COUR D'APPEL D'ANGERS CHAMBRE A - COMMERCIALE ACM/IM ARRET N°: AFFAIRE N° : 13/03184 Jugement du 06 Novembre 2013 Tribunal de Commerce d'ANGERS n° d'inscription au RG de première instance 201008401 ARRET DU 29 MARS 2016 APPELANTS : Monsieur Anthony GENAIS né le 17 Juillet 1966 à THOUARS (79100) 98, Impasse du Parc Chaumont 49260 MONTREUIL BELLAY Madame Rachel PIERRE née le 21 Octobre 1962 à SAINT AUBIN DE LUIGNE (49190) 98, Impasse du Parc Chaumont 49260 MONTREUIL BELLAY Représentés par Me Jacques VICART, avocat postulant au barreau d'Angers - N° du dossier 15297 et par Me SCARDINA, avocat plaidant au barreau d'Angers INTIME : Maître Bernard JUMEL pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur Anthony GENAIS 2 Square La Fayette CS 51846 49018 ANGERS CEDEX 01 Représenté par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 70120333 COMPOSITION DE LA COUR 1 L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 16 Février 2016 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MONGE, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport, et Madame VAN GAMPELAERE, conseiller faisant fonction de président. Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller, faisant fonction de Président Madame MONGE, Conseiller Madame PORTMANN, Conseiller Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU ARRET : contradictoire Prononcé publiquement le 29 mars 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Véronique VAN GAMPELAERE, Conseiller, faisant fonction de Président et par Denis BOIVINEAU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ~~~~ FAITS ET PROCEDURE Par jugement du 11 février 2009, le tribunal de commerce d'Angers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. Anthony Genais, la date de cessation des paiements étant provisoirement fixée au 11 février 2009. Par jugement du 4 mars 2009, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire, Me Jumel étant désigné en qualité de mandataire liquidateur. Par jugement du 2 septembre 2009, le tribunal a, sur la demande de Me Jumel ès qualités, reporté au 31 décembre 2007 la date de cessation des paiements. Par jugement du 6 novembre 2013, le tribunal, devant lequel avait été attraite Mme Rachel Pierre, compagne de M. Genais et propriétaire indivise de l'immeuble d'habitation situé à Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire, 98 impasse du Parc, a débouté Mme Pierre de son exception d'incompétence, déclaré Me Jumel ès qualités recevable en sa demande, prononcé la nullité de l'acte d'insaisissabilité dressé le 2 octobre 2008 publié à la conservation des hypothèques de Saumur le 27 novembre 2008, ordonné la publication du jugement à ladite conservation des hypothèques et condamné solidairement M. Genais et Mme Pierre (les consorts Genais-Pierre) au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euros, outre les dépens. Par arrêt avant-dire droit du 13 janvier 2015, notre cour a confirmé le jugement entrepris en ce que le tribunal s'était déclaré compétent, invité les parties à faire connaître leurs explications sur l'opposabilité ou non au CGEA de la déclaration d'insaisissabilité, révoqué pour ce faire l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état. Les parties ont toutes conclu à nouveau. Une ordonnance rendue le 4 janvier 2016 a clôturé la procédure. 2 MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES Les dernières conclusions, respectivement déposées les 12 mars 2015 pour les consorts Genais-Pierre et 7 avril 2015 pour Me Jumel ès qualités, auxquelles il conviendra de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, peuvent se résumer ainsi qu'il suit. Les consorts Genais-Pierre demandent à la cour de juger irrecevable Me Jumel ès qualités à agir en nullité ou inopposabilité de l'acte d'insaisissabilité tant sur le fondement des articles L.641-4, L.622-20 ou L.632-4 du code de commerce que sur celui de l'action paulienne de l'article 1167 du code civil, le mandataire judiciaire ne pouvant prétendre agir dans l'intérêt des créanciers antérieurs auxquels l'acte d'insaisissabilité est inopposable subsidiairement, de débouter Me Jumel ès qualités de sa demande en nullité fondée sur l'article L.632-1 du code de commerce ou sur la fraude, de le débouter de sa demande d'indemnité de procédure et de toutes ses autres demandes et de le condamner à leur verser à chacun une indemnité de procédure de 2 500 euros, outre les entiers dépens. Ils se réclament de la jurisprudence de la Cour de cassation exprimée au travers d'un arrêt du 28 juin 2011 qui retient que le débiteur peut opposer la déclaration d'insaisissabilité effectuée avant qu'il ne soit mis en liquidation judiciaire. Ils font valoir que Me Jumel agit en l'espèce