A NANTES, UN COLLOQUE SUR L`ENSEIGNEMENT DE l`HISTOIRE,

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Imposer la représentation d’un monde conforme aux intérêts de certains,
ou expliquer le monde tel qu’il est ?
UN COLLOQUE POUR UN APPEL À ENSEIGNER L’HISTOIRE AUTREMENT
Un devoir d’histoire, à Nantes, le samedi 17 mars
Depuis 125 ans, des pans entiers des programmes et manuels scolaires contredisent la neutralité de l’École
revendiquée par les pouvoirs publics.
Mythes et croyances fausses masquent en partie la réalité de la société. Comme un voile jeté sur les
mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement des institutions. À l’aide d’une morale du bon sens, et de lois
supposées naturelles, l’histoire comme la géographie, font l’apologie de l’économie de marché, de la
consommation, de la croissance, du salariat, et de la monnaie à intérêts… considérés comme autant de garants de la
démocratie.
Tout en prônant le recours à l’esprit critique, les programmes tendent à orienter les enfants vers l’acceptation de
la société telle qu’elle est… L'École ressemble à une fabrique à obtenir du consentement. En histoire et en
géographie, la pauvreté des outils caractérise l’approche du social, de l’économique et du politique. Le cours
d’éducation civique, privé des connaissances indispensables ressemble à un cours d’éducation à la charité, l’action
caritative prenant le pas sur la démarche citoyenne. Si tous ces mythes ont la vie dure, c’est que, comme l’écrit le
sociologue Alain Accardo, «Aujourd’hui, la vulgarisation surabondante des connaissances relatives au monde
physique et biologique masque la persistance d’un quasi-analphabétisme en matière de connaissance du monde
historique et social. »
La volonté de faire apparaître l’époque contemporaine comme étant en rupture radicale avec les structures
inégalitaires de la société de l’Ancien Régime, occulte la relation maître serviteur qui caractérise la société
salariale.
Dans le passage de l’Ancien Régime à l’époque contemporaine, aucune contradiction n’est relevée entre
l’affirmation de faire vivre les droits fondamentaux et le développement d’une société salariale.
« Tout au long du XVIIIème siècle, monte une aspiration à la liberté, symbolisée par les combats de Voltaire
pour la tolérance, et un certain désir d’égalité des droits. Le phénomène dépasse la France…la Révolution
française en est l’aboutissement et marque la fin de la monarchie absolue d’Ancien Régime…La Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen en est le texte fondamental. » Direction de l’enseignement scolaire, 2002.
Rien n’est dit sur la relation maître serviteur qui perpétue l’Ancien Régime et qui caractérise le salariat.
Rien n’est dit sur la part gratuite de la production donnée par le salarié et sans laquelle on ne saurait
expliquer le profit du patron.
Au Moyen-âge, les habitants des villes, les bourgeois réussiront à faire interdire les droits de péage sur les
routes, péages par lesquels les seigneurs prélevaient arbitrairement des taxes sur les marchandises. Le seigneur ne
pourra plus se prévaloir d’un privilège pour s’emparer d’une partie de la richesse des bourgeois. Mais
parallèlement, les marchands d’argent, les orfèvres, puis les banquiers imposeront indûment, par le biais des
intérêts, le servage monétaire. Les rois laissèrent faire, la République aussi… car le voile de la monnaie rendra
invisible l’accaparement des richesses par les banquiers. Tant et si bien que la relation maître serviteur continue
aujourd’hui encore. Si les droits féodaux ont été abolis la nuit du 4 août 1789, les intérêts, véritables droits de péage
monétaire imposés sur la circulation des marchandises, eux, n’ont jamais été abolis. Les intérêts bancaires n’ont
aucune justification au plan économique, si ce n’est d’enrichir les seigneurs de l’argent avec le travail gratuit du
plus grand nombre. Est-ce décrit dans les manuels ou les programmes ?
Le capital apparaît comme la source de toutes les richesses, alors que l’argent n’est, en réalité, qu’une
mesure de la richesse.
Il n’est pas expliqué aux enfants que la monnaie n’intervient que dans l’échange, jamais dans la
production. Que la monnaie n’est qu’une pure convention inventée pour dépasser les lourdeurs du troc. Que
la monnaie, formidable invention pour pacifier les échanges, ne coûte, en réalité, quasiment rien à créer (payer, de
pacare, en latin faire la paix…) Que si le travail de gestion du banquier doit être reconnu, il doit être rappelé que
les intérêts sont des privilèges qui s’inscrivent dans la continuité de l’Ancien Régime.
Un pouvoir économique exonéré de toute responsabilité d’ordre politique.
Jamais le pouvoir économique, celui du grand patronat n’est mis en cause. Dans les livres d’histoire, les procès
ne concernent que les politiques, rarement les détenteurs de capitaux. Par exemple, rien n’est dit sur l’aide
financière et politique apportée à Hitler par le grand patronat américain, anglais et français. Rien n’est dit sur le
rôle majeur joué par Henry Ford qui apporta un soutien politique et économique considérable au développement du
complexe militaro-industriel nazi, avant et pendant toute la guerre.
L’enseignement de l’histoire devrait avoir la même rigueur que celui concernant les sciences physiques ou
les sciences de la vie.
Si la relation du passé est déformée, fausse, voire niée, quel futur solide et solidaire peut-on espérer construire?
