Echanges® Maladies infectieuses - VIH Septembre 2016 n° 17 Service des Maladies Infectieuses et Tropicales (SMIT) - Centre Hospitalier de Perpignan Dr Hugues Aumaître, Chef de service des Maladies Infectieuses et Tropicales Polyvalence, complémentarité et mutualisation : les 3 mots clés du SMIT « « Notre mode de réflexion part du parcours de soins du patient : nous le prenons en charge en prévention lors de nos missions de santé publique, nous le gérons ensuite en problème aigu, puis nous assurons son suivi, dans le cadre de la prévention secondaire…» Notre équipe est très soudée et échange beaucoup. Du fait de cette base solide, nous pouvons nous tourner vers l’extérieur, c’est-à-dire les autres services de l’hôpital et la ville, dans le cadre de nos actions de santé publique. Autre élément d’ouverture, nos collaborations régulières avec les équipes espagnoles catalanes des villes de Gérone, Figueres et Vic avec lesquelles nous échangeons lors de réunions semestrielles. Nous avons également mis en place depuis deux ans des échanges avec le service de Chambéry. Nous avons enfin des partenariats à l’étranger, notamment au Tchad via Expertise France où nous essayons, en plus d’améliorer la prise en charge du VIH, d’orienter nos actions sur les hépatites virales et l’antibiorésistance. Une double astreinte pour le conseil infectiologique Les médecins généralistes peuvent nous solliciter via une ligne téléphonique d’astreinte disponible 24h/24(1) pour du conseil infectiologique. Un accueil d’urgence leur permet aussi d’adresser directement leur patient lorsqu’un problème infectiologique aigu se pose. Nous assurons également du conseil auprès des cliniques, notamment pour ce qui concerne les infections post-opératoires. Nous avons une RCP(2) dédiée aux infections ostéo-articulaires depuis 7 ans, qui réunit des collègues venant du privé ou du public. La santé publique « Hors les murs » Nous menons de nombreuses actions de santé publique– vaccination, dépistage, conseil aux voyageurs – qui sont tournées vers la ville et que nous menons également « Hors les murs ». Nous avons été parmi les 1ers en France à nous saisir de ces missions de santé publique, du fait notamment des réalités du territoire, avec un bassin de santé qui s’étend jusqu’au sud de l’Aude et le CH(3) de Narbonne, avec lequel nous travaillons depuis des années et qui sera inclus dans le prochain GHT(4). Notre département est pauvre, caractérisé par un taux de chômage important et une population souvent précaire en matière sanitaire. Nous sommes à équidistance de Montpellier, Barcelone et Toulouse, ce qui nous donne un certain équilibre en termes d’attractivité et d’influence, ainsi qu’une relative indépendance. Prise en charge des infections chroniques Nous avons une file active importante de patients infectés par le VIH et/ou les hépatites virales. La prise en charge du VIH constitue l’ossature culturelle du service, car elle répond à une philosophie qui perdure avec les années, marquée par une proximité importante avec le malade. Je suis hépatologue de formation et j’assure le suivi de nos patients atteints d’hépatite virale, notamment sur le plan échographique car nous sommes dotés d’un appareil d’élastographie. En tant qu’infectiologue polyvalent, j’ai toujours souhaité que toutes les valences de l’infectiologie soient préservées dans le service. Je suis membre du COREB SPILF(5) et nous sommes en 1ère ligne face au risque de maladies émergentes. Le parcours du patient au cœur des préoccupations Notre service compte 3 secteurs d’hospitalisation : l’hospitalisation complète, celle dite de semaine et un HDJ(6). L’hospitalisation de semaine permet de prendre en charge la pathologie infectieuse ostéo-articulaire, les infections VIH compliquées, les pneumopathies ainsi que diverses infections aiguës de la peau et des tissus mous. Nous avons enfin une grosse activité de consultation, aussi bien pour le suivi des patients atteints de maladie chronique, que pour l’infectiologie générale, la consultation du voyageur ou le Centre de vaccination internationale. Un staff quotidien chaque matin Toute l’équipe se retrouve le matin à 9h dans le cadre d’un staff commun qui permet de faire le point sur nos malades et programmer les sorties. Je suis Président du SNMinf(7) et j’ai notamment à cœur de défendre l’intérêt des infectiologues y compris non universitaires. Nous travaillons beaucoup la dimension transversale de la discipline, avec l’idée que l’infectiologie transversale et l’antibiothérapie sont des thèmes qui relèvent de notre compétence. Enfin, nous bénéficions de la présence de deux ARC(8), ce