LA RESPONSABILITÉ Cours IFSI Roanne 22 mars 2017 Plan du cours INTRODUCTION LES DIFFERENTS TYPES DE RESPONSABILITE 1ère partie – La responsabilité civile et la responsabilité administrative Champs d’application Mise en jeu de ces responsabilités La réparation L’élargissement récent de la notion de responsabilité réparatrice La reconnaissance de l’aléa thérapeutique Le cas des infections nosocomiales Responsabilité des hôpitaux dans les matériels et produits de santé Responsabilité en matière de produits sanguins 2ème partie – La responsabilité pénale Définition Mise en jeu Conséquences 3ème partie – La responsabilité disciplinaire CONCLUSION Introduction On constate ces dernières années : • une inflation législative introduisant un nombre toujours plus important de règles • reflétant en réalité – une aspiration sociale sécuritaire accrue – l’apparition de risques nouveaux, de plus grande ampleur • se traduisant en pratique par un sentiment de judiciarisation croissante des rapports sociaux, touchant aussi la relation soignant/soigné, mais qui doit être objectivé… Qu’en est-il réellement de cette judiciarisation ? • quelques grandes affaires médiatiques (sang contaminé, Mediator®, prothèses PIP…) • un droit toujours plus protecteur (responsabilité sans faute, inversion de la charge de la preuve…) • des réclamations de plus en plus fréquences, mais se soldant majoritairement par des conciliations • des affaires pénales qui restent exceptionnelles Au final, une judiciairisation très relative, aussi parce que le droit a introduit des modes de résolution non contentieux des problèmes LES DIFFÉRENTS TYPES DE RESPONSABILITE • On compte quatre types de responsabilités : – La responsabilité civile des professionnels et établissements de santé, qui vise à obtenir la réparation (l’indemnisation) des préjudices résultant du dommage subi ; – La responsabilité administrative des établissements de santé, dont la fonction vise également la réparation – La responsabilité disciplinaire, qui a pour objet de sanctionner l’auteur d’un manquement aux obligations professionnelles ou déontologiques ; – La responsabilité pénale, qui tend à réprimer l’auteur d’une infraction sanctionnée par le code pénal, le code de la santé publique ou d’autres textes spécifiques. 1ère partie LA RESPONSABILITÉ CIVILE ET LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE Elles ont en commun leur fonction réparatrice. En pratique, ces deux mécanismes de responsabilité sont assez proches. Ils diffèrent essentiellement par leurs champs d’application distincts : • la responsabilité civile concerne les professionnels privés • la responsabilité administrative concerne le secteur public 1. Champs d’application La responsabilité civile concerne : • Les professionnels de santé exerçant à titre libéral: – activité en cabinet – en dispensaire – en clinique – en centre de santé – ou en cas de contrat d’exercice libéral passé avec un hôpital public • Les établissements de santé privés La responsabilité administrative concerne les professionnels de santé exerçant au sein des établissements publics de santé. Le principe : les professionnels exerçant dans les établissements publics n’engagent pas leur responsabilité personnelle car ils agissent en tant qu’agents de l’administration. L’exception : ces professionnels engagent leur responsabilité civile personnelle en cas de faute détachable du service. La faute détachable s’oppose à la faute de service. La jurisprudence considère qu’il s’agit d’une faute d’une gravité exceptionnelle qui ne peut raisonnablement être rattachée au fonctionnement du service. Peuvent constituer des fautes détachables : • l’acte se détachant matériellement de la fonction et ressortant de la vie privée de l’agent • l’acte révélant chez l’agent une intention malveillante avec volonté de nuire • la recherche d’un intérêt personnel • la faute inadmissible, inexcusable au regard de la déontologie professionnelle. Exemples de fautes détachables tirées de la jurisprudence : • Le fait d’abandonner une parturiente en plein accouchement en raison d’un incendie provoqué par un flacon d’éther laissé tomber par la sage-femme. Cette dernière ainsi que l’obstétricien s’étaient enfuis en laissant la patiente brûler sur son lit. Finalement sauvée par un infirmier et son mari, l’accouchement put être mené à son terme mais, la parturiente décéda quelques heures plus tard des suites de ses brûlures. • Le fait, pour un chirurgien chef de service, d’avoir pratiqué par erreur une néphrectomie à droite plutôt qu’à gauche, à défaut d’avoir apporté le dossier du patient et ses radios en salle d’opération, pour une relecture préalable avant d’opérer. • Le fait, pour un médecin urgentiste, d’avoir divulgué à sa famille des informations sur le décès par suicide d’une patiente, rompant ainsi le secret professionnel. Ses révélations avaient été suivies d’indiscrétions commises par sa fille et donné lieu à des rumeurs sur les circonstances de la mort, puis à une enquête et enfin à une exhumation. • Le fait, pour un gynécologue de garde, appelé par la sage-femme à la suite de la constatation d’importants saignements d’une parturiente, de terminer son déjeuner et de passer à la banque avant de se rendre au chevet de la patiente. 