pollution de l'eau regroupe des aspects liés à l'écotoxicité (métaux lourds par exemple) et d'autres liés à l'eutrophisation. L'avantage est de réduire le nombre d'indicateurs, mais l'inconvénient est de ne plus pouvoir dissocier le rôle de différents acteurs : par exemple les ménages qui peuvent agir sur l'eutrophisation via le choix des lessives et l'emploi de toilettes sèches et certains industriels qui peuvent agir sur les émissions de métaux lourds. 2.3 AUTRES INDICATEURS 2.3.1 RESSOURCES ABIOTIQUES CONNUES Les ressources d'un bassin ou d'une zone géographique, encore appelées "volumes en place", sont les quantités totales de matière présentes dans les champs découverts et à découvrir dans la région considérée, sans aucune considération technique ou économique. Les réserves sont les quantités que l'on espère extraire et exploiter de manière rentable dans un avenir proche. Le passage de ressource à réserve est caractérisé par le taux de récupération. Les réserves se subdivisent en quatre catégories : • les réserves prouvées (l'exploitation peut être en cours ou non, la probabilité est supérieure à 85-95% selon les organismes) ; • les réserves probables (probabilité estimée à 50%, exploitables aux conditions techniques et économiques d'un futur proche) ; • les réserves possibles (présence estimée par une probabilité de 5 à 10%, exploitables dans un futur non déterminé) ; • les réserves espérées sont définies en pondérant les différents types 72 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement précédents, par exemple : réserves prouvées + 2/3 (ou 1/2) réserves probables + 1/3 (ou 1/4) réserves possibles. A titre d'ordre de grandeur, les réserves prouvées de pétrole sont d'environ 1000 milliards de barils8 (138 milliards de tonnes, soit 45 années de consommation actuelle) et les réserves espérées sont deux fois plus importantes. Seules les ressources pouvant devenir insuffisantes dans les 100 ans à venir sont prises en considération dans les indicateurs généralement proposés. Le tableau 2.10 présente les valeurs connues de leur réserves. TABLEAU 2.10 : INDICATEUR D'ÉPUISEMENT DES RESSOURCES Formule Substance Ressources énergétiques pétrole brut gaz naturel U uranium11 U uranium12 Métaux Cd cadmium Cu cuivre Hg mercure Ni nickel Pb plomb Sn étain Zn zinc Réserves 9 Unité Années 10 123 559 109 326 1 676 820 13 410 000 Mégatonne 109 m3 tonne 75 66 48 383 0,535 350 0,0057 54 75 4,26 147 Mégatonne Mégatonne Mégatonne Mégatonne Mégatonne Mégatonne Mégatonne 60 55 92 120 45 56 56 L'indicateur d'épuisement des ressources est obtenu en additionnant les quantités de matières premières utilisées pour la fabrication du produit étudié divisées par les réserves. Il est donc sans dimension. Un autre indicateur a été défini en divisant chaque quantité de matière par le nombre d'années de réserves correspondant. Une troisième 8 Denis Barbusiaux et Jean Coiffard, Les combustibles fossiles : quels usages, quelles réserves, La jaune et la rouge, 2000 9 R. Heijungs, Environmental life cycle assessment of products, Centre of environmental science (CML), Leiden, 1992 10 U.S. Bureau of Mines, 1998 11 R. Heijungs, Environmental life cycle assessment of products, Centre of environmental science (CML), Leiden, 1992 12 U.S. Bureau of Mines, 1998 Les indicateurs environnementaux 73 possibilité est de diviser à la fois par les réserves et par le nombre d'années de réserves, de manière à attirer l'attention sur les matières premières quantitativement rares et qui s'épuisent vite. 2.3.2 ÉNERGIE PRIMAIRE Le choix d'un indicateur en énergie primaire L'énergie consommée sur le cycle de vie des bâtiments est comptabilisée en terme d'énergie primaire, de manière à pouvoir prendre en compte différents types d'énergie distribuée (électricité, chaleur) sur une base homogène. Le principe de l'analyse de cycle de vie consiste à remonter jusqu'aux phases amont d'extraction des combustibles (pétrole brut, uranium, gaz, charbon…) ou d'autres ressources (hydroélectricité). Par exemple, la production d'un kWh électrique nécessite l'extraction d'une certaine quantité d'uranium, de pétrole, de gaz, et la mise à disposition d'énergie hydraulique. Ces différentes quantités sont ensuite traduites en énergie primaire (MJ), unité unique permettant d'additionner les différentes contributions sur une base homogène. Le choix du pouvoir calorifique supérieur La distinction entre PCI et PCS (pouvoir calorifique inférieur et supérieur) n'a de sens que pour les combustibles proprement dits (gaz, fuel, charbon…). Elle est plus difficile à définir pour l'uranium, car il s'agit d'apprécier l'énergie récupérable en fonction de principes techniques réalistes : s'il est relativement aisé de répondre à la question "est-il réaliste de vouloir récupérer l'énergie de condensation des fumées ?" (nous avons répondu implicitement oui en choisissant le PCS), il est moins facile de savoir quelle part de l'uranium naturel peut être valorisée potentiellement. Si seule la quantité d'uranium enrichi avec les techniques actuelles est comptabilisée, alors il s'agit d'une démarche de type PCI, qui n'est pas homogène avec les conventions précédentes. La convention considérée dans la base de données Oekoinventare13 (développée par l'école Polytechnique Fédérale de Zurich) consiste à comptabiliser le total de l'énergie contenue dans l'uranium enrichi et appauvri. L'uranium naturel est supposé contenir 0,7% d'uranium U235, l'uranium enrichi 3,5%. Un kg d'uranium U235 peut produire 128 TJe (téra joules électriques). Pour produire un kg d'uranium enrichi à 3,5%, il faut 8,16 kg d'uranium naturel. Il faut alors 7,58 kg d'uranium naturel pour produire 1 TJe. Ceci correspond à 0,007 kg d'uranium U235, soit une énergie potentiellement récupérable de 6,82 TJ primaire. Le PCS d'un kg d'uranium naturel est alors 900 000 MJ. Si l'uranium U235 contenu dans l'uranium appauvri est exclu, le PCI d'un kg d'uranium naturel est de 460 000 MJ. 13 R. Frischknecht et al., Ökoinventare für Energie systeme, Eidgenössische Technische Hochschule, Zürich, 1995, 1817p. 74 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement La base Oekoinventare considère une énergie primaire équivalente à l'énergie potentielle de l'eau pour l'hydroélectricité, en PCS aussi bien qu'en PCI. Les équivalences entre combustibles Un kg de combustible équivaut à une certaine quantité d'énergie primaire, selon le tableau 2.11, issu de la base de données Oekoinventare14. TABLEAU 2.11 : INDICATEUR DE CONSOMMATION D'ÉNERGIE PRIMAIRE Ressource Gaz de pétrole Gaz naturel Gaz de mine Pétrole brut Lignite Charbon dur Uranium naturel (contenu dans l'hexafluorure) Energie potentielle de l'eau Bois dans forêt (sec) Unité Nm3 Nm3 kg t kg kg kg PCI (MJ/Unité) 40,9 35 35,9 42600 8 18 460000 PCS (MJ/Unité) 45 39 39,8 45600 9,5 19 900000 TJ t 1000000 18500 1000000 20300 Le choix entre énergie non renouvelable et énergie totale Le caractère non renouvelable des ressources est comme on l'a vu pris en compte dans un autre indicateur, basé sur les réserves mondiales des différents combustibles et matières premières. Le critère énergétique doit à notre avis inclure tous les types d'énergie, renouvelables ou non. En effet, consommer une énergie renouvelable n'est pas anodin pour l'environnement. Même s'il n'y a pas épuisement d'une réserve, la ressource est limitée (en fonction de considérations technico-économiques) et il faut encourager la maîtrise des consommations, comme pour l'eau potable (également renouvelable). A l'inverse, produire une énergie localement (par exemple la production d'électricité par capteurs photovoltaïques intégrés au bâtiment) doit être "récompensé" dans l'évaluation. Nous avons donc considéré un indicateur incluant aussi les énergies renouvelables. La distinction entre énergies renouvelables ou non est effectuée dans l'indicateur d'épuisement des ressources. Quelques ordres de grandeur La consommation moyenne d'énergie pour le métabolisme humain est de 1000 kWh par an, sous forme d'aliments (ordre de grandeur pour un poids de 70 kg), soit 2400 kcal par jour (ou 2400 Cal, 1 Cal = 1 kcal = 4 180 14 R. Frischknecht et al., Ökoinventare für Energie systeme, Eidgenössische Technische Hochschule, Zürich, 1995, 1817p. Les indicateurs environnementaux 75 J). Nous utilisons en moyenne 11 fois plus d'énergie pour nous chauffer, 8 fois plus d'énergie primaire pour notre consommation d'électricité (en considérant un rendement de 30%), 10 fois plus pour l'industrie et 11 fois plus pour le transport. 2.3.3 CONSOMMATION D’EAU Un autre indicateur concernant l’utilisation de ressources est lié à l’eau, dont les réserves sont limitées dans certaines régions. Par exemple, le réchauffement climatique fait craindre des difficultés d’approvisionnement en Europe du sud. 2.3.4 DÉCHETS ULTIMES Les coûts correspondant à l'obtention d'une quantité équivalente de déchets ultimes non radioactifs à partir d'une tonne de déchets de différentes classes ont été déduits des actes d'un colloque15. TABLEAU 2.12 : INDICATEUR DE GÉNÉRATION DE DÉCHETS SOLIDES Type de centre de stockage classe III classe II classe I Type de déchet Coûts, Tonne équivalente marge (moyen) (classe III) déchet inerte 3 - 12 euros /t (7,5 E /t) 1 déchet industriel banal 30 - 60euros/t (45 E/t) 6 déchet industriel spécial 120 -200 euros/t (160 E/t) 21 L'indicateur que nous avons défini est la somme des quantités des divers types de déchets multipliés par les facteurs d'équivalence donnés dans la dernière colonne. En ce qui concerne les déchets radioactifs, nous avons simplement fait la somme des différents types de déchets (basse, moyenne et haute activité) sans pondération, l'indicateur étant exprimé en dm3 de déchets radioactifs (cf. paragraphe 2.3.7). 2.3.5 MÉTAUX LOURDS Les indicateurs globaux de toxicité sont parfois complétés par des indicateurs spécifiques pour des polluants particulièrement préoccupants : les substances cancérigènes et les métaux lourds. Les valeurs pour les indices des substances contribuant à ce dernier thème sont données dans le tableau 2.13, l'indicateur étant exprimé en kg équivalent de plomb [Goedkop, 1995]16. 15 ADEME/Ministère du Logement, Colloque "BTP : démolition et valorisation des déchets", Paris, 1995, page 20. 16 M. Goedkoop et al., The Eco-indicator 95, final report, NOVEM, 1995 76 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement TABLEAU 2.13 : INDICATEUR DE POLLUTION PAR LES MÉTAUX LOURDS Antimoine Arsenic Barium Bore Cadmium Chrome Cuivre Plomb Manganèse Mercure Molybdène Nickel 2 1 0,14 0,03 3 0,2 0,005 1 0,002 10 0,14 0,5 2.3.6 SUBSTANCES CANCÉRIGÈNES Les valeurs pour les indices des substances contribuant à ce thème sont données dans le tableau 2.14, l'indicateur étant exprimé en kg équivalent de PAH (polycyclic aromatic hydrocarbons) [Goedkop, 1995]17.. TABLEAU 2.14 : INDICATEUR DE CARCINOGÉNICITÉ Arsenic Benzène, éthylbenzène, CxHy aromatiques Benzo(a)pyrène, fluoranthène Nickel Chrome 6 Goudron PAH 0,044 0,000011 1 0,44 0,44 0,000011 1 Le nombre des substances cancérigènes est en fait plus élevé, cette liste est issue des recommandations pour la qualité de l'air élaborées par l'Organisation Mondiale de la Santé [Goedkop, 1995]. 2.3.7 DÉCHETS RADIOACTIFS Les déchets sont distingués en fonction de leur activité et de leur durée de vie. Les déchets de catégorie A sont de faible ou moyenne activité et sont destinés à être stockés seulement 30 ans. Les déchets de catégorie B sont également d'activité moyenne ou faible, mais contiennent des éléments 17 M. Goedkoop et al., The Eco-indicator 95, final report, NOVEM, 1995 Les indicateurs environnementaux 77 à très longue période comme les déchets de catégorie C, qui eux sont à très haute activité. Les déchets de type B et C doivent rester confinés pendant des milliers d'années. Dans l'indicateur que nous utilisons, nous avons additionné l'ensemble de ces déchets, les quantités étant exprimées en dm3. 2.3.8 INDICATEURS ORIENTÉS DOMMAGES Les indicateurs précédents sont liés à des problèmes environnementaux (changement climatique, pluies acides…). Les indicateurs orientés dommages ont pour objectif d'intégrer davantage les effets en aval, par exemple les dommages sur la santé liés aux changements climatiques, aux radiations ionisantes, à l'altération de la couche d'ozone, les dommages à la qualité des écosystèmes. Ces indicateurs nécessitent des modèles plus poussés, et les recherches se poursuivent dans ce domaine18. 2.4 LES INDICATEURS ENVIRONNEMENTAUX URBAINS L'amélioration de la qualité environnementale dans le secteur du BTP nécessite une bonne intégration dans le site, en prenant en compte les conditions extérieures et en particulier les choix urbanistiques. Par exemple dans le cas d'une commune où une collecte sélective est mise en œuvre, il s'agit de prévoir un local technique suffisamment grand pour permettre le tri des déchets. Le choix du site de construction peut également avoir des conséquences importantes sur les besoins des futurs occupants en matière de transports, et donc sur les consommations énergétiques et les émissions associées. L'intégration aux réseaux de transports en commun existants ou prévus mérite l'attention des décideurs. L'orientation d'un bâtiment par rapport au sud aura des répercutions sur ses besoins de chauffage, voire de climatisation. Le regroupement des bâtiments diminue les pertes thermiques, les besoins en éclairage extérieur, la consommation de transport pour les personnes, les marchandises et les déchets. Enfin, il est important de choisir un site protégé des sources de pollution provenant d'installations industrielles (en fonction des vents dominants), ou d'infrastructures de transport. Ceci concerne les émissions dans l'air mais aussi le bruit. Ces exemples montrent l'intérêt d'une concertation entre les maîtres d'ouvrage, les concepteurs et les décideurs en matière d'aménagement du territoire. En ce qui concerne les choix urbanistiques, deux types d'outils ont été développés pour permettre la réduction des impacts environnementaux dans une ville : les indicateurs et les tableaux de bord. Les indicateurs fournissent des informations, les tableaux de bord facilitent les actions. Les 18 M.J. Goedkoop et R. Spriemsma, The Eco-Indicator 99, A dammage oriented method for life cycle impact assessment, methodology report, methodology annex, manual for designers, avril 2000 78 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement indicateurs environnementaux d'une ville permettent de recenser les problèmes et de mesurer l'efficacité des solutions proposées. En zone rurale, certains critères comme la qualité de l'air sont souvent moins importants mais des impacts comme l'effet de serre, indépendants du lieu d'émission, concernent aussi les petites communes. L'analyse décrite ci-dessous peut donc également donner des éléments intéressants dans une zone rurale, même si une démarche spécifique devrait être élaborée. 2.4.1 INDICATEURS SUR LES SOURCES D'ÉMISSIONS (PRESSIONS) 2.4.1.1 Les flux énergétiques Les flux entrants, par type d'énergie (avec en particulier le pourcentage d'énergie renouvelable et produite localement), et les flux consommés par secteur donnent une image globale, qui peut être complétée par une analyse détaillée concernant le chauffage urbain (part de marché ou % des bâtiments raccordés, rendement global, nombre de jours d'arrêt sur la saison de chauffe), la production locale d'énergie (part relative, compétitivité), la consommation par secteur (performance des systèmes de chauffage en kWh/m2 pour les secteurs résidentiel, tertiaire, scolaire, etc.), l'intensité énergétique dans le secteur industriel, la consommation du patrimoine de la ville (bâtiments publics, éclairage des voiries...), le poids énergétique des transports publics (rapport de leur consommation à la consommation totale du secteur des transports) et la performance énergétique des transports (consommation par km et par passager). Les choix urbanistiques (contraintes sur la conception architecturale, orientation des bâtiments et masques mutuels...) ont des conséquences importantes sur les consommations énergétiques, ce qui peut être évalué par le % de bâtiments bien exposés au soleil. En ce qui concerne l'éclairage public, la puissance totale et le nombre de foyers lumineux par km de voie indiquent la densité lumineuse. La consommation en kWh par an par foyer lumineux permet d'évaluer la performance. La construction de bâtiments en zone péri-urbaine engendre souvent des dépenses supplémentaires en éclairage. La consommation annuelle d'énergie non renouvelable par habitant peut constituer une synthèse intéressante. La demande d'électricité de pointe en W par m2 de surface utile de bâtiment renseigne sur l'efficacité des politiques de maîtrise de la demande d'électricité (MDE). 2.4.1.2 Les transports Le nombre de km (ou d'hectares) de voies par habitant, le nombre de km.voyageur parcourus par an dans les transports publics, la longueur totale du réseau public par habitant et la répartition des différents modes de transport, le taux de motorisation par ménage, la distance moyenne Les indicateurs environnementaux 79 domicile-travail, éventuellement domicile-lieu d'achats, le nombre de km parcourus en voiture individuelle par an et par habitant, le % de bâtiments situés à moins de 300 mètres des commerces, le % de la surface de voirie affecté aux piétons et aux cyclistes donnent une image représentative de ce secteur. La densité de circulation d'une voie donnée s'exprime en nombre de véhicules par heure. Cette valeur est de l'ordre de 500 pour une rue moyenne en centre ville, et peut monter jusqu'à 2 ou 3000 sur une autoroute. En Suisse, chaque habitant fait en moyenne 500 voyages par an en transport en commun, contre 150 en France19. 50% des trajets en voiture individuelle se font sur une distance inférieure à 3 km, 10% sur moins de 500 mètres. Aux Pays Bas, un tiers des déplacements se fait à bicyclette. La densification d'une ville peut réduire les besoins de transport, mais elle a aussi ses limites : un urbanisme trop inhospitalier incite à de plus fortes migrations lors des week-end ou des vacances. D'autre part les bâtiments élevés nécessitent des ascenseurs, or le transport vertical consomme 8 fois plus d'énergie que le transport horizontal20. Les bases de données sur les transports ne sont pas toujours homogènes, en particulier elles n'incluent pas toujours les infrastructures (construction en entretien des routes, ponts, etc.). D'autre part, les émissions des nouveaux véhicules ont tendance à diminuer : un constructeur annonce pour un modèle récent de voiture individuelle des émissions de gaz à effet de serre de 150 g CO2/km alors que la base Oekoinventare donne une valeur de l'ordre de 500 (en incluant les infrastructures). L'occupation moyenne d'un véhicule est de l'ordre de 1,6 personne. Il est commode d'utiliser comme unité fonctionnelle la personne.km (pkm) c'est-à-dire le fait de transporter une personne sur un km. Pour la voiture individuelle, les émissions sont alors de 320 g CO2/pkm, à comparer avec 105 g CO2/pkm pour un bus. 2.4.1.3 Le cycle de l'eau La performance du réseau s'exprime par le rendement (rapport entre le volume distribué et le volume produit). Celui-ci est en général de l'ordre de 80%, ce qui signifie que les fuites d'eau représentent 20% des quantités produites. Le comportement des usagers peut être représenté globalement par la consommation moyenne par habitant, au total ou en distinguant le secteur résidentiel. Le taux de raccordement des eaux usées évalue la performance du réseau d'assainissement. Le % d'eau réutilisée, le 19 Génie urbain, avril 1998 20 L'énergie utilisée en moyenne par kilomètre est de 0,29 kWh/km pour le transport horizontal urbain contre 2,32 kWh/km pour le transport vertical, selon le Dr S.J. Marvin (Université de Newcastle). 80 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement taux de récupération des eaux pluviales, le % de sol imperméabilisé sont d'autres indicateurs utiles. 2.4.1.4 La gestion des déchets La gestion des ordures ménagères est l'une des tâches les plus importantes dans les zones à densité de population élevée. Les décharges posent d'importants problèmes de pollution des sols, de l'eau et de l'air. Leur étanchement est coûteux. La récupération du méthane ou son incinération en torchère est parfois mise en œuvre. L'incinération des ordures ménagères pose d'autres problèmes, surtout en terme d'émission de gaz toxiques dans l'air (dioxines...). La réduction du tonnage de déchets produits et la mise en œuvre d'une chaîne de tri sélectif, collecte et recyclage constituent des mesures de prévention utiles. Les indicateurs employés sont le poids de déchets par habitant et par an, et le tonnage des différentes matières recyclées : papier, verre, métaux, piles/batteries, huiles, textiles, CFC. Le compostage peut également être utilisé pour les déchets organiques. La description de la structure du traitement (décharge, incinération, compostage) peut être complétée par une analyse plus détaillée en cas de récupération de chaleur ou de cogénération. La production d'énergie doit alors être évaluée (par exemple sous la forme d'une quantité de MWh thermiques et électriques par habitant et par an). 2.4.2 INDICATEURS D’ÉTAT 2.4.2.1 La qualité de l'air Les polluants de l'air pouvant avoir des conséquences sur la santé des populations sont suivis avec attention par les autorités, et des mesures sont effectuées dans certaines villes pour le SO2, le NO2, le CO, l'ozone, les hydrocarbures et les particules. Des indicateurs comme le nombre de jours où la concentration en polluants dépasse un seuil d'alerte sont alors définis, ainsi que des indices qui agrègent des informations sur différents polluants, différentes stations de mesure et différentes échelles de temps21 (moyennes sur 1 heure, 8h, 24h…). 2.4.2.2 La contribution à l'effet de serre Le CO2, le CH4 et les autres gaz concernés, émis par les diverses activités urbaines peuvent être comptabilisés, avec les règles d'équivalence présentées au chapitre précédent. 21 Javier Garcia et al., Les indices de qualité de l'air, Presses de l'Ecole des Mines de Paris, septembre 2001 Les indicateurs environnementaux 81 2.4.2.3 Le bruit Une gestion appropriée de la circulation peut permettre de réduire les émissions sonores. La limitation de la vitesse des véhicules et l'organisation des feux de circulation permettent de réguler les débits. L'utilisation d'arbres (mais la végétation est assez peu efficace pour réduire les basses fréquences) et l'éloignement des façades des bâtiments réduisent un peu les effets. Il est possible d'établir une cartographie des niveaux de bruit dans une ville, ce qui facilite l'étude de protections locales (murs antibruit...). Plusieurs types d’indicateurs peuvent être définis, par exemple le nombre d’habitants exposés à un niveau sonore supérieur à une valeur seuil, ou le nombre de plaintes liées au bruit. 2.4.2.4 L'occupation des sols et les espaces verts La préservation du sol ne peut se résoudre simplement par l'élévation des bâtiments, car les "tours" posent d'autres problèmes environnementaux et sociaux. Une bonne gestion des espaces nécessite une réflexion plus approfondie, dont les principaux éléments sont : la séparation entre zones résidentielles et zones industrialisées, la proportion des zones de loisirs, l'adéquation entre la voirie et les besoins en matière de transport, le contrôle de l'extension urbaine et la protection des zones "naturelles" ou rurales. Les indicateurs principalement utilisés sont la proportion de zones construites (ou celle des zones vierges), et leur répartition par usages (résidentiel, commercial, mixte, loisirs, voiries). La surface construite par habitant renseigne également sur la consommation d'espace. En général, le secteur résidentiel consomme environ 60% de l'espace construit. Les secteurs commercial, mixte et la voirie se partagent les 40% restants avec des parts du même ordre de grandeur. Les espaces non construits représentent environ 30% de l'espace total, mais cette valeur peut varier beaucoup d'une ville à l'autre. La proportion d'espace non construit ne constitue pas forcément un bon indicateur de la densité d'espaces verts, car la zone urbaine considérée peut englober des villages séparés par des zones rurales. Les espaces non construits peuvent être subdivisés entre la forêt, les parcs et terrains de sport, les réserves naturelles, les cours d'eau et les zones agricoles. La surface de parcs et terrains de sport par habitant bénéficie souvent d'un affichage important. Les réserves naturelles, en particulier les zones humides ou marécageuses, sont essentielles à la préservation des espèces menacées et à la diversité biologique. Il peut alors être pertinent d'évaluer la surface des espaces naturels aquatiques (lacs, rivières…). La qualité et la quantité des espaces "naturels" conditionnent la biodiversité, qui peut être estimée par le nombre d'espèces animales et végétales présentes dans une ville. Ce nombre décroît avec le morcellement de ces espaces : à superficie S égale, le nombre d'espèces est environ deux 82 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement fois plus grand dans un espace de surface S que dans deux espaces de surface S/2. Un autre indicateur parfois utilisé est l'empreinte écologique, développé à L'Université de Colombie Britannique22 (Canada). Il représente la surface de terrain nécessaire à l'approvisionnement d'une population en produits et à la gestion des déchets (en particulier les surfaces agricoles pour la nourriture et d'autres produits, les surfaces de sol pour collecter l'eau potable). Cet indicateur peut être calculé à l'échelle d'une ville, mais aussi d'un pays, du globe ou d'une personne23. Par exemple pour la France, l'empreinte écologique moyenne est de 5,3 ha par habitant24 alors que la surface disponible n'est que de 3 ha par habitant. Globalement dans le monde, l'empreinte écologique est de 2,3 ha/personne pour une disponibilité de 1,9 ha/personne. Il faudrait ainsi 2,8 fois la surface de la planète pour assurer à tous les habitants le niveau de vie moyen français, et 5 planètes pour assurer le niveau de vie des USA (9,6 ha/personne). Pour la ville de Toronto, l'empreinte écologique est liée à 32% aux besoins en nourriture, pour 24% aux transports, pour 21% aux bâtiments, pour 18% aux autres produits et pour 5% à la gestion des déchets. 2.4.2.5 La contamination des sols par les métaux lourds La concentration en plomb et en cadmium peut être mesurée sur des échantillons prélevés dans des zones critiques (au voisinage de routes à grande circulation ou près des décharges) et dans une zone protégée (pour obtenir la concentration "de fond"). Les seuils indicatifs limites sont de 50 mg/kg pour le plomb et 1 mg/kg pour le cadmium25. Répertorier les décharges et les sites industriels présentant un danger de contamination des sols est nécessaire pour un contrôle efficace dans ce domaine. 2.4.2.6 La qualité de l'eau L'étanchéité des sols construits ou bitumés (voiries) freine la régénération des nappes phréatiques dans le sous-sol des villes. Les activités industrielles et les décharges sont principalement responsables de la pollution de l'eau, via les métaux lourds (cf. paragraphe 2.4.2.5) mais aussi les composés organiques émis. Il ne faut bien entendu pas oublier le rôle des zones agricoles voisines, où l'utilisation d'engrais, de pesticides et 22 William Rees et Mathis Wackernagel, Our ecological footprint : reducing human impact on the earth, New Society Publishers, Gabriola Island, Canada, 1996 23 cf. http://www.earthday.org 24 http://www.RedefiningProgress.org 25Séminaire Urban energy and environmental indicators, Rennes, février 1994 Les indicateurs environnementaux 83 d'herbicides a des conséquences importantes (cf. paragraphe 1.2.2). Ces différentes sources de pollution peuvent rendre l'eau du sous-sol impropre à la consommation et un traitement doit alors être effectué. En général, seuls les aquifères utilisés pour l'alimentation en eau potable sont suivis. Dans certains pays, les prélèvements sont plus systématiques. Les eaux de surface (rivières...) ont longtemps été utilisées comme égouts, ce qui tend à disparaître maintenant grâce aux stations d'épuration. Toutes les sources d'eaux usées ne sont cependant pas raccordées au réseau d'assainissement. La mesure de la qualité de l'eau d'une rivière doit être effectuée en plusieurs points en cas de risque important ou s'il y a plusieurs confluents. Si aucun déversement polluant n'est effectué au voisinage de la ville, il suffit de choisir un point représentatif en amont et en aval de la station d'épuration. En chaque point sont mesurées généralement les concentrations en nitrates (NO3), en ammonium (NH4-N), en oxygène et en phosphates. La demande biologique en oxygène est parfois aussi utilisée comme indicateur. L'approvisionnement en eau potable doit satisfaire des exigences définies au niveau européen. Des prélèvements réguliers doivent donc être effectués pour mesurer le taux de nitrates, de sulfates (SO4), de métaux lourds, de pesticides, etc. (il existe 64 paramètres de potabilité dans la réglementation française)26. La dureté de l'eau, exprimée en degrés hydrotimétriques (°df, teneur en sels de calcium et de magnésium bicarbonates et autres sels -), conditionne la quantité de lessive nécessaire par lavage. Plus elle est élevée, plus il faudra de lessive et donc plus l'impact sur l'aval sera important (bien que la biodégradabilité des lessives soit en net progrès). La préparation et la distribution de l'eau potable nécessite par m3 10 g de produits chimiques et entre 0,5 et 1 kWh27, pour une technologie donnée. Le pompage des eaux souterraines doit permettre la régénération des nappes phréatiques, sans quoi l'équilibre serait rompu. Le niveau des aquifères doit donc être suivi. La demande est de l'ordre de 100 à 150 litres par jour et par personne dans le secteur résidentiel. Tous usages confondus (commercial, industriel...), cette valeur peut monter jusqu'à plus de 250 litres. Les choix effectués au niveau des équipements (voir chapitre 4) sont efficaces s'ils sont accompagnés d'actions de sensibilisation et d'information des occupants. Les réserves sont souvent insuffisantes dans les villes mêmes, et il est fait appel à des captages en zones rurales. Mais la qualité de ces eaux est 26S. et P. Déoux, L'écologie c'est la santé, Ed. Frison-Roche, Paris, 1993 27 Manuel d'écologie urbaine et domestique, Ed Le Vent du Chemin, St Denis, 1992 84 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement médiocre vu l'impact des activités agricoles, et la distance des captages tend à augmenter (elle atteint en moyenne 30 km, mais parfois plus de 100 km). Ces distances élevées risquent de diminuer le rendement du réseau, qui chute parfois à 70%, voire 50%. Ces limites rendent nécessaire une politique de réduction à la fois de la consommation et des pollutions. Durant certaines périodes critiques, il est nécessaire de recourir à certaines interdictions (lavage des voitures, arrosage des jardins et pelouses). A la consommation importante d'eau correspond un besoin élevé de traitement des eaux usées. Le taux de raccordement des eaux urbaines est également un indicateur de qualité (en moyenne, 57% des eaux urbaines ne sont pas traitées avant leur rejet dans la nature28). Les multiples causes de pollution (détergents, phosphates, effluents industriels) rendent les moyens actuels souvent insuffisants et de nouvelles techniques sont progressivement mises en œuvre. La qualité du traitement peut être évaluée par la demande chimique et biologique en oxygène (DCO et DBO), les taux de nitrates (limité en France à 40 mg/l, à 30 mg/l en Allemagne) et de phosphates (limité en France à 1 mg/l, à 2 mg/l en Allemagne). La DCO est limitée à 120 mg/l en France (130 en Allemagne), la DBO à 40 mg/l en France (30 en Allemagne). La collecte séparée des eaux de pluies réduit les débits à traiter, dans une proportion allant de 10 à 20%, et surtout diminue les pointes de débit. Le processus d'épuration, qui met en jeu des procédés mécaniques, chimiques et biologiques (bactériologiques), produit l'eau purifiée et les boues d'épuration. Ces boues, contenant environ 80% d'eau, sont séchées. Elles contiennent alors plus de 80% de matières organiques, et des éléments nutritifs (azote, phosphore et potassium), qui peuvent constituer des engrais. Mais elles contiennent aussi des métaux lourds comme le plomb, le cadmium et le mercure, provenant par exemple des gouttières mais surtout de procédés industriels (galvanisation...). C'est pourquoi le suivi des sols fertilisés par les boues d'épuration est nécessaire, et cette pratique est de moins en moins possible dans certains pays comme l'Allemagne. En France, la limite de concentration est de 300 mg/kg pour le plomb, 8 mg/kg pour le mercure et 15 mg/kg pour le cadmium. Les boues non utilisées pour la fertilisation sont alors considérées comme des déchets. En conclusion, les indicateurs doivent être définis avec précision, en décrivant la méthode de calcul associée, en explicitant l'unité de mesure, la périodicité de mise à jour souhaitée et effective, le producteur initial des données, l'organisme de diffusion et la population concernée. L'utilisation des systèmes d'information géographiques facilite la cartographie et la représentation spatiale des indicateurs environnementaux. 28Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 Les indicateurs environnementaux 85 Ils peuvent aussi fournir des données statistiques utilisables pour évaluer l'intérêt potentiel des mesures envisagées. Les tableaux de bord regroupent un certain nombre d'indicateurs par thèmes. Ils permettent de suivre l'évolution de la situation, d'évaluer l'efficacité des décisions prises (indicateurs de réponse) et d'élaborer des plans d'action en fonction des résultats mesurés. Des systèmes d’indicateurs, permettant une évaluation globale, ont été définis, citons par exemple : • l’ensemble d’indicateurs environnementaux considéré par l’OCDE29, structuré en indicateurs de pression, d’état et de réponses ; • les systèmes d’indicateurs définis par l’Agence Européenne de l’Environnement30, l’Institut Français de l’Environnement31 ; • des systèmes plus spécifiques au secteur du bâtiment ou à l’urbanisme (réseau thématique européen CRISP32, projet européen RESPECT33). 2.5 LES INDICATEURS ENVIRONNEMENTAUX ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE Le concept de développement durable apparaît aujourd'hui comme fédérateur, sans doute plus que l'idée de croissance zéro émise dans les années 60 pour protéger l'environnement. Si nous adoptons ce concept, nous sommes amenés à le décliner sur les différents secteurs économiques, et donc en particulier à étudier son application dans le secteur de la construction. Un maître d'ouvrage qui demanderait dans son programme de "construire un bâtiment qui répond aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs" ne faciliterait pas la tâche des maîtres d'œuvre. L'objectif est en effet si global qu'il est difficile à appliquer concrètement. Une proposition consiste à le décomposer en sous-problèmes, chaque sous-problème donnant lieu à des objectifs sur des critères spécifiques. 29 Towards sustainable development - environmental indicators, OECD, mars 1998 30 http://www.eea.eu.int/ 31 http://www.ifen.fr/ 32 cf. http://crisp.cstb.fr 33 cf. http://www.life-respect.org 86 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Une telle décomposition est arbitraire. Différentes structurations sont actuellement proposées34,35. Nous pouvons distinguer trois grands domaines : les aspects écologiques, économiques et socio-culturels. Pour chacun d'entre eux, une liste de critères est donnée dans le tableau 2.15 à titre d'exemple. TABLEAU 2.15 : CRITÈRES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE POUR LES BÂTIMENTS, EXEMPLE DE GRILLE Domaine Écologique Économique Socio-culturel Critères Ressources (énergie, eau, matières premières) Émissions dans l'air et dans l'eau (gaz à effet de serre, atteinte à la couche d'ozone, acidification, eutrophisation, toxicité sur l'homme, la faune et la flore) Déchets, radioactifs ou non Investissement Fonctionnement Entretien Maintenance Démantèlement Durabilité, valeur patrimoniale Fonctionnalité, adaptabilité Confort (visuel, thermique, acoustique, olfactif) Santé (cancers, autres maladies, accidents) Image Valorisation personnelle et emploi Interface avec les réseaux Les indicateurs environnementaux peuvent ainsi entrer dans une grille d’analyse plus large, incluant les aspects économiques et socioculturels. L’inconvénient est une subjectivité accrue dans les évaluations, en particulier dans les domaines socio-culturels et dans la pondération entre les critères, ainsi qu’un certain arbitraire dans le domaine économique. L’avantage est une plus grande compatibilité avec les processus de décision, qui prennent en compte nécessairement cette diversité de critères. Un processus d'amélioration de la qualité n'est pas figé, il s'agit d'une praxis36 au sens d'une pratique respectant l'autonomie des acteurs 34 Projet européen EASE (Education of architects on solar energy and environment), rapport final du projet ALTENER n° 4.1030/Z/98-340, Commission Européenne, DG TREN, août 2000 35 Club Bâtiville, Construire : quelques enjeux de demain, Cahiers du CSTB n° 3179, Décembre 1999 36 cf. C. Castoriadis, L'institution imaginaire de la société, Ed. du Seuil, 1975 Les indicateurs environnementaux 87 concernés, et donc appelée à se transformer et à faire surgir un nouveau savoir au cours de sa mise en œuvre. Il est donc envisageable de définir le type de grille présenté ci-dessus avec les acteurs concernés. Cette démarche correspond à l'idée de "gouvernance", qui apparaît de plus en plus comme une composante du développement durable, et qui peut être également reliée au principe de subsidiarité : faire correspondre chaque thématique avec le niveau décisionnel approprié (par exemple le réchauffement global avec le niveau planétaire, les pluies acides avec le niveau continental, la gestion des eaux usées avec le niveau municipal…) tout en respectant les intérêts et les points de vue des individus et des groupes concernés. 2.6 CONCLUSIONS DU CHAPITRE 2 Des indicateurs environnementaux et des systèmes d’indicateurs ont été élaborés. Les indicateurs permettent d’évaluer, en général de manière relative plutôt qu’absolue, les conséquences environnementales des décisions. Il est alors possible de comparer différents choix de manière à sélectionner les options minimisant les impacts environnementaux potentiels. Une telle évaluation n’est pas absolue, dans la mesure où la chaîne très complexe, et peut-être infinie, de causes et d’effets reste très largement inconnue (cf. le chapitre 1) : l’émission de gaz à effet de serre entraîne le réchauffement global du climat, mais les modèles actuels ne permettent pas de prédire les conséquences locales (tempêtes, inondations…), dont les effets (victimes, destruction de bâtiments) engendrent de nouvelles activités (reconstruction) et donc de nouveaux impacts environnementaux. Atteindre une évaluation absolue d’impacts environnementaux est donc hors de portée aujourd’hui et dans ce contexte, l’application du principe de précaution semble raisonnable. Les indicateurs environnementaux, en permettant l’évaluation d’effets potentiels, facilitent la prise en compte de ce principe dans les processus de décision. Les indicateurs ne doivent pas être utilisés isolément les uns des autres : ils forment des systèmes d’indicateurs. Les démarches de marketing ont souvent tendance à isoler un indicateur favorable à un produit. Bien entendu, il faut rester vigilant et exiger une information sur un ensemble cohérent et complet d’indicateurs, par exemple le système défini dans la norme AFNOR P01-01037. La priorité accordée à certains thèmes environnementaux, et donc aux indicateurs correspondants, relève d’engagements internationaux 37 AFNOR, normes expérimentales XP P-01-010-1 et 2, Qualité environnementale des produits de construction, Information sur les caractéristiques environnementales des produits de construction, partie 1 : méthodologie et modèle de déclaration des données, partie 2 : Cadre d'exploitation des caractéristiques environnementales pour application à un ouvrage donné, mai 2001 et avril 2002 88 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement (protection du climat, protection de la couche d’ozone), de réglementations régionales (qualité de l’air dans les villes, gestion des ressources en eau…) ou même de choix individuels (confort). L’un des enjeux du management environnemental sera de concilier ces différents niveaux dans un processus de décision impliquant tous les acteurs concernés. CHAPITRE III LES MÉTHODOLOGIES ET LES OUTILS PROFESSIONNELS La qualité environnementale est le fruit d'un travail d'équipe, réalisé dès les premières phases d'un projet de construction. En effet, les choix initiaux (choix de construire ou de rénover, choix du site, esquisse) déterminent les performances futures sur la durée de vie d'un bâtiment. Cette durée de vie étant élevée, les impacts générés durant la phase d’utilisation sont en général importants par rapport à des impacts ponctuels intervenant lors de la construction. Il est donc conseillé dans le présent chapitre de soigner les démarches de conception permettant de réduire les flux générés lors de l'utilisation d'un bâtiment : consommations d'eau et d'énergie (pour le chauffage, éventuellement la climatisation, l'éclairage, l'eau chaude et les appareils domestiques), transport, production de déchets d’activité. Une telle démarche implique de raisonner en coût global (incluant l'investissement mais aussi le fonctionnement) et non sur la seule base des coûts d'investissement. La notion de coût global environnemental inclut les "coûts externes", c'est-à-dire les coûts environnementaux supportés par la collectivité (impacts sur la santé, impacts au niveau planétaire, etc.). Une telle optimisation de l'intérêt collectif nécessite soit une réglementation (par exemple la réglementation thermique ou acoustique, l'interdiction des CFC, etc.), soit une taxation (taxe envisagée sur la consommation d'énergie ou l'émission de gaz à effet de serre), soit le volontarisme des acteurs, éventuellement renforcé par des labels (par exemple label Qualitel, label Solaire, label Haute Performance Energétique, etc.). La Haute Qualité Environnementale (HQE) est un concept en cours d'élaboration. Des recherches sont menées, à la fois au niveau théorique sur les méthodes d'évaluation et sur la réalisation de projets expérimentaux. Deux outils principaux ont été développés dans le domaine de l'environnement : l'analyse de cycle de vie (ACV) et l'évaluation de la performance environnementale (EPE). L'EPE s'applique à un organisme, avec en particulier des méthodes pour évaluer les conséquences sur l'environnement, et la santé des populations, d'une source de pollution (usine, centrale électrique, etc.) dont la localisation peut être connue. Ces méthodes ne sont pas adaptées à l’étude globale d’un bâtiment, où les sources de pollution sont multiples et pas toujours localisables : en phase de conception, un architecte ne sait en général pas dans quelle usine seront produits les matériaux utilisés par les entreprises. Par contre elles peuvent être employées pour l’analyse d’un site particulier de fabrication de 90 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement matériaux ou de composants. D’autre part, elles pourraient permettre d’évaluer les conséquences sur la santé des usagers d’un bâtiment, d’émissions issues de ce même bâtiment (revêtements, équipements, activités), mais ce type d’outil n’existe pas actuellement. L'analyse du cycle de vie (ACV) étudie les impacts sur l'environnement (milieux physiques, ressources naturelles et êtres vivants) d'un système comprenant l'ensemble des activités associées à un produit depuis l'extraction des matières premières jusqu'à l'élimination des déchets. Elle permet donc via la quantification de l'ensemble des échanges physiques entre un système et son environnement, d'évaluer sa contribution à différents effets sur l'environnement, de préciser et d'expliciter les choix de réduction des impacts. L'ACV peut de ce fait apporter une aide à la préparation ou l'évaluation d'une décision sous l'angle de ses impacts, pour un usage privé ou public. De plus, en présentant des résultats détaillés, l'analyse du cycle de vie donne des possibilités de modélisation qui permettent de rechercher les améliorations du bilan global en tenant compte, en outre, des évaluations techniques, économiques et sociales. Cet ouvrage présente à titre d’illustration le logiciel EQUER (analyse de cycle de vie des bâtiments), puis différents outils techniques, en particulier la simulation thermique dynamique et les calculs d'éclairage. La conception « bioclimatique » consiste, pour assurer les besoins "biologiques" (confort, santé), à tirer au mieux parti du climat afin de réduire les besoins en énergie, et donc les impacts correspondants. Le logiciel COMFIE a pour objectif d'aider à mettre en œuvre ces principes en permettant de prévoir le comportement thermique des bâtiments. Cette approche est complétée par la prise en compte d’aspects supplémentaires (eau, déchets, matériaux…), étudiés par l’analyse de cycle de vie. Après avoir exposé ces outils de base, nous donnons quelques pistes pour aborder la qualité environnementale à différentes phases d’un projet (programmation, conception, chantier, gestion). Avec 26 000 architectes, 10 000 personnes travaillant dans des bureaux d'études techniques et 2500 économistes de la construction, le secteur du bâtiment reste très diffus. C'est en partie ce qui explique la difficulté de diffuser les connaissances et de faire évoluer les pratiques : dans de petites structures, les outils et les méthodologies doivent être simples, ce qui entre en contradiction avec la variété des projets de construction et la complexité de ce secteur. Des démarches généralistes ont été développées pour aborder la qualité environnementale de manière globale, mais la volonté de simplifier chaque évaluation technique a rendu ces démarches plutôt superficielles. Quelques exemples seront présentés à la fin de ce chapitre, mais le chaînage d’outils plus précis dans un environnement de description géométrique de bâtiments (CAO) constitue une voie d’avenir plus satisfaisante. Le schéma Les méthodologies et les outils professionnels 91 suivant illustre cette approche, et permet de situer dans un cadre plus global les différentes contributions présentées dans ce chapitre. Evaluation des impacts environnementaux : analyse de cycle de vie Evaluation du confort visuel et des besoins d’éclairage : simulation visuelle Descripteur de bâtiment (CAO) Evaluation des impacts sur la santé et du confort olfactif : simulation aéraulique et évaluation de la performance environnementale Evaluation du confort thermique et des besoins de chauffage : simutation thermique Evaluation du confort acoustique : simulation acoustique Evaluation du coût global du projet : simulation économique 3.1 L’ANALYSE DE CYCLE DE VIE L'approche par analyse de cycle de vie (ACV) est adoptée le plus souvent au niveau international pour répondre au problème de l'évaluation des impacts environnementaux. Il s'agit d'étudier un produit, depuis sa fabrication, en prenant en compte ses composants et donc en remontant aux ressources puisées dans l'environnement, jusqu'à sa fin de vie, y compris le traitement des déchets ultimes créés, en passant par toutes les étapes de son utilisation. Cette méthode consiste à évaluer les aspects quantifiables de la qualité environnementale, et laisse donc de côté des aspects plus qualitatifs comme l'atteinte aux paysages. L'analyse de cycle de vie a été élaborée en premier lieu pour des produits industriels. Son application au secteur du bâtiment doit donc s'effectuer de manière prudente : chaque bâtiment est en général unique, et entretient des liens forts tant avec le site dans lequel il est intégré qu'avec ses occupants. D'autre part, certaines évaluations comme celle de la toxicité humaine sont encore très imprécises. Cette méthode semble cependant aujourd’hui être celle qui contient le moins possible 92 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement d'idéologie. Elle peut contribuer à améliorer la précision des outils plus simplifiés proposés aux professionnels. La méthode EQUER a été élaborée sur ces bases par une équipe comportant deux centres de recherche, le Centre d'énergétique de l'École des Mines et L'INERIS (Institut d'Évaluation des Risques Industriels) ainsi que des professionnels avec DUMEZ-GTM, l'agence d'architecture S'PACE et Pierre Diaz Pedregal Consultant. Le projet EQUER vise à développer un outil d'évaluation de la qualité environnementale des bâtiments, afin d'aider les acteurs à mieux cerner les conséquences de leurs choix. Un tel outil d'analyse est en effet utilisable par l'ensemble des professionnels du bâtiment. L'Architecte pourra mieux justifier son projet auprès du Maître d'Ouvrage, en présentant un bilan environnemental rigoureux. L'élargissement des missions des BET permettra une valorisation de leur statut dans l'équipe de construction. Les industriels pourront promouvoir de nouveaux produits, car un bilan global énergie-environnement constitue une évaluation pertinente d'un composant. La méthode pourrait également être utilisée pour constituer une base de connaissances sur la construction à faible impact environnemental, et pour mieux informer les occupants. Une analyse de cycle de vie se déroule en quatre phases1 : la définition des objectifs, l'inventaire, l'évaluation des impacts sur l'environnement et la recherche d'améliorations. Le principe général que nous suivons est d'améliorer la qualité de l'ambiance intérieure tout en réduisant les coûts environnementaux externes. Nous nous fixons ainsi un objectif fonctionnel - le bâtiment doit permettre un certain nombre d'activités pour lesquelles il est prévu, avec un certain niveau de confort, de qualité de la vie, etc.-, puis nous cherchons à minimiser l'impact environnemental en comparant des variantes répondant aux exigences fonctionnelles énoncées. Notre objet d'étude, l'unité fonctionnelle au sens de l'analyse de cycle de vie, est donc un bâtiment répondant à ces exigences et considéré sur une certaine durée. Les choix méthodologiques sont ensuite effectués, et la définition préalable du système étudié est essentielle. Celui-ci est déterminé par son unité fonctionnelle et ses frontières. Les règles pour la prise en compte des systèmes énergétiques et du transport doivent également être spécifiées ainsi que celles concernant l'affectation des flux de recyclage. L'étape suivante est l'inventaire, qui répertorie et quantifie les flux de matière et d'énergie qui entrent et sortent du système défini. L'évaluation des impacts sur l'environnement se fait ensuite par pondération et une recherche d'améliorations peut finalement être effectuée. 1 AFNOR, norme X 30-300, Analyse du cycle de vie, mars 1994 Les méthodologies et les outils professionnels 93 Du fait de la multitude des secteurs d'application, les analyses de cycle de vie doivent être adaptées à chaque étude en fonction des objectifs particuliers. Ceci exige une grande transparence pour les choix méthodologiques effectués (définition du problème posé, des fonctions étudiées, etc.) afin de permettre une interprétation adaptée des résultats. Quelques exemples d'application de l’ACV au secteur du bâtiment sont fournis au paragraphe 3.1.7 et au chapitre 5. 3.1.1 MÉTHODOLOGIE ADOPTÉE Le projet EQUER consiste à développer un outil de simulation simplifiée, permettant de modéliser la construction, l’utilisation, le renouvellement des composants et la déconstruction d’un bâtiment, en tenant compte de la réutilisation et du recyclage éventuels. Nous avons choisi de développer un outil informatique pour faciliter les comparaisons de variantes et ainsi constituer une aide à la décision. Les calculs sont basés sur la simulation numérique, pour représenter la réalité de manière plus précise. Un chaînage a été réalisé avec un outil de simulation thermique, COMFIE2 selon une approche issue de la recherche sur l’échange de données informatiques (norme STEP3). Ceci établit le lien entre l'analyse énergétique et l'analyse environnementale. Ainsi, l'énergie n'est plus perçue comme une simple quantité de kWh, mais appréhendée selon une série de critères environnementaux. D'autre part, l'énergie ne concerne pas que le chauffage ou l'éclairage : l'énergie récupérée dans un incinérateur couplé à un réseau de chaleur est prise en compte, ainsi que l'énergie nécessaire à la fabrication des matériaux de construction, au transport généré par le bâtiment ou à l'alimentation en eau potable. Enfin, des aspects non liés à l'énergie (gestion de l'eau, matériaux de construction...) sont pris en compte. Le champ de l'analyse s'est donc véritablement élargi et permet des études plus globales, dont nous donnons quelques exemples ensuite. Définition de l'unité fonctionnelle Nous considérons un bâtiment entier, dans une région donnée, sur une durée de vie fixée selon un usage donné (logement , tertiaire...), avec un certain nombre d'occupants, confortable et sain. La durée d’analyse peut être fixée par l’utilisateur selon le contexte. Une valeur par défaut de 80 ans est proposée. 