Chapitre 4 : Le XIXème siècle (1815-1914) 1. L’expansion industrielle et urbaine en Europe L’expansion industrielle se définit par une croissance continue, entrecoupée de crises et par une propension à innover. Le mode de production évolue vers une organisation scientifique, le travail à la chaîne. Trois systèmes techniques se succèdent durant ce siècle : le système classique (énergie hydraulique et bois), le système moderne (fer, charbon, vapeur = chemin de fer) et le système contemporain (électricité, moteur à explosion et chimie organique). La première phase de croissance se situe entre 1840 et 1860 (machine à vapeur de Watt en 1769). Elle est aussi celle du chemin de fer et de la métallurgie. Elle concerne l’Europe du Nord Ouest où les secteurs moteurs de l’industrialisation sont l’industrie lourde et le textile. Les régions sidérurgiques sont concentrées sur les bassins houillers (Nord de la France, Belgique, Ruhr) alors que les régions textiles sont liées aux sites de production de fibres végétales, animales ou aux importations de coton. Au Royaume-Uni, les usines se multiplient jusqu’à créer des « pays noirs ». En France, se développent, entre 1850 et 1870, le fer, l’acier et le textile qui comprend trois secteurs clés : la laine (Nord), le coton (Mulhouse, Rouen) et la soie (Lyon). La deuxième industrialisation repose sur l’électricité et le pétrole (1880-1930). En France, elle se développe dans le Nord, en Lorraine. Le pétrole est utilisé comme source d’énergie pour le moteur à explosion tandis que l’électricité se transporte sur de longues distances et prend des applications domestiques. Il y a aussi une certaine révolution financière. Les banques se spécialisent en banques de dépôt (Crédit Lyonnais, Société Générale) tirant leurs ressources de la clientèle ou en banques d’affaires (Crédit Mobilier des frères Pereire) utilisant leurs capitaux propres pour accorder des crédits aux entreprises. Londres et sa City et la livre sterling symbolisent la suprématie financière de l’Europe. L’essor des transports bouleverse la société. Le chemin de fer est une révolution assurant la prospérité et consolidant l’unité de la nation. Les premières lignes naissent autour de Paris ou Lyon mais le réseau en étoile est surtout développé sous le Second Empire (16000 kms de lignes en 1870). Tunnels, ponts et viaducs accompagnent les aménagements de voies. La conséquence est la création de nouvelles régions industrielles (Nord, le Creusot, Mulhouse…) et l’apparition d’une catégorie sociale « cheminots ». On passe de 9 millions de voyageurs en 1845 à 250 millions en 1885. La croissance est aussi démographique (progrès dans la médecine, l’alimentation et l’hygiène mais aussi forte fécondité liée aux mentalités religieuses). Si la population du continent double entre 1800 et 1900, elle atteint presque 40 millions en France en 1900. On assiste surtout à un phénomène d’exode rural provoqué par la mécanisation de l’agriculture imposant la concentration des terres et la réduction du nombre de travailleurs. Les paysans se dirigent vers les usines et les mines. On assiste aussi à une forte émigration (50 millions d’Européens vers l’Amérique, l’Australie, l’Afrique du Nord et du Sud). L’expansion urbaine modifie l’aspect des villes. Après des problèmes d’entassement des ouvriers, la ville se dilate et inclut ses faubourgs. Le choléra témoigne des problèmes d’hygiène qui lance les hygiénistes vers des réflexions en vue d’amélioration. De lourds travaux d’urbanisme sont engagés notamment par Haussmann qui entend donner à Paris une 1 influence européenne. Ces percements de rue regroupent les résidences bourgeoises à l’Ouest tandis que l’Est et le Nord voient l’installation des classes populaires et des immigrés. Ce modèle haussmannien se transmet en province. Tramways et métro (1900) se développent tout comme les grands magasins, le cinéma, l’éclairage des rues faisant de la vie un réel lieu de culture incarnant la modernité. Les classes ouvrières se développent ainsi que le pouvoir de la bourgeoisie tandis que le monde paysan recule. Les banquiers s’enrichissent