Or la résolution d’un problème de société exige autant de rigueur que la résolution d’un problème de
mathématiques, un énoncé incomplet, et le problème subitement, devient insoluble. Mythe d’une société dite
démocratique qui évite de souligner qu’avec les profits tirés de la part de travail gratuit des salariés, le grand
patronat peut s’acheter des médias et les utiliser à formater les consciences et les comportements des
consommateurs comme celui des électeurs. Tout renvoie au mythe entretenu d’un régime qui se qualifie de
démocratique, mais qui laisse l’économie hors du champ de la démocratie.
L’économie de marché est présentée comme relevant de lois naturelles, laissant croire aux élèves que la
misère du monde ne serait due qu’aux ratés d’un système dont les principes ne seraient pas à remettre en question.
La rigueur déployée dans l’étude du corps humain doit être la même quand il s’agit d’étudier le fonctionnement du
corps social. Si l’on veut que l’École soit un instrument de compréhension et de transformation du monde, il est
urgent que les enfants n’appréhendent pas les concepts de chômage, de productivisme, de croissance, plus
globalement d’ économie de marché, comme relevant du fatalisme.
En 2002, un ministère qui fait encore l’apologie de la troisième République et de Jules Ferry.
Le ministère de l’éducation nationale a-t-il rompu avec les principes qui animaient les pères fondateurs de
l’École ? Apparemment non, quand on prend la peine de parcourir les passages concernant la troisième République
dans les « Documents d’application des programmes », publiés par la Direction de l’enseignement scolaire:
« La République s’installe durablement, consolide les libertés fondamentales et développe l’instruction. Le
XIXème siècle est marqué par une lente marche vers le régime républicain…La conquête du suffrage universel
masculin, du droit à l’enseignement pour tous (lois de Jules Ferry) et des grandes libertés est liée à cette
progression. Il n’est pas utile de rentrer dans le détail des régimes politiques successifs ; il suffit de montrer
comment triomphe le régime républicain. » Ce qui importe pour le ministère, c’est le triomphe du régime
républicain. Qu’importe, le Code de l’Indigénat et ces millions de Français, Arabes d’Algérie, département rattaché
à la métropole, soumis au travail forcé et privés de tout droit. Qu’importe, que les gouvernements de l’époque
n’aient été composés que de représentants des intérêts du grand patronat. Au côté de Marie Curie et de Victor
Schoelcher, Jules Ferry est rangé parmi ces personnages considérés « comme des individus au parcours singulier
dont on peut mettre en valeur la personnalité ou l’exemplarité du comportement sur le plan des valeurs. L’élève à
la fin de l’école primaire devra en connaître quelques uns, constituant un premier panthéon culturel qui sera
poursuivi au collège. » On est loin de l’esprit critique revendiqué par ces mêmes instructions.
Des options idéologiques de Jules Ferry à la recherche du questionnement et du sens, prônées par le
ministère : une contradiction flagrante.
En 1879, à la veille de la mise en place des lois sur l’École, Jules Ferry déclare : « Il est à craindre que d'autres
écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d'ouvriers et de paysans, où l'on enseignera des principes totalement
opposés, inspirés peut-être d'un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à
cette époque violente et sinistre [la Commune]… comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871… Il y a deux choses
dans lesquelles l’État enseignant et surveillant ne peut pas être indifférent, c’est la morale et la politique, car en
morale et en politique l’État est chez lui. » Ernest Lavisse, l’historien officiel de la troisième République,
renchérit :
"N'enseignons point l'histoire avec le calme qui sied à l'enseignement de la règle des participes; il s'agit ici de
la chair de notre chair et du sang de notre sang… puisque la religion ne sait plus avoir prise sur les âmes,
cherchons dans l'âme des enfants l'étincelle divine ; animons là de notre souffle. Les devoirs, il sera d'autant plus
aisé de les faire comprendre que l'imagination des élèves, charmée par des peintures et par des récits, rendra leur
raison enfantine plus attentive et plus docile."
Or, dans les directives ministérielles de 2002, il est affirmé : « Peut-on laisser les élèves démunis face à
l’expérience du monde et du temps social qui est aujourd’hui la leur ? …L’histoire donne une grande partie des
connaissances nécessaires pour construire une éducation civique raisonnée…L’enseignement l’initie à la méthode
du questionnement et, comme dans la méthode scientifique, lui apprend progressivement à émettre des hypothèses,
à privilégier la recherche du sens sur l’accumulation des faits et des preuves, à les justifier par des arguments, à y
renoncer quand elles apparaissent fausses. »
À la lecture des programmes et des manuels scolaires, la contradiction est flagrante entre les principes
affichés par le ministère et les orientations idéologiques préconisées, à l’école élémentaire comme dans le
secondaire. L’objet du colloque serait de lancer un appel à enseigner l’histoire autrement.
Alain Vidal (01/01/07)
Le colloque aura lieu le samedi 17 mars
de 9h à12h et de 14h à 18h
École de la Fraternité, 24 bd de la Fraternité, Nantes
Possibilité d’hébergement
Participation au colloque, envoyer les réponses, de préférence avant le 1er mars, à :
Alain Vidal, 5 avenue Louis Vasseur 44 000 Nantes 02 40 89 32 03
[email protected]
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