20160113_Atelier_Bava_et_al

publicité
Atelier : Migrations, Religions et Dynamiques cosmopolitiques en Afrique méditerranéenne
Le soft power marocain :
diplomatie religieuse, malékisme modéré et politique africaine
Bien que toujours officiellement attaché au thème de l’union du Maghreb, le Maroc développe
depuis de nombreuses années une politique africaine contournant l’Afrique méditerranéenne et
orientée vers l’Afrique subsaharienne. Cette posture est la seule à même de permettre au Maroc de
se positionner durablement comme une puissance régionale. Elle implique un volet économique, bien
évidemment, lequel est relativement important, mais aussi un important volet religieux
Le volet religieux consiste dans la promotion du « malékisme modéré », expression par laquelle
les autorités marocaines résument la politique religieuse du Royaume, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur. Ce malékisme d’usage promeut la tolérance en même temps que la tradition. S’il n’est pas
porteur d’un fort projet d’aggiornamento de l’islam – qui serait, du reste, bien difficile à mettre en
œuvre –, le malékisme modéré est très clairement porteur d’une alternative au wahhabisme,
promouvant un « cosmopolitisme islamique », pour lequel les déclinaisons locales de l’islam (islam
africain, islam berbère, culte des saints, soufisme) sont légitimes, à l’encontre du puritanisme
mondialisé promu par l’Arabie saoudite. De ce point de vue, la diplomatie religieuse du Maroc se
développe tant en destination des musulmans que des chrétiens. En effet, la promotion d’un islam
tolérant et cosmopolite implique le dialogue avec les autres religions.
Cette posture doit, cependant, demeurer « feutrée », tout d’abord parce que le promoteur du
puritanisme mondialisé, l’Arabie saoudite, est un allié (l’Europe et les Etats-Unis ont, du reste, adopté
des politiques similaires) et, ensuite, parce qu’il est difficile de promouvoir une religion, fut-elle
modérée, sans se référer à sa tradition et, donc, à sa doctrine, telle qu’elle est communément acceptée
à l’époque où on la promeut. Or cette époque est dominée par la vulgate wahhabite. La question se
pose donc de la portée effective de cette diplomatie : jusqu’à quel point le jeu sur les modalités –
promouvoir les déclinaisons locales de l’islam – peut-il être efficace et constitutif d’un soft power ?
Jean-Noël Ferrié
CNRS, UMR PACTE/LEPOSHS, Université internationale de Rabat
Téléchargement