2 Bruno Peuportier et Isabelle Blanc-Sommereux, Simulation tool with its expert interface for the thermal design of multizone buildings, International Journal of Solar Energy, 1990 vol. 8 pp 109-120 3 Bo-Christer Björk et Jeff Wix, An introduction to STEP, VTT (Technical research centre of Finland) and Wix McLelland Ltd, 1991 94 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Limites du système Outre le bâtiment, nous pouvons inclure les impacts induits par la fourniture d'énergie et d'eau, le traitement de l'eau et des déchets ainsi que le transport des matériaux et des personnes. De plus, nous prenons en compte les infrastructures de production d'énergie et de traitement de l'eau, car ces procédés peuvent être localisés dans le bâtiment lui-même, contrairement aux cas des infrastructures pour le transport et du traitement des déchets. Les limites du système dépendent de l’objectif de l’étude. Si l'objectif est de comparer différents sites pour une construction, il convient d'inclure les transports (par exemple domicile-travail), la gestion des déchets ménagers, les réseaux d'énergie (électricité, gaz, éventuellement chaleur...) et d'eau. Si l'étude se restreint à l'enveloppe et aux équipements du bâtiment, le transport des personnes peut être négligé si toutes les variantes comparées sont équivalentes de ce point de vue. Bilan et profil environnementaux Le calcul aboutit à quantifier les flux élémentaires sur le cycle de vie des bâtiments de manière à déterminer l'inventaire correspondant à l'unité fonctionnelle définie précédemment. Les sorties finales sont présentées sous la forme d'un profil environnemental, c'est-à-dire une liste d’indicateurs parmi ceux présentés au chapitre 2. 3.1.2 MODÉLISATION DU BÂTIMENT, UNE APPROCHE PAR OBJETS Diverses possibilités existent pour la description d'un bâtiment. Un groupe de travail étudie au sein de l'ISO une modélisation généraliste des bâtiments dans le cadre de la norme STEP. Certains éditeurs d’outils de CAO proposent des modèles orientés objets facilitant le chaînage avec des outils d’évaluation technique, en particulier au sein de l’Alliance Internationale pour l’Interopérabilité avec les classes d’objets IFCs (“ Industry Foundation Classes4 ”). Nous suivons ces évolutions afin de garder pour l’avenir la possibilité de chaînages avec des outils de CAO et d’autres outils techniques (thermique, acoustique, éclairage...). Mais comme aucun modèle standard n’est apparu pour le moment, nous avons élaboré un modèle adapté à l’ACV5, en distinguant : • les objets fabriqués en usine : produits (par exemple les briques, les parpaings...) et composants (blocs baies, murs sandwich...) ; 4 Patrice Poyet et Jean-Luc Monceyron, Les classes d’objets IFCs, finalités et mode d’emploi, Les Cahiers du CSTB, n°2986, octobre 1997 5 Bruno Peuportier, Bernd Polster and Isabelle Blanc Sommereux, Development of an object oriented model for the assessment of the environmental quality of buildings, First International Conference "Buildings and the environment", CIB, Watford, may 1994 Les méthodologies et les outils professionnels 95 • les objets construits sur site - les sous-systèmes (murs, pièces...), et le bâtiment lui-même ; • le chantier (construction, rénovation ou démolition). A chaque objet sont associés des procédés (transport, mise en œuvre, fonctionnement et maintenance, déconstruction) et un “ inventaire ” contenant l’ensemble des flux élémentaires associés : les ressources puisées dans l’environnement et les émissions générées. Une description précise de ce modèle est donnée par Bernd Polster6. Le modèle global comporte ainsi des entités correspondant aux objets techniques du bâtiment (matériaux, composants...), aux procédés (transport, processus énergétique, utilisation de l'eau, gestion des déchets...), au site (qualité de l'air ambiant, tri sélectif, transports collectifs...) et aux indicateurs environnementaux (inventaires, compteurs d'énergie et d'eau...). Une description complète des structures de données correspondantes a été établie sous les formalismes définis dans STEP, en particulier EXPRESS (cf. figure 3.1). Les objets sont regroupés dans des classes. Des sous-classes ont été définies pour permettre l'héritage de données ou de méthodes. Une classe très générale, "élément", contient la notion d'inventaire et certaines méthodes de comptabilité des impacts, communes à toutes les entités. La sous-classe des produits représente les constituants de base, qui ne peuvent pas être décomposés en sous-ensembles. Il s'agit par exemple des matériaux de base, utilisés pour la maçonnerie, les revêtements de murs, etc. La sous-classe des composants correspond à des objets fabriqués, en industrie ou sur place, par combinaison d'éléments plus simples. Elle comprend des objets comme les baies vitrées ou les protections solaires. Ces objets sont définis par leurs constituants de base, par des procédés (construction, démontage, recyclage partiel...). La sous-classe des sous-systèmes représente des objets plus complexes, formés de produits et/ou de composants, comme les parois ou les fondations. La notion de zone thermique est introduite pour faire le lien avec l'analyse énergétique. A une zone sont associées les consommations d'énergie, d'eau, la gestion des déchets ménagers. Enfin, le bâtiment et le chantier sont deux autres sous-classes comportant, outre leurs constituants, des données supplémentaires (occupation du sol, sources de bruit, processus spécifiques, etc.). 6 Bernd Polster , Contribution à l’étude de l’impact environnemental des bâtiments par analyse du cycle de vie, thèse de doctorat, Ecole des Mines de Paris, 1995 96 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Une telle structuration en objets permet de prendre en compte les résultats de travaux sur l'impact environnemental de matériaux ou composants de bâtiment (par exemple ceux effectués par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich, le ministère suisse de l’environnement BUWAL...). Figure 3.1 : Exemple de modèle de bâtiment, structuration des données 3.1.3 RECUEIL DES DONNÉES Un recensement des données disponibles sous forme d'inventaires a été effectué pour les matériaux de construction, l'énergie (kWh électrique, kWh thermique en sortie de chaudière...), les transports (tonne-km camion, personne-km en voiture individuelle...) et les déchets (incinérateur avec ou sans récupération de chaleur et/ou production d’électricité). Certaines données manquent dans notre base, en particulier sur l’assainissement des eaux usées et la fabrication de certains composants. Les inventaires des procédés prennent en compte les phases amont éventuelles : par exemple dans l’inventaire du kWh utile fourni par une chaudière à gaz, l’extraction et la distribution du gaz sont considérées. Les impacts liés aux infrastructures sont comptabilisés s’ils sont importants. Par exemple, les inventaires de transport tiennent compte de la construction et de l’entretien des réseaux, alors que les impacts de la construction des usines de fabrication des matériaux et composants sont considérés comme négligeables. Les déchets ménagers peuvent être recyclés ou incinérés, avec ou sans récupération de chaleur. L’inventaire correspondant est calculé en Les méthodologies et les outils professionnels 97 fonction de données fournies par l’utilisateur (rendement de la valorisation énergétique, énergie substituée...). Les inventaires utilisés par le logiciel EQUER sont issus des bases de données fournies par l’École polytechnique de Zürich et l’Université de Karlsruhe. Ils se présentent sous la forme de fichiers Excel dans lesquels chaque colonne contient les flux élémentaires correspondant à un procédé (fabrication d'un matériau, procédé énergétique...). Le nombre important de ces flux (environ 400) rend la manipulation de ces fichiers très lourde. Pour simplifier leur utilisation, nous passons par un stade intermédiaire dans lequel les inventaires sont stockés sous forme agrégée. Cette agrégation a pour but de condenser les informations en les regroupant par thèmes. Nous en considérons 12 pour l’instant (cf. le tableau 3.1). TABLEAU 3.1 : LISTE DES THÈMES ENVIRONNEMENTAUX CONSIDÉRÉS Liste des thèmes Epuisement des ressources Consommation d’énergie primaire Consommation d’eau Acidification Eutrophisation Réchauffement global (GWP100) Déchets non radioactifs Déchets radioactifs Odeurs Ecotoxicité aquatique Toxicité humaine Ozone photochimique (smog) Unités MJ kg kg SO2 eq, kg PO43- eq, kg CO2 eq, kg dm3 m3 m3 kg kg C2H4 eq, 3.1.4 DÉVELOPPEMENT LOGICIEL La description d'un bâtiment s'effectue à partir d'un logiciel existant (COMFIE, simulation thermique dynamique multizone, et interface PLEIADES7). Puis les consommations de chauffage (éventuellement de climatisation) calculées par le logiciel COMFIE sont transmises à EQUER, ainsi que toutes les données d’entrée nécessaires aux calculs thermiques comme la géométrie de l’enveloppe et sa constitution. Des variables supplémentaires sont demandées : consommation d’eau, gestion des déchets ménagers (tri du verre, du papier, mise en décharge ou incinération, éventuellement avec récupération d’énergie) et, si l’application le nécessite, distances de transport (domicile-travail, domicile-commerces...). 7 cf. http://www.izuba.fr 98 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Des valeurs par défaut permettent d'éviter la saisie de trop nombreux paramètres. Il s'agit par exemple de la consommation d'eau chaude et froide par personne selon le type de bâtiment (logement, tertiaire...), de la température d'eau chaude désirée, de la température d'eau froide en fonction de la latitude. Des valeurs par défaut sont définies de même dans les autres domaines (distances de transport vers le travail et les commerces en fonction du site - urbain, banlieue, rural, isolé -, mode de transport, etc.). La structure de données EQUER est alors constituée dans un fichier type STEP, où les valeurs des paramètres peuvent être modifiées si elles sont différentes des valeurs par défaut. A partir de ce fichier est créée automatiquement une structure d'objets représentant le bâtiment. Le calcul des inventaires peut alors être effectué grâce aux méthodes associées à chaque objet, selon les procédures de simulation présentées dans la figure 3.2. Dans cette première phase, les méthodes pour la construction et l'utilisation, incluant le transport, ont été développées. Le bâtiment est simulé sur la phase d'utilisation avec un pas de temps d'un an. Le remplacement des composants et/ou de leurs constituants éventuels est effectué automatiquement grâce à des compteurs d'âge inclus dans les objets. Figure 3.2 : Principe du calcul de l'inventaire général La sortie du logiciel est présentée sous forme d’éco-profil, avec la possibilité de visualiser la contribution de chaque phase (constructionutilisation-démolition) et de comparer jusqu’à 4 variantes d’un projet. Le profil environnemental issu de cette évaluation comporte un nombre assez grand d'indicateurs (de l'ordre d'une douzaine). Certaines méthodes sont proposées pour déduire un indicateur global de performance environnementale. Une approche consiste à pondérer les émissions en fonction des objectifs de réduction définis par les décideurs politiques, par exemple la méthode suisse des écopoints ou l'approche hollandaise Ecoindicator, basée sur l'hypothèse que les impacts sur l'homme Les méthodologies et les outils professionnels 99 ont un poids de 95%. Ces approches comportent toutes une part de subjectivité, et nous avons préféré pour le moment conserver un profil multi-indicateurs, que chaque décideur peut interpréter en fonction du contexte. La priorité accordée aux différents thèmes peut en effet varier selon les régions (qualité de l’air dans les zones très urbanisées, disponibilité de l’eau...) et selon la sensibilité des acteurs. 3.1.5 LIMITES DE LA MÉTHODOLOGIE L’ACV ne porte que sur les aspects quantifiables de la qualité environnementale. Les appréciations plus subjectives concernant l’esthétique ou la qualité de la vie ne sont donc pas abordées. En ce qui concerne la santé, l'indicateur de toxicité humaine est évalué en considérant la population totale du globe et une dilution moyenne des polluants dans l’atmosphère. Il ne dépend pas du lieu d’émission (densité de population, vents dominants...). Mais celui-ci n’est en général pas connu car un concepteur ne sait en général pas dans quelle usine les matériaux de construction qu’il prescrit seront fabriqués. Des indicateurs un peu plus détaillés sont proposés (émission de métaux lourds, émission de substances cancérigènes, smog d’hiver et smog d’été) mais ceci ne résout pas le problème de la localisation des émissions. Les indicateurs concernant la toxicité humaine correspondent donc, comme les autres indicateurs, à des effets (par exemple l’augmentation de la production d’ozone à basse altitude) et non à des impacts réels (nombre de maladies respiratoires générées ou aggravées). Pour une telle évaluation, il serait nécessaire d’inclure la qualité de l’air intérieur des bâtiments dans l’analyse, ce qui demanderait d’autres catégories de modèles (transferts de masse dans les revêtements de sol et de murs, mouvements d’air...). Une limite commune à l’ensemble des indicateurs est l’imprécision des évaluations. Il est souvent difficile de connaître la marge d’incertitude sur les données et les résultats, mais elle peut être élevée. Un premier niveau d’imprécision concerne l’évaluation des flux de matière et d’énergie (données d’inventaire). Un deuxième niveau concerne l’agrégation en effets (impacts potentiels), par exemple l’incertitude sur le potentiel de réchauffement global des gaz à effet de serre a été estimée à 35%. Enfin, un troisième niveau concernerait le passage des effets aux impacts. Ce niveau n’est pas envisagé ici car les modèles actuels ne le permettent pas. Il est permis d’espérer dans l’avenir une réduction de ces incertitudes. Une autre cause d’erreur est liée à la durée de la période d’analyse. Il est par exemple difficile de prévoir l’évolution des techniques de traitement de déchets, en particulier pour la démolition qui peut se produire dans une centaine d’années ou plus. Peut-être vaudrait-il mieux envisager une analyse stochastique, basée sur des scénarios affectés d’une probabilité. 100 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 3.1.6 EXEMPLE D'APPLICATION EXPÉRIMENTALE LORS DE L’EXPOSITION ÉCOLOGIS Le cahier des charges du concours EcoLogis spécifiait un certain nombre d’exigences de performance environnementale, afin de promouvoir l’application des engagements pris lors de la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement. Le logiciel EQUER, chaîné au logiciel de simulation thermique COMFIE, a été utilisé afin d’apporter une aide à la conception à l’équipe lauréate. Ceci a permis de tester l’opérationnalité de l’outil dans le cadre d’un projet expérimental. L’esquisse du lauréat (cf. figure 3.3) a été évaluée, puis des variantes ont été proposées, en particulier en ce qui concerne la conception de la véranda et le préchauffage d’air neuf. Figure 3.3 : Esquisse de la maison réalisée pour l'exposition ÉcoLogis Il a été conseillé de limiter les surfaces vitrées entre la véranda et le logement, et de choisir un double vitrage à basse émissivité. Une protection solaire appropriée a été ajoutée pour la fenêtre orientée ouest, et il a été conseillé de réduire la surface des lanterneaux préconisés pour tirer parti de l’éclairage naturel dans un couloir. Le logiciel n’a par contre pas permis de sélectionner des matériaux de construction sur la base d’analyses de cycle de vie. En effet, la sensibilité des performances à ce paramètre est faible (sauf pour des composants ayant une influence sur les flux, en particulier énergétiques) par rapport aux incertitudes sur les données et les indicateurs environnementaux. A l’issue de la phase de conception, une évaluation du projet final a été menée. La performance environnementale d’Écologis est donnée en valeur relative, par rapport à une référence représentant le standard actuel de la construction neuve en Ile de France. La maison de référence a été définie dans le cadre de l’ATEQUE (Atelier d'évaluation de la qualité environnementale des bâtiments, organisé au ministère du logement par le PUCA, Plan urbanisme, construction et architecture), en considérant : • les statistiques de l’INSEE sur les techniques employées dans la construction (type de maçonnerie, de menuiseries, de toiture, Les méthodologies et les outils professionnels 101 d’équipement de chauffage...) ; • une conception architecturale représentative (plans fournis par H. Pénicaud). Pour les deux maisons, un scénario d’utilisation moyen a été défini : chauffage à 19°C, taux de renouvellement d'air de 0,6 volume par heure, gains internes de 400 W, consommation d’eau froide (respectivement d'eau chaude, à 50°C) de 100 litres par personne et par jour (respectivement 40 litres), génération de déchets ménagers de 1 kg par habitant et par jour, dont 12% de verre et 30% de papier. Le transport domicile-travail n’a pas été considéré. Les résultats des calculs thermiques montrent que l’ouverture solaire supérieure d’ÉcoLogis, les vitrages à isolation renforcée et l’échangeur de chaleur sur la ventilation permettent une économie d’environ 20% en se rapportant à 1 m2 (ÉcoLogis a une surface supérieure à celle de la référence). Le profil comparatif ci-dessous est obtenu en considérant une économie de 50% sur le débit d’eau des équipements sanitaires, une économie de 7% sur la consommation d’électricité (liée à une réduction des besoins en éclairage) et un tri du papier (respectivement du verre) de 40% (respectivement 60%). Comparaison serre 1 autres déchets 0,8 énergie 0,6 0,4 0,2 déchets rad. Ecologis 0 eau acidification référence smog eutrophisation Figure 3.4 : Écoprofil de la maison ÉcoLogis relatif au standard actuel Le potentiel de réchauffement global, en ne considérant que les flux, est donc réduit d’environ 20%. Le bilan concernant les matériaux de construction est positif ou négatif selon les critères, et une validation plus poussée de l’outil est nécessaire avant de pouvoir apporter une conclusion définitive. Les études de sensibilité ont montré que la phase de construction a une influence très inférieure à la phase d’utilisation (de l’ordre de 10%), donc le bilan simplifié présenté ci-dessus est une assez bonne approximation du bilan détaillé. Il serait possible de réduire davantage l’impact environnemental par une optimisation thermique encore plus 102 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement poussée (cf. les maquettes élaborées par les autres lauréats), mais l’ÉcoLogis présenté à La Villette constitue une première étape d’amélioration par rapport à la référence. En ce qui concerne l’ambiance intérieure, les espaces sont bien éclairés, la protection acoustique a été étudiée, et la qualité de l’air est assurée par une ventilation adaptée. Seul le confort thermique est assez problématique, étant donnée la légèreté de la construction (il était impossible d’introduire des matériaux lourds sur le stand d’exposition), la présence de vitrages à exposition horizontale ou verticale ouest et l’absence de protection solaire. Une maison “ virtuelle ” pourrait être définie en dehors du contexte de l'exposition avec une inertie thermique supérieure, des vitrages bien orientés et des protections solaires adaptées. 3.1.7 PREMIÈRES ÉTUDES DE SENSIBILITÉ : CONTRIBUTIONS RELATIVES DES DIFFÉRENTES SOURCES D'IMPACT L’évaluation décrite précédemment a été menée pour une maison individuelle standard, en considérant des moyennes statistiques pour représenter un scénario d'occupation type. Le bâtiment considéré est une maison individuelle de 100 m2 située en Ile de France. Il s'agit d'une maison de plain pied, en béton (murs de 16 cm, dalle de 10 cm), isolée par l'extérieur (8 cm dans les murs, 14 cm en plafond, 5 cm sous la dalle), avec 10 m2 de vitrage au sud (doubles vitrages). Le chauffage des locaux et de l'eau est assuré par du gaz. La température de consigne pour le chauffage est constante (19°C), les besoins de chauffage sont alors de 8500 kWh/an. La durée d’analyse du bâtiment a été fixée à 80 ans. Le bâtiment est occupé 300 jours par an par une famille avec deux enfants. La consommation d'électricité (électroménager et éclairage) est de à 3200 kWh/an ce qui correspond à des équipements standards. L'inventaire du kWh électrique (éclairage...) correspond à la répartition française de 1996 entre filières (74% nucléaire, 14% hydraulique, 12% thermique). Des données moyennes sur les déchets ménagers (quantité et tri) ont été obtenues auprès de l'ADEME. La production de déchets ménagers est de 1 kg par personne et par jour, dont 12% de verre et 30% de papier. Dans le cas de référence, 20% du verre est trié. Les autres déchets sont incinérés sans récupération de chaleur. La consommation d’eau est de 140 litres par jour et par personne, dont 40 litres d’eau chaude. Les matériaux considérés dans le calcul simplifié présenté ici sont le béton, la laine de verre, le polystyrène, le verre et le bois (pour les menuiseries). Le remplacement des composants n’est pas pris en compte. Le transport des matériaux entre les sites de fabrication et le chantier a été considéré, avec une distance moyenne de 100 km. Le transport des personnes induit par la situation du bâtiment correspond pour la distance domicile-travail à une moyenne évaluée par Les méthodologies et les outils professionnels 103 l’INESTENE8, soit 12 km pour l'Ile de France (14 km en moyenne nationale). Cette distance est, dans le cas considéré, effectuée par deux personnes 230 jours par an, l’une en voiture individuelle et l’autre en train (statistiquement, la répartition modale en Ile de France serait de 60% pour les transports en commun et 30% pour la voiture individuelle). Il est intéressant d’évaluer, dans cette configuration type, la contribution relative des différentes sources d’impact. Cette répartition est différente pour chaque thème environnemental, ce qui peut être observé sur la figure 3.5. 1 0.9 0.8 0.7 transport 0.6 m atériaux 0.5 eau 0.4 déchets m énagers 0.3 eau chaude 0.2 électricité 0.1 chauffage ea dé u ch et s au ra tre d. s dé ch et s sm eu og tro ph is at io n en er gi ac e id ifi ca tio n G W P1 00 0 Figure 3.5 : Contribution des différentes sources d’impact au bilan global Dans ce cas, les trois sources principales d’émission de gaz à effet de serre sont l’incinération des déchets, le chauffage et le transport. Pour le thème « énergie primaire », la contribution de la production d’électricité est la plus importante. Les matériaux de construction ne jouent un rôle significatif qu’en ce qui concerne la production de déchets (lors de la démolition du bâtiment, de sa rénovation et dans une moindre mesure de sa construction). Comment améliorer le bilan écologique ? Après avoir évalué les performances d’une référence statistique, des variantes peuvent être comparées afin de rechercher des améliorations 8 Pierre Radanne, Laurence Moulin et Danielle Banneyx, Aménagement du territoire, mode d’habitat, mobilité quotidienne et environnement, INESTENE, 1994 104 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement possibles du bilan, à confort et à qualité de vie équivalents. Lorsque le thème de la construction écologique est abordé, les interlocuteurs nous questionnent souvent sur les « matériaux naturels ». Or la figure 3.5 montre que, dans le cas d'une construction standard actuelle, les matériaux ne contribuent que faiblement à la plupart des émissions. Même si la démarche de réduction des nuisances menée par certains fabricants est intéressante (recyclage, utilisation du bois pour réduire l’effet de serre...), nous avons axé nos priorités sur les sources d’impact les plus significatives. Les variantes considérées sont ainsi les suivantes. Réduction des émissions liées au transport domicile-travail Il est parfois possible de choisir son lieu de résidence pour limiter la distance domicile-travail, et/ou accéder plus facilement au réseau de transport en commun. A partir de l’exemple précédent et toutes choses égales par ailleurs, nous considérons une distance domicile-travail de 2 km et un déplacement en bus pour les 2 personnes (l’usage du vélo pourrait également être étudié, en intégrant l’impact lié à la construction des pistes cyclables). Réduction des besoins de chauffage La réglementation thermique a imposé par trois fois une réduction de 25% des besoins de chauffage des bâtiments (à surface chauffée constante). Mais elle ne s’applique qu’au chauffage des bâtiments neufs, et cette réduction a été compensée par une augmentation des autres dépenses énergétiques, en particulier pour l’électro-ménager. Une conception architecturale « bioclimatique » permet de réduire encore la consommation pour le chauffage (et dans une moindre mesure pour l’éclairage) en valorisant davantage les gains solaires. L’isolation par l’extérieur, l’emploi de vitrages bien orientés (sud-est à sud-ouest) et à isolation thermique renforcée, le préchauffage de l’air dans une véranda ou dans un échangeur sont des techniques bien au point. Ceci peut être complété par l’utilisation d’appareils économes (par exemple des lampes à basse consommation). Une économie de l’ordre de 40% sur les besoins de chauffage est alors tout à fait réaliste, c’est ce qui a été considéré dans la variante comparée. Il faut noter également qu’un logement collectif, équipé d’un chauffage bien conçu, consomme moins d’énergie pour le chauffage qu’une maison individuelle (car les parois extérieures et donc les déperditions sont réduites). En ce qui concerne l’effet de serre, nous avons comparé le chauffage au gaz à un chauffage électrique. Le chauffage électrique entraîne un pic de consommation d’hiver qui impose d’avoir recours à des centrales thermiques (les centrales nucléaires étant plus adaptées à un fonctionnement régulier sur l’année). Or le rendement d’une centrale est moins élevé que celui d’une chaudière. D’après notre calcul, le chauffage électrique ne réduit pas les émissions de gaz à effet de serre (même avec des centrales à gaz de Les méthodologies et les outils professionnels 105 rendement 60%, en supposant que les centrales nucléaires sont utilisées au moins 4000 heures par an). Tri des déchets ménagers Trier ses déchets est un acte quotidien qui semble relativement simple et réaliste. Nous avons donc défini une variante où les habitants trient 40% de leur papiers et cartons, et 60% du verre. La variante suppose également que l’incinérateur alimente un réseau de chaleur. Nous n’avons pas intégré ici le compost, ni la réduction de la consommation d’emballages, mais ces aspects pourraient être inclus également. Gestion de l’eau L’utilisation d’équipements sanitaires à débit réduit permet de baisser la consommation d’eau jusqu’à 50%. D’autre part, un chauffe-eau solaire peut fournir 40% des besoins énergétiques pour l’eau chaude sanitaire. En ce qui concerne la pollution de l’eau (rejets liquides, lessives, etc.), nous n’avons pas assez de données sur l’impact de l’assainissement pour pouvoir comparer des variantes sur le choix des lessives par exemple. D’autres variantes pourraient ainsi être définies, et la comparaison serait différente selon les climats, les modes de vie, le type de construction choisi. Mais l’exemple donné ici permet d’illustrer la démarche. Les résultats sont présentés dans la figure 3.6 pour le thème « effet de serre ». 700 600 500 diminution 400 du GWP 300 (t CO2 eq.) 200 DECHETS BIOCLIMATIQUE TRANSPORTS REFERENCE 0 DEBIT D'EAU + CES 100 Figure 3.6 : Réduction des émissions de gaz à effet de serre 106 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Ces résultats montrent qu’une réduction de plus de 40% des émissions de gaz à effet de serre est possible sans porter atteinte au niveau de confort d’un logement. Des techniques plus sophistiquées permettraient d’aller encore plus loin dans la démarche. Des projets de démonstration ont montré l’intérêt de systèmes de chauffage solaire, par exemple en utilisant des isolants transparents (lotissement « Aurore » dans les Ardennes) ou des planchers solaires directs (nombreux projets dans les Alpes). L’Institut Fraunhofer de Freiburg (RFA) expérimente même une maison à énergie zéro, chauffée par isolation transparente avec un appoint assuré par de l’hydrogène, produit l’été grâce à des panneaux photovoltaïques. Mais l’autonomie énergétique n’est pas forcément l’optimum environnemental, du fait de l’impact généré par la fabrication des systèmes. Les réseaux de chaleur (géothermie, bois énergie...) peuvent constituer des alternatives intéressantes. 3.1.8 NORMALISATION D'UN ÉCOPROFIL Dans les écoprofils présentés ci-dessus, les différents indicateurs sont représentés sur une échelle unique, en valeurs relatives entre 0 et 1. Ceci permet d'éviter les très grandes disparités sur les ordres de grandeur des différents résultats : par exemple pour le cycle de vie d'une maison standard, le potentiel de réchauffement global est de l'ordre de 600 tonnes d'équivalent CO2, alors que l'indicateur d'épuisement des ressources est de l'ordre de 10-8 et l'écotoxicité aquatique de l'ordre de 107, soit un facteur 1015 entre les indicateurs extrêmes. Le choix d'une échelle entre 0 et 1 permet de représenter les différents indicateurs sur un même diagramme. L'inconvénient est de donner la même importance aux différents indicateurs, quelle que soit la contribution du système étudié. Considérons par exemple une installation photovoltaïque de 3 kWc (kW crête, c'est-à-dire la puissance électrique fournie pour un ensoleillement de 1000 W/m2 et une température des modules de 25°C) raccordée au réseau (donc sans batterie). L'objectif de l'ACV est de comparer les impacts liés à la fabrication de ce système aux impacts évités grâce à la production d'électricité d'origine renouvelable. Pour simplifier, les étapes du cycle de vie sont les suivantes : • réduction de la silice pour obtenir du silicium ; • purification du silicium ; • moulage des lingots et sciage des plaquettes ; • fabrication des cellules photovoltaïques ; • fabrication des modules ; • montage et intégration au bâtiment ; • fabrication de l'onduleur (transformant le courant continu produit en courant alternatif) et de l'installation électrique ; Les méthodologies et les outils professionnels • utilisation et entretien du système ; • dépose et gestion des déchets. 107 Les substances puisées ou rejetées dans l'environnement sont comptabilisées sur chacune de ces étapes, puis un écoprofil est obtenu en agrégeant les valeurs selon les indicateurs définis précédemment. Les résultats sont les suivants. TABLEAU 3.2 : RÉSULTATS DE L'ANALYSE DE CYCLE DE VIE D'UN SYSTÈME PHOTOVOLTAÏQUE Thème effet de serre énergie primaire acidification smog eutrophisation eau déchets radioactifs autres déchets Unité kg CO2 kWh kg SO2 kg C2H4 kg PO43m3 dm3 kg éq, Fabrication 7 112 62 167 55,48 2,65 3,73 679 0,00047 3 798 Électricité produite Fin de vie -10557,2 95,54 -486470,4 6,1 -96,36 0,95 -1,17 0,23 -5,678 0,03 -920,6 3,263 -5,13 5,87E-06 -988,4 5553 Le rapport entre les valeurs pour l'électricité produite et la somme des indicateurs pour la fabrication et le démantèlement du système donne ce qui pourrait être appelé l'efficacité du système photovoltaïque sur son cycle de vie. Par exemple, la production d'énergie primaire correspondant à l'électricité produite est de 8 fois la consommation d'énergie primaire pour la fabrication et le démantèlement du système. Par contre, le système génère presque dix fois plus de déchets que ce qui correspond à sa production d'électricité, mais 10 000 fois moins de déchets radioactifs. L'ensemble de ces ratios est donné dans le tableau 3.3. TABLEAU 3.3 : BILAN D'UN SYSTÈME PV Thème effet de serre énergie primaire acidification smog eutrophisation eau déchets radioactifs autres déchets Impact évité/impact généré 1,46 7,82 1,71 0,41 1,51 1,35 10780 0,106 Dans ce tableau, l'efficacité du système est du même ordre pour l'effet de serre et pour l'eutrophisation : l'impact évité représente 1,5 fois l'impact généré. Or la production photovoltaïque réduit les émissions de gaz 108 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement à effet de serre d'environ 10 500 kg d'équivalent CO2 et l'eutrophisation d'environ 5,5 kg d'équivalent PO43-. Devons-nous accorder la même importance à ces deux faits ? Pour répondre partiellement à cette question, il est proposé de normaliser les émissions par rapport aux valeurs moyennes par habitant et par an. Par exemple, un habitant génère en moyenne en France 8 700 kg d'équivalent CO2 et 38 kg d'équivalent PO43-. L'effet de serre évité par la production d'électricité est alors supérieur à l'émission moyenne par habitant et par an, alors que l'entrophisation évitée correspond à 0,15 année-habitant. Les résultats sont visualisés sur la figure 3.7. Figure 3.7 : Impacts évités par un système PV en équivalents habitants L'intérêt de ce graphe est de faire ressortir les thèmes pour lesquels la contribution du système est négligeable : l'eutrophisation et le smog. Dans cet exemple, la production d'électricité permet de réduire globalement les émissions (l'équivalent de 10 années-habitant pour l'énergie primaire et les déchets radioactifs), à l'exception du thème des déchets solides (augmentation d'environ 0,8 année-habitant). Est-ce globalement bénéfique ? Pour répondre à cette question, il serait nécessaire de définir un poids relatif pour les différents indicateurs, par exemple accorder autant, ou plus, ou moins d'importance à l'effet de serre qu'aux déchets radioactifs, etc. ce qui comporte une part de subjectivité. Nous avons donc préféré nous arrêter à l'étape de normalisation des impacts. Les valeurs en année-habitant pour les différents indicateurs sont données dans le tableau 3.4, qui est basé sur des données de l'IFEN, du CITEPA, de l'ANDRA, de l'ADEME et du ministère de l'Industrie. Les méthodologies et les outils professionnels 109 TABLEAU 3.4 : IMPACTS MOYENS PAR HABITANTS ET PAR AN thème effet de serre Energie primaire acidification smog eutrophisation eau déchets radioactifs autres déchets unité kg CO2 kWh kg SO2 kg C2H4 kg PO43m3 dm3 kg éq, Année-habitant 8680 48670 62,3 19,7 38,1 339 0,51 10400 3.1.9 AUTRES OUTILS D'ANALYSE DE CYCLE DE VIE DES BÂTIMENTS La société ECOBILAN, dont l'équipe fait aujourd'hui partie du groupe PRICEWATERHOUSECOOPERS, a développé l'outil TEAM BATIMENT, qui permet d'effectuer l'analyse de cycle de vie d'un bâtiment connaissant les quantités de chaque matériau et les consommations énergétiques. Des outils similaires sont développés dans d'autres pays : LEGOE9 en RFA, ECOQUANTUM10 aux Pays Bas, ENVEST11 en Grande Bretagne, LCA HOUSE12 en Finlande, OGIP13 en Suisse, ATHENA14 au Canada et BEES15 aux USA. L'avantage de LEGOE est d'être chaîné à un logiciel de calcul des coûts de construction. L'avantage d'EQUER est de relier l'analyse de cycle de vie et la simulation thermique, ce qui facilite la comparaison de variantes de conception. Une étude comparative de différents outils européens est en cours dans le cadre du réseau thématique PRESCO (Practical recommendations for Sustainable Construction) coordonné par le Centre scientifique et technique de la construction en Belgique. De nombreux outils généralistes, intégrant certaines données de l'analyse de cycle de vie, ont été développés, ils sont présentés au paragraphe 3.7. 9 cf. http://www.legoe.de/ 10 cf. http://www.ivambv.uva.nl/uk/index.htm 11 cf. http://www.bre.co.uk/services/ENVEST.html 12 cf. http://www.vtt.fi/rte/projects/environ/ 13 cf. http://www.ogip.ch 14 cf. http://www.athenasmi.ca/ 15 cf. http://www.bfrl.nist.gov/oae/software/bees.html 110 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 3.1.10 CONCLUSIONS Les premières études de sensibilité ont montré la prépondérance des flux (énergie, eau, déchets ménagers) par rapport au rôle des matériaux constituant l’enveloppe des bâtiments actuellement construits, pour la plupart des indicateurs. La seule contribution importante concerne le thème des déchets. Mais ceci résulte de la définition des indicateurs environnementaux. Par exemple, l’indicateur d’épuisement des ressources est défini par rapport à la rareté au niveau planétaire des matières employées. Or peu de matériaux rares entrent dans la composition des bâtiments où des matières moins onéreuses sont préférées. L’indicateur d’épuisement des ressources est alors très faible, même si dans certains cas des pénuries locales sont à craindre (épuisement d’une carrière...). D’autre part, les indicateurs de toxicité humaine sont encore évalués avec une précision faible, et il n’est pas tenu compte de la localisation des émissions. Enfin, les incertitudes sur les données concernant la fabrication des matériaux sont encore élevées du fait de la complexité de l’analyse et de son actualisation dans le temps. Cette concomitance entre une faible sensibilité des résultats et une imprécision élevée sur les données et les indicateurs rend particulièrement délicate pour le moment l’application de l’analyse de cycle de vie au choix des matériaux de construction. A cette fin une amélioration de la précision des bases de donnée et l’amélioration des connaissances sur les indicateurs environnementaux (toxicité, changement climatique) seraient nécessaires. Par contre, l’application de l’analyse de cycle de vie pour l’évaluation simplifiée de la qualité environnementale, en considérant les flux de matière et d’énergie les plus significatifs, peut être menée dès à présent sur des projets en cours de conception, afin d’étudier et de comparer des améliorations du profil. Une optimisation basée sur l’analyse d’un écoprofil apporte alors des informations plus globales que la simple analyse énergétique menée jusqu’ici, et peut permettre des synthèses entre plusieurs composantes de la performance environnementale (par exemple le transport des personnes et l’exposition solaire lors du choix d’un site de construction ou d’une morphologie urbaine). L’analyse de cycle de vie complète donc utilement l’analyse énergétique effectuée jusqu’à présent. Le travail présenté ici a montré que la mise en œuvre de cette méthode est possible dans le secteur du bâtiment. L’identification des paramètres les plus influents et le recours à des valeurs par défaut pour les autres paramètres pourrait permettre de proposer des outils simplifiés aux professionnels. L’analyse de cycle de vie apparaît donc comme une méthode rigoureuse, évolutive et réaliste pour l’évaluation des aspects quantifiables de la qualité environnementale. Les méthodologies et les outils professionnels 111 3.2 LA SIMULATION THERMIQUE Les études de sensibilité présentées ci-dessus montrent l'importance des aspects énergétiques dans le bilan environnemental global d'un bâtiment. Nous présentons donc maintenant un outil permettant l'évaluation des besoins de chauffage et de climatisation. Afin de faciliter la mise en œuvre de solutions à faible impact par les concepteurs, cet outil intègre certaines techniques solaires. D'autre part, il est utile de compléter l'analyse thermique par l'évaluation du confort. C'est pourquoi une méthode de simulation, basée sur un modèle dynamique des bâtiments, a été choisie. Les modèles peuvent être "multizones" pour pouvoir décomposer le bâtiment en plusieurs espaces selon leurs fonctionnalités, leurs orientations, etc. Les techniques de réduction de modèles et de programmation orientée objets rendent la simulation dynamique en multizone accessible aux professionnels, Architectes ou BET. Un logiciel développé sur ces bases, COMFIE (de l'anglais comfy, confortable), tourne sur ordinateur personnel et macintosh. Il permet l'analyse thermique globale d'un bâtiment : calcul des besoins de chauffage/climatisation et évaluation du confort d'été. Le calcul consiste à réduire un modèle aux différences finies par analyse modale, les phénomènes non linéaires ou à paramètres variables étant introduits en phase de simulation. Plusieurs travaux de validation, expérimentale ou inter-modèles, ont été menés dans diverses configurations de bâtiments. Le logiciel a été utilisé dans plusieurs études, par exemple pour éviter la climatisation dans un bâtiment tertiaire, évaluer les performances de maisons bioclimatiques ou de toitures solaires, et tester de nouvelles technologies comme l'isolation transparente. 3.2.1 PRINCIPES DE LA MODÉLISATION Dans l'analyse thermique d'un bâtiment, un outil en dynamique est nécessaire pour modéliser le stockage de chaleur et évaluer les gains solaires utiles. C'est pourquoi la simulation a été choisie dans la plupart des modèles détaillés. Dans cette famille d'outils, les modèles aux différences finies sont les plus généraux car ils peuvent prendre en compte des phénomènes très variés. Développés sur micro-ordinateurs, de tels outils étaient auparavant limités au cas monozone (une température d'air unique dans tout le bâtiment). Par exemple le logiciel CASAMO16 correspond à cette catégorie. Grâce aux techniques de réduction de modèles, il est maintenant possible de décrire plus finement le bâtiment, en considérant plusieurs zones 16 Gabriel Watremez, Dominique Campana, François Neirac, Elaboration d'un logiciel sur micro ordinateur pour l'aide à la conception des bâtiments en pays tropicaux secs, rapport final REXCOOP, 1985 112 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement thermiques. Nous proposons ici une simulation simplifiée, dans laquelle un modèle aux différences finies a été réduit par analyse modale. Cette méthode a été initialement développée pour la mécanique avant d'avoir été appliquée à la thermique17. La théorie a été complétée18 pour donner lieu à diverses applications en thermique du bâtiment19. Les principaux phénomènes liés à l'évolution thermique des bâtiments peuvent être représentés ou approchés par des équations linéaires. Lorsqu'un tel système linéaire peut être isolé, il est possible d'appliquer l'analyse modale. La modélisation des phénomènes linéaires est alors simplifiée. Cette simplification est un peu coûteuse en temps calcul car il faut diagonaliser une matrice et effectuer un changement de base. Si le système linéaire ne varie pas ou si la période de simulation peut être découpée en un nombre restreint d'intervalles sur lesquels le système est invariable, l'investissement en temps est rentabilisé car la réduction du modèle accélère la simulation. Mais il existe aussi des phénomènes représentés par des équations non linéaires (par exemple la convection naturelle), et d'autre part le système linéaire peut être variable (la fermeture d'un volet augmente la résistance thermique d'une fenêtre). Nous avons donc séparé ces équations du système linéaire fixe, et nous les avons couplées en phase de simulation au modèle modal réduit. Pour assurer l'homogénéité de la modélisation, les phénomènes non linéaires ont été pris en compte par des équations simplifiées. 3.2.2 PRINCIPALES HYPOTHÈSES ET LIMITES DU MODÈLE Le modèle repose sur le concept de "zone thermique", sousensemble du bâtiment considéré à température homogène. Si dans le cas général, cette description est une bonne approximation de la réalité, le modèle ne convient plus pour des pièces de grande hauteur dans lesquelles l'air est stratifié (exemple des atriums). Dans le futur, il sera peut-être possible de diviser ces pièces en plusieurs zones (par exemple rez-dechaussée et mezzanine) et de considérer un échange d'air interzones calculé de manière simplifiée, mais cela n'est pas réalisé pour le moment. 17 C. Carter, A validation of the modal expansion method of modelling heat conduction in passive solar buildings, Solar Energy 23 n°6, 1979 18 Patrick Bacot, Alain Neveu, Jean Sicard, Analyse modale des phénomènes thermiques en régime variable dans le bâtiment, Revue Générale de Thermique, n°267, Paris, 1984 19 J.J. Salgon et A. Neveu, Application of modal analysis to modelisation of thermal bridges in buildings, Energy and buildings, october 1987 Les méthodologies et les outils professionnels 113 Les équations de mécanique des fluides ne sont pas intégrées dans notre démarche de simulation simplifiée. Les échanges d'air sont donc approchés par des corrélations20. Les infiltrations d'air ne sont pas calculées, car il faudrait connaître la distribution des vitesses et directions du vent sur le site même du bâtiment une fois construit, ce qui pose un problème. Des indications sont données pour évaluer les échanges d'air en fonction de la configuration. Les équipements sont définis uniquement par une puissance maximale, en chauffage et en climatisation, et par des températures de consigne. C'est donc exclusivement l'enveloppe qui est étudiée. L'objectif est de réaliser des économies à la source, sur les besoins énergétiques du bâtiment. Les transferts convectifs et radiatifs au niveau des surfaces des parois sont combinés dans un coefficient d'échange "h" unique. La conséquence est que la température de zone n'est pas une température d'air, mais se rapproche de la température résultante, pondération de la température d'air et des températures des parois. Cette température est un bon indicateur du confort thermique, et nous supposons que l'occupant règle le thermostat pour obtenir une température résultante confortable : il peut compenser un effet de paroi froide en augmentant un peu la consigne. C'est donc la température résultante qui est régulée et non la température d'air. Le rayonnement solaire entrant dans une zone par les vitrages est réparti sur les différentes parois opaques au prorata des surfaces, après avoir déduit, en fonction des facteurs d'absorption, la fraction redirigée vers l'extérieur. Ce rayonnement est donc considéré comme diffus, sans suivre la "tâche solaire". Il est difficile de savoir comment les espaces seront meublés, et en pratique le rayonnement direct est réfléchi par les meubles. La répartition du flux, considéré comme diffus, est donc sans doute une hypothèse assez réaliste. Comme nous l'avons vu au paragraphe précédent, les phénomènes non linéaires ou à paramètres variables sont découplés du système linéaire fixe. Cela peut introduire des écarts sur les dynamiques rapides. En fait, l'outil est utilisé en pratique avec un pas de temps d'une heure pour l'évaluation des besoins de chauffage/climatisation, et d'un quart d'heure à un dixième d'heure pour obtenir des profils de température plus précis (étude de l'intermittence ou du confort d'été). L'analyse n'est donc pas poussée jusqu'aux intervalles de temps très fins, des modèles plus détaillés seraient nécessaires. Les mécanismes de changement de phase ne sont pas pris en compte dans le modèle actuel, en ce qui concerne l'humidité ou le stockage par chaleur latente. La prise en compte de l'humidité pourrait se faire par des 20 Dominique Blay, Comportement et performance thermique d'un habitat bioclimatique à serre accolée, Bâtiment-Energie n°45, 1986 114 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement bilans enthalpiques pour chaque zone, d'une manière analogue à la prise en compte actuelle des échanges d'air. L'intégration de matériaux à changement de phase serait plus problématique, car leur couplage thermique avec le reste de l'enveloppe ne concerne pas uniquement la température de zone. En effet, ils peuvent être intégrés dans une paroi. Il est alors beaucoup plus difficile d'isoler le système linéaire traité par analyse modale. Des modèles simplifiés sont toutefois proposés dans la littérature, ils permettraient peut-être de déterminer les températures d'interface par itérations. Il ne semble donc pas que l'étape de réduction modale soit un frein pour la prise en compte des phénomènes complexes décrits ci-dessus, problèmes communs à tous les outils de simulation. Les avantages des modèles réduits en terme de réduction du temps de calcul permettent de décrire plus finement le bâtiment (nombre de zones) et/ou d'effectuer des études de sensibilité plus complètes. 3.2.3 ALGORITHME DE RÉSOLUTION La constitution d'un modèle aux différences finies est assez classique21, elle est menée ici pour chaque zone. Les parois sont décomposées, en mono-dimensionnel, en mailles sur lesquelles un bilan thermique est écrit en supposant la température uniforme. Pour que cette hypothèse d'uniformité ne s'écarte pas trop de la réalité, il faudrait en théorie découper en mailles très fines. Or l'objectif est de réaliser un outil sur des machines accessibles à la plupart des professionnels, ce qui impose des limites sur la taille du modèle. Le compromis choisi consiste à placer le petit nombre de mailles imposé par les contraintes informatiques de telle sorte que l'uniformité de la température soit maximale. La première idée est de ne pas regrouper dans une maille des couches de matériaux séparées par un isolant. Ensuite, le nombre de mailles doit être plus important dans les murs massifs que dans les cloisons légères. Enfin, les sorties sont les températures dans les différentes zones du bâtiment, et celles-ci sont plus influencées par les faces internes des parois, elles-mêmes influencées par les variations de puissance de chauffe (équipement régulé, intermittence...), que par les faces externes. La possibilité a alors été donnée, de définir des mailles plus fines à la surface interne de la paroi. Une raison géométrique r relie l'épaisseur des mailles successives : si e est l'épaisseur de la maille la plus interne, sa voisine a pour épaisseur r.e, la suivante r2.e, etc. La valeur de r peut être modifiée, comme celle du nombre n de mailles placées dans les murs massifs. Étant définies en fonction de n et r, les mailles ne correspondent en général pas à des couches de matériaux. Les propriétés physiques des 21 Alain Neveu, Etude d'un code de calcul d'évolution thermique d'une enveloppe de bâtiment, Doctorate Thesis, University Paris VI, 1984 Les méthodologies et les outils professionnels 115 différents matériaux constituant une maille sont alors combinées : les inerties et les résistances thermiques sont additionnées. Nous disposons donc d'un mailleur paramétrable (en fonction de n et de r), ce qui permet de construire des modèles plus ou moins fins. Ce maillage peut être qualifié d'automatique : les parois sont "auscultées" pour déterminer le nombre de mailles et leur disposition, donc l'utilisateur n'a pas besoin de définir lui-même ces choix. Diverses valeurs de n et r ont été comparées22. Pour divers types de murs, il apparaît que trois mailles sont suffisantes pour obtenir des résultats quasiment identiques (au dixième de degré près) à une référence correspondant à 20 mailles. La valeur de r est peu influente, une valeur de trois a également été choisie. Une paroi interne à une zone est divisée en mailles de manière analogue, avec une légère différence s'il n'y a pas d'isolant ou si les deux parties séparées par l'isolant sont toutes les deux légères ou toutes les deux massives. Dans ces trois cas, tous les matériaux de la paroi sont regroupés en un matériau unique équivalent, divisé en deux parties symétriques. Le plan central est considéré comme adiabatique. N nœuds sont alors placés dans l'une des deux moitiés, avec une condition de flux nul au niveau du plan médian. Cela permet d'accroître la précision pour un nombre de mailles donné. Il n'y a jamais de maille dans les isolants, car leur capacité thermique est considérée comme négligeable par rapport à celle des autres matériaux. Un isolant est donc modélisé simplement par une résistance thermique. Aucune maille n'est placée dans un vitrage : la surface des vitres est grande comparée à leur volume, et le régime permanent est supposé atteint rapidement dans ces composants. La résistance thermique variable liée à l'usage des occultations (stores, volets...) est prise en compte au niveau de la simulation, en introduisant une puissance de chauffe équivalente à la diminution des déperditions. L'air, le mobilier et les cloisons légères éventuelles contenu(e)s dans la zone sont regroupé(e)s dans une maille unique. En effet, le volume des meubles est supposé petit par rapport à leur surface d'échange, et ils sont considérés comme quasiment à la température de la zone. Durant le maillage, les sollicitations sont répertoriées pour permettre leur calcul horaire ultérieur à partir des rayonnements global 22 Bruno Peuportier, Isabelle Blanc Sommereux, Simulation tool with its expert interface for the thermal design of multizone buildings, International Journal of Solar Energy, 1988 116 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement horizontal et diffus. Le climat est représenté par des SRYs (Short Reference Years) de huit semaines, deux par saison23. L'utilisateur peut cependant utiliser un autre type de fichier, par exemple une "Test Reference Year", à condition de respecter un certain format. Chaque modèle de zone est ensuite réduit par analyse modale. Les études de validation (cf. ci-dessous) montrent que trois modes suffisent pour rendre compte du comportement dynamique des zones. Le premier mode, associé à la plus grande constante de temps, représente l'évolution vers le régime permanent. Les deux autres sont représentatifs de dynamiques plus rapides, associées par exemple à des variations quotidiennes d'ensoleillement, à une puissance de chauffe régulée, etc. Les modèles réduits sont alors couplés24. Il s'agit de rassembler les sous-systèmes matriciels de chaque zone en un modèle global de bâtiment. Les sollicitations externes sont séparées des températures d'interface, qui constituent les variables de couplage. Le système global est ensuite intégré selon le pas de temps donné par l'utilisateur (en pratique de 6 minutes à une heure), et les variables de couplage sont éliminées. Les phénomènes non linéaires et/ou variables sont couplés à ce modèle modal global grâce aux sollicitations de puissances injectées dans les différentes zones. Les échanges par ventilation, par exemple, sont donc ajoutés à la puissance de chauffage, aux apports internes et à la chaleur cédée par les occupants pour constituer une sollicitation unique pour chaque zone. 3.2.4 DÉVELOPPEMENT INFORMATIQUE Le logiciel est écrit en langage Pascal avec deux versions, pour Windows et Macintosh. Le calcul décrit plus haut dure moins d'une minute par zone, sur une saison de chauffe représentée par six semaines types. Pour faciliter l'utilisation du logiciel, le bâtiment est décrit sous la forme d'une structure d'objets reliés par des pointeurs. Les composants de base, matériaux, vitrages, revêtements de murs... sont combinés pour former des structures plus complexes : parois, zones, bâtiment entier. Le comportement des occupants, lié à l'utilisation du bâtiment (habitations, bureaux...), est défini dans un scénario d'occupation, contenant les profils de températures de consigne, de ventilation et de gains internes pour chaque jour de la semaine. 