fortement (Rothschild, Krupp, Schneider), cela se traduisant par hôtels particuliers et châteaux ainsi qu’une influence sur les hommes politiques. Les classes ouvrières sont nombreuses et de composition variée : les ouvriers qualifiés (métallurgie, textile) côtoient les manœuvres et les journaliers qui forment un prolétariat mal fixé. Les classes moyennes, intermédiaires, ni ouvrières, ni dirigeantes se composent d’employés, ce qui témoigne de la tertiarisation de la société. Cela a surtout permis d’éviter une bipolarisation de la société de cette époque. Le syndicalisme se développe sous le Second Empire (bourses du travail, fédérations d’industries). Les lois améliorant les droits sociaux se développent alors que se créent les grandes structures (CGT en 1895 dont la charte d’Amiens précise, en 1906, que le moyen d’action décisif reste la grève générale). Face au chômage et à la misère, les mouvements socialistes se développent (les utopiques comme Fourier et Saint-Simon, les anarchistes comme Proudhon et Bakounine) alors que Marx et Engels fondent le communisme sur l’idée d’une lutte des classes et d’une exploitation des prolétaires par les capitalistes. 2. La colonisation Phénomène historique long, la colonisation repose sur des facteurs économiques, politiques et idéologiques. Le décalage entre une Europe très avancée et des pays n’ayant pas encore connu l’industrialisation est fort. Les besoins de l’économie européenne sont de plus en plus importants (matières premières agricoles et minières). Les Lumières énoncent l’idée que les peuples « avancés » doivent transmettre leurs connaissances aux autres peuples. Le but est aussi d’accroître l’exploration géographique tout en affirmant sa puissance politique. La colonisation européenne commence par la lutte contre l’esclavage et la traite des esclaves en Afrique. Les missions protestantes développent un mouvement humanitaire sur la base des 3C (christianisation, civilisation, commerce). Amorcée en 1830 par Bugeaud, la colonisation de l’Algérie se poursuit jusqu’au Second Empire et héritera d’un statut particulier expliquant la délicate décolonisation qu’elle subira. Bismarck pose les règles de prise de possession de nouveaux territoires par les puissances européennes et la liberté du commerce au Congo et au Niger. L’Afrique subtropicale est partagée et occupée sauf le Libéria et l’Ethiopie. Les Européens s’implantent dans l’océan Indien, Pacifique et l’Asie du Sud-Est. Les Français conquièrent ensuite l’Indochine, la Tunisie et le Maroc. Les Britanniques prennent Hongkong, la Malaisie et la Birmanie. Les territoires conquis sont administrés en colonies ou en protectorats selon les conceptions des métropoles (la France est pour une politique d’assimilation et le Royaume-Uni est pour une politique d’association). Les cultures d’exportation et l’exploitation des matières premières se font au détriment des cultures vivrières. Le recours au travail forcé a lieu surtout en Afrique noire. La bourgeoisie indigène s’enrichit au détriment de la paysannerie traditionnelle. Convaincus d’apporter le progrès, les Européens développent l’enseignement, 2 ouvrent dispensaires et maternités et créent même des villes (Casablanca, Abidjan, Alger). Ceci dit, l’acculturation est réelle tout comme les résistances des populations locales. France et Royaume-Uni sont les principales puissances coloniales à la veille de 1914. L’Allemagne possède le Cameroun, le Togo et le Rwanda alors que les Néerlandais ont l’Insulinde et le Congo. La première guerre mondiale viendra ruiner cette hégémonie d’une Europe toute puissante. 