Service de Rhumatologie du Professeur Olivier MEYER Congrès Sport et Appareil Locomoteur Quinzième Journée de Bichat Organisée Par le Dr Thierry BOYER Retour au sommaire Les tendinopathies trochantériennes Th. Boyer, P. Djian, D. Flinais, Ph. Thelen - Clinique Nollet, 21 rue Brochant, 75017 Paris Les douleurs de la région trochantérienne sont très fréquentes, surtout chez les femmes. Le diagnostic étiologique est difficile. Les principales causes sont les coxopathies, les radiculalgies, les douleurs sacro-iliaques, les bursites trochantériennes. Plus rarement peuvent se rencontrer des fractures de fatigue et des lésions osseuses traumatiques, tumorales ou infectieuses. Il est classique de considérer que le diagnostic de tendino-bursite est porté par excès. Pourtant, l'imagerie moderne par échographie et IRM nous montre fréquemment des lésions et on peut s'interroger sur la réelle fréquence de ces affections pour expliquer les douleurs trochantériennes. Anatomie Les principaux tendons qui s'insèrent sur le grand trochanter sont les fessiers et particulièrement le gluteus medius (moyen fessier) et le gluteus minimus (petit fessier). Le tenseur du fascia lata est en rapport direct avec ces tendon. Des bourses séreuses améliorent le glissement entre ces structures. Il faut retenir celle du moyen fessier, entre ce tendon et le grand trochanter, celle du grand fessier entre ce muscle et le tendon du fascia lata d'une part et l'insertion du gluteus medius d'autre part, et enfin celle du petit fessier à l'insertion de ce tendon (9). Il existe de nombreuses analogies anatomiques entre les tendons trochantériens et la coiffe des rotateurs. La hanche comme l'épaule possède un rotateur interne puissant (le psoas-iliaque et le subscapularis). Le gluteus medius est l'équivalent du subscapularis et le gluteus minimuscelui du supra-épineux. Bunker (2) pousse l'analogie en rapprochant le tendon de la longue portion du biceps et le tenseur du fascia lata. Clinique La douleur est l'élément principal. Elle touche surtout la femme d'âge moyen, mais peut toucher les sportifs. Le début est rarement brutal. La douleur a un siège externe ou postéro-externe. Elle irradie volontiers vers la cuisse, voire la jambe et vers la région inguinale. Elle est souvent aggravée par la marche, la montée des escaliers, l'abduction forcée, mais surtout par l'appui en décubitus latéral du côté atteint. L'examen (1) trouve : une douleur à la pression locale qui n'a de valeur que si elle reproduit nettement la douleur spontanée et si elle ne s'accompagne pas de douleurs à la palpation des autres reliefs osseux. Cet examen est au mieux réalisé en décubitus latéral, jambe demi-fléchie ; une douleur à l'abduction contrariée qui peut être recherchée à différents degrés de flexion de la cuisse ; une douleur en fin de rotation externe ou en flexion-adduction. Les autres mouvements de la hanche sont indolores, ce qui permet en principe de faire le diagnostic avec les coxopathies (7). Une forme aiguë hyperalgique correspond à la migration spontanée d'une calcification tendineuse dans une des bourses. Imagerie La difficulté à préciser l'origine des douleurs trochantériennes ou péritrochantériennes est susceptible de motiver une exploration dans un but étiologique, et dans certains cas dans un but thérapeutique. Anatomie radiologique L'insertion des fessiers est au mieux étudiée à partir des vues IRM, frontales et axiales. L'insertion du gluteus minimus se fait sur la facette antérieure du trochiter : ce tendon large, étalé, est parfaitement bien repérable. Sa limite antérieure borde la cavité articulaire. En arrière, la séparation est nette avec le gluteus medius. Il existe une petite bourse entre le bord supérieur et antérieur du massif trochantérien et la face profonde du tendon (clichés 1A et 1B). Insertion du gluteus minimus sur la facette antérieure (coupe axiale) T2FS. Vue frontale antérieure T1. L'insertion du gluteus medius (clichés 2A et 2B) est légèrement différente des descriptions classiques, ce qui peut expliquer les images pathologiques. Le gros contingent des fibres tendineuses convergent sur la partie postéro-supérieure du massif trochantérien, bien repérable sous la forme d'une structure en hyposignal T1 et T2, ovalaire sur les coupes axiales. Cette portion tendineuse se poursuit en avant (comme le montrent les