2 ème lecture mardi 6 avril 2010 - 1 ère séance

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André CHASSAIGNE
Député de la composante communiste, républicaine, parti de gauche
Département du Puy-de-Dôme
Groupe de la gauche démocrate et républicaine
Jeux d’argent et de hasard en ligne – 2ème lecture
mardi 6 avril 2010 – 1ère séance
Explication de Vote
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, nous le
regrettons, n’est pas motivé par la défense ou la préservation de l’intérêt général, mais bel et
bien par celles du modèle économique porté par les opérateurs, agissant jusqu’alors en toute
illégalité et en toute impunité. En d’autres termes, voter cette loi revient à blanchir des intérêts
privés aujourd’hui illégaux, au détriment, notamment, des principes de prévention du risque
d’addiction, de préservation de la santé publique, de pérennité des recettes fiscales et sociales
de l’État.
Cette deuxième lecture a d’ailleurs été marquée par la fièvre du jeu, les opérateurs faisant feu
de tout bois pour faire valoir leurs impératifs commerciaux : le texte doit être prêt avant la
Coupe du monde de football pour leur permettre de plumer nos concitoyens en toute légalité.
Cette perspective est d’autant plus inquiétante que le nombre d’inactifs dans notre pays ne
cesse d’augmenter et que, selon de nombreuses études, ces derniers forment les plus gros
bataillons de joueurs en ligne.
Le Parisien sous-titrait d’ailleurs dans son édition de ce matin : 4 millions d’accros attendus
sur le net !
Pour satisfaire à ces intérêts mercantiles, les assemblées ont donc été mises au pas, et
singulièrement la nôtre, mes chers collègues, puisque pas un seul des quelque 200
amendements déposés sur ce texte n’a été adopté.
Nous n’avons cessé de faire valoir que les jeux d’argent et de hasard ne sont pas une activité
économique ordinaire et que le régime général d’interdiction qui prévaut encore aujourd’hui
est particulièrement pertinent.
Hélas, votre volonté dogmatique de déréguler, portée par des opérateurs intéressés aux mises,
aura eu raison d’un équilibre pourtant protecteur.
Votre texte rompt ainsi avec une tradition républicaine séculaire, ce qui ne manque pas de
susciter la perplexité, pour ne pas dire l’incompréhension, incompréhension d’autant plus
légitime que rien, du moins pas l’Union Européenne, n’oblige aujourd’hui la France à ouvrir
le secteur des jeux d’argent et de hasard à la concurrence.
Ce qui nous choque le plus, c’est la manière brutale et hâtive qui a caractérisé la rédaction, le
dépôt et la discussion au pas de charge de ce projet.
Il est vrai que vous ne pouviez vous enorgueillir d’avoir cédé aux pressions des opérateurs et
de toutes les filières qui bénéficieront de cette ouverture, mais vous n’avez pas fait preuve de
la plus grande finesse en vous appuyant sur la nécessaire régulation d’un marché pour
l’instant illégal.
Vous n’avez d’ailleurs envisagé aucune solution alternative à cette ouverture à la concurrence
pour réguler la part des jeux qui échappaient à notre législation. Tous nos amendements en ce
sens ont été repoussés avec le concours d’un argument d’autorité : impossible de faire
autrement ! Cuisant aveu d’échec de la puissance publique face aux puissances de l’argent.
Plusieurs autres points noirs jalonnent ce mauvais texte :
Il y a d’abord une menace sur un équilibre financier : les recettes et produits des différents
prélèvements risquent d’être moindres que ce qu’ils sont actuellement dans la mesure où, pour
ne pas fragiliser le modèle économique des opérateurs ni favoriser l’offre illégale, vous avez
abaissé autant que faire se peut les taux applicables aux jeux et aux paris.
Le déferlement prochain, qui a déjà commencé en toute illégalité dans certains journaux et sur
Internet, de la publicité en faveur des jeux de hasard et d’argent est édifiant. Comment ne pas
être choqué que votre gouvernement puisse soutenir avec aplomb que la prolifération de la
publicité répond au double objectif d’assécher l’offre illégale, et donc d’en protéger les
joueurs ?
Le coût social du texte risque d’être relativement lourd : les conséquences du jeu sont bien
connues, notamment en matière de poly-addiction.
Il existe une menace pour un nombre considérable d’emplois, notamment les 70 000 emplois
de la filière équine.
Il y a un risque de perte de recettes en faveur du CNDS.
La course au profit et la financiarisation du sport professionnel vont s’accentuer au détriment
des politiques publiques en faveur du sport pour tous et à toutes les étapes de la vie. On passe
progressivement du sport loisir ou du sport amateur au sport spectacle, dominé par les filières
professionnelles ou par des clubs à raison de leur poids financier.
Se pose enfin le problème de l’indépendance des clubs, du trucage des compétitions, de
l’éthique du sport, des conflits d’intérêt : aucune compétition sportive sur laquelle seront
engagés des paris ne pourra désormais faire l’économie d’une suspicion diffuse quant à ses
résultats ou à la manière d’arbitrer.
Au-delà de ces raisons de fond qui poussent les députés du groupe GDR à voter contre ce
texte, ce sont les soupçons à peine démentis de collusion qui motivent notre position, car cette
loi favorise des intérêts particuliers singulièrement très proches du pouvoir : Arnaud
Lagardère, Martin Bouygues, Patrick Le Lay, qui table déjà sur des mises familiales de 30 à
40 euros mensuels, à dépenser hors temps de cerveau disponible, s’il vous plaît, Vincent
Bolloré, François Pinault, Dominique Desseigne, Stéphane Courbit et Alexandre Balkany, qui
n’est pas le modeste employé que décrivait avec émotion son papa sur ces bancs, tous
proches, fervents soutiens de Nicolas Sarkozy.
Il me restait quelques lignes à lire, monsieur le président.
J’aurais eu le temps de terminer mon intervention. Vous m’avez empêché de dire des choses
extrêmement intéressantes parce que je mettais en cause certaines amitiés et évoquais des
liens entre des députés et le jeu. Nous voterons contre ce projet. (Applaudissements sur les
bancs des groupes GDR et SRC.)
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