qui nous permet de nous impliquer dans la recherche clinique. » (1) Téléphone d’astreinte en infectiologie : 06 17 45 60 96 (2) RCP : Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (3) CH : Centre Hospitalier (4) GHT : Groupement Hospitalier de Territoire (5) COREB : Coordination Opérationnelle du Risque Epidémiologique et Biologique. SPILF : Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (6) HDJ : Hôpital De Jour (7) SNMinf : Syndicat National des Médecins Infectiologues (8) ARC : Attaché de Recherche Clinique Le service en chiffres • 12 lits d’hospitalisation complète, 6 lits de semaine et 2 lits de HDJ • 14067 consultations en 2015 • 785 hospitalisations complètes en 2015 • File active VIH : 924 patients • Equipe médicale : 6 PH, 1 assistant, 5 praticiens attachés, 13 infirmier(e)s, 8 aides-soignant(e)s, 4 secrétaires, 1 cadre de santé, 1 assistant social, 2 psychologues Pascale Platerrier, Infirmière d’ETP en consultation - Marie Aniort et Amélie Justine, Infirmières d’hospitalisation Dr Matthieu Saada, PH en infectiologie 30 à 40 nouvelles contaminations par le VIH prises en charge chaque année dans le service « Les Personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont parfois hospitalisées en cas de situation aiguë. C’est le cas notamment lors d’une maladie opportuniste liée à l’immunodépression, une rupture de traitement ou une découverte tardive... » L es PVVIH sont vus 2 fois par an en consultation lorsque leur pathologie est contrôlée. « Le contenu de la consultation a évolué avec les années », souligne le Dr Saada. « Au début, nous étions focalisés sur le poids ou les signes cliniques d’infections opportunistes tandis qu’aujourd’hui, la consultation inclut le dépistage des facteurs de risques et des comorbidités. » « Ce suivi est complété par une journée en HDJ(1) dans le cadre du bilan annuel ciblé sur les facteurs de risque du patient », poursuit Marie Aniort. « Si les examens demandent plus de temps, l’hospitalisation de semaine permet de compléter ce bilan », note Amélie Justine. La place importante de l’ETP Pascale Platerrier intervient dans le cadre de l’ETP(2) à la demande de ses collègues. « Nous voyons systématiquement le patient pour une séance d’annonce à l’issue de la consultation médicale, afin de reprendre ce que le médecin a dit. Nous voyons aussi les patients pour qui le médecin prescrit un 1er traitement, en cas de modification de traitement ou lorsqu’un problème particulier se pose, sachant que dans la plupart des cas, il s’agit d’un problème d’observance. » L’inobservance problème majeur « L’inobservance est un problème majeur dans la population des PVVIH », souligne le Dr Saada. « Les patients hospitalisés le sont dans la majorité des cas en raison d’un problème d’observance. » « L’inobservance est multifactorielle et dépend beaucoup du parcours de vie du patient », note Pascale Platerrier. Les patients ayant été contaminés par voie materno-fœtale sont particulièrement exposés à ce risque, en particulier à l’adolescence. Un programme d’ETP validé depuis 2013 Notre programme d’ETP concerne les patients infectés par le VIH et/ou le VHC. Un 1er bilan éducatif est fait lors d’une plage dédiée entre 11h30 et 15h00 pour qu’il y a ait un chevauchement entre les équipes du matin et celles de l’après-midi. Nous nous réunissons ensuite en équipe pluridisciplinaire – médecin, infirmière, assistant social, psychologue, diététicienne et parfois pharmacien – pour présenter le patient et discuter de l’opportunité de mettre en place un programme d’ETP. La suite se fait en entretiens individuels. Nous avons également mis en place des ateliers collectifs de diététique, car beaucoup de nos patients ont des problèmes de poids : surpoids ou à l’inverse dénutrition, ainsi que des ateliers collectifs d’éducation physique hors les murs, dans le cadre d’un projet test financé pour 3 mois. » (1) HDJ : Hôpital De Jour (2) ETP : Education Thérapeutique du Patient Drs Julian Cornaglia et Milagros Ferreyra, PH en infectiologie Mélisande Roy et Marilyn Blasi, Infirmières Yvelise Crouchandeu, Cadre de santé Cyril Bride, Cadre supérieur de santé L’activité « Hors les murs », véritable culture du service « Nous avons un territoire de santé assez vaste et c’est un gros challenge pour les équipes, car plus on s’éloigne du littoral, plus les séroprévalences augmentent et moins il y a de structures sanitaires disponibles pour les populations à risque…. » « Dès 2007, le service a inclus le volet santé publique et organisé des actions de vaccination hors les murs vers les populations précaires qui n’ont la plupart du temps pas les moyens de