9ème congrés du PDCI RDA à Yamoussoukro le 5 Octobre 1990 LE PREMIER MINISTRE ALASSANE OUATTARA A LA CLOTURE : C’est pour moi un insigne honneur de m’adresser à vous, à l’occasion du neuvième Congrès de notre Grand parti, le PDCI-RDA pour vous présenter l’évolution récente de la situation économique de notre pays ainsi que les perspectives de sa croissance dans les prochaines années. Comme vous le savez notre pays a connu de sérieuses difficultés économiques et financières au début des années 80, après une vigoureuse expansion soutenue jusqu’à la fin des années 70. Néanmoins, nos trente années d’indépendance présentent un bilan largement positif, à savoir : Notre produit intérieur Brut est passé de 415 milliards de F.CFA en 1970 à 3 244 milliards en 1986, soit une progression remarquable qui a largement amélioré le niveau de vie de notre population. Dans le domaine agricole qui fait notre légitime fierté, la Côte d’Ivoire se classe aujourd’hui parmi les premiers en Afrique pour 11 produits d’exportation sur 17 notamment pour le cacao, le café, le coton, l’huile de palme, le coprah, le caoutchouc naturel etc… En ce qui concerne le secteur éducatif, l’enseignement primaire pour la rentrée 1989/1990 compte 1.417.000 écoliers alors que le secondaire reçoit 255.000 élèves. Le supérieur accueille quant à lui 20.477 étudiants alors que les effectifs dans les filières scientifiques ont triplé en cinq ans. La part de notre budget consacré à l’éducation est parmi les plus élevées dans le monde. En matière de santé, l’hôpital de Yopougon a ouvert ses portes récemment et on compte plus de 700 établissements sanitaires sur le territoire national. L’électrification a connu un bond prodigieux avec 1032 localités électrifiées en 1990 contre 3 en 1952. L’adduction d’eau a fait des progrès remarquables dans 372 villes et villages, sans compter les localités qui ont bénéficié de milliers de puits équipés. Le réseau routier de notre pays est le premier en Afrique au Sud du Sahara grâce à un programme ambitieux d’infrastructure routière qui a permis de désenclaver l’ensemble de notre territoire. Pour les télécommunications, de 3.700 abonnés en 1960, nous comptons plus de 68.000 en 1989 et l’essentiel du réseau est automatisé. En 1987, le nombre de récepteurs radio atteignait 4 millions et la 1 télévision, non seulement s’est dotée d’une deuxième chaîne, mais couvre 80% de notre pays. Nous pouvons citer de telles réalisations dans tous les secteurs et ce sont là des résultats que personne ne saurait contester. LES VRAIES CAUSES DE LA CRISE : Malheureusement à partir des années 1980, cette croissance prodigieuse a fait place à une récession économique sans précèdent dont les effets ont été amplifiés par des faiblesses structurelles de notre économie. En effet, l’effondrement des cours internationaux des principaux produits d’exportation de notre pays (café, cacao) qui est intervenu alors que la Côte d’Ivoire offrait sur le marché mondial une quantité de plus en plus importante de ces produits, a eu un impact défavorable sur l’activité intérieure. La manifestation de la crise a été particulièrement aiguë dans le domaine des finances publiques. En effet, le déficit des opérations financières de l’État qui a atteint environ 16% du PIB sur la base des ordonnancements a été financé essentiellement par une accumulation d’arriérés de paiement intérieurs et extérieurs. Dans le domaine de la monnaie et du crédit, il y a lieu de souligner que les banques ont souffert du déséquilibre des finances publiques ; leur situation s’étant fortement dégradée en raison du niveau important des arriérés de l’État. Aussi, les principales banques de la place ont-elles été confrontées à une situation d'illiquidité qui a été exacerbée par la mévente d’importants stocks de produits d’exportation nantis auprès des banques. Pour les entreprises, une telle situation a abouti à la disparition de toute possibilité de financement et quelquefois, à la fermeture de certaines d’entre elles. Nous avons observé ici et là un recul de l’emploi qui a concouru à la dégradation du niveau de vie de la population. La crise a aussi fait apparaître des faiblesses structurelles de notre économie qui, si elles ne sont pas corrigées pourraient contrarier notre effort de développement. La persistance du déficit budgétaire constitue une menace permanente pour l’économie nationale. En effet, un État qui vit au-dessus de ses moyens et des entreprises publiques qui n’enregistrent que des pertes d’exploitation, bloquent rapidement toute possibilité d’expansion du reste de l’économie. 