Comité Communiste Internationaliste (Trotskyste) COMBATTRE pour en finir avec le capitalisme N° 7 16 février 2007 Prix : 2,00 € Pour la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire et d’une Internationale Ouvrière Révolutionnaire APPEL COMMUN SOMMAIRE POUR UN PROGRAMME DE DEFENSE DES TRAVAILLEURS ET DE LA JEUNESSE, En vue des prochaines élections : ------ p. 1 APPEL COMMUN POUR UN GOUVERNEMENT REPRESENTANT REELLEMENT LES TRAVAILLEURS, - Des collectifs pour un gouvernement ouvrier International ------------------------------- p. 4 IL FAUT COMMENCER PAR BATTRE SARKOZY ET CHASSER LES DEPUTES UMP-UDF CRISE REVOLUTIONNAIRE EN GUINEE Enseignement : ------------------------------ p. 8 - Réflexions sur le congrès de la FSU – L’intervention des trotskystes. - Motion présentée par la tendance Front Unique au congrès National. - Motions et résolution présentées au SNASUB et au congrès FSU 69. RETRAIT IMMEDIAT DU DECRET DE ROBIEN ! - Après les manifestations du 8 février. Depuis 2003 avec la mobilisation en défense des retraites des salariés du public et contre la décentralisation, jusqu’à celle du printemps 2006 contre le CPE, en passant par les élections régionales de 2004 et la victoire du Non au référendum de 2005, la classe ouvrière et la jeunesse ont montré qu'elles voulaient chasser Chirac, Sarkozy, Villepin et consorts du pouvoir, chasser leurs députés aux ordres et en finir ainsi avec leur politique au service du capital. A chaque fois les dirigeants du PS, du PCF, des centrales syndicales ont refusé tout combat sur cette perspective en renvoyant la question aux élections présidentielles de 2007. Celles-ci vont avoir lieu en avril mai 2007. Elles seront suivies d’élections législatives. France -------------------------------------- p. 13 Chacun comprend l’importance de la bataille qui s’annonce : LA CRISE DU PARTI SOCIALISTE Comment battre Sarkozy, candidat du capital, dont le programme déclaré signifie des coups redoublés contre les salariés, les chômeurs, les jeunes, les immigrés, et barrer la route aux partis du patronat ? Mais comment aussi empêcher, si Sarkozy est battu, qu'un gouvernement présidé par S.Royal garde toutes les lois réactionnaires contre lesquelles nous avons combattu ces dernières années et tente de poursuivre, comme l’a fait la “ gauche plurielle ”, la même politique anti-sociale ? - Ségolène Royal, la crise du PS et sa nature - Le contenu politique de l’opération Ségolène Royal - Conclusions. - Tribune de discussion : PS et lutte de classe Culture ------------------------------------- p. 25 - Le capitalisme au service de l’art ? ou l’inverse ? Interventions ------------------------------- p. 26 - Tract difffusé à la journée de défense des femmes - Intervention au meeting lyonnais d’O. Besancenot - La question du logement EST-IL POSSIBLE AUJOURD’HUI… de sortir de la misère des millions de travailleurs, d’empêcher tous les licenciements, les fermetures d’usines et les délocalisations qui organisent la concurrence antre les travailleurs du monde entier, d’augmenter les salaires pour vivre correctement, de recréer les dizaines de milliers de postes supprimés pour faire fonctionner les écoles, les hôpitaux, les services publics, de donner un travail décent aux millions de chômeurs, aux jeunes des banlieues, aux étudiants diplômés voués par dizaines de milliers aux petits boulots et à la déqualification, de loger les familles à la rue, Qui sommes-nous ? ---------------------- p. 30 Bulletin d’abonnement ----------------- p. 30 “ On ne peut aller de l’avant si l’on craint d’aller au socialisme ” (Lénine) Contact : Jean RIBES 76, rue de Meaux Esc. 2-Bte 12 - 75019 PARIS fraccps@numéricable.fr - Site : http ://perso.numericable.fr/~fraccps d’en finir avec le saccage quotidien de notre environnement etc., etc. …SI L’ON NE PREND PAS DES MESURES QUI S’OPPOSENT RADICALEMENT AU CAPITALISME ET LE COMBATTENT ? Les capitalistes trouveront toujours tous les arguments pour justifier au nom du profit et de la compétitivité indispensables que les attaques les plus dures soient portées contre les salariés et les jeunes. On ne peut l’empêcher sans rompre avec ces principes, c’est-à-dire avec ce système, ses lois et l’État qui le défend. POUR CE FAIRE, IL EST INDISPENSABLE DE COMMENCER PAR BATTRE SARKOZY, SON PARTI ET SA MAJORITE UMP A L'ASSEMBLEE. COMMENT ? Il est légitime pour chacun de se présenter pour défendre son programme, mais tous les partis issus du combat historique du mouvement ouvrier ( PS, PCF, LO, LCR, PT ) et même tous les syndicats puisque les revendications des travailleurs se heurtent chaque jour au gouvernement, doivent dès aujourd’hui annoncer clairement la couleur : tout faire pour battre Sarkozy et la majorité UMP de l'Assemblée ! POUR CELA Au premier tour vote pour le candidat du parti de son choix issu du mouvement ouvrier. Au second tour, on fait bloc derrière le candidat du parti le mieux placé, contre le candidat du patronat. Pas une voix ne devra manquer. Aux législatives, même démarche. La candidate du PS, vraisemblablement la mieux placée pour figurer au second tour, affiche clairement sa volonté de garder les lois réactionnaires et donc de poursuivre, et même d’aggraver, l’orientation qui fut celle des gouvernements Mitterrand, Jospin, en allant jusqu’à reprendre certaines des idées de Sarkozy. ALORS QUE FAIRE ? S’organiser dès maintenant en vue de la mobilisation de la classe ouvrière et de la jeunesse pour un programme de défense des salariés, des jeunes, des couches populaires (y compris les petits artisans, paysans, commerçants, dont le sort leur est étroitement lié). Quel que soit le résultat des élections, cette défense exigera en effet : L’abrogation des lois Balladur, Juppé, Fillon, Douste-Blazy contre la Sécu et les retraites, des lois Raffarin de décentralisation, des lois anti-immigrés de Sarkozy, de la LOLF ... de tous les dispositifs, mesures et lois réactionnaires prises par les précédents gouvernements sur les retraites, la Sécurité sociale, le Code du travail, l’Ecole, les privatisations, les immigrés, etc. Le rattrapage de la perte du pouvoir d’achat et l’indexation des salaires sur l’évolution des prix ; l’arrêt des licenciements, des "plans sociaux", des délocalisations ; l’ouverture massive de places aux concours de la fonction publique ; des crédits pour l'instruction publique autant que de besoin, la réouverture des classes et des postes nécessaires, l’abrogation des lois anti-laïques ; la réquisition des logements vides et le blocage des loyers ; la régularisation massive des sans-papiers ; le retrait des troupes françaises d'Afghanistan, du Liban, d'Afrique noire ; le rejet de toutes les mesures, directives, lois et traités de l’Europe des capitalistes. Satisfaire ces revendications exige UN GOUVERNEMENT REPRESENTATIF DES TRAVAILLEURS, DONC UN GOUVERNEMENT DES SEULS PARTIS ET ORGANISATIONS ISSUS DU MOUVEMENT OUVRIER ET CONTROLE PAR LA MOBILISATION DES TRAVAILLEURS ET DES JEUNES. Satisfaire ces revendications met en même temps à l’ordre du jour l’exigence pour ce gouvernement d’un programme de rupture avec le système capitaliste, sur la base de : l’expropriation des grands groupes industriels, financiers et bancaires ; le contrôle par les travailleurs eux-mêmes des comptes des entreprises et des mouvements bancaires des capitalistes ; P. 2/32 l’organisation et le contrôle démocratique d’un plan de production permettant à la fois de répondre aux besoins sociaux, en travail et en consommation, et une gestion consciente et rationnelle de l’environnement, seul remède aux dégâts engendrés par le système de profit ; le soutien actif des travailleurs et exploités du monde entier dans leurs luttes et l’appel à l’unification de notre combat commun contre l’oppression, le pillage et la barbarie du système impérialiste. ORGANISONS-NOUS DÈS MAINTENANT POUR UN TEL GOUVERNEMENT ET ENGAGEONS LA DISCUSSION SUR SON PROGRAMME ! Signataires : Le Club Liaisons Socialisme Révolution Démocratie, Le Comité Communiste Internationaliste (Trotskyste), “ Le Militant ”. DES COLLECTIFS POUR UN GOUVERNEMENT OUVRIER Nous nous félicitons de l’accord intervenu entre les signataires du texte ci-dessus, après une discussion aussi fraternelle que fournie. Nous aurions cependant aimé, quant à nous, préciser l’engagement par lequel il se termine. “ ORGANISONS-NOUS ” appelle inévitablement les questions : comment ? avec qui ? Certes, nous appelons tous ceux qui approuvent les positions exprimées par ce bulletin à adhérer au CCI(T) ou au moins à venir voir ce qui s’y passe. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans le cadre d’un appel commun. La forme d’organisation que nous pouvons réaliser ensemble, et avec d’autres, ne peut être que de nature à permettre une action et des discussions communes. Laquelle ? Il y a longtemps que les combats de la classe ouvrière y ont répondu par les “ comités ” ou “ collectifs ” réunissant unitairement des militants ayant ou non des appartenances diverses. Ils sont centrés le plus souvent sur un objectif précis, d’actualité : comités de grève, collectifs contre tel projet de loi, ou… pour le NON au référendum de Chirac. Ces derniers méritent réflexion. Pourquoi ont-ils eu tendance à durer au-delà du résultat acquis ? par le besoin, plus ou moins confus, de poursuivre dans le sens du rejet de Chirac et de son gouvernement, impliqué par la victoire du NON, ce qui amenait la discussion sur d’autres perspectives. C’est à partir de là que, dans notre esprit, “ organisons-nous pour un tel gouvernement ” ne peut signifier autre chose, dans la pratique, que la constitution de comités ou COLLECTIFS POUR UN GOUVERNEMENT OUVRIER ou autres dénominations sur cette ligne. C’est ce que nous nous efforçons de réaliser en diffusant cet appel à tous nos contacts et autour de nous, dans nos milieux de travail, etc… et par des échanges de vues, discussions et réunions autour de lui. La direction du CCI(T), le 12 février 2007. P. 3/32 CRISE REVOLUTIONNAIRE EN GUINEE Un peuple entier en grève générale illimitée, des centaines de milliers de manifestants, 59 morts et des centaines de blessés sous le feu de la répression, un pays au bord de l’insurrection, un pouvoir qui cède (en apparence)… Non, ce n’est pas en Amérique du Sud, mais en Afrique ; ce n’est ni en Bolivie ni au Mexique : en Guinée. C’était du 10 au 29 janvier. La presse l’a pratiquement ignoré (trois courts articles dans Le Monde), la radio complètement (sauf Radio France International). Pourtant la Guinée ne manque pas d’intérêt journalistique. Epargné par les conflits qui ont ravagé ses voisins (Libéria, Sierra Léone), c’est le pays le plus corrompu d’Afrique occidentale, sa population est l’une des plus pauvres du continent et son Président, l’un des satrapes les plus cyniques qu’il ait produit. Mais son prolétariat semble aussi actuellement l’un des plus combatifs et organisés. Ceci explique peut-être cela. QU’EST-CE QUE LA GUINEE ? Aujourd’hui c’est le premier exportateur de bauxite, avec deux tiers de la production mondiale, un tiers de ses réserves, et un sous-sol également riche en diamants, or, fer et uranium. Sa richesse par habitant dépasse celle des deux pays les plus industrialisés d’Afrique de l’Ouest, le Nigeria et la Côte d’Ivoire. Avec vingt-deux fleuves, dont le Niger et le Sénégal, elle pourrait être le château d’eau du sous-continent et le fournir en électricité. En 1958, c’était le pays de Sékou Touré, le seul de “ l’Empire français ” à avoir dit Non à “ l’Union française ” de De Gaulle et choisi l’indépendance. A partir de la rupture et de l’isolement entretenu par l’ex-métropole, Sékou Touré, formé à l’école du “ socialisme ” stalinien, “ dans un seul pays ”, a imposé à celui-ci, grand comme la moitié de la France, un marasme économique qui l’a conduit à l’agonie, sous un régime de dictature bureaucratique impitoyable. Le régime politique A la mort de Sékou Touré, en 1984, Lansana Conté, un ancien sergent formé dans l’armée coloniale, s’adjuge le pouvoir après élimination de ses rivaux. Formellement, le régime politique est une démocratie présidentielle. L’actuel “ mandat ” du général-président, “ réélu ” à coup de trucages depuis 23 ans, s’achève en 2010. Les partis “ d’opposition ” sont tolérés (il y en a 14 !) mais Lansana Conté est “ seul responsable devant le peuple ”, et seul détenteur du pouvoir, “ donné par Dieu ”. Il s’appuie sur la corruption, les clans familiaux (qui se livrent une guerre sans merci pour obtenir l’appui de l’une de ses trois femmes), les rivalités ethniques qu’il attise (par exemple, entre malinkés et soussous). Tout “ ministre ” qui tente d’assainir la Avant cette date, la colonisation intéressée par ses ressources minières avait porté la Guinée à la pointe de la modernisation, avec des investissements massifs dans l’éducation, la santé, la formation, dont par exemple, l’un des tout premiers grands hôpitaux d’Afrique. gestion est immédiatement démis manu militari. L’un d’eux a attendu d’être en mission à Londres pour démissionner. Un autre, pas plus tard que le 18 janvier, ne dût son salut qu’à la fuite devant l’invasion de son bureau par les “ bérets rouges ”. A ceux qui invoquent la justice, il répond, comme Ubu-roi : “ La justice, c’est moi ” et traite la Banque centrale comme son porte-monnaie. L’armée est évidemment son plus solide appui. Elle participe, inégalement mais à tous les niveaux, des privilèges de la caste dirigeante et des cliques qui l’entourent. On se doute que sous un tel régime, l’économie ne peut être qu’une économie de pillage. Une économie de pillage Pillage par les compagnies internationales, en premier lieu celles de l’aluminium, qui exploitent la bauxite et les autres ressources avec le concours juteux d’une oligarchie constituée à partir du pouvoir, et par une politique de privatisations qui a touché, depuis une quinzaine d’années non seulement les mines mais les banques, les télécommunications, l’enseignement, et dont une mission du FMI demandait en 2004 l’accélération. Pillage des ressources agricoles pour l’exportation alors que les terres, fertiles, pourraient nourrir la population. à l’origine de la grève : Pillage par les prébendes sur les importations aux frontières, pour les produits essentiels : carburants, riz et autres denrées vitales, et via les trafics d’armes à destination des pays voisins, Liberia, Sierra Leone et Côte d’Ivoire. Pendant ce temps le salaire mensuel d’un fonctionnaire (20 €) lui permet d’acheter un sac de riz, pour nourrir sa famille pendant deux semaines…ou de payer le transport à son lieu de travail. Avec une inflation à 40 % l’an, un litre d’essence coûte près d’1 € et il vaut mieux acheter le matin, le prix d’une denrée pouvant doubler dans la journée. Toutes les infrastructures, routes, eau, électricité, téléphone, sont à Le Monde du 17 janvier présentait un portrait significatif d’un de ces prédateurs, Mamadou Sylla, “ patron d’un holding actif dans l’import-export ”, dont la libération par le Président a été “ L’immeuble où il réside à Conakry compte cinq étages : le rez-de-chaussée pour les invités et courtisans ; un étage pour chacune de ses trois femmes ; enfin le dernier pour lui seul. ” Après avoir financé “ la campagne du référendum qui allait permettre au président de se succéder à lui-même (…), il a remporté un nombre incalculable de marchés publics, sans appel d’offres ou sans avoir fait la meilleure offre. ” P. 4/32 l’abandon, le système médical délabré, l’analphabétisme endémique… Et toutes les aides européennes ont été interrompues en 2000. Un régime fragile Le régime de Lansana Conté est cependant fragile. En bas, la population n’en peut plus, et n’en veut plus. Elle l’a montré en février et juin 2006, par deux grèves générales. En octobre, un concert a été annulé par peur de voir repris par la foule de Conakry un mot d'ordre (chanté) pour chasser Lansana Conté du pouvoir. Trois mois plus tard, le refrain retentissait dans toutes les villes de Guinée. leucémie, ne tient plus guère les rênes que par l’entremise de ses proches, qui se déchirent. L’armée elle-même n’est pas sûre à 100 %. Avec des unités d’élite et une garde prétorienne (les “ bérets rouges ”), elle souffre des même divisions que la société dans son ensemble, avec des privilégiés et des laissés pour compte, des jalousies ethniques et de corps. Trois généraux sont prêts à prétendre à la succession du dictateur, en plus de son fils, Ousmane Conté. Au sommet, celui-ci, à 73 ans, malade du diabète et de la LE DECLENCHEMENT Une telle situation pourrait expliquer des émeutes. Elle ne suffit pas, à elle seule, à expliquer le raz de marée organisé qu’a constitué la grève générale du 10 au 29 janvier. Il faut y ajouter la construction, par le prolétariat guinéen, d’un mouvement syndical qui en l’occurrence a pris toutes ses responsabilités en réalisant le Front unique i qui a permis aux masses unanimes d’engager le combat auquel elles aspiraient. Malheureusement, les informations publiées dans la presse ou sur Internet ne permettent pas de suivre les événements jour par jour. Les jalons qui suivent en donnent cependant une i Front unique des deux principales organisations, Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), rejointes par l’Union démocratique des travailleurs de Guinée (UDTG) et l’Organisation nationale des syndicats libres de Guinée (ONSLG). Malheureusement nous n’avons pas eu le temps d’éclaircir leurs différences et leurs racines historiques. Il faut noter cependant que le mouvement syndical a en Afrique une histoire et une importance plus grandes qu’on ne le croit en général. Des grèves d’enseignants ou d’étudiants le rappellent périodiquement. Le coup de force de Lansana Conté Le contingent réalise le nécessaire. C’est le fait du prince par lequel Lansana Conté est venu lui-même fin décembre sortir de image suffisante. prison son ami Mamadou Sylla, incarcéré pour détournement de fonds publics, qui a mis le feu aux poudres. 