23 H. Lund, Short Reference Years and Test Reference Years for EEC countries, EEC Contract ESF-029-DK, 1985 24 Isabelle Blanc Sommereux, Gilles Lefebvre, Simulation de bâtiment multizone par couplage de modèles modaux réduits, CVC, n°5, mai 1989 Les méthodologies et les outils professionnels 117 Figure 3.8 : Exemple de modèle de bâtiment pour l'analyse thermique Chaque objet est relié aux autres par un pointeur : une zone thermique contient des pointeurs sur ses parois, chaque paroi contenant ellemême des pointeurs sur des vitrages, des masques, etc. La description d'un projet peut être plus ou moins complexe : une grande façade par exemple peut être découpée en plusieurs parois de zone pour évaluer plus précisément l'effet d'un masque. L'intérêt d'une telle structure est de faciliter la modification, l'addition, la suppression ou le remplacement d'un objet à n'importe quel niveau. Cette modification est structurée : si un matériau est modifié, cette modification se propage automatiquement dans toutes les compositions de parois concernées. Par exemple, le béton est remplacé par de la brique dans tout le bâtiment. Mais il est aussi possible de ne modifier que l'une des compositions, toutes les parois constituées par cette composition seront alors modifiées : par exemple, le béton est remplacé par de la brique dans la composition "murs", mais les dalles ne sont pas modifiées. Enfin, une seule paroi peut être modifiée en remplaçant sa composition par une autre : le béton est remplacé par de la brique uniquement dans la façade sud. Grâce à cette grammaire, il est très facile de comparer des variantes de conception, et donc d'affiner une esquisse en prenant en compte l'analyse thermique. 118 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Une "interface experte", premier prototype encore très sommaire, propose dans COMFIE quelques pistes pour l'analyse25. Dans le module "déperditions thermiques", le coefficient de pertes est calculé pour chaque zone et pour le bâtiment entier. L'utilisation de la matrice statique permet de prendre en compte le multizone, en particulier les espaces tampons. Les principales causes des déperditions sont données (paroi la moins isolée, vitrage le plus déperditif, taux de renouvellement d'air le plus élevé) et des modifications sont proposées, que l'utilisateur peut tester ou rejeter. Après le test, il est possible de revenir à la version précédente du projet si la modification n'est pas satisfaisante. Figure 3.9 : Exemple de structure d'un logiciel d'analyse thermique Le module "gains solaires" propose une étude de sensibilité sur la surface des vitrages au sud, et calcule la surface équivalente sud. Le module "confort d'été" permet de tester un accroissement de l'inertie des parois sud, 25 Isabelle Blanc Sommereux, Bruno Peuportier, A bioclimatic design aid based on multizone simulation, ISES Conference, Denver, 1991 Les méthodologies et les outils professionnels 119 d'évaluer l'effet d'une ventilation nocturne, et le rôle de divers types de masques (casquette, végétation, store). Le module "multizone" donne quelques indications sur l'agencement des différentes ambiances thermiques, afin de choisir leur exposition solaire en fonction de leur utilisation. Le graphe de ventilation est également étudié pour minimiser les irréversibilités thermodynamiques. Chaque module fait appel à des calculs de niveau de complexité approprié (cf. figure 3.9) : simple analyse de la structure de données (module "multizone"), calcul de paramètres synthétiques (modules "déperditions" et "gains solaires"), simulation (module "confort d'été", calcul des besoins de chauffage). 3.2.5 VALIDATION DES CALCULS Plusieurs études de validation ont eu lieu pour tester l'ensemble des hypothèses de la simulation simplifiée, et en particulier la réduction des modèles. Le logiciel européen de simulation détaillée ESP26 a constitué notre principale référence, ainsi que plusieurs résultats expérimentaux : • comparaison avec des mesures expérimentales sur cellule test PASSYS à l'Université de Stuttgart27 ; • comparaison avec ESP dans le cas d'une véranda, par Santi Vitale (ENEL, Italie) ; • comparaison des consommations énergétiques annuelles par rapport à d'autres outils simplifiés (SUNCODE, APACHE) et étude de sensibilité sur la surface vitrée sud, effectuée par John Littler (Polytechnic of Central London, Grande Bretagne) ; • validation dans le cas de l'isolation transparente28. L'exemple de la figure 3.10 concerne l'une des maisons du lotissement solaire Aurore, décrites au chapitre 5, où une technique d'isolation transparente a été mise en œuvre en façade sud. Les températures obtenues avec COMFIE sont comparées aux valeurs données par le modèle détaillé ESP. La représentation graphique est sous forme d'histogramme : l'ordonnée est égale au nombre d'heures durant lesquelles la température du logement se trouve dans l'intervalle de température figurant en abscisse. 26 J.A. Clarke, Energy simulation in building design, Adam Hilger Ltd, Bristol and Boston, 1985 27 Bruno Peuportier, Validation of COMFIE, Rapport C.E.C., Université de Stuttgart (I.T.W.), 1989 28 Bernd Polster, Design of transparently insulated solar buildings, Diplomarbeit, 1991 120 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Figure 3.10 : Exemple d'histogramme comparatif (cas d'une maison à isolation transparente) Une validation a également été menée pour tester les corrélations concernant les échanges par convection naturelle dans une véranda accolée à une cellule test au Centre d'études nucléaires de Cadarache (figure 3.11). La simulation donne des valeurs un peu plus élevées que les mesures, surtout pendant les nuits sans nuage. Une explication est la modélisation simplifiée des pertes radiatives vers le ciel : la température du ciel est approchée par la température ambiante dans le modèle, alors qu'elle est en réalité plus basse, surtout en l'absence de nuages. Figure 3.11 : comparaison entre simulation et mesure (cas d'une véranda) Les méthodologies et les outils professionnels 121 Une étude plus systématique est proposée dans une norme ASHRAE (association américaine des ingénieurs du chauffage et du conditionnement d'air). Le logiciel étudié est comparé à 8 autres logiciels (TRNSYS, DOE, SUNREL, ESP…) sur une trentaine de cas. Chaque cas correspond à une variation d'un paramètre (par exemple l'orientation du bâtiment, le facteur de réflexion des murs…). Cette série de tests permet de vérifier la sensibilité du modèle aux différents paramètres. Les résultats obtenus pour le logiciel COMFIE sont représentés sur la figure 3.12. 14000 12000 10000 COMFIE 8000 TRNSYS 6000 DOE2 4000 2000 0 0 5 10 15 20 25 30 35 Figure 3.12 : Comparaison entre différents outils de simulation Les valeurs obtenues par COMFIE sont en général assez proches du maximum de l'intervalle formé par les résultats des autres logiciels. Dans l'ensemble, la sensibilité correspond bien à celle des autres logiciels, sauf dans trois cas (195, 200 et 215) où l'émissivité du côté extérieur des murs est très faible (ce qui est peu fréquent en pratique). Il faut noter que seul le résultat d'ESP est disponible pour ces trois cas. Le modèle est donc jugé suffisamment fiable par rapport à son usage. Les principales conclusions de ces études sont les suivantes. Certaines hypothèses simplificatrices affectent peu la précision des calculs, par exemple le fait de négliger l'inertie des vitrages et même des isolants transparents, de combiner les échanges convectifs et radiatifs, de considérer le rayonnement solaire transmis par les vitrages comme diffus, ou de réduire à trois le nombre de modes dans les modèles réduits. La comparaison entre TRY (Test Reference Year, année entière) et SRY (huit semaines types) donne les résultats suivants. L'écart sur les valeurs absolues des besoins annuels de chauffage se situe entre 2 et 4%, mais l'écart est de 10% en valeur relative lors du calcul de la productivité d'un mur solaire par différence entre deux valeurs absolues. Pour augmenter la précision, une simulation sur une TRY peut être effectuée, mais la durée du calcul est augmentée. 122 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 3.2.6 QUELQUES APPLICATIONS DU LOGICIEL L'étude thermique du lotissement solaire "Aurore" à Mouzon (Architecte : Jacques Michel) a permis de comparer divers types de murs solaires et d'évaluer l'intérêt des isolants transparents29 pour des murs Trombe et des toitures solaires. Une comparaison sera effectuée entre les simulations et les résultats des mesures sur site. Une étude de sensibilité a été menée pour divers paramètres de conception : les performances du matériau isolant transparent, la surface absorbante, la maçonnerie, l'orientation et l'inclinaison du composant solaire (cf. chapitre 5). D'autres maisons bioclimatiques ont été étudiées (Architecte : Henri Mouette). Si la maçonnerie est relativement lourde, les gains directs ou les toitures solaires peuvent diminuer les besoins de moitié. Figure 3.13 : Coupe d'un mur à isolation transparente Dans l'exemple de la figure 3.14, l'air pulsé chauffant le bâtiment circule dans la véranda et dans les capteurs formés par une couverture transparente en toiture. L'air neuf est éventuellement préchauffé dans la véranda. La maçonnerie assez lourde permet de stocker l'énergie et d'amortir les surchauffes, la maison est alors très confortable. 29 J. Schmid, A. Goetzberger, New components for façades with environmentally controlled thermal properties, European Conference on Architecture, Munich, 1987 Les méthodologies et les outils professionnels 123 Figure 3.14 : Exemple de chauffage solaire à air (véranda et capteurs) Un groupe scolaire avec atrium, dont la conception bioclimatique a été assurée par l'Architecte Jean Bouillot, a été étudié avec six zones thermiques : classes primaires, maternelles, salles de repos et d'exercice, atrium, locaux techniques. L'étude a porté sur la répartition de l'inertie thermique, la conception de l'atrium et des volets réfléchissants. Selon ces calculs, les apports solaires compensent près de 30% des déperditions (renouvellement d'air important dans les classes). Dans un bâtiment du Comité International de la Croix Rouge à Genève (Concepteur Elio Marcacci), la climatisation a pu être évitée dans les bureaux en tirant parti de la fraîcheur du sous-sol, servant au stockage des médicaments, et grâce à des stores placés sur la toiture. Pour ce même bâtiment, une méthode de corrélation prédisait une température de 32°C dans les bureaux, ce qui imposait le recours à un système de climatisation. Dans un autre bâtiment (la Cité des Sciences et de l'Industrie), l'utilisation d'un logiciel très complet sur les équipements a permis une étude approfondie des systèmes, mais l'enveloppe a été négligée. Une étude axée sur l'enveloppe aurait montré l'importance des gains par les vitrages, et les besoins de climatisation (supérieurs aux besoins de chauffage) auraient sans doute pu être réduits grâce à des occultations appropriées. Des méthodes trop simplistes, ou axées sur les équipements, renforcent donc la tendance actuelle où les conséquences thermiques des choix architecturaux sont négligées. Il en découle un gaspillage, même avec des équipements gérés au mieux. Il faudrait au contraire favoriser au niveau de la conception architecturale, dès l'esquisse, un meilleur équilibre entre l'esthétique et le fonctionnel, et les logiciels ont également un rôle à jouer dans ce domaine. 124 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 3.2.7 L’INTERFACE UTILISATEURS La saisie des données et la mise en forme des résultats dans un rapport d’étude nécessitent du temps, et il est essentiel de faciliter ces travaux, sinon les outils ne seraient pas compatibles avec les contraintes de temps imposées dans la pratique professionnelle. D’autre part, des utilitaires graphiques peuvent être utiles pour visualiser certains paramètres (rayonnement solaire et effets de masques) ou certains résultats (profils de température). Ainsi, le logiciel COMFIE présenté précédemment a été complété par une interface nommée PLEIADES30, illustrée ci-dessous par quelques exemples. Étude d’un site Des bâtiments voisins, des arbres, ou le relief peuvent constituer des masques et bloquer le rayonnement solaire direct à certaines heures de la journée et à certaines saison. Un diagramme comme celui de la figure 3.15 permet d’évaluer ces effets de masques. Bâtiment HLM ombré par une tour sud-est Visualisation des masques Figure 3.15 : Évaluation de l'efficacité d'une protection solaire (logiciel PLEIADES) Ce type de représentation peut par exemple aider à évaluer la possibilité d’installer des capteurs solaires à l’emplacement considéré : dans le cas ci-dessus, une tour de 18 étages constitue un masque au sud-est, mais le diagramme montre que l’effet de masque est réduit à quelques heures sur deux mois. L’installation d’un système d’eau chaude solaire collective est alors possible. 30 cf. http://www.izuba.fr Les méthodologies et les outils professionnels 125 Étude d’une protection solaire L’exemple choisi ici concerne une protection horizontale (casquette) située au dessus d’une fenêtre. L’objectif est de réduire le rayonnement solaire l’été, mais le moins possible durant la saison de chauffe. Le diagramme ci-dessous permet d’évaluer la réduction du rayonnement (différence entre la courbe foncée, rayonnement incident, et la courbe claire, rayonnement transmis) pour chaque mois. Figure 3.16 : Évaluation de l'efficacité d'une protection solaire (logiciel PLEIADES) En façade sud, l'ensoleillement par ciel clair (courbe foncée) est minimal l'été et important l'hiver, quand il est utile; la casquette est très efficace pour diminuer le rayonnement d'été sans pénaliser les apports d'hiver. Une étude de sensibilité portant sur la largeur de la casquette peut aider à dimensionner ce paramètre. Profils et histogrammes de température Les profils de température permettent de vérifier que le niveau de confort thermique souhaité est atteint, par exemple pour des bureaux dans le cas du passage d’un ralenti de nuit à une consigne de jour. Les histogrammes de température fournissent une représentation synthétique des températures sur une saison, et permettent de visualiser le nombre d’heures d’inconfort. La simulation thermique permet aussi d'évaluer les risques de surchauffe, en particulier dans une zone exposée au rayonnement solaire. La figure 3.17 correspond au cas d'un balcon vitré, attenant à un séjour. 126 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Dans cet exemple, la courbe de température dans les balcons vitrés (correspondant aux variations les plus fortes) fait apparaître un léger risque de surchauffe. Les zones sud et nord du logement (cf. les deux autres courbes) restent confortables durant la période de simulation considérée. Figure 3.17 : Profil de température (logiciel PLEIADES) Études de sensibilité En phase de conception, il est souvent utile de comparer des variantes afin d'effectuer certains choix. L'interface PLEIADES permet de choisir un paramètre, une plage et un pas de variation puis d'obtenir une courbe pour une sortie : par exemple la courbe de la figure 3.18 montre la variation des besoins de chauffage d'un bâtiment de logements en fonction de l'épaisseur d'isolation des murs, qui varie de 1 à 20 cm. Ces représentations graphiques peuvent être intégrées dans un rapport d’étude, qui comprend également la description de l’ensemble des paramètres d’entrée, générée automatiquement par le logiciel. Variation des besoins de chauffage en fonction de l'épaisseur d'isolant dans les façades Besoins de chauffage (kWh) 75 000 70 000 65 000 60 000 55 000 50 000 45 000 40 000 35 000 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0 essai1-1 essai1-4 essai1-7 essai1-10 essai1-13 essai1-16 essai1-19 Les besoins de chauffage diminuent fortement grâce aux premiers centimètres d'isolation, mais l'influence de l'épaisseur d'isolant diminue ensuite : passer de 15 à 20 cm fait très peu varier le résultat. Figure 3.18 : Analyse de sensibilité (logiciel PLEIADES) Ce type d’interface rend la simulation accessible aux professionnels, car l’étude d’un bâtiment prend quelques heures, ce qui correspond au temps disponible pour ce type d’évaluation dans le budget d’un projet. Les méthodologies et les outils professionnels 127 3.3 LES CALCULS D'ÉCLAIRAGE Les consommations liées à l'éclairage constituent une proportion significative des besoins globaux en énergie dans la plupart des bâtiments, et en particulier dans les locaux non domestiques tels que les bureaux, tandis que les besoins de chauffage sont relativement bas en raison des apports internes plus élevés (personnes, ordinateurs...). La surchauffe est souvent un problème, et les apports dus à l'éclairage artificiel forment souvent une part significative de la charge de refroidissement. La conception bioclimatique vise à réduire la demande en énergie de chauffage et éclairage grâce à la valorisation des gains solaires, tout en minimisant les problèmes de surchauffe causés par une pénétration excessive des rayonnements solaires. Un modèle de simulation traitant à la fois du chauffage solaire et des conséquences thermiques de l'éclairage est donc nécessaire afin d'étudier les bénéfices du chauffage et de l'éclairage solaire passif, et d'optimiser la taille et l'orientation des ouvertures. Nous présentons ici le couplage entre le logiciel COMFIE et une analyse de l'éclairage des projets étudiés, c'est-à-dire l'évaluation du niveau de confort visuel en éclairage naturel et de la consommation énergétique due à l'éclairage artificiel. COMFIE doit sa rapidité d'exécution et sa simplicité d'utilisation aux approximations qui permettent d'éviter une description géométrique complète du bâtiment, et nous adoptons la même approche pour les calculs d'éclairage. Nous avons alors choisi de réaliser une simulation simple de l'éclairement heure par heure dans un bâtiment. Le comportement thermique des bâtiments est analysé après découpage par zones. Ces zones regroupent des pièces supposées de comportement homogène, et sont définies par la surface, l'orientation, et la composition des surfaces qui en forment les frontières, et par la taille (longueur et largeur) de surfaces vitrées présentes sur chaque surface. Nous chercherons donc à garder la même structure pour ces objets définissant le bâtiment, bien que dans certains cas l'analyse de l'éclairage exige un découpage des zones en pièces. Le calcul inclut les étapes suivantes : • la détermination du flux lumineux solaire incident ; • la modélisation de la transmission de ce flux dans la zone ; • le calcul de l'éclairement interne naturel sur un nombre raisonnable de fractions de la surface de travail étudiée dans la zone ; • l'utilisation de l'éclairage artificiel ; • le confort visuel (éclairage naturel des espaces) et la consommation énergétique pour l’éclairage. 128 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 3.3.1 LA LUMIÈRE Nature de la lumière La théorie de la lumière a fait éclore au début de ce siècle la notion de "dualité onde-corpuscule" : la lumière a d'abord été envisagée comme une onde transmise à travers les milieux par des mouvements sinusoïdaux. Cette théorie a engendré celle de Maxwell (en 1872), décrivant la lumière comme un rayonnement d'énergie propagé sous forme d'onde électromagnétique. La théorie corpusculaire se base sur le fait que les corps lumineux rayonnent de l'énergie sous forme de particules, émises de manière intermittente en ligne droite, et agissant sur la rétine de l'œil en stimulant les nerfs optiques et produisant la sensation de lumière. La forme moderne de ce raisonnement a été avancée par Planck en 1900, et développée par Einstein en 1906. Elle affirme que l'énergie est absorbée ou émise par quanta (photons) discrets, de magnitude hν, h étant la constante de Planck (6.626 x 10-34 J), et ν une fréquence. La théorie unifiée émise par De Broglie et Heisenberg se base sur les prémisses suivantes : • chaque élément mobile est associé à une onde dont la longueur est donnée par : λ = h/mv, où λ est la longueur d'onde du mouvement de l'onde, h est la constante de Planck, m est la masse de la particule, v est la vitesse de la particule ; • il est impossible de déterminer simultanément toutes les propriétés qui sont distinctes d'une onde ou d'une particule. Que la lumière soit appréhendée de manière ondulatoire ou sous forme de photons, c'est une radiation qui est produite par procédé électronique dans le plus exact sens du terme31. Les électrons excités des solides incandescents32, libèrent de l'énergie en retournant à un état plus stable (IES, 1984). Spectre de la lumière Les lumières blanches, telles que la lumière du soleil, sont constituées de radiations simples s'échelonnant du violet au rouge, en fonction de leur longueur d'onde. 31 Radiation = libération d'énergie par une source. L'énergie diminue proportionnellement à l'inverse du carré de la distance parcourue depuis la source en l'absence d'absorption (Chambers, 1988) 32 Incandescence = émission de lumière par une substance en raison de sa haute température. Les méthodologies et les outils professionnels 129 Figure 3.19 : Distribution spectrale du rayonnement solaire Les limites du spectre visible varient un peu selon les observations et selon l'intensité du faisceau observé. Par convention, le domaine des radiations infrarouges (qui sont dites proches, moyennes, ou lointaines du spectre visible), s'étend entre les longueurs d'onde 0,75 µm et 0,1 mm 33. Les valeurs de 0,38 µm et 1 nm sont en général considérées comme limites du domaine ultraviolet. Le spectre solaire s'arrête pratiquement vers 0,2 µm, les radiations de longueur d'onde plus courtes étant absorbées par l'atmosphère. Les différentes radiations visibles (entre 0,4 et 0,7 µm) ont, à énergie égale, un pouvoir lumineux très variable. L'œil a en effet une sensibilité différente face aux radiations lumineuses selon leur longueur d'onde. La notion de flux lumineux fait intervenir deux conventions : • une source de lumière transformant sans perte une puissance de 1W en une radiation de longueur λ = 555 nm, rayonnement jaune-vert pour lequel l'œil présente un maximum de sensibilité, émet 683 lumen ; • lorsque la longueur d'onde est autre, pour chaque valeur de λ un facteur V(λ), qui varie de 0 à 1, est défini comme l'efficacité lumineuse relative 33 Rappel : 1 µm = 10-6 m, 1 nm = 10-9 m. 130 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement spectrale34. efficacité lum ineuse relative spectrale 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 0.4 0.45 0.5 0.55 0.6 0.65 0.7 longueur d'onde (m icrons) Figure 3.20 : Sensibilité relative de l'œil en fonction de la longueur d'onde du stimulus L'aptitude de certaines radiations UV à faciliter diverses réactions les a parfois fait qualifier de chimiques, alors que les radiations infra-rouge étaient dites thermiques. Mais il ne faut pas oublier que ce dernier qualificatif est applicable à n'importe quel rayonnement, puisque tous transportent de l'énergie, qui est transformable en chaleur. Les objets éclairés comme la lune, les nuages, le ciel diurne, qui ne font que diffuser la lumière reçue, constituent des sources de lumière "secondaires" (réfléchies ou transmises). Cette diffusion se fait sans changement de fréquence sauf cas exceptionnels. Définitions • La quantité de lumière émise, par unité de temps par une source de radiation, est appelée le flux lumineux Φ, et est mesurée en lumen (lm). Le lumen est donc défini en terme de pouvoir radiatif pondéré par la sensibilité de l'œil humain. • Le flux lumineux reçu par une surface d'aire dS définit l'éclairement E de la surface au point considéré : E = dΦ / dS L'éclairement35 s'exprime en lumen par mètre carré ou lux (lx). C'est une grandeur additive. 34 Marc La Toison, Matériels et projets, Techniques de l'ingénieur, C 3341 35 "Illuminance" en anglais. En unités USCS, l'éclairement s'exprime en footcandle (fc) : 1 fc = 1 lm/ft2 Les méthodologies et les outils professionnels • 131 Le flux lumineux émis par une source supposée ponctuelle se conserve dans des cônes ayant la source comme sommet (cf. la figure 3.21). En considérant le flux émis dans un angle solide36 dΩ défini par un de ces cônes et exprimé en stéradians sr, la quantité : I = dΦ/dΩ définit l'intensité lumineuse dans cette direction. Elle s'exprime en candela (cd), avec 1 cd = 1 lm/sr. Lorsque la source a une intensité lumineuse constante dans toutes les directions, elle est appelée source isotrope. S3 S2 S1 P R1 R2 R3 Figure 3.21 : Loi du carré des distances : conservation du flux lumineux • La luminance L décrit l'impression lumineuse générée par une surface. C'est une quantité définie dans une direction, en un point de la surface de la source ou d'un récepteur, ou en un point sur le trajet du faisceau. Elle est égale au quotient du flux lumineux Φ quittant ou traversant un élément de surface en ce point, et se propageant dans des directions définies par le cône élémentaire contenant la direction donnée, par le produit de l'angle solide Ω du cône et de l'aire de la projection orthogonale de l'élément de surface S sur un plan perpendiculaire à la direction donnée (cf. la figure 3.22). Elle s'exprime en cd/m2. L = d2Φ / (dΩ dS cos i) = dI / (dS cos i) La luminance moyenne d'une surface donnée (pour des conditions d'observations données) est la moyenne des luminances ponctuelles de cette surface. Pratiquement, cette luminance peut être calculée comme la moyenne des luminances mesurées en différents points judicieusement choisis de la surface, luminances relatives en chaque point à des angles solides très petits et égaux. • Le plan utile (ou surface de travail) sera tout au long de ce rapport la surface de référence, constituée par un plan sur lequel s'effectue une 36 L'angle solide est une mesure dans l'espace de rayons émanant d'un point, dans un espace euclidien à trois dimensions. Il est égal à l'aire interceptée par l'ensemble de rayons choisi, sur la surface de la sphère unité centrée au point source. L'unité SI est le stéradian. 132 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement activité nécessitant un certain niveau d'éclairement. En éclairage intérieur et sauf indication contraire, ce plan est par convention un plan horizontal situé à 0.85 m du sol et limité par les parois du local. • L'indice de local - Indice d'installation, K, est le nombre représentatif de la géométrie de la partie du local entre le plan utile et le plan des luminaires. Il est utilisé dans le calcul des facteurs d'utilisation ou de l'utilance. Sauf indication contraire, l'indice du local est donné par la formule : K = ab/h*(a+b) = (Aire au sol) / (Surface des murs au dessus du plan de travail) où a et b sont les dimensions des côtés du local de forme parallélépipédique et h la dénivellation entre la plan utile et le plan des luminaires. • Prendre en considération la consommation énergétique des systèmes implique de définir en dernier lieu l'efficacité lumineuse d'une source de lumière. Pour un rayonnement électromagnétique, elle est définie par le quotient du flux lumineux sur le flux énergétique du rayonnement. Pour une source électrique, c'est le quotient du flux lumineux produit sur la puissance électrique consommée. Il est exprimé dans les deux cas en lumen par Watt (lm/W). Rappels37 Les sources de lumière ne sont jamais ponctuelles au sens propre du terme. Cependant, si la distance considérée R est suffisamment grande par rapport aux dimensions de la source, l'éclairement E résultant de cette source sur un plan tel qu'il y ait un angle i entre la normale du plan et la direction où l'intensité est I (figure 3.22) est donné par : E = (I / R2) cos i Si la source lumineuse est de grande dimension, l'expression ne fait plus intervenir l'intensité I mais la luminance L, de la surface source, vue suivant l'angle solide Ω (figure 3.23) : E(M) = ∫Ω L(a,i).cos i.dΩ 37 Marc R Fontoynont., Prise en compte du rayonnement solaire dans l'éclairage naturel des locaux : méthodes et perspectives, Thèse, Ecole Nationale des Mines de Paris, 1987 Les méthodologies et les outils professionnels 133 S ISM n i M Figure 3.22 : Éclairement dû à une source ponctuelle Figure 3.23 : Éclairement dû à une source de luminance variable Si la luminance L est la même en tout point de la surface lumineuse considérée et dans toutes les directions (la surface est considérée comme parfaitement diffusante) alors cette relation devient : E(M) = π .f12 .L2 134 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement où M est un point de la surface 1 sur laquelle la valeur de L est recherchée, f12 est le facteur de forme entre la surface 1 et la surface 2 (proportion du rayonnement issu de 1 qui arrive en 2), et L2 est la luminance de la surface d'où provient la lumière. 3.3.2 L'ÉCLAIRAGE NATUREL Les sources de flux reçu Nous recevons sur terre deux types de rayonnements lumineux provenant de l'atmosphère : le rayonnement direct provenant du soleil, et le rayonnement diffus provenant du ciel. Le soleil est la source primaire de lumière naturelle, si la lumière provenant des autres astres est négligée. La lumière provenant du ciel n'est que cette même lumière qui a été transmise, diffractée, et diffusée par l'atmosphère, ses molécules et particules en suspension. Sur un bâtiment, une troisième source de lumière est à considérer : le sol, la végétation, et les bâtiments avoisinants, réfléchissent la lumière en fonction des lois caractéristiques de leur photométrie38. Ces mêmes éléments, ainsi que certains autres objets de notre structure, peuvent de plus servir de masques proches ou lointains, diminuant ainsi la quantité de lumière reçue par la paroi du bâtiment considéré. Une surface d'inclinaison et d'orientation données reçoit donc des éclairements en provenance de trois origines, dans des proportions qui dépendent de la position du soleil dans le ciel, des conditions climatiques, et des caractéristiques liées au site. L'éclairement reçu heure par heure par les surfaces vitrées permet de déterminer l'éclairement transmis vers la zone intérieure considérée. Variations de l'éclairage solaire La rotation de la terre en ellipse autour du soleil modifie la distance terre-soleil au cours de l'année, et induit une variation du flux radiatif reçu à la frontière de l'atmosphère de l'ordre de +- 3%39. De plus, la terre tourne sur elle même de 15° par heure, autour d'un axe incliné de 23,45° par rapport au plan de l'ellipse. Un point de latitude et longitude données recevra donc un rayonnement solaire ayant parcouru une distance variable, et traversé une épaisseur plus ou moins importante d'atmosphère (cf. figure 3.24). 38 Comparaison quantitative des lumières. 39 Rabl Ari et Kreider Jian, Heating and Cooling of Buildings, Mac Graw Hill, 1994 Les méthodologies et les outils professionnels 135 Equinoxe de printemp s 21 Mars 21 Juin, Solstice d'été Soleil 21 Décemb re, Solstice d'hiver Equinoxe d'automne 21 Sep temb re (a) 23.5° N Ray ons du soleil Tropique du cancer Plan de l'orb it Equateur Trop ique du cap ricorne S Solstice d'hiver, 21 Décemb re, (b ) Figure 3.24 : Géométrie de l'orbite terrestre et inclinaison de l'axe polaire40 (a) Orbite entière (b) Détails agrandis, solstices. Ce rayonnement aura alors subi deux phénomènes importants : une diffusion par les molécules d'air, de vapeur d'eau, et de poussières, et une absorption par les molécules d'ozone, d'eau, et de gaz carbonique. Ces phénomènes se faisant de manière sélective en fonction des longueurs d'onde, le rayonnement solaire reçu aura une répartition spectrale modifiée selon la masse d'air traversée, et sa composition (climat, pollution)41. Son 40 Rabl Ari et Kreider Jian, Heating and Cooling of Buildings, Mac Graw Hill, 1994 41 Duffie, Beckman, Solar Engineering of Thermal Processes, Solar Energy Laboratory, University of Wisconsin, Madison, 1980 136 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement efficacité lumineuse en sera ainsi modifiée. Ce phénomène induit une modification de la répartition des luminances dans le ciel42. Éclairement intérieur L'éclairement en tout point du local considéré est dû à l'éclairement direct provenant de l'extérieur (directement du soleil et du ciel, ou indirectement après réflexion sur le sol ou les bâtiments voisins), et à la réflexion interne de ce flux lumineux sur les différentes surfaces composant le local. Calcul des sollicitations solaires du logiciel COMFIE Les fichiers climatiques dont nous disposons fournissent entre autres, pour une station donnée (latitude, longitude, altitude), les valeurs horaires des rayonnements global horizontal, diffus horizontal, et direct normal en J/cm2. Les sollicitations correspondant à ces flux solaires sur les surfaces extérieures du bâtiment sont calculées heure par heure en fonction de l'orientation et de l'inclinaison de ces surfaces selon la méthode de Liu et Jordan43. Les rayonnements diffus et réfléchis par le sol sont considérés comme isotropes. Il faudra faire attention au fait qu'il est indispensable dans la modélisation de l'éclairage naturel dans un bâtiment de séparer le rayonnement solaire diffus issu du ciel, et le flux diffus en provenance du sol dû à la réflexion du rayonnement solaire direct du soleil et diffus du ciel. Ces deux flux n'ont en effet pas la même direction d'incidence, et se réfléchiront de manière différente à l'intérieur de la zone considérée. Le rayonnement est réduit en présence de masques proches ou lointains. Cette réduction se caractérise par un facteur d'ombre, relatif aux masques proches, lointains, et au rayonnement solaire ou diffus. Ce facteur est calculé pour chaque heure44. Les rayonnements transmis (direct du soleil, diffus du ciel, diffus du sol) devront permettre de déterminer l'éclairement incident sur les surfaces vitrées du bâtiment considéré. Il faut remarquer que nous négligeons l'apport en éclairage dû à la réflexion du flux solaire sur l'environnement extérieur du bâtiment autre que le sol. Cette approximation 42 CSTB, Michel Perraudeau, Distribution de la luminance du ciel, Etudes et Recherches, Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, Cahier 2305, livraison 295, Décembre 1988 43 Duffie, Beckman, Solar Engineering of Thermal Processes, Solar Energy Laboratory, University of Wisconsin, Madison, 1980 44 Peuportier Bruno, Blanc-Sommereux Isabelle, Comfie, Passive Solar Design Tool for Multizone Buildings, Manuel des Utilisateurs, Version 3.3., Août 1994 Les méthodologies et les outils professionnels 137 est parfois loin d'être minime, comme le démontre Fontoynont45, et comme l'intuition peut le faire comprendre : une façade très réfléchissante orientée plein Sud pourra induire sur une façade orientée Nord située en vis-à-vis un éclairement parfois supérieur à l'éclairement naturel (soleil et ciel). Cependant, la prise en compte de ce phénomène nécessiterait de décrire les bâtiments en vis-à-vis, ce qui compliquerait la saisie. Nous allons malgré tout essayer de prendre en compte la réflexion sur les masques lointains qui sont déjà modélisés dans COMFIE. 3.3.3 MODÉLISATION DE L'ÉCLAIRAGE NATUREL PAR LA MÉTHODE LUMEN Nous avons choisi la méthode LUMEN, car elle est bien adaptée à un couplage avec le programme COMFIE en raison de la compatibilité de ses données d'entrée. Il faudrait cependant obtenir plus de données pour mettre en bibliothèque d'autres tables d'utilance46 et permettre de mener des calculs dans des configurations plus variées. Quelques explicitées : autres hypothèses simplificatrices doivent être • la pièce est nécessairement en forme de parallélépipède ; • les radiations solaires réfléchies par le sol et par toutes les autres surfaces réfléchissantes sont considérées comme parfaitement diffuses et isotropes. Modélisation du flux lumineux incident Une campagne de mesures effectuées à Nantes a permis au CSTB d'élaborer une classification des ciels en cinq types47. Elle repose sur un seul indice, l'indice de nébulosité IN : IN = (1 - CRM) / (1 - CRT) où CR, "Cloud Ratio", indice notamment utilisé par le NBS48 est le quotient du rayonnement horizontal diffus sur le rayonnement horizontal global, 45 Fontoynont Marc R., Prise en compte du rayonnement solaire dans l'éclairage naturel des locaux : méthodes et perspectives, Thèse, Ecole Nationale des Mines de Paris, 1987 46 Certaines de ces tables se trouvent dans les documents Rabl (1994), et IES (1984). Elles ne correspondent cependant qu'à un type restreint de pièces. Le document IES (1989) devrait comporter un nombre suffisant de tables permettant de modéliser la majeure partie des bâtiments ordinaires. 47 Michel Perraudeau, Distribution de la luminance du ciel, Etudes et Recherches, Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, Cahier 2305, livraison 295, décembre 1988 48 National Bureau of Standards, USA. 138 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement CRM est la valeur mesurée de CR et CRT la valeur théorique de CR par ciel clair. Les valeurs de IN associées à chacun des cinq types de ciels sont celles du tableau 3.5 (colonne 1). A un niveau de simulations horaires, le rayonnement solaire (en watts) et l'éclairement naturel diurne (en lumens) peuvent être considérés comme proportionnels49. Cependant, pour éviter de choisir une efficacité lumineuse constante et affiner notre modèle, l'indice de nébulosité peut être facilement calculé et une efficacité lumineuse peut être déduite (colonne 3). TABLEAU 3.5 : INDICE DE NÉBULOSITÉ ET EFFICACITÉ LUMINEUSE Type de Ciel Couvert Intermédiaire couvert Intermédiaire médian Intermédiaire bleu Bleu Indice de nébulosité 0,00 < IN <0,05 0,05 < IN < 0,20 0,20 < IN < 0,70 0,70 < IN < 0,90 0,90 < IN < 1,00 Efficacité lumineuse50 100 lm/W 110 lm/W 120 lm/W 130 lm/W 140 lm/W Les rayonnements étant mesurés en kiloJoule par centimètre carré pendant une heure de temps, l'éclairement correspondant est déduit par le facteur de (e*103 / 0.36), en considérant une efficacité lumineuse moyenne de e lm/W. Les valeurs d'éclairement extérieur peuvent ainsi se déduire des valeurs déjà calculées de radiations horaires incidentes sur les surfaces vitrées (et qui prennent en compte l'atténuation due aux masques, et aux parties opaques des surfaces vitrées). Il est nécessaire d'évaluer les ratios d'éclairement horizontaux à verticaux pour demi-ciels considérés pour le choix des facteurs d'utilance dans le cas d'un éclairage de façade. Si la répartition des luminances dans le ciel est considérée comme isotrope, ces ratios sont alors égaux aux ratios d'éclairement pour ciel entiers, qui sont égaux aux ratios des données météorologiques radiatives. Le rayonnement direct transmis par les surfaces transparentes est supposé diffusé au contact des parois sur lesquelles il tombe, et sa 49 Rabl Ari et Kreider Jian, Heating and Cooling of Buildings, Mac Graw Hill, 1994 50 Cette efficacité lumineuse est donnée approximativement en fonction des références bibliographiques qui donnent en général des valeurs comprises entre 90 et 140 lm/W pour la lumière de jour. Cependant Fontoynont (Potential for increased efficiency in indoor lighting, Efficient Use of Electricity in Buildings, IEA : Energy Conservation in Buildings and Community Systems, Workshop Report, SophiaAntipolis, May 1994) donne pour l'efficacité de la lumière naturelle une valeur de 235 lm/W. Ceci serait donc éventuellement à approfondir. Les méthodologies et les outils professionnels 139 participation à l'éclairement du local est évaluée conjointement avec celle de l'éclairement diffus51. Les scénarios d'occultation utilisés en thermique peuvent alors être utilisés. En fait, il existe une très grande variété d'occultations, mais peu de données sur l'utilisation qui en est faite. Les rideaux ou stores laisseraient passer en première approximation 50% de la valeur de l'éclairement direct, qu'il faudrait affecter au coefficient d'utilance du sol, proportionnellement à la surface occultée. Le facteur de transmission des surfaces vitrées varie en fonction de l'angle d'incidence des rayonnements solaires. Il est considéré comme semblable pour toutes les longueurs d'onde, et nous prendrons donc la même loi que celle qui a été déterminée pour le modèle de thermique. Il ne faut pas oublier de lui affecter des coefficients rectificatifs en fonction de l'état de propreté de la fenêtre (cf. tableau 3.6), et de l'éventuelle présence d'un puits de lumière (figure 3.25) dans le cas de l'éclairage zénithal (les obstructions dues au cadre de la fenêtre sont déjà prises en compte). Pour les études effectuées sur de l'existant, il faudra aussi prendre en compte la dégradation des surfaces intérieures dans la donnée des coefficients de réflexion. TABLEAU 3.6 : FACTEUR DE CORRECTION RELATIF À L'EMPOUSSIÈREMENT DES VITRES Conditions extérieures Conditions intérieures Inclinaison du vitrage par rapport à l'horizontale Localisation Opacité de la surface extérieure au vitrage faible Région rurale ou zone suburbaine Zone urbaine moyen ou résidentielle Zone indusélevé trielle Nature de l'activité dans le bâtiment propre sale Opacité de la surface intérieure au vitrage faible élevé 0à 30° 45 à 60° 75 à 90° 0,80 0,55 0,85 0,60 0,90 0,70 propre sale propre sale faible élevé faible élevé 0,70 0,40 0,55 0,25 0,75 0,50 0,60 0,35 0,80 0,60 0,70 0,50 51 Cette hypothèse, bien évidemment inexacte, implique une atténuation des contrastes entre les différentes parties de la pièce, et accroît ainsi l'importance des réflexions internes dans l'établissement du niveau d'éclairement en un point quelconque du local. Elle transforme donc l'éclairement obtenu par les baies transparentes en éclairement obtenu par baies translucides, ou affectées d'un voilage. En pratique, les occupants se protègent de l'éblouissement par des voilages ou des stores, et ce modèle simple se rapproche peut-être des conditions réelles. 140 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Figure 3.25 : Efficacité de puits de lumière La figure 2.25 est issue de IES52. Le ratio de puits est le quotient (5 x hauteur x (largeur + longueur) ) / (longueur x largeur) des mesures du puits de lumière, et l'efficacité du puits est la proportion de lumière transmise. Eclairement naturel du local a) Découpage de la pièce pour le calcul des éclairements Nous ne considérons que des locaux parallélépipédiques, soit 6 "parois de zone" au sens de la structure de données de COMFIE. Il faut vérifier que cette condition est remplie. Dans l'analyse énergétique, des pièces de même comportement thermique sont regroupées dans une même zone. Si les pièces diffèrent par leur géométrie, il est prudent de mener une analyse de sensibilité afin de déterminer si les résultats concernant l'éclairage sont très différents lorsque la zone étudiée est découpée en pièces. Dans le modèle, un éclairage zénithal est considéré comme constant dans toute la pièce, et l'éclairage provenant d'une façade décroît en fonction de l'éloignement dans une direction perpendiculaire à la fenêtre, mais la décroissance sur les côtés de la fenêtre n'est pas considérée. Si la 52 IES, Recommended Practice for the Lumen Method of Daylight Calculations. IES Report RP-23, Illuminating Engineering Society of North America, 1989 Les méthodologies et les outils professionnels 141 zone contient différentes ouvertures, le calcul de l'éclairement se fait ouverture par ouverture, et les éclairements sont ensuite additionnés. A E13 B D E32 C Figure 3.26 : Matrice des éclairements La modélisation implique la donnée supplémentaire de la profondeur de la zone par rapport au mur comportant une ouverture de façade. Si la zone contient plusieurs parois vitrées, il sera nécessaire d'attribuer à chacune des 4 parois verticales un numéro d'ordre, afin de pouvoir sommer les éclairements obtenus grâce à chacune des ouvertures. En considérant X bandes d'éclairement en profondeur (ces bandes découpent nécessairement la pièce de manière symétrique par rapport à son milieu), la zone sera découpée en X2 rectangles d'éclairements (cf. fig. 3.26). En nommant les 4 parois verticales A, B, C, D, en tournant dans le sens trigonométrique, l'éclairement résultant dans un de ces carrés sera : Eij = ei(A) + ej(B) + eX-i+1(C) + eX-j+1(D) + e(Z), où ei(A) est l'éclairement à la profondeur i dû aux surfaces vitrées de la paroi A et e(Z) est l'éclairement dû aux ouvertures zénithales. b) Tables d'utilance La notion d'utilance correspond à l'efficacité avec laquelle la lumière parvient sur le plan de travail compte tenu des réflexions sur les parois. Les coefficients d'utilance des pièces sont généralement donnés aux pourcentages 10, 30, 50, 70, 90 de la profondeur de la pièce étudiée par rapport au plan vertical comportant la fenêtre. Il semble suffisant pour nous de ne garder que les points 10, 50, et 90, qui représentent globalement les 142 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement points d'éclairement maximal, moyen, et minimal, dus à la fenêtre considérée53. Pour l'éclairage de façade, un ensemble de coefficients de réflexion donné (sol, mur, plafond) implique une entrée en bibliothèque de 4 tableaux d'utilance. trois d'entre eux correspondent au coefficient de ciel, et sont choisis en fonction des valeurs du rapport d'éclairement vertical sur horizontal. Le dernier correspond au coefficient de sol. Chacun de ces tableaux contient 240 coefficients, dans les conditions du choix effectué au paragraphe précédent. Pour l'éclairage zénithal, un tableau de coefficients d'utilance correspond à un type de réflexivité du sol et un type d'ouvertures (plane, dôme, clerestories...). La réflexivité du plafond et des murs est choisie parmi trois valeurs pour chacune des deux parois. Pour un ensemble de valeurs fixées, 10 coefficients sont donnés correspondant à différentes valeurs de facteurs d'utilisation de la pièce. Un tableau contient donc 900 valeurs. Dans un premier temps, il parait raisonnable de se fixer un ensemble de coefficients de réflexion par défaut pour les pièces, ce qui réduira donc le nombre de valeurs à rentrer à moins de 1000. Ceci est envisageable en raison du fait que les concepteurs ne savent en général pas quel type de revêtement (papier, peinture...) va être appliqué lors de la mise en usage du bâtiment, et que leurs interrogations vont plutôt porter sur la dimension et l'orientation des ouvertures. Une documentation complète donnant les tables pour d'autres valeurs peut être fournie à l'utilisateur, qui pourra donc les modifier en cas de besoin. c) Réflexion externe La position des masques lointains étant déjà saisie pour l'étude thermique dans le logiciel COMFIE, nous allons essayer d'intégrer les modifications que leur réflexivité entraîne sur l'éclairement de la pièce. La saisie d'un masque lointain se fait de la manière suivante. L'utilisateur rentre les distances droite et gauche (dd et dg) du masque, les azimuts droit et gauche (αd et αg), par rapport au centre de la paroi. Il donne aussi la hauteur du masque H, et la hauteur moyenne de la paroi ombrée h. Nous notons α l'angle formé par le masque et sa projection sur la parallèle à la paroi, et β l'angle formé par la droite qui joint le haut du masque au centre de la paroi, et l'horizontale (voir figure 3.27). 53 On considérera que les valeurs d'éclairement calculées seront respectivement les valeurs moyennes des surfaces de la pièce comprises entre 0 et 30 % de la profondeur, 30 et 70%, et 70 et 100 %. Les méthodologies et les outils professionnels 143 Masque lointain Paroi Masque lointain α β H d g αg αd dd h Paroi d = (d d + dg ) / 2 Figure 3.27 : Modélisation des masques lointains Lors de l'étude thermique, sur la proportion de surface de paroi affectée par l'ombre du masque lointain, tous les rayonnements directs sont bloqués et le rayonnement diffus est réduit au prorata des angles d'obstruction : si 1 est l'indice associé à la paroi, et 2 celui associé au masque, la théorie des facteurs de forme nous donne S1f12 = S2f21. f12 est égal au facteur (αg - αd) / (2*Π) ∗ β / (Π/2) pour une paroi verticale, et (αg - αd) / (2*Π) ∗ β / Π pour une paroi horizontale. Lors de l'étude de la lumière, nous devons prendre en compte la réflexion des rayonnements directs et diffus sur le masque, qui est loin d'être négligeable pour l'éclairement du bâtiment. Il sera donc nécessaire de rentrer en plus le facteur de réflexion du masque considéré ρm, une valeur par défaut de 0,4 pouvant être considérée. Nous considérerons que le masque se comporte comme une surface parfaitement diffusante. Ces remarques nous conduisent à modéliser les réflexions externes de la manière suivante : • par défaut, nous considérons que les ouvertures des parois verticales sont situées à 0.85 m au dessus de la surface de plancher (hauteur par défaut du plan de travail) ; • si la hauteur moyenne H du masque est inférieure à 0.85, aucun phénomène de masque n'est pris en compte. Si 0.85 < H < L+0.85, où L est la hauteur de la fenêtre, alors [(H-0.85) / L] est la proportion de surface vitrée affectée par le masque lointain. Si H > L+0.85, alors toute la fenêtre est affectée ; • sur la surface totale S1 de l'ouverture, f21ρmEdir,m est l'éclairement diffusé après réflexion du rayonnement 144 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement direct du soleil sur le masque. (1-f12)Edif,v + f21ρmEdif,m est l'éclairement provenant de l'éclairement diffus du ciel et de la réflexion de cet éclairement sur le masque. où Edir,m est l'éclairement direct du ciel sur le masque, Edif,v est l'éclairement diffus du ciel sur le vitrage, Edif,m est l'éclairement diffus du ciel sur le masque, f12 et f21. sont les facteurs de forme présentés plus haut. Il est donc nécessaire pour effectuer ces calculs de connaître l'orientation du masque, que nous considérerons vertical, afin de pouvoir déterminer les rayonnements qu'il reçoit du soleil et du ciel. Cette orientation en degrés est égale à 180 + γ + α, modulo 360°, où γ est l'orientation de la paroi, et α l'angle indiqué sur la figure 3.27, qui se détermine en fonction des autres données géométriques. Dans un premier temps, nous négligerons la modification des éclairements sur le sol qu'induit la présence du masque, en raison de la faiblesse de l'albédo du sol en général. Il faudrait éventuellement vérifier la justesse de cette hypothèse pour le cas extrême d'un sol enneigé. 