se déplacer à l’hôpital », explique le Dr Cornaglia. « Assez rapidement, nous avons fait la même chose avec le CeGIDD(1) et nous combinons le dépistage des IST(2) à la vaccination », souligne le Dr Ferreyra. « Nous avons mis en place des sorties dans des lieux référencés qui accueillent des populations précaires et sensibles », poursuit Mélisande Roy. Des déplacements dans plus de 30 sites Une équipe mobile composée d’un binôme médecin/infirmière se déplace au moyen d’un camion équipé d’une glacière afin de conserver les vaccins, ainsi que le matériel nécessaire aux prélèvements sanguins et aux TROD(3). » « Dans le cadre des sorties du CeGIDD, je suis en équipe avec l’infirmière Florence Bisbal et nous allons dans les lieux de rencontre et de consommation sexuelle », poursuit le Dr Ferreyra. Dans cette activité, il ne faut pas oublier le travail des associations qui nous introduisent dans ces milieux, en particulier la Maison de vie du Roussillon et LGBT(4). Nous travaillons également auprès des travailleuses du sexe. Continuité du suivi Face à un TROD positif, VIH ou VHC, je propose un rendez-vous avec moi le lundi matin, la sortie ayant généralement lieu lors d’un moment festif le week-end. Cela permet au patient d’entrer le plus vite possible dans le circuit de soins. Ces sorties sont aussi le moyen de récupérer des patients perdus de vue, qui n’ont pas été pris en charge depuis des années. » 20 sorties par mois en hiver Plus axé sur la vaccination, le Dr Cornaglia accompagné de Marilyn Blasi se déplace dans tout le département en ciblant le public précaire. « Nous assurons également des actions de formations des professionnels de santé, notamment médecins, infirmières et aides-soignantes », souligne l’infectiologue. « Nous organisons une vaccination en milieu scolaire, en ciblant les collégiens de 5ème », reprend Marilyn Blasi. « Nous récupérons les carnets et le consentement parental et nous vaccinons sur place lors d’une 2ème visite. » Polyvalence des actions « Nous avons mis en place un conventionnement riche avec les structures associatives car dès le départ, nous avons souhaité avoir une polyvalence dans nos actions hors les murs », explique Cyril Bride. « Nous voulons faire de la prévention à « large spectre » en associant de la vaccination à du dépistage d’infections etc… » « Il y a un réel avantage à ce que ces missions soient intégrées au SMIT(5), car on voit le patient du début à la fin de sa prise en charge avec de l’ETP réalisée par la même équipe qui l’a dépisté et suivi », poursuit Yvelise Crouchandeu. C’est très facilitateur pour le parcours de soins du patient. » (1) CeGIDD: Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. (2) IST : Infections Sexuellement Transmissibles (3) TROD : Test Rapide d’Orientation Diagnostique (4) Association LGBT : Lesbiennes, Gays, Bi et Trans de France (5) SMIT : Service des Maladies Infectieuses et Tropicales Laurent Giorgetti, Assistant social - Marilyn Blasi, Infirmière L’accompagnement par l’assistant social est un maillon indispensable du parcours de soins du patient infecté par le VIH « Il y a une culture de réseau dans le service : le réseau santé publique alimente le réseau prise en charge et vice-versa… » « En tant qu’assistant social, je suis amené à accompagner tous les patients de la file active des PVVIH(1) qui le demandent », souligne Laurent Giorgetti. « Du fait de mes interactions avec les équipes, j’ai une attention particulière vis à vis de ce que la maladie peut engendrer comme difficultés dans la vie quotidienne, et à l’inverse, ce que des situations de précarité ou d’isolement social peuvent compliquer dans le parcours de soins d’un malade. Certains vont bien sur le plan biologique, mais très mal sur le plan social, avec un isolement important. Tout cela a un retentissement sur les soins et la prise en charge. A l’inverse, certains symptômes peuvent être invalidants au quotidien et impacter la vie professionnelle. » Une prise en charge globale Un staff pluridisciplinaire regroupant assistant social, psychologues, infirmières et médecins permet de discuter chaque vendredi matin des cas qui posent problème. « Cet échange permet d’avancer sur des situations qui paraissent bloquées, car nous ne restons pas centrés sur nos problématiques », note Marilyn Blasi. « 90% des interventions que je mène relèvent du droit commun, sans spécificité liée à la pathologie VIH », précise Laurent Giorgetti. « Nous organisons notamment des réunions fréquentes avec la MDPH(2) et nous avons une convention avec le Pôle emploi. Nous sommes de plus en plus confrontés à des situations de vieillissement