10 janvier : appel à la grève générale En réaction, les centrales syndicales, réunies en intersyndicale, lancent l’appel à la grève générale illimitée. Ce sera la troisième grève générale en un an. Les deux précédentes étaient fondées sur des revendications économiques, vitales, mais limitées : hausse des salaires et baisse des prix du riz. Ces revendications sont reprises mais s’y ajoutent des revendications politiques : - Réincarcération de M. Sylla ; - Démission du ministre des transports. L’appel est soutenu, formellement, par les partis d’opposition. Il a immédiatement un écho dans toute la population. Toute l’activité est paralysée. LES REPONSES DU POUVOIR L’Etat propose l’ouverture de négociations sur le prix du riz et les salaires. Le procureur général tente de calmer les esprits en décidant la saisie de tous les biens de M. Sylla. L’un et l’autre sans résultat. Le vendredi 19, Lansana Conté, recevant les représentants syndicaux, leur dit : “ Je vais vous tuer tous, tant que vous êtes. Je suis militaire. J’ai déjà tué des gens. ” (Le Monde du 23/1). Le lendemain, il appelle l’armée à rester unie. Du côté des grévistes, les mots d'ordre politiques passent au premier plan, dont l’exigence, cette fois de la démission de Lansana Conté. Le 20, à Paris, une manifestation de guinéens à l’ambassade appelle à cette démission aux cris de “ voleur ” et “ assassin ”. Au bout de quelques jours les “ institutions internationales ” commencent à s’émouvoir : Commission de l’Union africaine, Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, secrétaire général de l’ONU, appellent au calme, à négocier, nomment une médiation… (en France, en Europe, c’est le silence des Bermudes). Le général-président, lui, n’attend pas. 20 – 22 janvier : la répression Le samedi 20, les forces de l’ordre commencent à tirer sur les manifestations, qui n’ont pas cessé depuis dix jours. Mais c’est à Conakry le 22 que l’épreuve est la plus sanglante. Manifestant à l’appel des syndicats, plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont tenté toute la journée de gagner l’Assemblée nationale et le siège du pouvoir. Après plusieurs affrontements, les forces de l’ordre “ ont fini par céder à la marée humaine. Seul le dernier verrou a tenu bon, grâce à l’appui de l’artillerie lourde et d’un corps d’élite entraîné par P. 5/32 des officiers chinois. ” (Le Monde du 24/1). Les hôpitaux déclarent 18 morts et 150 blessés, dont certains à l’agonie. Tandis que la révolte gagne d’autres villes (dans l’une d’elles, des forces spéciales sont appelées en renfort de Guinée Bissau) avec partout des victimes, 17 leaders syndicaux sont arrêtés par les “ Bérets rouges ” conduits par Ousmane Conté, emmenés dans un camp militaire et tabassés avant d’être libérés dans la soirée. Au total on comptera 49 morts durant la seule journée du 22. Les deux grèves de 2006 en avaient compté une dizaine chacune. L’exaspération est telle que la répression n’empêche pas à nouveau plusieurs dizaines de milliers de manifestants le 25, dans les principales villes, aux quatre coins du pays, et aux cris de “ Conté doit partir ”. 23 – 28 janvier : le pouvoir et les masses face à face Dès le lendemain débutent trois jours de pourparlers intenses. Le 26, les négociateurs consultent leur base : La question centrale est évidemment : “ Dehors Conté ! ”. Mais tous les conciliateurs pèsent pour l’éviter, à l’image du président des guinéens en France qui déclare ne pas prôner son départ “ pour la bonne et simple raison qu’il a été élu (…) Ce qui se passe est plus un problème de société que politique. Mais du coup, il y a un fort risque pour que les organisations syndicales ne puissent plus maîtriser leur base. ” (Afrik.com, le 29/1) … “ spectacle saisissant que celui de ces deux femmes, Rabiatou Sérah Diallo et Mariana Penda Diallo, et de cet homme, Ibrahima Fofana, épuisés et malades de s’être fait tabasser et emprisonner par les Bérets rouges, obligés de repartir au combat sous la pression furieuse des militants. “ Camarades, salut ! ”, rugissait la salle. “ Vive la liberté ! Vive le changement ! Vive la jeunesse ! Et mort aux traîtres ! ”… Leurs dirigeants, effrayés de leur propre audace, et malgré le sac du siège de l’Union syndicale par les “ Bérets rouges ” et Ousmane Conté quelques jours plus tôt, s’efforcent de trouver un moyen terme : que le dictateur nomme un chef de gouvernement indépendant, et lui délègue ses pouvoirs (cette fonction n’existe pas dans le régime “ démocratique ” de Lansana Conté). Un projet de loi est élaboré “ par les syndicats et les grévistes ” dit l’AFP. La négociation, à ce moment, butait sur le titre du poste à créer. Les émissaires de l’Etat ne voulaient que d’un Premier ministre, alors que les syndicats exigeaient qu’il soit également chef de gouvernement, afin de ne pas tomber sous la coupe du président, de ses griots ou de ses femmes. “ Si nous avons bien défini les fonctions du poste, est-il important de se battre pour son titre ? ”, a demandé Ibrahima Fofana. Levée d’un bond, la salle a hurlé de rage. Fofana s’est incliné : “ Camarades, salut ! J’ai compris, on reste ferme ”. (Le Monde des 28-29/1) A l’arrière plan, l’ensemble de la population est résolu à aller jusqu’au bout, et un nouvel affrontement est prévu le 29 janvier. Le pouvoir “ cède ” Le 26 au soir, le pouvoir “ cède ”. Un accord est signé entre les syndicats, le patronat et le gouvernement sur “ la mise en place d’un gouvernement de large consensus dirigé par un Premier ministre chef du gouvernement ”. Sa nomination doit intervenir dans les jours suivants. La procédure en cours contre Mamadou Sylla et un autre ami du président doit aussi être “ poursuivie (…) sans aucune entrave ”. L’accord prévoit la réduction du prix des carburants, “ l’arrêt immédiat des exportations des denrées alimentaires et des produits halieutiques et forestiers jusqu’en décembre 2007, le relèvement des pensions de retraite et la réduction du prix du riz (…) Les salaires (de janvier) des agents de tous les secteurs, public, mixte et privé seront intégralement payés. ” (AFP). Les signataires invitent aussi à la libération immédiate de tous les détenus pour fait de grève (plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées). ET MAINTENANT ? “ Ce fut d’abord la stupeur, et juste après, des cris de joie, des chants et des danses. ” (Le Monde des 27-28/1). Sentiment de victoire légitime, après 23 ans d’oppression et de misère, dix-sept jours de grève générale et de marches, 59 morts et des centaines d’autres victimes. Une victoire limitée Mais cette victoire est limitée et grosse de dangers. Lansana Conté est toujours en place, et n’a reculé d’un pas, c’est-à-dire par des promesses, que devant la menace des masses de le balayer par une insurrection généralisée. On peut être sceptique sur sa soumission à l’accord du 26 janvier, mais même s’il l’appliquait, la cohabitation qu’il comporte lui laisse l’initiative, et en cela c’est la peur conciliatrice des dirigeants syndicaux qui l’a malgré tout emporté sur le radicalisme des grévistes et de la population. Non seulement c’est le dictateur qui doit désigner le “ chef du gouvernement ”, mais toutes les décisions dépendent en dernier ressort de son approbation, ce qui permet aux partis bourgeois “ d’opposition ” (qui ont juste essayé, avec prudence, de courir de leurs petites jambes derrière les masses) de préconiser maintenant un transfert de celle-ci sur le plan juridique constitutionnel. La vigilance de la classe ouvrière semble cependant rester en éveil. Le samedi 27, c’est seulement à la “ suspension ” de la grève générale illimitée que le Secrétaire général de l’USTG a appelé, au nom des quatre organisations syndicales, et pour une fois, ce terme paraît plus crédible que son utilisation P. 6/32 comme précaution verbale, par laquelle les appareils mettent habituellement une fin définitive aux mobilisations. pour les masses que toutes les satisfactions économiques dont elles mesurent parfaitement la précarité. Il est hors de doute que celle des masses guinéennes n’est pas terminée : à l’heure où nous bouclons cet article, les représentants syndicaux viennent de lancer un ultimatum à Lansana Conté qui lui intime l’ordre d’obtempérer avant la fin de la semaine, sous peine de reprise de la grève illimitée, à l’accord dont il a “ oublié ” le principal. Gahité Fofana ajoute : “ La grève visait à renverser le Président (…) Il est clair que la population n’en restera pas là si un pantin du Président devait être nommé. ” Car on assiste à ce fait étonnant, indiqué dans une interview du cinéaste Gahité Fofana, le 8 janvier : “ excepté la nomination du Premier ministre, tout a été fait. La baisse des prix des hydrocarbures, directement répercutée sur le prix des transports, est effective depuis quelques jours. Toutes les exportations alimentaires, halieutiques et forestières ont cessé : les camions ont dû faire marche arrière à la frontière. En conséquence, les marchés locaux sont ravitaillés en abondance, (…) tous les manifestants incarcérés pendant la grève ont été relâchés. ” Dans ce dernier cas, on peut s’attendre à des manœuvres d’effritement. Dans le premier, le mouvement pourrait au contraire reprendre, avec plus de résolution et de violence, dans le but, plus ou moins confus, d’un gouvernement représentatif de la mobilisation populaire. Mais le fait que l’exigence politique d’un autre gouvernement n’ait pas encore été satisfaite est plus important Il est difficile de dire jusqu’où peut aller cette exigence d’un “ autre gouvernement ”. La position prise par les représentants du mouvement et acceptée par celui-ci pour un gouvernement “ d’union nationale ”, dans ces circonstances précises, peut aussi bien se référer au caractère unanime de celui-ci, à l’unité dans le combat des ouvriers, petits agriculteurs, artisans, enseignants, jeunes et femmes (un facteur important, selon la presse) qu’à une volonté d’entente avec la caste dirigeante. Les jours qui viennent clarifieront. L’essentiel n’est pas joué Toute situation révolutionnaire (et c’en est une) éveille son contraire, c’est-à-dire les forces de la contre-révolution. Elle a déjà pris la forme de la répression sanglante. Lansana Conté a-t-il la force de la décupler ? dans quelle mesure les décisions diverses qui fissurent ses partisans peuvent-elles le paralyser ? ou au contraire se traduire par un nouveau coup d’Etat militaire, sous l’égide d’un des généraux qui spéculent sur sa succession ? Et dans cette éventualité, de quel côté peuvent basculer les corps d’élite jusqu’ici inconditionnels ? et la masse des troupes, dont une partie pourrait être tentée, à l’inverse, de rejoindre un mouvement insurrectionnel ? Il est difficile de répondre à ces questions, qui indiquent en même temps par elles-mêmes l’instabilité de la situation. Le président des guinéens en France, dans l’interview déjà citée, l’appréciait ainsi : à la question “ Pensez-vous que l’on va vers une guerre civile ? ”, il répondait : les blocages persistent, il y aura de sérieux problèmes qui pourront déboucher sur une guerre civile (…) L’armée risque de s’engouffrer (…) et elle repose sur les clivages de la société guinéenne. Certains, pauvres, peuvent donc trouver des avantages à suivre les syndicalistes et d’autres, qui vivent dans l’opulence, se satisfaire du régime actuel. ” L’essentiel n’est pas joué, car toute révolution, pour aboutir, a besoin d’une direction. Les masses guinéennes n’ont apparemment à leur disposition que des leaders syndicaux dont la tendance fondamentale, on l’a vu, est le respect du pouvoir. Ce n’est pas eux qui prendront la responsabilité d’armer le prolétariat. Celui-ci a “ cessé d’avoir peur ” (Le Monde des 28-29/1). Mais sa spontanéité ira-t-elle jusqu’à se donner les dirigeants nécessaires ? Les réponses ne tarderont sans doute pas. “ En tous cas, tous les éléments se mettent en place. Si Julien LAUTRE, 1er – 9 février 2007. DERNIERS DEVELOPPEMENTS Au moment où les dernières lignes précédentes étaient rédigées, la nomination d’un “ pantin du Président ” a déclenché une série d’émeutes à travers tout le pays : manifestations spontanées par dizaines de milliers, cris et pancartes “ A bas le général Conté ! ”, “ Pas question de suspendre la grève ! ”, incendies de locaux de police et de gendarmerie, de domiciles de représentants du régime (qui s’enfuient ou se terrent), forces de sécurité débordées, 23 morts (chiffre provisoire), dont, pour la première fois dans les forces de l’ordre, un militaire brûlé vif… Les syndicats ont appelé à la reprise de la grève illimitée, et pour la première fois exigent le départ de Lansana Conté, portant ainsi la question du gouvernement dans le sens voulu par les masses. Les questions posées plus haut prennent toute leur acuité, concrète et immédiate. Le devoir, non seulement des militants révolutionnaires, mais des organisations ouvrières françaises est d’appeler au soutien et à la solidarité avec le combat du prolétariat guinéen. Julien LAUTRE, le 11 février 2007. P. 7/32 QUELQUES ELEMENTS DE REFLEXION SUR LE CONGRES DE LA FSU FEU VERT POUR LES NOUVELLES MENACES DU GOUVERNEMENT Le congrès national de la FSU s’est tenu du 29 janvier au 2 février. Dans quelles circonstances ? Le gouvernement vient d’annoncer de nouvelles attaques graves contre les enseignants et les autres personnels de l’Education nationale : dépendance renforcée des écoles primaires mises sous la coupe des élus municipaux, suppression de la notation des fonctionnaires au profit de l’entretien d’évaluation signifiant la mise en concurrence des personnels entre eux, l’arbitraire et l’impossibilité pour les commissions paritaires de les défendre. remise en cause des obligations de service hebdomadaire des professeurs du secondaire définies par le décret de 1950, bivalencedes enseignants, intégration des IUFM aux Universités, suppression annoncée de milliers de postes pour la prochaine rentrée dans les lycées, les collèges et les services administratifs, Ce qui le lui permet, c’est le soutien sans faille que lui apportent les appareils syndicaux par la concertation tous azimuts et les journées d’action ou temps forts tous orientés vers l’ouverture de “ bonnes négociations ”. Il est conforté également par l’orientation ultra droitière poursuivie jusqu’à présent par la candidate du Parti socialiste, Ségolène Royal. LES ENSEIGNANTS VEULENT RIPOSTER – CONTRE-FEUX DE LA DIRECTION Les enseignants mobilisés pour la défense de leurs statuts et le maintien des postes venaient d’imposer à leurs directions syndicales, et d’abord à la FSU, l’appel à la grève nationale du 18 décembre et le boycott du Comité technique paritaire ministériel. Depuis, l’agitation, les grèves et manifestations se poursuivaient, notamment dans la région parisienne, mais pas seulement, témoignant d’une recherche pour dresser toute la profession contre le gouvernement. L’appareil de la FSU a donc organisé le samedi 20 janvier un contre-feu sous la forme d’une manifestation nationale où avaient opportunément disparu tous les mots d’ordre des collègues comme le retrait du projet de décret De Robien, le maintien de tous les postes, etc… sans pourtant parvenir à éteindre le feu qui couve. Il fallait donc pour la direction de la FSU qu’elle jette tout son poids dans ce congrès pour éviter qu’il puisse servir de point d’appui aux personnels dans leur volonté d’affronter le gouvernement et maintenir à toute force et contre toute vraisemblance la ligne de la “ bonne concertation ”. C’est évidemment la raison pour laquelle le débat sur “ l’action ” fut renvoyé à la toute dernière demi-journée du congrès. Mais il lui fallait également éviter que le syndicat puisse servir de point d’appui pour la défaite de Sarkozy et de tout autre candidat d’un parti bourgeois aux élections présidentielles, comme composante essentielle du combat syndical. LA “ DYNAMIQUE ” DE LA SAINT-GLIN-GLIN Le secrétaire national Gérard Aschiéri a donc clairement donné le la dans son discours d’ouverture : pour l’action, les enseignants sont renvoyés à la journée d’action fonction publique du 8 février. Cette journée est convoquée par un appel intersyndical, dont la FSU, et s’inscrit dans une “ dynamique ” n’excluant pas d’autres temps forts ultérieurs. L’appel martèle sur l’exigence de “ véritables négociations ” sur les salaires, les services publics et leurs missions etc… ne dit pas un mot des revendications des enseignants et renvoie, en cas “ d’absence de réponse positive ” ( tu parles…) à d’autres suites à donner…sans doute après les vacances scolaires étalés sur février mars… ET LES ELECTIONS ? Sur les élections présidentielles, Gérard Aschiéri déclarait : “ Il ne s’agit pour la FSU en aucune manière de se laisser instrumentaliser, de faire des choix partisans, d’appeler directement ou indirectement à voter pour tel ou tel ; il ne s’agit pas inversement de faire des hommes ou des femmes politiques des syndicalistes ou des courroies de transmission du syndicalisme ”. En une phrase tout est dit : au nom de la sacro-sainte indépendance syndicale (qui n’a pas empêché la direction de la FSU d’appeler à voter Chirac au 2eme tour des présidentielles de 2002), pas d’appel à voter contre Sarkozy et les candidats des partis bourgeois pour les chasser du pouvoir, et pas non plus d’exigence en terme de revendications à l’attention des candidats des partis se réclamant du mouvement ouvrier. On retrouve ici la même orientation que celle défendue par la direction Unité Action animée par le PCF, appuyée, voire même tutorée dans certains syndicats de la FSU par la LCR dans la tendance Ecole Emancipée, pour interdire que la FSU appelle clairement à voter Non au référendum sur le TCE de 2005. La FSU, à l’instar de la CGT, se contentera donc d’interpeller les candidats, aussi bien les Sarkozy, Bayrou ( et pourquoi pas Le Pen ?) que Buffet ou Royal, etc… pour “ peser dans le débat public ”. Et peu importe le résultat, l’appareil feignant de croire qu’il pourra dans tous les cas continuer son petit bonhomme de chemin dans les cabinets ministériels et autres instances de concertation. L’OBJECTIF DE L’APPAREIL : S’INTEGRER AUX ROUAGES DU SYSTEME C’est d’ailleurs pourquoi un autre enjeu de ce congrès résidait dans l’objectif de l’appareil de poursuivre l’adaptation-intégration de la FSU dans tous les organes de collaboration de classes, aussi bien sur le plan des Régions par exemple que par l’adhésion