Dossier VivaSciences Espèces exotiques envahissantes Table des matières Espèces exotiques envahissantes (EEE) Qui sont-elles ? Causes Pourquoi sont-elles un problème ? Combattre le problème Exemples chez nous Berce du Caucase Les Renouées asiatiques Coccinelle asiatique multicolore 1 Espèces exotiques envahissantes (EEE) Qui sont-elles ? Les espèces exotiques envahissantes (ou espèces invasives) sont des plantes, des animaux ou des microorganismes qui ont été introduites par l’homme en dehors de leur aire de distribution naturelle. Plusieurs critères doivent être remplis pour qu’une espèce soit considérée comme exotique envahissante : espèce introduite en dehors de son aire de distribution naturelle espèce introduite par l’homme de manière accidentelle ou volontaire espèce introduite après 1500 espèce naturalisée dans la zone d'introduction, c-à-d qui a acquis la capacité de se reproduire dans la nature et de former des populations viables sans assistance humaine espèce présentant une expansion géographique importante de ses populations, une dynamique démographique exponentielle Causes Depuis toujours, l’Homme a provoqué le déplacement des espèces végétales ou animales, alimentaires ou ornementales, afin de les commercialiser ou de les produire dans de nouvelles zones géographiques. Mais il les a aussi transportées accidentellement, contaminant des denrées alimentaires, véhiculant les maladies présentes dans du matériel transporté,... Au cours des dernières décennies, ce phénomène s’est fortement amplifié avec l’augmentation du commerce, des transports, des voyages et du tourisme. La majorité de ces espèces ne persistent pas dans ces nouvelles conditions. Cependant, quelques espèces vont parvenir à se développer et à résulter en des populations importantes pouvant alors rapidement se disperser. Pour cela, l’espèce introduite doit tout d’abord s’adapter aux conditions climatiques (espèce acclimatée). Ensuite, elle devient capable de produire une population viable à long terme. Elle est alors considérée comme une espèce naturalisée. Finalement, elle entre dans une phase d’expansion : elle se disperse et colonise de nouveaux habitats. Ce processus qui va de l’introduction à l’invasion proprement dite peut prendre des dizaines d’années. Les espèces potentiellement envahissantes présentent des caractéristiques semblables : important pouvoir de dispersion, croissance rapide, fécondité élevée, bonne résistance aux maladies et grande flexibilité écologique. Certains écosystèmes sont également plus aptes à être envahis. Ainsi, les milieux perturbés et/ou eutrophes (milieux caractérisés par une surabondance de matière nutritive) sont plus souvent touchés par les invasions. 2 Pourquoi sont-elles un problème ? Les EEE peuvent provoquer des problèmes environnementaux, économiques, ou de santé humaine. Elles sont souvent considérées comme étant la 2ème cause de perte de biodiversité à l’échelle mondiale (en 1ère position, la fragmentation et la destruction des habitats naturels). Elles peuvent endommager les écosystèmes et prendre la place des espèces indigènes. Elles ont un impact négatif sur la diversité biologique en provoquant le déclin ou l'élimination d'espèces indigènes - par la compétition, la prédation, ou la transmission de pathogènes - et la perturbation des écosystèmes. Les coûts économiques sont souvent liés à la baisse des rendements agricoles. En effet, les EEE peuvent être des ravageurs des plantes cultivées. Les coûts de restauration des milieux envahis, de lutte et de prévention sont aussi considérables. Les EEE peuvent par ailleurs causer des problèmes de santé lorsqu’elles provoquent de nouvelles allergies ou maladies. Face à cette menace qui augmente de jour en jour et ces dommages sévères, la prise de conscience de l’urgence en matière d’espèces exotiques envahissantes est croissante tant aux niveaux international, européen, national que régional. Combattre le problème La prévention est la méthode la plus économique et la plus efficace contre les espèces exotiques envahissantes. L'arrêt de l'introduction d'espèces potentiellement envahissantes est la meilleure façon d’agir. Les gouvernements effectuent des contrôles douaniers, inspectent les chargements, réalisent des évaluations de risque et mettent en place des règlements de quarantaine pour essayer de limiter l'entrée d'espèces envahissantes. Pourtant, tous ces efforts