2 L’économie mondiale ayant continué d’être défavorable aux pays en voie de développement en général et notamment à la Côte d’Ivoire, notre pays a perdu des sommes considérables sur les produits des recettes d’exportation. L’ampleur des déséquilibres financiers nécessitait l’application de mesures économiques devant permettre de corriger ces distorsions en vue de renforcer la diversification de la production pour améliorer le bien-être de notre population. SUR LE CHEMIN DE LA REUSSITE : C’est pourquoi, le Gouvernement a adopté et mis en œuvre un programme de stabilisation et de relance économique qui a reçu l’approbation de l’Assemblée Nationale le 28 mai 1990. J’ai déjà eu l’occasion de présenter les objectifs de ce programme et les mesures prévues pour les atteindre. Je tiens simplement à rappeler que la discipline budgétaire est désormais et véritablement au centre de l’action gouvernementale. Je dois remercier nos partenaires extérieurs, les institutions internationales, comme la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire international, la Banque Africaine de Développement et les pays amis qui ont d’ailleurs apprécié les efforts déployés par la Côte d’Ivoire pour créer un environnement social et politique propice à la mise en œuvre du programme. Je voudrais ici souligner le rôle important que joue notre partenaire privilégié, la France, dans le domaine de l’assistance technique et financière pour soutenir nos efforts internes de redressement économique. Néanmoins, l’effort doit se poursuivre : D'une part, en réduisant le déficit budgétaire de l'Etat et en renforçant la gestion des structures administratives chargées de la mise en oeuvre des mesures de redressement : Et d’autre part, en apurant les arriérés intérieurs et en améliorant l’environnement financier pour les entreprises. Les progrès réalisés par notre pays dans l’application du programme, commencent à faire renaître la confiance de la communauté internationale. Les récents entretiens que le Directeur National de la BCEAO, le Ministre de l’Économie et des Finances et moi-même avons eu la semaine dernière à Washington, en marge des Assemblées annuelles du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, ont confirmé cette appréciation positive, que nous devons interpréter comme une invitation à notre pays à persérérer dans cette voie de redressement de l’Économie nationale. Ces résultats satisfaisants ont été obtenus, grâce au soutien de nos compatriotes et au dialogue constructif entre l’administration et les opérateurs économiques. 3 Les institutions financières internationales et les pays amis que je viens de citer ont quant à eux décaissé, en quatre mois près de 150 milliards de F. CFA. Cette contribution financière de nos partenaires a permis notamment au Trésor Public et à la Caisse de Stabilisation de réduire de manière appréciable les arriérés de paiement intérieurs de l’État dont l’importance du stock a participé à l’assèchement des liquidités dans notre économie. Les efforts d’apurement de la dette intérieure de l’État seront poursuivis, afin de permettre aux entreprises et aux banques de retrouver rapidement la trésorerie nécessaire à leur exploitation. Malgré cette période de nécessaire ajustement, je voudrais vous indiquer que nous restons attachés à l’atténuation des effets négatifs pour les couches sociales les plus faibles économiquement. C’est pourquoi, après concertation avec les professionnels du secteur, le Gouvernement a décidé de baisser de 25 % les prix des manuels scolaires de l’enseignement primaire. D’autres mesures d’ordre social sont également en cours d’étude, notamment dans le domaine des soins de santé primaire et en faveur du monde paysan. Vers la fin de l’année en cours, le Gouvernement entreprendra des négociations avec les institutions financières internationales pour la mise en place d’un programme économique à moyen terme, plus exactement pour les trois à cinq prochaines