coupes axiales) par une lame aponévrotique plus fine, latérale, légèrement sinueuse, qui va recouvrir la partie latérale du massif trochantérien. La limite antérieure de cette lame reste bien distincte du gluteus minimus, séparé par une crête osseuse marquant la limite entre facette antérieure et latérale. Quelques fibres antérieures du gluteus medius, non distinguables, vont recouvrir l'insertion du gluteus minimus. La portion antérieure et inférieure de l'insertion de cette lame latérale du gluteus medius semble juxtaposée à l'insertion du vaste latéral : sur les vues coronales, on retrouve une certaine continuité de ces deux structures avec un nœud commun. Cet aspect est comparable à celui du tendon d'Achille et de l'aponévrose plantaire. La bourse du gluteus medius se projette entre le tendon principal et le pourtour du massif trochantérien, voire s'étale vers la facette latérale entre le plan osseux et le tendon. L'imagerie IRM nous a appris à reconnaître cependant en plus une bourse de glissement s'interposant, en regard de la facette latérale, entre la surface de l'expansion latérale du gluteus medius et la lame tendineuse du fascia lata superficiellement. La partie postérieure du massif trochantérien, libre d'insertion, reste par contre séparée des fibres musculaires du grand fessier par une large bourse, bien individualisée, appelée bourse rétro-trochantérienne ou bourse du gluteus maximus. Anatomie du gluteus medius avec une portion arrondie, postérieure, principale et une lame latérale plus fine. Vue axiale. Vue frontale postérieure. La radiologie standard Le cliché de bassin de face s'avère souvent insuffisant, surtout chez les sujets maigres ou à l'inverse chez l'obèse : il est trop fréquent de "griller" cette région péritrochantérienne. De plus, la région trochantérienne possède 4 facettes distinctes, s'étalant globalement sur un arc de cercle de 180°. Comme pour l'épaule, pour dégager le trochanter, il est utile de compléter le bilan classique par des clichés réalisés en décubitus, avec compression, en diverses rotations afin de dérouler le massif trochantérien. Les clichés numérisés sont, dans ce contexte, d'une aide utile, permettant de travailler sur plusieurs filtres afin de bien visualiser à la fois les structures osseuses et les parties molles. On s'attachera à repérer : des calcifications de type hydroxy-apatite, soit unique soit multiples ; des ossifications péri-articulaires, témoin d'enthésopathie ou de pathologies rhumatismales (SA, PR…) ; des anomalies des contours osseux du massif trochantérien, irrégularités corticales, voire parfois un aspect éburné du bord supérieur du trochanter ; Enfin, dans tous les cas, une analyse de la structure osseuse, de l'interligne articulaire… apparaît indispensable afin de ne pas se faire "piéger" par les diagnostics différentiels régionaux. L'IRM (3, 6, 8) Il s'agit bien de la technique la plus démonstrative, à condition de réaliser une étude en haute résolution et avec une antenne spécifique. Le diagnostic de pathologie inflammatoire peut se faire à partir d'une imagerie corps entier : les anomalies de signal attirent bien l'attention sur les régions trochantériennes, sans pour autant apporter de diagnostic précis. Trop souvent on se contente d'imagerie approximative, ne permettant pas la distinction entre bursite isolée, tendinopathie isolée ou associée à une bursite réactionnelle, désinsertion ou rupture tendineuse (cliché 4). Comme habituellement, le diagnostic IRM repose sur la confrontation des séries frontales et axiales, en EST1 et T2FAT SAT ou Inversion Récupération. Dans le plan axial, on peut préférer l'imagerie Rho FAT SAT en place du T2 FAT SAT, car elle est souvent plus démonstrative et visualise mieux les lames aponévrotiques et les structures tendineuses. Les coupes axiales en EST1 sont très utiles sur le plan anatomique, compte tenu de l'importance des espaces graisseux intermusculaires souvent plus difficiles à apprécier en FAT SAT. L'injection de Gadolinium peut se discuter : sans être systématique, elle permettra parfois de mieux distinguer une réaction inflammatoire d'une bursite avec épanchement. Les bursites les plus représentatives sont la bursite rétro-trochantérienne ou du gluteus maximus, et la bursite s'interposant entre fascia lata et le gluteus medius pouvant être isolée et rencontrée