Migration cellulaire Forces de traction développées par les cellules Benoît Ladoux (Matière et Systèmes Complexes, Paris 7) Séminaire FIP 21 Février 2006 Felix Sturm Maxime Deforet 1 Introduction La migration cellulaire est un élément essentiel dans les mécanismes biologiques. Pour que la cellule se déplace, elle ne peut pas compter uniquement sur le mouvement brownien, qui ne lui permettrait de parcourir seulement 1 mm en 10 jours ! Elle doit donc avoir d'autres moyens, mécaniques, pour se déplacer. Les cellules concernées peuvent alors être classées en deux catégories : celles qui nagent (dans le sang, dans la lymphe. . . ), les bactéries1 , et celles qui rampent sur des tissus, les cellules eucaryotes2 . Nous étudierons alternativement les unes puis les autres. 1 Comment les cellules nagent 1.1 Ordres de grandeurs Le nombre de Reynolds pour une bactérie est de l'ordre de 10−4 (ce qui reviendrait à un nageur d'avancer très lentement dans de la mélasse. . . ), et à cette échelle, tous les écoulements sont laminaires. Pour une bactérie d'1 µm, la vitesse de progression est de 30 µm/s, la distance d'arrêt est de 0, 1 Å, soit un temps d'arrêt de 0, 3 µs. On voit donc qu'il n'y a pas d'inertie et que la bactérie doit en permanence fournir de l'énergie pour avancer. 1.2 Le mécanisme La seule façon d'avancer pour une bactérie est donc d'opter pour un régime inertiel, en agitant des cils ou des agelles. Fig. 1 E.Coli possèdent des agelles Le mécanisme de battement des agelles est donc non réversible, et se déroule comme suit : 1 qui sont dépourvues de noyau 2 qui contiennent un noyau 2 Fig. 2 Les 8 étapes du battement des agelles Pour E.Coli, les agelles sont des systèmes hélicoïdaux : mises en rotation par des moteurs xés à la base de la bactérie, la agelle se contracte (cette phase dure une seconde), puis la rotation inverse (d'une durée de 0, 1 seconde) permet d'étendre les agelles. Cette alternance de deux phases permet à la bactérie d'avancer. 2 Comment les cellules rampent Lorsque l'on observe au microscope une cellule en train de ramper, on aperçoit sur la partie avant (le lamellipode) des sortes de rides : la cellule se plisse et se déplisse, se contracte et se décontracte. Ces déformations permettent à la cellule de se déplacer. Elles sont dûes à la croissance/décroissance de laments au sein de la cellule. 2.1 Les dispositifs expérimentaux d'observation Pour observer une cellule qui rampent, il sut de la regarder au microscope. Mais pour évaluer les forces mises en jeu dans le déplacement (de l'ordre du nm), on ne peut qu'observer les eets de ces forces sur le substrat. A cette n, on dispose de plusieurs moyens : 2.1.1 La feuille de silicone Le déplacement de la cellule génère des rides sur la feuille de silicone Le problème principal de ce procédé est qu'il est dicile de retrouver les forces mises en jeu à partir de la forme des rides, car ce phénomène est fortement non-linéaire. 3 2.1.2 Les billes réparties aléatoirement On choisit alors d'utiliser un gel élastomère, dont le comportement est linéaire dans le régime des petites déformations. En insérant des microbilles uorescentes dans le gel, on peut étudier facilement les déformations locales du gel, grâce à son module d'Young. Le problème est ici que les billes ont été reparties alétoirement, et donc qu'il n'est pas pratique de systématiser l'analyse. 2.1.3 Les piliers dans le PDMS Le PDMS est un gel de polymère déformable et élastique. Par des techniques de nanogravures, on forme des plots à la surface du gel. Fig. 3 Les piliers nano-formés à la surface du PDMS. Cette structure a de multiples avantages : on sait bien la fabriquer, le déplacement de chaque petit pilier est indépendant du déplacement des voisins, et surtout on peut facilement relier le déplacement de chaque pilier à la force de la cellule : La déformation du pilier est liée linéairement à la force de la cellule : 3Ed F = ( 3 )δ L Si on dépose la cellule sur les piliers en PDMS, ceux-ci vont se déplacer : On peut alors, à partir des déplacements des piliers, reconstituer le champ de forces générées par la cellule. 4 2.2 Mécanisme 2.2.1 Les étapes Expérimentalement, on oberve que la reptation se déroule en plusieurs étapes, comme suit : 1. Extension : le lamellipode de la cellule croît. 2. Adhésion : cette excroissance adhère au substrat. 3. Translocation : le noyau et tout le contenu cellulaire se déplace pour s'adapter à cette nouvelle adhésion. 4. Dé-adhésion : la partie arrière se sépare du substrat. 2.2.2 Au sein de la cellule Au sein de la cellule, de longs laments constituent le cytosquelette. Ces laments permettent de maintenir à la cellule sa forme, mais aussi de se déplacer. Dans le cas des laments d'actine (∅ 6-8 nm), l'extension du lamellipode s'explique par un équilibre polymérisation / dépolymérisation : Le lament d'actine est un polymère (l'actine est le monomère). En même temps que la polymérisation se déroule en avant de la cellule, et permet la croissance du lament, la dépolymérisation à l'arrière du lament permet nalement d'atteindre un équilibre dynamique : la longueur totale du lament est constante, mais ce mécanisme est consommateur d'énergie. Au total, le lament "pousse" la paroi de la cellule vers l'avant. Ensuite, un système de protéines transmembranaires permet l'adhésion de la cellule au substrat. 2.2.3 Une vérication expérimentale Grâce à la technique du PDMS, on peut facilement vérier ce modèle. En eet, en utilisant un inhibiteur d'actine, on peut vérier que la forme de la cellule est due à l'action des laments d'actine. 4 A gauche, la cellule est simplement sur les piliers. A droite, après inhibition, la cellule "se relâche". Fig. 5