de prévention ne sont généralement pas suffisants. Il est donc important de limiter l’expansion des EEE déjà présentes surtout dans les réserves naturelles ou les sites Natura 2000. Il est important de développer des outils de gestion et de conseils techniques afin que la lutte soit efficace. Les impacts des EEE doivent être évalués et les milieux envahis doivent être réhabilités. Plus : Belgian Biodiversity Plateform – Invasive Species in Belgium http://ias.biodiversity.be/ Sources : - Convention sur la diversité biologique : http://www.cbd.int/ - Vanderheoeven S., Branquart E., Grégoire J-L. et Mahy G. « Les espèces exotiques envahissantes ». rapport analytique sur l’état de l’environnement wallon (disponible sur Internet : http://environnement.wallonie.be/eew) 3 Exemples chez nous En Belgique, nous ne sommes pas épargnés par ce problème. Nous reprenons ici quelques exemples en détail afin d’illustrer la diversité des situations : causes d’introduction, habitat, impacts… Berce du Caucase Nom scientifique : Heracleum mantegazzianum Somm. et Lev. Introduction : 1938, volontaire, plante ornementale Origine : Ouest du Caucase Identification : La Berce de Caucase est © Laboratoire d’Ecologie - FUSAGx plante bisannuelle à pluriannuelle. Elle est la plus grande herbacée en Europe (1,5 à 4 mètres de haut). Ses fleurs blanches forment de grandes ombelles pouvant atteindre 50 cm de diamètre et présentant 50 à 120 rayons. Sa tige est épaisse (plus de 6 cm de diamètre à la base), creuse, poilue et souvent tachetée de rouge. Ses feuilles sont alternes, vert clair et dentées. Sa racine est pivotante et robuste. Ses fruits longs de 9 à 14 mm et constitués de deux akènes soudés sont très nombreux (en moyenne 6700 graines par plant). Il ne faut pas la confondre avec la Berce commune (Heracleum sphondylium) qui est indigène. Cette dernière se différence par une taille inférieure (50 à 150 cm), des feuilles plus foncées et légèrement pétiolées, un nombre de rayons à l’ombelle inférieur (8 à 30), une tige plus fine. Problèmes : - Impact écologique : La Berce du Caucase envahit les milieux perturbés et humides. Elle favorise la disparition de certaines espèces végétales indigènes. Vu sa grande taille et sa forte densité de population, elle génère des zones d’ombre importantes qui empêchent le développement d’autres espèces. Elle prive également la flore indigène des éléments nutritifs. Cette perturbation de la flore a évidemment un impact sur la faune associée. - Danger pour l’homme : La sève de la Berce du Caucase contient des substances toxiques pour l’homme et activée par les rayons ultraviolets. La réaction entraîne des brûlures parfois graves. Solutions : - Eliminer la plante avant la formation des graines afin d’éviter la dispersion de cellesci (mi-juin à début-juillet) : couper à 10 – 15 cm en dessous du sol. Pour éviter la 4 - dispersion : couper directement les ombelles sur le sol et les brûler, couvrir lors du transport et nettoyer les outils. Stocker les plants coupés en milieu ouvert et contrôler qu’ils sèchent bien. Répéter l’opération pendant plusieurs années. Se protéger : gants imperméables, lunettes de protection ou masque, vêtements de protection imperméable. En cas de contact, laver la peau et les vêtements, éviter le soleil pendant plusieurs jours. Si la peau devient rouge ou gonflée, consulter un médecin. Les Renouées asiatiques Nom scientifique : Fallopia spp (Fallopia japonica, Fallopia sachalinensis & Fallopia xbohemica) Origine : Asie orientale Introduction : Introduction délibérée au 19ème comme plantes ornementales, fourragères et fixatrices du sol. Identification : grandes plantes vivaces à © Laboratoire d’Ecologie - FUSAGx port buissonnant, de hauteur comprise entre 1 et 2,5 m (voire 4 m en station favorable) et formant de vastes massifs denses. Les tiges sont robustes, creuses et souvent tachetées de rouge. Elles possèdent des rhizomes (tiges souterraines) qui lui permettent de perdurer et de se propager. Les feuilles sont ovales à triangulaires à base tronquée droite à arrondie voire cordée en fonction de l’espèce. Elles mesurent entre 11 et 15 cm. Ses petites fleurs blanches sont regroupées en panicule à l’aisselle des feuilles et fleurissent d’août à octobre. Problèmes : Ce groupe fait partie des espèces envahissantes les plus problématiques dans le monde. - Impact écologique : Les Renouée asiatiques envahissent