souhaitée à la pseudo-intersyndicale européenne CES alors qu’elle ne fait pas P. 8/30 mystère de son total soutien au dispositif européen de liquidation des services publics, ou bien par l’adhésion à la pseudo-intersyndicale mondiale CSI dont la raison d’être est la légitimation de tous les organismes mondiaux au services des gouvernements capitalistes comme l’ONU. On est bien loin ici de l’état d’esprit des collègues exprimé dans les salles des professeurs, les bureaux ou les ateliers. L’orientation de la direction PCF-LCR de la FSU aboutit à écarter du syndicat les éléments combatifs et à ne sélectionner comme responsables qu’une couche de militants dont l’alpha et l’oméga, sinon la raison d’être, est l’assiduité à toutes les instances de participation avec les heures de décharge de service qui l’accompagne. Ainsi dans un tel congrès, moins on répond aux nécessités immédiates de la rupture avec la bourgeoisie et de la mobilisation contre le gouvernement et plus on fait, en guise de paravent, des phrases et des phrases sur les missions des services publics, voire l’altermondialisme, les OGM ou le réchauffement climatique, totalement déconnectées d’un combat réel. LE COMBAT DES TROTSKYSTES La délégation du courant Front Unique, dans lequel militent les membres du CCI(T), comptait 14 délégués sur quelques 600 congressistes dont l’immense majorité était d’une manière ou d’une autre solidement acquise à la direction. Il est impossible de rendre compte dans cet article de l’ensemble des motions déposées par les militants du courant Front Unique, mais il est significatif que ce soit les deux motions qui s’opposaient à l’orientation de la direction sur les questions les plus brûlantes, d’une part sur le retrait du projet de décret De Robien sur les services des enseignants du secondaire, d’autre part sur la position de la FSU sur les élections présidentielles, qui aient recueilli le moins de voix. Ainsi, le texte présenté par Front Unique contre le décret De Robien, que nous reproduisons plus loin avec sa présentation n’ a recueilli que 16 voix. Celui sur les élections présidentielles qui stipulait : - “ …Il faut tout faire pour battre les candidats des partis de la bourgeoisie( en premier lieu Sarkozy, mais aussi Le Pen, Bayrou, De Villiers)… - Le congrès de la FSU appelle les travailleurs à voter au premier tour pour les candidats présentés par les partis issus du mouvement ouvrier, selon le choix de chacun, et au second tour pour le candidat de ces partis éventuellement resté en lice. - Naturellement, un tel vote ne signifie en aucun cas soutien au programme de ces partis. - Le congrès de la FSU appelle à émettre son vote selon les mêmes critères lors des élections législatives… ” a recueilli 20 voix. D’autres motions ont connu une fortune un peu meilleure. Celle se prononçant pour l’abrogation de la loi de modernisation de la fonction publique et demandant que la FSU ne participe à aucune discussion pour sa mise en œuvre obtient 65 voix, celle demandant le retrait des troupes françaises du Tchad et de Centrafrique 58 voix etc. sans pour autant véritablement parvenir à menacer l’appareil. TROTSKY, STEPHANE JUST ET L’INTERVENTION SYNDICALE Pour en comprendre les raisons, il faut revenir à ce qu’expliquait Trotsky dans la brochure Les syndicats à l’époque de l’impérialisme et Stéphane Just dans sa préface : limitées en regard des tâches nouvelles que met à l’ordre du jour la mobilisation du prolétariat et ils englobent, sans les supprimer bien au contraire, les formes anciennes et traditionnelles (syndicats et partis) dont le rôle se renouvelle mais sans perdre de son importance…Lorsque les appareils bureaucratiques percevront en effet que les formes d’organisation soviétiques vont se constituer, ils prendront l’initiative de les construire, pour les contrôler, en prendre la tête, les dévoyer, les dénaturer, les impuissanter, et ultérieurement les détruire…Dans une grande mesure, la place qu’occuperont les militants révolutionnaires au sein des formes soviétiques lorsqu’elles surgiront dépendra de la place qu’ils auront su occuper précédemment à l’intérieur des syndicats. ” “ L’intensification des contradictions de classes dans chaque pays et des antagonismes entre les nations produit une situation dans laquelle le capitalisme impérialiste ne peut tolérer (c’est à dire à un certain moment) une bureaucratie réformiste que si cette dernière agit directement comme actionnaire, petite mais active, dans les entreprises impérialistes, dans leurs plans et leurs programmes au sein même des pays aussi bien que sur l’arène mondiale. ” Est-ce à dire que le combat des révolutionnaires dans les syndicats est vain et d’avance voué à l’échec ? Oui, assurément si l’on a l’illusion de croire que par leur seule activité, les révolutionnaires conquerront peu à peu la majorité dans les syndicats, mais pas si l’on se place du point de vue du développement de la lutte des classes. Stéphane Just écrit : “ Alors il devient évident que la constitution des comités de grève, des comités ouvriers, des soviets, ne surgit pas du néant. Ils sont tout à la fois dépassement des anciennes formes d’organisation du prolétariat devenues insuffisantes, beaucoup trop étroites et Ce sont les masses, dans un puissant mouvement révolutionnaire, qui feront le ménage dans les syndicats en jetant dehors les bureaucrates, mais elles ne pourront le faire qu’avec l’aide, l’appui et le relais des militants révolutionnaires implantés dans ceux-ci. L’issue de ce combat est inséparable et même déterminé avant tout par la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire. ETIENNE, le 10 février 2007. P. 9/30 MOTION CONTRE LE DECRET DE ROBIEN Le Conseil d’Etat vient de juger conforme le scélérat décret De Robien contre le statut des enseignants. Sa promulgation par le ministre est imminente. Les professeurs du second degré n’acceptent pas : la grève du 25 Janvier suivie à 40 % en Seine Saint Denis, malgré sa limitation au département, les tentatives de mobilisation des collègues dans les établissements, la grève dans plusieurs collèges de Marseille en témoigne. A quelques mois des présidentielles, dont le candidat commun UMP MEDEF a clairement indiqué qu’il entendait l’utiliser comme une rampe de lancement pour une nouvelle offensive contre tous les droits des travailleurs, (liquidation des droits à la retraite, liquidation de la carte scolaire, destruction de la législation du travail), le congrès national de la FSU offrait la possibilité d’organiser le combat pour défaire le gouvernement Chirac Villepin Sarkozy, lui faire rentrer dans la gorge son projet scélérat. C’est le sens de la motion présentée par le courant Front Unique au congrès national. Le congrès de la FSU : - Considérant que les mobilisations en cours montrent qu’il est encore possible d’arracher le retrait du projet de décret brisant les statuts de 1950 - Considérant qu’infliger une défaite sur cette question au gouvernement à moins de trois mois des élections présidentielle serait de première importance pour briser la vague d’attaques qui déferle contre tous les personnels (EPEP, etc.) - Décide d’appeler à la grève à une manifestation centrale et nationale, à Paris, au siège du pouvoir, dans l’unité des organisations syndicales sur le mot d’ordre de retrait du projet de décret de Robien, et ce avant le début des vacances de février. Il invite ses syndicats nationaux les plus directement concernés à faire de même. Le 2 février 2007. MOTION FRONT UNIQUE POUR LE RETRAIT DE LA LOI DE MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE (présentée à la CA du SNASUB des 16 et 17 janvier) Le projet de loi de modernisation de la FP discuté, amendé pendant des mois à travers le "dialogue social" est soumis au parlement en seconde lecture courant février. Ce texte constitue un nouveau pas vers le démantèlement des garanties statutaires, avec en particulier : Remise en cause de la grille Fonction Publique (plus de lien entre concours et diplôme notamment). Remise en cause du recrutement par concours au profit de la VAE généralisée. Suppression de la notation. L’avancement est apprécié au moyen d’un entretien professionnel. Le gouvernement entend par cette mesure généraliser l’avancement au mérite et la rémunération à la performance tout en remettant en cause l’existence des CAP privés de tout niveau de contrôle objectif. La CAN du SNASUB refuse tout dispositif conduisant à une individualisation des carrières, à la flexibilité des personnels et leur mise en concurrence. Elle rejette toutes les préconisations du rapport WEISS, reprises par le Ministre de la Fonction Publique , C. Jacob, en particulier celles proposant d’associer les organisations syndicales, ministère par ministère, y compris à l’échelon des établissements, à la mise en place de nouvelles règles d’octroi de primes ou de réduction d’ancienneté sur la base des objectifs réalisés par chaque agent. Elle se prononce également contre l’instauration de toute concurrence entre services ou établissements découlant d’une évaluation collective. Elle réaffirme l’exigence de l’abrogation du décret de 2002 instaurant l’évaluation-notation. La CAN se prononce pour le retrait du projet de loi de modernisation de la fonction publique, pour que la FSU reprenne cette position, rompe toute discussion avec le gouvernement sur sa mise en œuvre. Votes : Pour : 5 ; Contre : 9 ; Abstentions : 10 ; nppv : 1 P. 10/30 MOTION FRONT UNIQUE (présentée au congrès FSU de Lyon) Depuis 2003 avec la mobilisation en défense des retraites du public jusqu’à celle du printemps 2006 contre le CPE, depuis les élections régionales de 2004 jusqu’au référendum de 2005, la classe ouvrière et la jeunesse ont cherché la voie pour chasser Chirac, Sarkozy, Villepin et consorts du pouvoir, chasser leurs députés aux ordres et en finir ainsi avec leur politique. Les élections présidentielles vont avoir lieu en avril mai 2007. Elles seront suivies d’élections législatives. Chacun comprend l’importance de la bataille qui s’annonce : Comment barrer la route à Sarkozy dont l’élection signifierait des coups redoublés contre les salariés, les chômeurs, les jeunes, les immigrés ? Mais comment aussi empêcher, si Sarkozy était battu, qu’un gouvernement présidé par Ségolène Royal une fois élue mène la même politique que celle que nous avons connue précédemment sous Jospin et Mitterrand, celle des privatisations, des licenciements, de la décentralisation, de la poursuite des délocalisations, etc… ? POUR COMMENCER, IL EST INDISPENSABLE DE BATTRE SARKOZY Pour cela, la FSU appelle tous les personnels : A voter au premier tour pour le candidat du parti de leur choix se réclamant de la défense des salariés. A faire bloc au second tour derrière le candidat du parti issu du mouvement ouvrier le mieux placé, contre le candidat de la bourgeoisie. Pas une voix ne devra manquer. Pour autant, la candidate du PS, vraisemblablement la mieux placée pour figurer au second tour, affiche clairement sa volonté de poursuivre, et même d’aggraver, l’orientation qui fut celle des gouvernements Mitterrand, Jospin, en allant jusqu’à reprendre certaines des idées de Sarkozy ou de De Robien, comme sur la carte scolaire ou la remise en cause du temps de travail des enseignants. C’EST POURQUOI LA FSU ANNONCE CLAIREMENT DES MAINTENANT QU’ELLE PRÉPARERA, QUEL QUE SOIT LE RESULTAT DES ELECTIONS, LA MOBILISATION DE TOUS LES PERSONNELS DE L’EDUCATION NATIONALE POUR NOTAMMENT : L’abrogation de tous les dispositifs, mesures et lois réactionnaires prises par les précédents gouvernements dont la loi Fillon sur les retraites, la loi Fillon sur l’Ecole, la décentralisation des personnels et des missions, la remise en cause des statuts, le rétablissement des postes supprimés, etc… Le rattrapage de la perte du pouvoir d’achat et l’indexation des salaires sur l’évolution des prix, L'ouverture massive de postes aux concours. MAIS EST-IL POSSIBLE AUJOURD’HUI, NON SEULEMENT DE SATISFAIRE LES REVENDICATIONS DES PERSONNELS, MAIS AUSSI : de sortir de la misère des millions de travailleurs, d’empêcher tous les licenciements, les fermetures d’usines et les délocalisations, d’augmenter les salaires pour vivre correctement, de recréer les dizaines de milliers de postes supprimés pour faire tourner les écoles, les hôpitaux, les services publics, de donner un travail décent aux millions de chômeurs, aux jeunes des banlieues, aux étudiants diplômés voués par dizaines de milliers aux petits boulots et à la déqualification, de loger les familles à la rue, d’en finir avec le saccage quotidien de notre environnement, etc..., etc… SI L’ON NE PREND PAS DES MESURES RADICALES QUI ROMPENT AVEC LE CAPITALISME ? Les capitalistes trouveront toujours tous les arguments pour justifier au nom du profit et de la compétitivité indispensables que les dépenses publiques soient toujours plus réduites, que les attaques les plus dures soient portées contre les salariés et les jeunes. On ne peut prendre de mesures radicales sans rompre avec le capitalisme, son système, ses lois et son État qui le défend. LA FSU SE PRONONCE DONC POUR LA CONSTITUTION D’UN GOUVERNEMENT AU SERVICE DES TRAVAILLEURS, SANS REPRESENTANTS DE LA BOURGEOISIE, POUR PRENDRE LES PROBLEMES A LA RACINE EN S’ATTAQUANT AU CAPITALISME. P. 11/30 APRES LES MANIFESTATIONS DU 8 FEVRIER Nous reproduisons ci-dessous intégralement le texte publié par le Tendance Front Unique de la FSU, dans son n° du 13 février. Liquidation du décret de 50 : les enseignants n’acceptent toujours pas ! La défaite du gouvernement Chirac Villepin Sarkozy est entre les mains des dirigeants du SNES et des autres syndicats du second degré : QU’ILS APPELLENT A LA MANIFESTATION NATIONALE AU SIEGE DU GOUVERNEMENT ET A LA GREVE POUR S’Y RENDRE ! Le 8 février, les enseignants ont à nouveau montré leur disponibilité au combat Alors même que dans les mots d’ordre des fédérations, le mot d’ordre de retrait du décret De Robien avait disparu, alors même que dans les établissements, tombaient les dotations horaires globales intégrant déjà par anticipation l’application du décret, les enseignants du second degré en étant encore majoritairement en grève le 8 février l’ont indiqué avec clarté : ils n’acceptent pas le décret De Robien, la diminution de salaire, la bivalence, la suppression de l’ association sportive en EPS etc. Le gouvernement Chirac Villepin Sarkozy table sur le refus des directions syndicales d’organiser l’affrontement contre lui et c’est pourquoi dès le lendemain du 8, le ministère a annoncé la sortie imminente du décret. Et que propose la direction du SNES au soir du 8 février ? “ A chaque établissement son action anti- décret ” : grève du zèle, ajournement des examens blancs… actions unitaires au niveau du département, de l’académie ” L’intersyndicale ne dit pas autre chose : “ actions locales,… dans les départements et académies.. du 12 février au 9 mars initiatives communes ( grèves, manifestations, rassemblements, etc.) en liaison notamment avec les réunions des commissions techniques paritaires) ” Peut on gagner par une poussière d’actions locales, par des grèves dispersées et égrenées dans le temps, par des manifestations locales ? Tout le monde sait bien que non. Ce qui est nécessaire : c’est la manifestation centrale contre le gouvernement pour le défaire, et la grève pour permettre à toute la profession de s’y rendre. C’est ce que réclame à juste titre par exemple les professeurs du lycée Jean Jaurès de Montreuil réunis en Assemblée Générale : “ Les professeurs du lycée Jean-Jaurès de Montreuil (93), réunis en Assemblée Générale ce mardi 6 février, avec leurs sections syndicales FO et SNES instruits des conditions désastreuses dans lesquelles se prépare la rentrée 2007 pour leur établissement : une centaine d’heures supprimées pour un solde net de 42 élèves en moins ;imputant cette dégradation sur le compte de l’application par anticipation du décret de Robien sur les services des enseignants, notamment parce que la DHG prévoit la suppression de 45 heures de première chaire ; inquiets de l’imminence de la signature de ce décret ;appellent les collègues à participer massivement à la grève et aux manifestations du 8 février en défense de leurs revenus, de leurs conditions de travail et de leur statut tel que le garantit le décret de 1950. Ils décident de lancer un ultimatum à M. le Recteur au 6 mars pour qu’il restitue les heures soustraites à leur DHG, à l’issue duquel ils se rendront en masse ce jour-là au Rectorat pour les reprendre. Ils en appellent énergiquement à leurs instances syndicales pour qu’elles organisent le plus rapidement possible la grève avec manifestation nationale pour faire céder le Ministère : retrait du projet de réécriture du décret de 1950, restitution des heures aux établissements ! ” Serait-il possible par ailleurs de combattre pour le retrait du projet de décret de Robien et d’aller participer à la mise en œuvre dans les Comités Techniques Paritaires Académiques et dans les Conseils d’administration d’établissement des suppressions de poste et de la DHG ( dotation horaire globale), quitte à accompagner cette participation de déclarations de protestation solennelle dont le gouvernement n’a que faire ? Evidemment non ! La direction du SNES comme celle des autres syndicats du secondaire doivent donc appeler nationalement au Boycott de toutes instances de mise en œuvre du décret De Robien (CTP et Conseils d’administration) Telle est la voie qui permettrait d’infliger une défaite au gouvernement Chirac Villepin Sarkozy. La détermination des personnels fait que cette voie est encore ouverte mais il y a urgence. Les dirigeants annoncent “ un nouveau rendez vous unitaire à la mi mars ” ( intersyndicale), un “ prochain rendez vous national que la profession donnera au ministère de l’Education ” ( communiqué de la direction nationale du SNES. Pour sa part dans un tract national daté du 9 février le Syndicat Force Ouvrière des lycées et collèges se prononce “ pour la manifestation nationale dans l’unité au ministère ”. Il faut donc exiger que l’ensemble des dirigeants organisations syndicales du second degré appellent à la MANIFESTATION CENTRALE NATIONALE A PARIS AU SIEGE DU GOUVERNEMENT POUR LE RETRAIT PUR ET SIMPLE DU PROJET DE DECRET Et qu’ils appellent nationalement au BOYCOTT A TOUS LES NIVEAUX (CTP , CA) DE SA MISE EN ŒUVRE. P. 12/30 LE PARTI SOCIALISTE ET LES ELECTIONS 1ère Partie SEGOLENE ROYAL, LA CRISE DU PS ET SA NATURE Nous avons publié dans notre précédent bulletin un article substantiel de Vincent Présumey sur le “ Parti socialiste et la lutte des classes ” dans la période allant du 21 avril 2002 à “ l’opération Ségolène Royal ”. Nous pensons indispensable d’y revenir, pour deux raisons : 1. la situation a notablement évolué depuis cet article, rédigé fin octobre, c’est-à-dire avant l’investiture de celle-ci comme candidate du PS aux élections présidentielles ; 2. pour préciser nos positions lorsqu’elles diffèrent, par endroits, de celles de V. Présumey (rappelons qu’il s’agissait d’une Tribune libre), et en ce qui concerne le vote aux prochaines élections. Sur ce dernier point, disons tout de suite, pour éviter toute mauvaise interprétation de ce qui va suivre, que le CCI(T) appellera à voter, au second tour des présidentielles, pour la candidate du PS, si c’est elle qui est opposée au candidat de l’UMP. Ce qui n’empêche absolument pas de la soumettre, elle et son parti, à la plus totale des critiques. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas la présidence de la Vème République, c’est de préparer les combats de classe qui suivront. “ CAFOUILLAGES ” OU “ REPARTITION DES ROLES ” ? “ Trou d’air ” et “ cafouillages ” dans la campagne, “ tensions ”, “ rancœurs et règlements de comptes ”, “ doutes et inquiétudes ” des militants… Depuis la mi-janvier, la grande presse se fait la caisse de résonance de la crise qui bouillonne au Parti socialiste. Même si elle s’en délecte avec complaisance, il s’agit bien d’une réalité politique. Significative, nous y reviendrons plus loin. Le 19 décembre, François Hollande, interviewé par Le Monde, déclare : “ Nous reviendrons sur toutes les baisses d’impôt sur le revenu qui ont été accordées sur les tranches supérieures du barème. Nous nous remettrons au niveau de 2002. De même, nous supprimerons le bouclier fiscal. L’ISF doit jouer son rôle de cohésion sociale. (…) Il n’y aura pas de baisse du niveau des prélèvements obligatoires durant la prochaine législature. ” C’était, ouvertement, un engagement d’abrogation d’une partie des mesures fiscales des gouvernements UMP-UDF, et le contre-pied de leur orientation de baisse des impôts, au bénéfice des plus fortunés et des entreprises. Aussitôt, Jean-Louis Bianco, l’un des bras droits de Ségolène Royal (comme Shiva, elle en a plusieurs) est monté publiquement au créneau pour contrer cette déclaration. Le 7 janvier, réplique de Hollande : “ J’engage le Parti socialiste et j’indique la politique qui sera menée par la prochaine majorité parlementaire si la gauche gagne les prochaines élections. ” Le 11, il précisait en évoquant dans Le Parisien une hausse des impôts pour les salaires supérieurs à 4 000,00 € nets par mois. Et également : “ Je parle en tant que 1er secrétaire du Parti socialiste ”. Dès son retour de Chine, le 12, Ségolène Royal répond sèchement que de tels projets ne sont pas les siens : “ Il n’y aura pas d’augmentation des prélèvements obligatoires ” et “ il n’y aura pas de fiscalité nouvelle qui serait interprétée comme un élément qui décourage le travail et l’effort ”. Cela dit, “ je suis respectueuse de la liberté d’opinion (…) tout le monde a le droit de s’exprimer (…) l’important est de comprendre que la question fiscale est au service d’un projet national ”. Et comme le 1er dirigeant du PS n’a pas l’air de l’avoir plus compris que Monsieur “ tout le monde ”, elle fait appel à un de ses anciens adversaires, DSK, pour étudier la question. Celui-ci en rajoute aussitôt une louche : le 14, il estime nécessaire de baisser certains impôts, et déclare que François Hollande s’exprimait à titre personnel, pas comme 1er secrétaire du PS. Ainsi rappelé à l’ordre, celui-ci capitule le 15, en balbutiant quelques excuses (Le Monde du 17/1) et admet avoir parlé à titre personnel, tout en s’accrochant le 17 à son rôle : “ Moi, je défends le projet socialiste, je serai vigilant, non pour être gardien du dogme ou du temple, mais parce que c’est un atout ”. Ces détails ont leur importance, car, contrairement à ce qu’affirme Rebsamen (autre bras droit de Ségolène) et Hollande lui-même à plusieurs reprises, il ne s’agit pas entre lui et la candidate d’une “ répartition des rôles ”, mais d’un conflit au plus haut niveau entre deux lignes différentes. Nous reviendrons plus loin sur ses racines et son importance politique, mais on peut noter sans attendre que dès le 12 janvier, l’UMP en la personne de J.F. Copé avait de fait apporté son soutien à Ségolène Royal en engageant une polémique (truquée) contre Hollande et ses prétentions à augmenter les impôts des honnêtes travailleurs des classes moyennes. Dénonciation sur laquelle celle-ci a brillé par un total mutisme. MONTEBOURG S’AMUSE DANS UNE ATMOSPHERE DELETERE C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la “ plaisanterie ” transparente de Montebourg, et sa “ punition ”. Transparente parce que lancer que “ le seul défaut de Ségolène, c’est son compagnon François Hollande ” n’est pas une question de P. 13/30 “ vie privée ”. Ce n’est pas une déclaration d’amour à l’encontre d’un mari gênant. C’est la dénonciation d’une entrave politique à la liberté de Madame Royal. D’ailleurs son fils Thomas s’est chargé d’éclairer lourdement la chose : secours de la classe dominante, au cœur de cette contradiction, grosse de menaces pour lui, pour son personnel politique et pour son avenir à court terme. “ Je pense qu’avoir le 1er secrétaire du Parti socialiste avec soi dans cette campagne (…) est un avantage exceptionnel, sûrement pas un inconvénient. ” (Le Monde du 20/1) Montebourg, avec la fatuité du parvenu qui se croit tout permis, avait mis le doigt sur le boulet que traîne Ségolène, le PS qu’elle fait tout pour tenir à distance, mais qui résiste et dont elle ne peut pourtant pas divorcer, à ce stade. Dans le contexte éméché d’un repas de mariage, on aurait ri. Mais là, “ la formule envenime un climat déjà tendu au PS après le différend fiscal et les critiques sur la conduite de la campagne. ” (Le Monde du 20/1) Ségolène a rétabli “ l’ordre juste ” (sic) avec un coup de règle sur les doigts et en mettant le coupable à la porte jusqu’à la récré. Service minimum. Tout cela n’est pas fait pour alléger l’atmosphère morose où les sondages, si importants pour l’ascension de la candidate, retombent comme un soufflé 1. Où Mélanchon, de retour d’une candidature ratée dans la “ gauche de la gauche ” dénonce publiquement le ralliement de Chevènement, après celui des radicaux, et y voit la “ centralité ” de Ségolène Royal…tout en lui apportant son soutien. Où Strauss-Kahn lui-même, promu son auxiliaire contre Hollande, ne se prive pas de critiquer ses “ changements de ligne ” et ses déclarations au Proche-Orient et en Chine. Et où un membre du Bureau national du PS en communique les débats au Monde, en temps réel, en laissant sur la table son portable ouvert ! Or, ces débats témoignent, selon Le Monde du 18 janvier, “ dans le silence des uns et l’agacement des autres ”, “ des inquiétudes et des doutes ” sur la conduite de la campagne en dehors du parti, l’absence de “ discours politique ”, les propositions concrètes qui tardent trop. A quoi Ségolène répond par une future “ plate-forme présidentielle (qu’elle) souhaite assez courte (…) avec quelques mesures phares (…) mais pas question de faire un catalogue ” (c’est-à-dire un programme). Elle ajoute : “ C’est une conception du pouvoir ”. Et, selon Le Monde, “ ses derniers mots résonnent comme un avertissement : " Il ne faudrait pas qu’on ait une cohabitation, si vous voyez ce que je veux dire ". ” Une “ cohabitation ” ? C’est-à-dire deux lignes politiques au pouvoir. Lesquelles, sinon la sienne et celle de “ son ” parti ? Les tensions, rancœurs et règlements de compte entre clans ont toujours existé au PS, surtout en période électorale. Ce n’est pas avec les conditions d’investiture de Ségolène Royal qu’elles peuvent avoir diminué, mais ce n’est pas l’essentiel. La crise qui traverse aujourd’hui le PS est d’une autre importance politique. Elle est la conséquence du choix de Ségolène et de son orientation néo-gaulliste alors que les rapports politiques ont vu la classe ouvrière et les jeunes se mobiliser constamment pour balayer Chirac et ses gouvernements, et que leur combativité place le PS, roue de 1 A la question : “ Lequel des candidats prend le mieux en compte les préoccupations des catégories populaires ? ”, les réponses sont pour les ouvriers et employés interrogés : 19 % Sarkozy, 14 % Ségolène Royal. (Libération du 15/1). P. 14/32 LES RACINES DE LA CRISE ET LA NATURE DU PS La crise actuelle n’est pas issue du néant. Elle a une histoire, et Vincent Présumey a tout à fait raison de la faire remonter à la défaite essuyée par Lionel Jospin en 2002. Sans reprendre le panorama qu’il en a fourni, rappelons-en les différentes phases, en dégageant les lignes de force et leurs interactions. Classe ouvrière et jeunesse Parti socialiste 22 avril 2002 10 % des voix se portent sur des candidats “ d’extrême gauche ”, se réclamant du trotskysme Nombre accru des abstentions. Jospin est battu avec à peine 16 % des voix. Son programme, socialiste ”, est rejeté. nommément “ non Traumatisme au PS. Jospin choisit de le lâcher en plein désarroi. DSK, Hollande et tout l’appareil y répondent immédiatement par : “ Voter Chirac ”. Avec le PCF, ils réussissent à canaliser les manifestations spontanées qui suivent, sur la ligne du plébiscite pour Chirac. Aucune opposition interne. Des voix vont cependant s’élever pour imputer la défaite à la politique anti-ouvrière du gouvernement Jospin (la première est celle de Danielle Mitterand qu’on a pu voir, dans une rétrospective sur France 2, apostropher Lionel Jospin en ce sens, alors qu’il venait d’apprendre sa défaite !). Mouvements de convection dans les “ courants ”. Eclatement de la pseudo “ Gauche socialiste ” et constitution du NPS (Nouveau Parti Socialiste avec Montebourg, Dray, Peillon), qui perpétue le rôle de la Gauche Socialiste en protection de l’appareil ; de “ Nouveau Monde ” (Mélanchon, Emmanuelli) et de “ Forces militantes ” (Marc Dolez) sur une ligne de retour vers les “ couches ouvrières et populaires ” et Mai juin vers– la base2003 militante. Vague de grèves et de manifestations dès avril contre le plan Fillon sur les retraites. L’exigence de la grève générale gagne l’ensemble du mouvement entre avril et fin mai, posant la question du gouvernement. Le congrès du PS, le 15 mai à Dijon, accueille par une ovation le Secrétaire général de la CGT, voyant (à tort) en lui le représentant du mouvement en cours. Bloqué avec difficulté par les appareils, le mouvement témoigne de l’énorme potentiel de combat de la classe ouvrière. Avant celui-ci, le PS s’est prononcé pour les 40 annuités. Au congrès, sous la pression, il exige au contraire, le retrait du plan Fillon et de la décentralisation. Mais l’orage passé, il se contente de proposer des amendements, reconnaissant ainsi la majorité UMP, contre l’exigence politique des grévistes, et entérinant leur échec. La manœuvre ne suscite pas de remous au PS. L’ovation à Thibault semble avoir suffi aux courants de “ gauche ”. Les élections de 2004 Frustrée de sa victoire en 2003, la classe ouvrière n’a pas d’autre alternative que d’utiliser le terrain électoral. Son vote se traduit par un succès écrasant du PS aux régionales, prolongé aux cantonales et aux européennes. Les couches qui ont assuré le succès du PS n’ont pas voté pour son programme. Elles se sont servies de lui pour provoquer la défaite du gouvernement. Apparemment contraire au vote du 21 avril, celui de 2004 signifie que la classe ouvrière est prête à reprendre l’initiative. Elle va le montrer. Mais pour la direction du PS, pas question d’ouvrir une crise politique. Il faut attendre 2007. L’allégeance à Chirac entraîne que les élus vont appliquer la décentralisation rejetée par le mouvement de 2003…et par le congrès de Dijon. Les germes de la crise ouverte par le séisme du 21 avril semblent surmontés. Ils ne sont qu’étouffés. Le référendum sur l’Europe va le montrer. Le référendum sur l’Europe Il apparaît vite que dans leur majorité, travailleurs et jeunes rejettent dans le TCE l’Europe des capitalismes contre les acquis des travailleurs. Et qu’ils n’entendent pas plébisciter Chirac une seconde fois quand il décide son référendum. La situation imprévue au PS est suivie avec attention et nourrit la discussion dans les syndicats et les couches qui lui ont refusé leurs voix le 21 avril. Janvier 2005 : grève massive des fonctionnaires, mobilisation des jeunes contre la 2ème loi Fillon. Le 10 mars, un million de manifestants. Le PS a fait, dès le départ, du soutien au projet de traité sa position officielle. Le PS n’entend pas ouvrir une crise politique. Chirac doit gouverner jusqu’en 2007. L’UMP seule ne peut lui garantir la victoire du OUI : il doit donc pouvoir compter sur le PS. En même temps, la moitié de l’appareil et des élus voient dans le piège d’un nouveau vote pro-Chirac la promesse d’une nouvelle défaite dévastatrice aux élections. Les trois courants formés après le 21 avril se prononcent pour le NON. La direction engage tout son poids et décide un référendum interne, qui donne, en novembre 2004, 60 % pour le OUI. Le débat sur le TCE prend de l’ampleur dans les syndicats. Les cheminots CGT se prononcent pour le NON, ainsi que le SNESup et de nombreux départements FSU. Tournant décisif : contre la direction et malgré les 60 %, Mélanchon, Dolez puis Emmanuelli, suivis de Fabius, rompent la discipline et engagent une campagne publique pour le NON. A la CGT, Thibault est battu au CCN, qui se prononce “ pour le rejet du TCE ”. Montebourg et Peillon, bientôt thuriféraires de Ségolène Royal, se couchent devant la “ majorité ”. Les comités pour le NON, nés dans les mois précédents, se multiplient. Les partisans du NON au PS s’engagent également dans la constitution de comités. Le 29 mai, le NON l’emporte : défaite de la bourgeoisie, de Chirac, du gouvernement, et de la direction du PS. C’est cette défaite et ses suites qui vont provoquer l’appel à la “ rénovatrice ” Ségolène Royal. Mais ce qui précède permet auparavant d’éclairer la question de la nature du PS aujourd’hui, importante pour les prochaines élections. LE PS PARTI “ OUVRIER – BOURGEOIS ” … Le camarade Présumey posait correctement la question : “ Le PS est-il un parti ouvrier, certes bureaucratisé et soutenant la société bourgeoise, mais toujours susceptible d'être utilisé par la classe ouvrière dans son combat, ou est-il devenu, à l'image de beaucoup de ses dirigeants, un parti 100 % bourgeois, comme les démocrates nord-américains ou les chrétiens-démocrates européens ? ” Le tableau qui précède, malgré son caractère schématique, montre clairement comment la crise actuelle du PS se noue dans ses relations avec le mouvement de la classe ouvrière, dans ses différentes phases de 2002 à 2005. C’est une nette illustration de ce qui constitue sa nature et plus généralement celle de la social-démocratie depuis le début du XXème siècle. Une démonstration impossible, par exemple, pour le MRG et le MDC, pour ne rien dire de l’UDF. On ne peut comprendre et définir cette nature à partir de données sociologiques. Présumey note qu’à la lumière de la victoire du NON, les 60 % de OUI au référendum interne “ traduisaient là le décalage existant entre les adhérents du PS et sa propre base sociale et électorale, et le fait que beaucoup de ces adhérents sont plus "arriérés", inconscients voire droitiers que la majeure partie de cette base, conséquence des politiques anti-ouvrières pratiquées ou soutenues par le PS depuis des années. ” On peut dire, pour être plus précis, que ce n’est pas la composition sociale du PS qui le rattache à la classe ouvrière. Elle est depuis longtemps profondément petite-bourgeoise. Le nombre d’ouvriers y est aujourd’hui extrêmement faible, et la proportion de salariés, au sens large (employés, enseignants, cadres) n’est pas significativement différente de celle des partis bourgeois. Ce qui frappe, par contre, par rapport à son histoire, c’est l’extrême dépolitisation, voire l’ignorance complète de ses racines historiques. Surtout (et ceci explique cela), le PS comme parti “ électoral ” est organiquement lié, par mille canaux de gestion, de carrières personnelles, de culture des “ pouvoirs ”, avec la société bourgeoise, et indélébilement marqué par son idéologie. Ses objectifs, sa raison d’être, sont fondamentalement le maintien de l’ordre bourgeois, de la légitimité du marché, du capitalisme, des gouvernements, et son programme, sauf virages tactiques éphémères (le congrès de Dijon, par exemple) est tout entier déterminé par ces objectifs. … SES CONTRADICTIONS … Mais en même temps il n’existe qu’à travers ses liens avec les travailleurs (à la différence des partis cités plus haut). Electoralement d’abord : sa base principale est le vote des ouvriers, employés, fonctionnaires (dont les enseignants, particulièrement en France). Les exemples de 2002 et 2004 l’illustrent. P. 16/32 Historiquement, ensuite, car ceux-ci, faute de pouvoir se grouper autour d’un parti ouvrier révolutionnaire porteur de leurs seules aspirations fondamentales, ont été contraints depuis les années 30 d’utiliser les vieilles organisations bureaucratisées, malgré les innombrables trahisons et les affichages programmatiques, pour marquer des points contre la bourgeoisie, en articulation avec leur combat spontané sur leur terrain de classe. Illustrations en 2003, 2004, 2005 (… et 2007 ?) où l’on a vu comment ce combat s’est réfracté au sein du PS. Il faut noter que la décomposition des partis staliniens après le rétablissement du capitalisme dans l’ex-URSS a laissé en France le PS occuper seul la place d’un instrument à leur disposition. Celui-ci est donc écartelé, comme tout parti social-démocrate, entre la défense de l’ordre bourgeois (et donc du gouvernement Chirac) et le