aussi bien pour le compte des créanciers antérieurs à l'acte litigieux que pour le compte du CGEA, créancier postérieur. Me Jumel ès qualités demande à la cour de dire les consorts Genais-Pierre non fondés en leur appel et leurs demandes, de les en débouter, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire, au visa des articles L.632-1 et L.526-2 du code de commerce et 1167 du code civil, vu l'antériorité de l'intégralité du passif à l'acte du 2 novembre 2008, vu la double qualité du CGEA et les manquements avérés de M. Genais, à défaut de prononcer la nullité de la déclaration d'insaisissabilité reçue devant notaire le 2 octobre 2008, d'en prononcer l'inopposabilité à la procédure collective, dans tous les cas, de confirmer la publicité de la décision à la conservation des hypothèques de Saumur, de confirmer le jugement du chef de l'indemnité de procédure et de condamner les consorts Genais-Pierre à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les dépens. Il rappelle que M. Genais qui exerçait son activité de peintre-décorateur depuis 2001 a demandé sa radiation au répertoire des métiers le 11 août 2008 et régularisé une déclaration d'insaisissabilité par acte notarié du 2 octobre 2008. Il soutient que la finalité de l'article L.526-1 du code de commerce d'assurer la protection de la résidence principale de l'entrepreneur en cas d'ouverture d'une procédure collective n'est pas de lui permettre de rendre insaisissable son actif immobilier alors qu'il sait l'ouverture d'une procédure collective inévitable. Il fait valoir que la date de cessation des paiements ayant été reportée au 31 décembre 2007, la déclaration d'insaisissabilité est intervenue au cours de la période suspecte. Il fait état des dettes que M. Genais avait accumulées notamment auprès de diverses caisses et de l'Urssaf antérieurement à sa déclaration d'insaisissabilité et en déduit sa volonté de faire échapper son actif immobilier à ses créanciers existants. Il affirme que l'intégralité du passif étant antérieure à la déclaration d'insaisissabilité, il n'y a pas lieu de distinguer entre créanciers antérieurs et créanciers postérieurs à cette déclaration et en déduit qu'il représente bien l'ensemble des créanciers et est donc recevable à agir en leur nom. Il approuve le tribunal d'avoir déclaré nulle la déclaration effectuée alors que M. Genais n'était plus inscrit au répertoire des métiers et se savait en état de cessation des paiements. Il souligne le défaut d'accomplissement des formalités de publicité de la déclaration sanctionné par l'inopposabilité de celle-ci aux créanciers. Il invoque une fraude et s'estime recevable à défendre l'intérêt collectif des créanciers en poursuivant l'acte frauduleux. S'agissant de la créance du CGEA, il précise que la somme de 3 998,52 euros déclarée par cet organisme à titre privilégié correspond aux sommes avancées par l'AGS et ajoute qu'existent d'autres créances salariales postérieures à la publication de la déclaration d'insaisissabilité. Il estime que le CGEA peut également prétendre au bénéfice de l'action qu'il a engagée, d'autant que les créanciers 3 antérieurs n'ont pas agi, se bornant à déclarer leurs créances à la procédure. Subsidiairement, il prétend exercer une action paulienne, en raison de la fraude caractérisée aux droits des créanciers dont M. Genais s'est rendu coupable et conclut, sur ce fondement aussi, à l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité. MOTIFS DE LA DECISION Attendu que les consorts Genais-Pierre, qui justifient avoir procédé à une déclaration d'insaisissabilité de leur maison d'habitation sise à Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire, lieudit 'Chaumont', 98 impasse du Parc, suivant acte authentique du 2 octobre 2008, publié à la conservation des hypothèques (dénommé depuis le 1er janvier 2013 le service de la publicité foncière) le 27 novembre suivant, soit à une date antérieure à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Genais, contestent, à bon droit, que le liquidateur ait qualité pour demander que la déclaration d'insaisissabilité dont ils se prévalent soit déclarée nulle ou inopposable à la procédure collective en soulevant le fait que M. Genais ayant demandé sa radiation au répertoire des métiers le 11 août 2008 ne pouvait plus prétendre à son bénéfice et que la publicité à ce répertoire n'a pu être régulièrement effectuée ; Attendu, en effet, que le liquidateur n'a qualité pour agir que dans l'intérêt collectif des créanciers et non dans l'intérêt personnel d'un créancier ou d'un groupe d'entre eux ; Et attendu qu'en l'espèce, il ressort des propres déclarations de Me Jumel que certains des créanciers de M. Genais, dont il énumère les noms (Caisse