Classe de 3 ième Année 2013/2014 Le renouveau poétique au début du XXe siècle. Séance 7 : Caractériser un poème en prose Doc 1 Dans ses Poésies documentaires, Pierre Mac Orlan évoque des réalités contemporaines en imaginant des historiettes pleines de fantaisie. Il centre ici son poème sur un personnage insolite : une mouche. Appareils sanitaires J’ai connu une malheureuse mouche qui se perdit dans la tuyauterie neuve d’une maison en construction. Heureusement pour elle, l’eau ne pénétrait pas encore dans ce dédale1 compliqué. Elle erra au hasard de ces longs couloirs de plomb, jusqu’à ce que la maison, étage par étage, fût louée. Un beau jour, un bruit épouvantable vint mettre un terme à ses souffrances. Maintenant elle flotte le ventre en l’air sur les eaux lourdes du Tout-à-l’Égout, dans la direction d’une petite lumière livide2. 1 Labyrinthe, par référence à Dédale, personnage mythologique ayant conçu un labyrinthe gigantesque pour y enfermer le Minotaure. 2 Blafarde, blanchâtre. PIERRE MAC ORLAN, « Appareils sanitaires », in Poésies documentaires complètes, 1954 © Éditions Gallimard Doc 2 Francis Ponge décrit ici un objet qui a révolutionné la vie des Français au milieu du XXe siècle : la radio. La Radio Cette boîte vernie ne montre rien qui saille1, qu’un bouton à tourner jusqu’au proche déclic, pour qu’au-dedans bientôt faiblement se rallument plusieurs petits gratte-ciel d’aluminium, tandis que de brutales vociférations jaillissent qui se disputent notre attention. Un petit appareil d’une « sélectivité » merveilleuse ! Ah, comme il est ingénieux de s’être amélioré l’oreille à ce point ! Pourquoi ? Pour s’y verser incessamment l’outrage des pires grossièretés. Tout le flot de purin2 de la mélodie mondiale. Eh bien, voilà qui est parfait, après tout ! Le fumier, il faut le sortir et le répandre au soleil : une telle inondation parfois fertilise… Pourtant, d’un pas pressé, revenons à la boîte, pour en finir. Fort en honneur dans chaque maison depuis quelques années – au beau milieu du salon, toutes fenêtres ouvertes – la bourdonnante, la radieuse seconde petite boîte à ordures ! 1 Du verbe saillir : sortir, dépasser. 2 Liquide nauséabond s’écoulant d’un tas de fumier. FRANCIS PONGE, « La Radio », in Pièces, 1961 © Éditions Gallimard 1. Relevez toutes les formules désignant les toilettes et la radio, et explicitez-les si nécessaire. Quelle est la figure de style récurrente ? 2. En quoi le poème en prose est-il une forme de poème bien adaptée pour évoquer des objets de la vie quotidienne ? 3. Quel champ lexical a priori peu poétique les deux textes ont-ils en commun ? Que cela révèlet-il du regard des auteurs sur le monde moderne ? 4. Si ces poèmes n’avaient pas de titre, identifierait-on facilement leur sujet ? En quoi le titre et le poème lui-même s’opposent-ils ? 5. « J’ai connu une malheureuse mouche » (v. 1) : en quoi ce début est-il surprenant ? 6. Un texte héroï-comique traite avec beaucoup de sérieux (langage soutenu, exagérations, etc.) d’un fait sans importance, dans le but de faire (sou)rire. Relevez une phrase de la deuxième strophe qui vous semble relever de ce registre, justifiez votre choix et dites quel est l’effet produit. (doc.1) 7. En vous aidant de vos réponses aux questions précédentes, montrez d’où vient le comique de ce poème. (doc. 1) 8. En quoi ce texte présente-t-il une dimension documentaire ? Observez notamment le temps des verbes et la structure d’ensemble du poème. (doc. 2) 9. Relevez les indices de la tonalité ironique du poème. (doc. 2) 10. En utilisant les questions 8 et 9, montrez que le texte est satirique.