3.3.4 L'ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL Définitions • Ballast : dispositif interposé entre l'alimentation et une ou plusieurs lampes à décharge et qui sert principalement à limiter le courant de la (ou des) lampe(s) à une valeur requise ; • Classification des luminaires symétriques d'éclairage intérieur : d'après la norme UTE C 71 121, tout luminaire symétrique (répartition de révolution du flux lumineux) est la somme d'un luminaire direct et d'un luminaire indirect54. La classification est définie en fonction de la répartition du flux lumineux dans les différents cônes situés autour de l'axe de révolution, et comporte dix classes de luminaire direct (A à J) et une classe de luminaire indirect T ; • Les luminaires sont alors décrits grâce à leur rendement supérieur ηs (rendement pour la partie du rayonnement émise vers le haut) et leur rendement inférieur ηi, et sont notés ηsT + ηi(A..J) ; • Facteur de dépréciation, d : rapport entre l'éclairement moyen sur le plan utile après une certaine durée d'utilisation de l'éclairage et l'éclairement moyen pour l'installation considérée comme neuve ; 54 La CIE (Commission Internationale de l'Éclairage) a effectué une classification des luminaires par type : direct, semi-direct, général diffus, direct-indirect, semiindirect, indirect (IES, 1987). Elle correspond à la direction dans laquelle est envoyée la lumière, le luminaire direct distribuant toute sa lumière vers le bas, le luminaire indirect la distribuant vers le haut. Les méthodologies et les outils professionnels • 145 Indice de rendu des couleurs (IRC)55: l'IRC fournit une indication concernant la capacité de la source à rendre les couleurs de la même manière qu'une source de référence. Par convention, l'IRC varie entre 0 et 100. Les sources de référence ont un indice de rendu des couleurs de 100 et sont le corps noir jusqu'à 5 000 K et la lumière naturelle normalisée au-delà de cette température de couleur ; • Luminaire : appareil servant à répartir, filtrer, ou transformer la lumière d'une ou plusieurs lampes et comprenant, à l'exclusion des lampes ellesmêmes, toutes les pièces nécessaires pour fixer et protéger les lampes et éventuellement, les circuits auxiliaires ainsi que les dispositifs de connexion du circuit d'alimentation ; • Luminaire extensif (à répartition extensive) : luminaire qui répartit la lumière en un large faisceau ; • Luminaire intensif (à répartition intensive) : luminaire qui concentre la lumière en un faisceau étroit ; • Puissance nominale : puissance de la lampe indiquée dans les catalogues des constructeurs. Pour les lampes à décharge, cette puissance correspond à la lampe seule, sans la consommation de leur ballast56 ; il y aura donc lieu d'ajouter celle-ci pour avoir la consommation totale ; • Rendement lumineux d'un luminaire : rapport du flux lumineux total émis par le luminaire à la somme des flux nominaux individuels des lampes. Il varie énormément d'un modèle à l'autre, sa valeur pouvant s'étendre de 30 à 70 % pour des luminaires ayant exactement la même utilité ; • Répartition spatiale de l'intensité lumineuse d'un luminaire (courbe photométrique) : représentation au moyen de courbes ou de tables, des valeurs de l'intensité lumineuse d'une source située à distance finie, en fonction des directions dans l'espace ; Différents types de diagrammes donnent la répartition des intensités par angle d'émission, le flux utile et le rendement du luminaire, ou encore la répartition du flux du luminaire dans différentes zones coniques définies autour d'un axe de révolution (flux zonaux) ; • Température de couleur : la température de couleur d'une source donne une indication sur l'apparence colorée de la lumière émise par la source. L'utilisation simultanée de sources à températures de couleur différentes est à déconseiller car elle est la cause de perturbations 55 La référence DOE (1993) comporte un tableau fournissant les caractéristiques de couleur des lampes (indice de rendu et température, voir plus loin) 56 dont l'efficacité peut varier de 40 à plus de 100%, mais qui vaut généralement de l'ordre de 80 à 90 %. 146 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement visuelles, dues particulièrement à l'adaptation chromatique de l'œil. Une température de couleur très élevée (Tc = 6000 K par exemple) correspond à la zone des bleus et l'impression d'ensemble du local est froide. Une température de couleur faible (Tc = 2800 K par exemple) correspond à la zone des rouges et l'impression est chaude ; Remarque : la température de couleur Tc d'une source ne peut être définie rigoureusement que si cette source a exactement la même chromaticité qu'un corps noir à Tc K. Dans les autres cas, seule une température de couleur "proximale", c'est-à-dire la température d'un corps noir dont la chromaticité est la plus proche de celle de la source considérée, peut être définie. Matériel a) Principaux types de lampes existants Les organismes de normalisation ont établi des normes fixant les exigences de sécurité liées à l'éclairage. Elles ont pour but d'assurer le fonctionnement du produit sans risques, pour l'utilisateur et son entourage. Les aspects visés sont la sécurité mécanique, sécurité électrique, sécurité thermique et sécurité optique, liés à l'utilisation des produits d'éclairage, cf. document AFE57. Ces normes sont en France généralement délivrées et gérées par l'UTE (Union Technique de l'Electricité), et visées par l'AFNOR (Association Française de Normalisation). L'ISO (International Standard Organisation - Organisme International de Normalisation) a délégué l'établissement des normes concernant l'électrotechnique et l'électronique à la Commission Electronique Internationale (CEI) siégeant à Genève. b) Les luminaires Seule une partie de la lumière produite par une lampe atteint véritablement le plan de travail, le reste étant absorbé par le luminaire ou les objets environnants. Comme l'expliquent les trois définitions ci-dessus, "Luminaire", "Classification des luminaires symétriques d'éclairage intérieur" et "Rendement lumineux d'un luminaire", le luminaire choisi va absorber une partie de la lumière émise, et influencer la forme du faisceau lumineux qu'il transmet. De même que les lampes, les luminaires sont soumis à de nombreuses réglementations de sécurité et de confort visuel58. La CIE (Commission internationale de l'Eclairage, publications N°40 et 5259) a effectué des classifications détaillées des luminaires selon la répartition de leur flux lumineux dans la pièce, qui permettent de calculer avec beaucoup 57 AFE, Les sources de lumière, Société d'édition LUX, 1987 58 Philips, Philirama 92/93, Produits et applications, Philips Lighting. A, 1992 59 Elles sont disponibles à l'AFE, Editions Lux Les méthodologies et les outils professionnels 147 de précision la valeur des éclairements en différents points des pièces. L'AFNOR donne une version simplifiée de cette méthode dans sa norme UTE C 71 121, qui permet de déterminer les éclairements moyens sur le plan utile et sur les parois. Cette méthode est celle qui a été utilisée par le CSTB dans son logiciel "Mixte". Tout en étant réellement simplifiée, elle tient compte de la position exacte des luminaires, qui sont supposés être implantés régulièrement selon des mailles rectangulaires, et n'a de sens que si l'éclairement est sensiblement uniforme. Les équipements ont été modélisés dans COMFIE très simplement de manière à ne pas nécessiter leur saisie détaillée au stade de la conception architecturale. Nous allons donc tenter de rester dans la même démarche pour la modélisation de l'éclairage, et utiliserons la méthode décrite ci-dessous. Eclairage artificiel par usage a) Introduction La demande d'éclairage varie fortement en fonction des bâtiments considérés et de l'utilisation des pièces à l'intérieur de ces bâtiments. Le choix de la lampe et du luminaire appropriés est fonction de la puissance exigée, de la dispersion du faisceau lumineux (lumière répartie de manière homogène ou point lumineux), de la fréquence d'allumage, de la qualité de la lumière (IRC et température de couleur pour les questions d'ambiance et d'esthétique), du coût de l'ensemble (et donc du coût à l'achat et de l'efficacité lumineuse). Le tableau 3.7 montre les types d'éclairage utilisés dans le secteur résidentiel et tertiaire. TABLEAU 3.7 : RÉPARTITION DE LA CONSOMMATION DE LAMPES DANS LE RÉSIDENTIEL ET LE TERTIAIRE millions d'unités résidentiel tertiaire Incandescence 163 64 Fluores- Halogène Décharge TOTAL cence 9 7 1 180 26 6 4 100 b) Éclairements par type de bâtiment En ce qui concerne les niveaux d'éclairement conseillés, la seule norme à proprement parler en vigueur en France est la norme X 35-103 (AFNOR, 1990). L'influence de l'éclairement sur la performance visuelle est caractérisée expérimentalement par les performances d'observateurs normaux, d'âge compris entre 20 et 30 ans, dans des conditions de référence réalisées au moyen d'une lumière diffuse provenant d'un environnement dont la luminance est uniforme. De ce fait, il est possible de définir un niveau de luminance de fond propre à toute tâche, adapté à la perception des détails, mais dans les 148 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement conditions de référence ci-dessus. Plus simplement, un éclairement moyen en service est défini pour donner au support de la tâche la luminance nécessaire. Ces valeurs d'éclairement sont reprises en partie dans le paragraphe 3.3.6. Elles ont été adoptées, après concertation, par les associations européennes d'éclairagistes. Elles correspondent à l'éclairement moyen en service mesuré au milieu de la période s'étendant de la mise en service au premier entretien60. Des recommandations sont aussi élaborées directement par les éclairagistes pour la réalisation d'un projet d'éclairage, en particulier par l'Association Française de l'Eclairage (AFE), la CIE (Commission Internationale de l'Eclairage), l'IES, et les fabricants de produits. Modélisation de l’éclairage artificiel a) Sélection d'un scénario d'occupation Pour les calculs thermiques de COMFIE, l'utilisateur définit une semaine type, pour laquelle il donne en fonction du jour et de l'heure les valeurs attendues de température intérieure. Nous procéderons de même pour l'éclairage, en considérant cette fois des valeurs d'éclairement. Il existe cependant une différence, qui provient du fait que l'éclairage doit se définir selon une approche à deux niveaux : éclairage d'ambiance / éclairage ponctuel. TABLEAU 3.8 : EXEMPLE DE SCÉNARIO D'ÉCLAIRAGE POUR UNE SALLE DE SÉJOUR61 Jour Lundi Heure 19 20 21 22 Éclairage uniforme (lx) 0 200 0 0 Éclairage ponctuel (lx) 300 0 300 0 Puis il faut définir quel est le critère d'allumage des lampes. En général, l'allumage se fait lorsque l'éclairage naturel descend en dessous de 60 Ceci conduit l'éclairagiste à calculer un éclairement initial en appliquant aux éclairements du paragraphe 3.3.6 un facteur compensateur de dépréciation correspondant à la moitié de la baisse du flux prévisible à la date du premier entretien. D'autres conditions telles que l'âge de l'observateur, la durée et la fréquence de l'observation, la gravité des conséquences d'erreurs de dimensionnement des installations, peuvent amener à corriger ces valeurs. 61 Il faudra déterminer si l'on souhaite que le choix entre éclairage ponctuel et uniforme soit exclusif, ou s'il y a possibilité de donner une valeur pour chacun à la même heure. Les méthodologies et les outils professionnels 149 80% de la valeur limite indiquée dans le scénario d'occupation. En fonction de ce qui peut être fait actuellement dans les logiciels de calcul d'éclairage artificiel, nous avons sélectionné 3 critères : • la moyenne des éclairements de la zone est prise comme valeur seuil ; • l'éclairement le plus faible de la zone est pris comme valeur seuil (extrême importance de la lumière pour la tâche effectuée, ou comportement "gaspilleur") ; • l'éclairement le plus fort de la zone est pris comme valeur seuil (comportement "économe" : s'il y a un endroit où la lumière est suffisante, l'habitant se déplacera pour effectuer la tâche). Le choix de ces critères peut-être différent pour l'éclairage ponctuel et uniforme, mais il est défini une fois pour toutes quels que soient les heures et les jours de la semaine. Il faut ensuite définir et dimensionner l'installation. Ce dimensionnement se fait avec les valeurs maximales d'éclairement demandé, et en l'absence totale d'éclairage naturel. b) Dimensionnement des installations Il existe deux types d'éclairage : l'éclairage uniforme (ou d'ambiance), et l'éclairage ponctuel (ou de tâche). Ces éclairages peuvent être obtenus par n'importe quel type de lampe. L'éclairage d'ambiance devra être réparti uniformément sur toute la surface de la pièce, grâce à une disposition généralement symétrique des luminaires. L'éclairage ponctuel ne fera pas intervenir les problèmes d'inter réflexions de la lumière sur les parois de la pièce, et est utilisé de manière à obtenir des éclairements plus élevés sur de petites régions62. Ces quelques considérations nous ont amenés à prendre en compte trois alternatives, permettant de définir et de dimensionner la plupart des installations d'éclairage artificiel au stade de la conception des bâtiments. c) Méthode Lumen Comme pour l'éclairage naturel, le calcul de toutes les inter réflexions sur les murs, plafonds et planchers, est une tâche très lourde. La méthode Lumen pour l'éclairage artificiel est pratique et largement utilisée 62 Une bonne pratique de conception recommande que la lumière d'ambiance dans un espace ne soit pas inférieure à 33% de l'éclairement de tâche, pour le confort et la facilité d'adaptation des utilisateurs (DOE, 1993) 150 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement pour modéliser l'éclairage de manière simple63. Elle détermine l'éclairement moyen E sur le plan de travail par la formule : E = (Cu x Φ) / S, où Φ = flux total émis par les lampes (sans compter l'absorption par le luminaire) en lm S = Aire du plan de travail Cu = Coefficient d'utilisation. Si toute la lumière des lampes atteignait le plan de travail, l'éclairement devrait être Φ / S. Ainsi le coefficient d'utilisation représente l'efficacité avec laquelle la combinaison pièce-luminaire transfère la lumière vers le plan de travail. Cela dépend de la géométrie de la pièce et des facteurs de réflexion des murs, et du luminaire. La géométrie intervient seulement à travers l'indice de local K. Le coefficient Cu est fourni sous forme de tables par les fabricants en fonction de K et des coefficients de réflexion. E étant connu (éclairement requis), le flux lumineux nécessaire des lampes, et donc leur puissance P, peuvent être dimensionnés grâce à l'efficacité énergétique64 e : Φ = E x S / Cu => P=Φ/e Ce type de calcul est généralement effectué pour des luminaires à lampes halogènes, compactes, ou fluorescentes. d) Diagramme d'éclairement Pour les luminaires que nous appellerons de faisceau, les catalogues de fabricants fournissent des diagrammes d'éclairement, donnant l'ouverture du faisceau lumineux et la valeur de son éclairement en fonction de la distance. Ils correspondent en général à des lampes halogènes, incandescentes ordinaires, ou compactes, et peuvent être utilisés pour un éclairage d'ambiance (type encastrés), ou ponctuel (spot). Dans le premier cas, les faisceaux devront se rejoindre sur le plan de travail de manière à fournir un éclairement minimal continu sur la surface S à éclairer. 63Rabl Ari et Kreider Jan, Heating and Cooling of Buildings, Mac Graw Hil, 1994. C'est aussi celle qui est utilisée pour déterminer la consommation en éclairage artificiel dans le programme Lumen-Micro. 64 C'est au projeteur de vérifier ensuite que la géométrie de la pièce et l'espacement des luminaires sont tels que l'éclairement est suffisamment uniforme. Les méthodologies et les outils professionnels 1m 2m 3m 151 Lux Diam. en mm x lx y mm x' lx y' mm x"lx y" mm 2m 1 0 1 2m Figure 3.28 : Diagramme d'éclairement La surface éclairée est donnée en fonction de la distance au plan de travail, en général la hauteur H de la lampe moins la hauteur du plan de travail, par exemple 85 cm. En choisissant un type de lampe, l'efficacité lumineuse nous donne le nombre de Watts à fournir à une distance donnée : Slampe= f (H - 0.85) n = S / Slampe Plampe= ExS / e P = n x Plampe où Slampe est la surface couverte par une lampe, H la hauteur du plafond, 0.85 la hauteur du plan de travail fixée par défaut, n le nombre de lampes à disposer, Plampe la puissance requise pour un luminaire. e) Rendement Pour beaucoup de luminaires moins fonctionnels, et en particulier dans l'habitat, aucun de ces tableaux ou diagrammes ne sont fournis. Nous avons donc décidé de ne prendre en compte que la notion de rendement du luminaire. Un rendement global du luminaire est alors indiqué, ainsi qu'un pourcentage de la surface de travail qui devra être éclairé. Comme précédemment, le choix du type de lampe permet de calculer la consommation énergétique : P = (ExS) / (ηxe) où η est le rendement du luminaire. 152 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 3.3.6 PRATIQUES USUELLES D'ÉCLAIRAGE PAR TYPE DE BÂTIMENT65 Niveaux d'éclairement Le paragraphe suivant donne, par type de bâtiment, les éventuelles réglementations associées, les niveaux d'éclairement requis, l'atmosphère et le type de lampe approprié. a) Habitations TABLEAU 3.9 : ÉCLAIREMENTS REQUIS DANS L'HABITAT (NORME AFNOR X 35-103 66) Entrée Ambiance Chambre, éclairage localisé Préparations culinaires Bureau Coin bricolage 150 lx 200 lx 300 lx 300 lx 300 lx 300 lx L'éclairage des habitations se caractérise par la multiplicité de ses foyers lumineux. Le rendu des couleurs est important. Les exigences majeures sont l'esthétique, la qualité de lumière, une flexibilité maximum, un prix faible. Les sources les plus utilisées sont par conséquent : les lampes à incandescence standard ou halogènes, les lampes à réflecteur incorporé et les lampes fluocompactes. b) Bâtiments industriels TABLEAU 3.10 : ÉCLAIREMENTS REQUIS DANS L'INDUSTRIE (NORME AFNOR X 35-103) Minimum pour tâche visuelle Grosse mécanique, tâche industrielle diverse Tâche industrielle de précision Travail délicat Travail très délicat Bâtiments animaliers 200 lx 300 lx 500 lx 1000 lx 2000 lx 50 lx 65 Un tableau extrêmement détaillé de niveaux d'éclairement se trouve dans le document (IES, 1987), des pages 2-5 à 2-20. Ils sont classés par types génériques, allant de A à I. Des facteurs de pondérations sont proposés en fonction de l'âge de l'utilisateur, de l'importance et de la durée de la tâche... 66 Norme AFNOR X35-103, Ergonomie - Principes d'ergonomie visuelle applicables à l'éclairage des lieux de travail, octobre 1990 Les méthodologies et les outils professionnels 153 En général, des prix et consommations faibles sont recherchés, une qualité de lumière moyenne, ainsi que principalement une lumière directe ce qui conduit habituellement à : • usines basses : éclairage fluorescent à tubes avec la meilleure efficacité possible, sauf si le rendu des couleurs est extrêmement important ; • usines hautes : lampes à décharge haute densité ; • éclairage d'appoint : lampes à réflecteurs incorporés. c) Bureaux de dessin : Norme AFNOR X 35-103 1000 lx Le rendu des contrastes est primordial. Des lignes de luminaires fluorescents sont généralement placés perpendiculairement aux lignes des tables. d) Salles avec écrans de visualisation : Ecrans surface claire < 300 lx Ecrans surface sombre < 1000 lx Le rendu des contrastes est très important. Il faut une bonne visibilité mais pas de réflexion. Les luminaires les plus appropriés sont les luminaires à basse luminance, les lampes fluorescentes (tubes / compactes). e) Éclairage commercial TABLEAU 3.11 : ÉCLAIREMENT REQUIS DANS LES LOCAUX COMMERCIAUX67 Boutiques Libres services Grandes surfaces 300 lx 500 lx 1000 lx Une bonne qualité de lumière (Indice de Rendu des Couleurs -IRC- et qualité élevés), et une grande flexibilité (intérieur, vitrines, extérieur) sont en général exigés. Des spots, lampes à incandescence à réflecteur incorporé, lampes halogènes standard ou basse tension, ainsi que des lampes fluorescentes (souvent des tubes 58 W, 1m50, ou compactes) sont utilisés. f) Éclairage des écoles Les équipements utilisés classiquement sont les luminaires fluorescents à grille de défilement, en lignes perpendiculaires aux tables, et les luminaires fluorescents spéciaux pour tableaux noirs. 67 Norme AFNOR X 35-103 ; brochure éclairage commercial AFE, textes réglementaires et contractuels 154 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement TABLEAU 3.12 : ÉCLAIREMENTS CONSEILLÉS DANS LES ÉCOLES68 Table des élèves Table des maîtres Tableau noir Tables de dessin E conseillé, lx 300 400 500 700 E minimal, lx 150 200 300 400 g) Éclairage d'installations sportives TABLEAU 3.13 : ÉCLAIREMENT REQUIS DANS LES LOCAUX SPORTIFS69 Omnisports Salles de tennis Piscines 200 lx 500 lx 150 lx. Des lampes à incandescence ou fluorescentes et des luminaires à faible luminance apparente sont utilisés. h) Hôtels TABLEAU 3.14 : ÉCLAIREMENT REQUIS DANS LES HÔTELS70 Salles à manger Halls d'entrée Couloirs et dégagements Cuisines 200 lx 300 lx 150 lx 300 lx L'éclairage est en général localisé. La couleur des lampes est importante surtout dans les salles de bains, et de manière croissante avec le standing de l'hôtel. Des lampes à incandescence et fluorescentes sont en général utilisées. i) Hôpitaux : Recommandations de l'AFE et agrément du Ministère de la Santé. Dans les chambres, l'éclairage est indirect au plafond, et très localisé sur le lit. Il faut de plus un éclairage renforcé en tête de lit. Les lampes fluorescentes sont largement utilisées. Les exigences sont très rigoureuses 68 Arrêté Ministériel, JO 30 Mars 1965, éclairements minimaux et conseillés 69 Recommandations de l’AFE officialisées par le Ministère de la Jeunesse et des Sports (doubler les valeurs pour les entraînements de compétition) 70 Recommandations de l'AFE, contresignées par les responsables de l'équipement touristique Les méthodologies et les outils professionnels 155 pour les blocs opératoires, et sont précisées dans les cahiers des charges fournis aux concepteurs. j) Musées : Une modélisation beaucoup plus fine est nécessaire. Il faut en effet prendre soin d'éviter tout rayonnement susceptible d'abîmer les œuvres, et d'optimiser la qualité de l'éclairage. Des outils spécialisés sont alors nécessaires. Notions de confort Un projet d'éclairage doit répondre à d'autres exigences que de simples valeurs d'éclairement. La lumière a un rôle psychologique très important. En particulier, elle joue un rôle majeur dans la perception de l'espace (impression de clarté, espace, intimité...), ainsi que sur l'humeur. La lumière naturelle apporte un spectre complet de lumière visible et invisible. Elle stimule ainsi de nombreux mécanismes biologiques importants, et permet un rendu des couleurs inégalable. La lumière naturelle a de plus une efficacité énergétique exceptionnelle. Sans même tenir compte des problèmes de radiations indésirables, ou de clignotements, que l'usage de l'éclairage artificiel peut induire, l'importance de privilégier l'éclairage naturel dans une pièce est facilement établie. Cette notion a induit plusieurs auteurs à fixer des valeurs minimales de facteurs de lumière de jour, en recommandations sur l'éclairement des logements. Le tableau 3.15 est donné par Bouvier71: TABLEAU 3.15 : FACTEURS DE LUMIÈRE DU JOUR CONSEILLÉS Facteur de lumière de jour au centre de la pièce, sur le plan horizontal à 1 m du sol Minimum (%) Souhaitable (%) Salle de séjour 1,5 2à3 Chambre 1 1à2 Chambre d'enfant 1,5 2à3 Cuisine 1,5 2 Un facteur de lumière de jour est égal, pour une distribution des luminances dans le ciel donnée, au quotient de la valeur de l'éclairement en un point P intérieur à la pièce, à la valeur de l'éclairement horizontal diffus extérieur. Les valeurs de facteurs de lumière de jour obtenues sont données en %, 10 % au centre d'une pièce étant déjà une valeur considérée comme élevée. Le niveau d'éclairement obtenu, fraction seulement du niveau d'éclairement en site extérieur dégagé, dépassera ou non, selon les 71 Bouvier François, Éclairage Naturel, Techniques de l'Ingénieur, C 3315. 156 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement conditions climatiques de l'heure, le niveau d'éclairement exigé par la tâche. Dans ce dernier cas, l'allumage de l'éclairage artificiel sera nécessaire. Le facteur de lumière de jour ne fixe donc pas de niveaux d'éclairement mais, en fonction du climat local, la probabilité de voir atteindre ces niveaux. Par là, il fixe un niveau probable de dépense en énergie d'éclairage, et de confort intérieur. Il est plus facilement utilisable comme instrument de mesure de performance qu'en tant qu'outil d'aide à la conception. Puissance d’éclairage installée Le tableau 3.16 donne un aperçu de la densité de puissance installée pour l'éclairage artificiel. Il est issu du code de la construction du "Department of Energy" des USA, qui spécifie ces valeurs (LBL, 1992). Elles sont données en W/m2 à titre d'ordre de grandeur. TABLEAU 3.16 : PUISSANCES CONSEILLÉES EN ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL (W/M2) Type de bâtiment / Utilisation de la surface Bureaux Salon de détente / bar École Établissement de service Tailles de surfaces brutes éclairées 0 à 200 m2 201 à 1 000 m2 14 16 13 28 13 16 13 20 Les éléments présentés dans ce paragraphe permettent ainsi d'établir un scénario d'utilisation avec des consignes d'éclairement, puis de saisir les données concernant les équipements (lampes, luminaires, régulation). Dans une première étape, le logiciel calcule le niveau d'éclairage artificiel sur le plan de travail spécifié. Si cet éclairement est insuffisant, l'utilisateur peut redimensionner le système. Le logiciel calcule alors sur chaque pas de temps l'éclairement naturel sur le plan de travail, et si celui-ci est insuffisant l'éclairement artificiel et donc l'énergie électrique consommée. Cette énergie est considérée comme apport interne dans la simulation thermique. La consommation saisonnière ou annuelle peut être déduite par intégration sur la durée de simulation, ainsi que les facteurs de lumière du jour moyens sur le plan de travail. Dans des bâtiments spécifiques, en particulier des musées, des contraintes très strictes sont imposées en matière d'éclairage et la quantification du niveau d'éclairement ne suffit plus. Il faut alors évaluer les risques d'éblouissement, les contrastes entre différentes surfaces (éviter les revêtements sombres près des vitrages), le rendu des couleurs (qui peut imposer des lampes moins efficaces énergétiquement mais dont les longueurs d'onde sont plus appropriées). Des logiciels existent, mais nécessitent une saisie très précise des bâtiments (pièce par pièce, en Les méthodologies et les outils professionnels 157 indiquant la position exacte de chaque vitrage, les propriétés de chaque revêtement, éventuellement des meubles). On peut citer dans ce domaine le logiciel RADIANCE72, qui permet l'analyse et la visualisation de la lumière. En tenant compte de la géométrie, des matériaux, de l'éclairage naturel et artificiel, il est possible de calculer des spectres d'intensité lumineuse (quantité de lumière passant à travers un point dans une direction donnée et couleur), des spectres de quantité de lumière totale affectant une surface (quantité de lumière et couleur) et des indices d'éblouissement. Les résultats de simulation peuvent être affichés sous forme d'images, de valeurs numériques ou de courbes. Une version pour micro-ordinateur PC est intégrée au logiciel ADELINE73. 3.4 LES CALCULS D’ACOUSTIQUE Dans ce domaine également, il est possible de distinguer les outils simplifiés, adaptés à la plupart des situations, et les outils spécialisés, par exemple pour la conception d'une salle de spectacle. La réglementation acoustique fixe des performances minimales. En fonction du site et du type de bâtiment, un niveau de performance plus élevé peut être exigé. 3.4.1 OUTILS SIMPLIFIÉS Dans la plupart des cas, le traitement de l'ambiance acoustique d'un bâtiment consiste à se protéger des bruits, extérieurs ou entre différents locaux (entre logements, entre des bureaux et une salle de réunion, etc.). Au delà de la méthode réglementaire, la méthode d'évaluation la plus répandue en France est la méthode QUALITEL74. Il s'agit d'évaluer des niveaux d'isolement acoustiques pour les différentes parois concernées (en considérant les bruits aériens et pour les planchers et certains escaliers, les bruits de chocs), ainsi que les risques de transmissions par les conduits de ventilation, gaines techniques, menuiseries, et la génération de bruits par des équipements (robinets, chutes d'eaux, chauffage, climatisation, ventilation, ascenseurs). De tels calculs ont été intégrés par exemple dans le logiciel ACOUBAT, qui offre ainsi une aide à la conception75. 72 cf. http://radsite.lbl.gov/radiance/ 73 cf. http://radsite.lbl.gov/adeline/HOME.html 74 cf. http://www.qualitel.org/ 75 cf. http://www.cstb.fr 158 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 3.4.2 OUTILS DÉTAILLÉS D'autres critères peuvent être considérés pour certains types d'espaces. Le temps de réverbération dépend des revêtements de surface et de la géométrie des espaces. C'est le temps nécessaire à un son pour être réduit au millionième de son intensité initiale. Une salle de spectacle (auditorium pour l'écoute de musique) doit présenter un temps de réverbération suffisant : un son de forte intensité doit pouvoir y être audible une à deux secondes après la fin de son émission. A contrario, un temps de réverbération trop long produit des résonances marquées, voire des échos. Une répartition appropriée de matériaux absorbants et réfléchissants doit donc être trouvée. Les outils de simulation découpent les parois d'un local en éléments : l'opérateur choisit la finesse du maillage en fonction des contraintes acoustiques différentielles sur chacune des parois. Chaque paroi est représentée par un polygone, auquel est affecté un coefficient d'absorption. L'affectation en série peut être réalisée sur les parois de même coefficient d'absorption. L'opérateur peut effectuer un maillage spécifique par paroi, dont la finesse correspond à la précision d'analyse souhaitée pour cette paroi. Les résultats peuvent inclure les niveaux sonores, l'échogramme, la décroissance du son dans l’espace, les éclairements acoustiques relatifs sur les parois, les indices acoustiques de la salle (définition, clarté, fraction latérale), les directivités, à savoir les directions d’où provient, en un point de réception donné, l'intensité acoustique : directivité statique (source sonore constante) et directivité dynamique (source impulsionnelle), répartition temporelle des énergies reçues : instantanées ou cumulées. Un tel outil d'ingénierie acoustique est par exemple proposé par le BET Planète Acoustique76. 3.5 L'ÉVALUATION DES IMPACTS SANITAIRES Comme nous l'avons vu au paragraphe 3.1, l'analyse de cycle de vie concerne des impacts environnementaux globaux, mais ne permet pas d'évaluer des impacts spécifiques sur la santé des occupants d'un bâtiment. Il n'existe pas aujourd'hui de véritable outil d'évaluation et d'aide à la conception pour les professionnels du bâtiment en matière de santé, mais plutôt des ouvrages présentant les problèmes et proposant des recommandations, ainsi que des bases de données (en allemand) sur la toxicité et les risques associés à différents produits77. 76 cf. http://www.planete-acoustique.com/ 77 CD ROM ECOBIS, Okologisches Baustoffinformationssystem, Ministère allemand du transport, de la construction et du logement, juin 2000 Les méthodologies et les outils professionnels 159 Toutefois, une méthodologie générale d'évaluation des impacts sanitaires est mise en œuvre pour l'évaluation de la performance environnementale (norme ISO 14 031), et cette approche pourrait donner lieu à des applications dans les bâtiments. Il nous semble donc utile de la présenter ici. Les aspects de santé dans le bâtiment peuvent être regroupés en trois grands domaines : les aspects liés à la qualité de l'air, ceux liés à la qualité de l'eau et d'autres aspects comme le problème des champs électromagnétiques. La qualité de l'air influence également le confort olfactif, c'est pourquoi nous avons inclus cet aspect dans ce paragraphe. La première étape consiste à évaluer les quantités de polluants émis dans l'air et dans l'eau. Les émissions dans l'air peuvent provenir de certains matériaux (fibres émanant des isolants, composés organiques volatils dégagés par les peintures, colles, panneaux agglomérés…), de certains équipements (chaudière), de certaines activités (fumée de cigarette, bricolage, entretien…), du milieu extérieur (radon, pollution urbaine ou au voisinage de voies de circulation…). Des mesures sont effectuées sur des matériaux comme les revêtements afin de connaître les émissions de polluants au cours du temps. Les émissions dans l'eau sont liées à la dissolution des métaux composant les canalisations (en particulier le plomb). Il faut ensuite évaluer la concentration des différents polluants dans l'air et dans l'eau, en fonction de leur dilution. Les concentrations dans l'air dépendent des débits de ventilation entre l'extérieur et l'intérieur des locaux, et également entre différents locaux. Des modèles existent pour quantifier ces échanges d'air en fonction de l'étanchéité de l'enveloppe (perméabilité à l'air, qui peut être mesurée sur site une fois la construction achevée), du système de ventilation (bouches d'entrée et de sortie d'air, ventilateur éventuel dans le cas d'une ventilation mécanique contrôlée), des ouvertures entre locaux (portes). Les débits d'air en circulation dépendent des conditions météorologiques locales (vitesse et direction du vent), et des niveaux de température extérieure et intérieure qui conditionnement le tirage thermique (l'air chaud s'élève car il est plus léger). Ces conditions locales sont souvent difficiles à évaluer, du fait des perturbations très localisées engendrées par exemple par des bâtiments voisins. On ne peut alors obtenir qu'un ordre de grandeur de ces variables locales. Les émissions et les débits de ventilation étant connus, même approximativement, les concentrations dans l'air peuvent être déduites. Les conséquences sanitaires ne sont pas liées directement aux concentrations de polluants dans l'air, mais aux doses reçues par les personnes exposées. Ces doses dépendent des concentrations, mais aussi de la quantité d'air (ou d'eau) ingérée (en moyenne, un homme adulte inhale 23 m3 d'air par jour, une femme 21 m3 et un enfant 15 m3), du poids de la personne (à concentration égale, la dose est en général plus élevée pour les 160 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement enfants), et de la durée d'exposition (la dose est plus forte si le polluant est émis dans une chambre, où les personnes passent davantage de temps). La dose s'exprime en kg (ou mg) de polluant inhalé ou ingéré par kg de poids humain. L'estimation des conséquences sanitaires peut alors être menée par la méthode des facteurs "dose-réponse". Cette méthode repose sur des bases de données reliant, pour un certain nombre de substances, le nombre de maladies générées aux doses reçues. Par exemple, le chloroforme induit un risque de 0,081 cancer pour une dose journalière de 1 mg/kg. De telles données ne sont malheureusement disponibles que pour un nombre assez faible de substances (de l'ordre d'une centaine) par rapport aux milliers de substances chimiques commercialisées. D'autre part, les interactions entre substances ne sont pas prises en compte. En ce qui concerne la carcinogénicité, la réponse est proportionnelle à la dose car il n'existe pas de seuil : même une très petite quantité de polluant peut avoir des conséquences. Pour certaines autres maladies par contre, il peut y avoir un seuil : si la dose est inférieure à une certaine limite, le polluant peut être assimilé par l'organisme sans conséquence sanitaire détectable. A partir des probabilités de générer un certain nombre de maladies, des indicateurs globaux sont proposés. Une première approche consiste à monétariser les impacts sanitaires : un coût moyen des soins correspondant à chaque maladie doit être estimé, ainsi que le coût associé à la perte d'une vie humaine (ce qui induit un certain nombre de questions philosophiques ou éthiques). Une autre approche consiste à évaluer le nombre d'années de vie humaine perdues ainsi que le nombre d'années de vie en bonne santé perdues (sous réserve de connaître la durée moyenne des maladies considérées). Cette présentation montre la complexité d'une évaluation exhaustive des risques sanitaires, en particulier dans les bâtiments. C'est sans doute pourquoi la gestion de cette problématique est pour le moment approchée par l'expertise et non par un calcul comme dans les domaines abordés précédemment. 3.6 LA GESTION DES DÉCHETS DE CHANTIER Un outil a été développé en France pour l'aide à la gestion des déchets de chantier : ECO-LIVE78. L'utilisateur doit saisir des données sur le chantier (construction ou démolition, localisation, place pour les bennes de tri) et le bâtiment (type, surface, description détaillée par lots, matériaux employés pour les fondations, les abords, les façades, la toiture, les planchers, plafonds et cloisons, les ouvertures, les escaliers, les revêtements…). 78cf. http://perso.wanadoo.fr/adatire/ecolive/Eco_live.htm Les méthodologies et les outils professionnels 161 Le logiciel évalue les quantités de déchets en les regroupant par catégories (déchets inertes, industriels banals ou spéciaux). Un coût de traitement est alors estimé en fonction du choix des filières de traitement, qui peuvent ainsi être comparées. 3.7 LES OUTILS GÉNÉRALISTES Il n’existe pas actuellement d’outil intégrant l’ensemble des évaluations présentées ci-dessus. Quelques outils généralistes ont été développés. La méthode la plus ancienne est BREEAM, élaborée par le Building Research Establishment en Grande Bretagne. Le principe est d’accorder des points (« credits ») à un projet en fonction de critères de performance (besoins énergétiques) ou techniques (présence d’un local pour les vélos, d’une hotte au dessus d’une cuisinière…). Le nombre de points accordé à chaque niveau de performance et à chaque technique n’a pas été justifié par un bilan environnemental, ce qui serait sans doute très difficile en toute généralité. Le principal intérêt de cette méthode est de constituer une « check list » permettant de ne pas oublier de point important dans la conception ou l’évaluation d’un projet. Des méthodes comme PAPOOSE, développée par le B.E.T. TRIBU, ou ESCALE, développée par le CSTB79, comprennent un certain nombre de modules d’évaluation pour différents critères, mais ces évaluations restent relativement simplifiées. Si la sensibilité d’un modèle simplifié est insuffisante, alors les choix effectués en conception peuvent aboutir à une performance médiocre. Ainsi dans le cas d’un lycée à « haute qualité environnementale » situé en Ile de France, la consommation d’énergie pour le chauffage est supérieure de 50% à la moyenne des lycées neufs, alors que le projet avait été évalué favorablement par une méthode généraliste. Ces méthodes continuent d’être améliorées par leurs auteurs, et il faut donc espérer que les modèles qu’elles incluent seront de plus en plus précis. Elles ne sont pour le moment pas diffusées mais sont utilisées par leurs auteurs sur des projets, en particulier pour fournir une assistance à la maîtrise d’ouvrage dans la rédaction des programmes. L’outil GB Tool développé par un groupe international dans le cadre du « green building challenge » est également un outil généraliste, qui intègre à la fois des indicateurs environnementaux (potentiel de réchauffement global, potentiel d’acidification…), des critères qualitatifs (espaces verts, adaptabilité du bâtiment), et des critères techniques (présence d’une climatisation, d’une ventilation à double flux…). Mais les 79 Rialhe A. et Nibel S., Quatre outils français d'analyse de la qualité environnementale des bâtiments, Ed. Plan Urbanisme Construction et Architecture, 1999 162 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement méthodes d’évaluation de chaque critère ne sont pas décrites : par exemple le potentiel de réchauffement global du projet étudié doit être comparé à une valeur de référence, et une note entre –2 et +5 est déduite. L’analyse de cycle de vie pourrait être utilisée pour cette évaluation, mais elle n’est pas intégrée dans le logiciel et de ce fait, les utilisateurs se contentent le plus souvent d’une évaluation « à dire d’expert », ce qui est pour le moins subjectif. Sur un autre exemple, le confort d’été, la note obtenue est mauvaise si le taux d’humidité n’est pas contrôlé, ce qui est le cas en l’absence d’une climatisation. Or dans la plupart des climats français, le taux d’humidité pose rarement un problème, et un bâtiment rafraîchi de manière passive peut être jugé très confortable par ses occupants, ce qui ne correspondrait pas à l’évaluation par GB Tool. D’autres contradictions de ce type, liées aux spécificités régionales (un outil peut-il être valable dans tous les pays, dans tous les climats ?), aux méthodologies simplifiées (« dire d’expert », addition de points), aux jugements de valeur implicitement contenus dans les évaluations (pondération entre critères, structuration des critères), imposent une grande prudence dans l’utilisation de cet outil, qui répond à un objectif de sensibilisation au niveau international, mais ne constitue pas un réel outil d’aide à la conception. Une norme est en cours d'élaboration au sein de l'AFNOR pour l'évaluation de la qualité environnementale des bâtiments80. Le cadre très général de ce texte permet l'évolution des outils en fonction des connaissances. Les outils généralistes actuels répondent à des besoins à court terme, résultant le plus souvent de démarches plus politiciennes que techniques. Ils ne conduisent pas toujours à réduire les impacts environnementaux des bâtiments. Les utilisateurs, maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre, doivent donc rester critiques lors de l’interprétation des résultats obtenus avec ces outils. 3.8 L'UTILISATION DES OUTILS 3.8.1 LA PROGRAMMATION 3.8.1.1 Rénovation ou reconstruction Le choix de construire ou de rénover constitue une des premières alternatives qui se présentent à un maître d'ouvrage. Rénover peut paraître a priori plus intéressant. Il faut toutefois évaluer les impacts sur le cycle de vie du bâtiment, et non pas seulement comparer les impacts respectifs des chantier de rénovation et de construction. Ceci implique en particulier la prise en compte des consommations énergétiques des deux "systèmes", 80 Norme P01-020 en cours d'élaboration, titre provisoire : Cadre pour la maîtrise des impacts environnementaux et sanitaires des bâtiments Les méthodologies et les outils professionnels 163 ainsi que le remplacement des composants sur l'ensemble de la durée de vie. Une analyse de cycle de vie comparative peut être effectuée. Les résultats dépendent de la qualité finale du bâtiment rénové, surtout en matière de thermique mais aussi en ce qui concerne la réduction des consommations d'eau et la possibilité de trier les déchets (présence d'espace suffisant dans les cuisines et locaux techniques de l'immeuble). 3.8.1.2 Choix du site La comparaison entre sites nécessite de prendre en compte de nombreux paramètres : • les aspects énergétiques : orientation par rapport au sud et présence de masques (autres bâtiments, arbres...), exposition au vent, connexion au réseau de gaz naturel, à un réseau de chaleur (les réseaux de chaleur valorisant l’énergie géothermique ou l’énergie bois sont intéressants du point de vue environnemental), éclairage public supplémentaire nécessité par le projet ; • l'occupation du sol : site vierge ou reconstruction, présence d'un monument historique ou site classé, impact sur la végétation (abattage d'arbres) ; • la qualité de l'air : présence d'équipement industriel ou routier en amont des vents dominants, présence de radon ; • le bruit : présence d'une source à proximité (route, voie ferrée, industrie...) ; • la gestion des déchets : mode de traitement (décharge, incinération avec ou sans récupération thermique/cogénération, compostage), collecte sélective pour différents matériaux (verre, papier, piles, métaux, textiles, huiles usagées, CFC...) et distances aux lieux de traitement ; • les transports : desserte par réseau de transport en commun, distances à parcourir (domicile-travail, commerces...), existence de pistes cyclables ; • la gestion de l'eau : composition de l'eau du réseau (nitrates, sulfates, métaux lourds, pesticides, dureté), rendement du réseau, taux de raccordement des eaux usées, composition de l'eau épurée et des boues, récupération de méthane dans la station d'épuration, éloignement de la nappe phréatique par rapport au chantier, inondabilité de la zone (risque d'inondation et niveau d'affleurement de la nappe phréatique) ; • les risques de glissement de terrain, les risques sismiques, la proximité d'une forêt et les risques d'incendie dans certaines régions. Ces différents aspects conditionnent les impacts sur la durée de vie du futur bâtiment, ainsi que la qualité de l'environnement intérieur en matière de confort et de santé. Une analyse de cycle de vie peut être effectuée sur un bâtiment type (maison individuelle, logement collectif, 164 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement bâtiment tertiaire, école...) avant toute conception architecturale et pour un scénario d'occupation type (quantité de déchets ménagers produits par jour, quantité d'eau consommée, température souhaitée pour le chauffage et éventuellement la climatisation, énergie consommée pour l'eau chaude, la cuisson et l'éclairage, transports quotidiens effectués). Cette analyse aboutit à quantifier les impacts pour chaque site, par un profil environnemental comprenant plusieurs critères. En fonction des priorités locales (par exemple le problème des pluies acides peut être prépondérant localement par rapport à l'eutrophisation), la préférence peut être donnée à l'un des sites. Il faut néanmoins prendre en compte certaines interactions entre le site et le bâtiment. Par exemple, l'affleurement de la nappe phréatique oblige à augmenter la masse des fondations (afin d'éviter la poussée d'Archimède) ou à éviter les sous-sols (avec éventuellement d'autres impacts comme l'occupation du sol pour des parkings). 3.8.1.3 Rédaction du programme architectural Cette étape permet de renseigner les concepteurs sur l'utilisation du bâtiment. Ceci est essentiel car la qualité environnementale résulte d'une bonne adéquation entre la conception architecturale et des équipements, et les usages prévus. Il est donc nécessaire de bien évaluer ces usages. Par exemple la quantité d'eau chaude nécessaire dans un équipement collectif (école, hôpital...) conditionne le dimensionnement du système de production. Si les besoins ont été mal évalués, le dimensionnement sera erroné, ce qui peut conduire à une baisse de rendement. Après une définition soignée des besoins, le programme peut orienter les concepteurs et les réalisateurs vers des objectifs, ou des démarches spécifiques. Il est par exemple possible de préconiser un calcul en coût global pour un équipement. Des cibles peuvent être spécifiées81, par exemple réduire la consommation d'eau par des équipements appropriés, ou la consommation énergétique par la démarche bioclimatique et des équipements performants, gérer les déchets en fonction des options choisies ou prévues au niveau de la commune (tri nécessitant des espaces dans les cuisines et des locaux techniques). La qualité environnementale ne doit cependant pas être un frein à la créativité architecturale. Cette démarche s'applique à tous les styles architecturaux et ne justifie pas d'imposer des solutions techniques figées. Dans l'exemple de la thermique, le programme peut spécifier des performances, sur les besoins de chauffage (par exemple obtenir des 81 Appel d'offres du Plan Construction et Architecture sur les Réalisations expérimentales de bâtiments HQE, novembre 1993 Les méthodologies et les outils professionnels 165 besoins inférieurs à 70 kWh/m2/an) ou sur les températures en été82 (par exemple maintenir au plus 27° dans les pièces principales quand la température extérieure moyenne quotidienne n'excède pas 24°). Des conseils peuvent être joints au programme en ce qui concerne l'orientation des pièces en fonction de leur usage, la position des baies vitrées et la protection contre les surchauffes, l'inertie thermique, la ventilation, etc. 3.8.2 LA CONCEPTION ARCHITECTURALE Les premiers essais de réalisations écologiques ont parfois consisté à rechercher l'autonomie des bâtiments, pour l'eau (récupération des eaux de pluie, captage local), l'énergie (stockage intersaisonnier) et les déchets (compostage et traitement local). En fait, il n'est pas sûr que cette démarche soit la plus judicieuse. En effet, l'émission zéro sur la durée de vie du système impose un "investissement environnemental" pour sa construction, qui n'est pas forcément rentabilisé. Dans l'exemple de la thermique, la construction d'un stockage saisonnier pour une maison individuelle nécessite un volume de matériaux important. Même les stockages par hydrogène, moins coûteux en matière, n'ont pas un bilan positif sur le cycle de vie par rapport à une maison à faibles besoins (conception bioclimatique)83. Une bonne intégration aux réseaux permet de profiter d'équipements performants (épuration de l'eau, production et distribution d'énergie, gestion des déchets), ce qui peut souvent être intéressant au plan environnemental. La répartition des rôles entre le niveau individuel et collectif n'est cependant pas facilement généralisable. Par exemple, le tri des déchets par les occupants au niveau du bâtiment évite de générer des emplois sousqualifiés et réduit le coût pour la collectivité. L'épuration poussée de l'eau au niveau local permet de ne traiter que la quantité nécessaire : une personne consomme environ 150 litres d'eau par jour, mais n'en boit que deux. Il n'est donc pas nécessaire de traiter l'ensemble avec le même niveau de performance, bien qu'un niveau assez élevé soit tout de même nécessaire pour l'eau qui peut entrer au contact de la peau (douche…). En ce qui concerne l'énergie, la valorisation des gains solaires, énergie propre et renouvelable, est souvent moins coûteuse au niveau local que dans des équipements centralisés : les capteurs remplacent un composant existant (par exemple une partie de la toiture), il y a donc un coût évité et pas d’occupation supplémentaire des sols. Un bâtiment offre des surfaces de captage importantes (façades et toiture). Une maison bien 82 M. Gerber et ADEME Languedoc-Roussillon, Cahier des charges à l'usage des concepteurs, octobre 1991 83 Association des Ingénieurs Allemands (VDI), Conférence de Munich, décembre 1993 166 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement exposée, située en Ile de France reçoit sur une saison de chauffe un rayonnement solaire égal à huit fois ses besoins de chauffage (le rayonnement solaire annuel est supérieur à 1000 kWh/m2). Il ne suffit pas de capter cette énergie, il faut la transformer en économie sur le chauffage. Ceci nécessite en fait trois transformations successives : • la transformation de lumière en chaleur : le rayonnement solaire est absorbé par une surface, qui s'échauffe et émet de la chaleur ; • le déphasage des gains solaires : la chaleur doit être stockée partiellement du jour sur la nuit grâce à l'inertie thermique (maçonnerie lourde), pour être distribuée au bon moment ; toutefois le stockage intersaisonnier n’est rentable et efficace que pour de très gros stockages, alimentant plusieurs centaines de logements ; • la réduction de la consommation des équipements : la régulation doit suivre les gains solaires (par exemple grâce à des robinets thermostatiques pour des installations à eau), sinon ceux-ci génèrent une surchauffe au lieu de réduire la consommation ; les systèmes inertes (par exemple les planchers chauffants) sont alors moins adaptés que les systèmes à air par exemple ; d'autre part le rendement du système doit rester le plus élevé possible à charge partielle, car les gains solaires diminuent la puissance appelée par rapport au régime nominal (puissance maximale de la chaudière, calculée pour les jours les plus froids et sans soleil). Mais une valorisation importante des gains solaires nécessite de prévoir le comportement du bâtiment en été, et aussi en mi-saison, pour éviter les surchauffes par des moyens adéquats : protections solaires (avancées de toiture qui arrêtent le rayonnement en été, lorsque le soleil est haut, stores, végétation etc.), inertie thermique (éventuellement utilisation du sol), ventilation (en particulier pour les vérandas). Seule une collaboration menée dès les premières phases de conception entre l'architecte et le thermicien peut conduire à réaliser effectivement les économies d'énergie sans nuire au niveau de confort thermique. L'analyse énergétique par simulation multizone, mise en œuvre dans le logiciel COMFIE, a été conçue spécialement pour remplir ces objectifs. L'analyse en dynamique permet d'obtenir les profils de température dans les différentes zones d'un bâtiment, et d'évaluer les besoins de chauffage annuels. Il est alors possible de comparer des variantes de conception pour limiter les besoins tout en contrôlant les risques de surchauffe. L'analyse de cycle de vie permet de généraliser l'approche énergétique en considérant de nombreux effets environnementaux décrits au chapitre 1. Les données sur la géométrie et les composants d'un bâtiment, ainsi que les besoins énergétiques calculés par le logiciel COMFIE servent d'entrée à l'outil d'évaluation de la qualité environnementale EQUER. Quelques caractéristiques supplémentaires sont demandées, en particulier : Les méthodologies et les outils professionnels 167 • type de site (urbain, banlieue, rural, isolé) ; • durée de vie du bâtiment (valeur par défaut proposée : 80 ans) ; • facteur de surplus pour le chantier (valeur par défaut : 10%) ; • distances pour le transport des matériaux (valeur par défaut : 100 km) ; • type d'énergie pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire (gaz, fuel, électricité, bois) ; • consommation d’eau froide et chaude ; • génération, tri, collecte et traitement des déchets ménagers ; • distances de transport (domicile vers le lieu travail, le supermarché, le réseau de transport en commun). Le nombre de ces paramètres a été limité grâce à l'utilisation de valeurs par défaut (par exemple l'énergie nécessaire pour la cuisson dans un logement est fixée à 1,4 kWh par personne, moitié gaz et moitié électricité, la température de l'eau chaude sanitaire est de 55°C). Ces valeurs par défaut ont en général une importance faible sur le résultat global, et l'utilisateur peut les modifier manuellement dans les fichiers de données. D’autres outils d’évaluation technique concernent l’acoustique84 et l’éclairage. Ils permettent de prédire le niveau de confort acoustique et visuel, ainsi que la consommation prévisionnelle pour l’éclairage artificiel, compte tenu des économies réalisées par l’éclairage naturel. Un calcul très simple85 permet une première évaluation de l’éclairage naturel. Le facteur de jour Fdj, rapport entre les éclairements intérieur et extérieur diffus, est donné en % dans le cas où le local ne comporte que des vitrages verticaux : Fdj (en %) = ( τ . Aw . θ ) / (A . (1 - ρ2)) où τ est le taux de transmission de la lumière diffuse par les vitrages, Aw est la surface des vitrages, A est la surface totale des parois du local (plancher, plafond, murs y compris les vitrages), ρ est le taux de réflexion moyen des parois du local (moyennes des taux de réflexion pondérés par les surfaces, y compris les vitrages), et θ est l’angle de la portion de ciel vue depuis le milieu de la vitre (cf. figure 3.29). Si par exemple le facteur de jour vaut 2%, alors l’éclairement intérieur sera de 100 lux pour un ciel couvert type (éclairement extérieur : 5000 lux). 