danger de se faire hara-kiri en se coupant de sa base sociale électorale. Les ébranlements qui en résultent peuvent l’amener à le faire (la SFIO de Guy Mollet face à la guerre d’Algérie, par exemple). La victoire de la bourgeoisie qui s’en suit (Vème République, De Gaulle) se traduit habituellement par un recul, plus ou moins profond, de la résistance du prolétariat. En 2004-2005, la réaction des partisans du NON a bloqué cette éventualité. … ET LE VOTE AUX PROCHAINES ELECTIONS Ceux qui ne comprennent pas, par sectarisme ou par pensée mécaniste, cette nature contradictoire des “ partis ouvriers-bourgeois ”, ou la nient, en arguant de sa composition, de ses trahisons, de ses positions, etc… font abstraction de la dialectique réelle, concrète, du combat pratique des masses exploitées. Ils préfèreront, au second tour des présidentielles et législatives, s’abstenir de voter pour les candidats du PS. Nous appellerons, quant à nous, en particulier sur la base du bilan ci-dessus des années 2003-2006, à voter pour le PS, “ parti ouvrier-bourgeois ”, pour une nouvelle défaite de la bourgeoisie, pas en avant pour les combats à venir. Nous ne nourrissons pour autant aucune illusion sur celui-ci, ni sur ses diverses composantes politiques. Et ce ne sont pas le contenu et les circonstances de “ l’opération Ségolène ” qui nous détromperont. En particulier parce que celle-ci, pour exorciser les dangers que la direction pro-chiraquienne du OUI vient d’essuyer, vise ni plus ni moins qu’à liquider ce qui constitue précisément le PS comme parti “ OUVRIER-bourgeois ”. Fût-ce au prix d’une machination suicidaire, offrant à Sarkozy des chances inespérées de victoire aux élections d’avril-mai. P. 17/32 2ème Partie LE CONTENU POLITIQUE DE L’OPERATION SEGOLENE ROYAL DES TENTATIVES RECURRENTES L’opération Ségolène Royal s’inscrit dans une tradition récurrente de tentatives “ droitières ”, visant selon des modalités diverses à transformer le PS en parti bourgeois “ de gauche ”. Le camarade Présumey l’a suggéré en faisant référence au courant des “ néo-socialistes ” d’avant-guerre, exclus de la SFIO, et aux ralliements ultérieurs au pétainisme. Mais, plus proches de nous, d’autres tentatives ont concerné (et concernent encore) le Parti socialiste actuel. Voici ce qu’en écrivait à l’époque le “ Comité pour la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire ”, sous la plume de Stéphane Just (nous avons souligné les termes directement en rapport avec la situation présente) : Le 20 septembre 1994, sous le sous-titre : LES NAUFRAGEURS DU PS : “ La politique que Michel Rocard a imprimée au PS aggravait encore celle que le PS avait suivie précédemment, abandonnait plus encore le PS à la bourgeoisie, ses organisations, ses partis. Pour tout dire : ce fut l’application de l’orientation du “ big bang ” du PS que Michel Rocard avait annoncée dès avant les élections de mars 93 ; une politique allant au nom du renouveau, vers la liquidation de ce parti. Le résultat est là. Une crise vitale est ouverte dans le PS. En tous cas, le PS est hors course par rapport à l’élection présidentielle. Mais les naufrageurs du PS se maintiennent sur leur ligne. Pour eux, le PS devrait servir de tremplin à une candidature Delors à la présidence de la République, lequel Delors n’est pas encore candidat mais déclare être “ être au-dessus des partis ”, être “ une personnalité politique indépendante ”. La comptabilité additionnant, au nom de “ la gauche ”, les voix et pourcentages obtenus aux élections européennes par le PS, le PCF, le MRG (Tapie) va dans le sens du soutien à une candidature Delors. Cependant pour vaincre, celui-ci devrait capter des voix “ centristes ” et faire ce qu’il faut faire pour cela, c’est-à-dire développer une politique qui se situe exactement sur le même terrain que celui où se situent les organisations et partis bourgeois, c’est-à-dire une politique destructrice et liquidatrice du PS. ” 2 2 Rapport à la VIIIème Conférence. Edition des Conférences du Comité p. 565. P. 18/32 En mai 1996, sous-titre : LE SOCIALISME : UNE REFERENCE PROHIBEE Après une analyse de la modification des statuts du Labour Party, “ fondé historiquement par les syndicats ”, conclue par : “ Rompre ce lien, c’est contribuer à le détruire comme parti ouvrier ” : “ Au sein du parti socialiste français, des offensives liquidatrices analogues ont été conduites à plusieurs reprises ; sans être nécessairement couronnées d’un succès immédiat, ces différentes offensives (incarnées en particulier par Rocard, puis Delors, maintenant par Jospin, Aubry…) ont affaibli le PS comme parti ouvrier et mis le PS en situation d’être, plus ouvertement qu’il ne le fut jamais, le relais dans le mouvement ouvrier de l’offensive de la bourgeoisie. CPS d’août 94 écrivait ainsi, après l’échec de la dernière tentative de Rocard : remplacé par Jospin à la direction du PS, etc… tout cela va dans le sens de la destruction du PS au profit d’un “ rassemblement à gauche ”. Mais il n’y a aucune place pour un tel rassemblement. La force du PS, ce fut d’occuper la place que laissait vide l’ex-SFIO, d’apparaître aux yeux des masses ainsi qu’un parti réformiste traditionnel. Sa défaite électorale vint du fait qu’il s’est mis entièrement au service de la bourgeoisie en crise, de l’impérialisme français décadent. Il n’y a pas de base de masse pour un “ rassemblement de la gauche ” tentant de concurrencer les partis bourgeois déjà en place pour la défense du régime capitaliste. “ L’éviction de Rocard permet d’affirmer que sa tentative de liquider le PS a échoué. Mais la crise est ouverte. C’est désormais dans le soutien à une candidature Delors à la présidence de la République que se sont rassemblés les naufrageurs du PS. ” L’offensive des liquidateurs du PS n’en continue pas moins, sous des formes diverses, car il s’agit d’adapter le PS aux exigences présentes d’un impérialisme en crise : que le PS contribue à la remise en cause de tous les acquis de la classe ouvrière par le désarmement politique de celle-ci. Tel est le rôle du premier des trois documents programmatiques adopté à la quasi-unanimité par le conseil national du PS dans la perspective des prochaines élections. Il s’agit d’une offensive brutale contre toute perspective – même lointaine, même “ gradualiste ” – de socialisme : il ne doit plus y avoir pour la classe ouvrière d’autre avenir que le capitalisme. De fait, c’est bien cette opération qui fut conduite jusqu’à la désignation par le PS de Delors comme son candidat. Finalement, c’est Delors qui s’est désisté, mesurant l’hostilité de la classe ouvrière. Mais le PS fut affaibli politiquement par cette désignation comme il le fut peu de temps après par la manière dont Jospin fut désigné candidat du PS à l’élection présidentielle. Le mépris du candidat Jospin pour le programme du parti socialiste, la teneur de son propre programme à la remorque de celui de Chirac, l’éviction d’Emmanuelli Et plus loin : De telles avancées programmatiques, ou de telles précisions (car, sur le fond, elles ne sont pas tout à fait nouvelles pour le PS) constituent autant de coups contre le Parti socialiste et contre la classe ouvrière. Elles facilitent l’offensive de la bourgeoisie contre les acquis de la classe ouvrière dans la mesure où il est beaucoup plus difficile de combattre si toute perspective – même vague, même sur la base d’illusions parlementaristes – d’en finir avec le capitalisme leur est retirée. En évacuant systématiquement la notion de socialisme, de classe ouvrière, etc… les partis sociaux-démocrates contribuent de manière importante au désarmement de la classe ouvrière. 3 Rapport à la IXème Conférence – Edition des Conférences du Comité p. 645-646. 3 P. 19/32 Aujourd’hui Rocard et Delors n’ont pas changé : ils soutiennent naturellement Ségolène Royal. UN “ PRODUIT ” PROMOTIONNEL Comment la promotion de celle-ci a-t-elle été possible ? Vincent Présumey insiste avec raison sur son aspect “ marketing ”, sur la “ campagne sans précédent de tous les médias et instituts de sondages, répétant en l'amplifiant les procédés rodés (sans succès alors) dans la campagne pour le Oui à Chirac ”, concoctée par “ énarques et publicistes ”… Tout cela est vrai, et permet de caractériser Ségolène Royal pour ce qu’elle est : l’instrument d’une offensive de la bourgeoisie dans et contre le PS, pour sa liquidation comme tel. Mais cela ne permet pas de comprendre son articulation avec les remous qui ont précédé, les rapports de force au sein du PS, et leur aboutissement fin janvier. Il faut pour cela en revenir aux lendemains de la victoire du NON. Après une telle défaite de la direction, la crise au sein du PS prend un tout autre visage. APRES LA VICTOIRE DU NON : CAPITULATION DES OPPOSANTS LA “ VOIE ROYAL ” EST OUVERTE Sans aller jusqu’à demander à Hollande de suivre l’exemple de Jospin, une opposition cohérente aurait dû contester sans délai le maintien de la direction désavouée. Mais cela supposait également au moins une prise de position nette pour chasser Chirac et son gouvernement, également désavoués par l’échec de son plébiscite,. Or, aucun des tenants du NON n’avait jamais, à notre connaissance, soutenu cette ligne, étrangère au légalisme social-démocrate : ni en 2002, ni en 2003, ni après les régionales, ni lors des mouvements de 2005. Leur horizon reste le même que celui de Hollande : les élections de 2007. Seul, Dolez demande timidement à celui-ci de “ remettre son mandat ”. Pour Fabius, “ l’affaiblissement de Chirac ne doit pas affaiblir la France ”, et c’est à celui-ci qu’il donne mandat pour négocier le traité européen. Hollande, lui, n’entend pas subir la situation. Pour la redresser, il doit d’abord museler les opposants. Leur veulerie lui facilite la tâche. Mais elle ne suffit pas : le 4 juin, Fabius est exclu de la direction, sans réaction notable, et un congrès de “ clarification ” aura lieu à l’automne. celui-ci se termine sur une synthèse des différentes motions, c’est-à-dire “ la préservation de l’appareil existant, et au-delà, la préservation des rapports sociaux en place ”. Il faut dire que cette synthèse n’était pas trop difficile, malgré le caractère absolument réactionnaire de la motion Hollande : aucune abrogation des lois chiraquiennes, lois Fillon et décentralisation inclues ; poursuite de la destruction des acquis sur retraites, S.S., statut des enseignants, formation ; régionalisation, “ sécurité sociale professionnelle ”, “ démocratie participative ”, “ association des sympathisants à nos décisions ”, ce qui anticipe sur la “ méthode Ségolène ” (il l’applique d’ailleurs sans attendre et fait adopter la campagne “ d’adhésions ” sur Internet et au rabais avec droit de vote et sans obligations militantes, ce qui vise à introduire l’effet de la campagne médiatique dans son investiture au PS). Le programme proposé par Fabius, qui pense avoir besoin d’un PS réunifié pour sa candidature, n’est pas fondamentalement différent du précédent, sinon par son opposition à la “ dissolution ” du parti et la nécessité du soutien et de la mobilisation populaire. Celui-ci risque d’être mouvementé : l’éviction de Fabius n’a obtenu que 99 voix sur 200 membres du conseil national, et DSK entend combattre “ le bloc néo-communiste ” constitué par “ le NON de gauche ”. Mélanchon rejoignant Emmanuelli dans son virage à 180 °, seul, Dolez restera en dehors de la synthèse en se référant à certaines abrogations nécessaires et aux liens avec les couches populaires. Hollande doit donc mettre le parti “ en ordre ” pour les élections et pour leur suite, en empêchant de nouvelles indisciplines. Il va y être puissamment aidé par Emmanuelli, et Présumey insiste longuement sur son rôle au congrès pour que A partir du congrès de Mans, où Ségolène était invisible et inaudible, comme plus tard dans l’élaboration et l’adoption en juillet 2006, du “ projet ” mis en chantier par celui-ci, la capitulation des “ opposants ” ouvre “ la voie Royal ”. LA “ METHODE SEGOLENE ” On verra plus loin ce qu’il faut penser des conditions de son investiture. L’examen préalable de sa méthode et de ses positions n’y sera pas inutile. Ségolène Royal va plus loin que Rocard et Delors dans la liquidation de toute référence au socialisme. Formellement, Rocard et Delors, appuyés sur un solide passé politique sous cette étiquette (bien que plus lâchement pour Delors), se présentaient encore avec cette référence. Ce n’est plus le cas pour Ségolène jusqu’au début février où elle sera obligée de “ gauchir ” ses propos. On a vu chez elle du “ populisme ”. C’est à la fois juste et faux ou plus exactement insuffisant. Juste parce que ses discours, son vocabulaire, ses idées (dans la mesure où elle en a) flattent “ le peuple ”, l’opinion qu’elle a “ écoutée ”, la “ base ” qu’elle entend rassembler, par ses “ mots ” simples et de bon sens, “ les leçons qu’elle donne ”, etc… jusqu’à l’écoeurement. Cela va au-delà des procédés d’une habituelle démagogie, et il s’agit bien d’une ligne politique. Insuffisant parce qu’il faut mettre celle-ci en relation avec deux mystifications : La première, c’est de s’appuyer sur le rejet populaire du gouvernement et de son personnel politique, en le dévoyant dans un rejet “ des hiérarchies ”, des “ élites politiques ”, “ qui nous assènent ce qu’il faut penser ”, de leur machisme, etc… ce rejet incluant les représentants du PS. Un rejet dont elle fait la base essentielle du “ changement profond que réclament les gens ”. Cet apolitisme affiché va bien plus loin, P. 20/32 dans le désarmement idéologique, que ce que Stéphane Just dénonçait chez Rocard et Delors. la vacuité de tout ce qui, dans ses discours, se rapporte à un “ programme ” possible. Un flot continu de lieux communs, de phrases toutes faites, d’abstractions moralisatrices qui peuvent signifier tout et rien. L’accumulation en est prodigieuse, par exemple dans sa déclaration de Melle, après sa victoire : “ ne pas décevoir ceux qui espèrent…la France peut reprendre la main…croire en elle…la France a bougé…la politique doit changer…la réalité de la vie “ des gens ”…le citoyen est le mieux placé pour “ faire le diagnostic ” de sa vie…prendre son existence en mains…solidarités et garanties collectives à construire… idées neuves… gravir la montagne…demandez-vous ce que vous pouvez faire…affronter les mutations…ordre juste, désordres injustes…énergies positives… libertés nouvelles à inventer…une cause plus grande que nous… ”. Son discours au congrès “ d’investiture ” est encore pire s’il se peut. Le Monde, sarcastique, l’a vue avec raison tantôt prêcheuse, tantôt maîtresse d’école maternelle (“ si vous faites bien ce que je vous demande ”). La seconde mystification, corollaire de la première, c’est Jamais aucun dirigeant socialiste, aussi véreux soit-il, n’a été aussi loin et aussi cyniquement dans une entreprise de décervelage, contre toute conscience politique, et à plus forte raison contre toute conscience de classe. Faut-il dire que ses propos, sauf exceptions obligées, évitent soigneusement tous les termes qui pourraient leur donner une coloration non pas de classe, mais même “ socialiste ” au sens réformiste ? LE “ PROJET SEGOLENISTE ” Ségolène Royal s’enorgueillit de n’avoir “ pas de doctrine ”, et invoque “ le pragmatisme de Jacques Delors ”. De fait, les idées qu’elle lâche au hasard des questions et des situations peuvent donner l’impression qu’elle ne se soucie guère de réflexion et de cohérence. Ses dérapages, redressés tant bien que mal par ses conseillers voire par François Hollande lui-même, semblent le confirmer. La posture “ gaullienne ” qu’elle se donne, sous des dehors “ d’écoute ” et de dialogue, la dispense de tout programme. Le “ chef ”, dans sa “ démocratie participative ”, choisit ce que bon lui semble, en fonction de ses idées, quand les problèmes se posent. 4 Ainsi en est-il du “ projet socialiste ”, qu’elle ne tient que comme l’un des rapports qui peuvent par ci par là lui être utiles. D’autant plus que son “ pragmatisme ” n’exclut pas une orientation politique. Vincent Présumey en a donné, fin octobre, un résumé frappant : “ Ces positions mises bout à bout constituent un programme anti-ouvrier et anti-démocratique caractérisé : syndicalisation obligatoire, fiscalisation de toutes les "charges patronales", militarisation de la gestion des "jeunes délinquants", réaffirmation du rôle de la famille comme "lieu de transmission des interdits", encadrement étatique des familles "incapables", assouplissement de la carte scolaire, régionalisation à outrance, gestion régionale de l'immigration et des cartes de séjour, recrutement des enseignants établissements par établissements, refus de toute régularisation massive des sans-papiers, son programme est on ne peut plus explicite. ” On peut depuis en ajouter d’autres, en vrac : Sur l’Europe : un nouveau référendum, avec “ volet social ” ; sur la fiscalité, on a vu plus haut ses démêlés avec François Hollande ; “ sécurité sociale professionnelle ” c’est-à-dire destruction du code du travail ; sur les sans-papiers : “ ce n’est pas une priorité ” ; sur l’économie et l’emploi : protéger “ notre marché ”, réconciliation avec l’entreprise, contre les licenciements “ de confort ”, “ inciviques, qui ne correspondent pas à la réalité économique ” ; décentralisation renforcée pour l’environnement, la recherche, les universités, l’ANPE ; sur la “ valeur travail ” : “ c’est la principale bataille idéologique ”, “ au cœur des valeurs de ma plate-forme ” 5 ; 35 heures par semaine pour les profs…et la remise en cause de la limitation du temps de travail à 35 heures !; sur la politique étrangère, elle est “ en phase avec celle de Chirac ” et d’accord avec Bush sur l’Irak “ qui se redresse dans la démocratie ”… Quant au problème Israël-Palestine, elle ne conteste pas “ le mur de séparation ” mais “ il y a un problème sur le tracé de ce mur ” (le tracé !). “ Quand c’est nécessaire pour la sécurité, une construction (une construction !) est justifiée, encore faut-il que les choses se passent en bonne entente (en bonne entente pour l’apartheid !!!) ” (Le Monde du 5/12/06) Qu’ajouter d’autre ? Sinon que le “ projet ” ségoléniste, même si, depuis, les réactions qu’il provoque dans le parti et autour l’amènent à “ gauchir ” et arrondir les angles, est franchement bourgeois réactionnaire, au point de paraphraser parfois les discours de Sarkozy. V. Présumey a fourni une excellente analyse de la “ démocratie participative ” comme moyen de destruction de la pure et simple démocratie ouvrière. 