notamment en pathologie sportive : elle est distincte des autres bursites classiques et apparaît, lorsqu'elle est isolée, possiblement en rapport avec un conflit équivalent à un syndrome de la balayette du genou. Les bursites du gluteus medius ou minimus sont plus petites, rarement hyper-développées et l'épanchement liquidien y est plus rare. Les tendinopathies intéressent essentiellement la partie latérale du moyen fessier. Dans notre expérience, c'est la partie étalée, fine, de cette lame tendineuse qui s'épaissit, réalisant un aspect feuilleté dans le plan frontal, pseudo-nodulaire dans le plan axial, démarrant au-dessous ou au niveau du bord supérieur du grand trochanter, se poursuivant jusqu'à la portion inférieure et antérieure de la facette latérale trochantérienne. Toute pathologie fissuraire ou à type de désinsertion de sa face profonde va s'accompagner d'une perte de l'hyposignal en T1, d'un épaississement, et surtout d'hypersignal plus ou moins important selon le degré inflammatoire en T2 FAT SAT. L'hypersignal intéresse les 2 faces de la lame tendineuse s'intercalant entre le plan osseux et la lame, et plus superficiellement entre cette dernière et le fascia lata. Une réaction inflammatoire peut diffuser plus bas, au-dessus de l'origine du vaste latéral, mais également au-dessus et remonter dans le muscle le long de la lame tendineuse, traduisant l'extension des lésions dans le muscle même. La rupture complète de l'insertion de cette lame latérale peut s'accompagner précocement d'une rétraction tendineuse, d'une collection liquidienne hématique sus-trochantérienne. A terme, la rupture va favoriser une amyotrophie musculaire, voire une dégénérescence graisseuse avec quasi-disparition de toute structure musculaire (cliché 3). Douleurs péri-trochantériennes. Aspect inflammatoire péri-trochantérien mal systématisé, d'étiologie mixte tendineuse et péri-tendineuse. La définition reste limite sur cet examen réalisé en antenne corps. L'échographie L'échographie, examen le plus accessible, est susceptible d'apporter des arguments concrets pour préciser l'origine de la gêne fonctionnelle : elle devient un "challenger" de plus en plus important, permettant de confirmer, sans attente prolongée, les hypothèses diagnostiques. Les limites, cependant, sont l'importance du tissu graisseux sous-cutané péritrochantérien, en particulier chez les obèses où l'absorption des ondes ultrasonores est majeure. L'examen sera réalisé de façon comparative en décubitus et surtout en décubitus latéral, cuisse en extension et/ou en flexion. On recherchera la présence d'une hypoéchogénicité anormale, péritrochantérienne. La bursite peut être nette, isolée, plus ou moins volumineuse, au contact du plan osseux, à prédominance postérieure pour la bourse péri-trochantérienne (ou bourse du gluteus maximus), plus latérale pour le gluteus medius, antérieure pour le gluteus miniminus. Le diagnostic ne pose guère de problème en cas de mise en évidence d'une plage hypoéchogène franche, liquidienne, à parois restant fines. Il peut devenir plus difficile en cas de masse iso- à hypoéchogène, mal définie. Le Power Doppler Couleur peut être utile afin d'éliminer tout phénomène inflammatoire, infectieux. En cas de tendinopathie, la lame tendineuse apparaît souvent noyée dans l'hypoéchogénicité réactionnelle : on devra s'attacher à retrouver quelques fibres, ou une différence de tonalité au centre de l'hypoéchogénicité pouvant correspondre à la lame pathologique. L'échographie permet de bien repérer également les irrégularités des contours du massif trochantérien, témoin indirect de la tendinopathie au même titre que les irrégularités du trochiter accompagnant les lésions de la coiffe. La présence d'une lame liquidienne sus-trochantérienne peut être le témoin soit d'une bursite réactionnelle du gluteus medius, équivalente à la bourse rétro-calcanéenne qu'on retrouve en cas de tendinopathie d'insertion basse du tendon d'Achille, soit d'une pathologie tendineuse plus grave à type de désinsertion sub-totale, voire une rupture complète avec rétraction de la jonction myotendineuse de cette lame tendineuse du gluteus medius (clichés 4A, 4B et 5). L'échographie peut enfin avoir un rôle thérapeutique et guider au mieux l'infiltration, tout en évitant de se positionner en intra-tendineux. Elle est recommandée notamment en