RSI, Caisse de congés intempéries du Grand ouest, société PPG , Caisse de retraite et de prévoyance du BTP, Cabinet Strego, Urssaf), ont des droits nés en 2007 et au premier trimestre 2008, soit antérieurement à la publication de la déclaration d'insaisissabilité invoquée par les appelants ; Qu'ainsi admet-il lui-même implicitement que des créanciers de M. Genais, ayant déclaré leur créance au passif de la procédure collective, peuvent, personnellement et sans son intervention, prétendre à l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité à leur endroit étant ici rappelé qu'aux termes de l'article L.526-1 du code de commerce, la déclaration d'insaisissabilité n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant ; Que Me Jumel reconnaît, d'autre part, que le CGEA a déclaré une créance à titre privilégié correspondant pour partie à une avance du 21 décembre 2009, soit une créance postérieure à la publication de la déclaration d'insaisissabilité et que d'autres créances salariales sont également postérieures à cette publication ; Que, dès lors, la démarche du liquidateur, tendant à obtenir la nullité ou l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité au profit de l'ensemble des créanciers de M. Genais, non seulement n'est pas utile à ceux dont la créance est née antérieurement à la publication de la déclaration d'insaisissabilité, mais elle apparaît même contraire à leurs intérêts pour les mettre en situation de concours avec d'autres créanciers sur le prix de l'immeuble dont la vente pourrait être poursuivie ; Attendu que Me Jumel met encore inutilement en avant le fait que la déclaration d'insaisissabilité est intervenue alors que M. Genais était déjà en état de cessation des paiements, ce moyen, déjà examiné par notre cour dans son arrêt avant-dire droit, étant inopérant dès lors que l'article L.632-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n ° 2014-326 du 12 mars 2014 applicable en la cause ne mentionnait pas la déclaration d'insaisissabilité au titre des actes réalisés pendant la période suspecte susceptibles d'être annulés et que L.632-2 du même code n'en dit rien ; Attendu, enfin que le liquidateur est pareillement irrecevable à exercer l'action paulienne puisque cette action n'étant pas de nature à apporter un avantage aux créanciers dont la créance est antérieure 4 à la publication de la déclaration d'insaisissabilité et ne pouvant profiter qu'aux créanciers dont la créance en est postérieure, il n'agit pas sur ce fondement non plus dans l'intérêt collectif des créanciers ; Attendu, en définitive, sans qu'il soit utile de s'interroger sur la régularité de la déclaration d'insaisissabilité, qu'il sera constaté que l'immeuble des consorts Genais-Pierre, en raison de la déclaration d'insaisissabilité dont il a fait l'objet, publiée au bureau des hypothèques antérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire et donc de la liquidation judiciaire, se situe hors du périmètre de la procédure collective ; Que le jugement qui a prononcé la nullité de la déclaration d'insaisissabilité sera infirmé ; Attendu que Me Jumel ès qualités succombant en cause d'appel, les entiers dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective, ainsi que les frais de publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de Saumur, Qu'en revanche l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement et contradictoirement, Vu l'arrêt du 13 janvier 2015, INFIRME le jugement déféré du 6 novembre 2013 en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte d'insaisissabilité effectué le 2 octobre 2008 et publié à la conservation des hypothèques de Saumur le 27 novembre 2008 et condamné M. Anthony Genais et Mme Rachel Pierre aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, Et statuant à nouveau, DECLARE Me Jumel en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Genais irrecevable à agir en nullité ou inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité régularisée par M. Genais et Mme Pierre le 2 octobre 2008 et publiée à la conservation des hypothèques de Saumur le 27 novembre 2008 volume 2008 P n° 4338, ORDONNE que le présent arrêt soit publié au service de la publicité foncière de Saumur par les soins du greffier du tribunal de commerce d'Angers aux frais de la procédure collective, DIT qu'à cet effet le présent arrêt sera adressé au greffier du tribunal de commerce par les soins du greffe de la cour, DIT que les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi que les frais de publication de l'arrêt seront employés en frais privilégiés de la procédure collective, DEBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires. LE GREFFIER LE PRESIDENT D. BOIVINEAU V. VAN GAMPELAERE 5