ESC 174 ESCTER 13 F Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN SOUS-COMISSION SUR LES RELATIONS ECONOMIQUES TRANSATLANTIQUES (ESCTER) RAPPORT DE MISSION BERLIN ET MUNICH, ALLEMAGNE 10-12 JUIN 2013 www.nato-pa.int 26 août 2013 Le présent rapport de mission est présenté à titre d’information uniquement et ne représente pas nécessairement le point de vue officiel de l’Assemblée. Il a été préparé par Paul Cook, directeur de la Commission de l’économie et de la sécurité. 174 ESCTER 13 F I. INTRODUCTION 1. Du 10 au 12 juin 2013, des membres de la Sous-commission sur les relations économiques transatlantiques se sont rendus à Berlin et à Munich pour examiner non seulement les tendances en matière de budgets de la défense, qui constituent le thème du rapport 2013 de la sous-commission, mais aussi tout un éventail d’autres questions qui modèlent les relations transatlantiques. Parmi celles-ci, l’impact stratégique et économique du boom résultant de la production de pétrole et de gaz non conventionnels, les relations commerciales transatlantiques, les marchés monétaires et la crise de l’euro, ainsi que les tendances de l’évolution des forces aériennes et du secteur aéronautique et spatial. II. L’AVENIR DES BUDGETS DE LA DEFENSE EN EUROPE 2. L’impact de la crise financière qui a frappé l’Europe en 2008 sur les dépenses de défense reste important dans l’Alliance tout entière et les conséquences sont particulièrement marquées en Europe, tenue de se doter de nouvelles capacités face à un environnement stratégique en rapide évolution. La Commission européenne estime que l’Europe devra consacrer 1 % supplémentaire de son PIB au service de la dette au cours des 20 prochaines années pour revenir au niveau d’endettement qui était le sien avant le déclenchement de la crise actuelle. 3. L’impact budgétaire du ralentissement économique est considérable et les budgets de la défense assument une part importante des efforts exigés. Leur compression peut atteindre 5 % des dépenses prévues et la planification de la défense est devenue extraordinairement difficile dans les conditions d’austérité et de mutation qui prévalent aujourd’hui. Avec des taux oscillant entre 3,5 % et 10 %, l’inflation élevée dans l’industrie de la défense ne fait que contribuer à l’incertitude ambiante, tandis que le coût croissant des équipements confronte les autorités à toute une série de choix difficiles. L’augmentation des coûts résulte également de la consolidation de l’industrie de la défense, qui – dans certains secteurs – confère aux entreprises une certaine capacité d’influencer les prix. 4. En Europe, l’on observe de grandes différences en matière de dépenses de défense. C’est ainsi que, d’après les estimations, la Pologne devrait accroître ses dépenses de 47 % au cours des trois prochaines années et la Lituanie pourrait les augmenter de 41 % durant la même période, alors que le Danemark prévoit pour sa part de les réduire de 36 %. 5. La coopération transnationale en matière de défense constitue un point de départ évident pour relever les défis budgétaires dans le secteur de la défense, mais le monde politique demeure focalisé sur le niveau national, alors que l’industrie est de plus en plus contrainte d’opérer à l’échelle internationale. Les efforts visant à étendre et à approfondir la Base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) se heurtent aux politiques nationales, opposées par nature aux initiatives de renoncement au contrôle des dépenses de défense au niveau local. La coopération en matière d’armements reste définie par des structures telles que l’article 346 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, par des comportements profondément ancrés régissant les achats d’équipements de défense au niveau national et par d’anciennes habitudes, telles que l’exigence d’un « juste retour » face aux initiatives d’acquisition internationale, ce qui réduit la rentabilité des investissements de défense en Europe. A cet égard, les pays dont l’industrie de la défense est réduite ou inexistante sont en mesure d’acheter des équipements essentiellement sur la base de critères prix/performance. 6. Dans le climat actuel, il existe un risque réel d’érosion progressive de la base industrielle de la défense au sein de l’Alliance. Le niveau de fragmentation est alarmant et un composant géographique vient s’ajouter à ce défi. En Europe, la base industrielle de la défense située le plus à l’ouest est davantage mondialisée et plus importante que les entreprises de ce secteur implantées à l’est. En 1 174 ESCTER 13 F matière de défense, le nord dispose d’une base industrielle très sophistiquée, mais relativement limitée. Le sud possède plusieurs grandes entreprises, mais elles sont confrontées à un problème de compétitivité, auquel vient ajouter la présence de chantiers navals manifestement trop nombreux face au niveau prévisible de la demande. Les entreprises qui s’adaptent le mieux à l’évolution de l’environnement comptent d’importantes divisions non liées à la défense. Le secteur de la construction navale tend cependant à une forte focalisation sur les contrats militaires, ce qui le rend très vulnérable. 