de nos patients. Nous nous rapprochons des services d’aide à domicile et nous nous posons la question des établissements, car certains sont en perte d’autonomie ». « Un max de bruit contre le sida » Depuis deux ans, nous organisons avec tous les partenaires du réseau un festival de musique à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le Sida. Cette opération intitulée « Un max de bruit contre le sida » a plusieurs objectifs : créer un événement autour de la journée mondiale, passer des messages de santé publique – l’année dernière plus de mille personnes y ont assisté – et avoir une multitude d’intervenants, ce qui permet à chacun de trouver le discours qui lui parle. » (1) PVVIH : Personne Vivant avec le VIH (2) MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées Dr Milagros Ferreyra, PH en infectiologie et médecin responsable du CeGIDD Yvelise Crouchandeu, Cadre de santé Le CeGGID développe le champ de la santé sexuelle Ouverture d’une consultation contraception, d’une consultation de sexologie et d’une consultation PrEP(1) : le point sur les nouveaux projets du CeGIDD(2). L ’équipe du CeGIDD est la même que celle du service. « C’est ce qui fait notre particularité et notre force, car nous sommes au centre d’une structure qui mutualise personnels et compétences », souligne le Dr Ferreyra. « Cela permet une continuité dans la prise en charge et un parcours de soins fléché dès le 1er jour. Nous avons ouvert récemment une consultation Contraception avec une sage-femme, qui est un grand plus pour le CeGIDD, car les infectiologues sont souvent en difficulté via à vis de femmes en post-IVG(3) qui ont eu un dépistage positif et à qui l’on peut maintenant proposer une contraception et un suivi. » “ L’équipe du CeGIDD est la même que celle du service Autre nouveauté, la mise en place d’une consultation de sexologie accessible à tout patient consultant au CeGIDD, qu’il soit séropositif ou pas ». « L’infirmière Florence Bisbal a passé un DU(4) de sexologie dans cet objectif », explique Yvelise Crouchandeu. « Nous avons également mis en place une consultation « PrEP » dans le service, avec la volonté d’intégrer ce nouvel outil dans une politique de prévention », note le Dr Ferreyra. (1) PrEP : Prophylaxie Pré-Exposition (2) CeGIDD : Centre Gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. (3) IVG : Interruption Volontaire de Grossesse (4) DU : Diplôme Universitaire Jenifer Salvat, Infirmière coordinatrice en hématologie/oncologie - Marilyn Blasi, Infirmière Dr Hugues Aumaître, Chef de service des Maladies infectieuses et tropicales - Céline Fildard, Infirmière Une consultation dédiée à la vaccinologie et à la prévention des complications infectieuses de l’immunodéprimé « La population des immunodéprimés concerne notamment les greffés, les patients sous biothérapies, chimiothérapies, corticothérapie, insuffisants rénaux ou splénectomisés », résume le Dr Aumaître. « Ayant constaté un défaut de prise en charge de ces patients, notamment au niveau vaccinal dans certaines structures, nous avons décidé de mettre en place pour eux une consultation dédiée qui dépasse la question de la vaccination pour englober les complications infectieuses et leur prévention, « Nous envisageons de proposer des examens complémentaires du type radiographie pulmonaire, bilan dermatologique ou gynécologique dans l’idée de ratisser au sens large le risque infectieux…. » en lien avec les hématologues. Notre équipe infirmière étant très motivée sur les questions de vaccination, Marilyn Blasi coordonnera cette activité, dans l’idée de déboucher sur une prise en charge globale infectiologique. » Optimiser le parcours de soins « Notre objectif est d’optimiser le parcours de soins du patient, sachant que nous avons un contexte favorable avec le centre de vaccination situé dans le service et une astreinte d’infectiologie pour les urgences », explique l’infirmière. « Les vaccins seront mis à jour, accompagnés de conseils en matière de prévention du risque infectieux, ce qui passe par la nutrition, l’hygiène ou le dépistage des maladies susceptibles de se réveiller en cas d’immunodépression. » En lien avec l’hématologie Pour la mise en place du projet, l’équipe travaille en lien avec les infirmières coordinatrices d’hématologie. « C’est une organisation à mettre en place avec les équipes, afin que la conduite à tenir soit la même pour tous et que nous soyons complémentaires », souligne Jenifer Salvat. « Il nous est paru pertinent d’adosser à cette consultation celle de l’antibio-référence infirmière menée par Céline Fildard », poursuit le Dr Aumaître. « Le lien est direct avec