4 5 Elle se défend d’y mettre le même contenu que Sarkozy, mais elle l’assortit de “ l’effort opposé à l’assistanat ”. P. 21/32 LES RESISTANCES C’est pourtant cette ligne qui a été avalisée par une majorité de plus de 60 % lors du vote d’investiture : 107 749 voix sur 178 632 votants. On peut se poser la question : comment 100 000 “ socialistes ” en sont-ils arrivés là ? C’est que les résultats de l’offensive des “ royalistes ” sont bien l’expression de la crise profonde du PS (avant de l’aiguiser encore en janvier), mais ils lui donnent un nouveau développement, sous une autre forme. Leur réussite par la campagne “ marketing ”, à elle seule, n’explique pas un tel chiffre. Elle a d’ailleurs suscité des résistances, et on aurait pu croire que l’adoption du “ projet ” du Parti le 1er juillet 2006 avait marqué un échec de celle-ci. Il y a en effet une différence entre un tel programme, réformiste parlementariste classique, d’un parti ouvrier-bourgeois, si dégénéré soit-il, et la ligne tendant à le liquider (voir ce qu’en expliquait Stéphane Just dans les extraits cités plus haut). Mais l’opération n’en était alors qu’à ses débuts et quel que soit son contenu, ce “ projet ” n’avait aucune importance pour Ségolène Royal. Il n’intéressait d’ailleurs personne. Il était simplement l’aboutissement de l’unité retrouvée. Et donc de la capitulation d’Emmanuelli, le raccommodeur d’appareil, de Fabius et consorts. Présumey évoque la résistance des MJS, bêtes noires de Ségolène, encouragés par leur rôle dans le combat et la victoire, en avril-mai, contre Villepin sur le CPE. Il évoque aussi celle de Jospin, renonçant à “ se retirer de la vie politique ”, juste le temps d’un nouveau camouflet. Mais il apparaît vite que les plus dangereuses pour Ségolène Royal sont celles conduites par Strauss-Kahn et Fabius. La principale raison de ceux-ci est évidemment, avant toute question de programme, la menace qu’elle fait peser sur leurs ambitions personnelles de présidentiables. Cela ne veut pas dire que leur opposition soit sans contenu politique. Tous deux sont opposés, chacun à sa manière, à une “ nouveau PS ”, et pour sa préservation en tant que parti ouvrier-bourgeois : DSK au nom d’une social-démocratie à l’allemande et Fabius pour un retour à une sorte de mitterrandisme se souvenant d’Epinay (mais plutôt de l’Union de la gauche – Front populaire que de la “ rupture avec le capitalisme ” invoquée alors par Mitterrand). Fabius, rappelle Présumey à juste titre, “ ne souhaite pas menacer la Vème République, ni ouvrir la voie au mouvement des travailleurs, mais pour s’imposer, il est contraint de cristalliser autour de lui les forces qui, en 2005, ont fait basculer la situation ”, c’est-à-dire celles du NON au TCE. Il est le plus clair et le plus constant défenseur du “ projet ”, c’est-à-dire en fait du parti, contre le présidentialisme gaullien de la madone Ségolène. Mais nous ne sommes plus en 2005. A cette date, Fabius s’était intégré à une offensive contre Chirac et le gouvernement, appuyée sur la majorité de la population laborieuse. Mais une capitulation est une capitulation, et elle se paie. En automne 2006, il est en défensive, face à la contre offensive de la bourgeoisie au sein du PS. Comme DSK, d’ailleurs. Le NON avait obtenu entre 55 et 71 % selon les catégories populaires. A l’heure du choix, la confiance des adhérents pour Fabius se réduit à 18 %, DSK, éminent représentant du OUI, n’en bénéficie pas pour autant. C’est Ségolène Royal qui rafle la mise. Son score n’est cependant pas triomphaliste et reste d’ailleurs incertain jusqu’au bout. Les 40 % obtenus par ses deux rivaux ne sont pas négligeables. Ils reflètent l’état du rapport de forces dans la crise du PS à cette date et ce qu’ils vont en faire est alors décisif. Or qu’en font-ils ? Rien. Ils font allégeance à leur tour au “ vote utile ”. Mais quel est le contenu politique de celui-ci ? UN VOTE “ UTILE ” ? Les motivations invoquées pour expliquer ce vote sont diverses, et sans doute complexes : le désir de voter “ utile ”, c’est-à-dire pour la candidature offrant la meilleure chance de victoire sur Sarkozy et l’UMP ; dans ce cadre, l’influence des sondages plaçant Ségolène Royal en tête et renforçant l’aspiration des travailleurs à y parvenir ; en corollaire, le scepticisme, voire l’indifférence pour les programmes et les discours des candidats (y compris ceux de Ségolène Royal), occultés par la recherche d’une victoire tactique, réservant les choix d’avenir pour plus tard ; l’ouverture du parti par la “ promotion Ségolène ” à 20 balles, noyant les militants et les structures traditionnelles du PS sous un flot d’adhérents indifférents à la “ doctrine ” (les adhérents passent de 127 414 à 220 269 au moment du vote. A Paris, de 9 000 à 18 000). La part de ces divers facteurs est difficile à évaluer. Par exemple, en ce qui concerne le dernier, Présumey en souligne l’incertitude par le caractère “ sociologique ” hétérogène des nouveaux adhérents, depuis des “ bobos branchés ” jusqu’aux “ jeunes anti-CPE ”. Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel c’est le sens politique de cette manœuvre, qui n’avait pas d’autre but que d’accroître le poids de la bourgeoisie et des sondages mystificateurs dans le scrutin, et non celui de la classe ouvrière. Hollande et ses amis n’en auraient pas pris le risque s’ils avaient pensé intégrer en masse les électeurs du NON (ce qu’Emmanuelli, Fabius, etc…ont peut-être cru…). Que cela ait plus ou moins réussi est une autre question. Il faut aussi apprécier politiquement la signification du vote “ utile ”, dans ces circonstances, internes au PS. Les travailleurs, lorsqu’ils votent pour les partis ouvriers-bourgeois, bureaucratisés, collaborationnistes, traîtres, organiquement anti-ouvriers (et ouvertement à l’occasion), ne le font pas par allégeance à leur programme, qu’il s’agisse du PCF à son époque glorieuse ou du Parti socialiste aujourd’hui. Ils le font par référence aux racines historiques de ces partis et parce qu’ils n’ont pas d’autre choix pour défaire les candidats de la bourgeoisie. C’est ce qui se passera sans doute aux 2 èmes tours des prochaines élections, où ils voteront majoritairement PS, c’est-à-dire “ utile ”, c’est-à-dire Ségolène Royal. C’est également ce à quoi nous appellerons. P. 22/32 …A LA BOURGEOISIE Mais ici, il ne s’agissait pas d’un vote pour ou contre Sarkozy mais pour Ségolène Royal, DSK ou Fabius. Il est évident que tous les votants, avec des options différentes, pensaient agir dans le même but : une victoire contre l’UMP. Ici, l’indifférence des adhérents envers les programmes, quelles que soient ses raisons, a un autre contenu. C’est en elle-même une orientation liquidatrice, pro-bourgeoise. Elle est tout à fait en accord avec la propagande “ apolitique ” de Ségolène Royal, contre la conscience de classe (voir plus haut). Les 40 % qui ont voté DSK ou Fabius ont, peu ou prou, voté pour une ligne sociale-démocrate ou illustrée par le combat pour le NON, avec toutes les illusions réformistes qu’on voudra. Mais les autres, les 60 %, ont voté pour Ségolène Royal, personne historique “ à la rencontre des français ”, “ incarnation ” d’une promesse de “ changement ”. Et peu importe que les ouvriers ex-SFIO du Pas de Calais aient voté Royal : ils se sont rangés par là du côté de la bourgeoisie. Exactement comme tous ceux qui ont voté Chirac au 2 ème tour en 2002, non par sottise, mais par confusion politique. A l’inverse, les adhérents idéologiquement petit-bourgeois qui peuvent être drainés par Fabius (et Fabius lui-même), défenseurs du “ réformisme classique ” de leur parti, se sont rangés du côté de ses racines ouvrières. vote à ce qu’en pensent ou croient ses auteurs. Le contenu du vote Ségolène, pour les membres du PS, qu’ils en aient conscience ou non, c’est un soutien à l’opération de la bourgeoisie contre leur parti, contre la classe ouvrière. Il est d’ailleurs difficile de ne pas voir la similitude des résultats entre ce vote et le vote interne favorable au OUI en novembre 2004 : 60 % dans les deux cas à quelques décimes près. On a vu plus haut comment le camarade Présumey appréciait à juste titre ce résultat comme l’expression de “ l’arriération ” politique de la majorité des adhérents.Tout se passe comme si la capitulation des “ opposants ” avait effacé les conséquences dans le PS de leur combat pour le NON en opposition à cette majorité. Avec cette différence cruciale qu’il ne s’agit pas d’un retour à la case départ : le “ vote utile ” pour Ségolène Royal oublie que son opération outrepasse largement l’horizon électoral, comme opération stratégique de la bourgeoisie, beaucoup moins pour les élections que pour la période qui suivra, qu’elle soit élue ou non. Qu’ils en aient conscience ou non, ses “ opposants ” ont choisi de laisser faire, paralysés par leur allégeance à l’appareil, dont ils font aussi partie, et dont ils ont partagé les responsabilités dans la “ fabrication ” de leur adversaire. On ne mesure pas le contenu et l’importance politiques d’un LE ROLE DE L’APPAREIL Car Ségolène Royal n’aurait pas pu mener son opération, pour le compte de la bourgeoisie, si l’appareil n’avait pas été consentant et complice. Cinq faits l’indiquent : 1. 2. le renoncement de Hollande à se présenter, ce qui eût été normal comme 1er Secrétaire, principal dirigeant et porte-parole du PS, et de son “ projet ”. Sa candidature rendait l’opération Ségolène impossible, et il ne pouvait pas en assumer lui-même le contenu. Son refus par contre ouvrait la porte à celle-ci ; la tolérance, et même la protection apportée par l’appareil envers le comportement “ anti-parti ” de Ségolène Royal, avec ses appuis extérieurs, dans les médias, etc… ; 3. la campagne d’adhésions à 20 €, c’est-à-dire le recrutement d’une “ promotion Ségolène ” dont on a déjà parlé ; 4. le basculement rapide de la très grande majorité de l’appareil, non seulement au niveau national, mais dans les régions et les départements. Ce basculement a permis à Ségolène Royal de bénéficier d’une infrastructure de campagne dans les appareils locaux et régionaux autrement plus efficace que son parti-bis, “ Désir d’avenir ” ; 5. l’organisation au plus haut niveau des pseudo-débats entre les trois statues de sel télévisées, avec interdiction d’interpeller la candidate officielle, et, de fait l’interdiction de tout autre débat. Il n’est donc pas exagéré de dire que Hollande et l’appareil du PS sont, en quelque sorte, allés chercher un nouveau Delors, à l’extérieur et au-dessus du parti, en prenant en charge une sorte de coup d’état contre le fonctionnement et l’orientation adoptée par son congrès. PS = “ PARTI SEGOLENISTE ” ? Les commentateurs ne se sont pas trompés sur le résultat : avec la désignation de Ségolène Royal et surtout ses 60 %, c’est “ l’esquisse d’un changement de nature du PS ”, “ vers un parti de sympathisants ”, “ un parti sans contenu politique, un rassemblement au service du leader ”, une “ droitisation du PS ”, “ une histoire nouvelle en train de s’écrire ”, “ le PS de Mitterrand et Jospin est bien mort ”, “ la gauche du NON ne se relèvera pas de sa défaite ”, “ Ségolène Royal a tourné la page du Parti d’Epinay ”, “ une partie de son histoire se tourne avant même le congrès ”, “ une candidate anti-parti ”… Ce dont Ségolène a le mérite de ne pas se cacher, non seulement par la pratique d’une organisation parallèle à son profit personnel, mais en se posant ouvertement en adversaire des “ dogmes ” du parti, pour la rupture avec la “ vieille maison ” pour “ un nouveau PS ” (le “ big bang ” de Rocard), pour “ mettre le peuple français au cœur du projet socialiste ” (le peuple français qu’elle invoque à tout bout de champ, ce n’est pas la classe ouvrière ou les travailleurs : les mots sont pesés), etc… Elle s’est même référée explicitement à Rocard pour “ son envie de rénovation ”. On voit qu’avec Ségolène Royal, la rénovation-liquidation n’est pas un projet “ à terme ”, mais à brève échéance (qu’elle y parvienne est une autre question). P.23/32 3ème Partie CONCLUSIONS POURQUOI ? Pourquoi l’appareil du Parti socialiste a-t-il choisi de lancer celui-ci dans un tel recentrage à droite, au risque d’en approfondir les fractures jusqu’à l’éclatement ? La réponse est fondamentalement la même que celle donnée par Stéphane Just en mai 1996 : “ il s’agit d’adapter le PS aux exigences présentes d’un impérialisme en crise : que le PS contribue à la remise en cause de tous les acquis de la classe ouvrière par le désarmement politique de celle-ci. ”, et plus loin : “ il lui est beaucoup plus difficile de combattre si toute perspective – même vague, même sur la base d’illusions parlementaristes ” lui est retirée. Après les combats de 2003, 2005, 2006, après le NON et le CPE, l’une des premières dispositions à prendre, pour les dirigeants du PS, en vue des échéances électorales, était et reste de tout faire pour ne pas se retrouver, en cas de victoire et donc au gouvernement, aux prises avec un nouvel assaut. Tout faire, par conséquent, pour empêcher qu’à travers le PS, un candidat et son programme, et surtout après l’expérience du référendum sur le TCE, s’exprime d’une quelconque façon le poids de la volonté anti-capitaliste des masses. Tout faire, par conséquent pour saper, diluer l’écho qui peut encore subsister à cet égard au sein du parti et à l’extérieur. Cela impliquait un autre choix, pour les présidentielles, que DSK, champion du OUI, ou Fabius, agent de la victoire du NON. Les “ primaires ” permettaient d’introduire “ démocratiquement ” un outsider plus approprié. Pourquoi les réactions contre cette orientation vers un sabordage du Parti ont-elles été et restent-elles pratiquement inexistantes ? La capitulation des tenants du NON après le 29 mai et au congrès du Mans constituait évidemment un handicap majeur pour repartir en guerre contre l’entreprise liquidatrice de Hollande et Ségolène Royal. L’investiture de celle-ci a sanctionné leurs derniers espoirs. Seul, Mélanchon a eu le courage de ruer dans les brancards, avant de se rallier. Aujourd’hui Fabius, réintégré dans la direction, applique la “ démocratie participative ” dans son département, Emmanuelli est tombé dans les oubliettes et Dolez aux abonnés absents. Hollande et l’appareil pouvaient-ils craindre autre chose ? On aurait pu croire qu’un courant, même embryonnaire, se dresse, avec ou sans les opposants, contre la ligne liquidatrice, en défense du PS, contre sa transformation en parti ou rassemblement bourgeois de gauche. Mais quelle que soit la rogne parmi les militants (en nombre difficile à apprécier), ce n’est pas tant le courage qui leur manque pour cela, qu’une perspective politique autre que celle qui les englue dans les illusions réformistes, celle d’un gouvernement rompant avec le capitalisme, sur la ligne de “ Dehors Chirac, Sarkozy,… ”. LE SEGOLENISME ET LA CLASSE OUVRIERE Les conditions politiques actuelles ne sont pas en cause. Elles sont restées fondamentalement inchangées depuis 1995, toujours marquées par la disponibilité et la volonté de combat des travailleurs et jeunes contre la classe dominante. Le soulèvement victorieux des étudiants, au printemps 2006, contre le CPE en a été la confirmation, après les mouvements de 2003, 2004 et 2005, dont on a vu l’articulation avec la crise du PS. Mais cette articulation n’est pas mécanique. Le combat de la classe ouvrière n’est pas une donnée linéaire, son ampleur, son intensité, les secteurs concernés, leurs points de départ varient. Il en est de même pour son impact sur les appareils syndicaux et sur les partis ouvriers bourgeois, PS et PCF. En 2004, par exemple, les votes massifs pour le PS aux régionales, preuve s’il en est de la combativité contre Chirac et les partis bourgeois, n’ont en rien poussé à gauche la ligne du PS. Ils ont au contraire calmé la crise en cours au profit de la direction de Hollande. En 2006, la mobilisation des étudiants contre le CPE n’a touché le Parti socialiste qu’à la marge, par la montée en puissance des MJS, et n’a en rien freiné l’opération Ségolène. En définitive, la réfraction dans le PS de la volonté de combat des masses ne s’est opérée au mieux que par les 60 % de votes “ utiles ” contre Sarkozy…immédiatement piégés et transformés en leur contraire par le contenu politique de cet appui au “ ségolénisme ”. Autrement dit, les rapports ne sont pas fondamentalement changés, mais ils font l’objet d’une contre-offensive du PS : celle-ci a permis à l’appareil, quasi-homogène, de réaliser ce que Rocard n’avait pas réussi et où Delors avait reculé : contre la classe ouvrière, une modification politique qui peut avoir de lourdes conséquences au bénéfice de la bourgeoisie. LES DONNEES ACTUELLES DE LA CRISE INTERNE L’opération Rocard-Delors-Ségolène a réussi. Sauf que 40 % des adhérents ont refusé de jeter leur parti dans les bras de la bourgeoisie par un “ rassemblement à gauche ” sous l’égide d’une icône bonapartiste ; et que les résistances qu’ils ont incarnées ont dû être vaincues par des moyens d’appareil et la complicité ou la veulerie de leurs chefs de file. Elles ne demandent qu’à ressurgir car l’opération Ségolène fragilise le Parti socialiste, vu le simple replâtrage effectué après la victoire du NON au référendum. On peut encore se reporter à ce qu’en écrivait Stéphane Just : l’ouverture d’une perspective Rocardo-Deloriste-Jospinienne-Ségoléniste ne peut que plonger, à chaque fois, le PS dans une nouvelle crise. Les “ cafouillages ” sur lesquels nous avons commencé cette analyse en sont la meilleure preuve. Comme Montebourg l’a innocemment révélé, l’assomption de Ségolène fait inévitablement naître un conflit entre ses P. 24/32 partisans et les forces de conservation de la social-démocratie “ classique ”, conflit qui n’en est encore qu’aux prémices. que crée la “ candidate anti-parti ” lui échappe, comme à l’apprenti sorcier de l’histoire. Les démêlés