2. Mise en jeu de ces responsabilités La nature contractuelle de la relation entre le patient et son médecin (C.Cass., 20 mai 1936, Mercier : « il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant l’engagement sinon bien évidemment de guérir le malade, du moins de lui donner des soins attentifs et conformes aux données acquises de la science » Cet arrêt pose deux principes : L’obligation de moyen, et non de résultat, mise à la charge du médecin L’engagement de la responsabilité sur le fondement de la faute du médecin Le principe de la responsabilité pour faute repose sur trois éléments (art. 1382 C.civ : Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer). • la commission d’une faute • l’existence d’un préjudice • un lien de causalité entre les deux Ce principe a été réaffirmé, dans le domaine spécifique de la santé, par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (loi Kouchner) : Les professionnels de santé (…) ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. 3. La réparation La condamnation au civil du professionnel ou de l’établissement de santé donne lieu au versement de dommages et intérêts au profit du patient, sachant que le principe est celui de la réparation intégrale des préjudices subis. En pratique, c’est la compagnie d’assurance du professionnel ou de l’établissement de santé qui procède à ce versement. En matière de responsabilité administrative : • La condamnation de l’établissement de santé public donne lieu au versement de dommages et intérêts au profit du patient (généralement par le biais de sa compagnie d’assurance), sachant que, comme en matière civile, le principe est celui de la réparation intégrale des préjudices subis. • Lorsqu’il fait l’objet d’une condamnation, l’hôpital a la possibilité de se retourner contre son agent défaillant par le biais d’une action récursoire, afin d’obtenir le remboursement des sommes versées au patient. • Dans tous les cas, une expertise médicale sera diligentée dans le cadre de la procédure afin de permettre au juge et aux parties de bénéficier d’un avis d’expert sur les faits objet du litige. • Les juridictions compétentes pour statuer sur la responsabilité civile sont : – en première instance, le tribunal de grande instance – en appel, la cour d’appel – et, le cas échéant, la cour de cassation. • Les juridictions compétentes pour statuer sur la responsabilité administrative sont : – les tribunaux administratifs – les cours administratives d’appel – Le Conseil d’Etat L’ÉLARGISSEMENT RÉCENT DE LA NOTION DE RESPONSABILITÉ RÉPARATRICE 1. La reconnaissance de l’aléa thérapeutique Dans certaines hypothèses le dommage ne résulte d’aucunes fautes de la part du médecin, le préjudice résulte de l’aléa thérapeutique. La loi du 4 mars 2002 a considéré que la réparation de ce dommage devait relever de la solidarité nationale. C’est pourquoi a été créé un régime de responsabilité sans faute, et a été institué l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). La loi crée ainsi une voie de recours non contentieuse, facultative pour la victime, et dont la mise en œuvre est restrictive et encadrée: • il faut que l’acte médical ait entrainé des conséquences anormales eu égard à l’état de santé du patient sous réserve de vérifier que ces conséquences anormales ne soient pas dues aux prédispositions de la part du malades • le préjudice doit atteindre un seuil de gravité d’au moins 25% d’incapacité permanente • la victime saisit la commission de conciliation et d’indemnisation (CCI), qui rend un avis. Le cas échéant, l’ONIAM disposera de 4 mois pour faire une offre de réparation intégrale. • Présidées par un magistrat, ces commissions sont composées (outre le président) de membres représentant les usagers, les professionnels de santé, les établissements de santé, les assureurs, l'ONIAM, ainsi que de personnalités qualifiées. • Elles se réunissent en moyenne une fois par mois. • Le délai moyen de remise d’un avis par la commission est de 12 mois. 2. Le cas des infections nosocomiales Aux termes de l'article L. 1142-1, I alinéa 1er du Code de la santé publique : « les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ». La loi crée ainsi un régime de responsabilité présumée des établissements, davantage protecteur pour les victimes. 3. Responsabilité en raison des matériels et produits de santé utilisés par les hôpitaux Selon le Conseil d'État, "le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise". La fiabilité des prothèses fournies par l'hôpital suit le même régime. En somme, seul l'établissement est responsable en tant qu'utilisateur du matériel ou du produit de santé. 