ALBERT CAMUS : évolution de sa pensée: de la morale de l

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ALBERT
CAMUS : évolution de sa pensée: de la morale de l’absurde à l’humanisme de la révolte:
Les idées de Camus sont assez proches de celles de l’Existentialisme, mais il s’en
détache sur des points essentiels. Il vaut mieux l’appeler “philosophe de l’absurde”.
Sartre et Camus : bons rapports de 1944 à 1951 (date de L’homme révolté de Camus);
à partir de cette date une querelle d’ordre philosophique et surtout d’ordre politique
va les séparer définitivement.
Il y a deux phases essentielles dans la carrière de Camus:
1) La base de la philosophie de Camus est Le Mythe de Sisyphe, essai sur l’absurde
(1842) : d’ordinaire les hommes ne pensent pas à l’essence de leur vie, à leur raison de
vivre; ils suivent la routine, mais il arrive un jour où ils s’aperçoivent que la vie n’a pas
de sens: «Un jour seulement le “pourquoi” s’élève et tout commence dans cette
lassitude teintée d’écoeurement.» Comment trouver un remède à l’absurdité de la vie,
puisque Camus rejette toute métaphysique, donc tout espoir d’une autre vie et qu’il
n’admet pas le suicide qui ne résout rien ? Camus en effet refuse les attitudes
d’évasion : le suicide qui est la suppression de la conscience et les doctrines qui
situent hors de ce monde les espérances qui donneraient un sens à la vie (croyances
religieuses; l’Existentialisme chrétien).
L’homme absurde, c’est celui qui a compris que la vie est absurde. Il ne peut avoir
qu’une attitude : la révolte, qui donne son prix à la vie. En effet, l’homme absurde se
sent complètement libre, puisqu’il ne peut suivre les règles d’un monde qui n’a pas de
sens. Et il suivra cette conduite avec passion, parce qu’il faut multiplier les
expériences de liberté; ainsi la vie aura-t-elle un sens : «Je tire de l’absurde trois
conséquences qui sont ma révolte, ma liberté, ma passion. Par le seul jeu de ma
conscience, je transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort - et je
refuse le suicide.»
Pour illustrer cette philosophie de la révolte, Camus a choisi un mythe de l’Antiquité,
Sisyphe, condamné à rouler éternellement un rocher jusqu’au sommet d’une montagne,
pour le voir rouler ensuite au fond de la vallée par son poids, s’est rendu compte que
ses efforts sont inutiles : comme l’homme absurde, il domine son destin et il se rend
supérieur à la pierre qui le tourmente. Il trouve dans cette lutte stoïque sa grandeur.
Donc, dit Camus, il faut considérer Sisyphe heureux.
L’Etranger (1942) illustre cette théorie de l’absurde. L’Etranger, Meursault, est un
homme qui, sans être encore arrivé à comprendre que le monde est absurde, se rend
compte que tout lui est indifférent; quand il va monter sur l’échafaud, il se révolte, et
il conquiert ainsi sa dignité d’homme.
2) Dans L’homme révolté (1951) la pensée de Camus a une évolution. L’homme qui a
compris l’absurdité du monde et révolte sent qu’il doit préserver une valeur, la nature
humaine, qui est une valeur collective : «Je me révolte, donc nous sommes.» L’homme
absurde lutte pour lui-même et pour les autres hommes aussi. C’est là que Camus se
sépare des existentialistes, qui n’admettent pas de valeurs préétablies.
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Quelle doit être la portée de la révolte? Elle doit être noble et pure et doit toujours
préserver la nature humaine, pour laquelle elle lutte. Elle doit agir en faveur de la vie,
et non de la mort: c’est pourquoi il a rompu avec les communistes qui soutenaient la
légitimité du meurtre pour préparer une société meilleure.
Camus illustre ces idées dansle roman La Peste (1947) : l’homme absurde se révolte
contre les fléaux de l’humanité pour préserver la nature humaine. Dans ce roman, la
pensée de Camus parvient à l’exaltation de la fraternité; de la morale de la révolte il
est arrivé à la morale de la solidarité, qui surmonte l’absurdité du monde. Du désespoir
existentiel il arrive à l’espoir, à un humanisme noble et captivant,
Camus engagé:
Sous l’occupation allemande en France, il occupera une place importe dans la
Résistance et devient en août 1944 rédacteur en chef du journal “Combat”. Camus
continuera à militer en faveur des déshérités et des victimes de la lutte pour la
liberté; il lancera en 1956 un appel aux musulmans en faveur de la trêve en Algérie et
publiera, avec Arthur Koestler, des Réflexions sur la peine de mort tendant à
l’abolition de la peine capitale; toujours en 1956, après les tragiques journées de
l’insurrection hongroise, il invite les écrivains européens à recourir à l’O.N.U.. En 1957,
il reçoit le Prix Nobel pour une «oeuvre qui met en lumière les problèmes se posant de
nos jours à la conscience de l’homme.»
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