l’immunodépression qui requiert souvent la prise d’antibiotiques. Aujourd’hui, la 2ème cause d’antibio-résistance est liée au mésusage des antibiotiques. » Mélisande Roy, Infirmière Dr Julian Cornaglia, Praticien attaché en infectiologie Marilyn Blasi, Infirmière Céline Fildard, Infirmière Drs Aurélia Eden et Matthieu Saada, PH en infectiologie Une grosse activité d’infectiologie transversale La consultation du voyageur est l’occasion de vérifier sa couverture vaccinale Double astreinte, conseil antibiotique, formation et mise en place d’une antibio-référence infirmière : le point sur les multiples activités d’infectiologie transversale menées par le service. En 2015, le centre départemental de vaccinations internationales du SMIT(1) a effectué 1706 consultations voyageurs et réalisé 7132 vaccins. Depuis janvier, l’infirmière Mélisande Roy mène la consultation du voyageur au côté des médecins, dans le cadre d’un protocole de coopération. « Dans le cadre du conseil antibiotique, nous avons d’abord travaillé avec les services demandeurs qui sont généralement les gros consommateurs d’antibiotiques », explique le Dr Eden. « Depuis 5 ans, nous passons donc une fois par semaine en réanimation et hématologie. Pour toucher davantage de services, nous entrons également en contact par le biais du rendu des hémocultures : si le résultat est positif, nous accompagnons le microbiologiste pour discuter avec le prescripteur de la meilleure stratégie anti-infectieuse possible. Autre activité, le conseil téléphonique 24h/24 avec un médecin d’astreinte tous les jours. » Un autre infectiologue du service assure la 2nde astreinte, relative aux consultations non programmées qui permettent à un patient d’être vu dans la demi-journée à la demande d’un médecin traitant. Antibio-référence « En termes d’antibio-référence transversale, nous essayons de maîtriser les molécules et les durées d’antibiothérapie, de façon à limiter la prescription globale et l’émergence de résistances », poursuit le Dr Saada. « Nous intervenons également pour des infections plus complexes, notamment des IOA(1) que ce soit dans le cadre de la RCP(2) ou au lit du malade. Certain médecins nous envoient des photos, car ils savent que nous sommes réactifs. » La communication essentielle « A l’occasion de la journée européenne de sensibilisation au bon usage des antibiotiques, nous organisons des quizz ou des flyers que nous distribuons dans tous les services », note le Dr Eden. « Autre gros volet dans cette antibio-référence, la formation des internes et l’élaboration de l’antibio-guide. Nous avons aussi mis en place des réunions avec l’extérieur, notamment les Ehpad(3) et les cliniques ». Une antibio-référence infirmière « Nous avons le projet de développer une antibio-référence infirmière pour aider nos collègues infirmiers car nous nous sommes aperçus que nous avions beaucoup de demandes sur ces thèmes provenant de l’extérieur », explique Céline Fildard. « Cela passe par une éducation à la prise d’antibiotiques, à la gestion des effets indésirables et tout ce qui concerne l’heure de prise, la conduite à tenir en cas de vomissements etc.. Tous ces détails ont un impact sur l’efficacité du traitement. » Une ligne dédiée à ce conseil, avec un numéro identifié devrait prochainement être mise en place. (1) IOA : Infections Ostéo-Articulaires (2) RCP : Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (3) Ehpad : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes « Nous avons la chance de disposer de tous les vaccins, ce qui nous permet de proposer la mise à jour du calendrier vaccinal », souligne le Dr Cornaglia. L’infirmière Mélisande Roy bénéficie d’un protocole de coopération qui lui permet de mener la consultation du voyageur en toute autonomie. « Je peux ainsi réaliser des actes dérogatoires : prescription d’antipaludiques, vaccinations spécifiques, sérologies à visée vaccinale et interprétation des résultats », explique l’infirmière en rappelant qu’un infectiologue d’astreinte reste présent pour répondre à la demande. « Le Dr Aumaître a eu la volonté d’autonomiser les infirmières en leur donnant accès aux formations universitaires. J’ai passé un DU(2) de médecine tropicale et exotique et conseils aux voyageurs et Marilyn Blasi, un DIU(3) de vaccinologie et prévention des maladies infectieuses ». Des avantages pour tous Les avantages du protocole de coopération sont nombreux, aussi bien pour les médecins qui gagnent du temps médical pour les cas graves, que pour les patients qui ont des délais de rendez-vous raccourcis. « Pour nous, c’est une reconnaissance de nos spécificités et de nos