entre Ségolène elle-même et François Hollande à propos des impôts en sont un signe. C’est le même Hollande qui a présidé, à la tête de l’appareil du parti, à la “ fabrication ” de la candidate providentielle, et qui est obligé aujourd’hui de s’ériger en défenseur du parti, de son “ projet ”, de son avenir parlementaire, contre sa propre création. Au stade actuel, tout le monde couvre la fracture d’un voile pudique. Hollande par un prétendu “ partage des rôles ”, d’autres en multipliant les dithyrambes envers Ségolène, d’autres par des ralliements du bout des lèvres pincées, d’autres enfin, malheureusement, par “ légalisme ” envers la “ démocratie ” du parti. Le Monde y voit la rancœur de ne pas avoir été lui-même choisi comme candidat. C’est évidemment faux. Il y a lui-même formellement renoncé et même s’il regrette d’avoir éventuellement manqué le coche, c’était les données politiques qui lui imposaient une autre solution. Il était certain, par contre, de pouvoir continuer à contrôler la situation. Mais celle Mais le “ ségolénisme ” mine le PS en profondeur. Le nombre de militants déboussolés excède largement les signes visibles. Ce qui se prépare ne pourra que l’accentuer, même si le “ 2ème phase ” de la campagne affiche un virage “ à gauche ” pour répondre aux mécontentements croissants. UN ECHEC PREVISIBLE Car, à terme, l’opération ne peut qu’échouer. Commentant les tentatives de Delors et Jospin, Stéphane Just écrivait : “ il n’y a aucune place pour un tel rassemblement. (…) Il n’y a pas de base de masse pour un “ rassemblement de la gauche ” tentant de concurrencer les partis bourgeois déjà en place pour la défense du régime capitaliste ” et visant à se substituer à la social-démocratie historique. Le capitalisme français n’a pas besoin d’une telle formation. Par contre il a toujours besoin, et plus encore si la tension sociale s’accroît, d’un parti ouvrier-bourgeois classique, pour faire barrage, dans ses rapports avec la classe ouvrière, au potentiel révolutionnaire des masses. L’échec du recentrage ségoléniste est donc vraisemblable à terme plus ou moins proche. Ce sera au prix de l’explosion au grand jour de la crise qui s’accumule. Cet échec est rendu plus prévisible encore par la personnalité même de celle qui a été choisie. Marx expliquait que quand l’histoire se répète, c’est par la caricature. Le bonapartisme de De Gaulle avait des fondements historiques. Son imitation ridicule par Ségolène n’est qu’une planche pourrie pour étayer la Vème République. Rocard, Delors, Jospin étaient des politiques expérimentés et prudents. Ce n’est pas son cas. Elle a déjà accumulé un certain nombre d’énormités et sa “ figure ” en a pris quelques bosses. Combien d’ici le premier tour ? Elle pourrait bien s’avérer une machine à perdre plutôt qu’à gagner. Et quel avenir si elle y gagne ? Ce n’est pas par une victoire électorale et un nouvel exercice du pouvoir, face à face avec les travailleurs, que le PS exorcisera les dangers qui le guettent. Le marxisme, disait Trotsky, c’est “ la science des perspectives ”. La perspective actuelle est celle d’une crise majeure au sein du PS, dont les répercussions chez les militants, mais également dans la classe ouvrière, peuvent être considérables, qu’elle intervienne avant ou après les présidentielles, et quelle que soit leur issue. Faut-il le déplorer ou s’en réjouir ? Là n’est pas la question. Il faut uniquement le percevoir, avec ce qui peut en découler de démoralisations, ou à l’inverse la libération de possibilités vers la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire. Jean RIBES, 15 janvier – 6 février 2007. Tribune de discussion : PS ET LUTTE DE CLASSE L’étude qui précède s’est référée à plusieurs reprises au texte de Vincent Présumey paru en Tribune libre dans le précédent numéro de ce bulletin. Elle y a puisé nombre d’informations, et les deux analyses, formulées différemment sont largement en accord. Sur trois points importants, cependant, il y a entre nous des désaccords qui méritent discussion. 1) La classe ouvrière et la crise du PS. Le camarade Vincent pose la question (p.6) : “ la classe ouvrière est-elle concernée et peut-elle peser sur ce qui se passe là ? A cette vraie question la réponse est oui ”. Dans tout le texte précédent, il est, je crois, assez clair que pour nous également, ce qui se passe au PS, en tant que parti ouvrier bourgeois, est lié aux combats de la classe ouvrière, et que ceux-ci peuvent jouer un rôle dans les problèmes qui le traversent. C’est aussi ce qu’en écrit Vincent. Mais il ne s’arrête pas à ce constat. Il écrit par exemple : “ l'influence de l'opinion publique de la classe ouvrière, pas celle des sondages, peut peser et pèsera (le texte date du 27 octobre) aussi sur leur choix. Il est donc important que les enseignants du second degré, par exemple, (…) manifestent leur opposition aux orientations affirmées par S. Royal sur la carte scolaire et le recrutement local. Mais pas seulement pour peser sur le vote interne au PS, mais parce qu'ils sont immédiatement concernés (…) et donc pour le vote P. 25/32 Fabius comme étant le seul à faire, à cette étape, barrage à cette orientation. ” (p.9) Autrement dit, il revendique de la classe ouvrière qu’elle intervienne au sein du PS pour l’empêcher de dériver. Il est possible et même probable que les enseignants se mobilisent pour leur défense, et celle de l’école publique. Mais les appeler à le faire fût-ce partiellement (cf. “ pas seulement ”) pour peser sur les votes internes au PS, en faveur de Fabius, c’est voir les choses à l’envers. Le poids de la classe sur le PS est un poids objectif, permanent, inconscient, dont le PS, parti ouvrier bourgeois, est obligé de tenir compte pour y jouer son rôle dans la défense de la bourgeoisie. C’est sous cette forme (mobilisation ou menace de mobilisation pour leur défense, en grève ou dans la rue) que les travailleurs peuvent influer sur les positions du PS ou ses avatars. Dire “ la classe ouvrière a donc intérêt à aider le PS ”, c’est lancer un appel à l’air du temps. Vincent en appelle même aux “ groupes, associations et courants ” révolutionnaires pour tirer la classe ouvrière dans son sens, sans “ absentéisme ”, “ en faveur de l’investiture de Fabius ”. C’est nager en pleine abstraction. Les travailleurs peuvent voter PS, aux diverses élections. Mais ils ne votent pas dans le PS. Ils ne s’y intéressent qu’en spectateurs. Avant l’investiture de Ségolène Royal, l’influence de leur “ opinion publique ” aurait pu éventuellement y jouer un rôle comme conséquence (indirecte) d’une mobilisation, sur leur terrain…contre Chirac et Sarkozy, sans aucun égard pour le PS. Mais ce n’est même pas sûr : on a vu ce qu’il en était quant à l’influence nulle du combat contre le CPE sur l’opération Royal. Le raisonnement du camarade Vincent est d’ailleurs dangereux. Sa pente peut aller jusqu’à rendre “ l’absentéisme ” des travailleurs, ou des “ groupes ”, etc… responsables de ce qui s’est passé ou non dans le PS, du succès du ségolénisme, du manque d’appui à Fabius. Ce qui serait tout de même dédouaner à bon compte la responsabilité écrasante, au sein du PS, aux différentes étapes, des opposants, suivistes, ralliés, terrés ou silencieux. 2) Le PS, un enjeu ? Le dernier paragraphe du texte de Vincent pose un autre problème qui mérite discussion. A partir de la définition du Parti socialiste comme parti “ ouvrier bourgeois ”, il ajoute : “ La vraie réponse est que c'est un enjeu, l'enjeu d'une lutte vivante entre des forces vivantes, et que l'enjeu décisif - celui de la construction d'un véritable parti représentant la classe ouvrière, un parti révolutionnaire - sans s'y identifier, ne sera pas atteint si on l'ignore ”. Il y a bien accord entre nous sur “ l’enjeu décisif ”, la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire. Mais en quoi, dans ce but, le PS est-il un enjeu ? Sa définition comme parti ouvrier bourgeois permet d’y répondre, dans la mesure où elle est le fruit d’une expérience tout à fait concrète, et non d’un impressionnisme superficiel sur de supposées tendances contradictoires tenant à une “ double nature ”. Le PS est en France le représentant de la social-démocratie “ réformiste ” qui s’est développée avant la guerre de 1914. Celle-ci n’a pas changé, ni en France ni ailleurs depuis que ses partis ont, à cette date, choisi de faire cause commune chacun avec sa bourgeoisie et le massacre auquel celles-ci vouaient leur population. C’est cette trahison qui a permis d’éclaircir sa nature d’auxiliaire du capitalisme auprès et au sein de la classe ouvrière. En tant que parti ouvrier bourgeois, sa fonction n’est pas de tendre vers le socialisme en ménageant la bourgeoisie, mais de maintenir celle-ci en ménageant, en manœuvrant (ou écrasant) plus efficacement la classe ouvrière en fonction des rapports de force, jusqu’à prendre en charge, transitoirement, les rouages de l’Etat. De ce point de vue, le PS est complètement un parti bourgeois. Ce n’est pas à cause de conceptions erronées, rééducables, mais parce que l’Histoire lui a permis d’asseoir son influence sur les couches les mieux payées, les notables, l’électoralisme, et les liens organiques que tous les partis “ réformistes ” entretiennent avec la classe dominante, ses rouages administratifs, politiques et économiques depuis les municipalités jusqu’au sommet de l’Etat, en passant par les milieux patronaux et financiers. La seule conclusion qu’on peut en tirer est, confirmée par tous les exemples historiques, que le PS, en tant que tel ne peut pas basculer dans le sens des intérêts fondamentaux des travailleurs par un redressement le débarrassant de ses liens avec le système d’exploitation. Quand la question se pose, les partis socialistes sont par contre très capables de défendre celui-ci par les armes contre la révolution. Leur nature rend la social-démocratie en général, le PS en particulier, irredressables. Ils sont des obstacles à toute perspective de destruction du système capitaliste. L’enjeu, pour la classe ouvrière, c’est la destruction de cet obstacle par la création de partis révolutionnaires. Chaque tournant politique important l’a par contre confirmé : sous l’impact d’une poussée révolutionnaire, les partis “ réformistes ” sont, du fait de leur place, contradictoire, confrontés à des éclatements, à des scissions, à la constitution de partis “ socialistes de gauche ” ou d’autres étiquettes, à la radicalisation de militants qui cherchent la voie de la révolution. Si donc enjeu il y a, aujourd’hui au PS, ce n’est pas le Parti, ce sont les militants écoeurés par ses deux appels successifs à voter Chirac, mystifiés par le cirque Ségolène, lâchés par leurs leaders de tendance au moment précis où il faudrait élever la voix, et à la recherche de voies qui leur permettent de se battre, non seulement contre Sarkozy, mais contre la classe qu’il représente. Ou bien ces militants n’existent pas, et faire du PS un enjeu, c’est le préserver comme obstacle à “ l’enjeu décisif ”, ou bien ils existent, et l’enjeu c’est de les amener sur la ligne de l’appel commun qui figure en 1ère page de ce bulletin. En chercher une autre, c’est je crois, selon une phrase célèbre : brosser l’ombre d’un habit avec l’ombre d’une brosse. Peut-être au fond sommes-nous d’accord, et n’est-ce qu’une affaire de formulations, mais c’est seulement la discussion qui pourra le dire. SERRE, le 7 février 2007. P. 26/32 LE CAPITALISME AU SERVICE DE L’ART ? OU L’INVERSE ? Un camarade militant à la CGT-Culture nous a transmis la réaction ci-dessous aux opérations entreprises par le Ministère et la direction du Louvre… au nom de l’internationalisme ! CREATION D’UNE AGENCE INTERNATIONALE DES MUSEES Ainsi donc, le Ministère de la Culture a décidé de créer une agence internationale des musées de France, sorte de société de conseil chargée de la vente des labels des musées français, tel celui du Louvre à Abou Dhabi, incluant le prêt pour un temps plus ou moins long d’œuvres d’art des musées français. Il s’agira, toujours selon le ministre de la Culture, d’une “société par actions simplifiée dont les parts seront détenues par tous les musées qui ont statut d’Etablissement Public” à caractère administratif ou à caractère industriel et commercial, c’est-à-dire, à ce stade : le Louvre, le Centre Pompidou, le Quai Branly, Orsay, Guimet, Versailles et la Réunion des Musées Nationaux. M. Donnedieu de Vabres précise même que cette agence obéira “à des règles de gestion privée afin d’avoir la réactivité nécessaire ” ! Ainsi, la création de cette agence est étroitement liée au projet de vente du label “ Louvre ” à Abou Dhabi (Emirats Arabes Unis) pour la modique somme de 700 millions d’euros incluant le prêt d’œuvres et la gestion du musée. Dans ces conditions, la pétition “ Les musées ne sont pas à vendre ” initiée par la Tribune des Arts et qui a recueilli à ce jour plus de 4000 signatures, pose de réelles questions légitimes sur le financement des institutions culturelles. Pour autant, la CGT-Culture considère indispensable de préciser les points suivants : 1. Le Ministre de la Culture justifie sa décision au nom de la nécessaire “ internationalisation des œuvres d’art ” et M. Henri Loyrette, directeur du Louvre, précise, à l’appui du ministre, qu’il n’est pas possible d’“ être absent du mouvement d’internationalisation des grands musées ”. Effectivement, les œuvres d’art, d’où qu’elles viennent, ont, par définition, par nature, un caractère universel et appartiennent à ce titre au patrimoine mondial. Et, pour ces mêmes raisons, elles ne sauraient être considérées et traitées comme des marchandises. Pourquoi, alors, passer ce contrat de 700 millions d’euros avec Abou Dhabi ? Du pétrole contre de l’art 2. La fondation américaine Guggenheim, qui est le réel pilote du projet Abou Dhabi, ne s’embarrasse pas, quant à elle, de faux-fuyants : elle traduit publiquement l’opération par la formule simple : “ oil for art ”, “ du pétrole contre de l’art ”. 3. Rappelons que les autorités locales ont l’intention de créer, d’ici 2018, un pôle d’attraction touristique avec la création de 29 hôtels, deux golfs, plusieurs ports de plaisance pour 10.000 bateaux, dans un site qui devrait s’appeler “ Saadiyat Island ”, une sorte de Disneyland avec un vernis culturel dont nous pouvons deviner qu’il accueillera une clientèle bien particulière. Où est, dans ces conditions, la démocratisation de la culture et son caractère “ universel ” derrière lequel les autorités ministérielles nous présentent ce montage ? Alors oui, il s’agit bien, quoiqu’on en dise, d’une vulgaire opération commerciale qui prend d’ailleurs place dans une négociation globale, à la fois politique, économique et militaire, dans le but à peine voilé, d’obtenir des commandes d’avions de combat. Des visées bassement mercantiles En ce sens, la CGT-Culture, qui ne saurait être taxée de chauvinisme culturel et qui combat pour l’appropriation par le plus grand nombre, en France et au-delà, du patrimoine culturel , dénonce fermement ces visées bassement mercantiles. 4. D’ailleurs, si le ministre de la Culture poursuivait réellement un but “ d’internationalisation ” des œuvres d’art qui sont dans nos musées, pourquoi ne créerait-il pas une annexe du Louvre au Caire, en Egypte, pays de plus de 74 millions d’habitants, plutôt qu’à Abou Dahbi, paradis des milliardaires du pétrole, peuplé d’à peine… 619.000 habitants ? Il est vrai que l’Egypte est un pays moins… solvable. L’art comme alibi La preuve est faite que dans cette affaire, l’art sert d’alibi, de prétexte, aux marchands du Temple. La CGT-Culture affirme en conséquence son opposition à la création de cette “ Agence internationale des musées ”, au projet du “ Louvre Abou Dhabi ”, comme aux éventuels projets similaires, et s’opposera à toutes les mesures de privatisation et des institutions muséales et de précarisation des personnels qui accompagnent nécessairement cette opération. Paris, le 30 janvier 2007. P. 27/32 Tract diffusé dans la manifestation contre l’oppression des femmes du 25 novembre 2006 en commun avec des camarades iraniens : “ ON MESURE LE PROGRES DE L'HUMANITÉ AU DEGRÉ DE LIBERTE DES FEMMES ” (F. ENGELS) L’EGALITE DES SEXES, PRODUIT DES COMBATS OUVRIERS… En France, une égalité formelle en droit existe, ces avancées étant d'ailleurs liées à un combat général de la classe ouvrière: ainsi, c'est dans les années qui suivent la grève générale de 1968 que la mère devient l'égale du père en matière d'autorité parentale (1970), que la loi rendant obligatoire l'égalité des salaires entre les hommes et les femmes pour un même travail est votée (1972) ainsi que la loi dépénalisant l'avortement (1974). C'est après avoir chassé la droite du pouvoir en 1981 que la loi Roudy interdit toute discrimination professionnelle en raison du sexe (1983). Évidemment ces lois ne correspondent pas véritablement au combat de ceux et celles qui les ont menées : la loi dépénalisant l'avortement est bien en-deçà de ce pour quoi combattaient les différents mouvements en faveur de l'émancipation des femmes ; c'est sous certaines conditions que l'avortement est dépénalisé, le droit des femmes à disposer de leur corps n'est pas respecté. … MAIS QUI RESTE FORMELLE Évidemment, beaucoup de ces lois restent vides de sens, parce qu'elles sont contournées, parce qu'aucune mesure contraignante contre les patrons n'est prévue : dans la grande distribution, seuls des emplois à temps partiels sont offerts, ce sont des femmes qui les occupent et ceci maintient la discrimination entre les conditions de travail. En 2006, les femmes touchent 20% de moins ! Sans parler des humiliations, du harcèlement, du mépris sur le lieu de travail. Évidemment, cela va de pair avec la disparition progressive des crèches, des cantines scolaires, des centres de protection maternelle et infantile (PMI): une femme (ou un homme) au chômage n'a plus droit à la crèche, ni à une assistante maternelle pour ses enfants, ni à la cantine scolaire (!), alors que le chômage des femmes est plus élevé que celui des hommes, cette situation les condamne à ne plus trouver d'emploi . Ces dernières années, les divers gouvernements ont mis à mal les acquis qui concernaient