7. Autre tendance qu’il convient de noter : les entreprises européennes de la défense dépendent de plus en plus de fournisseurs non européens pour leurs composants essentiels. Une part importante du phosphate entrant dans la fabrication des munitions est désormais importée de Chine et la plupart des semi-conducteurs utilisés dans les systèmes d’armement de pointe proviennent d’Asie. Les entreprises européennes de la défense dépendent en outre de plus en plus de ventes extra-européennes pour remplir leurs carnets de commandes et maîtriser les coûts. Il s’agit toutefois d’un marché favorable aux acheteurs et les marges sont très faibles. 8. Cela veut dire que les fabricants d’équipements de défense sont de plus en plus contraints de réfléchir à l’échelle planétaire pour prospérer, voire pour simplement survivre. Le problème réside dans le fait que le monde politique continue à penser au niveau national ; cette tension doit être apaisée si l’Europe souhaite conserver une base industrielle de la défense adéquate. L’échec du projet de fusion EADS / BAE Systems en octobre 2012 est emblématique du problème. Cela se résume au triomphe de l’esprit de clocher sur une logique économique solide. Les budgets alloués à la recherche et au développement pour des systèmes complexes et coûteux tels que le nouvel avion de chasse s’érodent rapidement et le réflexe qui incite à réfléchir au niveau national plutôt qu’international ne fait qu’aggraver la situation. Certains pensent qu’une Agence européenne de l’armement disposant de pouvoirs similaires à ceux de la Commission s’avérera, à terme, indispensable pour résoudre ce problème croissant. Une telle agence pourrait regrouper les demandes des clients dans le secteur de la défense et contribuer à faire baisser les coûts. Nombreux sont ceux qui feront naturellement valoir qu’aussi longtemps que des Etats souverains existeront, il est improbable que cette solution puisse voir le jour. Plusieurs membres ont fait remarquer que la réunion de décembre 2013 du Conseil européen devra s’intéresser à cette question. 9. La Bundeswehr accorde manifestement une grande attention au débat budgétaire en Allemagne et dans d’autres pays alliés. Elle a fait l’objet de plusieurs restructurations depuis la réunification allemande. L’objectif consiste à optimiser les capacités de soutien et de déploiement des forces armées allemandes dans le cadre de limites budgétaires contraignantes. Pour ce faire, l’armée fait à nouveau l’objet d’une restructuration, l’accent reposant désormais sur des forces prêtes sur le plan opérationnel. 10. Les dirigeants allemands sont conscients que la réalisation de cette ambition transcende le niveau national. Une coopération et une coordination internationales sont essentielles. Ils considèrent l’OTAN et l’UE comme des vecteurs importants pour l’identification de synergies permettant d’économiser des coûts en œuvrant de concert avec les partenaires et les alliés de l’Allemagne. A cet égard, tant la Mutualisation et le Partage des ressources que la Défense intelligente sont considérés comme des initiatives essentielles, qui peuvent aider la Bundeswehr à réaliser ses ambitions. Les efforts consentis dans le domaine de la formation et du transport aérien stratégique connaissent un certain succès et l’on espère que des initiatives pourront également voir le jour dans d’autres domaines. Le problème est que les pays possédant d’importantes industries de la défense et confrontés à des réductions budgétaires ont tendance à se focaliser davantage sur la préservation de ces industries nationales plutôt que sur la coopération internationale. Il s’agit-là d’un terrible dilemme auxquels les responsables allemands sont désormais confrontés et qui implique des questions de coût, de solidarité et de souveraineté. 2 174 ESCTER 13 F 11. Une nouvelle extension de la coopération industrielle transatlantique en matière de défense semble susciter moins d’optimisme, notamment en raison des positions très dominantes des entreprises américaines. Le système conjoint de Défense aérienne élargie de moyenne portée MEADS exigeait d’énormes efforts et l’Allemagne a depuis longtemps renoncé à l’idée de l’acquérir. D’autres accords de coopération majeurs avec Washington ne se profilent pas à l’horizon, bien qu’un travail en collaboration soit nécessaire avec les Etats-Unis pour les systèmes de drones. L’Allemagne a toutefois connu d’importants problèmes avec le Global Hawk, développé par Northfield Grumman et EADS. Dans ce domaine, la technologie américaine est véritablement à la pointe et une coopération pourrait s’avérer mutuellement bénéfique. L’Allemagne participe également au programme de défense antimissile de l’OTAN. L’Europe doit encore décider ce qu’elle peut mettre sur la table et le débat est en cours au sein de l’Alliance. Des accords bilatéraux représentent un autre moyen de réaliser des économies tout en renforçant les capacités. Dans ce contexte, l’Allemagne et la Pologne ont récemment signé un protocole d’accord pour l’approfondissement de leur coopération