diplômes. » Seul point négatif, l’activité n’est pas encore valorisée comme elle devrait l’être. « Avant de parler du voyage, je vérifie toujours si la personne est à jour de son calendrier vaccinal », souligne le Dr Cornaglia. Celui-ci fait souvent défaut pour ce qui concerne le DT-Polio chez les personnes âgées ou le vaccin contre la méningite pour les adolescents. La couverture vaccinale contre l’hépatite B ou le HPV(4) reste catastrophique. Les freins à la vaccination sont nombreux, largement dynamisés par les réseaux sociaux, où le moindre doute se transforme en avalanche d’inquiétude, sans même être étayé par une quelconque donnée scientifique. » Formation des professionnels « Une de nos missions consiste aussi à informer les professionnels de santé et les former », reprend Marilyn Blasi. « Nous menons également des actions de santé publique hors les murs pour toucher les publics vulnérables, y compris sur la vaccination. » « Nous prenons aussi en charge les fièvres du retour et il nous arrive même de donner des conseils pendant les voyages, car nous expliquons aux patients qu’ils peuvent nous contacter par mail de l’étranger », souligne le Dr Cornaglia. (1) SMIT : Service des Maladies Infectieuses et Tropicales (2) DU : Diplôme Universitaire (3) DIU : Diplôme Inter-Universitaire (4) HPV : Papilloma Virus Humain Dr Léa Colombain, PH en infectiologie - Dr Kevin Bertrand, Assistant en infectiologie - Jennifer Malnoy et Anne-Julie Molinier, Infirmières - Sylvie Llorens, Aide-soignante - Yvelise Crouchandeu, Cadre de santé Cyril Bride, Cadre supérieur de santé Une unité de lieu pour les 3 secteurs d’hospitalisation « Le service est composé de 3 secteurs d’hospitalisation », résume Yvelise Crouchandeu. « L’hospitalisation traditionnelle compte 12 lits dont 5 chambres à SAS. 3 d’entre elles sont équipées d’un système de pulvérisation anti-moustique pour les cas de dengue, zika ou chikungunya. Nous avons ensuite un secteur d’hospitalisation de semaine de 6 lits et un secteur d’HDJ(1) de 2 lits. La consultation regroupe quant à elle le centre départemental de vaccination, le CeGIDD(2), les vaccinations internationales, la consultation du patient chronique et les « D’un point de vue médical, il est pratique de pouvoir bénéficier de ces différents secteurs sur le même lieu, car cela nous permet de nous adapter du mieux possible à la situation du patient. » urgences. » L’HDJ est dévolu aux bilans annuels des patients infectés par le VIH, au suivi des patients atteints de pathologies chroniques, ou aux soins complexes : pansements, transfusions, pose de Piccline ou chimiothérapies. « Certains patients viennent aussi pour des recherches d’étiologie », souligne Jennifer Malnoy. « D’autres viennent pour des examens interventionnels en radiologie, comme des ponctions sous scanner, qui nécessitent une surveillance sur la journée », complète le Dr Colombain. Une dimension relationnelle forte « L’aspect relationnel est très important, notamment en hospitalisation », note Sylvie Llorens. « Certains patients suivis en consultation, peuvent être hospitalisés, puis revus ensuite en hospitalisation de semaine ou en HDJ et cette continuité instaure un lien de confiance », explique Anne-Julie Molinier. « Nous les voyons quand ils sont mal, puis quand ils vont mieux, et cela nous donne un retour sur notre pratique, ce qui est souvent valorisant. » « Cette unité de lieu est fondamentale pour leur confort », confirme Jennifer Malnoy. Un staff tous les matins « Le staff pluridisciplinaire permet tous les matins de faire le lien avec les équipes », souligne Yvelise Crouchandeu. « C’est un gain de temps pour tout le monde. » « La réflexion des autres participants, y compris d’autres secteurs permet d’avoir du recul et de dénouer certaines problématiques », ajoute le Dr Bertrand. (1) HDJ : Hôpital De Jour (2) CeGIDD : Centre Gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles Hélène Fredj, Psychologue clinicienne - Pascale Platerrier, Infirmière d’ETP - Dr Marie Medus, PH en infectiologie La culture VIH : une proximité avec le patient qui perdure avec les années « La culture du service autour du VIH se rapporte aussi à son histoire », explique le Dr Medus. La création du SMIT en 2000, avec l’arrivée du Dr Aumaître a permis d’intégrer le suivi des patients VIH dans le champs plus vaste des maladies infectieuses, tout en préservant la culture de proximité entre patient et équipe médicale/soignante. « Nous faisons beaucoup de choses qui sortent du cadre purement médical. Cela concerne notamment les actions que nous menons dans le cadre de la journée mondiale contre le sida, qui