le plus les femmes : rétablissement du travail de nuit, diminution des services médicaux et sociaux… VIOLENCES ET OPPRESSION SUBSISTENT De plus, en France, “ le pays des droits de l'homme ”, une femme meurt tous les 4 jours assassinée par son compagnon (chiffres officiels), les violences “ non mortelles ” ont augmenté entre 2002 et 2004 de 13,6 %, quant aux meurtres et viols commis sur concubines, ils ont augmenté respectivement de 13 % et de 35,2 % entre 2002 et 2004. Bref, la bourgeoisie n'a pas résorbée le patriarcat et les idées réactionnaires : en Irlande et en Pologne le poids de l'Église catholique aboutit à l'interdiction de l'avortement. De plus, les attaques qu'elle mène aujourd'hui contre l'ensemble des travailleurs en augmentant le chômage et la misère ne font qu'exacerber les violences faites aux femmes. En France, “ pays des droits de l'homme ”, des centaines de milliers de femmes et de fillettes, immigrées ou réfugiées, sont livrées à la barbarie de leurs familles parce qu'elles ne bénéficient pas de la protection juridique des femmes de nationalité française, souvent au nom d'accords bilatéraux avec le pays d'origine : 70 000 jeunes filles au moins (chiffres du Haut Conseil à l'intégration) vivant en France sont victimes de mariages forcés, auxquels elles échappent souvent par le suicide ou par la fugue dont elles sont punies par des “ crimes d'honneur ” dans leurs pays d'origine. A L’ECHELLE MONDIALE, AU MOYEN-ORIENT… A l'échelle mondiale, on évalue à 4 millions par an le nombre de femmes achetées et vendues. P. 28/32 130 000 000 de fillettes sont victimes de Mutilation Génitale Féminine (excision, infibulation...) Un tiers des femmes ont été battues, contraintes à des rapports sexuels ou victimes d'autres sortes de maltraitance. Au Moyen-Orient, les régimes islamistes imposent le voile aux femmes en le leur punaisant sur la tête s'il le faut, en les privant d'études, de travail, de droits, en imposant un “ apartheid sexuel ”, en développant une culture “ anti-femme ”... Contrairement à ce qui est prétendu par les médias occidentaux, cela ne fait en aucune manière partie de la culture de ces pays, particulièrement en Iran, aucune femme n'a jamais accepté volontairement d'être exploitée : en Iran, en Afghanistan, la résistance des femmes continue malgré les méthodes les plus barbares : lapidations, projection d'acide. Une jeune fille – Narzani - qui s'est défendue contre un viol collectif en tuant ses agresseurs est aujourd'hui condamnée à mort en Iran, des milliers de femmes “ adultères ”, ce qui signifie le plus souvent violées attendent la lapidation en prison. LA BOURGEOISIE CAPITALISTE RESPONSABLE L'égalité entre les sexes est un concept mondial, les médias aux ordres de la bourgeoisie nous enlisent dans l'indifférence isolant le combat des femmes et des hommes qui, au Moyen-Orient, combattent ces régimes. Si la bourgeoisie de l'époque des lumières n'a pu résorber le machisme et le patriarcat, aujourd'hui à son stade pourrissant, elle soutient, voire développe les idéologies les plus réactionnaires. C'est une “ entente ” anglo-franco-américaine qui a contribué à mettre au pouvoir Khomeini comme meilleur rempart contre la classe ouvrière iranienne, ce sont les États-Unis qui ont créé, soutenu, financé et permis le développement des talibans pour leurs intérêts propres. Mais au delà, c'est en multipliant les guerres, c'est en s'attaquant aux travailleurs, en semant la corruption et la misère qu'elle permet aux “ mollahs ” de tous poils et de toute religion, au Maghreb, aux USA, au Moyen-Orient de se développer . Il n' y a rien à attendre de cette société : la seule alternative c'est “ Socialisme ou Barbarie ” *** Il faut s'organiser dans les syndicats et les organisations de défense du droit des femmes pour imposer satisfaction aux principales revendications des femmes : * À travail égal, salaire égal ! * Interdiction du travail de nuit dans l'industrie pour les femmes et les hommes ! * Davantage de moyens pour le planning familial ! * Pour un véritable service public médico-social implanté dans les quartiers populaires ! * Des crèches en nombre et gratuites ! * Pour des droits et une protection identiques pour les femmes étrangères ! * Pour les libertés et l'égalité sans condition des hommes et des femmes dans le monde entier ! Tout cela implique un combat résolu et unitaire pour en finir avec le capitalisme et ses gouvernements, pour des gouvernements ouvriers, seuls capables, en jetant les bases d'une société socialiste, de satisfaire ces revendications et commencer à résoudre les problèmes de la condition de la femme, à l'échelle de la planète. CCI(T) Comité Communiste Internationaliste (Trotskyste) Contact : Jean Ribes 76, rue de Meaux, Esc 2-Bte 12 75019 Paris [email protected] http://perso.numericable.fr/fraccps P. 29/32 Parti communiste-ouvrier d'Iran Hekmatiste http://www.hekmatist.com [email protected] INTERVENTION AU MEETING D'OLIVIER BESANCENOT LE 5 FEVRIER Le candidat de la LCR aux présidentielles tenant meeting dans la banlieue lyonnaise, nous avons décidé, militants du CCI(T) et sympathisants, d'aller diffuser l'appel commun à l'entrée et à la sortie du meeting : environ 800 personnes, essentiellement des jeunes venaient écouter le charismatique postier. Celui-ci a longuement décortiqué et à juste titre le programme de Sarkozy et les attaques actuelles du “ libéralisme ”, puis regretté que l'unité des “ antilibéraux ” n'ait pu se faire. Ses propositions : une loi interdisant les licenciements, la régularisation de tous les sans-papiers, la construction de logements sociaux, 300 euros tout de suite pour les bas salaires ; sur un terrain plus politique, il a proposé que les élus n'aient qu'un seul mandat, et qu'il soit possible de les révoquer, puis il a évoqué la possibilité à plus ou moins long terme de changer de... République. Applaudissements nourris, debout pour certains. Puis la parole a été donnée à la salle ; il fallait s'approcher de la tribune pour une intervention de trois minutes. Lorsque mon tour est arrivé je me suis présentée et j’ai indiqué que je ne reprendrais pas ce qu'O. Besancenot avait si bien décrit : les attaques du capitalisme contre les travailleurs, capitalisme en crise et non “ libéralisme ”, attaques menées d'ailleurs par tous les gouvernements précédents et préparées par les gouvernements Mitterrand et Jospin, que ce que les travailleurs et les jeunes avaient exigé en votant massivement NON au Traité Constitutionnel et en se mobilisant massivement contre le CPE, c'était l'abrogation de toutes les lois votées contre eux, la régularisation de tous les sans-papiers, l'interdiction des licenciements etc... J'ai continué en reprenant le contenu de l'appel commun : “ Mais quel gouvernement peut satisfaire ces revendications : un gouvernement ouvrier contrôlé par la mobilisation des travailleurs pourrait le faire en s'attaquant au capitalisme, par l'expropriation des grands groupes industriels, bancaires et financiers et par un plan de production géré par les travailleurs, satisfaisant les besoins de tous, et préservant l'environnement ” J'ai ajouté qu'il fallait tout faire pour chasser Sarkozy, que certes S. Royal ne satisferait pas nos revendications si elle était élue, qu'il faudrait combattre pour cela, mais que si c’était Sarkozy, ce serait une défaite pour la classe ouvrière, momentanée, mais que la bourgeoisie mettrait à profit pour des attaques pires encore. A ce moment-là, j'ai senti une telle approbation des premiers rangs devant moi, que j'ai poursuivi (au delà des trois minutes) en disant qu'il fallait s'organiser et construire ensemble le Parti Révolutionnaire qui nous faisait si cruellement défaut! Mon intervention a été très applaudie, à la sortie, nous avons de nouveau distribué l'Appel Commun, avec des discussions cette fois et des échanges de mails. Rose LAGRANGE, le 13 février 2007. LA QUESTION DU LOGEMENT Le 6 Février, à Lyon, une manifestation de 500 à 1000 personnes a eu lieu pour le droit au logement. Le CCI-T a pris part à la mobilisation en diffusant les tracts d'appel sur un marché de Villeurbanne et sur les lieux de travail et en participant à la manifestation. Parallèlement, la réquisition d'un grand immeuble pour des familles en situation d'urgence a été décidée en lien avec plusieurs associations et organisations syndicales. Nous avons interviewé deux jeunes camarades, Louise et Bertrand qui participent à ce mouvement. Ce qu’ils décrivent est une illustration du fait que les travailleurs commencent à vouloir régler leurs problèmes par eux-mêmes. Mais leur combat ne peut aboutir que s’il se conjugue avec la lutte pour un Gouvernement Ouvrier s'attaquant au capitalisme pour donner une centralisation et une issue politique à ces luttes isolées. Seul en effet un gouvernement ouvrier pourrait procéder partout à la réquisition des logements, geler les loyers, mettre fin à la spéculation immobilière. Q : Quand avez vous décidé de d'organiser la manifestation? En même temps que le mouvement des enfants de Don Quichotte, on a commencé à discuter à 4 ou 5 d'abord du fait qu'il y avait un climat propice, mais que le positionnement des enfants de Don Quichotte était centré uniquement sur les SDF et ne se situait pas sur le terrain du mouvement ouvrier mais plutôt sur une position d'union nationale en collaboration avec le gouvernement Ils disaient qu'il fallait une sorte de plan Marshall, ce qui empêcherait les votes pour l'extrême gauche P. 30/32 et l'extrême droite de la part des SDF. A ce moment-là il n'y avait aucune participation du mouvement ouvrier, sinon des communiqués de soutien. Nous avons fait une première réunion à la fac avec 45 personnes et des organisations LCR, LO et la fraction critique, CCI-T, CGT chômeurs et précaires, le collectif jeunes de la CGT et plusieurs associations qui travaillent sur le logement comme l'ALPIL (association lyonnaise pour l'insertion par le logement) et ATTAC section logement. Dans cette première réunion nous avons discuté de ce qu'il fallait faire, défini la plateforme avec en priorité gel des loyers, réquisition des logements vacants et construction de logements nécessaires. Nous avons aussi décidé de prendre contact avec les organisations syndicales pour qu'elles viennent à la réunion suivante. A la deuxième réunion nous étions 40, il y avait les mêmes organisations à l'exception de LO qui n'est pas venu. On a décidé d'appeler à une manifestation, de la date de cette manifestation (6 février), on a écrit un tract, on a réparti les distributions. La plupart des organisations et mêmes des individus ont milité pour préparer le 6 février. Q : Comment avez vous préparé la réquisition? L'action de réquisition s'est menée en parallèle. Il y a eu une réunion à Villeurbanne avec des associations et beaucoup de personnes qui soit se cherchaient un logement, soit se sentaient concernés par ce problème. Nous avions plusieurs adresses d'immeubles vides. On a choisi l'immeuble le plus grand dans le meilleur état et qui sur le cadastre appartenait au secteur privé – on a appris par la suite qu'il était préempté par l'OPAC. Quand on a rendu publique l'occupation, étaient présents la police, la BAC (brigade anticriminalité), l'adjoint au maire du troisième arrondissement (UMP), des commissaires, des RG et les medias. Les premiers ont essayé de prouver 1. que nous étions entrés par effraction, 2. que les conditions de sécurité n'étaient pas réunies, 3. qu'on n'était pas là depuis 48 heures. Ils n'ont rien pu prouver. On leur a dit : “ Regardez, on est soutenus par toutes les organisations qui ont signé l'appel ”. Les médias étaient présents. On les a obligé à suivre la procédure judiciaire classique. Maintenant, notre revendication, c'est : aucune expulsion sans relogement. En même temps il y a eu des négociations avec l'OPAC qui nous disaient qu'il y avait des gens sur la liste d'attente qui allaient être lésés. On leur a répondu qu'on ne voulait pas de passe-droits, mais qu'on ne partirait pas tant qu'il n'y aurait pas de relogements : il y a beaucoup d'appartements inoccupés qui appartiennent soit aux Hospices civils de Lyon soit au clergé, par exemple. Q : Qui vit dans cet immeuble et y a t-il, l'eau, l'électricité, le chauffage? A ce jour il y a 42 adultes et 25 enfants qui vivent dans cet immeuble. Plusieurs familles ont été placées par RESF. Les démarches en matière d'eau et d'électricité sont effectués par l'association “ Droit à l'énergie – Stop aux coupures ” qui regroupe plusieurs organisations syndicales et associations. Nous nous sommes rendus compte en discutant avec les familles qui occupaient l'immeuble que beaucoup d'autres problèmes étaient liés : celui des papiers, des salaires insuffisants pour avoir accès à un logement quand ce n'est pas tout simplement celui de l'accès au travail, autrement dit le chômage. L'accès à l'énergie est mis en cause par la privatisation d'EDF. En ce qui concerne l'eau dans l'agglomération lyonnaise ça fait longtemps que sa gestion est privatisée. Q : Comment ont réagi les habitants du quartier ? Nous avions mis une affiche sur la porte de l'immeuble expliquant ce que nous faisions. Il y a eu tout de suite une sympathie et une solidarité du quartier -- qui est résidentiel. Beaucoup sont venus nous dire : “ Vous avez raison de faire ça, ça fait bien plus de sept ans que cet immeuble est vide ”. Beaucoup sont venus apporter des couvertures, des appareils de chauffage, des vêtements. Q : Comment avez-vous préparé la manifestation dans ces conditions ? En fait cette occupation a permis aussi de médiatiser la manifestation. Chaque fois que nous parlions à la presse nous insistions sur la participation à la manifestation du 6 février, ce qui fait qu'il y a eu plus de 500 personnes à la manifestation. S'il y avait eu une réaction immédiate des organisations ouvrières, au moment de la montée en puissance des Don Quichotte, des millions de gens auraient pu être dans la rue, nationalement. Dans la manifestation on a entendu crier “ Ils ne nous accordent pas de trêve hivernale, nous ne leur accordons pas de trêve électorale, ce qu'il faut expulser, c'est Matignon, c'est l'Elysée ”. Après la manifestation il y a eu une assemblée générale qui a débouché sur un comité de mobilisation avec plusieurs commissions chargées de prendre en charge les tâches militantes. Il y a des discussions dans les organisations syndicales, il est question d' une manifestation aux alentours de 10 mars (avant la fin de la trêve d'hiver) contre les expulsions. Nous voulons organiser cette manifestation avec les organisations syndicales pour qu'elle ait lieu sur des revendications claires et qu'elle débouche sur des AG après les manifestations et une coordination nationale représentative des forces militantes engagées. On défend dans ce mouvement que tout est lié : les papiers, les salaires, le travail, le logement, l'éducation et que quel que soit le résultat des élections, on a tout a gagner à frapper ensemble et en même temps le pouvoir pour obtenir satisfaction. Maria FRANCESCA, le 13 février 2007. P. 31/32 Qui sommes-nous ? Des militants attachés à la défense des droits et intérêts de la classe ouvrière et des masses exploitées en général, avec la conviction que ceux-ci exigent non pas la recherche d’une impossible réforme du système de profit capitaliste, mais la volonté de l’abattre. Nous sommes profondément convaincus que des millions de travailleurs et d’opprimés ressentent, comme nous, avec angoisse, que ce système mène la société toute entière et de plus en plus vite, à une impasse sans précédent, dont la barbarie est déjà à l’œuvre. En même temps, tout en s’efforçant de réagir aux oppressions par les moyens à leur disposition, ils ne voient pas comment en extirper les racines et construire un système social qui en finisse avec l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est-à-dire le socialisme. Nous considérons que pour cette tâche historique, le prolétariat et les masses populaires en général ont besoin de reconstituer, sur le plan national en France un Parti Ouvrier Révolutionnaire et à l’échelle mondiale, une Internationale Ouvrière Révolutionnaire, qui ont été détruits par les trahisons successives de la social-démocratie et du stalinisme. Parmi les groupes et organismes qui se réclament du trotskysme ou de la révolution, nous nous distinguons d’une part par notre refus du sectarisme comme des dérives bureaucratiques, opportunistes ou “ gauchistes ”, d’autre part par une ligne politique constante et claire : mettre en avant, en toutes circonstances et avant tout, le combat pour un gouvernement ouvrier fondé sur le Front unique des organisations ouvrières contre la bourgeoisie, et contrôlé par la mobilisation permanente des masses C’est sur cette ligne que nous militons dans les syndicats, pour la démocratie ouvrière et pour leur indépendance de classe, contre toute forme de collaboration des représentants syndicaux avec ceux du patronat et de la bourgeoisie, quel que soit son titre : “ cogestion ”, participation ” ou “ dialogue social ”, etc… C’est également sur cette ligne que nous militons dans les regroupements autonomes (collectifs, comités,…) par lesquels la classe ouvrière, les jeunes et les masses populaires en général cherchent à organiser leurs combats, contre la tutelle et les trahisons des bureaucrates syndicaux et politiques au bénéfice de la classe dominante. Nous ne séparons pas ce combat quotidien pour les revendications immédiates et élémentaires des exploités, affamés et rejetés par la férocité impérialiste, des mots d'ordre “ transitoires ” ouvrant la voie au gouvernement ouvrier et à “ l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes ”. Nous nous situons ainsi en continuité du “ Comité pour la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire ” fondé en 1984 par le dirigeant trotskyste Stéphane JUST. *** Bulletin d’abonnement Je souhaite m’abonner à Combattre pour en finir avec le capitalisme. NOM :………………………………………………. Prénom :…………………………………… Adresse :…………………………………………………………………………………………….. E-mail (facultatif) :…………………………………………………………………………………... 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