84 cf. réglementation acoustique, ou méthode QUALITEL 85 Randall Thomas, Environmental design, an introduction for architects and engineers,E & FN Spon, Londres, 1996 168 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement θ Figure 3.29 : Portion du ciel vue depuis un vitrage L’ensemble de ces analyses techniques ne doit bien sûr pas occulter les aspects esthétiques de la qualité architecturale. Quelques essais théoriques ont été tentés, mais il s’avère qu’il est en général possible de trouver un contre-exemple à n’importe quelle affirmation sur ce sujet. L’esthétique est souvent associée à une image uniquement visuelle, mais des travaux ont été menés sur les aspects acoustiques et même thermiques de la beauté (par exemple la fraîcheur et la réverbération acoustique dans une église). Un même projet architectural peut être décliné sous diverses variantes exprimant chacune une atmosphère différente (intimité, cérémonie, fantaisie...). L’image d’un bâtiment ou d’un local peut avoir des conséquences importantes sur une activité (par exemple en exprimant la richesse d’un établissement bancaire ou tertiaire...). Une image et/ou une atmosphère désirée peut être obtenue par une démarche délibérée de conception, qui suit une succession d’étapes, par exemple86 : le programme (définition du contexte et des objectifs par des questions posées au maître d’ouvrage afin de situer le projet entre ouvert, ou fermé, plutôt institutionnel ou familial, luxueux ou modeste, etc. et d’établir des listes de qualificatifs recherchés), la collecte d’exemples variés de bâtiments existants, la définition d’alternatives correspondant aux objectifs recherchés, la validation des alternatives par rapport aux autres contraintes. Une telle formalisation de l’approche esthétique facilite la communication au sein de l’équipe de conception-réalisation, et donc la réalisation des objectifs. Le lien entre effets subjectifs et moyens techniques (matériaux, décoration, style des lettres et des icônes, cloisonnement, végétation, éclairage...) reste un vaste champ de recherche encore peu exploré. Il est important de souligner que l’intégration d’objectifs de qualité environnementale ne modifie pas nécessairement l’image et l’atmosphère d’un bâtiment, sauf si le maître d’ouvrage souhaite afficher une image 86 Peter Manning, Environmental aesthetic design, Building and Environment vol. 26 n°4, 1991 Les méthodologies et les outils professionnels 169 “ verte ” ou (dans l ’état actuel des connaissances) s’il recherche une optimisation de la performance sans exigence esthétique particulière. L’ordre dans lequel le concepteur considère les différents aspects de la qualité n’est pas sans effet sur les performances d’ensemble d’un projet : partir des contraintes esthétiques et fonctionnelles puis vérifier l’adéquation aux règles minimales de qualité environnementale aboutira le plus souvent à un résultat différent d’une démarche intégrant les contraintes environnementales dès les premières phases du projet. 3.8.3 LA GESTION D'UN CHANTIER Bien que l'impact relatif d'un chantier de construction soit faible par rapport à l'impact du fonctionnement sur la durée de vie d'un bâtiment, il convient de réduire certaines nuisances (bruit, poussière, génération de déchets) qui peuvent occasionner des gênes multiples pour le voisinage. Ces nuisances sont plus visibles que les conséquences des actions de prévention, par exemple le soin apporté à l'isolation (permettant la réduction des ponts thermiques), qui sont souvent très utiles à la qualité environnementale. Il ne faudrait donc pas se concentrer uniquement sur les aspects spectaculaires de la qualité environnementale des chantiers, mais là aussi raisonner sur l'ensemble du cycle de vie. Une bonne gestion permet de réduire le gaspillage de matière, ce qui présente l'avantage d'associer qualité environnementale et rentabilité économique. En moyenne, les surplus de matériaux représentent 10% du poids total, mais ce chiffre peut varier de manière importante d'un chantier à l'autre (l’emploi plus poussé du calepinage permet de réduire les surplus) et selon les matériaux. Le surplus de béton devrait être évacué en respectant les règles de bonne gestion des déchets. Les emballages forment également une composante importante des déchets de chantier. L'incinération sauvage, pratiquée encore couramment, génère des émissions diverses ayant des conséquences sur la santé, l'effet de serre et l'acidification. Le transport vers une installation de traitement des déchets devrait être pris en compte dans les prestations proposées au donneur d'ordre. Il est possible de prévoir des conteneurs pour la collecte sélective des déchets de chantier : bois, métaux, déchets inertes (ciment sec et autres gravats), emballages plastiques et cartons. Les surplus de peinture et autres déchets spéciaux devraient également être collectés. Le traitement des huiles usagées ou des solvants et autres produits organiques mérite une attention particulière, surtout si le chantier est situé à proximité d'une nappe phréatique. Les huiles végétales peuvent être utilisées pour le coffrage avec un impact réduit. Les vidanges d'huile des engins de chantier ne devraient pas se faire sur le site mais être conduites dans les entreprises elles-mêmes. La gestion des eaux de pluie aux abords du bâtiment devrait être prévue dès la phase chantier afin de limiter les risques de pollution (drainage et évacuation). Une zone bâchée peut être 170 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement mise en place pour préparer les mélanges (mortier, béton...). En zone urbaine, il est parfois demandé de préserver les arbres pouvant exister sur le terrain. Le réemploi87 de composants (par exemple des menuiseries, du matériel de plomberie) est parfois envisagée, mais de manière marginale. L’utilisation de matériaux recyclés (canalisations en PVC recyclé, remplacement dans une certaine proportion -par exemple 20%- des agrégats par du béton pour les radiers) est en progression. L’acier mis en œuvre dans le bâtiment contient déjà 50% de matière recyclée. La réduction des consommations (par exemple utilisation d’armatures plus fines dans le béton) est aussi un moyen de réduire les impacts de la construction. En ce qui concerne la qualité de l'air dans les locaux, il est préférable d'utiliser des produits sans lindane ni pentachlorophénol ni autre organochloré (xylo...) pour le traitement des bois. En effet, ces produits sont nocifs et se dégagent progressivement du bois traité, sur une longue période. Les pyréthrinoïdes (cyperméthrine, perméthrine), les triazoles, les sels de bore et les distillats de charbon de bois semblent moins nocifs88. Il faut aussi assurer une bonne séparation entre les espaces occupés et les isolants fibreux (par des faux plafonds, des contre cloisons étanches...) afin de réduire le taux de fibres dans l’air. Les peintures ou solvants à moindre dégagement de COV, les colles sans solvant ni plastifiant, les bois agglomérés contenant moins de formaldéhyde réduisent les émissions toxiques. Différentes mesures permettent de limiter le bruit émis sur le chantier. Par exemple, l'emploi de béton autoplaçant évite de recourir aux vibreurs. La coordination des différents métiers permet d'améliorer la qualité d'ensemble. L'architecte peut ainsi préconiser : • au plombier, certains équipements sanitaires économes ; • au chauffagiste, une installation de puissance adaptée (un surdimensionnement implique un fonctionnement à charge réduite et donc à plus faible rendement), ainsi qu'une bonne régulation à la fois du système thermique et de la ventilation. Réaliser des économies d'énergie en réduisant le taux de renouvellement d'air n'est pas souhaitable car cette solution nuit à la qualité de l'air. La régulation du débit d'air en fonction de l'occupation est de loin préférable, avec par exemple la ventilation hygro-réglable ; 87 le réemploi consiste à ré-utiliser un composant sans changer sa fonction, alors que la réutilisation s’effectue avec un changement de fonction (par exemple des tuiles usagées peuvent être réutilisées pour border une plate-bande ou réemployées pour couvrir une autre toiture). 88 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 Les méthodologies et les outils professionnels 171 • à l'électricien, une mise à la terre soignée des prises de terre, et l'éloignement des câbles par rapport à l'emplacement des lits ; • au peintre, le choix de certains produits (norme NF-Environnement). Le choix des matériaux de construction semble avoir une importance relativement faible dans l'impact environnemental global d'un bâtiment sur sa durée de vie. Il faut considérer dans ce choix non seulement la qualité environnementale de la fabrication des produits, mais aussi leur durabilité et les émissions qu'ils peuvent générer sur leur cycle de vie. Une peinture qui génère 30% de COV de plus qu'une autre à sa fabrication mais qu'il faut remplacer deux fois moins souvent présente un bilan positif sur sa durée de vie. Les incertitudes et le manque de données actuelles concernant les inventaires de fabrication des produits de la construction rendent difficile une approche rationnelle et, sauf dans les cas extrêmes (amiante par exemple), il semble préférable de baser les choix sur les fonctionnalités des produits plutôt que sur une qualité environnementale partielle (par exemple uniquement basée sur l'analyse des impacts en phase de fabrication). Ceci étant, entre deux produits analogues au niveau de leur fonctionnalité, le produit présentant un avantage environnemental (proportion plus élevée de matière recyclée, procédé de production à moindre impact, etc.) pourra être privilégié. Nous reviendrons sur ces points au chapitre IV. La réception des travaux est une phase souvent négligée et pourtant essentielle. Les concepteurs devraient être présents lors de la réception de l'ouvrage afin de vérifier la bonne exécution des prestations. 3.8.4 LA GESTION D'UN PARC IMMOBILIER Le comportement des utilisateurs a une influence aussi importante que les choix de conception sur les performances effectivement réalisées. Ce phénomène explique généralement une grande partie des écarts constatés entre les performances prévues et celles mesurées sur site. Nous avons donc tenté de mieux cerner les relations entre conception et utilisation, grâce à une double étude de sensibilité basée sur l’analyse de cycle de vie. La comparaison porte à la fois sur deux types de bâtiment, une référence correspondant au standard actuel pour une maison individuelle en Ile de France, mais orientée au nord, et une maison bioclimatique (notée "HQE" dans le tableau 3.12) et sur deux comportements extrêmes : un occupant économe et un occupant gaspilleur. Les deux bâtiments comparés sont deux maisons individuelles situées en Ile de France, les paramètres qui diffèrent sont résumés dans le tableau 3.17. 172 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement TABLEAU 3.17 : DONNÉES SUR LA CONSTRUCTION STANDARD ET "HQE" Composant Isolation Surface vitrée VMC équipement sanitaire tri des déchets Référence 8 cm intérieure 10 m2 ; orientation nord sans échangeur standard verre seulement "HQE" 12 cm extérieure 25 m2 ; orientation sud double flux ; efficacité 0,5 débit réduit de 50% verre et papier Le comportement des occupants est caractérisé par un certain nombre de paramètres concernant la gestion de l'énergie, de l'eau et des déchets. Le tableau 3.18 présente les deux scénarios comparés. TABLEAU 3.18 : DONNÉES CONCERNANT L'OCCUPATION "ÉCONOME" ET "GASPILLEUR" Paramètres Température de consigne Ventilation Electricité spécifique Eau chaude Eau froide Déchets ménagers Tri du papier Tri du verre "Économe" (E) "Gaspilleur" (G) variable entre 14°C et 19°C 21°C constamment 0,5 volume par heure 1 volume par heure 150 W 300 W 40 l/pers/jour (1) 60 l/pers/jour (1) 80 l/pers/jour (1) 150 l/pers/jour (1) 0,8 kg/personne /jour 1,5 kg/personne /jour 60% (2) 0% 80% 0% (1) ce débit est réduit de moitié dans la variante “ HQE ” (2) 0% dans la variante “ Référence ” Les résultats sont exprimés sous la forme d’indicateurs, correspondant à divers thèmes environnementaux recensés au chapitre 1 : effet de serre, consommation d’énergie primaire, d’eau, génération de déchets, potentiel d’acidification. Pour simplifier ce premier exemple introductif d’application de l’analyse de cycle de vie, seuls ces 5 thèmes ont été considérés. Les indicateurs sont représentés en valeur relative par rapport à la variante générant le plus d’impacts (cf. figure 3.30, les indicateurs varient de 0 -impact nul- à 1 -impact maximal-). Les résultats de cette double comparaison permettent de répondre à une importante question : le comportement " gaspilleur " d'un occupant est-il de nature à compromettre les efforts faits par les concepteurs pour obtenir un logement de haute qualité environnementale (HQE) ? Les méthodologies et les outils professionnels 173 Figure 3.30 : Influence croisée de la conception et du comportement des occupants La réponse est heureusement non ! Certes, un constat fait ailleurs, à savoir que le comportement d'un usager influe fortement sur les consommations d'un logement et, par extension, sur son impact environnemental, est vérifié. Mais ceci n'annihile pas les efforts consentis par les concepteurs pour proposer des bâtiments performants du point de vue de l'environnement. Globalement, un occupant " gaspilleur " dans un logement HQE n'induit guère plus d'impacts qu'un occupant " économe " dans un logement de référence, la gestion des déchets mise à part. Bien entendu, un occupant " économe " tirera pleinement profit d'un logement HQE et lui permettra d'afficher un profil d'impacts particulièrement bas. Cette comparaison confirme donc pleinement la nécessité de concevoir des bâtiments HQE même sans connaître - ce qui est pratiquement toujours le cas - le niveau de conscience environnementale des futurs occupants. Ce constat souligne également l'utilité d'une information très complète des usagers sur le fonctionnement des divers équipements mis à leur disposition et notamment sur leur utilisation optimale : installation de chauffage et de ventilation, réseau de distribution et dispositifs de puisage d'eau, système de collecte des déchets, etc. Un mode d'emploi du bâtiment à l'intention des occupants peut s'avérer très utile pour mieux gérer la qualité environnementale dans la durée. Les besoins de chauffage dépendent fortement de la consigne de température choisie. Une température de 19° suffit en général, il est même préférable de descendre à 17° dans les chambres. En cas d'occupation intermittente, une régulation horaire permet des économies importantes et le 174 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement mode d'emploi d'un thermostat ou d'un robinet thermostatique n'est jamais superflu. La "robustesse" d'un système qualifie l'indépendance de ses performances par rapport au comportement des occupants. Les systèmes à haute performance environnementale doivent, pour être réellement efficaces, générer le moins possible de contraintes pour les usagers. Par exemple une véranda attenante à un logement peut être conçue pour limiter l'influence de l'ouverture de la porte de communication entre l'espace chauffé (le logement) et l'espace tampon (la véranda). La conception la plus "robuste" consiste à préchauffer dans la véranda l'air neuf entrant dans le logement. Les grilles d'entrée d'air sont donc situées entre la véranda et l'extérieur, et en haut de la porte entre la véranda et le logement pour permettre le passage de l'air même si elle est fermée. Si l'occupant laisse la porte ouverte, la dépression créée à l'intérieur du logement par l'extraction d'air (ventilation mécanique contrôlée) tend à réduire la circulation d'air "inverse", du logement vers la véranda, limitant ainsi les pertes thermiques. Le mode d'emploi du logement peut en outre faire apparaître les économies réalisables en maintenant la porte fermée l'hiver. Le choix des appareils ménagers est déterminant sur certaines consommations : la consommation électrique pour l’éclairage d’une pièce peut varier d’un facteur 10 entre un halogène et des lampes basse consommation ; des réfrigérateurs, lave-vaisselle et lave-linge économes (en énergie mais aussi en eau) sont également proposés. En Grande Bretagne, les habitants peuvent acheter des kWh électriques “ verts ” : pour un prix un peu supérieur, ils ont la garantie d’une production basée sur des techniques moins polluantes comme les énergies renouvelables. L'économie d'eau dépend également beaucoup du comportement des usagers, que ce soit pour la vaisselle ou les sanitaires. Une sensibilisation des acteurs est possible, tant sur les quantités d'eau utilisées ou la détection des fuites (un robinet qui fuit peut consommer jusqu’à 300 l/jour, une chasse d’eau 500 l/jour) qu'en ce qui concerne la quantité de produits (lessive, etc.) nécessaire en fonction de la dureté de l'eau (cf. chapitre 4). L'entretien du bâtiment lui-même peut être effectué avec des produits moins nocifs. Il s'est consommé en France 1,4 millions de tonnes de détergents, soit 25 kg par personne et par an en 1988, contre 15 kg en 197589. Les lessives sans phosphates ont une moindre contribution au phénomène d'eutrophisation. La Suisse a interdit les phosphates dans les lessives dès 1986. Présenter les formules lessivielles sans phosphates 89 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 Les méthodologies et les outils professionnels 175 comme plus écotoxiques que les lessives avec phosphates90 relève de l'affabulation pure et simple91. La biodégradabilité d'une lessive, affichée sur l'emballage, est en fait la biodégradabilité "primaire" : c'est le premier stade de la décomposition, où les molécules sont simplement cassées en plusieurs morceaux (par exemple la tête et la queue d'un tensio-actif). Mais chacun de ces morceaux peut encore avoir un effet néfaste sur l'environnement. C'est seulement au stade de la biodégradation ultime que la dégradation en molécules de base (eau, CO2...) totalement inoffensives est atteinte. Les tensio-actifs à base végétale (huiles de coprah ou de palmier) présentent une biodégradabilité ultime bien meilleure que celle des tensio-actifs pétrochimiques92. Les azurants optiques sont très peu biodégradables, et certains sont cancérigènes. Un autre aspect très important dans l'écogestion est le tri sélectif des déchets ménagers. Pour faciliter cette opération, des dispositifs adéquats sont à l'étude en ce qui concerne l'ameublement des cuisines. Mais prévoir de tels équipements ne sert à rien si les conteneurs ne sont pas régulièrement vidés et transmis aux opérateurs de la collecte. Cette activité doit donc être prévue dans le fonctionnement et l'entretien du bâtiment. Enfin, la réparation et la réhabilitation du bâtiment sont grandement facilitées si les informations sur les matériaux et composants sont gardées en mémoire. Ceci permet un diagnostic en cas d'anomalie de fonctionnement. Par exemple une consommation de chauffage anormalement élevée peut être expliquée par une anomalie du fonctionnement de la chaudière ou par une détérioration de l'isolation thermique. Les informations sur les caractéristiques du bâtiment fournissent des éléments de réponse, qui peuvent conduire à une décision de réhabilitation adéquate. L'entretien et le remplacement des composants et équipements contribue à l'amélioration de la qualité environnementale, en particulier en ce qui concerne les chaudières. Un tiers du parc français des chaudières individuelles (en résidence principale) a plus de 15 ans, et ces chaudières anciennes sont beaucoup moins performantes que les nouveaux appareils. 3.9 CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES SUR LES OUTILS Parmi les problèmes récurrents qui freinent l'utilisation des outils par les professionnels, citons : la difficulté de chaîner les modèles, de les 90 cf. les campagnes de Rhône-Poulenc en 1989 91 Roland Carbiener, Rapport commandé par le Ministère de l'Environnement, Université de Strasbourg, mai 1990 92 Que Choisir, Guide pratique des produits propres, nov/déc. 1990 176 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement appliquer aux premiers stades du projet (esquisse), de les appliquer au dimensionnement et non pas seulement à l'évaluation des performances. 3.9.1 CHAÎNAGE ENTRE MODÈLES La saisie de données est une contrainte particulièrement aiguë dans le secteur du bâtiment, où le moindre ouvrage représente un nombre élevé de parois, fenêtres et volumes (pièces, etc.). Il serait commode de saisir une seule fois un projet et de pouvoir utiliser un modèle unique pour l'ensemble des évaluations (thermique, éclairage, acoustique, cycle de vie, évaluation des coûts…). Les nouveaux outils de conception assistée par ordinateur sont orientés objet93, ce qui facilite le chaînage entre ces outils de dessin et les calculs techniques. Il existe cependant plusieurs difficultés : • chaque domaine technique nécessite une représentation différente d'un bâtiment (par exemple les pièces pour l'éclairage, les logements pour l'acoustique, les zones pour la thermique) ; • un objet a en général des noms différents dans les bases de données (par exemple une paroi composite a un nom donné dans une base de coûts et il faut la décomposer en plusieurs matériaux ayant des noms différents dans une base de type analyse de cycle de vie) ; • les calculs techniques nécessitent des données supplémentaires par rapport au dessin, et ces informations doivent être incluses dans le modèle objet commun aux différents modèles, sinon elles sont perdues lors des échanges de données. Les progrès de la modélisation orientée objet et de la standardisation des modèles permettent d'espérer développer de tels outils généralistes dans le futur. 3.9.2 ADAPTATION DES MODÈLES À L'ÉVOLUTION D'UN PROJET Les décisions ayant les conséquences les plus importantes sur la qualité environnementale d'un bâtiment se prennent en général dès les premières phases d'un projet. Par exemple, le plan masse d'une parcelle et l'esquisse jouent un rôle majeur sur les consommations énergétiques futures. Mais de nombreuses données, nécessaires aux calculs techniques, ne sont pas encore définies à ces étapes. Cet argument a souvent été utilisé pour proposer des méthodes dites "simplifiées", méthodes qui ont souvent constitué de fausses solutions car elles ne permettent pas d'effectuer les analyses de sensibilité nécessaires à l'évolution du projet, et n'ont pu le plus souvent que conforter des résultats prévisibles sans calcul, voire des a priori. 93 cf. les travaux de l’Alliance Internationale pour l’Interopérabilité, qui conduisent à l’élaboration de standards pour les échanges de données entre logiciels Les méthodologies et les outils professionnels 177 En fait, il est possible d'utiliser les modèles détaillés en considérant des valeurs "par défaut". Si par exemple la composition d'une paroi est inconnue au stade de l'esquisse, une composition standard, représentative de la construction actuelle, peut être proposée par défaut. Une analyse de sensibilité peut ensuite permettre de comparer des variantes (par exemple une isolation par l'intérieur et par l'extérieur) pour orienter l’évolution du projet détaillé. 3.9.3 DE L'ÉVALUATION À LA CONCEPTION Dans le processus de conception, l’objectif est moins d’évaluer les performances d’un projet que de dimensionner certains objets et de choisir parmi différentes technologies. Or les modèles de connaissance sont plutôt orientés vers l’évaluation. Par exemple pour dimensionner une casquette au dessus d'une baie vitrée, la méthode actuelle consiste à faire varier sa géométrie et à choisir les dimensions en fonction des résultats obtenus sur les besoins de chauffage, voire de climatisation, et le niveau de confort. Une telle étude de sensibilité permet de choisir un compromis satisfaisant, le masque architectural pouvant être complété par une occultation amovible si nécessaire. Il serait commode de disposer d'un outil résolvant le problème inverse : à partir d'une performance donnée en terme de besoins de chauffage et de confort, pouvoir obtenir la géométrie correspondante de la casquette. Le problème est plus complexe qu'il n'y paraît, car le compromis dépend du poids relatif accordé aux différents critères (confort, qualité architecturale, économie d'énergie dans le cas ci-dessus mais les critères de qualité environnementale peuvent être plus nombreux), et d'autre part le problème est non linéaire et non résolu analytiquement, ce qui rend très difficile une résolution inverse. En pratique enfin, la solution n'est pas unique, ce qui permet heureusement d'éviter une certaine uniformité architecturale qui ne serait pas souhaitable. Les outils doivent ainsi rester une aide à la conception, permettant de rechercher des améliorations à un projet tout en respectant le style des architectes. Malgré ces limites, les outils existant mériteraient d’être davantage utilisés par les praticiens, certains fondant encore trop souvent leurs décisions sur des habitudes ou des a priori. Les listes de bons ou de mauvais matériaux, les méthodes accordant des points à telle ou telle technique, les outils généralistes mais superficiels peuvent séduire dans un premier temps, mais leurs limites apparaissent rapidement à l’usage. Les interfaces utilisateurs actuelles facilitent l’emploi de logiciels plus précis dans les limites de temps imposées par les contraintes budgétaires des projets. L’objectif de ces outils est d’enrichir le processus de conception, en facilitant l’échange d’informations concernant les propositions des divers acteurs et leur évaluation. Ils permettent de comparer des variantes de conception, et ainsi d’effectuer un véritable travail en équipe sur un projet. 178 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement L’utilisation des outils ne concerne pas seulement les concepteurs, mais également les maîtres d’ouvrage. En effet, ces outils permettent d’améliorer le niveau de qualité des constructions, mais ils ne seront utilisés par les concepteurs que si des niveaux de qualité précis sont exigés dans les programmes. Les indicateurs présentés au chapitre 2 et les outils présentés dans ce chapitre montrent qu’il est possible de préciser un certain nombre de seuils dans un programme, par exemple : des limites de consommation d’énergie (chauffage, éclairage, en kWh/m2/an), des seuils de facteur de lumière du jour pour l’éclairage naturel, des seuils de température pour le confort d’été. Ces limites sont vérifiables a posteriori par des mesures. L’utilisation d’outils méthodologiques de type ACV peut également être demandée dans un programme pour étayer certains choix techniques, par exemple : • réduire les quantités de matériaux où l’inertie thermique n’est pas nécessaire ; • optimiser des épaisseurs d’isolation ou des surfaces de vitrage en fonction de paramètres environnementaux, à confort égal ; • arbitrer entre des solutions induisant des besoins de chauffage et d’éclairage différents (par exemple des vitrages orientés plutôt au nord ou plutôt au sud), sur la base de critères environnementaux plus globaux comme la préservation des ressources ou la protection du climat. Une approche possible consiste à réunir les acteurs concernés par un projet (maîtrise d’ouvrage, architecte, bureaux d’études techniques, entreprises, futurs occupants du bâtiment, riverains…) de manière à établir une liste de critères de qualité avec des priorités. Cette liste peut alors être reprise dans le programme, et constituer un fil conducteur pour les étapes ultérieures du projet (conception, réalisation, réception, gestion). Ce principe de management de projet sera décrit plus en détail au chapitre 5. CHAPITRE IV LES "ÉCO-TECHNIQUES" DU BÂTIMENT Le secteur du BTP contribue à l'impact environnemental global des activités humaines directement, par l'emploi d'une quantité importante de ressources (matériaux de construction, énergie, eau) et l'émission correspondante de polluants (déchets, fumées, eaux usées), mais aussi indirectement par la création éventuelle de besoins supplémentaires de transports (par exemple la construction d’un bâtiment tertiaire éloigné des infrastructures de transport en commun), le frein au tri des déchets (par exemple un immeuble résidentiel sans espace suffisant pour la collecte sélective), l'accroissement de la demande d'électricité (extension de l’éclairage urbain), etc. Les "écotechniques" considérées dans ce chapitre ne sont donc pas limitées à des techniques de construction. La maîtrise des flux de matière et d'énergie est un élément essentiel. A titre d'ordre de grandeur, les émissions de polluants dans l'air en 1991 sont données dans le tableau 4.11 pour le secteur résidentiel et tertiaire (en milliers de tonnes). Il faut ajouter une proportion importante des émissions liées aux centrales thermiques (utilisées en pointe pour le chauffage électrique)2 et à la distribution du gaz, ainsi qu'une partie des émissions liées à l'extraction des combustibles fossiles et aux raffineries. Le traitement des déchets figure également, et une partie des impacts industriels devrait être prise en compte (pour la fabrication des matériaux et composants du bâtiment), ainsi qu'une partie du transport par route et par rail, liée au choix des sites pour le résidentiel et le tertiaire. 1 Serge Lambert et alii, Manuel environnement à l'usage des industriels, AFNOR, 1994 2 source CITEPA, Etude documentaire n°99, janvier 1991 180 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement TABLEAU 4.1 : PRINCIPAUX FLUX DE MATIÈRES PAR SECTEURS (FRANCE, 1991) NIVEAU LOCAL NIVEAU RÉGIONAL pluies acides précurseurs pollution photochimique NIVEAU GLOBAL effet de serre indirect effet de serre direct Secteur PS1 kt Pb kt NH3 kt 15 résidentiel. /tertiaire - chauff. urbain 3 - chauff. dom. 11 - activités dom. énergie - extract. foss. - raffineries 9 - distrib. gaz - prod. élec. 35 trait. déchets - décharges - incinérateurs 150 1 20 industrie transports -route (essence) 20 4 5 - route (gazole) 59 4 - rail 2 (1) poussières (2) hydrocarbures non méthaniques CO kt kt 140 CH4 kt CO2 Mt 1000 55 25 12 65 - 1 41 97 100 900 - 54 - 1 23 - 113 374 17 121 66 - 100 300 214 131 - 4 12 33 15 460 19 200 1 525 10 1300 3436 5 30 3 - 93 30 1 627 617 26 1626 126 5 9500 400 15 79 3 - 16 13 1 HCl kt SO2 kt NOx kt 10 190 80 2 6 - 49 137 - 18 HC NM 2 Le secteur du bâtiment représente plus de 40% de la consommation d'énergie en France3 (de l'ordre de 100 M TEP par an). Chaque m2 de logement est responsable de l'émission de 1,9 tonne de CO24, au cours de sa durée de vie totale (pour l'ensemble des phases, de la fabrication des matériaux à la démolition). Les réglementations thermiques de 1974, 1982 puis 1989 ont permis de diminuer les consommations prévisionnelles de chauffage de 25, 20 et 25% respectivement. Malgré cela, la consommation 3 Les chiffres clés du bâtiment, ADEME, Ed. 1999 4 Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 Les éco-techniques du bâtiment 181 d'énergie dans le secteur résidentiel a augmenté de 11% depuis 1980 (et de 43% dans le secteur tertiaire, non soumis à la réglementation thermique jusqu’en 2001). Globalement, la consommation totale d'énergie du secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire) a doublé depuis 1970. Les explications avancées sont l'augmentation de la surface de logement par habitant (et l'augmentation du nombre des familles monoparentales), et la diffusion d'appareils ménagers supplémentaires (lave-vaisselle, congélateurs, etc.). La surface moyenne de logement par habitant a augmenté de 25% entre 1984 et 19925. Le nombre de logements neufs construits chaque année est de l'ordre de 300 000, répartis à égalité entre maisons individuelles et logements collectifs. La répartition entre sources d'énergie a beaucoup varié : les consommations de pétrole (resp. de charbon) ont été divisées par 2 (resp. par 8) depuis 1973 mais celles de gaz et d'électricité ont été multipliées par plus de 4. Chaque habitant consomme en moyenne dans son logement 150 litres d'eau et produit environ 1 kg de déchets par jour (ce qui correspond à 22 millions de tonnes par an). Chaque m2 construit représente entre 1 et 2 tonnes de matière. En 1991, 400 millions de tonnes de granulats ont été utilisées en France, dont un quart pour le bâtiment et trois quarts pour le génie civil6. La consommation de ciment s'est élevée à 24 millions de tonnes, dont 65% pour le secteur du bâtiment. Par rapport au chiffre d'affaires global du secteur industriel en France (500 milliards d'euros en 1997), les matières secondaires représentent 70 milliards d'euros, dont 30 pour les matériaux de construction7. Le nombre annuel de logements désaffectés est de 83 000 en moyenne. Les déchets de chantier atteignent 30 millions de tonnes par an8 (dont 17 millions pour la démolition, 11 pour la rénovation et 2 pour la construction neuve), soit un tonnage plus important que celui des ordures ménagères. Ces déchets sont constitués par 30% de béton, 50% de maçonnerie, 5% d'asphalte et 15% de matériaux divers9. Afin de réduire ces quantités par une stratégie de prévention, le concept de déconstruction vise à prévoir le démontage et le tri des matériaux lors de la conception des composants et du bâtiment. Certains pays (Pays Bas, Danemark) mettent en 5Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 6 Cahiers du CSTB n°2773, décembre 1994 7 Ministère de l'Industrie, Direction générale des stratégies industrielles, L'industrie en quelques chiffres, 1998 8 La Lettre de l'ADEME, juin-juillet 2001 9 European Demolition Association, Recyclage des déchets de démolition et de construction en Europe, 1992 182 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement place des politiques volontaristes de recyclage, avec comme objectif le recyclage de 50% des déchets de démolition (la moyenne européenne est de 26%10, la moyenne française de 12%). En France, la production de granulats recyclés a doublé entre 1987 et 1990, pour atteindre 3 millions de tonnes (ce qui reste modeste, comparé aux 400 millions de tonnes produits chaque année). Ce chapitre donne quelques pistes pour limiter ces différents impacts, grâce à l'emploi de techniques appropriées aux choix de conception, effectués selon les méthodes exposées au chapitre précédent. Il n'y a en général pas de solution idéale, mais chaque possibilité offre des avantages et des inconvénients. Par exemple la construction en bois utilise des ressources renouvelables, mais sa légèreté peut nuire au confort thermique. Les isolants issus de produits agricoles (paille, chanvre, laine de mouton, fibres de bois) mettent en œuvre des procédés de fabrication plus simples, mais ils sont parfois moins performants, et conduisent soit à une augmentation des pertes soit à une diminution de la surface utile. Le chauffage électrique est intéressant par rapport à l'effet de serre (selon le mode de production français actuel), mais génère davantage de déchets radioactifs. Le chauffage au bois économise les ressources fossiles, mais génère des émissions polluantes. En fonction du contexte local, des priorités régionales peuvent être définies sur les différents critères, ce qui peut conduire à une optimisation différente. Dans une zone très peuplée par exemple, le critère de qualité de l'air est important car des émissions polluantes auraient des conséquences importantes sur la santé d'un grand nombre de personnes. D'autre part, les techniques de fabrication des produits peuvent évoluer, ce qui rend difficile une conclusion définitive sur le choix d'un produit. 4.1 LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE ET LES ÉNERGIES RENOUVELABLES Cet aspect est essentiel, puisque les flux (d'énergie, mais aussi d'eau, de produits d'entretien, de déchets) sont cumulés sur toute la durée d'utilisation du bâtiment. Il est ainsi souvent préférable de consentir un investissement initial (par exemple une isolation thermique soignée) afin de réduire ces flux. Le raisonnement économique en coût global (incluant l'investissement et la gestion) permet de démontrer la rentabilité de certaines options techniques11. Cette démarche est favorable à l'environnement, grâce à ses effets préventifs. 10Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 11 Thierry Salomon et Stéphane Bedel, La maison des négawatts, le guide malin de l'énergie chez soi, Ed. Terre Vivante, Mens, 1999 Les éco-techniques du bâtiment 183 D'autre part, plusieurs stratégies sont envisagées pour prendre en compte les coûts externes (liés en particulier aux impacts générés sur l'environnement) dans les décisions : les "éco-taxes" correspondent au principe du "pollueur-payeur", tandis que certaines déductions fiscales (sur l'isolation thermique ou le remplacement des chaudières) constituent des mesures incitatives. Ces mesures ne pourront que renforcer l'importance de la qualité environnementale dans les choix des maîtres d'ouvrage, et il est utile de s'y préparer. 4.1.1 CHAUFFAGE L'objectif est de diminuer les besoins de chauffage, tout en assurant un bon niveau de confort thermique, par une conception appropriée de l'enveloppe du bâtiment. Cette stratégie de prévention s'appuie sur les principes de la conception bioclimatique : assurer le confort biologique en tirant parti du climat. Avec une telle démarche, les besoins de chauffage d'une maison individuelle peuvent être réduits à moins de 60 kWh/m2/an, pour une température intérieure égale à 19°C, soit une consommation prévisionnelle de l'ordre de 80 kWh/m2/an (la consommation moyenne d'une maison individuelle en France est de 180 kWh/m2/an). La consommation annuelle moyenne12 pour le chauffage des bâtiments publics est de 145 kWh PCI/m2/an. 26% des bureaux consomment moins de 100 kWh/m2/an. Une valeur de 30 kWh/m2/an (pour les besoins, et non la consommation) a été exigée pour le siège social de l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) à Angers. Le logiciel COMFIE a été conçu pour accompagner une telle approche bioclimatique, en facilitant la comparaison de variantes de conception. En pratique les actions à mettre en œuvre sont les suivantes. La diminution des déperditions par une bonne isolation thermique Les doubles vitrages à isolation thermique renforcée ont un coefficient de pertes de l’ordre de 1,8 W/(m2.K), à comparer à une valeur de 3,3 pour des doubles vitrages classiques. Des valeurs de 1,1 peuvent être atteintes avec l’emploi de gaz rares dans la lame intermédiaire, et même de 0,7 avec un triple vitrage à basse émissivité. Les volets ou d’autres occultations amovibles (store extérieur...) permettent de réduire les pertes thermiques la nuit en constituant un écran radiatif et en réduisant les échanges convectifs. Un bon traitement des ponts thermiques lors de la réalisation permet de bénéficier pleinement des efforts réalisés sur les parois (planchers, murs et plafonds donnant sur l’extérieur ou des espaces non chauffés). L’isolation par l’extérieur permet de réduire les ponts thermiques au droit des planchers intermédiaires (figure 4.1). 12 La Lettre de l'ADEME, Octobre 1997 184 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement isolation intérieure isolation extérieure pont pont thermique thermique (isolation réduit interrompue) Figure 4.1 : Incidence de la position de l'isolant sur les ponts thermiques Divers systèmes existent pour réduire les ponts thermiques : diminuer la surface de contact entre la dalle et le mur (efficacité de l'ordre de 60%), ou insérer une planelle isolante dans le mur (efficacité de l'ordre de 30%). Pour réduire les ponts thermiques au niveau des fondations, deux techniques existent : soit utiliser un béton alvéolaire pour ces fondations (pour des maisons individuelles par exemple), soit entourer les fondations avec un isolant pouvant supporter une pression suffisante (par exemple du verre alvéolaire). En ce qui concerne les vitrages, il est conseillé de placer les menuiseries dans le plan de l'isolation (cf. figure 4.2). Isolation Extérieure Maçonnerie Isolation extérieure Exemple de traitement des ponts thermiques au niveau des fondations vitrage cadre Verre Cellulaire Polystyrène Figure 4.2 : Ponts thermiques au niveau des vitrages et des fondations Une isolation par l’extérieur réduit également les variations de température intérieure car l’inertie thermique de la maçonnerie est située du côté du local. Une isolation répartie (par exemple avec des briques isolantes) se situe à un niveau intermédiaire de performance en ce qui concerne la thermique. De tels isolants sont parfois conseillés pour leurs Les éco-techniques du bâtiment 185 avantages en matière de santé13. Les isolants à base de fibres doivent être séparés des locaux par des cloisons étanches, car certaines fibres peuvent altérer l’appareil respiratoire. Des isolants issus de l’agriculture sont proposés, il faut s’assurer de leur performance en terme de résistance thermique, et si nécessaire, acoustique. Le tableau 4.2 donne quelques propriétés14, dont l’évolution dans la durée n’est pas toujours connue de façon précise. TABLEAU 4.2 : PROPRIÉTÉS DE QUELQUES MATÉRIAUX ISOLANTS Matériau Laine de mouton Fibre de bois Cellulose Roseau Lin Coton Fibre de noix de coco Paille + terre Chanvre15 Liège Densité (kg/m3) 10-40 150-300 35-50 100-200 25 20-30 20-125 340 25-140 80-150 Conductivité thermique (W/m/K) 0,035-0,045 0,045-0,070 0,035-0,045 0,04-0,07 0,036-0,038 0,04 0,05 0,09 0,04-0,07 0,04-0,05 A titre de comparaison, la conductivité thermique de la laine de verre neuve est de 0,04 W/m/K. Les espaces non chauffés (par exemple un garage, un atelier, un local technique pour abriter des vélos ou des conteneurs servant au tri des déchets) peuvent être utilisés comme espaces “ tampons ” : situés entre les espaces chauffés et l’extérieur (préférentiellement du côté nord), ils réduisent les pertes thermiques. Un balcon ou une loggia peut aussi être utilisé comme espace tampon, un vitrage ferme alors ces espaces. La protection d’un bâtiment contre le vent a un effet assez faible sur les pertes thermiques si les murs sont bien isolés, mais peut être utile pour améliorer le confort des espaces extérieurs, ou pour protéger une véranda par exemple. La distance conseillée entre cette protection et la 13 Actes du colloque Santé et environnement : la brique pionnière, CSTB et Fédération des Tuiles et Briques, septembre 2000 14 Institute for agricultural and building research, Federal agricultural research center, Germany ; et Friedrich Kur, L’habitat écologique, Ed. Terre Vivante, 1999 15 La chènevotte est l'écorce du chanvre. Concassée, elle peut servir de granulat pour béton léger. La tige de la plante est utilisée pour produire la laine de chanvre. 186 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement maison est de 3 à 4 fois la hauteur de la protection, afin d’assurer un bon compromis entre la protection contre le vent et les apports solaires16. La maximisation des gains solaires nets Le rayonnement solaire atteignant pendant la saison de chauffage les murs et la toiture d'une maison individuelle est, dans la moitié nord de la France, égal à huit fois les besoins de chauffage de la maison. Pour une construction typique, seulement 4% de cette ressource est valorisée, le reste étant réfléchi par les parois opaques ou non utilisé faute d'inertie thermique suffisante pour stocker la chaleur. La conception bioclimatique doit intervenir dès les premières phases d'un projet : elle concerne même en général le choix de la morphologie urbaine. Dans un quartier de Freiburg, les immeubles sont placés en rangée, leur façade sud étant très ouverte (cf. figures 4.3). Les rangées d'immeubles sont séparées par des allées vertes. Figure 4.3 : La "ville solaire" de Freiburg (RFA), source : www.quartier-vauban.de En fait, il n'est pas nécessaire d'organiser un plan masse d'une manière aussi stricte : les performances restent bonnes avec des orientations entre sud-est et sud-ouest, de telle sorte qu'il est possible de dessiner des allées vertes moins rectilignes, ou de rechercher d'autres formes d'organisation de l'espace. L'utilisation de parois vitrées bien orientées (les plans verticaux entre sud-est, sud, et sud-ouest sont à privilégier) doit être associée à des protections contre les surchauffes d'été (avancée de toiture, stores 16 Randall Thomas, Environmental design, Max Fordham & Partners, Londres, 1996 Les éco-techniques du bâtiment 187 extérieurs) et une inertie thermique élevée (l'isolation par l'extérieur est recommandée). Le choix d'un vitrage devrait dépendre du climat, de l'orientation de la façade et de l'utilisation du bâtiment. Les deux paramètres principaux sont le coefficient de déperditions et le facteur solaire (proportion du rayonnement incident reçue dans le local). Le tableau 4.3 donne quelques indications pour ce choix. Par exemple en façade sud d'un bâtiment de logement, un vitrage à basse émissivité et à basse teneur en oxyde de fer est préférable pour minimiser les pertes et maximiser les gains (la façade sud est moins exposée l'été, surtout si elle est protégée par une casquette). La façade ouest peut par contre être équipée d'un vitrage transmettant la lumière mais pas le rayonnement solaire infra-rouge, qui risque de produire des surchauffes d'été. TABLEAU 4.3 : ÉLÉMENTS POUR LE CHOIX D’UN VITRAGE EN SECTEUR RÉSIDENTIEL Déperditions Vitrage U (W/m2/K) « solaire » Facteur solaire (double vitrage) Double vitrage classique 0,42 3,3 Basse émissivité Remplissage argon 1,7 1,2 Triple vitrage basse émissivité et argon 0,9 (0,6 avec du krypton) Non conseillé Vitrage standard 0,59 Locaux non chauffés Ouest et est Nord Ouest et est Nord Climat froid Climat froid Ouest et est Nord Très Très rigoureux rigoureux Vitrage à basse teneur en fer 0,75 Non conseillé Sud Sud Climat froid Sud Très rigoureux Le tableau 4.3 peut être utilisé pour de petits projets. Pour des bâtiments de taille plus importante, une étude thermique détaillée est préférable. C’est également le cas pour des bâtiments tertiaires, où le choix des vitrages dépend de l’utilisation des différentes zones : les niveaux de température et les apports internes peuvent varier entre des bureaux, une zone d’accueil, une salle de réunion, un local informatique etc. Les protections solaires amovibles sont plus efficaces pour protéger des surchauffes si elles sont situées à l'extérieur des vitrages (par exemple volets roulants, si possible à basse émissivité, éventuellement motorisés avec une commande centralisée). Elles peuvent alors, si elles sont fermées la nuit, constituer un écran réduisant les échanges radiatifs et donc les pertes thermiques sur la saison de chauffe. La motorisation de ces équipements est envisageable, mais il faut maîtriser les problèmes de coût et d'ergonomie. Les stores vénitiens (intérieurs ou placés entre deux vitrages) 188 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement protègent de l’éblouissement en redirigeant la lumière vers le plafond. Ils sont donc bien adaptés aux espaces de travail (bureaux, écoles…). Les systèmes amovibles sont préférables aux vitrages "solaires" (teintés), qui bloquent le rayonnement même en période de chauffage, alors que les apports solaires seraient utiles. Une véranda peut compléter ce dispositif en permettant le préchauffage de l'air neuf (sas d'entrée par exemple pouvant accueillir un groupe de visiteurs). Une VMC (ventilation mécanique contrôlée) double flux se rentabilise plus difficilement dans l'habitat, mais réduit les besoins de chauffage liés à la ventilation : une partie de la chaleur de l'air vicié est transférée à l'air neuf dans un échangeur de chaleur. L'efficacité de ce système peut atteindre 80% avec un échangeur très performant. Les systèmes pariétodynamiques permettent de récupérer partiellement les déperditions d'un bâtiment (voire de capter les gains solaires, dans le cas des bardages capteurs) : l'air neuf circule dans les parois et récupère une partie des pertes thermiques de l'enveloppe. Des solutions spécifiques permettent d'aller plus loin dans la démarche, par exemple avec les murs "Trombe", l'isolation transparente ou le chauffage solaire actif (capteurs à air ou à eau, plancher solaire direct). Plancher solaire direct (Photo. T. Letz) Gains solaires passifs17 Figure 4.4 : Chauffage solaire des bâtiments D'autres illustrations sont présentées au chapitre 5. Il est possible de répartir différents types de composants sur l'enveloppe des bâtiments de manière à assurer une part importante des différents besoins énergétiques : par exemple des capteurs solaires thermiques pour l'eau chaude sanitaire, une isolation transparente pour le chauffage, des fenêtres pour l'éclairage, des capteurs photovoltaïques pour la fourniture d'électricité…). 17 Photo Saint Gobain Glass, Domus Solarhaus, Architecte : W.P. Berndt Les éco-techniques du bâtiment 189 Le choix d’équipements adaptés Le captage de l'énergie solaire ne suffit cependant pas à diminuer la consommation énergétique. Pour "transformer" la réduction des besoins de chauffage en économie d'énergie, il faut des équipements et une régulation appropriée. En particulier, le zonage et la localisation des thermostats (pièces nord et pièces sud), la présence de robinets thermostatiques sur les radiateurs des pièces sud permettent de mieux valoriser les apports solaires et d'améliorer le confort. En effet, si la régulation n'est pas assez sensible, l'énergie solaire induit des surchauffes et non une économie de chauffage. D'autre part, la régulation doit être adaptée à l'intermittence éventuelle de l'occupation (semaine/week-end, jour/nuit...). La régulation devra assurer le confort thermique souhaité dans les différentes parties du bâtiment, à titre indicatif (les personnes âgées et les enfants en bas âge exigent en général des températures plus élevées que les jeunes adultes) : séjour et cuisine (19°C), chambres (leur température pourra être réglée à une valeur inférieure, par exemple 17°C), salle de bains (20°C). Le système de chauffage doit avoir un rendement élevé (en régime nominal mais aussi à charge partielle). Un surdimensionnement des équipements diminue en général leur rendement moyen annuel. Une chaufferie collective donne la possibilité, contrairement aux systèmes individuels, de disposer plusieurs chaudières en cascade. Ceci permet de ne faire fonctionner en mi-saison que le nombre nécessaire d'appareils, avec un rendement plus proche de celui obtenu en régime nominal. Sur une chaudière, un brûleur de type modulant permet d'améliorer le rendement à charge partielle. L'emploi de corps de chauffe adaptés permet de réduire la température du circuit de chauffage, et donc d'améliorer les performances d'une chaudière. Les systèmes à faible inertie (radiateurs très fins, chauffage à air) s’adaptent mieux aux variations de flux solaire que des systèmes plus inertes comme par exemple les planchers chauffants. L'adjonction d'adoucisseur d'eau dans le circuit de la chaudière réduit l'entartrage des échangeurs et donc la diminution du rendement au cours du temps, mais induit des risques de corrosion. Un désembouage de l'installation peut améliorer son rendement. L’isolation des tuyauteries améliore le rendement de distribution de la chaleur. Le système de chauffage devra d'autre part émettre le moins possible de gaz à effet de serre, le moins de polluants intérieurs au local (chaudière à basse émission de NOx et de CO), et générer le moins possible de déchets radioactifs à longue durée de vie. A quantité de chaleur égale, le gaz naturel émet 30% de moins de CO2 que le fuel, et 40% de moins que le 190 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement charbon18. Le branchement à un réseau de chaleur alimenté par une usine d'incinération, lorsqu'il est possible, permet de récupérer l'énergie des déchets ménagers incinérés, ce qui est intéressant à la fois économiquement et écologiquement. Le bois-énergie ou les biocarburants présentent l'avantage d'être des combustibles renouvelables. Une chaudière individuelle à bois peut cependant difficilement être équipée d'un dispositif filtrant les poussières et autres polluants issus de la combustion, car ce type de système est onéreux et ne peut être implanté qu'en collectif. Le chauffage bois par l’intermédiaire d’un réseau de chaleur est alors une solution intéressante. Les cheminées à foyer ouvert ont un rendement faible (de l’ordre de 10%, jusqu’à 40% avec un insert très bien conçu). La cheminée doit être munie d’une fermeture afin d’éviter le tirage inverse (et les pertes thermiques correspondantes) lorsqu’elle n’est pas utilisée. Un foyer ouvert génère des émissions toxiques (COV, poussières, CO). 