fédèrent beaucoup de monde et dans lesquelles les patients « Les patients subissent encore beaucoup de stigmatisation et ils savent qu’ils ne sont pas jugés ici » s’impliquent beaucoup. Plus récemment, nous avons mis en place des ateliers diététiques et sportifs. » Les associations qui tiennent des permanences dans le service proposent aussi des activités diverses, notamment sur le plan culturel. Une maladie globale « Il y a un partenariat qu’on retrouve peu dans d’autres spécialités médicales et qui est lié au fait que le virus appelle un peu à cette globalité, car il touche potentiellement l’intégralité des organes et requiert une prise en charge globale », poursuit Hélène Fredj. « Cette dimension fait que l’être humain est accueilli entièrement. » « Cette prise en charge globale est telle que certains patients considèrent l’infectiologue qui les suit comme leur médecin traitant », souligne Pascale Platerrier. Un tabou qui perdure Certaines personnes vivent leur maladie dans le secret le plus complet. « Il arrive fréquemment que même la famille n’en soit pas informée », note Hélène Fredj. « Lorsqu’un patient qui voulait garder le secret décède, et que la famille nous demande son dossier, nous nous trouvons parfois dans des situations délicates... » « Cet esprit de veille permanente du clinicien par rapport à la possibilité d’occurrence d’un phénomène épidémique est la grande particularité du métier d’infectiologue. Nous sommes en lien dans ce cadre avec la Cire et l’Invs(1) ». D r Aumaître, comment votre service gère-t-il le risque de maladie émergente ? Notre centre fait de la santé publique et du soin et par définition, cela permet d’être en 1ère ligne pour la prise en charge des problématiques épidémiques. Il y a pertinence à organiser les hôpitaux par la mise en place de système de veilles et de protocoles de gestion de ces phénomènes. Dans ce cadre, nous avons obtenu le financement de 5 chambres à SAS, qui permettent de gérer à la fois les malades fragiles et/ou très contagieux. Nous avons également conçu un dispositif à l’occasion de la pandémie de grippe H1N1, qui nous permet de mettre en place un secteur de consultation d’urgence et d’hospitalisation de 5 chambres totalement isolable et indépendant du reste du service. Nous sommes vigilants, à la fois vis à vis de pathologies dont on pensait qu’elles avaient disparu – comme la syphilis que l’on revoit de plus en plus – mais aussi de maladies qui n’étaient pas concevables scientifiquement en France, comme la dengue ou le chikungunya et qui le sont devenues, à cause du réchauffement climatique et du transport aérien. (1) SMIT : Service des Maladies Infectieuses et Tropicales Dr Hugues Aumaître, Chef de service des maladies infectieuses Pascale Platerrier, Infirmière Frédérique Roustant, Technicienne d’étude clinique Dr Hugues Aumaître, Chef de service des Maladies infectieuses et tropicales Dr Julian Cornaglia, PH en infectiologie Mélisande Roy, Infirmière Le service est en 1ère ligne face aux maladies émergentes Le SMIT(1) est connu des patients « Le SMIT est connu et reconnu et les patients savent qu’en fonction des personnalités des médecins, ils peuvent opter pour celui qui leur correspond le mieux », poursuit Hélène Fredj. Lorsqu’ils sont hospitalisés en dehors du service, certains demandent à être transférés au SMIT. « Les patients subissent encore beaucoup de stigmatisations et ils savent qu’ils ne sont pas jugés ici », souligne Pascale Platerrier. La prise en charge des hépatites a évolué Hépatologue de formation, le Dr Aumaître suit avec son équipe une file active importante de patients infectés par le VHC ou le VHB. Le point sur l’apport indéniable de l’infectiologie dans la prise en charge des hépatites virales. Comment faites-vous face aux problèmes d’arboviroses auxquelles votre département est confronté ? Dr Cornaglia : Le vecteur est maintenant bien implanté depuis quelques années dans tout le bassin méditerranéen et nous sommes confrontés à des cas importés, mais aussi à quelques cas locaux de dengue et chikungunya. Depuis quelques mois, nous avons aussi pris en charge des cas de Zika, pour l’instant importés. Nous organisons des formations de FMC(2) destinées aux médecins généralistes pour leur rappeler la conduite à tenir en cas de suspicion d’une arbovirose. Dans le cadre de la consultation du voyageur, nous rappelons aux patients de consulter sans rendez-vous en cas d’apparition de fièvre au retour, mais aussi de se protéger pour ne pas contaminer d’autres personnes. Nous sommes mobilisés dans la lutte anti-aedes qui est assez bien vécue, car ces moustiques sont une nuisance