années. En ce qui concerne la relance économique, celle-ci peut-être envisagée à court terme bien que l’environnement extérieur ne soit pas particulièrement favorable. Pour cela, il est indispensable que le Gouvernement maîtrise davantage les dépenses de fonctionnement de l’État, car celles-ci représentent encore une proportion élevée de la production nationale. Il faudra que l’État dégage un peu plus d’épargne pour soutenir les efforts d’investissement du secteur privé. En attendant, la réduction des arriérés intérieurs de l’État est un signal important, car c’est la première impulsion donnée au système productif en vue de la relance. Mais c’est l’ensemble des secteurs clés de l’économie qui doivent être revus pour améliorer la productivité qui est notre souci majeur. UNE EXIGENCE FONDAMENTALE : En premier lieu, une meilleure gestion des ressources publiques nécessitera une réforme de l’appareil administratif. Débarrassée des lourdeurs et des obstacles de toutes sortes, l’administration rénovée, animée par des agents intègres et dévoués à la cause publique, doit être plus concentrée pour être plus opérationnelle. C’est une exigence fondamentale en cette fin de siècle, exigence à laquelle notre pays peut faire face. Ceci permettra au gouvernement de programmer sur une période moyenne, une baisse du taux 4 d’imposition aussi bien pour les entreprises que pour les ménages, et sera un élément majeur de modération des prix et, par conséquent de la sauvegarde du pouvoir d’achat de nos compatriotes. Il faut également rappeler que dans un État moderne, la productivité des services fiscaux doit être améliorée. L’administration concernée sera dotée des moyens nécessaires pour assurer le recouvrement effectif des impôts. A cet égard, le gouvernement attend des citoyens, un véritable changement de comportement à l’égard de l’impôt. Par conséquent, pour avoir un droit de regard sur la gestion de la chose publique, l’on doit encourager les uns et les autres à être en règle vis-à-vis du fisc. Je saisis cette opportunité pour réaffirmer que la fraude et la corruption sont des actes anti-développement que le système judiciaire assaini devra sanctionner. En second lieu, le processus de désengagement de l’État du secteur productif sera poursuivi. Le secteur privé national a en effet acquis une bonne expérience de la gestion des entreprises. Notre pays dispose de jeunes cadres dynamiques formés à l’intérieur et à l’extérieur. Ils ne demandent qu’à prendre en charge la gestion des sociétés et à apporter leur concours à l’économie nationale. Le recul de l’État de la sphère de production ne signifie nullement que son rôle va s’amoindrir dans les années à venir. Tout au contraire, son action sera déterminante dans des secteurs qui me paraissent vitaux pour le développement de notre pays à savoir : 1. 2. 3. 4. la santé, l’éducation et la formation le développement des infrastructures et la défense du territoire ainsi que la sécurité de nos concitoyens. Un Ivoirien bien instruit, bien formé et en bonne santé, est un excellent agent du développement futur de notre pays et un ardent défenseur de la paix sociale. Je me dois de souligner que la politique du gouvernement ne peut prendre appui sur ces considérations, que si le secteur productif est mieux géré. En troisième lieu, la modernisation de notre économie suppose une diversification de la production nationale. En effet, notre pays ne peut continuer de subir les perturbations de la conjoncture internationale, liées notamment au bas niveau des prix de nos principaux produits d’exportation. Par conséquent, seule la diversification progressive de notre économie pourra nous mettre à l’abri des effets dévastateurs des retournements de la conjoncture internationale. Le processus de diversification est une œuvre de longue haleine. 