des milieux variés tels que les milieux rudéraux, les berges de cours …. En développant très rapidement des buissons denses, elle diminue l’espace et les ressources nutritives disponibles pour les espèces indigènes. Leur présence entraîne donc une perte de diversité au niveau de la flore. En hiver, les tiges meurent, seuls les rhizomes subsistent. Les sols sont donc laissés à nu et sont alors très exposé à l’érosion en bord de cours d’eau. Les renouées asiatiques peuvent perturber les frayères (zones de reproduction des poissons et des batraciens). En ce qui concerne la faune, l’invasion par les renouées asiatiques entraîne une diminution significative des effectifs d’invertébrés. 5 © Laboratoire d’Ecologie - FUSAGx La végétation dense empêche la circulation ou l’utilisation des zones envahies. - L’impact économique lié aux coûts de gestion de l’espèce est considérable Solutions : - L’élimination des Renouées asiatiques est très difficile, longue et coûteuse. - Consulter le « Guide de conseils de gestion des principales plantes - invasives en milieu humide » http://www.fsagx.ac.be/ec/gestioninvasives/pages/Doc-dispo.htm Evaluez la nécessité d’une intervention. En effet, lors de l’opération, des fragments de rhizomes risquent d’être dispersés et donc de causer l’expansion de l’espèce. - Si vous décider d’intervenir, suivez les conseils présentés dans le guide afin d’assurer la réussite de l’opération et d’éviter la contamination d’autres sites. Couper les tiges en-dessous du premier nœud et entasser les sur place (éviter tout transport). Stocker les résidus sur une bâche en milieu ouvert et hors zone inondable, recouvrir pour éviter la dispersion par le vent. Laisser sécher les résidus pour les brûler dès que possible. Retourner le tas 2-3 semaines plus tard pour favoriser le séchage. Surveiller qu’aucun résidu ne s’enracine pour l’extraire immédiatement. Nettoyer les outils, les pneus et chenilles des véhicules. Répéter l’opération tous les mois pendant plusieurs années. Sources : - Pieret N. et Delbart E. « Fiches descriptives des principales espèces de plantes invasives en zone humide » paru sur le site de la cellule d'appui à la gestion des espèces de plantes invasives. Plus : plus d’informations sur les plantes invasives, notamment la Berce du Caucase et les Renouées asiatiques mais aussi d’autres exemples, sur le site de la cellule d’appui à la gestion des plantes invasives : http://www.fsagx.ac.be/ec/gestioninvasives/pages/accueil.htm Recherches FUSAGx : - « Conséquences évolutives de l’hybridation au sein du complexe polyploïde d’espèces envahissantes Fallopia » : Le projet s’attache à caractériser les processus évolutifs au sein des complexes d’espèces polyploïdes envahissants et à mettre en relation ces processus avec le potentiel d’invasion de ces espèces. Notre modèle biologique est le complexe invasif des Renouées Fallopia (Polygonaceae). - Projet INPLANBEL "Invasive plants in Belgium, Patterns, Processes and Monitoring" (2003-2006) http://www.fsagx.ac.be/ec/inplanbel/Pages/intrologo.htm - Projet ALIEN IMPACT « Impact de plantes exotiques fortement invasives sur la biodiversité: mécanismes, facteurs d’amplification, et analyse des risques » (20072010) http://www.ua.ac.be/main.aspx?c=.ALIENIMPACT - Cellule d'appui à la gestion des espèces de plantes invasives. - http://www.fsagx.ac.be/ec/gestioninvasives/pages/accueil.htm 6 - Guide de reconnaissance des principales plantes invasives le long et dans les cours d'eau et plans d'eau en Région wallonne. http://www.fsagx.ac.be/ec/gestioninvasives/pages/Doc-dispo.htm - Guide de conseils de gestion des principales plantes invasives le long des cours d'eau et plans d'eau en Région wallonne http://www.fsagx.ac.be/ec/gestioninvasives/pages/Docdispo.htm - PRAVEG: Analyse des risques phytosanitaires des espèces végétales invasives. La plate-forme de la biodiversité et la communauté scientifique ont mis en place un système de classification des espèces exotiques classées en fonction de leur degré d’invasion et de leurs impacts environnementaux (http://ias.biodiversity.be/ias/species/all) ; http://ias.biodiversity.be/ias/documents/ISEIA_protocol.pdf). Cette approche doit être complétée par une analyse des risques actuels et futurs. Trois espèces représentant des situations variées sont étudiées afin de mettre en place des compétences d’analyse de risques des espèces exotiques (Ambroise