cas de bursite superficielle isolée. Tendinopathie débutante de la lame tendineuse latérale du gluteus medius : aspect épaissi, inflammatoire (coupe axiale). Vue frontale avec de discrets remaniements des contours osseux. Échographie de la lame tendineuse du gluteus medius. Désinsertion de son insertion inférieure sur la facette latérale trochantérienne associée à un œdème péri-tendineux sur les faces superficielles et profonde de la lame tendineuse. En pratique La radiologie standard et l'échographie sont les deux examens de base pouvant confirmer le diagnostic d'une pathologie péri-trochantérienne ou redresser le diagnostic : calcification, coxopathie, trochantérite…. L'échographie confirme l'anomalie et la responsabilité des parties molles, tout en sachant qu'il n'est pas toujours évident de départager la bursite vraie d'une bursite réactionnelle avec ou sans tendinopathie. A l'inverse, la normalité de ces parties molles remet sérieusement en cause le diagnostic et impose une exploration complémentaire IRM. Cette dernière pourra aussi bien détailler les anomalies péritrochantériennes que corriger le diagnostic. Dans tous les cas, l'imagerie doit permettre de ne plus sous-estimer ces pathologies péritrochantériennes trop souvent considérées comme de simples bursites, alors que le mécanisme lésionnel est différent : les réactions inflammatoires péri-trochantériennes sont le plus souvent le témoin indirect de tendinopathie d'insertion, en particulier du gluteus medius avec ses risques secondaires de fissuration, désinsertion, voire rupture tendineuse. Les constatations chirurgicales Classiquement, les lésions responsables des douleurs trochantériennes sont des tendino-bursites. Bunker et coll. (2) ont été les premiers à rapporter la rupture du tendon conjoint des gluteus minimus et medius (petit et moyen fessier). Cette lésion est pourtant fréquente puisque, dans une série prospective de 50 patients opérés de fracture du col du fémur, les auteurs trouvent une déchirure du tendon dans 22% des cas. La lésion est partielle dans 3 cas, transfixiante dans 8 cas (2 lésions de petite taille et 6 de grande taille). Howell et coll. (4) trouvent la même fréquence à propos de 176 arthroplasties consécutives. Mathieu et coll.rapportent 5 cas et en précisent l'imagerie (7) La lésion se présente comme un défect tendineux arrondi ou ovalaire, aux bords scléreux. Elle s'associe fréquemment à une bursite avec épanchement. La capsule articulaire est habituellement, mais non constamment, atteinte (4). Une réaction osseuse trochantérienne avec sclérose et ostéophytes est également souvent observée (2). Une modification radiologique était notée dans plus de la moitié des cas de la série de Bunker et constamment dans les défects larges. La lésion est aussi souvent rencontrée au cours des arthroplasties pour coxarthrose que dans les fractures. Traitement Il comporte habituellement une physiothérapie, une limitation temporaire de la marche, des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des injections de corticoïdes "loco dolenti". L'échographie et l'IRM permettent aujourd'hui un diagnostic mieux ciblé. Une infiltration radioguidée, en particulier quand une bursite est bien authentifiée, peut être réalisée quand les injections aveugles classiques sont insuffisantes. Cette infiltration radioguidée réalise de surcroît un test diagnostique grâce à l'adjonction d'un anesthésique local. Dans les formes résistantes au traitement médical habituel, Kagan (5) rapporte une série de 7 cas de rupture partielle du tendon conjoint des gluteus minimus et medius. Une réinsertion trochantérienne aurait entraîné une disparition des douleurs dans tous les cas, avec un recul de 45 mois. Les endoscopies extra-articulaires sont actuellement en grand développement. L'accès aux bourses trochantériennes, et par leur intermédiaire, aux tendons trochantériens est possible et laisse entrevoir pour l'avenir des possibilités de traitement dans les formes résistantes, par la réalisation de bursectomies et de "débridements" des lambeaux tendineux déchirés. Bibliographie 1. Bard H., Wibier M., Pajus I. - Diagnostic d'une douleur de la région trochantérienne. GETROA. 2. Bunker T.-D., Esler CNA., Leach W.-J. - Rotator-cuff tear of the hip. J.B.J.S. 1997 ; 79(4) : 618-20. 3. 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