1 : Tapis d'alimentation 1bis : Ballots de paille (2 : Aire de stockage de la paille) 3 : Tambour 4 : Vis sans fin 5 : Guillotine 6 : Chaudière 7 : Fosse de décendrage 8 : Remorque de décendrage 9 : Conduit de fumées Figure 4.5 : Chaufferie à la paille19 Le chauffage électrique entraîne un pic de consommation en hiver : la puissance appelée en France varie entre 27,5 et 68,9 GW20. Il 18 Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 19 Photo CLER (Comité de Liaison Energies Ren.), Fiche technique "Valorisation de la paille pour le chauffage de serres horticoles", ARENE Ile de France, sept. 1996 Les éco-techniques du bâtiment 191 oblige à construire des centrales de production sous-utilisées en été (cf. la figure 4.6) dont le rendement (25% à 30% en comptant les pertes en ligne) est bien inférieur à celui d'une chaudière (entre 75% et 95%). Nous le déconseillons donc dans les bâtiments, sauf en cas d'occupation très rare ou de petite surface chauffée, auxquels cas des frais de maintenance plus élevés ne se justifieraient pas. Figure 4.6 : Variation saisonnière de la consommation de charbon dans les centrales électriques (source: résultats techniques d'exploitation EDF) Le stockage saisonnier de l'énergie solaire ne se justifie pas à l'échelle d'une maison : un stockage par chaleur sensible n'est efficace qu'à beaucoup plus grande échelle (plusieurs centaines de logements), le stockage d'hydrogène et la génération d'électricité par pile à combustible sont pour le moment très onéreux. La géothermie permet actuellement de chauffer 200 000 logements, ce qui permet d'économiser 230 000 tonnes de pétrole par an21. La température de l'eau doit être suffisante (70 à 75°C) pour que l'exploitation d'une source soit rentable. Pour des raisons économiques, les utilisateurs doivent être concentrés dans un périmètre restreint autour du puits. 20 EDF, Résultats techniques d'exploitation 1997 21Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 192 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 4.1.2 CLIMATISATION La climatisation naturelle peut suffire à maintenir un niveau de confort thermique satisfaisant en été. Elle évite les bruits et autres nuisances générés par des climatiseurs. Outre les masques sélectifs (cf. paragraphe 4.1.4), l’utilisation de vitrages à transmission sélective (transmission élevée de la lumière mais faible du rayonnement infra-rouge) peut assurer le confort visuel en générant le moins possible de surchauffe. Mais pour ne pas réduire les apports solaires utiles, de tels vitrages conviennent mieux aux façades ouest (éventuellement est) qu’aux façades sud, qui bénéficient d’un ensoleillement important l’hiver. Façade sud : l'ensoleillement est minimal l'été ; la casquette est très efficace pour diminuer le rayonnement d'été sans pénaliser les apports d'hiver Façade ouest : l'ensoleillement est plus important l'été, et risque de générer des surchauffes ; la casquette est peu efficace Figure 4.7 : Rayonnement solaire avec (surface jaune) et sans (surface verte) casquette de 1 m de large située à 50 cm au dessus d'une fenêtre de 1 m de haut (courbe obtenue par le logiciel PLEIADES_COMFIE) L’efficacité visuelle de l’éclairage naturel étant supérieure à celle de l’éclairage artificiel, le recours à ce dernier doit être minimal. Si l’inertie thermique du local est répartie de telle sorte que le rayonnement solaire traversant les vitrages atteigne toujours un composant inerte (dalle ou Les éco-techniques du bâtiment 193 cloison...), alors l’énergie est stockée et l’amplitude de variation de température est réduite. L'utilisation de la masse thermique du sol pour rafraîchir le bâtiment est envisageable dans les climats méditerranéens (rafraîchissement de l'air neuf dans des canalisations enterrées). Le même système peut être utilisé l'hiver pour préchauffer l'air neuf. Il ne faut cependant pas nuire à la qualité de l'air, et ces systèmes sont déconseillés en cas de présence de radon. La ventilation nocturne permet également de rafraîchir un bâtiment, en complément de l'inertie thermique. Ces différentes techniques permettent même de maintenir la température d'une véranda à un niveau raisonnable. Figure 4.8 : Véranda maintenue fraîche par une toiture opaque, une ventilation adaptée et une forte inertie thermique (Architecte : Michel Gerber) Figure 4.9 : Profil de températures mesuré dans une véranda "bioclimatique" (source : Olivier Sidler) Il ne devrait être fait appel à un système de climatisation que dans des cas particuliers : gains internes très importants dus à une forte occupation (salle de conférence...) ou à des machines par exemple. Des systèmes de climatisation à absorption peuvent fonctionner à l'énergie solaire. 194 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 4.1.3 RENOUVELLEMENT D'AIR Pour satisfaire nos besoins en oxygène, nous devons respirer environ 0,03 litre par seconde (par personne), soit environ 100 l/h22. Pour évacuer le CO2 et la vapeur d'eau que nous produisons en respirant, il faut un taux de renouvellement d’air supérieur. La concentration limite en CO2 est 0,5%. Le maintien de la concentration en CO2 en dessous de ce seuil nécessite, pour des personnes effectuant un léger travail, un débit d’air neuf variant entre 1,3 et 2,6 l/s (respectivement entre 2,8 et 5,6 l/s pour une concentration en CO2 limite de 0,25%. En fait, des valeurs de 8 l/s sont recommandées dans les bureaux en l’absence de fumeurs, et 10 l/s en cas de présence modérée de fumée de tabac23. Une ventilation suffisante, en général de l'ordre de 0,5 à 0,6 volume par heure pour un logement, permet d'évacuer les polluants internes au bâtiment et l’humidité. Le cas des bâtiments à forte occupation (tertiaire, bâtiments scolaires...) demande un renouvellement d'air plus élevé. Il est alors judicieux de réguler cette ventilation, soit par une horloge en fonction de l'occupation, soit par un dispositif hygroréglable : l’ouverture des entrées d’air et le ventilateur sont régulés en fonction du taux d'humidité dans la pièce, lié à la respiration des occupants. Ces dispositifs permettent d'obtenir des économies d'énergie appréciables sans nuire à la qualité de l'air. L'utilisation d'une véranda ou d'un capteur à air (par exemple un bardage acier perforé ou un mur rideau) pour préchauffer l'air neuf apporte à la fois des économies d'énergie et une amélioration du confort (en éliminant les courants d'air froid). Une VMC double flux se rentabilise difficilement dans l'habitat, mais ce système peut être intéressant dans le tertiaire. La ventilation mécanique entraîne une consommation modérée d’électricité si elle est bien conçue : la puissance du ventilateur peut être réduite à 15 W en position “ normale ” dans un logement, et atteindre 60 W en position “ élevée ”. La moyenne mesurée est de l’ordre de 300 kWh/an24. La ventilation augmente surtout la consommation d’énergie pour le chauffage. La ventilation naturelle peut être une alternative à la ventilation mécanique, mais nécessite une conception soignée. Les entrées d’air doivent être autoréglables de façon à éviter les courants d’air, en fonction de la température de l’air, de la vitesse et de la direction du vent : elles maintiennent un débit d’air constant à 20% près quand la différence de 22 A.M. Mayo et J.P. Nolan, Bioengineering Bioastronautics, Macmillan, New York, 1964 and bioinstrumentation, 23 Ventilation for acceptable air quality, ASHRAE standard 62-1989, Atlanta, 1989 24 Olivier Sidler, Maîtrise de la demande électrique, campagne de mesure par usage dans le secteur domestique, rapport final SAVE, contrat n°4.1031/93.58 Les éco-techniques du bâtiment 195 pression varie de 1 à 25 Pa. Leur taille est par exemple de 10 cm x 30 cm. Plusieurs systèmes existent : une lame d’acier est soulevée (système aérodynamique) ou poussée (système mécanique) en cas de vitesse excessive du vent, ce qui réduit l’ouverture : dans le cas du système électronique, la vitesse d’air est mesurée et l’ouverture est ajustée par un moteur. Dans ce dernier cas, il est possible de manœuvrer les bouches automatiquement : par exemple pour réduire le débit la nuit et le week-end dans des bureaux en hiver, et augmenter le débit la nuit en été pour rafraîchir le bâtiment. Pour les sites exposés au bruit, des entrées d’air acoustiques sont nécessaires. Les bouches hygroréglables sont de plus régulées en fonction du taux d'humidité à l'intérieur du local. Si une entrée d’air est placée près d’un plafond, le filet d’air reste plaqué sur ce plafond par effet Koanda, ce qui évite les sensations de courant d’air. Il existe également des systèmes (ne nécessitant pas d’énergie) pour l’ouverture automatique des fenêtres : si la température du local atteint un certain seuil, un piston glisse sur un cylindre (rempli d’huile qui agit par changement d’état) et ouvre la fenêtre. La durée du processus de fusion - solidification varie entre 30 minutes et 2 heures. Des cheminées d’aération permettent l’extraction de l’air vicié par effet de cheminée (différence de température entre l’air vicié chaud en haut du bâtiment et l'air froid extérieur) et de tour à vent. Le diamètre des capots à vent est de l’ordre de 70 cm, pour une hauteur d’un mètre 50. Un cône intérieur assure la protection contre la pluie (et les oiseaux), et un déflecteur renforce le tirage. La perte de charge doit être de l’ordre de 2 Pa. Un volet permet de réduire les pertes thermiques nocturnes si la ventilation est réduite. Afin de réduire les pertes thermiques d’un bâtiment, la ventilation doit être contrôlée. Pour cette raison, une bonne étanchéité sera recherchée (par exemple, des films plastiques peuvent être utilisés sur toute l’enveloppe d’une maison à ossature bois). La perméabilité des vitrages doit être adaptée aux besoins de renouvellement d’air. Il existe même des boites à lettre étanches pour équiper une porte d’entrée par exemple. Un sas peut aussi être ménagé afin de limiter les échanges d’air au niveau de l’entrée d’un bâtiment. 4.1.4 ÉCLAIRAGE DES LOCAUX ET CONSOMMATION D'ÉLECTRICITÉ Le recours à l'éclairage naturel permet d'améliorer le confort visuel, à condition qu'un dispositif soit prévu contre l'éblouissement, tout en réalisant des économies d'énergie. Efficace sur le plan visuel, un éclairage zénithal augmente les risques d’inconfort thermique en été. Sauf dans des cas particuliers (par exemple l’éclairage d’une cage d’escalier), des solutions permettant de concilier thermique et éclairage, par exemple les “ clerestories ” sont préférables. 196 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Les vitrages sont orientés au sud, protégés du soleil d'été par une casquette. Ils diffusent la lumière pour éviter l'éblouissement Les vitrages sont clairs pour maximiser les apports solaires. Un paresoleil vertical est alors nécessaire pour éviter l'éblouissement en hiver Figure 4.10 : Conception d'un système d'éclairage naturel en toiture De tels dispositifs laissent passer le rayonnement solaire d’hiver par la partie vitrée. Ce rayonnement est réfléchi sur le revêtement très clair de la partie opaque et fournit un éclairage indirect dans le local, sans risque d’éblouissement. L’été, la position plus élevée du soleil et l’avancée de toiture font que le rayonnement n’atteint pas la partie vitrée. D’autres traitements architecturaux sont possibles pour organiser ce type d’éclairage zénithal “ sélectif ”. Les étagères de lumière sont utilisées pour éviter l’éblouissement lié à l’éclairage naturel vertical et mieux répartir le rayonnement dans une pièce. vitrage étagère de lumière Figure 4.11 : Principe d'une étagère de lumière Les éco-techniques du bâtiment 197 Dans l'exemple de la figure 4.12 ci-dessous, une conception bioclimatique a permis de tirer parti de l'éclairage naturel et des apports solaires pour le chauffage d'un groupe scolaire, grâce à de larges baies vitrées orientées au sud et un complément d'éclairage apporté par un atrium central. Figure 4.12 : Utilisation d'éclairage naturel dans un groupe scolaire à Baigneux (Architecte associé : Jean Bouillot) Les vitrages diffuseurs de lumière peuvent également être utilisés, sur tout ou partie de la baie vitrée : vitrage diffuseur vitrage “ clair ” Figure 4.13 : Utilisation combinée de vitrage clair et diffuseur de lumière Les vitrages diffuseurs de lumière peuvent être constitués par une structure capillaire (généralement en plastique, polycarbonate ou PMMA). Outre leur fonction visuelle, ils améliorent l’isolation thermique du local : leur coefficient de pertes thermiques est de l’ordre de 1,1 W/(m2.K) soit trois fois moins qu’un double vitrage classique. Le facteur solaire est cependant un peu moins élevé. 198 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Figure 4.14 : Vitrages diffuseurs de lumière (isolation transparente), photo OKALUX En permettant de réduire la consommation d'électricité pour l'éclairage, le passage à l'heure d'été ferait économiser de l'ordre de 300 000 TEP par an25. L’éclairage artificiel doit être conçu en fonction de ces dispositifs architecturaux : il peut être organisé en “ zones ”, permettant aux occupants d’un local de n’allumer qu’une partie des luminaires, en fonction du niveau d’éclairement dans les différentes parties du local, selon leur éloignement par rapport aux vitrages. Les lampes fluo-compactes réduisent par 8 la consommation d'énergie pour l'éclairage par rapport à des lampes à incandescence, et correspondent aux exigences classiques de confort visuel (lorsqu'un très bon rendu des couleurs n'est pas forcément exigé). Ces équipements sont adaptés à une utilisation continue : une intermittence trop fréquente (par exemple dans une cage d'escalier) nuirait à leur durée de vie. Les ballasts 25 source : France Info Les éco-techniques du bâtiment 199 électroniques réduisent la consommation des tubes fluorescents, et allongent leur durée de vie. Par le recours aux techniques économes (éclairage, électroménager -réfrigérateurs, lave vaisselle et lave linge…), la consommation électrique moyenne annuelle d'une famille peut passer, à confort égal, de 3200 à 2200 kWh/an26. L'utilisation d'éclairage à halogène, très énergivore même avec un variateur devrait être déconseillée aux occupants : la consommation annuelle d’un seul luminaire à halogène est de l’ordre de 250 kWh, soit la moitié de la consommation totale moyenne en éclairage d’un logement27. L'emploi d'équipements ménagers performants devrait être préconisé (classe A, cf. étiquette énergie ci-contre). Prévoir un espace ou un local pour sécher le linge permet d’éviter le recours à un sèche-linge et la consommation d’énergie correspondante. La mise en veille des appareils augmente leur consommation de manière non négligeable : 33% pour les téléviseurs, doublement de la consommation du téléviseur pour les modulateurs d’antenne parabolique et augmentation de 50% pour les décodeurs. La veille représente 97% de la consommation des magnétoscopes. Les systèmes domotiques sont parfois utilisés à titre expérimental, par exemple pour le contrôle de l'éclairage. La serrurerie magnétique (carte à puce servant de clé) permet de couper automatiquement une partie de l'alimentation électrique du logement en cas d'absence. La connexion des logements et des bureaux par réseau informatique peut contribuer à réduire les besoins de transport. Des alternatives existent (bureaux de proximité) pour éviter de devoir réserver en permanence une pièce du logement à cette activité intermittente, et permettre une mise en commun de moyens (voire de connaissances) entre utilisateurs. 26 Olivier Sidler, Maîtrise de la demande électrique, campagne de mesure par usage dans le secteur domestique, rapport final SAVE, contrat n°4.1031/93.58 27 Olivier Sidler, Maîtrise de la demande électrique, campagne de mesure par usage dans le secteur domestique, rapport final SAVE, contrat n°4.1031/93.58 200 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement De nouveaux types d'ascenseurs sont proposés sur le marché, par exemple les ascenseurs à contrepoids sont moins consommateurs que les ascenseurs hydrauliques. L'éclairage de la cabine peut être asservi au fonctionnement. Les besoins d'électricité étant réduits, il est possible de fournir tout ou partie de cette énergie par un système photovoltaïque. Modules PV en protection solaire Intégration en toiture Restaurant à Altenau, RFA (IEA Task Maisons à Langedijk, Pays Bas 728), Architecte R. von Lamatsch Photo Bear Architectes Kämpfe Modules semi-transparents en toiture Allège de balcon vitré en façade de véranda Centre d'éducation à l'environnement, Boxtel (Pays Bas), Photo Bear Architectes Immeuble à Aalborg (Danemark) Figure 4.15 : Installations photovoltaïques intégrées aux bâtiments Les modules peuvent être intégrés en toiture, en façade ou comme pare-soleil au dessus de baies vitrées. Il existe également des modules semi28 Agence Internationale de l'Energie, base de données sur le photovoltaïque : www.pvdatabase.com Les éco-techniques du bâtiment 201 transparents, qui peuvent par exemple être employés comme couverture d'atrium ou de véranda. Le rendement global du système est de l'ordre de 10%, il faut donc compter de l'ordre de 10 m2 de modules pour une puissance crète (puissance maximale) de 1 kWc, la fourniture annuelle étant de l'ordre de 100 kWh/m2. Le courant continu produit est transformé en courant alternatif par un onduleur, de manière à pouvoir utiliser des appareils standards. Pour les sites isolés, l'électricité produite de jour doit être stockée dans des batteries. En général, la puissance crête Pc du système est fixée à 1,2 fois la puissance maximale appelée. Le nombre des batteries peut être évalué pour obtenir une capacité C (en Ampère.heure) donnée en fonction du voltage V (par exemple 12 V) par : 20 Pc < C . V < 40 Pc Par exemple pour une puissance crête de 3 kWc et un voltage de 12 V, il faut environ 30 batteries de 250 Ah. Le système photovoltaïque peut être complété par un groupe électrogène, voire par une éolienne. Photo AWEA29 Figure 4.16 : Exemples d'éoliennes domestiques 29 American Wind Energy Association Photo WINDSIDE 202 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 4.1.5 EAU CHAUDE SANITAIRE Les économiseurs d'eau (cf. paragraphe 4.2) réduisent également la consommation d'énergie sur ce poste. Les mitigeurs, éventuellement thermostatiques, permettent un niveau de confort accru tout en réduisant les consommations d’eau et par conséquent d’énergie. Une option de ralenti de la chaudière est préférable pour une production d'eau chaude seule en été. Le raccordement de certains appareils ménagers (lave-vaisselle, lave-linge) sur le réseau d'eau chaude génère des économies d'électricité, estimées à environ 80% de la consommation totale de ces appareils30. La minimisation des distances entre production d’eau chaude et distribution réduit les pertes par les tuyauteries (par conduction thermique mais aussi par la quantité d’eau chaude stagnant dans les tuyaux et inutilement chauffée). L’isolation thermique des tuyauteries est importante dans les locaux non chauffés, climatisés ou présentant un risque d’inconfort d’été. La mesure individualisée de la consommation d’eau chaude peut inciter à l’économie, si elle est accompagnée par une bonne information des usagers. Un chauffe-eau solaire bien dimensionné permet d'économiser environ 40% d'énergie sur l'année (10% en hiver et 90% en été). Dans les régions ensoleillées (PACA, Corse...), la rentabilité économique est presque atteinte. Les chauffe eau à thermosiphon ou ceux de type capteurs-stockeurs sont moins coûteux, mais ils sont adaptés aux climats tempérés où il ne gèle pas. La technique est bien adaptée aux installations collectives, où une économie d'échelle est possible. En ce qui concerne les chauffe eau solaires individuels, il est conseillé de prévoir une surface de capteurs d'un m2 par utilisateur dans le nord de la France (Paris inclus). Cette surface peut être réduite de 25% dans les régions du centre, et jusqu'à 40% sur le pourtour méditerranéen. Le volume du ballon est de 50 à 60 litres par utilisateur. Pour bénéficier d'aides, les matériels mis en œuvre doivent être agréés et les installations collectives doivent être conçues et dimensionnées par un bureau d'études assurant une garantie de résultats solaires. Aujourd'hui, 50 000 chauffe-eau solaires sont en fonctionnement en France, soit une puissance totale de 9,5 MW31. La surface de capteurs installée est de 10 m2 pour 1000 habitants, à comparer à 270 m2 en Autriche et 240 en Grèce. Le potentiel technique à long terme est estimé à 150 MW, 30 Olivier Sidler, Maîtrise de la demande électrique, campagne de mesure par usage dans le secteur domestique, rapport final SAVE, contrat n°4.1031/93.58 31 Le baromètre européen des énergies renouvelables, Eurobserv'er, juin 2002 Les éco-techniques du bâtiment 203 ce qui représenterait une économie de 1,6 millions de tonnes de pétrole par an. Thermosiphon Éléments séparés Figure 4.17 : Chauffe eau solaires Le type de capteur dépend du climat et de la température d'utilisation. Pour des climats rudes, les capteurs sous vide fonctionnent avec un faible niveau de pertes thermiques. Pour des piscines, des capteurs sans vitrage sont suffisants, de type moquette (faisceau de tubes plastiques noirs) ou métalliques (plus efficaces mais plus coûteux). La surface des capteurs est égale à la surface des bassins en climat froid, et la moitié de cette surface en climat méditerranéen. La figure 4.18 montre un exemple de piscine solaire en Ile de France. La productivité des capteurs sans vitrage est d'environ 200 kWh/m2/an, à comparer avec environ 400 kWh/m2/an pour des capteurs vitrés, mais leur coût est bien moindre. Leur temps de retour d'une telle installation est de l'ordre de 10 ans. 204 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Figure 4.18 : Piscine solaire de Nemours32 4.2 LA GESTION ET LA QUALITÉ DE L'EAU La répartition moyenne de la consommation domestique est donnée dans le diagramme 4.19. Divers équipements économiseurs d'eau permettent de réduire les consommations jusqu'à plus de 30% globalement33 : chasse d'eau à débit modulable 3/6 litres ou système à siphon additionnel “ Gustavsberg ” 4 litres (un accélérateur de débit permet de conserver toute son efficacité au siphon, mais ce système ne fonctionne qu'avec une cuvette adaptée), voire toilettes sèches basées sur le système du compost, robinets à fermeture temporisée ou à commande infra-rouge, limiteurs de débit, mitigeur mécanique pour un évier et un lavabo, thermostatique pour une baignoire et 32 Photo CLER (Comité de Liaison Énergies Renouvelables), Fiche technique "Stade intercommunal de Nemours et de Saint-Pierre-lès-Nemours", ARENE Ile de France, septembre 1996 33 Claude François et Bruno Hilaire, Guide pour les économies d'eau, Cahiers du CSTB n°422, septembre 2001 Les éco-techniques du bâtiment 205 une douche, réducteur de pression. Les disques céramiques, plus durs que les impuretés (sables, tartre...) assurent une meilleure durabilité de l'étanchéité dans les robinets. Figure 4.19 : Répartition des usages domestiques de l'eau potable Les équipements sanitaires sont conçus pour fonctionner avec une pression d’environ 3 bars. Au delà, l’usure et l’entartrage sont accélérés, ce qui augmente les consommations. Un réducteur de pression peut donc apporter des économies non négligeables. La figure 4.20 montre une douchette à effet venturi. Un anneau en appui sur un ressort permet de réduire la section de passage en fonction de la pression de l'eau, de manière à assurer un débit réduit. Pour conserver la même qualité d'usage, la réduction du débit est compensée par l'augmentation de la vitesse de l'eau, au moyen d'un cône. La réduction de la section de passage entraîne l'augmentation de la vitesse, et une diminution de la pression (effet Venturi) induisant une aspiration d'air. Cet air, mélangé à l'eau, a un effet moussant qui augmente aussi l'efficacité de la douche et compense la réduction de débit. Ces équipements peuvent être complétés par la récupération des eaux de pluie pour l'arrosage d'un jardin ou le lavage de la voiture. Un réservoir sera alors prévu (par exemple sous une avancée de toiture). Certaines toiture-terrasses à réserve d'eau pluviale contribuent à la régulation des débits. Le stockage de l’eau de pluie réduit le débit de pointe 206 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement à évacuer, ce qui permet de diminuer les dépenses des municipalités consacrées aux canalisations d'évacuation. Figure 4.20 : Douchette à débit réduit accéléré par effet Venturi (photo ÉCO-TECHNIQUES) La récupération des eaux "grises" (ou eaux usées) permettrait de couvrir environ 30% des besoins d'un habitat domestique. Le prix de revient de l'eau produite était estimé en 1993 à 3 euros/m3, soit environ le double du prix de vente moyen en France à la même date34. La récupération des eaux grises sera plus rentable quand le traitement des eaux usées sera facturé en fonction des quantités envoyées dans le réseau (en application du principe pollueur- payeur). La quantité d'eaux usées rejetées en moyenne par habitant et par an est de 156 m3. Le traitement correspondant nécessite en moyenne la consommation de 46 kWh d'électricité, 1 kg de béton et un transport par camion d'une tonne-km. La contribution à l'eutrophisation qui en résulte est de 3 kg d'équivalent PO43-, par habitant et par an. Environ 21 kg de boues sont également produites, dont 50 à 60% sont épandues en agriculture, 20 à 25% sont mises en décharge (pratique qui sera interdite en 2015) et 15 à 20% sont incinérées. Les boues urbaines, qui peuvent être chaulées ou compostées, représentent moins de 2% des déchets épandus en agriculture (94% sont des déjections d'animaux). L'épandage a lieu de mars à avril et d'août à octobre, il est interdit en dehors de ces périodes. Il faut donc stocker les boues durant plusieurs mois. Les boues peuvent contenir des composés toxiques : métaux lourds, composés organiques (hydrocarbures polycycliques aromatiques et polychloro- 34Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 Les éco-techniques du bâtiment 207 biphényles) et germes pathogènes (détruits par traitement thermique en station d'épuration). Des détergents fortement biodégradables, sans phosphates, et sans substance toxique peuvent être conseillés aux occupants afin de limiter les impacts des eaux usées. Les toilettes sèches permettent de limiter le rejet de substances contribuant à l'eutrophisation, et de produire de l'engrais par compostage. Une autre technique, adaptée au résidentiel collectif, consiste à produire du biogaz dans un réacteur de fermentation. Ce système peut être complété par un système d'aspiration par le vide afin de limiter l'utilisation d'eau et sa pollution. Comme pour l'énergie, l'individualisation des compteurs d'eau est préconisée, d'autant plus que le problème du « vol de chaleur » (transmission de la chaleur d’un logement à l’autre) ne se pose pas pour l'eau. La détection des fuites est parfois envisagée, avec la mesure de la consommation à une heure où elle est supposée nulle (par exemple 4 heures du matin). Les fuites d'eau peuvent en effet induire des consommations importantes, cf. le tableau 4.435 TABLEAU 4.4 : SURCONSOMMATIONS D'EAU POUR DIVERS TYPES DE FUITES Type de fuite Robinet qui suinte Petit goutte à goutte Robinet qui goutte Fuite légère de chasse d'eau Filet d'eau au robinet Chasse d'eau qui coule Robinet oublié dans un jardin Consommation annuelle (m3/an) 1 5 15 30 90 250 500 La purification à domicile de l'eau de boisson est une alternative séduisante, car elle évite de traiter de manière sophistiquée une très grande quantité d'eau : chaque personne consomme environ 150 litres par jour, mais ne boit que deux litres d'eau. L'eau purifiée à domicile, par une technique d'osmose inverse, est cependant plus acide que l'eau du robinet car les sels minéraux (carbonates) sont filtrés. D'autre part, cette méthode nécessite une maintenance très soignée afin d'éviter les risques bactériologiques au niveau des filtres. 35 Thierry Salomon, association GEFOSAT 208 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 4.3 LE TRAITEMENT DES DÉCHETS Le tri sélectif permet à chacun de contribuer à une gestion plus responsable des déchets. Il faut donc permettre, en fonction de la politique locale de collecte, l'intégration d'un mobilier adéquat au niveau de la cuisine ou d'un autre local (garage ou local spécifique, voire abri extérieur), pour collecter séparément verre, papier, matières plastiques, métaux et déchets organiques jusqu’au jour de ramassage. Le stockage des autres déchets (non sélectivement collectés) nécessite également un conteneur. Disposer d'un emplacement tel qu'un jardin ou un balcon permet le compostage individuel des déchets organiques. Ces déchets représentent entre 20 et 30% du total des ordures ménagères. Les déchets de cuisine présentent un rapport C/N (rapport de la quantité de carbone à celle d'azote) compris entre 20 et 30, ce qui est favorable à une décomposition rapide36. Le compostage peut également se faire à l'échelle du quartier. Si la parcelle à construire contient un jardin, la végétation (gazon, arbustes) facilite le bon fonctionnement du composteur sous réserve d’une répartition adéquate entre gazon, arbustes et déchets organiques. En ce qui concerne les jardins, certaines espèces nécessitent moins d'énergie pour l'entretien et génèrent moins de déchets (par exemple une prairie peut être fauchée deux ou trois fois par an). 4.4 LES PRODUITS DE CONSTRUCTION Dans le cas du standard actuel de construction, le choix des matériaux a beaucoup moins d'influence sur le bilan écologique global que la gestion des flux présentée précédemment. En effet, la fabrication des produits et la construction sont ponctuelles, alors que les flux d'énergie, d'eau et de déchets se cumulent sur toute la durée de vie du bâtiment. Ce sont donc avant tout les fonctionnalités des produits et leurs avantages esthétiques qui doivent motiver les prescripteurs. Quelques conseils généraux peuvent cependant être fournis. Des arbitrages doivent être réalisés entre la performance (qui peut conduire à une réduction des quantités nécessaires), la durabilité, la non toxicité, l'utilisation de matière recyclée, recyclable, renouvelable, ou de matériaux dont la production et la mise en œuvre est peu polluante. Partant du principe qu'aucun matériau ne peut répondre à la fois à tous ces critères, il est nécessaire de procéder à des arbitrages motivés. Le recours à des produits labellisés, lorsqu'ils existent, facilitera bien sûr ces choix. L'économie de matériaux permet de préserver les ressources, de même que l'utilisation de matière recyclée (par exemple acier) ou renouvelable (par exemple bois). Une mesure “ sans regret ” consiste à 36 Manuel d'écologie urbaine et domestique, Ed Le Vent du Chemin, St Denis, 1992 Les éco-techniques du bâtiment 209 éviter l’emploi d’un produit jugé inutile (par exemple, la protection d’un composant acier situé à l’intérieur d’un bâtiment peut dans certains cas être évitée). Le dallage ou le pavement des espaces extérieurs peut être évité autant que possible, pour économiser les matériaux mais aussi rendre le sol plus perméable. Il est parfois possible de faire l’économie d’un tuyau de descente, les eaux de pluie s’écoulent alors directement depuis la gouttière vers un bac dans lequel elles sont recueillies. Cela suppose cependant que le site soit abrité du vent, afin de ne pas exposer la façade à des embruns. Certains maîtres d’œuvre utilisent du verre laminé pour éviter les menuiseries autour des baies vitrées : la vitre est en contact direct avec la maçonnerie. Le choix d'un matériau est cependant complexe, car plusieurs éléments sont souvent contradictoires. Par exemple, le bois est une ressource renouvelable mais il doit en général être traité contre l'humidité et les insectes. Les bois exotiques sont plus durables, mais seulement 1% des forêts sont correctement reboisées, ce qui pose le problème de l'épuisement des ressources et de destruction de certains écosystèmes. Un compromis doit donc être trouvé, par exemple l’emploi de bois ne nécessitant pas de protection et issu de plantations peut être préconisé. Certains types de bois (mélèze, acacia) sont à la fois issus de forêts reboisées et assez durables. Des bois comme l'épicéa peuvent convenir pour des éléments intérieurs (escalier par exemple), le hêtre peut être préféré pour les mains courantes en raison de sa flexibilité et de sa dureté. Le cèdre rouge peut être utilisé pour couvrir la toiture. Les toiture-terrasses végétalisées retiennent l'eau de pluie et peuvent faciliter l'intégration aux paysages, elles nécessitent cependant une structure plus résistante. Des haies végétales peuvent clôturer un jardin. Une protection aluminium ou PVC sur les menuiseries en bois peut également éviter l'utilisation de produits d'entretien polluants, et l'aluminium sera peut-être recyclé en fin de vie. Les menuiseries en PVC peuvent également être recyclées, mais de manière non rentable actuellement. Par contre, des canalisations peuvent contenir une proportion de plastique recyclé (PVC et polyéthylène en particulier). L’intégration de matière recyclée est également mise en œuvre dans les membranes d'étanchéité et les revêtements de sol en PVC. Les déchets issus du bâtiment (démolition, chantier, rénovation) sont plus importants en tonnage que les déchets ménagers. Pour faciliter la déconstruction future, il faudrait éviter le mélange de matériaux, difficilement séparables en fin de cycle de vie. En effet, traiter les produits composites en séparant leurs constituants est possible techniquement, mais souvent difficile à mettre en œuvre pour des raisons économiques. Certains matériaux composites ont cependant une durabilité accrue, ce qui améliore leur bilan environnemental. 210 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement L’emploi d’éléments préfabriqués permet souvent de réduire les déchets de chantier (un calepinage soigneux est alors recommandé, une géométrie correspondant aux standards du marché étant préférable au “ sur mesure ”), mais le transport depuis l’unité de fabrication peut être plus long. Certains emballages (films plastiques) peuvent être remplacés par des bâches réutilisables. La flexibilité des espaces permet d’éviter les déchets en phase de réaménagement d’un bâtiment, mais l'utilisation de cloisons amovibles ou démontables, en général légères et peu étanches, peut compromettre le confort acoustique et thermique. Le béton pourra être réutilisé en fin de vie du bâtiment pour la construction de routes, mais sa fabrication nécessite de prélever maintenant des granulats. Du béton concassé peut être employé pour les allées, parkings et certaines parties des fondations, mais l'utilisation en construction est encore délicate (bien qu’aux Pays Bas, la plupart des entreprises s’engagent à introduire 20% d’agrégats recyclés dans le béton utilisé en construction). En France, le coût des granulats recyclés est supérieur de 1,5 euro par tonne en moyenne à celui des granulats naturels37. A proximité des usines de concassage, ce surcoût peut être compensé par une économie sur le transport. La terre crue est un matériau peu transformé, mais contraignant du point de vue de la maintenance. Il existe plusieurs techniques38 : • le pisé (agrégat de terre et de cailloux de compositions diverses, prélevé sous la couche de terre arable et tassé au pilon ou pisoir dans un coffrage) ; • l'adobe (terre argileuse et sableuse mélangée à de l'eau et façonnée en blocs de forme variable) ; • la terre comprimée (terre plus argileuse compactée dans des presses pour en faire des briques crues) ; • le torchis (terre très argileuse mêlée à de la paille ou autres végétaux et posée sur des claies de bois) ; • la bauge (terre associée à de menus branchages et modelée en boules qui sont empilées). Les pierres et les ardoises peuvent être réutilisées en fin de vie, mais nécessitent un "investissement environnemental" initial. La construction en briques nécessite également des matières premières (argile) 37Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 38 Friedrich Kur, L'habitat écologique, quels matériaux choisir ?, Ed. Terre Vivante, 1999 Les éco-techniques du bâtiment 211 et de l'énergie (1,8 fois plus que pour le béton). Les briques alvéolaires améliorent cependant ce bilan, en particulier avec un procédé à base de céréales : un mélange de maïs concassé et de son de blé est déshydraté pour obtenir une mousse rigide. Cette mousse est mélangée à l'argile. Elle se désintègre durant la cuisson des briques, laissant des alvéoles d'air qui forment un matériau poreux et donc isolant. La brique isolante ainsi constituée conserve ses propriétés isolantes beaucoup plus longtemps que la plupart des isolants fibreux (le tassement et l'humidité réduisent les performances), et ne génère pas d'émission de fibres dans l'atmosphère. La construction à ossature bois utilise parfois des agglomérés qui émettent du formaldéhyde (en faible quantité, car le taux de formaldéhyde dans les colles a fortement diminué), et la très faible inertie des bâtiments rend plus difficile l'utilisation des gains solaires (il faut inclure une inertie thermique pour stocker l'énergie du jour sur la nuit). Le confort d'été est également pénalisé. Une solution consiste à choisir le bois comme matériau de préférence pour la partie nord d'un bâtiment, une structure plus inerte étant mise en œuvre dans les zones sud. La fabrication du ciment nécessite moins d'énergie qu'auparavant (réduction de 25% sur les 20 dernières années39) grâce au procédé par voie sèche, à la récupération d'énergie et à l'utilisation de constituants ne nécessitant pas de cuisson (laitiers, cendres volantes, pouzzolanes, fillers). Grâce aux très hautes températures atteintes et au milieu basique, les combustibles fossiles sont partiellement substitués par des déchets : 300 000 tonnes par an sont ainsi injectées dans les fours de 17 cimenteries possédant les équipements et les autorisations nécessaires (par exemple, les vieux pneus couvrent 12% des besoins énergétiques d'une des usines du groupe Lafarge, des goudrons, huiles usagées et boues de peintures peuvent aussi être éliminées). Le ciment n'entre que pour 10 à 15% dans la composition du béton (les autres constituants étant l'eau, le sable et le gravier), ce qui explique le faible contenu énergétique de ce matériau. Les plaques de plâtre peuvent contenir une certaine proportion de produit issu du traitement des fumées. Les rebuts de fabrication peuvent également être recyclés, voire même à l'avenir des plaques usées ou des déchets de démolition contenant du gypse. L'augmentation des surfaces vitrées en façades permet de réduire le volume de maçonnerie et donc de matière, mais une conception soignée est nécessaire pour éviter de nuire au bilan énergétique et au confort (sur les aspects visuel et thermique). Les matériaux issus de produits agricoles (isolant en chanvre, en liège) peuvent avoir un impact plus faible à la fabrication, surtout s’ils sont 39 Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 212 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement issus d’une agriculture “ biologique ” (sans emploi d’engrais ou de pesticides). Il faut de plus s'assurer qu'ils ne génèrent pas d'impact supplémentaire sur le cycle de vie du bâtiment (par les produits d'entretien ou par l'augmentation des déperditions, cf. le tableau 4.2) et qu'ils satisfont aux critères usuels de qualité (certification ACERMI ou équivalence). Les fibres de coco, les pailles diverses et le lin sont employés au stade industriel pour la fabrication de cloisons, de panneaux d'isolation ou de torchis. Des isolants à base de mousses en polyoléfine et de polyester recouvert d'aluminium peuvent constituer une alternative intéressante aux produits classiques, car ils utilisent moins de matière. Ils ne se chargent pas en eau même dans une ambiance humide, ce qui leur permet de conserver dans le temps leurs propriétés thermiques. Par contre, leurs propriétés acoustiques sont médiocres et leurs propriétés thermiques controversées. Ils sont donc plus adaptés à l'isolation des toitures, des combles ou des vides sanitaires qu'à celle des façades exposées au bruit. L'isolation en papier recyclé sera plus intéressante lorsque davantage de papier sera collecté. Pour le moment, la France est déficitaire et nous devons importer 500 000 tonnes par an de papiers et cartons usagés des USA ou d'Allemagne, ce qui induit un impact lié au transport de ce matériau. Le sel de bore (borax et acide borique), de toxicité équivalente au sel de table, peut être utilisé pour protéger l’isolant en papier recyclé de l’humidité, des champignons et autres organismes vivants, ce traitement a aussi un effet ignifuge. Le borate n’est pas soluble dans l’eau, sauf à des températures de l’ordre de 100°C, et une simple imprégnation du papier suffit (il n’y a pas besoin de colle). Le borate n’augmente pas la toxicité des fumées en cas d’incendie. Les isolants en papier recyclé peuvent être mis en œuvre par insufflation (cloisons ou toitures) et par flocage, par exemple pour réaliser des plafonds acoustiques. Certains déchets d'emballage peuvent, après repulpage et agglomération, être utilisés pour fabriquer des panneaux agglomérés. Les boues de papeterie, les schistes houillers, les fines de charbon, les laitiers granulés de haut fourneau et les cendres volantes peuvent servir d'agrégats légers pour le béton-ciment. Le recyclage des déchets dans les produits de construction ne doit cependant pas entraîner de risque pour les occupants ni pour les ouvriers du bâtiment. A ce sujet, un projet de valorisation des farines animales dans des maçonneries a suscité une vive polémique, comme le recyclage de déchets radioactifs dans la laine de verre. Pour certains types de produits, il existe des labels comme la marque NF-Environnement pour les peintures et vernis, la certification CTB-P+ pour les produits de traitement du bois, CTB B+ pour le bois lui- Les éco-techniques du bâtiment 213 même, ACERMI pour les isolants. Le tableau 4.5 présente une liste non exhaustive de ces labels, avec les produits concernés40. TABLEAU 4.5 : LES DIFFÉRENTS LABELS EUROPÉENS Pays Label Produits de construction Allemagne Ange Bleu Produits Matériaux à base de papier, de verre ou de plâtre recyclé Revêtements de sols sans amiante Produits bois à faible émission de formaldéhyde Vernis à faible émission de COV Peintures à faible teneur en plomb et en Chrome GUT moquettes Canada Choix Matériaux d'isolation en fibre Environnement de cellulose recyclée Matériaux à base de plastique recyclé Peintures sans solvant Japon Ecomark Matériaux d'isolation sans CFC ni amiante Ciment contenant plus de 50% de scories de haut fourneau Danemark Label du climat Revêtements de sols textiles et intérieur faux plafonds (qualité de l'air) France NF-EnvironPeintures et vernis nement CTB B+, P+ Bois et produits de traitement ACERMI Isolation thermique Equipements labellisés Allemagne Ange Bleu Brûleurs à gaz, chaudières à condensation, appareils sanitaires (WC et vannes à chasse d'eau, douches électroniques), régulateurs de débit d'eau, engins de chantier peu bruyants, Canada Choix Ventilateurs à récupération de chaleur Environnement France Certification Chauffe-eau solaires Japon Ecomark systèmes de chauffage solaire, robinetterie Sur le thème des revêtements de sol également, il faut mettre en balance la qualité environnementale à la fabrication et à la mise 40 Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 214 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement en œuvre (colle...), la durabilité et l'utilisation plus ou moins grande de produits d'entretien sur la durée de vie. Une association de fabricants allemands de moquettes a constitué le label GUT pour ce type de produits. Les linoleums sont parmi les revêtements de sol qui génèrent le moins d'impact en phase de fabrication. Leur faible résistance thermique permet aux dalles lourdes de jouer leur rôle de volant thermique, contrairement au cas des moquettes ou des planchers. L'émail de certains carrelages nécessite l'emploi de métaux lourds. Certains revêtements de sol contiennent une proportion importante de matériaux recyclés (par exemple 70% de verre, issu d’ampoules électriques broyées41, moquettes contenant du plastique recyclé et des fibres “ naturelles ”). 4.5 LE CONFORT ET LA SANTÉ 4.5.1 CONFORT ACOUSTIQUE Des solutions techniques pour la protection d'un logement contre les bruits extérieurs sont données par exemple dans la nouvelle réglementation acoustique, ou le label Qualitel. L'isolation phonique entre logements favorise l'acceptation d'un habitat groupé, plus économe en énergie. La protection de la maison contre les bruits extérieurs devrait être au moins conforme à la nouvelle réglementation acoustique (par exemple, isolation minimum aux bruits routiers de 30 dB(A) si la façade n'est pas sur voie classée). Les chambres peuvent être protégées également des bruits provenant des autres pièces de la maison. L'isolation minimum aux bruits aériens -voix, télévision, chaîne HI-FI...- par rapport à un bruit rose42 à l'émission devrait être de 41 dB(A) au moins et si possible 45 dB(A). La transmission maximum des bruits d'impact -marche, chute d'objets- ne devrait pas dépasser 65 dB(A), et une valeur inférieure serait appréciée : 61 dB(A) serait plus conforme à la demande actuelle des usagers. Le niveau maximum de bruit engendré par les équipements est pour un appareil individuel de chauffage de 45 dB(A) si la cuisine est ouverte sur le séjour, de 35 dB(A) sinon, et de 30 dB(A) pour une ventilation mécanique en position de débit minimal. Outre la protection générale de l’enveloppe contre le bruit, la qualité de l’ambiance acoustique est également un critère à prendre en compte. Les revêtements de sols et de murs doivent ainsi être choisis et 41 3rd International Green Building Conference, National Institute of standards and technology, USA, 1996 42 un bruit blanc correspond à un niveau de pression identique pour toutes les fréquences sonores, tandis que le spectre d'émission d'un bruit rose est représentatif des bruits émis dans le bâtiment. Les éco-techniques du bâtiment 215 combinés pour réduire la réverbération du son : par exemple si le revêtement de sol est un carrelage, il peut être nécessaire de poser un revêtement absorbant (par exemple du liège) sur l'une des parois du local de manière à éviter le phénomène d'écho. 4.5.2 CONFORT VISUEL L'éclairage naturel des pièces devrait être utilisé en priorité (en réduisant cependant les risques d'éblouissement) et complété par un éclairage artificiel performant. Des niveaux d’éclairement et des facteurs de lumière du jour souhaitables ont été indiqués au paragraphe 3.3.6 pour différents types de bâtiments (résidentiels, industriels, tertiaires…). 4.5.3 CONFORT THERMIQUE En règle générale, le confort thermique d'été peut être assuré par la mise en œuvre des principes bioclimatiques, par exemple des protections solaires adaptées (avancée de toiture, stores extérieurs), une inertie thermique suffisante et une ventilation appropriée. Une isolation thermique extérieure permet de tirer parti de l’inertie de la maçonnerie pour atténuer les surchauffes (et pour valoriser les apports solaires par les vitrages durant la saison de chauffe). Système Zéphyr (www.zefyrgroup.com) A droite, bâtiment AWAX à Athènes (Architecte : Alexandros Tombazis) Figure 4.21 : Brise-soleil horizontal (casquette), à droite : vertical Les protections les plus efficaces (stores ou volets roulants extérieurs) peuvent être également bénéfiques aux économies d'énergie en limitant les pertes par rayonnement (revêtement basse émissivité). En Ile de France par 216 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement exemple, la température intérieure du bâtiment ne devrait pas excéder 26°C même lorsque la température maximale diurne est égale à 30°C pendant plusieurs jours consécutifs. Lorsque cela est possible, une ventilation nocturne augmente encore la fraîcheur du bâtiment. L’effet de paroi froide est parfois avancé pour justifier la limitation des surfaces vitrées. En fait, les vitrages actuels à isolation renforcée permettent de limiter cet effet, et la réduction des surfaces vitrées est en général motivée par des raisons économiques. Chaque individu se fixe un seuil de confort en fonction de son état physiologique et de son mode de vie. Ainsi, une personne peut faire le choix d’une moquette pour pouvoir marcher nus pieds dans son logement. Une autre personne peut choisir un carrelage sur une dalle pour augmenter l’inertie thermique du bâtiment, et ainsi économiser l’énergie en valorisant mieux les apports solaires et en assurant un rafraîchissement naturel en été. La prise en compte de critères environnementaux peut induire quelques changements dans notre comportement sans altérer notre qualité de vie. 4.5.4 QUALITÉ DE L’AIR ET CONFORT OLFACTIF Les principaux problèmes à résoudre pour améliorer la qualité de l’air intérieur sont les suivants : • protection contre la pollution extérieure ; • évacuation de l'air vicié des pièces d'habitation, des pièces humides cuisine, sanitaires -, de la chaufferie (gaz de combustion, odeurs), du garage (gaz d'échappement, vapeurs d'essence) ; • prévention des dégagements gazeux issus des produits de décoration et d'ameublement (peintures, revêtements de sols et de murs, mobilier...) ; • prévention de la prolifération bactérienne (legionella pneumophila en particulier). Le choix du site de construction en fonction des sources d'émission (industries, routes...) et des vents dominants, lorsque cela est possible, est bien sûr essentiel. Les entrées d'air seront situées autant que possible à l'abri des sources de pollution si elles existent (rue...) et dans la véranda si cette solution est choisie. Le cas échéant (et en cas de ventilation mécanique à double flux), un système permettant de filtrer l'air extérieur (poussières, pollens...) peut être mis en place. Ceci nécessite cependant une maintenance adaptée. Le préchauffage de l'air neuf évite la sensation d'air froid qui incite à obturer les bouches d'aération. Une répartition des entrées d'air sur les menuiseries est également efficace sur ce point. Les sorties d'air sont situées dans les pièces humides. L’emploi d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC) hygroréglable ou régulée en fonction de l’occupation permet d’associer qualité de l’air et économie d’énergie. L'action allergisante des acariens est également réduite par une bonne ventilation (des pièces et des literies), permettant de réduire l'humidité. Les éco-techniques du bâtiment 217 En cas de présence de radon dans le sous-sol, il convient d'assurer l'étanchéité des sous-sols, vides sanitaires, murs, planchers et passages de canalisations, de ventiler le sol en dessous du bâtiment et le vide sanitaire, de ventiler les locaux avec un taux de renouvellement d'air dimensionné pour satisfaire les recommandations concernant la concentration de radon dans l'air (cf. chapitre 1). Un conduit de cheminée doit être prévu même en cas de chauffage électrique, afin de permettre le changement de source d'énergie par l'habitant, par exemple pour des raisons économiques, sans nuire à la qualité de l'air. Si un garage attenant est prévu, le passage du logement au garage peut s'effectuer par l'extérieur, les deux portes étant très proches et abritées par un auvent. Ceci serait préférable car une porte de communication intérieure laisserait entrer dans le logement des gaz émis au démarrage des véhicules. Pour la décoration et le mobilier, des produits ne générant pas d'odeurs gênantes durables ni de composés volatils nuisibles à la santé seront préférés. Pour limiter la contamination par le radon, un vide sanitaire ventilé ou une dalle sur terre-plein étanche sont préférables à un sous-sol. Certaines plantes vertes peuvent contribuer à la purification de l'air. Le lierre et le sanseveria par exemple absorbent le benzène (10 µg par cm2 de feuille), ainsi que le formaldéhyde (2 à 3 µg par cm2 de feuille43) et le trichloréthylène. La respiration des plantes provoque un léger dégagement de CO2, mais la quantité est très inférieure à celle absorbée par la photosynthèse. Les plantes servent également de filtre contre les poussières. Elles humidifient l'ambiance, par exemple un ficus peut émettre de 10 à 20 grammes d'eau par heure. 