4. Responsabilité en matière de produits sanguins La cour de cassation considère que les centres de transfusion sanguine (CTS) sont tenus d’une obligation de résultat qui consiste à fournir aux malades un sang exempt de tous vices. Les CTS sont soumis à une obligation de sécurité et ils ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité qu’en prouvant l’intervention d’un cas de force majeur à l’origine du défaut. 2ème partie LA RESPONSABILITÉ PÉNALE 1. Définition La responsabilité pénale • peut être engagée dès lors qu’a été commise une infraction pénale (contravention, délit ou crime). • contrairement aux responsabilités civile et administrative, elle n’a aucunement vocation à obtenir l’indemnisation des préjudices subis par la victime de l’infraction, elle vise uniquement à sanctionner l’auteur des faits. 2. Mise en jeu • Elle est initiée par une plainte (patient…) ou par une action du procureur de la République • Les services de police, sous la direction du procureur de la République, procèdent alors à une enquête afin de déterminer si une infraction a ou non été commise. Lorsque cette première enquête apparait insuffisante, l’ouverture d’une instruction judiciaire peut être ordonnée. Il est alors procédé à une « seconde enquête » plus approfondie, dont la direction incombe au juge d’instruction. • Si l’enquête ou l’instruction menée a permis de mettre en lumière des éléments laissant sérieusement penser qu’une infraction ait pu avoir lieu, le juge d’instruction renverra le professionnel de santé prévenu ou mis en examen devant la Juridiction de jugement compétente. • La juridiction compétente varie selon la nature de l’infraction poursuivie : le tribunal de police est compétent pour juger les contraventions, le tribunal correctionnel pour les délits et, enfin, la cour d’assises pour les crimes. 3. Conséquences • Infractions les plus « couramment » retenues: – Les atteintes involontaires à la vie ou à la personne (homicide involontaire…) ; – Mise en danger de la vie d’autrui ; – Non assistance à personne en danger ; – Infractions aux règles encadrant les expérimentations sur la personne humaine ; – Infractions aux dispositions relatives à l’IVG ; – Violation du secret professionnel ; – Manquement grave à une obligation professionnelle ; – Exercice illégal de la médecine ; – Faux et usage de faux (fausses déclarations…) ; – Certificats de complaisance. MAIS les cas de poursuite restent relativement marginales…. Les sanctions : amende et/ou peine d’emprisonnement, voire interdiction temporaire ou définitive d’exercer… 3ème partie LA RESPONSABILITÉ DISCIPLINAIRE La responsabilité disciplinaire : • est engagée en cas de manquement aux obligations professionnelles et aux règles déontologiques • n’a aucune portée indemnitaire mais vise seulement à sanctionner l’auteur des faits • est infligée par l’employeur et doit être proportionnelle à la gravité de la faute • pour les médecins, elle est infligée par le conseil de l’ordre (chambre disciplinaire du conseil régional), avec possibilité d’appel • Pour le secteur privé, les sanctions sont fonction des conventions collective. On retrouve généralement l’observation, l’avertissement, la mise à pied avec ou sans rémunération, le licenciement. Le recours pour contestation relève du conseil des prud’hommes. • Pour le secteur public il existe quatre groupes de sanction : – 1er groupe : avertissement, blâme ; – 2eme groupe : radiation du tableau d’avancement, abaissement d’échelon, exclusion temporaire d’une durée maximale de 15 jours ; – 3éme groupe : rétrogradation, exclusion pour une durée de 3 mois 2 ans ; – 4éme groupe : mise à la retraite d’office, révocation avec perte de droit à la pension. Le recours pour contestation relève du tribunal administratif. Conclusion COMMENT SE PROTÉGER ? Actualiser sa pratique (formation continue…) Maîtriser les gestes Surveiller son relationnel Apporter un soin particulier à la tenue du dossier de soin et à la qualité des transmissions • N’agir que sur prescription pour les gestes n’étant pas du rôle propre à l’IDE • Attention aux délégations : les gestes délégués par les IDE sont sous la responsabilité de celui qui l’a effectué, SAUF : • • • • – Insuffisance de qualification du délégataire (ex : injection déléguée à un AS) – Absence de vérification par le délégant (IDE) que le délégataire a la compétence pour effectuer le geste – Absence d’encadrement du délégataire par le délégant => Dans ces cas, le délégant (IDE) est solidairement responsable • Attention aux délégations (suite) : l’infirmier peut mettre en œuvre un protocole de soins d'urgence préalablement écrit, en attendant l'intervention d'un médecin. Mais la responsabilité de l'infirmier sera engagée : – S'il a commis une faute dans l'exécution du protocole. – S'il n'a pas vérifié la conformité du protocole avant sa mise en route. => Dans ce cas la responsabilité du médecin signataire du protocole sera également engagée.