EXPLORATIONS FONCTIONNELLES: INDICATIONS ET APPORTS DE LA MANOMETRIE ET DE L’IMPEDANCEMETRIE Guillaume Cargill Hôpital Robert Debré – Paris Le petit monde des explorations fonctionnelles est en train de vivre non pas une mais plusieurs révolutions liées à l’arrivée de nouvelles techniques. Certaines sont de vrais gadgets coûteux et inutiles, mais deux d’entre elles apportent un renouvellement complet dans la façon de concevoir les explorations œsophagiennes : il s’agit de la manométrie haute définition et de l’impédancemétrie. Nous aborderons successivement les techniques et résultats de ces deux technologies. 1°) pH-métrie sans fil Tout d’abord dans le domaine gadget la pH-métrie sans fil BRAVO. Il s’agit d’implanter dans l’œsophage une capsule contenant un micro pH-mètre et un émetteur Bien sûr l’avantage du système est l’absence de sonde, mais les mesures sont effectuées avec un capteur à l’antimoine au rythme d’une mesure toutes les 6 secondes ces mesures étant transmises par télémétrie à un récepteur placé à la ceinture. Mais outre une qualité du signal discutable (fréquence d’acquisition lente et numérisation sur un faible nombre de bits) il existe aussi souvent des anomalies de transmission du signal. Par ailleurs la taille de la capsule gêne parfois l’alimentation et sa présence peut se traduire par des douleurs par ailleurs il arrive que sa chute soit trop précoce ou encore très tardive (3 semaines !!!) nécessitant parfois un acte endoscopique. Enfin son prix (270€ la capsule) rend cet examen hors de portée pour la plupart de nos petits patients. Les sondes de verre et ISFET restent et pour longtemps encore les références dans ce domaine. 2°) La manométrie technique et indications : La manométrie n’a pas de prétention diagnostique vis-à-vis du reflux, mais elle permet d’expliquer le trouble, elle permet aussi l’exploration des troubles moteurs œsophagiens et de la fonction œsophagienne : c’est-à-dire le transport des aliments de la bouche à l’estomac Le but de la manométrie est de comprendre la base mécanique des symptômes œsophagiens, du transit anormal du bol alimentaire, de guider un traitement rationnel. La manométrie conventionnelle mesure la pression intra-œsophagienne sur 3 à 4 voies et permet de mesurer la pression du sphincter inférieur par retrait gradué ou par mise en place d’un manchon dans le sphincter. Les signaux sont enregistrés selon 2 axes (pression/temps) La manométrie traditionnelle permet une mesure directe de la fonction motrice, c’est un examen peu onéreux relativement disponible, mais sa résolution est faible et elle est incapable d’appréhender l’efficacité de la déglutition, son interprétation est subjective et sa signification parfois incertaine. La manométrie haute résolution nécessite un nombre important de cathéters 9 à 36 selon les systèmes avec une représentation spatiotemporelle. L’intérêt est un positionnement rapide et facile de la sonde qui reste fixe durant l’examen qui montre de façon visuelle l’efficacité de la déglutition et le transport effectif du bol alimentaire. Cette technique permet une étude plus précise des troubles moteurs : Méga-œsophage Œsophage casse-noisette Spasme diffus Hypoperistaltisme Mais cette technique permet aussi une étude détaillée du sphincter inférieur (position et tonus) en réalisant un manchon virtuel ce qui permet une étude détaillée de l’insuffisance sphinctérienne inférieure des reflux résistants au traitement cette étude permet de prendre plus facilement une indication opératoire ou de rechercher une contre-indication à cette thérapeutique (trouble de la clairance) Elle permet enfin une étude très détaillée du temps pharyngo-sphinctérien supérieur de la déglutition et de toutes ces altérations (fausses-routes…) Ainsi réalisée la manométrie devient un élément essentiel de l’exploration et de la prise de décision thérapeutique de tous les troubles œsophagiens. 3°) L’impédancemétrie Le reflux gastro-œsophagien est un trouble fréquent atteignant presque 30% de la population qu’elle soit adulte ou pédiatrique cette maladie bénigne est tout de même à l’origine de lésions potentiellement dégénératives atteignant 1% de la population. La fréquence des cancers œsophagiens est d’ailleurs en forte augmentation depuis quelques décennies. La pH-métrie a pour but de le quantifier basée sur le principe de la mesure de l’acidité du refluât qui semble une notion naturelle puisqu’un estomac d’adulte sécrète deux litres d’acide chlorhydrique chaque jour. Mais chez le nourrisson le % de temps passé au-dessus de pH4 est du fait de l’alimentation lactée si important que l’interprétation de la pH-métrie devient impossible. Par ailleurs sous traitement par IPP nombre de patients présentent encore des troubles biens difficiles à analyser. Ce n’est donc pas un hasard si nos collègues pédiatres allemands furent les premiers à utiliser une technologie employée dans d’autres indications (ORL) il y a 9 ans de cela. L’impédancemétrie consiste à mesurer la résistance au passage du courant électrique entre des couples d’électrodes réparties sur une sonde. Le reflux de liquide ferme, le contact entre les électrodes et permet un meilleur passage du courant. À l’inverse une éructation limite le passage du courant. En analysant le sens de déplacement de l’information cette technique distingue déglutition et reflux. Couplée à un enregistrement pH-métrique elle permet ainsi de distinguer : Les déglutitions liquides Les déglutitions d’air Les reflux acides Les reflux peu acides Les reflux non-acides Les reflux liquidiens Les reflux d’air Les reflux mixtes Il devient ainsi possible d’explorer tous les reflux qu’ils soient acides ou non que ce soit chez le nourrisson au sein ou chez le patient sous IPP. Nombre de patients considérés comme non reflueurs peuvent ainsi bénéficier d’un traitement correct. Notons que la technique peut aussi être employée pour étudier le transit trans-pylorique ou intestinal Reste qu’il s’agit comme pour la manométrie haute définition d’une technique onéreuse ne bénéficiant pas pour l’instant d’une prise en charge par la sécurité sociale. Son interprétation fait appel à un médecin formé et entraîné, elle est pour l’instant en grande partie manuelle et donc chronophage. Des logiciels d’aide sont en cours d’élaboration, mais ils restent peu performants pour l’instant. Les performances du matériel varient en fonction du fabricant et du nombre de voies possibles. Conclusions : L’étude des troubles moteurs digestifs et en particulier de ceux de l’œsophage est révolutionnée par l’arrivée de deux nouvelles technologies qui affinent considérablement nos connaissances sur la fonction œsophagienne et sur le reflux. La manométrie haute définition et l’impédancemétrie sont les nouvelles référence en la matière et supplantent la pH-métrie (fut-elle sans fil) et la manométrie classique.