4.5.5 AUTRES ASPECTS DE SANTÉ Les canalisation d’eau en plomb devront être remplacées pour respecter les nouvelles normes de potabilité. Les robinets en laiton dégagent du plomb durant les premiers mois de fonctionnement. Pour éviter les risques de légionellose dans les installations d'eau chaude sanitaire, les températures de stockage et de distribution doivent être supérieures respectivement à 60 et 50°C. Le stockage et l’ensemble du circuit doivent être régulièrement chauffés à 60°C (par exemple la nuit) pendant une heure (au moins 32 minutes), ou à 70°C pendant au moins une minute, pour tuer les bactéries : à 50°C, la bactérie ne croît plus mais survit44. 43Eric Labouze, Bâtir avec l'environnement, enjeux écologiques et initiatives industrielles, Ed. de l'Entrepreneur, Paris, 1993 44 CVC (Chauffage, Ventilation, Conditionnement d'air) n°1/2, janvier/février 2001 218 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Les alimentations et circuits électriques devraient autant que possible être placés assez loin des lits, afin de réduire la durée de l'exposition aux champs électromagnétiques. Un biorupteur permet de couper un circuit si aucun appareil n’est utilisé. Les substances qui génèrent des fumées toxiques en cas d'incendie devraient être évitées autant que possible. Un extincteur sans halon réduit les risques d'incendie tout en préservant la couche d'ozone. L’accessibilité aux handicapés doit également être une préoccupation des concepteurs, en ce qui concerne la largeur des issues et les espaces permettant la rotation d’un fauteuil roulant. Un rangement situé en hauteur devrait être prévu pour contenir les médicaments et les produits d’entretien toxiques afin de limiter les risques d'intoxication pour les enfants. Outre la santé humaine, la démarche environnementale peut aussi concerner les animaux vivant au voisinage des habitations, par exemple en prévoyant des espaces adaptés à la nidification sous les toitures ou en façade, des haies autour des jardins, des mares etc. 4.6 CONCLUSIONS DU CHAPITRE 4 Le choix d’une technique n’est pas qu’un choix technique : c’est une décision qui a des conséquences économiques, sociales, et environnementales. L’une des questions qui se posent actuellement est la suivante : la démarche de développement durable va-t-elle influencer de manière importante le choix des techniques dans le secteur du bâtiment, et les standards de construction vont-ils évoluer ? Des techniques marginales à une époque peuvent devenir le standard à une autre époque, ou dans un autre pays, et ce standard bénéficie en général d’un avantage économique (lié à une production et une distribution en plus grande série, à une mise en œuvre facilitée par l’habitude…) : lorsque le double vitrage est devenu le standard en construction neuve, son coût est devenu équivalent à celui du simple vitrage. Il en sera sans doute de même prochainement avec le double vitrage à basse émissivité, qui est actuellement le standard par exemple en Allemagne. En prenant un autre exemple, les énergies renouvelables sont aujourd’hui mieux perçues qu’il y a 20 ans, quand elles étaient considérées par certains comme une lubie idéologique. Dans une optique de prise en compte plus rationnelle des aspects environnementaux, plusieurs grandes tendances de l’évolution des techniques peuvent être synthétisées dans le tableau 4.6, qui propose une stratégie en 4 étapes : • la réduction des besoins ; • le recours aux ressources renouvelables ; • le recours en appoint aux solutions à moindre impact ; Les éco-techniques du bâtiment • 219 l’information des usagers des bâtiments. Cette stratégie concerne à la fois l’énergie, l’eau et les matériaux. Elle peut, comme le montre le tableau 4.6, se décliner en sous-rubriques (par exemple pour la réduction des besoins d’énergie : les déperditions et la valorisation des apports solaires) puis en composantes techniques (par exemple pour les déperditions : l’isolation, les ponts thermiques et la ventilation). Le tableau 4.6 pourrait être encore plus détaillé en distinguant des éléments de construction (par exemple l’isolation des murs, du plancher et du toit, les vitrages isolants) puis des techniques (fibres, matériaux alvéolaires…) etc. L’objectif de ce tableau n’est pas d’être exhaustif, mais de montrer la variété des techniques mises en œuvre dans une construction et leur complémentarité dans une stratégie d’ensemble cohérente. TABLEAU 4.6 : RÉCAPITULATIF DES TECHNIQUES À MOINDRE IMPACT Réduire les besoins Énergie déperditions apports solaires rafraîchissement Eau débit réduit Matériaux Dématérialisation isolation réduction des ponts thermiques ventilation (régulation et préchauffage) vitrages (thermique et éclairage) orientation inertie thermique protections solaires inertie thermique ventilation nocturne robinets douchettes réducteur de pression toilettes murs légers si inertie non nécessaire quantitatifs précis Utiliser des ressources renouvelables Énergie solaire thermique production d’eau chaude chauffage actif chauffage par systèmes passifs solaire photovoltaïque production d’électricité biomasse chauffage Eau eaux pluviales toilettes arrosage Matériaux structure bois (par exemple label FSC) isolants produits de l’agriculture (par 220 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement exemple paille, chanvre, laine, liège,…) Limiter les impacts Énergie combustible équipement Eau éclairage électroménager eaux usées Matériaux recyclage réutilisation moindre impact Informer les usagers Gestion énergie eau déchets Entretien énergie Eau bois, gaz géothermie réseaux de chaleur chaudière performante cogénération basse consommation appareils de classe A toilettes arrosage isolants (papier, vêtements) métaux béton (agrégats) menuiseries cf, norme AFNOR P01-010 régulation du chauffage régulation de la ventilation volets ou stores isolants réduction des transports comportements comptage détection de fuites tri équipements de chauffage réparation des fuites Cette stratégie mettant en œuvre des techniques à moindre impact ne doit bien entendu pas être appliquée au détriment du confort et de la santé des usagers. Le coût est d’autre part souvent un frein à l’innovation, ce qui justifie certaines aides accordées, en particulier pour des projets de démonstration. Ces aides peuvent être considérées comme un investissement de la collectivité dans le but d’éviter certains impacts environnementaux, en d’autres termes les coûts externes associés à certaines technologies plus polluantes (par exemple le coût lié aux maladies générées par des émissions de substances toxiques) peuvent être considérés comme des subventions déguisées à ces technologies, s’ils sont supportés par la collectivité. D'autre part, un raisonnement en coût global (investissement + Les éco-techniques du bâtiment 221 fonctionnement) donne souvent l'avantage à des technologies à moindre impact, qui induisent une économie d'énergie et d'eau. Rappelons enfin que les techniques seules ne permettent pas de garantir un bon niveau de performance : le paragraphe 3.7.4 a montré l'influence du comportement des occupants d'un bâtiment sur ses performances. La sobriété peut être étendue à la consommation modérée d'énergie, d'eau et de matériaux. Elle peut être illustrée par les exemples suivants : • éteindre la lumière en sortant d'une pièce ; • ne pas surchauffer les locaux ; l'article 5 de la loi du 29 octobre 1974, modifié par les décrets du 3 décembre 1974, du 5 août 1975 et du 22 octobre 1979, est toujours en vigueur ; il fixe la température de chauffage maximale autorisée à 19°C pour les logements, les locaux d'enseignement, les immeubles de bureaux, les locaux recevant du public etc. Cet article n'est malheureusement que très peu appliqué actuellement ; • baisser le chauffage en cas d'absence (mise hors gel), réduire la température la nuit ; • ne pas ouvrir trop longtemps les fenêtres pour aérer les locaux (5 minutes suffisent pour renouveler l'air d'une pièce) ; • fermer les volets la nuit ; • éviter d'utiliser une voiture pour les petits déplacements ; • prendre une douche plutôt qu'un bain ; • faire réparer les fuites d'eau dès leur détection ; • choisir pour le jardin des plantes n'ayant pas besoin d'être arrosées ; • réduire la consommation d'emballages. Ce n'est qu'en complément d'une telle démarche de sobriété que les techniques comme l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables prennent tout leur sens, et que l'éco-conception peut améliorer véritablement la qualité environnementale des bâtiments. 222 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement CHAPITRE V QUELQUES RÉALISATIONS EXPÉRIMENTALES 5.1 LE PROJET ÉCOLONIA (PAYS BAS) Construire d'une manière responsable envers l'environnement et maîtriser l'énergie nécessite de savoir ce qu'il est possible de faire ou non. Pour progresser dans la connaissance, un projet de démonstration de 100 logements écologiques a été réalisé à Alphen aan de Rijn, une ville nouvelle à l'ouest des Pays Bas. Suite à une sélection, neuf architectes ont conçu des logements selon les objectifs du projet et le plan de développement urbain. Les principes guidant la conception découlent de trois règles issues du Plan National Environnement des Pays Bas : • maîtrise de l'énergie ; • gestion sur le cycle de vie, utilisation de matériaux recyclés ou recyclables, voire réutilisables, et à moindre impact durant leur fabrication et leur traitement après usage ; • amélioration de la qualité de la construction. Chacune des trois règles a été subdivisée en trois sous-rubriques particulières. Partant d'un programme de référence identique à toutes les équipes, chaque architecte a dû porter une attention particulière à l'une de ces neuf sous-rubriques. ECOLONIA ne veut pas être un terrain d'expérimentation, mais un projet de démonstration. Il s'agit donc de montrer qu'il est possible de réduire très fortement la consommation d'énergie pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire. Mais au delà de cet objectif, la réduction de l'énergie "grise", contenue dans les matériaux, est envisagée. En effet, cette contribution au bilan énergétique risque de devenir importante au fur et à mesure que les besoins énergétiques sur la phase d'utilisation sont réduits. 5.1.1 DESCRIPTION DU PROGRAMME Après de nombreux projets concernant la maîtrise de l'énergie ou des problèmes environnementaux spécifiques, une approche globale a été recherchée. Il s'agit de refléter les connaissances et l'expérience courante dans le domaine, et de fournir des informations nouvelles aux architectes, entreprises de construction et consultants ayant besoin de telles connaissances. Le projet a été monté très rapidement puis étendu par la suite. 224 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Le Plan National Environnement des Pays Bas a joué un rôle important dans les discussions. Ce plan concerne les économies d'énergie et la protection de l'environnement . Il fixe des objectifs, en particulier pour le secteur de la construction. Mettre en pratique ces recommandations est aussi l'objet d'ECOLONIA, qui pourrait alors encourager les décideurs à développer d'autres projets analogues. Ce plan préconise trois mesures (maîtrise de l'énergie, gestion sur le cycle de vie et amélioration de la qualité de la construction) qui ont été adoptées comme base de travail dans l'élaboration des plans d'urbanisme et dans la conception architecturale. Concernant cette dernière, chacune des mesures précédentes a été subdivisée en trois sous-rubriques. Maîtrise de l'énergie Il s'agit de réduire la consommation d'énergie fossile, par la réduction des besoins, la valorisation des énergies renouvelables et les économies d'énergie dans les installations de chauffage et de ventilation. Les sous-rubriques relatives à la qualité architecturale sont : • la réduction des pertes thermiques ; • la valorisation des apports solaires ; • la réduction des consommations sur les phases de construction et d'utilisation. Gestion sur le cycle de vie Ce terme se réfère au cycle de vie depuis l'extraction des matières premières jusqu'à la démolition et la réutilisation éventuelle. Les aspects importants concernent les effets sur l'environnement et la demande énergétique des processus et des produits mis en œuvre. Les sous-rubriques relatives à la qualité architecturale sont : • la limitation de la consommation d'eau et le recyclage des matériaux ; • l'utilisation de matériaux durables, nécessitant peu d'entretien, et/ou d'origine agricole ; • la flexibilité de la construction et de l'occupation. Amélioration de la qualité de la construction Un produit est "de bonne qualité" s'il remplit une fonction donnée sur une longue période, s'il peut être réparé, réutilisé et s'il ne génère pas de déchets nuisant à l'environnement. Les occupants ne doivent pas souffrir d'éventuelles conséquences adverses suite à des émissions polluantes durant la période d'utilisation, un aspect qui demande de porter une attention particulière à l'environnement intérieur. Les sous-rubriques relatives à la qualité architecturale sont : • l'amélioration du confort acoustique ; • la prise en compte des aspects santé et sécurité ; Quelques réalisations expérimentales • 225 la construction "bio-écologique". Chacun des neuf architectes a donc dû respecter le programme de base, plus l'un des neuf objectifs précités. D'autre part, le maître d'ouvrage (le Fonds néerlandais des municipalités pour le bâtiment) a imposé des contraintes strictes en matière de coût de construction. Le programme de base comprend les exigences suivantes : • consommation énergétique inférieure à 300 MJ/m3 (soit environ 35 kWh/m2 habitable) ; • installation de chauffe-eau solaires ; • chaudières à basse émission de NOx et de rendement supérieur à 90% ; • coefficient de pertes des vitrages inférieur à 2 W/(m2.K) ; • prise en compte de la qualité environnementale dans le choix des matériaux pour le drainage extérieur et les canalisations intérieures ; • utilisation de béton concassé comme granulat ; • non utilisation de bois tropical ; • utilisation de dalles anhydrites ; • installation d'économiseurs d'eau ; • prise en compte de la qualité environnementale dans le choix des produits de traitement du bois ; • non utilisation de CFC dans les matériaux et les procédés ; • tri sélectif des déchets ménagers ; • non utilisation de produits bitumineux ; • absence de radon dans les logements. Pour les trois thèmes ayant trait à la maîtrise de l'énergie, la consommation maximale d'énergie a été fixée à 220 MJ/m3 au lieu de 300 (soit environ 25 kWh/m2 habitable). 5.1.2 CONCEPTION ÉCONOME EN ÉNERGIE Les logements ont été conçus pour recevoir le rayonnement solaire, tant pour le chauffage que pour l'éclairage naturel (la lumière pénètre jusqu'au cœur des logements). Un chauffe-eau solaire est intégré en toiture. La chaudière et le système de ventilation (double flux) sont placés dans un noyau central. Les chambres des enfants sont partiellement en sous-sol, de manière à réduire les pertes thermiques. La régulation du chauffage prend en compte trois zones thermiques. Dans certains logements, un système solaire actif assure une partie du chauffage des locaux, en plus de l'eau chaude sanitaire. 226 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Le surcoût engendré par l'amélioration de environnementale s'élève à 10% du coût total de construction. la qualité 5.1.3 GESTION SUR LE CYCLE DE VIE Une estimation des flux d'énergie sur le cycle de vie des bâtiments a été effectuée, sur la base d'une durée de vie de 75 ans, et de deux rénovations sur cette durée. L'énergie nécessaire à la construction d'une maison a été évaluée entre 200 et 400 GJ, la rénovation est supposée consommer 200 GJ. En ce qui concerne la phase d'utilisation, les différents flux annuels (exprimés en énergie primaire) sont les suivants : • chauffage central : 14 GJ • eau chaude sanitaire : 14 GJ (sans chauffe-eau solaire) • cuisson : 2 GJ • électricité : 15-25 GJ Sur l'ensemble du cycle de vie, le total se situe alors entre 3775 et 4725 GJ. Un chauffe-eau solaire permet de réduire d'environ 40% les besoins sur le poste eau chaude sanitaire. Le tableau 5.1, donné par l'Agence Néerlandaise pour L'Energie et l'Environnement (NOVEM), présente les impacts liés aux menuiseries des fenêtres pour divers matériaux. TABLEAU 5.1 : QUELQUES IMPACTS COMPARÉS DES MENUISERIES Aluminium Bois européen 372 200 153 45,6 67 21,6 23 195 10 774 3,1 0,6 gaz (m3) charbon (kg) fuel (kg) total (MJ) m3 de bois tropical CO2 794 déchets 27,6 spéciaux (kg) total déchets 520 (kg) Bois d'iroko 233 48,8 17,3 12 086 222 Bois de méranti 235 50,3 22,6 12 444 39,8 PVC 241 35,6 30 12 583 1,1 443 17,8 525 18,1 524 16,2 514 16,1 203 415 221 162 Certaines techniques existent pour réduire encore les besoins énergétiques, par exemple les occultations nocturnes ou la valorisation énergétique des déchets. Il faut également s'assurer que le niveau de confort d'été est satisfaisant. D'autre part, les chaudières les plus répandues sont mal adaptées à des besoins très faibles. Quelques réalisations expérimentales 227 Un scénario économe a été défini, pour correspondre à l'objectif du plan de réduire la demande d'électricité des ménages de 40% aux Pays Bas. Ce scénario prévoit de remplacer le chauffage et la climatisation électrique par l'énergie gaz, l'électricité étant réservée à l'éclairage, la force et l'électronique. Les consommations des appareils ménagers sont données dans le tableau 5.2. Dans le scénario "économe", l'électricité est partiellement substituée par du gaz (par exemple pour chauffer l'eau du lave linge). TABLEAU 5.2 : CONSOMMATIONS ÉNERGÉTIQUES D'APPAREILS MÉNAGERS Appareil 1985, standard 1991, meilleure (kWh/an) technologie, électricité (kWh/an) Lave linge 280 13 Séchoir 135 135 Lave vaisselle 42 39 Sèche cheveux, fer à repasser, cafetière 109 108 Réfrigérateur / congélateur 639 326 Chauffe eau solaire Autres 1643 832 TOTAL 2848 1653 Énergie primaire (kWh) 7000 4200 Scénario économe, électricité (kWh/an) 95 11 10 Scénario économe, gaz (m3/an) 14 16 6 0 0 0 40 449 605 65 -120 (*) 0 -19 < 1600 (*) le chauffe eau solaire induit une économie de gaz Les principales conclusions de ces évaluations sont les suivantes. Il est possible de diviser par 4 la consommation d'énergie primaire d'un logement, en faisant appel aux technologies disponibles sur le marché, avec la répartition suivante : • chauffage central 2000 kWh/an (au lieu de 9 000) • eau chaude sanitaire 1400 kWh/an (au lieu de 3 000) • électricité 1600 kWh/an (au lieu de 8 000) • TOTAL 5000 kWh/an (au lieu de 20 000) Il serait possible d'aller encore plus loin dans cette démarche, et d'atteindre l'autonomie énergétique grâce à des systèmes individuels de cogénération. 228 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 5.2 LE LOTISSEMENT AURORE (ARDENNES) Il s'agit d'un ensemble expérimental de six maisons à ossature bois et chauffage solaire situé à Mouzon, dans les Ardennes. L'isolation transparente a été mise en œuvre pour la première fois en France sur cette opération réalisée par la Société HLM ESPACE HABITAT. L'isolation transparente a pour but de rendre le captage solaire thermique plus efficace en maximisant l'effet de serre. Les matériaux développés sur ce principe, d'après les recherches effectuées en Allemagne sur ce thème1, ont un facteur solaire comparable à celui d'un double vitrage et des pertes thermiques trois fois moindres. Nous avons donc décidé d'étudier l'intérêt énergétique de ces technologies dans le bâtiment. Le lotissement solaire AURORE, conçu par l'Architecte Jacques Michel2, constitue une plate-forme expérimentale très intéressante puisque des systèmes actifs (capteurs à air) et passifs (murs Trombe) peuvent être comparés. Figure 5.1 : Lotissement solaire à Mouzon (Ardennes) 1 A. Goetzberger, J. Schmid and V. Wittwer, Transparent insulation system for passive solar utilization in buildings, 1st E.C. Conference on solar heating, Amsterdam, 1984 L. Jesh, ateliers TI1...TI5, Transparent Insulation Workshop, 1986...1992, Birmingham and Freiburg 2J. Michel, brevet ANVAR TROMBE MICHEL BF 7123778 (France 29/06/1971) et additif: "Stockage thermique" MICHEL DIAMANT DURAFOUR 75-106-13 Quelques réalisations expérimentales 229 Les maisons ont été orientées au sud, ce qui a créé une dissymétrie par rapport aux deux rues bordant le lotissement : les portes-fenêtres et les murs solaires sont vus de la rue au sud, tandis que celle située au nord donne sur les façades opaques. Les maisons sont cependant identiques, afin de réduire les coûts, grâce à une conception appropriée (porte-fenêtre dans le séjour au sud, porte pleine dans l'entrée au nord). L'expérimentation in situ permet de vérifier les performances estimées par calcul ou mesurées en laboratoire, en prenant en compte les effets liés au comportement des occupants. D'autre part, les mesures de productivité ne forment qu'une petite partie de l'évaluation, qui concerne aussi le confort, les problèmes de mise en œuvre, les coûts, la durabilité, l'esthétique, etc. Le suivi expérimental a été mené sur une année entière, de façon à étudier une saison de chauffe et un été. 5.2.1 FONCTIONNEMENT DES SYSTÈMES Système passif (maisons 3,3bis,7 et 9) Le mur se compose de quatre éléments: a) le plus extérieur, le matériau transparent laisse passer le rayonnement solaire mais retient la chaleur; b) le mur de briques, peint en noir pour absorber le rayonnement, stocke la chaleur du jour sur la nuit; Figure 5.2 : Principe du système passif c) l’air se chauffe au contact des briques, monte et circule vers la pièce habitée (les bouches d’aération sont ouvertes l’hiver par beau temps); d) une cloison isolée par 10 cm de laine de roche protège de la chaleur d’été, ou du froid l’hiver par mauvais temps (les bouches d’aération sont alors fermées). Système "actif" (maisons 4 et 5) L’air est chauffé au contact d’une surface noire, l’absorbeur, située sous le matériau transparent formant la toiture (cf. figure 5.3). Lorsque sa température dépasse celle du logement, un ventilateur se met en marche et souffle l’air chaud dans la maison. Un thermostat bloque le système s'il fait trop chaud dans le logement. 230 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement ( L’été, le ventilateur reste à l’arrêt et le capteur est ventilé vers l’extérieur. L’isolation thermique (16 cm de laine de roche) protège des surchauffes la chambre située sous le capteur. ) Figure 5.3 : Principe du système actif Dans toutes les maisons, le renouvellement d’air est assuré par des ventilations mécaniques contrôlées (VMC), c'est-à-dire des ventilateurs à débit constant. Dans les deux configurations, deux types de composants transparents sont comparés: • une structure capillaire en polycarbonate, encapsulée entre deux vitres et fabriquée par la Société OKALUX (maisons 3, 5 et 7) ; • une plaque alvéolaire, du polycarbonate extrudé en triple paroi, fabriquée par CELAIR (maisons 3 bis, 4 et 9). Ces deux matériaux améliorent la productivité des murs Trombe, par rapport à un simple vitrage. Les propriétés physiques correspondantes sont données dans la table 5.3, les valeurs de transmission solaire ont été mesurées par le CSTB sur la plate-forme OPTORA à Grenoble. TABLEAU 5.3 : PROPRIÉTÉS DES DEUX COUVERTURES TRANSPARENTES Matériau 10 cm de structure capillaire encapsulée entre deux vitrages plaque polycarbonate de 16 mm en triple paroi Pertes thermiques W/(m2.K) 0.8 Facteur solaire à incidence normale 0.72 2.4 0.70 Quelques réalisations expérimentales 231 Le coût des maisons et le surcoût des différents systèmes sont synthétisés dans le tableau 5.4, en francs 1992 TTC. Les branchements aux réseaux (VRD) ne sont pas inclus ni le prix du terrain. TABLEAU 5.4 : COÛTS DES DIFFÉRENTES VARIANTES Configuration (2 x 50 m2 habitables) Passif, polycarbonate (13 m2) Passif, 10 cm OKALUX (13 m2) Actif, polycarbonate (17 m2) Actif, 5 cm OKALUX (17 m2) Coût total 479 000 523 000 503 000 546 000 Surcoût solaire 29 010 73 084 53 275 96 045 Coût par m2 habitable 4 790 5 230 5 030 5 460 5.2.2 L'AIDE APPORTÉE DURANT LA CONCEPTION DU PROJET Les calculs thermiques que nous avons effectués pour l'architecte, à l'aide du logiciel COMFIE, ont permis une première évaluation des performances énergétiques. L'outil de simulation n'a pas été utilisé pour le dimensionnement des systèmes: nous sommes intervenus en cours de projet, la conception architecturale était déjà très avancée et ce sont surtout les budgets qui ont déterminé les surfaces de captage. Mais de nombreuses analyses de sensibilité ont été effectuées (cf. figure 5.4) afin d'aider au choix de paramètres constructifs comme les matériaux de stockage thermique, l'épaisseur de maçonnerie, le revêtement absorbant, l'épaisseur d'isolation transparente, etc. Figure 5.4 : Analyses de sensibilité sur la productivité des murs solaires D'après ces résultats, le revêtement de la surface absorbante joue un grand rôle. Au niveau esthétique, il faut noter que l’isolation transparente masque la surface sombre tant décriée par les détracteurs du mur Trombe. La productivité est liée à l’utilisation du bâtiment : elle est moins élevée pour des bureaux, chauffés seulement le jour et où les apports 232 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement internes sont importants. Ces travaux théoriques ont contribué à mieux définir le projet expérimental que nous avons réalisé. Des simulations ont été effectuées sur une année type correspondant au climat de Nancy. Le tableau 5.5 donne les résultats pour les deux systèmes et les deux types de matériaux. La fraction solaire, prenant en compte l’ensemble des gains utiles par les parois vitrées et opaques, s’échelonne entre 30% et 45% selon les systèmes. En comparaison, doubler l'épaisseur d'isolation opaque de 10 à 20 cm sur un mur permettrait de gagner 13 kWh/m2/an, soit environ 10 fois moins. Les surfaces d’isolation transparente sont de 13 m2 pour les systèmes passifs et de 17 m2 pour les systèmes actifs. Les maisons sont constituées par deux niveaux de 60 m2 chacun. Les calculs supposent une température constante de 19°C dans les logements. TABLEAU 5.5 : RÉSULTATS COMPARATIFS POUR LES DIFFÉRENTS SYSTÈMES (SIMULATION AVEC COMFIE) Configuration Surface habitable 2 x 50 m2 mur Trombe , polycarbonate mur Trombe , 10 cm OKALUX système actif, polycarbonate système actif, 5 cm OKALUX Besoins de chauffage (kWh/a) 7696 6965 6030 5339 Besoins par m2 (kWh/m2/a ) 77 70 60 53 Fraction solaire (%) 31 35 40 44 La régulation des systèmes actifs a été étudiée, et le débit de ventilation a été réduit pour diminuer les nuisances (bruit, poussière, courants d'air). Les calculs thermiques ont également permis d'estimer les risques de surchauffe, à la fois en terme de confort et de durabilité des matériaux : la stagnation du capteur à air doit être évitée car sa température pourrait atteindre 130°C, ce qui induirait une déformation du polycarbonate. profils pour le jour le plus chaud (maxi 30°C ext.) 29 sans inertie 28 inertie moyenne 27 26 inertie forte 25 24 23 inertie forte 22 +ventilation +stores heures Figure 5.5 : Confort sur un jour type selon l'inertie (logiciel COMFIE) Quelques réalisations expérimentales 233 Les simulations ont montré un risque de surchauffe d’été. Mais ce risque est dû à la très faible inertie des maisons et non au chauffage solaire. En effet, les composants de captage sont isolés des pièces habitables et la circulation d’air est stoppée l’été. Sur un été moyen, une bonne gestion permet de réduire cet inconfort. La figure 5.5 montre l'amélioration du confort qui serait obtenue en augmentant l'inertie thermique des maisons (ossature bois remplacée par une maçonnerie lourde). 5.2.3 DESCRIPTION DE L'INSTALLATION EXPÉRIMENTALE Nous mesurons tous les quarts d'heure la température extérieure et les flux solaires vertical sud et horizontal. La température du logement est mesurée au rez-de-chaussée et dans les trois chambres de l'étage. Nous mesurons aussi la température dans les capteurs (à trois niveaux) et dans les murs Trombe, dans les espaces d'air interne et externe. Le fonctionnement des ventilateurs est relevé, ainsi que les consommations d'électricité globale et pour le chauffage. L'ensemble de mesures est relié à des centrales d'acquisition, une centrale par groupe de deux maisons. Ces centrales sont reliées au réseau téléphonique et sont accessibles par divers Centres de Recherche. Nous les appelons chaque nuit pour transférer les données sur notre ordinateur. Les valeurs doivent alors être converties de binaire en ASCII pour pouvoir être traitées sur un tableur et être analysées. Ce dispositif expérimental a été mis en place avec l'aide technique du CSTB. 5.2.4 RÉSULTATS DU SUIVI a) Résultats du suivi sur l'été 92 Deux aspects ont été étudiés: • le confort thermique dans les maisons, au rez-de-chaussée et dans les trois chambres situées à l'étage, d'orientations diverses (sud-est, sudouest, nord-est) ; • le respect des limites de température supportées par les matériaux au niveau des capteurs. Les simulations effectuées avaient fait apparaître des risques de surchauffe en été. L'analyse avait montré que ces surchauffes ne sont pas dues au chauffage solaire, mais à l'absence d'inertie thermique. En effet, la simulation sur la maison de référence, sans solaire, avait conduit également à des températures élevées (le chauffage solaire rajoute au maximum 1° dans la chambre située sous le capteur). Les résultats des mesures confirment ces prévisions. La saison d'été 92 se caractérise par une période de forte canicule pendant quatre jours aux alentours du 8 août, où la température extérieure maximale a atteint 38°C. En dehors de cette période exceptionnelle, les températures sont restées raisonnables: pendant les journées moyennement chaudes 234 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement (température extérieure maximale entre 25 et 30°), les températures dans les maisons n'ont pas dépassé 28°, ce qui reste dans la limite du confort. La chambre la plus chaude n'est pas celle située sous le capteur, mais celle sous la lucarne qui n'est pas munie de protection solaire (la différence entre ces deux pièces étant très faible). La chambre située au nord a une température inférieure d'environ 1° au plus par rapport aux autres chambres. La température maximale admissible pour le polycarbonate est de 130°C. Des températures supérieures à 100° et des amplitudes jour-nuit élevées pourraient toutefois, mais cela n'est pas encore très bien connu, nuire à sa durabilité. Il est donc nécessaire d'évaluer les risques à ce niveau, en sachant toutefois que les plaques de polycarbonate ont déjà été utilisées dans des vérandas depuis une vingtaine d'années. Nous avons mesuré la température au niveau de la surface absorbante noire. Les couvertures transparentes sont en fait moins chaudes, leur température se situe entre ce maximum et la température extérieure. D'autre part, les sondes sont exposées au rayonnement solaire et donc indiquent une température légèrement surestimée. Les températures maximales ont été atteintes pendant les quelques jours de canicule, donc peu de temps. Nous les présentons dans le tableau 5.6. TABLEAU 5.6 : TEMPÉRATURES MAXIMALES DANS LES CAPTEURS polycarbonate alvéolaire isolation transparente système actif 105 95 système passif 65 80 La bonne tenue des matériaux employés peut donc être assurée, sous réserve bien sûr que les capteurs actifs soient correctement ventilés. La température maximale est obtenue avec le polycarbonate alvéolaire (environ 10° de plus qu'avec l'isolation transparente). L'explication est que le capteur de la maison 4 (système actif, polycarbonate alvéolaire) était moins ventilé car le registre de prise d'air situé dans l'entrée était fermé (même dans ces conditions, le capteur était suffisamment ventilé par les ouvertures pratiquées dans le pignon). La température dans les murs solaires à isolation transparente est supérieure de 15K par rapport à une couverture en polycarbonate alvéolaire classique. Cela s'explique par l'isolation thermique, qui permet de mieux stocker la chaleur dans la maçonnerie, en particulier la nuit. b) Résultats sur une période d'automne Nous avons étudié en détail la période du 25 octobre au 1er novembre. Il s'agit de 3 jours nuageux, suivis par 4 jours ensoleillés et un jour maussade. Cette période est donc bien représentative de toutes les situations possibles en mi-saison. Les températures extérieures se situaient entre 5° (minimum de nuit) et 12° (maximum de jour) en début de période Quelques réalisations expérimentales 235 pour descendre entre -2° et +3° le dernier jour. Les données sont représentées sur la figure 5.6. Figure 5.6 : Données climatiques typiques pour une période d'automne (25/10/92 - 01/11/92) Par beau temps, les capteurs à air constituent un vrai système de chauffage, leur température peut monter jusqu'à 43°, et jusqu'à 52° avec l'isolation transparente (fig. 5.7). Ils ne fonctionnent pas par mauvais temps, leur température ne dépassant pas 25° (elle baisse à 5° la nuit, il a même gelé la dernière nuit). La température intérieure des maisons oscille entre 15° et 25°, en fonction du soleil et de la régulation du chauffage fixée par les occupants. La régulation coupe le ventilateur si la température du logement dépasse 24°C. Les surchauffes de mi-saison sont ainsi évitées. Figure 5.7 : Températures dans les systèmes actifs, 25/10/92 - 01/11/92 236 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement La chaleur solaire est moins facilement mesurable dans les systèmes passifs, car le mur stocke les gains du jour sur la nuit. Il n'y a donc pas un débit important d'air chaud, comme dans le cas précédent. Mais le mur reste à une température douce le jour et la nuit. La réduction des pertes de chaleur conduit également à une économie de chauffage. Les murs solaires reçoivent le rayonnement qui traverse les éléments transparents. Leur surface extérieure s'échauffe, la température peut atteindre 47° et même 64° avec l'isolation transparente (fig. 5.8). Cette chaleur est stockée dans les briques des murs, ce qui fait que la température côté intérieur reste douce : elle oscille entre 15° et 25°. Lorsque cette température est supérieure à celle du logement, une circulation d'air s'établit (à condition que les grilles d'aération soient ouvertes). Figure 5.8 : Températures dans les systèmes passifs, 25/10/92 - 01/11/92 Du fait de la forte atténuation des amplitudes, grâce au stockage dans les briques, les oscillations de températures sont beaucoup plus faibles que dans les maisons actives. C'est donc l'occupant, en fonction du réglage du thermostat, qui fixe la température du logement. Un occupant économe baisse le chauffage la nuit et chauffe moins les chambres, un autre chauffe continuellement entre 21 et 22°. C'est ce qui explique les écarts importants de consommation observés entre les maisons. c) Résultats sur la période d'hiver la plus froide Nous avons analysé la semaine du 31 décembre au 7 janvier, lors de laquelle la température est descendue jusqu’à -12°C. Les quatre premières journées sont belles, les deux suivantes variables et les deux dernières très nuageuses mais plus chaudes (entre 5° et 7°C). Système actif Les quatre premiers jours, la température dans les capteurs est montée jusqu’à 30-35°C, jusqu’à 25° le cinquième jour, 20° le sixième et Quelques réalisations expérimentales 237 elle est restée à 10°C durant les deux journées nuageuses. La température dans les maisons a varié en fonction de la régulation choisie par les occupants. Pendant les belles journées, le ventilateur a fonctionné entre 12 heures et 18 heures. Durant cette période, la consommation de chauffage a été fortement réduite : environ divisée par 3 par rapport à la nuit. Pendant les journées nuageuses, le ventilateur ne fonctionne pas car la température du capteur est trop basse. Système passif 25 1750 20 1500 15 1250 10 1000 5 750 0 500 -5 250 -10 Chauffage (W) Température (°C) Pendant les belles journées, la température entre le mur de briques et le composant transparent (au niveau de la surface peinte en noir) monte jusqu’à 55°C avec la structure capillaire, jusqu’à 40°C avec la plaque alvéolaire. Pendant les journées nuageuses, elle descend jusqu’à 12° ou 8°. La température fluctue beaucoup moins du côté intérieur, du fait de l’inertie du mur de briques. Elle monte rarement au dessus de celle du séjour mais reste clémente: le mur permet de réduire les pertes de chaleur même si, en période très froide, il ne constitue pas vraiment un chauffage. Les apports permettent tout de même de se passer d'appoint pendant une partie de la journée, comme le montre la figure 5.9. 0 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 heure T. extérieure T. maison Chauffage Figure 5.9 : Réduction des besoins sur la période la plus froide (02/01/1993), système passif d) Bilan global Les relevés de consommation de chauffage donnent les valeurs brutes suivantes, rassemblées dans le tableau 5.7 avec les estimations. Les écarts entre les calculs et les mesures proviennent surtout du comportement des occupants : les simulations considéraient une température constante de 19°C (soit 66 540 degrés heures), alors que certains locataires coupent leur 238 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement chauffage durant les heures de travail et le baissent la nuit, d'autres se chauffent à plus de 19°. D'autre part, certains occupants ont coupé la VMC alors que nous avons considéré dans les calculs une ventilation constante de 0,6 volume par heure. Les besoins de chauffage correspondants sont de l'ordre de 3500 kWh. La fermeture de stores, les gains internes (halogènes...) et le maniement des grilles des murs Trombe peuvent également expliquer certains écarts entre prévisions et mesures. TABLEAU 5.7 : PRÉVISIONS ET MESURES DES CONSOMMATIONS SUR UNE SAISON DE CHAUFFE Maison Consommation mesurée (kWh) 3 (passif, TIM) 3560 (*) 3 bis (passif, PC) 8218 4 (actif, PC) 3050 (*) 5 (actif, TIM) 4685 7 (passif, TIM) 7037 9 (passif, PC) 5051 Consommation calculée (19°C) 7000 7700 6000 5300 7000 7700 Température moyenne réelle 16,32 18,97 18,51 18,64 18,75 16,74 Degrés heures réels 52 496 65787 (1) (1) 65 255 55 107 (*) La VMC a été coupée dans cette maison, la VMC rajouterait 3500 kWh. (1) Il manque une période de 6 semaines suite à divers problèmes techniques Selon le maître d'ouvrage, la consommation de chauffage moyenne dans la région pour des maisons de ce type (100 m2 de surface habitable) se situe autour de 10 à 11 000 kWh. Figure 5.10 : Comparaison entre les consommations calculées et les mesures corrigées en fonction du scénario d'occupation 3, 3bis, 7, 9 : systèmes passifs 4 et 5 : systèmes actifs Quelques réalisations expérimentales 239 Pour comparer les systèmes, il est donc nécessaire de se ramener à un scénario d'occupation identique dans toutes les maisons, afin d'éliminer l'effet du comportement des occupants. C'est pourquoi la simulation est utile, sous réserve bien sûr de recaler certains paramètres (ponts thermiques en particulier) d'après les mesures. Comme le montre la figure 5.10, une fois les corrections effectuées sur les degrés heures et la VMC, les mesures sont assez proches des calculs prédictifs. L'appoint en chauffage électrique avait paru simplifier les mesures, en fait certains occupants ont utilisé des poêles à pétrole et des consommations de fuel ont été relevées. L'économie, à la fois en terme de coût et de pollution, réalisée grâce au solaire aurait été mieux perçue par les habitants avec un appoint gaz ou fuel, moins onéreux en exploitation. Nous avons donc proposé au Ministère du Logement, lors d'un audit environnemental du code de la construction, que les investissements sur le chauffage ne soient plus inclus dans le prix plafond HLM. Cela permettrait un investissement supplémentaire sur une chaudière, avec un amortissement très rapide et des charges globalement moindres. 5.2.5 CONCLUSIONS DU SUIVI EXPÉRIMENTAL Le chauffage solaire permet donc de réaliser d'importantes économies, sans nuire au niveau de confort. L'isolation transparente permet, par rapport à un double vitrage classique, de doubler la productivité des murs Trombe et d'augmenter de 25% celle des capteurs à air. L'économie globale sur le chauffage est d'environ 20% pour le système passif et de 40% pour l'actif. Les consommations s'échelonnent entre 50 kWh/an/m2 pour le système le plus efficace (système actif avec isolation transparente) et 80 kWh/an/m2 (système passif avec polycarbonate). Une production industrielle à plus grande échelle permettrait d'abaisser les coûts, qui sont actuellement de 50 euros TTC/m2 pour le matériau brut et de 220 euros TTC/m2 pour le matériau encapsulé entre deux vitres (OKALUX). La faible inertie des constructions ne permet pas d'amortir les variations de température, ce qui conduit à des risques de surchauffe qu'une maçonnerie plus lourde aurait réduits. Par contre, il est plus facile de rafraîchir les maisons le soir, ce qui est adapté à des occupants en activité professionnelle de jour. D'autre part, le matériau bois est renouvelable, ce qui préserve les ressources naturelles. Le taux de formaldéhyde dans les colles utilisées pour la mise en forme des bois agglomérés a été réduit par les fabricants. La construction industrielle à ossature bois a permis de diminuer la durée du chantier. La compétence technique des acteurs a évité les problèmes de mise en œuvre pour cette technologie nouvelle (conception et réalisation des cadres en bois et en aluminium, montage des composants selon les spécifications d'OKALUX). Les structures capillaires sont livrées encapsulées entre deux vitres, ce qui assure une bonne protection sur le 240 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement chantier et se rapproche d'un double vitrage classique. Un léger phénomène de condensation, qui toutefois ne pose pas de problème majeur (légère baisse de la transmission du rayonnement solaire), nous a incité à élargir les orifices d'évacuation d'eau. Il est cependant permis d'espérer que les murs de brique s'assècheront au cours du temps. L'aspect esthétique des murs Trombe est un peu plus séduisant car la structure capillaire atténue l'effet de surface noire. L'isolation transparente constitue un matériau intéressant , à la fois comme isolant extérieur et comme vitrage diffuseur de lumière. De nouvelles possibilités sont ainsi proposées aux architectes pour composer des façades translucides et des ambiances intérieures lumineuses, tout en évitant l'éblouissement et l'effet de paroi froide. Afin d'expliquer la démarche aux d'information a été publiée. Elle a également industriels concernés par les technologies mises public plus large constitué de professionnels, médias. locataires, été diffusée en œuvre et collectivités une lettre auprès des auprès d'un locales ou 5.2.6 ANALYSE DE CYCLE DE VIE Une analyse de cycle de vie a été effectuée sur ces maisons, par comparaison avec une maison de référence, représentative d'une construction neuve en France. La référence a été définie lors d'un atelier organisé par le Plan Urbanisme Construction et Architecture (ministère du Logement). Il s'agit d'une maison individuelle de 112 m2 à deux niveaux. Les techniques utilisées (parpaings, isolation en polystyrène par l'intérieur…) correspondent aux techniques les plus répandues selon une étude statistique de l'INSEE. Les résultats, sous la forme d'un diagramme radar, sont donnés figure 5.11. Figure 5.11 : Résultats de l'analyse de cycle de vie Quelques réalisations expérimentales 241 La réduction des besoins de chauffage et l'utilisation du bois dans la construction conduisent à une diminution de la plupart des impacts (contribution à l'effet de serre en particulier). 5.3 MAISONS INDIVIDUELLES Les deux exemples présentés ici montrent la diversité des approches, et l'importance d'une démarche globale pour parvenir à réduire les impacts environnementaux des bâtiments. 5.3.1 RÉALISATION EXPÉRIMENTALE DE CASTANET TOLOSAN Ce lotissement a été réalisé dans le cadre d'une opération expérimentale à "haute qualité environnementale " (HQE) du Plan Urbanisme, Construction et Architecture (PUCA, Ministère chargé du Logement). L'étude présentée ici a été effectuée dans le cadre de l'atelier d'évaluation de la qualité environnementale des bâtiments (ATEQUE) organisé par le PUCA. Elle porte sur l'une des maisons du lotissement. Le logement a été modélisé en 4 zones thermiques : chacun des deux étages est divisé en deux zones, l’une côté sud-est et l’autre nordouest. Ceci permet de mieux prendre en compte l’influence de l’orientation sur les performances thermiques (besoins de chauffage et confort d’été). Une cinquième zone représente le garage, non chauffé. La simulation permet de suivre l’évolution de température dans cet espace « tampon » et d’évaluer ainsi les pertes thermiques depuis les zones chauffées. Les besoins de chauffage estimés par le logiciel COMFIE sont de l'ordre de 6000 kWh par an. La durée fixée pour l’analyse est de 80 ans. Les données collectées pour le projet européen REGENER ont été considérées pour les matériaux suivants : briques, laine minérale, enduit minéral extérieur, carreaux et plaques de plâtre, béton, carrelage, sol souple, tuiles, bois, peinture. La fabrication et le remplacement des fenêtres (double vitrage, cadre PVC) ont également été pris en compte. La durée de vie des menuiseries est fixée à 30 ans, et la durée de vie des revêtements de mur à 10 ans. TABLEAU 5.8 : RÉSULTATS DE L'ACV DE LA MAISON Impact Energie Eau Ressources Déchets Déchets radioactifs Effet de serre Acidification Eutrophisation Unité GJ m3 E-9 t eq dm3 t CO2 kg SO2 kg PO4 Cycle de vie 14000 23000 90 270 20 630 2400 290 242 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Ecotoxicité aquatique Toxicité humaine Smog (ozone) Odeurs m3 kg kg Mm3 850 000 3900 140 26 000 Nous avons comparé ces résultats à ceux obtenus pour la maison standard, définie par un groupe de travail dans ce même atelier ATEQUE (cf. paragraphe précédent). Les performances des deux maisons sont très proches. Par exemple, le potentiel de réchauffement global ne diffère que de 2%. Ce faible gain de performance provient d'une qualité thermique moyenne. De nombreux acteurs de la "HQE" ont peu intégré les notions de conception bioclimatique, et préfèrent se concentrer sur des aspects plus nouveaux (choix des matériaux par exemple). Les bilans quantifiés montrent les risques liés à ce type d'approche. Nous avons alors étudié les possibilités d'amélioration de ces performances. L’orientation de la maison a été modifiée pour que la façade la plus large (comprenant le séjour et la cuisine) soit au sud et fortement vitrée (les vitrages étant à basse émissivité). L’isolation a été placée à l’extérieur. Une ventilation double flux est considérée, avec une efficacité d’échangeur de 0,5. Les besoins de chauffage sont alors diminués d’environ 40%. Il faut noter que la variante "bioclimatique" nécessite une étude spécifique du plan masse. Un stagiaire de l'Ecole d'Architecture de Toulouse a vérifié qu'une telle redéfinition du plan masse aurait été possible dans le cas étudié, apportant de plus une réduction des coûts de construction si une plus forte compacité des logements avait été recherchée (cf. l'exemple de la ville solaire de Freiburg, RFA, donné au paragraphe 4.1.1). 5.3.2 MAISON LAURÉATE DU CONCOURS HABITAT SOLAIRE, HABITAT D'AUJOURD'HUI (1998) Il s'agit d'une maison individuelle chauffée en partie par un plancher solaire direct : des capteurs solaires placés en toiture chauffent de l'eau qui circule ensuite dans une dalle chauffante. Cette maison, de plain pied (cf. figure 5.12) a été modélisée en quatre zones : la zone jour (séjour, cuisine), la zone nuit (chambres, atelier), la véranda et le garage. Une cinquième zone fictive a été ajoutée pour prendre en compte des matériaux non inclus dans le modèle thermique : les fondations, les poutres en bois et les capteurs solaires. La maison étant située dans le Rhône (Monsols), le climat de Mâcon a été considéré, avec une altitude de 500 mètres. La maison est moyennement isolée (12 cm dans les murs et la toiture), peu compacte (car sur un seul niveau) et ses vitrages peuvent être orientés au nord-ouest (mur courbe du séjour) ou à l’ouest (véranda). Les performances thermiques sont alors assez moyennes : les besoins de Quelques réalisations expérimentales 243 chauffage sont de 29882 kWh, soit 132 kWh/m2/an. Ces besoins sont assurés à 30% par le plancher solaire direct (cf. schéma 5.13), de telle sorte que nous avons considéré dans l’analyse de cycle de vie seulement 92 kWh/m2/an. Le choix d'une maison de plain pied est défavorable du point de vue de l'énergie et des impacts associés, mais il est motivé par l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Cette contradiction illustre la variété des situations, et donc des solutions techniques ou architecturales choisies en fonction de priorités spécifiques à chaque projet. Figure 5.12 : Maison lauréate du concours habitat solaire, habitat d'aujourd'hui (1998), photo Systèmes Solaires3, Architecte : Atelier de l'Entre Avec un coût de l’énergie estimé à 26 centimes par kWh PCI (les coûts des énergies sont issus de la revue Energie Plus) et un rendement de chaudière de 80% en moyenne annuelle, le coût de chauffage s’élève à environ 4,5 euros/m2, ce qui est voisin de la performance indiquée par les concepteurs (4,1 euros/m2). A titre de comparaison, les besoins pour une maison de référence, représentative de la construction neuve actuelle, définie à partir de statistiques de l’INSEE dans le cadre de l’ATEQUE (atelier d’évaluation de la qualité environnementale des bâtiments, mis en place par le ministère du logement) sont de 70 kWh/m2/an, soit 3,5 euros/m2. En ce qui concerne le transport des matériaux depuis leur site de production jusqu'au chantier, nous avons considéré une moyenne de 20 km 3 Revue Systèmes solaires, www. energies-renouvelabbles.org 244 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement du fait de la production locale considérée pour les matériaux prépondérants en poids (pierres). Figure 5.13 : schéma d'un plancher solaire direct (source : ASDER4) Le bénéfice tiré de l’utilisation du bois permet d’obtenir une valeur de GWP négative pour la phase de construction : -32 tonnes de CO2 (cf. tableau 5.9). Mais les émissions liées au chauffage sont importantes : 480 tonnes, ce qui donne un bilan global assez peu favorable sur la durée d’analyse : de l’ordre de 2 tonnes de CO2 émises par m2 habitable. TABLEAU 5.9 : RÉSULTATS DE L'ACV DE LA MAISON GIRAUD Impact Unité Energie Eau Ressources Déchets Déchets radioactifs GJ m3 E-9 t eq dm3 Construct. Utilis. Renov. Demol. TOTAL / m2 1485.6 12125 223.7 41.8 61.4 599.9 2017 33.5 18.5 11.8 0 4.2 0 0 0.02 57.5 46.3 18.1 551 2.98 0.2 12.5 0 0.2 0.057 4 Association Savoyarde pour le Développement des Energies Renouvelables, http://www.asder.asso.fr/ Quelques réalisations expérimentales Effet de serre Acidification Eutrophisation Toxicité humaine Smog (ozone) Odeurs t CO2 kg SO2 kg PO4kg kg Mm3 32.4 303.5 32.9 436.9 230 232.9 245 480.2 721.8 81.1 979.5 144.9 9600 -1.4 34.2 2.1 370.2 7.8 29.8 2.6 28.3 4.4 40.5 5.4 2.9 1.99 4.81 0.53 8.08 1.72 43.7 Les résultats sont présentés sous la forme d'un diagramme radar (cf. figure 5.14). Chaque axe correspond à un thème environnemental. Les indicateurs obtenus pour le projet étudié sont donnés en valeur relative par rapport à la référence, placée au niveau 1. Par exemple, la contribution à l'effet de serre sur le cycle de vie du projet lauréat serait, selon notre estimation, du même ordre que celle de la maison standard. Le bénéfice du système de chauffage solaire mis en œuvre semble compensé par des déperditions plus importantes liées à la forme du bâtiment et au niveau d'isolation thermique en toiture. Figure 5.14 : Résultats de l'analyse de cycle de vie, comparaison entre le projet lauréat du concours 1998 et une maison standard Le potentiel de réchauffement global (GWP) estimé est en phase de construction de l'ordre de -30 tonnes d'équivalent CO2 et +480 tonnes en phase d'utilisation. En ce qui concerne le matériau bois, les données suivantes ont été considérées : • photosynthèse : il faut 1,85 kg de CO2 pour produire 1 kg de bois5 ; • il faut plusieurs kg de bois pour obtenir 1 kg de planche (à cause des racines, des petites branches etc.) ; • il faut couper et transporter le bois, parfois le sécher en utilisant des 5 G.H. Kohlmaier, M. Weber et R.A. Houghton, Carbon dioxide mitigation in forestry and wood industry, Editions Springer, 1998 246 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement combustibles, le scier, ces opérations émettent (directement ou indirectement) du CO2. Globalement pour produire 1 kg de bois de construction (base Oekoinventare) le stockage s'élève à 3,49 kg de CO2 (bois séché à l'air libre) ou 2,04 kg (bois séché en utilisant des combustibles) ; • les produits éventuels de traitement du bois, en fonction des essences et de l'utilisation (structure, bardage, décoration...), sont supposés contribuer faiblement aux émissions de CO2, leur quantité étant faible ; • le bois mis en décharge émet en se décomposant 0,0036 kg de CO2 (par kg de bois) et l'incinération du bois produit (toujours par kg) 1,47 kg de CO2 (même source Oekoinventare). D'autres auteurs considèrent un bilan globalement neutre en CO2 pour le bois, car ils supposent que le CO2 stocké lors de la photosynthèse finit par retourner dans l'atmosphère. Ils ne décrivent cependant pas l'ensemble de ce processus. La valorisation énergétique en fin de vie peut modifier ce bilan car la combustion d'une certaine quantité de gaz ou de fuel peut être évitée. Depuis cette étude, de nouvelles connaissances sur la forêt ont été élaborées, en particulier par les universités de Lund et d'Uppsala en Suède. Les flux de carbone échangés entre les arbres et l'atmosphère d'une part, et entre le sol et l'atmosphère d'autre part, sont mesurés avec des moyens importants (les arbres sont encapsulés avec des feuilles de plastique). Selon ces mesures, il semblerait que le flux de CO2 absorbé par la photosynthèse soit voisin du flux émis par les processus de respiration au niveau des arbres et du sol. Mais la forêt considérée dans cette étude est composée d'arbres adultes (une centaine d'années) et la pluviométrie était faible. Dans d'autres sites, une forte immobilisation de carbone a été observée. Selon le rapport du sénateur M. Deneux6, le bilan global de carbone constitue toujours une séquestration de celui-ci en forêt tempérée. Les deux exemples ci-dessus montrent que, malgré la démarche volontariste des concepteurs, les performances sont peu différentes de celles d'une maison standard. Il faut donc insister sur l'importance d'une synthèse d'une part entre la réduction des besoins et la production d'énergie, fut-elle renouvelable, d'autre part entre les aspects liés aux matériaux et ceux liés à l'énergie. 