3. La naissance de la République en France La naissance de la République française est une longue et tumultueuse histoire, une succession de régime ayant chacun engendré davantage de libertés. La monarchie constitutionnelle « censitaire » comprend deux périodes : la Restauration (1815-1830) dirigée par Louis XVIII et Charles X (frères de Louis XVI). Louis XVIII octroie une charte constitutionnelle visant à réconcilier adversaires et partisans de la Révolution. Charles X durcit le régime, ce qui aboutit à la révolution de 1830 et l’oblige à abdiquer. La monarchie de Juillet (1830-1848), dirigée par Louis-Philippe, est plus libérale. L’enseignement primaire s’organise (loi Guizot de 1833), la presse élargit son influence (première agence de presse créée par Havas). Mais la situation économique se dégradant et les aspirations démocratiques progressant, une révolution de 1848 met fin au régime monarchique. La Deuxième République (1848-1852) se veut sociale (suffrage masculin, abolition de l’esclavage) mais ces espoirs seront de courte durée : la dissolution des ateliers nationaux et le durcissement de la crise économique plongent le pays en guerre civile en 1848. Cavaignac récolte les pleins pouvoirs et, après avoir plongé la révolte dans le sang, oriente l’issue vers un régime conservateur (rupture entre ouvriers et élites républicaines). Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er, devient président de la République en 1848 et gouverne par décrets, il en profitera de son succès pour renverser le régime (coup d’Etat en 1851) et proclamer l’Empire en 1852. Le Second Empire comprend une première période autoritaire (1852-1860) ou Bonaparte, devenu l’empereur Napoléon III, remporte des succès comme la construction de l’unité italienne (rattachement de Nice et de la Savoie) et une seconde période plus libérale (18601870) ou Napoléon doit élargir le dialogue social, ce qu’il n’arrivera pas à faire correctement (défait de Sedan contre la Prusse en 1870 qui proclamera la République). La Troisième République (1870-1914) s’ouvre sur des incertitudes. Thiers, désigné « chef du pouvoir exécutif » signe le traité de Francfort cédant Alsace et Lorraine à l’Allemagne. Les Parisiens considèrent cet acte comme une trahison et en 1871, le peuple prend la capitale. Thiers refuse d’engager le dialogue avec les « communards » et coupe la ville de ses communications avec l’extérieur. Les troupes de Versailles exécutent les insurgés lors de la « semaine sanglante » (du 21 au 28 mai). La Commune fut un soulèvement patriotique portant un idéal démocratique. Après la chute de Thiers en 1873, les républicains mettent en place une république parlementaire avec des lois constitutionnelles fixant des institutions au pays en 1875. Parmi les grandes réalisations de cette Troisième République, on notera un réel progrès dans le domaine scolaire. Jules Ferry crée l’école républicaine en 1880. Les ENS sont créées la même 3 année (Fontenay pour les filles et Saint-Cloud pour les garçons). En 1881, l’école est rendue gratuite. En 1882, s’instaure l’instruction morale et civique et l’école est obligatoire de 6 à 13 ans. En 1886, une loi prolonge l’enseignement élémentaire par des écoles primaires supérieures conduisant au brevet simple ou élémentaire. Les conséquences sont claires : l’analphabétisme a quasiment disparu en 1912. L’école contribue à la mobilité sociale, les instituteurs, « hussards noirs de la République » enracinent les idées républicaines et le patriotisme. Le service militaire (lois Cissey, Freycinet, André) est rendu national, personnel et égale pour tous en durée, il est aussi un vecteur de promotion sociale. Diverses lois complètent ces évolutions : liberté de presse (1884), liberté d’association (1901), séparation Eglise-Etat (1905). On voit pourtant un aspect anticlérical s’avancer : rétablissement du divorce (1884), écoles appartenant à des congrégations religieuses fermées (1880). En 1881 et 1882, l’école devient laïque tout comme les programmes. A partir de 1885, intrigues et scandales détériorent la vie politique. Le symbole est l’affaire Dreyfus : faut-il laisser condamner un innocent au nom de la raison d’Etat et de l’autorité des chefs militaires ? Où alors, les droits de la personne sont supérieurs à toute autre considération ? L’opinion est divisée et se mobilise à l’initiative de la lettre de Zola (« j’accuse »). Le clivage droite-gauche de la vie politique française sera marqué pour longtemps. En 1900, le régime républicain atteint son apogée et le France brille dans le monde entier comme en témoignent les expositions universelles. 4