5 Plus tôt, il est engagé, mieux il assurera à notre pays une croissance sur une longue période. La diversification de la production fait partie intégrante de la modernisation de notre économie. Celle-ci doit s’appuyer sur des entreprises sainement gérées et rentables. C’est la raison pour laquelle la restructuration des sociétés du secteur para-public sera poursuivie. A cet égard, les dirigeants des entreprises qui demeureront dans le secteur parapublic, auront désormais des obligations de résultats à l’endroit du gouvernement et, bien entendu, à l’endroit des consommateurs et des contribuables. DE L’ORDRE DANS LA MAISON : Le Gouvernement, pendant la même période, entreprendra des mesures en vue d’introduire plus de flexibilité dans la réglementation des prix du commerce et du travail. Cet objectif sera concrétisé par la création prochaine d’un Comité de liaison secteur public/secteur privé. Ce Comité travaillera à l’élimination des entraves bureaucratiques qui accentuent inutilement la complexité et la lourdeur des formalités administratives. Dans le même ordre, il sera créé un " guichet unique " que j’avais déjà évoqué lors de ma conférence de presse le samedi dernier. Ce guichet sera l’interlocuteur unique pour l’ensemble des investisseurs tant nationaux qu’étrangers, ce qui devra réduire de manière appréciable, les démarches parfois très longues qui sont une entrave à l’investissement et donc à la création d’emplois. L’amélioration de la situation économique générale de notre pays constitue donc un souci majeur pour le Gouvernement qui s’efforcera d’aider les entreprises à croître et à créer des emplois pour des jeunes qui doivent être préparés à assurer la relève de leurs aînés. Nos jeunes compatriotes sont exigeants. Ils ont raison de l’être, ils ont également raison de nous juger avec sévérité, à cause des incertitudes du futur. Ce futur, nous devons avoir pour objectif de le rendre encore plus prospère. La Côte d’Ivoire doit non seulement conserver la position qui est la sienne, mais l’améliorer constamment pour demeurer le pays de référence de la sous-région ouest africaine. Nous avons les moyens matériels, tant par la qualité de nos infrastructures et par les résultats de notre agriculture. Nous pouvons avoir le cadre structurel grâce aux réformes en cours que je viens de décrire brièvement. De part la qualité de la 6 formation de nos enfants, formation dont Yamoussoukro est un symbole, nous en avons largement les capacités humaines. Il ne nous reste plus qu’à faire de toutes ces réflexions, un atout majeur pour la Côte d’Ivoire de l’an 2000. En cela, seuls de nouveaux comportements, de nouvelles mentalités nous feront avancer plus vite aux cours des prochaines années. C’est ainsi que je veux comprendre le thème de notre Congrès " la Côte d’Ivoire face aux défis actuels – renouveau et continuité " Seules les mentalités nouvelles sauront s’adapter aux innovations technologiques nécessaires à l’accroissement de la productivité pour une croissance économique soutenue. Au cours des prochaines années, le Gouvernement prendra des dispositions pour lever les hypothèques et rassurer la jeunesse sur sa détermination à lui léguer un patrimoine rénové et assaini, il lui appartiendra alors d’entretenir le flambeau de la croissance avec ardeur, responsabilité et engagement. Excellence M. le Président de la République, Président du PDCI-RDA, Honorables invités, Chers frères et sœurs congressistes. Je viens de vous entretenir brièvement de la situation économique et financière de notre pays et des perspectives favorables qui s’offrent à la Côte d’Ivoire, si tous les agents économiques s’emploient à poursuivre avec efficacité dans la stabilité politique et la paix sociale, la mise en œuvre rigoureuse du programme de stabilisation et de relance économique. C’est le succès de ce programme qui favorisera la relance et la diversification de notre économie. La situation économique actuelle est certes difficile. Mais dans le contexte politique nouveau, favorisant le changement des mentalités et mettant l’accent sur la transparence et la rigueur dans la gestion économique et financière, nous ne pouvons qu’être optimistes. Les difficultés économiques du moment nous font prendre conscience de l’intensité de l’effort que nous devons déployer sans relâche pour assurer le prestige de notre pays et son rayonnement au plan international. Ce sera la marque de notre profonde gratitude à l’œuvre gigantesque réalisée pour la Côte d’Ivoire près d’un demi-siècle durant, par ce Grand Homme qu’est le Président du PDCI-RDA le Président Félix Houphouët-Boigny. Vive le Président Félix Houphouët-Boigny, vive le PDCI-RDA pour que vive la Côte d’Ivoire. 7 Je vous remercie. 8