à feuille d’armoise, Renouées asiatiques et Impatiens glandulifera). Coccinelle asiatique multicolore Nom scientifique : Harmonia axyridis Pallas Origine : Sud-Est de l’Asie Identification : La coccinelle asiatique est difficile à différencier vu sa très grande variété de couleurs. Cependant, la combinaison de deux caractères permet de l’identifier. Elle est plus grande que les individus de la plupart des espèces indigènes (5 à 8 mm). Son pronotum (partie intermédiaire entre la tête et le thorax) peut présenter trois types de dessins : clair avec une tache noire en forme de « M », clair avec une tache noire en « patte de chat », noir avec deux bandes noires. Les coccinelles indigènes qui présentent ce type de dessin sont plus petites. Celles qui sont plus grandes (plus de 5 mm) ne présentent pas le même type de dessin. 7 Introduction : fin des années 90, volontaire, utilisation en lutte biologique en tant que prédateurs des pucerons Problèmes : - Impact écologique : la coccinelle asiatique se répand très vite et menace les espèces indigènes et l’équilibre des écosystèmes. La menace sur les coccinelles indigènes est très forte. En effet, la coccinelle asiatique se nourrit des larves des coccinelles indigènes et est en compétition avec celles-ci pour la nourriture et l’espace. Selon les récents rapports scientifiques, les populations de coccinelles à deux points sont en déclin. - Nuisance pour l’homme : Elle peut s’agréger par centaines, parfois par milliers dans les maisons afin de passer l’hiver au chaud. Heureusement, elle ne présente aucun risque pour la santé. Mais, très nombreuses et présentes partout, ça devient vite désagréable, notamment, à cause de la substance jaunâtre malodorante qu’elles produisent. Quelques rares cas d’allergies ou de morsures ont néanmoins été recensés. - Problème économique : Dégât sur les cultures fruitières : on observe de plus en plus souvent des coccinelles asiatiques consommant des fruits mûrs, heureusement elles préfèreraient les fruits endommagés. Cependant, les viticulteurs craignent des problèmes de modification du goût du vin causée par la présence des coccinelles dans les grappes de raisins. Solutions : - Il n’existe actuellement pas de moyens de lutte efficace contre l’invasion de cette espèce de coccinelles. On ne connaît pas de prédateurs qui pourraient s’attaquer à cette espèce et pas aux espèces indigènes. Il faudra donc apprendre à vivre avec. - Achetez la Coccinelle à deux points, Adalia bipunctata, classique et autochtone, efficace pour lutter contre les pucerons sur les arbustes et arbres fruitiers. - Si vous faites face à une invasion de coccinelles chez vous, évitez d’utiliser des produits chimiques car ils sont peu efficaces et présentent des risques pour votre santé. Essayez de les capturer en les aspirants avec un aspirateur. Pour les récolter facilement, il suffit de disposer un bas dans le manche de l’aspirateur. Plus : http://www.fsagx.ac.be/zg/Sujets_d_actualité/Harmonia/harmonia.html Sources : - F.J. Verheggen, Q. Fagel, S. Heuskin, G. Lognay, F. Francis, E. Haubruge. - « Electrophysiological and behavioral Response of the Multicolored Asian Lady Beetle, Harmonia axydaris Pallas, to Sesquiterpene Semiochemicals » paru en ligne dans le Journal of chemical Ecology. F.J. Verheggen et E. Haubruge. « Que faire lors d'invasions de coccinelles asiatiques ? » paru dans Le canard déchaîné du Kauwberg, n°66. Activités FUSAGx : - Les chercheurs de l’unité d’entomologie fonctionnelle et évolutive de la FUSAGx mènent différentes études sur cette espèce. Ils essaient de comprendre le langage chimique utilisé par les coccinelles asiatiques leur permettant de se regrouper dans des endroits chauds où passer l’hiver. Ainsi, ils ont récemment mis en évidence des 8 - phéromones d’agrégation de ces coccinelles (molécule - ou mélange de molécules émise et perçue par les individus d’une même espèce et qui provoque leur rassemblement). Grâce à cette découverte, des pièges à coccinelles pourront être mis au point. En effet, ces pièges contenant ces phéromones attireront et piègeront les insectes. Vous pouvez les aider à mettre en place des systèmes de piégeage en répondant à un formulaire disponible sur leur site Internet (lien ci-dessous). Court-métrage intitulé ‘Harmonia’ primé au festival du film nature de Namur (disponible sur le site de l’unité ou à la médiathèque et à la demande). 9