telle, que la population accueille bien ces mesures. Le VIH a été un apport phénoménal dans la relation médecin malade », explique le Dr Aumaître. « Nous avons vu des malades et des médecins qui apprenaient en même temps au début de l’épidémie. Ce partenariat a impacté significativement la relation médecin/malade, y compris dans le domaine des hépatites virales qui sont également des maladies infectieuses. A l’heure actuelle, le patient traité peut guérir de la maladie virale, mais la maladie du foie persiste. Toute cette approche que nous avons pu avoir avec les patients infectés par le VIH et le travail réalisé en amont avec eux a énormément apporté à la prise en charge des hépatites virales. » L’équipe suit environ 500 patients infectés par le VHC dont 200 coinfectés par le VIH. « Le fait de pratiquer des échographies hépatiques me permet d’assurer un suivi au plus proche des malades », souligne l’infectiologue. (1) Cire : Cellule Inter-Régionale d’épidémiologie. Invs : Institut National de Veille Sanitaire (2) FMC : Formation Médicale Continue Les enjeux de l’ETP ont changé « Avec l’arrivée des nouveaux traitements, la prise en charge en ETP(1) des patients atteints « d’hépatite C a changé », explique Pascale Platerrier. « L’accompagnement se centre désormais sur le post-traitement, car certains patients ont beaucoup de mal à assumer leur guérison. » « Une des particularités intéressantes de l’hépatite C par rapport au VIH est que le VIH est une maladie générale, tandis que l’hépatite C est une maladie qui touche un organe, le foie, qu’on peut désigner », explique le Dr Aumaître. « L’approche n’est clairement pas la même, pour ce qui concerne la compréhension de la maladie ou l’adhésion au traitement. » Les TEC s’investissent aussi dans la clinique « Dans notre activité quotidienne, nous sommes très aidés par les TEC(2) qui ont un rôle important dans cette prise en charge », souligne Pascale Platerrier. « Nous essayons d’avoir une globalité pour tout ce qui concerne l’infection par le VHC », note Frédérique Roustant. « Nous faisons du lien avec le patient et nous nous posons comme un interlocuteur identifié depuis le début. L’intérêt de coordonner un peu tous les acteurs de cette prise en charge et de contribuer à ce que les informations circulent est un gros avantage de notre métier. » (1) ETP : Education thérapeutique du patient (2) TEC : Technicien d’étude clinique Frédérique Roustant et Martine Malet, TEC « Nous sommes deux TEC(1) dans le service et nous assurons tout le suivi des protocoles nationaux », explique Frédérique Roustant. « Nous développons également des actions plus spécifiques, notamment des petits projets de recherche locaux. Je fais ainsi beaucoup d’appui méthodologique auprès des cliniciens ou des internes : enquêtes ou petits protocoles de comparaison, par exemple sur des indicateurs de risques cardiovasculaires chez des patients VIH. Nous assurons un système de veille auprès des patients et nous collectons de nombreuses données de nature très variable. » Les TEC participent également à des projets en faveur des patients dans le cadre d’ateliers d’ETP(2), avec la mise en place de projets sur le sport ou la diététique ». De nombreuses cohortes « Sur le plan du VIH, nous travaillons également avec la pédiatrie et nous Si vous souhaitez recevoir les prochains numéros d’Echanges® en Maladies infectieuses - VIH, merci d’adresser votre nom, prénom, fonction et adresse à : IPANEMA Healthcare Elisabeth Dufour -19 rue des Batignolles 75017 Paris ou par mail : [email protected] participons à la cohorte ANRS(3) EPF des enfants nés de mère séropositive », poursuit Martine Malet. “ Sur le plan du VIH, nous travaillons également avec la pédiatrie « Nous contribuons également aux cohortes Hépavih et Primo. » « Nous sommes au carrefour de toutes les informations et nous faisons du lien avec les différents intervenants en essayant d’être des facilitateurs », note Frédérique Roustant. « Le fait d’être deux nous permet d’être force de proposition et de développer des projets, en réponse aux besoins spécifiques du service. Nous apprécions particulièrement cette place qui nous est donnée. » (1) TEC : Technicien d’Etude Clinique (2) ETP : Education Thérapeutique du Patient (3) ANRS : Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les hépatites virales (4) CHU : Centre Hospitalier Universitaire GILEAD SCIENCES 65 quai Georges Gorse 92100 Boulogne Billancourt - France Tel : 33 (0)1 46 09 41 00 – Fax : 33 0(1) 46 09 41 06. N° SIREN 391 360 971 RCS Nanterre HIV/FR/16-08//1753 – Septembre 2016 Une activité très diversifiée pour les TEC du service