5.4 BÂTIMENT TERTIAIRE À MÈZE Cet exemple concerne un projet situé à Mèze (Hérault). L'objectif des concepteurs est de réduire d'un facteur 4 les émissions sur le cycle de 6 Marcel Deneux, L'évaluation de l'ampleur des changements climatiques, de leurs causes et de leur impact prévisible sur la géographie de la France à l'horizon 2025, 2050 et 2100, Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, janvier 2002 Quelques réalisations expérimentales 247 vie du bâtiment. Ce facteur 4 provient des hypothèses suivantes : il faudrait réduire globalement (au niveau mondial) les émissions par deux, en particulier pour lutter contre l'effet de serre, or une croissance d'un facteur deux de la population du globe est prévue, d'où une nécessaire réduction par 4 par rapport au standard actuel. Le bâtiment "Le Nautile" est organisé en arc de cercle entre le sudest (serre) et le sud-ouest, pour une valorisation maximale des gains solaires (cf. figure 5.15). Les vitrages sont protégés du soleil d’été par de larges casquettes pouvant jouer le rôle d’étagères de lumière. Figure 5.15 : Projet de bâtiment tertiaire, Architecte : Gilles CHICAUD Le bâtiment a été comparé à un bâtiment tertiaire typique de la région de Montpellier, de même superficie utile, soit 1870 m2. Les parois de référence sont en béton (20 cm d'épaisseur) isolé par l'intérieur (8 cm de polystyrène extrudé), à comparer avec une ossature bois isolée par 10 cm de cellulose recyclée dans le projet étudié. La toiture terrasse de référence est isolée par 9 cm de polystyrène, contre 16 cm de cellulose dans le projet étudié. Le bâtiment de référence est équipé de double vitrages classiques, alors que des double vitrages à basse émissivité sont considérés dans le projet, dont l'inertie thermique est renforcée par des cloisons en terre crue entre la serre et les bureaux. Les échanges d'air entre la serre et les autres zones ont été pris en compte. Les besoins de chauffage et de climatisation sont donnés dans le tableau 5.10 (résultats du logiciel COMFIE). L'évaluation a été comparée aux résultats du logiciel TRNSYS mis en œuvre par EDF sur le même bâtiment. L'écart est de 2% sur les besoins de chauffage et de 9% sur les 248 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement besoins de climatisation (l'homogénéité des données considérées dans les deux études n'a pas été vérifiée pour tous les paramètres). TABLEAU 5.10 : BESOINS DE CHAUFFAGE ET DE CLIMATISATION DES DEUX BÂTIMENTS TERTIAIRES Référence Le Nautile Besoins de chauffage annuels (kWh/an) 68 130 28 595 Besoins de climatisation annuels (kWh/an) 92 984 10 597 Les sources d'impact prises en compte dans l'analyse effectuée avec le logiciel EQUER sont le chauffage, l'éclairage et la ventilation, ainsi que les matériaux de construction (fabrication et construction, rénovation et démolition). L'écoprofil comparatif obtenu est donné figure 5.16 en valeurs relatives. Figure 5.16 : Bâtiments tertiaires, écoprofil comparatif Pour comparer les résultats à ceux obtenus avec d'autres bâtiments tertiaires, des ratios par m2 et par an sont donnés (tableau 5.11) pour quelques facteurs d'impact sur l'ensemble du cycle de vie. Il est intéressant de constater qu'une bonne conception thermique conduit à une réduction importante des impacts environnementaux (d'un facteur 3 environ dans ce projet et non 4), ce qui peut apporter des Quelques réalisations expérimentales 249 arguments supplémentaires pour convaincre les décideurs locaux du bien fondé de cette démarche. TABLEAU 5.11 : BÂTIMENTS TERTIAIRES, RATIOS PAR m2 Indicateur Energie primaire (MJ/m2/an) Matériaux de construction (kg/m2/an) GWP (kg CO2/m2/an) Acidification (kg SO2/m2/an) Smog (kg C2H2/m2/an) Le Nautile 520 5,7 6,8 0,03 0,006 Référence 1720 15,5 18,4 0,1 0,06 5.5 LE PROJET "SOFT ENERGY COMMUNITY" (FUKUYAMA, JAPON) Situé dans la préfecture d'Hiroshima, le projet a été conçu par l'Université du Colorado (Joint Center for Energy Management) et VESICA (groupement d'urbanistes) en liaison avec l'Institut de Recherche Japonais. Le concept de village "Energie douce" s'applique au développement rural ou suburbain. Il est issu de l'intégration d'une planification urbanistique cohérente et de technologies énergétiques communautaires. Fukuyama se situe dans une région montagneuse et bénéficie d'un ensoleillement élevé. Ces conditions se prêtent bien à la démonstration de technologies solaires variées, à la fois thermiques et électriques. Le site permet une orientation sud des maisons, favorable à la réduction des besoins de chauffage. Les choix urbanistiques visent à assurer aux maisons un ensoleillement maximal tout en donnant au village une forme assez compacte, de manière à réduire les besoins de transport. La population prévue est de 1600 à 1800 personnes, pour un village qui s'étend sur 62 hectares. 5.5.1 LE CONCEPT DE VILLAGE ÉNERGIES DOUCES Le concept d'énergie douce inclut l'énergie solaire et éolienne, la valorisation énergétique des déchets et des eaux grises chaudes, le biogaz, l'hydroélectricité et l'utilisation thermique du sol. La meilleure complémentarité entre ces énergies est recherchée par des techniques d'optimisation économique. Les quatre principaux objectifs du projet sont les suivants : • être à la fois réaliste et sensible à l'écologie du site existant, tirer parti du versant sud de la colline, minimiser l'impact sur la forêt adjacente, préserver la vallée en tant que zone naturelle à proximité de la rivière, créer le moins de rupture avec le hameau et les fermes voisines ; • illustrer des concepts urbanistiques adaptés au développement durable et ne s'opposant pas aux avancées technologiques futures, encourager les 250 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement déplacements pédestres et en véhicule électrique grâce à la forme compacte du village, harmoniser l'utilisation du sol entre logement, activités professionnelles, commerciales, scolaires, etc. ; • présenter des techniques alternatives, pour le bâtiment et les transports, adaptées au site, au climat et à l'échelle du village (au niveau du bâtiment - chauffage des locaux et de l'eau, éclairage, électricité - et de la collectivité - traitement des eaux usées et des déchets, biogaz, cogénération -), afficher des objectifs environnementaux, par exemple la réduction de 30% des émissions de CO2, de 20% des besoins énergétiques, de 10% des besoins énergétiques de pointe ; • intégrer des concepts pour le développement économique et éducatif, promouvoir la commercialisation de technologies (hardware) et d'outil de conception (software), accueillir des industries légères (assemblage et vente) et des équipements hôteliers pour des conférences. Le village est organisé à partir d'un noyau central, sous la forme de trois quartiers et d'un pourtour en serpentin (lisière de la forêt). Chaque quartier est inséré dans un espace paysager, et comprend en son point central un espace de convivialité (salle polyvalente). L'orientation du village est globalement est-ouest, de manière à privilégier les apports solaires sans nuire au confort thermique. L'inclinaison du terrain varie entre 3° (côté sud, vers le bas de la vallée) et 15° (au nord, vers la forêt). Afin d'harmoniser la transition, le centre du village a été développé en terrasse. Le niveau bas est contigu à la rivière et à une route avec un accès aux parkings et services situés en sous-sol. Le niveau supérieur comprend des commerces, des bâtiments tertiaires et scolaires. Le village s'étend sur environ un kilomètre de long et 500 mètres de large. Dans cet espace, les trois quartiers ont un diamètre de l'ordre de 300 mètres, et une densité de 27 logements à l'hectare, ce qui est très compact pour une zone de maisons individuelles. Ceci réduit les distances à parcourir, et permet une connexion par voies piétonnes ou pistes cyclables entre les différentes zones. 5.5.2 ÉVALUATION DES RESSOURCES Le nombre d'heures d'ensoleillement (durant lesquelles le rayonnement solaire est supérieur à 50 W/m2) est égal à 2100. Le rayonnement solaire moyen sur un plan orienté sud et incliné à la latitude du lieu est de 320 W/m2. Par comparaison, ces deux valeurs sont respectivement pour un désert de 3500 heures et 450 W/m2. Une partie importante du rayonnement est donc diffus, ce qui conduit à privilégier les capteurs plans et à éviter les capteurs à concentration. La vitesse moyenne du vent est de 1,3 m/s. Ce faible niveau exclut la conversion directe de l'énergie éolienne en électricité : les machines Quelques réalisations expérimentales 251 actuelles nécessitent pour fonctionner une vitesse de l'ordre de 4 à 5 m/s. Le vent peut néanmoins être utilisé pour le rafraîchissement des bâtiments. Les précipitations sont de 1176 mm/an. Les deux lacs situés à proximité du site ont une surface de 58 ha et 38 ha respectivement. En faisant l'hypothèse que l'eau de pluie est collectée avec une efficacité de 70% sur le site, et que le rendement de la turbine est de 60%, la production annuelle moyenne d'électricité serait de 8,8 MWh. Cette valeur est insuffisante pour rentabiliser les équipements, et cette possibilité a donc été écartée. Le stockage d'énergie thermique dans ces mêmes lacs (avec récupération par pompe à chaleur) a également été rejeté. Environ 0,0245 kg de déchets ménagers sont générés au Japon par m2 de surface habitable, dans le secteur résidentiel. Le pouvoir calorifique de ces déchets est en moyenne de 2,9 kWh/kg, ce qui pour le village représenterait 2300 MWh/an. En considérant un rapport de 10% entre l'électricité produite et la vapeur, la cogénération permettrait de générer 230 MWh/an d'électricité et 2070 MWh/an de vapeur qui alimenterait un réseau de chaleur. Les déchets générés dans le tertiaire sont au Japon de 0,03 kg/m2, et deux fois plus dans les locaux commerciaux. Ceci rajouterait en cogénération 105 MWh électriques et 900 MWh thermiques. La récupération thermique sur les eaux usées, produites à un taux de 2 m3/jour dans les résidences et de 18,7 m3/jour dans les bâtiments tertiaires, fournirait 4175 MWh/an en résidentiel et 1080 MWh/an en tertiaire et commercial. Il est également possible de produire du méthane à partir des eaux usées : environ 0,0534 m3 peuvent être générés par m3 d'eau traitée. Avec un pouvoir calorifique de 5,9 kWh/m3, la ressource énergétique correspondante se monte à 160 MWh/an. La latitude du site est 34,5, la longitude 132,5 et l'altitude 29 mètres. Le climat est tempéré (2045 degrés-jours base 18, température moyenne annuelle de 14,5°C, température moyenne mensuelle entre 3,6°C en janvier et 27,1°C en août) et maritime (humidité relative élevée, aux alentours de 70%). La variation journalière de température se situe entre 8 et 10°C, ce qui permet le rafraîchissement nocturne des bâtiments la plupart du temps. 5.5.3 OPTIMISATION ÉNERGÉTIQUE ET ÉCONOMIQUE Évaluation des besoins Le prix élevé du combustible au Japon justifie la conception de bâtiments économes en énergie. Les maisons sont donc bien isolées : les résistances thermiques des murs et des toitures sont respectivement de 2,8 et 4,2 m2.K/W. Les doubles vitrages sont à basse émissivité, et l'espace entre les deux vitres contient de l'argon. Le coefficient de transfert thermique est alors de 1,4 W/(m2.K). Des vitrages au krypton auraient des pertes deux fois 252 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement plus faibles, mais de tels composants ne sont pas encore sur le marché à un prix abordable. Les bâtiments sont très étanches et le renouvellement d'air est assuré par une ventilation mécanique double flux (l'air neuf est préchauffé par l'air extrait dans un échangeur d'efficacité 0,6). La contribution de chaque élément dans le bilan thermique est donnée dans le tableau 5.12. TABLEAU 5.12 : RÉPARTITION DES PERTES THERMIQUES PAR COMPOSANT Composant surface (m2) murs fenêtres portes toit ventilation 155 23 11 95 Résistance thermique Contribution aux (m2.K/W) pertes thermiques (%) 2,8 29 0,7 26 0,7 12 4,2 11 22 Des volets roulants extérieurs sont utilisés l'été pour minimiser les besoins de climatisation. La ventilation nocturne et l'inertie thermique des maisons permettent un pré-rafraîchissement. Seules les pièces occupées sont climatisées, ce qui est rendu possible par des systèmes innovants japonais, avec un coefficient de performance moyen de 3. Selon l'institut de recherche japonais, les besoins en eau chaude sont très élevés : environ 135 litres par personne et par jour, ce qui équivaut à 10,5 MWh par an pour une maison occupée par trois personnes, soit au total 5640 MWh pour le village. Des appareils ménagers à basse consommation sont recommandés aux habitants (réfrigérateur haute performance, téléviseur à cristaux liquides, cuisson à micro-ondes et lampes à basse consommation). Les besoins énergétiques du secteur résidentiel sur l'ensemble du village sont donnés dans le tableau 5.13. TABLEAU 5.13 : RÉPARTITION DES BESOINS ÉNERGÉTIQUES (HABITAT) Usage chauffage climatisation eau chaude sanitaire éclairage + électricité spécifique éclairage extérieur TOTAL Besoins annuels en MWh/an 3890 220 5640 3950 240 13940 Le même type d'évaluation a été mené sur le secteur tertiaire. La ventilation des bâtiments est supérieure à celle des maisons : un débit d'air de 34 m3/h/personne a été considéré. La climatisation est assurée par des systèmes à absorption (LiBr), la source chaude étant la vapeur fournie par cogénération. Le coefficient de performance de ces systèmes est de 1,05. La Quelques réalisations expérimentales 253 demande en eau chaude sanitaire est de 10 litres par personne et par jour, ce qui, en supposant un taux d'occupation d'une personne pour 15 m2 donne 400 MWh/an pour l'ensemble du village. Le récapitulatif des besoins est donné dans le tableau 5.14. TABLEAU 5.14 : RÉPARTITION DES BESOINS ENERGÉTIQUES (TERTIAIRE) Usage chauffage climatisation eau chaude sanitaire éclairage + électricité spécifique éclairage extérieur TOTAL Besoins annuels en MWh/an 1060 1970 400 2400 65 5895 Dimensionnement des systèmes par optimisation économique Le coût d'investissement d'un système varie en général à peu près linéairement avec sa taille (par exemple la surface de vitrages ou de capteurs solaires). Mais l'énergie économisée ne croit pas aussi régulièrement : les premiers mètres carrés de vitrage ou de capteurs sont les plus efficaces, le rendement décroît ensuite. La courbe du coût d'exploitation est donc incurvée. Le coût global (somme de l'investissement et du coût d'exploitation) présente alors un minimum, qu'il s'agit de chercher à atteindre. Sur le plan thermodynamique, un autre concept permet d'optimiser la combinaison des différentes filières énergétiques : le concept de cascade énergétique. Chaque type d'énergie peut être caractérisé par un indice de qualité, qui dépend de la température à laquelle elle est fournie. L'énergie mécanique (électricité, énergie éolienne...) a l'indice le plus élevé car sa "température" est infinie. Par exemple, de la vapeur saturée à 5 MPa a un indice supérieur à celui correspondant à de la vapeur à 100 kPa. L'énergie solaire correspond à une température de 5 800 K. Le concept de cascade énergétique se fonde sur deux principes : • ne pas utiliser une énergie de qualité supérieure à ce qui est nécessaire (par exemple ne pas se chauffer à l'électricité) ; • réutiliser une énergie dégradée pour un usage moins exigeant (par exemple se chauffer en récupérant l'énergie thermique issue de la génération d'électricité). Deux matrices peuvent ainsi être construites, l'une pour les ressources et l'autre pour les usages, avec les différents niveaux de qualité (trois niveaux sont suffisants pour une analyse simplifiée) et les quantités correspondantes. Cette analyse thermodynamique doit être croisée avec l'analyse économique afin d'évaluer la faisabilité des différentes cascades possibles. 254 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 5.5.4 CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Lieu d'expression des technologies alternatives, le village n'est pas une vitrine mais la démonstration d'applications pertinentes. La méthode d'optimisation économique exposée précédemment a été appliquée. Les logements sont équipés de chauffe-eau solaires. La taille optimale des systèmes correspond à une surface de capteurs de 12 à 15 m2 par maison, la fraction solaire étant alors de 60%. Le chauffage solaire passif couvre entre 55 et 65% des besoins. Les gains solaires directs (baies vitrées) ont été utilisés dans les maisons donnant sur des jardins, tandis que des murs solaires opaques sont préférables pour préserver l'intimité en cas d'exposition sur rue. Les performances de ces deux systèmes sont du même ordre. Dans les locaux tertiaires, il arrive souvent qu'une zone du bâtiment doive être chauffée et une autre refroidie (du fait de différences d'orientation ou d'occupation). Un système de pompe à chaleur (PAC) est alors envisageable. Il existe d'autres sources de chaleur pouvant alimenter des PAC : eaux chaudes usées, sol, lacs. Mais ces sources sont à très basse température. D'autre part, le sol est sableux et sa conductivité thermique est donc faible. Ceci nuirait aux échanges avec l'évaporateur. L'éclairage des rues est alimenté par des systèmes photovoltaïques autonomes. L'alimentation électrique des maisons peut également être assurée par un système photovoltaïque en toiture. Une répartition optimale des surfaces entre ce système et les capteurs à eau (pour l'eau chaude sanitaire) peut alors être déterminée par calcul. L'installation de cogénération (alimentée au fuel) complète la production d'électricité à partir des déchets ménagers, et les systèmes photovoltaïques. Sa puissance est d'environ 1 MW électrique. Les besoins électriques limitent la taille du système, car l'électricité produite ne peut être fournie au réseau japonais. Les besoins de pointe seront par contre assurés par le réseau. La cogénération permettra de satisfaire la demande de chaleur, complétant ainsi l'énergie solaire et la valorisation des déchets. Des piles à combustible sont envisagées à titre expérimental. Elles fournissent de l'électricité à partir de l'oxygène atmosphérique, avec une émission faible de gaz à effet de serre. La réduction des besoins de transport a été évaluée à 50%. Les moyens de transport collectifs sont encouragés, l'arrêt étant situé à moins de 10 minutes de n'importe quel bâtiment. Les émissions de CO2 pour l'ensemble du village sont globalement réduites de 30%. Le système de cogénération alimenté au fuel augmente les émissions, mais l'utilisation des énergies renouvelables réduit de 35% les besoins en électricité, de 60% ceux en chaleur pour l'eau chaude sanitaire, Quelques réalisations expérimentales 255 de 45% pour le chauffage, 50% pour le transport et 100% pour l'éclairage extérieur. 5.6 PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DES PERFORMANCES 5.6.1 LE STANDARD DES "MAISONS PASSIVES" Les nombreuses expérimentations ayant été effectuées dans le domaine de l'énergie ont permis d'identifier les bonnes pratiques en conception et en réalisation, en particulier : • l'isolation renforcée de l'enveloppe ; • l'emploi de vitrages à hautes performances, avec une orientation sud privilégiée ; • le traitement des ponts thermiques ; • la récupération d'énergie par ventilation double flux ; • la mise en œuvre d'un chauffe eau solaire, et d'équipements sanitaires à faible débit ; • la maîtrise de la demande d'électricité pour l'éclairage et l'électroménager. Les bâtiments conçus et réalisés d'après ces principes ont montré que des performances élevées peuvent être atteintes, à un coût abordable. Le tableau 5.15 présente les consommations énergétiques d'après le standard "maisons passives"7, comparées à celles d'un bâtiment résidentiel standard respectant la nouvelle réglementation thermique8. Un facteur 2,58 est considéré pour l'équivalence d'un kWh électrique en énergie primaire. TABLEAU 5.15 CONSOMMATION D'ÉNERGIE PRIMAIRE RÉGLEMENTATION ET STANDARD "MAISONS PASSIVES" Ratios énergétiques en kWh/m2/an Besoins de chauffage Energie primaire pour le chauffage Réglementation RT 2000 125 165 Standard "maisons passives" 13 15 7 Wolfgang Feist, Gestaltungsgrundlagen Passivhaüser, Verlag das Beispiel, 2001 8 Ministère de l'équipement des transports et du logement, Décret n°2000-1153 du 29 novembre 2000 relatif aux caractéristiques thermiques des constructions modifiant le code de la construction et de l'habitation et pris pour l'application de la loi n°96-1236 du 20 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, Journal officiel, 30 novembre 2000 256 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement Energie primaire pour l'eau chaude sanitaire Energie primaire pour l'éclairage TOTAL 30 8 15 7 210 30 En France, un bâtiment résidentiel a été construit selon ce standard "maisons passives", dans le cadre du projet européen CEPHEUS : l'immeuble Salvatierra à Rennes. Les technologies mises en œuvre restent relativement simples, et ainsi le coût de construction reste abordable. D'autre part, la performance très élevée de l'enveloppe permet de limiter les besoins de chauffage à une valeur tellement faible que certains envisagent de supprimer tout équipement de chauffage, ce qui réduit le coût de la construction. Le bilan sur le cycle de vie de ce type de bâtiment est certainement très intéressant, car les matériaux employés ne sont pas très sophistiqués et les flux sont très faibles durant la phase d'utilisation. Les nouvelles techniques d'intégration de composants solaires dans les bâtiments, par exemple les modules photovoltaïques à couches minces, permettent d'envisager à terme la possibilité de produire une quantité d'énergie supérieure à la consommation d'un bâtiment. De tels bâtiments sont alors globalement producteurs d'énergie, mais la connexion au réseau électrique reste en général nécessaire pour assurer l'adéquation temporelle entre la fourniture et la demande d'énergie (sauf le cas particulier des bâtiments isolés, où un stockage d'énergie est réalisé). 5.6.2 LES BÂTIMENTS PRODUCTEURS D'ÉNERGIE Au delà du standard « maisons passives », il est possible d’atteindre le niveau « zéro énergie », voire même de produire de l’énergie dans un bâtiment. Il faut pour cela commencer par réduire les besoins, en appliquant donc a minima le standard maisons passives, puis mettre en œuvre des techniques de production d’énergie qui permettent soit de compenser le recours aux énergies de réseau (électricité en particulier) par une fourniture d’énergie (le niveau zéro énergie est alors atteint), soit d’assurer une production nette d’énergie. L’exemple suivant est celui d'une maison productrice d’énergie. La maison Sawyer a été conçue selon une approche bioclimatique (mur Trombe au sud, peu de vitrages au nord, ventilation double flux, très bonne isolation thermique). Les besoins de chauffage sont ainsi réduits, et peuvent alors être assurés quasiment complètement par un système de plancher solaire direct, alimenté par des capteurs à tubes sous vide (qui permettent également la préparation de l’eau chaude sanitaire) avec un stockage d’eau chaude. L’appoint est assuré par une pompe à chaleur, mais les habitants déclarent ne pas avoir eu besoin de recourir à cet appoint. Un système photovoltaïque de 11 kW et une petite éolienne assurent les besoins en Quelques réalisations expérimentales 257 électricité, y compris pour une voiture électrique, et génèrent même un surplus d’électricité injecté sur le réseau et vendu au distributeur. La maison est donc globalement productrice d’énergie. 5.6.3 LE MANAGEMENT DES OPÉRATIONS DE CONSTRUCTION Les réalisations expérimentales comme celles présentées ci-dessus ont permis de tirer des enseignements sur la mise en œuvre pratique d'une démarche de qualité environnementale. Atteindre un niveau élevé de performance nécessite une gestion appropriée d'un projet de construction, dès les phases amont. Des outils de management sont ainsi proposés, par exemple le livret de bord d'opération intégré à l'appel à projets de l'ADEME de 2002 et 2003 "Démarche HQE et bâtiments tertiaires". Les phases considérées ainsi que les principales actions à mener sont présentées de manière synthétique dans le tableau 5.16 à titre indicatif : les prestations sont en fait à adapter en fonction du projet. TABLEAU 5.16 : INTÉGRATION DE LA QUALITÉ ENVIRONNEMENTALE AUX DIFFÉRENTES PHASES D'UN PROJET Phases Faisabilité de l'opération Implantation Choix d'une assistance technique Programme Actions à mener et objectifs Evaluer les besoins, dimensionner un projet adapté à ces besoins, estimer les coûts d'investissement et d'exploitation (intégrer les économies d'énergie et d'eau) Choisir un site, minimiser les impacts environnementaux (transports induits par le choix du site, présence de transports collectifs, collecte des déchets, exposition au soleil, disponibilité des énergies -gaz, chauffage urbain…), minimiser les nuisances liées au site (bruit, sources de pollution…) S'entourer de compétences pour définir un programme, suivre la conception et la construction de l'ouvrage et éventuellement assurer un suivi d'un an après la réalisation, compétences recommandées : calculs d'éclairage, d'acoustique et de thermique (de préférence simulation), analyse de cycle de vie Définir des objectifs et établir des priorités par une démarche participative impliquant tous les acteurs concernés, cadrer le coût de construction en tenant compte d'une optimisation en coût global (incluant l'exploitation), intégrer des objectifs de qualité environnementale dans le programme, par exemple : - consommation d'énergie primaire (pour le chauffage, l'eau chaude et l'éclairage) < 100 kWh/m2/an, - facteur minimal de lumière du jour > 2 dans les pièces principales, 258 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement - nombre de jours par an où la température dépasse 27°C < 5 dans les pièces principales pour une année climatique type, - équipements sanitaires à débit réduit et équipements pour le tri des déchets d'activité, - taux de renouvellement d'air > 0,6 volume/heure dans les pièces principales… Estimation des Affiner l'estimation du coût de construction, de préférence coûts selon une approche en coût global (incluant l'exploitation, la maintenance, voire les coûts "externes" -environnementaux et sociaux-) Concours de Exiger des compétences au sein des équipes de maîtrise concepteurs et d'œuvre, en particulier : calculs d'éclairage, d'acoustique et choix du lauréat de thermique (de préférence simulation), analyse de cycle de vie, pré-sélectionner les équipes en tenant compte de leurs références (performances de réalisations antérieures) et de leur note d'intention Constituer un jury et une commission technique qui retiennent sérieusement les critères environnementaux dans leur appréciation, exprimer les critères de sélection de manière transparente, parmi lesquels doivent figurer explicitement des critères environnementaux Sélectionner l'équipe lauréate après une analyse des "esquisses plus" proposées : esquisses accompagnées d'une note décrivant les principaux choix techniques, et permettant de quantifier les performances les plus importantes (consommations d'énergie et d'eau, facteurs de lumière du jour, isolements acoustiques, confort d'été, impacts environnementaux, coût global), l'esquisse plus constitue un niveau intermédiaire entre l'esquisse et l'Avant-Projet Sommaire Esquisse Définir le parti général de l'ouvrage (plans au 1/200ème), inscrire le bâtiment dans le site, prévoir des équipements extérieurs (compostage voire tri des déchets, garage à vélos…), optimiser la perméabilité du sol pour mieux gérer les eaux pluviales, organiser les fonctions principales, effectuer les principaux choix techniques, respecter les contraintes économiques Optimiser la qualité environnementale en jouant sur l'exposition du bâtiment, sa compacité, l'équilibre entre surfaces vitrées et opaques selon l'orientation des parois et la fonction des espaces, réduire la consommation de matière (par exemple avec des parois légères dans les zones qui ne nécessitent pas d'inertie thermique) : les outils décrits au chapitre 3 peuvent être mis en œuvre dès Quelques réalisations expérimentales 259 cette étape pour affiner et valider une esquisse Avant-projet Décrire le projet avec des plans (1/200ème voire détails au sommaire (APS) 1/100ème) faisant apparaître chaque local (penser aux locaux pour le tri des déchets, un garage à vélos…), justifier les dispositifs techniques, calculer une estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux, Evaluer de manière plus précise, en utilisant les outils décrits précédemment, les consommations d'énergie et d'eau, le niveau de confort (thermique, visuel et acoustique), les impacts environnementaux, le coût global, affiner certains paramètres (épaisseurs d'isolation, matériaux, qualité des vitrages…) pour optimiser la qualité environnementale Avant-projet Décrire le projet de manière détaillée (plans au 1/100ème, définitif (APD) détails au 1/50ème), élaborer des notes techniques précises (simulation thermique, acoustique, éclairage…), optimiser les équipements, par exemple la ventilation (débit suffisant pour assurer une qualité de l'air satisfaisante, ventilation nocturne éventuelle pour le rafraîchissement d'été, ventilation hygro-réglable ou régulation horaire…), les équipements sanitaires (débit réduit), les équipements de chauffage (par exemple chaudière à condensation, à haut rendement, à basse émission de NOx, composants solaires, régulation, émetteurs), les systèmes d'éclairage (lampes à basse consommation et luminaires performants, régulation), comparer différentes énergies pour réduire les impacts environnementaux et les coûts (gaz, bois, chauffage urbain…), fournir une estimation définitive du coût prévisionnel des travaux Dossier de Rédiger le Cahier des Clauses Techniques Particulières consultation (CCTP) par lots, préparant la commande aux entreprises, des entreprises et contenant des plans détaillés (1/50ème voire 1/20ème, (DCE) en particulier pour le traitement des ponts thermiques, l'étanchéité de l'enveloppe), des spécifications techniques (par exemple le choix des vitrages et des menuiseries) et des schémas fonctionnels Dimensionner les installations (chauffage, ventilation, eau chaude, climatisation), éviter le sur-dimensionnement qui peut entraîner une réduction des performances (rendement d'une chaudière ou d'un climatiseur par exemple) Choisir, à fonctionnalité égale, des matériaux et composants (isolants, maçonneries, revêtements, menuiseries…) offrant la qualité environnementale la plus élevée possible (cf. analyses de cycle de vie, norme 260 Assistance aux contrats de travaux Chantier Réception et suivi Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement AFNOR XP-P01-010 , certification bois FSC), considérer des produits recyclés, renouvelables ou réutilisés, facilement recyclables, prendre en compte les impacts liés aux produits d'entretien (dans le choix des revêtements en particulier) Motiver les entreprises partenaires en les informant de la démarche et des objectifs de qualité, en particulier en ce qui concerne une démarche de "chantier vert" (tri des déchets, limitation des nuisances -bruit, poussière, effluents liquides…) Sélectionner les entreprises sur la base des réponses au DCE, en tenant compte des aspects environnementaux dans ces réponses (engagement sur une charte de chantier vert, choix des produits, techniques proposées comme l'utilisation de matériaux recyclés pour les fondations, le traitement des ponts thermiques…), éventuellement les références des entreprises (mais elles sont encore peu nombreuses), cadrer les surcoûts des écotechniques en rassurant les entreprises sur les garanties des fabricants, la facilité de mise en œuvre, les références éventuelles Préparer le chantier pour limiter les nuisances causées aux riverains (choix des aires d'accès pour gérer le trafic, limiter le bruit et la poussière), réduire les risques d'accident et de pollution (récupération des huiles usagées, des effluents polluants), prévoir des zones de stockage pour le tri des déchets et pour le remblais, Transmettre les informations sur les objectifs de qualité environnementale aux acteurs lors des réunions de chantier S'assurer que le déroulement du chantier est conforme aux engagements d'une charte de chantier vert (la présence d'un moniteur environnement sur le site est nécessaire), s'assurer de la formation des compagnons (efficacité du tri des déchets, pictogrammes appropriés), repérer les filières de valorisation des déchets et contrôler la passation des marchés par les entreprises, informer les riverains, Vérifier certains paramètres techniques (traitement des ponts thermiques, épaisseurs d'isolation…) Contrôler la conformité de l'ouvrage réalisé avec le programme initial et le CCTP (par exemple la qualité des vitrages, des équipements sanitaires, des systèmes d'éclairage…), vérifier le bon fonctionnement du bâtiment, de ses composants (menuiseries et protections solaires…) et de ses équipements (chauffage, eau chaude, Quelques réalisations expérimentales Aménagement intérieur et extérieur Gestion du bâtiment 261 ventilation, éclairage) Transmettre aux futurs occupants les notices, plans et informations permettant la gestion et l'entretien futurs du bâtiment, les informer sur les objectifs de qualité environnementale et sur leur rôle dans la performance réelle du bâtiment (réglage des températures, de la ventilation, consommations d'eau et d'électricité, tri des déchets, entretien du bâtiment…) Suivre les performances du bâtiment pendant la première année (garantie totale durant l'année de parfait achèvement) : relever les consommations d'énergie (le séchage de certains composants et l'affinage de la régulation peuvent perturber la mesure durant l'année 1, et une mesure sur la deuxième année est recommandée), mesurer les consommations d'eau, les températures, le niveau d'éclairement, le niveau de bruit, et d'autres paramètres plus qualitatifs par une enquête de satisfaction des occupants Choisir le mobilier et les équipements intérieurs non inclus dans la construction proprement dite (luminaires, appareils électro-ménagers ou bureautiques…), en prenant en compte les économies d'énergie et d'eau (étiquette énergie pour l'électro-ménager, classes A ou B à privilégier), les émissions possibles liées à ces appareils (par exemple le formaldéhyde ou d'autres COV liés à certaines colles ou vernis utilisés pour le mobilier), la réduction des emballages, la facilité d'entretien et les impacts générés à ce stade, l'usage de matériaux recyclés ou renouvelables, de produits réutilisés, recyclables Disposer les appareils générant des flux électromagnétiques de manière à limiter l'exposition des personnes (éviter de placer de tels appareils près d'un lit, près d'un poste de travail, etc.) Choisir les plantations dans le cas d'espaces verts, de manière à limiter les impacts liés à l'entretien et les besoins d'eau pour l'arrosage Assurer le confort des occupants et la fonctionnalité du bâtiment en limitant les impacts environnementaux, en particulier : - régler les températures au cours du temps de manière à éviter les surchauffes et à réduire le chauffage en période d'inoccupation, - réduire la ventilation en période d'inoccupation l'hiver, l'augmenter l'été si un rafraîchissement nocturne est nécessaire, 262 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement - informer les occupants sur leur rôle dans la bonne gestion du bâtiment (gestion de l'éclairage, consommation d'eau, tri des déchets, co-voiturage ou utilisation de transports en commun, vélo…), - entretenir le bâtiment de manière à augmenter la durée de vie des composants (par exemple peindre régulièrement les menuiseries en bois, entretenir les équipements de chauffage, d'eau chaude, de ventilation…), - entretenir le bâtiment de manière à limiter les risques sur la santé (installation d'eau chaude sanitaire, nettoyage des filtres ou des bouches d'aération, nettoyage des locaux avec des produits d'entretien à moindre impact…), - mesurer les consommations d'énergie et d'eau de manière à déceler une dérive (mauvais fonctionnement d'une chaudière ou de la régulation du chauffage, fuite d'eau…), - faire le lien entre les équipements du bâtiment et la gestion municipale (tri des déchets), - choisir des consommables à faible impact environnemental (par exemple du papier recyclé) Réhabilitation Une opération de réhabilitation suit un processus assez analogue au montage d'un projet de construction : dans la phase de faisabilité, un audit permet d'évaluer les besoins par la consultation des habitants et des expertises techniques (audit énergétique par exemple) ; les ressources pouvant être mobilisées sont évaluées (fonds propres, emprunt remboursé en fonction des loyers, aides…). Il est rare que l'opération donne lieu à un concours, l'architecture du bâtiment étant peu remise en cause. Un architecte intervient cependant pour la conception des façades. Les outils d'analyse (thermique, éclairage, acoustique, cycle de vie) peuvent être utilisés pour comparer des variantes et optimiser les choix, depuis un avant projet sommaire jusqu'au CCTP. Les phases ultérieures sont similaires au cas d'une construction neuve (contrats avec les entreprises, chantier, réception, gestion) Déconstruction S'assurer que la déconstruction du bâtiment est nécessaire (comparer éventuellement avec un scénario de réhabilitation du bâtiment) Préférer à la démolition la déconstruction, impliquant le démontage de tous les composants pouvant être démontés, par exemple les menuiseries, la réutilisation éventuelle de ces composants, le tri et la valorisation des déchets Gérer le chantier selon une démarche de chantier vert (cf. la phase de chantier), la gestion des déchets prenant Quelques réalisations expérimentales 263 encore plus d'importance (en volume et en coût) dans une opération de déconstruction. L'apprentissage de la pratique de la qualité environnementale des bâtiments conduit le plus souvent à s'apercevoir que certaines actions (aide au choix, conseils avant une décision…) n'ont pas été effectuées à temps. Par exemple, il est trop tard pour modifier l'orientation d'un bâtiment dans la phase d'avant projet sommaire (il fallait le faire dès l'esquisse). Le tableau récapitulatif 5.16 fournit quelques éléments pour mieux organiser la gestion de la qualité environnementale dans un processus complexe, impliquant de nombreux acteurs, et renouvelé à chaque opération : il n'existe pas de procédure toute faite, qui pourrait s'appliquer systématiquement à tout projet de bâtiment. Il s'agit d'un processus itératif, qu'il convient d'adapter au cas par cas en le faisant progresser. Nous espérons par cet exposé contribuer à cette évolution. 5.6.4 L’APPROCHE DU CO-HOUSING La description ci-dessus du management environnemental montre l’importance des choix effectués en amont, dès les premières étapes d’un projet (choix du terrain, esquisse). Dans le cas d’un projet de construction en secteur résidentiel, c’est en général un promoteur qui prend les décisions durant ces phases. La pratique courante consiste à limiter le coût de la construction, de manière à faciliter la vente des appartements ou des maisons. Dans ce schéma, il est très difficile d’intégrer des aspects de qualité environnementale : même si certaines techniques d’économie d’énergie et d’eau sont rentables en coût global, il est difficile pour un promoteur de consentir un surcoût initial à la construction car il prend alors le risque de ne pas pouvoir vendre ses produits, plus chers que ceux des concurrents. Il en résulte une certaine banalisation des logements : il faut plaire au plus grand nombre. Or certains acquéreurs recherchent un niveau plus élevé de qualité environnementale. Ils peuvent acheter un terrain et faire bâtir individuellement mais une autre approche existe, le co-housing, qui permet d’aller plus loin dans la démarche du développement durable en l’appliquant à l’échelle d’un quartier et en mutualisant certains coûts (études, achat de matériaux en plus grande quantité…). Dans le concept de co-housing, des acquéreurs se rassemblent sur la base d’objectifs de qualité environnementale, et font construire un quartier avec des maisons, la voirie, des équipements collectifs et une maison commune. Cette maison offre différents services, par exemple : une grande salle pour des repas en commun ou des réunions, des chambres d’amis, un bureau, une salle de jeux pour les enfants, une buanderie. Les voiries peuvent être piétonnes près des maisons, ce qui contribue à la 264 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement prévention contre le bruit et fournit des aires de jeu sécurisées pour les enfants. La figure 5.17 montre un de ces quartiers, à Golden près de Denver (Colorado, USA). Il s’agit d’un ensemble d’une trentaine de maisons. Les garages sont placés à la périphérie de manière à disposer les maisons dans des allées piétonnes. Outre la maison commune (400 m2), il existe également un jardin et des aires de jeux. Le style architectural s’inspire de celui des indiens Pueblo, en référence à leur culture communautaire et à l’histoire de la région. La taille des maisons varie entre 80 et 350 m2, en fonction du nombre d’habitants et de pièces. Les acquéreurs ont élaboré une liste de critères de qualité afin d’orienter la conception : facilité de maintenance, faible consommation d’énergie par une architecture solaire passive, faible coût, clarté et espace, équilibre entre espaces privés et publics, qualité environnementale des matériaux. Figure 5.17 : Quartier écologique à Golden (co-housing) En ce qui concerne l’énergie, une isolation renforcée a été mise en œuvre, ainsi que des vitrages à basse émissivité et un contrôle de la ventilation. Selon la procédure locale d’évaluation (il n’existe pas de réglementation thermique des bâtiments au niveau national), les maisons seraient de 30 à 40% plus économes que la moyenne. La conception de base peut être complétée par des options “ vertes ” : moquette recyclée, isolation en cellulose recyclée, peintures à faible teneur en composés organiques volatils. Chaque famille possède une maison, avec en partage une maison commune comportant une grande salle à manger et une cuisine collective, Quelques réalisations expérimentales 265 une salle de télévision, une buanderie, des espaces de jeux pour les enfants, etc. L’image 5.18 montre la maison commune d’un autre quartier de cohousing situé à Denver. L’organisation d’un tel projet demande un investissement en temps, et comporte différentes étapes, par exemple : création d’un groupe informel, création d’une première entité légale permettant de passer un contrat à un promoteur, étude de faisabilité par le promoteur, création d’une deuxième entité regroupant l’entité précédente et le promoteur, afin de contracter un prêt bancaire, d’acheter le terrain et de construire, esquisse, conception détaillée du projet, demande de permis de construire, demandes de devis et adaptation éventuelle du projet (adéquation au budget), passation des marchés, suivi du chantier, réception des travaux, gestion des bâtiments. Figure 5.18 : Maison commune d’un quartier de co-housing (Denver, USA) Ce type d'approche avait été expérimenté en France, où quelques projets ont été développés9. Des expériences parfois un peu similaires sont menées aujourd'hui avec le concept d'éco-villages. Le projet européen e-cohousing regroupe différents partenaires dans le but de développer des outils aidant à intégrer à la fois la démarche participative et la protection de l'environnement dans la conception d'un quartier10. 9 Mouvement pour l'habitat groupé autogéré, Habitats autogérés, Editions alternatives / SYROS, juin 1983 10 cf. le site http://plattform4.ifib.uni-karlsruhe.de/eco/ 266 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 5.7 CONCLUSIONS DU CHAPITRE 5 Les nombreuses expérimentations effectuées, en particulier dans le domaine de l'énergie, ont permis d'identifier les bonnes pratiques et de faire progresser les technologies grâce au retour d’expérience concernant leur mise en œuvre et leur acceptation par les usagers. De ces acquis, quelques conclusions générales peuvent être tirées : • sur les performances, des besoins énergétiques très bas peuvent être atteints, et il est même possible de produire davantage d’énergie que la quantité consommée dans un bâtiment ; les démarches d’analyse de cycle de vie devraient être mises en œuvre pour compléter ces évaluations énergétiques afin de réduire les impacts environnementaux ; • sur les technologies, la fiabilité des produits a beaucoup progressé, le surcoût à l’investissement peut disparaître si une technologie innovante devient un standard (cf. l’exemple des vitrages à basse émissivité), des recherches sont en cours pour faciliter la mise en œuvre de ces innovations (par exemple permettre l’intégration d’une ventilation double flux en réhabilitation) ; • sur le management des projets, un travail reste à mener pour passer d’un schéma sous-optimal (chaque acteur n’optimise qu’une étape voire un domaine technique) à un processus de décision intégrant l’ensemble du cycle de vie d’un ouvrage et l’ensemble des champs professionnels (architecture, économie, thermique, acoustique, éclairage, environnement…) ; • un aspect important du management concerne la vérification de la qualité : un programme devrait comporter des exigences de performance avec des indicateurs mesurables, par exemple les consommations annuelles d'énergie et d'eau. L'absence de précision sur ces niveaux de performance et sur le suivi des opérations constitue une limite de la démarche "HQE" telle qu'elle est en général mise en œuvre ; la directive européenne 2002/91/EC11 sur la performance énergétique des bâtiments impose l'affichage des consommations d'énergie (chauffage, climatisation, ventilation, eau chaude, éclairage) avant le 4 janvier 2006 ; • l’implication des usagers peut ouvrir des possibilités nouvelles sur certains choix de conception, et permettre de compléter les aspects techniques par une démarche de sobriété. 11 Directive 2002/91/EC du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2002 sur la performance énergétique des bâtiments, Journal officiel des Communautés Européennes, 4 janvier 2003 CONCLUSIONS Architecture solaire, solaire passif, bioclimatique, haute qualité environnementale, le vocabulaire a changé au gré des modes. A chaque mode, des contre-références ont discrédité l'approche et justifié la mode suivante. Le "développement durable" constituera-t-il une mode de plus ou saurons-nous capitaliser la connaissance et faire progresser les performances sur le long terme ? L’amélioration des performances nécessite d’intégrer de multiples aspects de la qualité. L’échange entre différents partenaires (architectes, thermiciens, acousticiens, éclairagistes, environnementalistes, médecins, ergonomes, économistes de la construction…) doit être encouragé dans ce but, ainsi que la participation des usagers des bâtiments. L'évaluation des impacts environnementaux complète les analyses effectuées jusqu'à présent comme par exemple les calculs thermiques ou acoustiques. Elle peut être effectuée par l’analyse de cycle de vie, sous réserve de bien définir l’unité fonctionnelle considérée et de bien délimiter les frontières du système étudié (bâtiment, site, occupants) en fonction des objectifs de l’étude. De nombreuses incertitudes subsistent tant sur les données employées que sur les indicateurs de qualité environnementale : l’évolution des connaissances internationales sur le sujet doit être suivie. Le projet européen REGENER1 a regroupé plusieurs équipes pour définir un premier cadre méthodologique, mais la comparaison des différentes approches devrait se poursuivre. L'information sur la qualité environnementale des produits de construction est actuellement préparée par les industriels français2 et une base de données devrait être prochainement accessible au public3. L'information des usagers des bâtiments (acquéreurs, locataires) est également à l'ordre du jour : en particulier la directive européenne 1 REGENER final reports, C.E.C. DG XII contract n° RENA CT94-0033, January 1997, 563 p 2 cf. les normes expérimentales AFNOR XP P-01-010-1 et 2, Qualité environnementale des produits de construction, Information sur les caractéristiques environnementales des produits de construction, partie 1 : méthodologie et modèle de déclaration des données, partie 2 : cadre d'exploitation des caractéristiques environnementales pour application à un ouvrage donné. 3 Base de données INIES (Informations sur l'impact environnemental et sanitaire), en cours d'élaboration au CSTB. 268 Eco-conception des bâtiments : bâtir en préservant l'environnement 2002/91/EC de décembre 20024 impose l'affichage des consommations énergétiques avant janvier 2006. L’analyse de cycle de vie fait apparaître le rôle important de l’énergie dans le bilan environnemental global d’un bâtiment. Elle peut permettre d’orienter le développement et d’évaluer l’intérêt de technologies innovantes. Elle constitue également une aide à la décision pour les professionnels concernés, architectes et bureaux d’études techniques, pour améliorer la qualité environnementale des projets, en particulier durant la phase de conception. Ces nouvelles démarches de conception sont confortées par des technologies prenant en compte les aspects environnementaux et facilitant l'économie de ressources, le recyclage des matériaux et la minimisation des émissions polluantes. Une telle évolution des pratiques dans le secteur du bâtiment peut contribuer à respecter certains engagements internationaux comme l’Agenda 21 élaboré lors de la conférence de Rio. Nous espérons ainsi dans cet ouvrage avoir contribué à élargir la panoplie d’outils méthodologiques et de technologies à la disposition des concepteurs. 4 Directive 2002/91/EC du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2002 sur la performance énergétique des bâtiments, Journal officiel des Communautés Européennes, 4 janvier 2003 BIBLIOGRAPHIE ENVIRONNEMENT ADEME, Energie et Environnement, faits et figures, Ed. 1993 AFNOR, norme X 30-300, Analyse du cycle de vie, mars 1994 AFNOR, normes expérimentales XP P-01-010-1 et 2, Qualité environnementale des produits de construction, Information sur les caractéristiques environnementales des produits de construction, partie 1 : méthodologie et modèle de déclaration des données, partie 2 : cadre d'exploitation des caractéristiques environnementales pour application à un ouvrage donné, mai 2001 et avril 2002 AFNOR, Norme T90-101, Qualité de l'eau - Détermination de la demande chimique en oxygène (DCO), février 2001 AFNOR, Norme T90-102, Analyse de l'eau - Lignes directrices pour le dosage du carbone organique total (TOC) et carbone organique dissous (COD), Juillet 1997 AFNOR, Norme T90-103, Qualité de l'eau - Détermination de la demande biochimique en oxygène après n jours (DBON) , Mai 1998 AFNOR, Norme X31-210, Déchets - Essai de lixiviation, Mai 1998 S. 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