navale. Cela pourrait annoncer d’autres projets concrets de coopération en Europe du Nord. III. LES IMPLICATIONS STRATEGIQUES ET ECONOMIQUES DE LA PRODUCTION DE PETROLE ET DE GAZ NON CONVENTIONNELS 12. Le boom de la production de pétrole et de gaz non conventionnels aux Etats-Unis bouleverse les marchés énergétiques mondiaux et cette expérience est riche en enseignements pour l’Europe. Ce boom entraîne des problèmes dans des régions qui, jusqu’à récemment, n’étaient pas d’importants producteurs d’énergie. L’Ohio et la Pennsylvanie sont confrontés à toute une série de difficultés, tandis que le Texas maîtrise de manière plus adéquate la situation. Le boom du pétrole focalise une grande partie de l’attention, mais celui du gaz pourrait avoir des conséquences considérables pour l’Europe lorsque les Etats-Unis feront leur entrée sur le marché du GNL mondial. La dépendance des Etats-Unis à l’égard des importations de pétrole et de gaz est en diminution constante, ce qui va modifier la manière dont ce pays considère les marchés mondiaux de l’énergie et perçoit les questions de sécurité énergétique. 13. Les marchés gaziers sont actuellement très segmentés et essentiellement régionaux. La difficulté d’exportation du gaz vers l’Asie et l’Europe sera l’un des obstacles que les Etats-Unis devront surmonter. Ils ne disposent pas pour l’instant des installations pour ce faire. Seize demandes de licences d’exportation de gaz ont néanmoins été introduites et le secteur désire manifestement acheminer du gaz américain vers les marchés mondiaux où les prix pratiqués sont beaucoup plus élevés. L’on constate, d’autre part, une résistance croissante de l’opinion publique à l’égard de la fracturation hydraulique, bien que cette résistance s'avère plus forte en Europe qu’aux Etats-Unis. Signalons en outre un manque d’encadrement du secteur dans certains Etats. 14. Le boom a des conséquences notables pour l’économie américaine et semble contribuer à une certaine ré-industrialisation. Certains considèrent qu’il pourrait créer 600 000 emplois d’ici à 2020 et il s’agirait-là d’une estimation prudente. Parallèlement, certains fabricants rapatrient leurs activités aux Etats-Unis, en raison notamment des coûts relativement peu élevés de l’énergie. Le boom pourrait contribuer à l’amélioration des comptes courants américains, déficitaires depuis longtemps. 15. Si cette richesse énergétique inespérée contribue à revitaliser l’économie américaine, elle aura aussi d’importantes implications en matière de politique étrangère, en accordant aux Etats-Unis une plus grande liberté d’action pour tout un éventail de questions. Washington entame actuellement d’importantes réductions du budget de la défense et rapatrie ses troupes, tout en se focalisant de plus en plus sur la région Asie-Pacifique. Les Etats-Unis conserveront d’importants intérêts au Moyen-Orient et dans le golfe Persique, mais leur perception générale de la région pourrait être modifiée par la diminution de leur dépendance à l’égard des importations d’énergie. Certains verront là une excuse pour un désengagement total par rapport à la région, mais celui-ci est improbable. Il 3 174 ESCTER 13 F n’empêche que les Etats-Unis pourraient être plus enclins à demander à ceux de leurs alliés qui dépendent le plus de l’énergie du golfe Persique de consentir davantage d’efforts pour contribuer à la sécurité de la région. 16. En fin de compte, cette technologie émergente aura une influence sur la production bien au-delà de l’Amérique du Nord. La Chine possède d’énormes gisements de schiste, mais commence seulement à chercher à les exploiter. Si elle parvient à le faire de manière efficace, cela pourrait modifier son comportement à l’égard des pays producteurs d’énergie. L’Europe dispose elle aussi d’un potentiel de schiste, mais ses gisements ont tendance à se trouver à une plus grande profondeur et sont plus difficiles à exploiter qu’aux Etats-Unis. La Russie voit d’un très mauvais œil l’exploitation par l’Europe de son potentiel en gaz non conventionnel et a récemment recouru à des arguments écologiques pour faire part de son opposition. 17. L’Allemagne possède des gisements de schistes bitumineux dont l’exploitation pourrait satisfaire 11 % de la demande nationale. Cela n’est pas sans importance, mais ne représente certainement pas une aubaine stratégique. L’Allemagne a lancé plusieurs projets pilotes et aucun moratoire général n’empêche l’exploitation, comme c’est le cas en France. Un débat est en cours quant aux risques potentiels pour l’environnement et les autorités cherchent à mettre en place un cadre réglementaire approprié. Certaines réglementations existent déjà. Il est, par exemple, interdit de recourir à des techniques de fracturation dans les bassins versants et une transparence totale est exigée quant aux produits chimiques utilisés pour ces procédés. Il est essentiel d’être conscient de l’extrême diversité des conditions d’exploitation et, à cet égard, ce qui fonctionne au Texas pourrait ne pas être adapté à certaines parties d’Europe. La coopération américano-européenne est importante dans le secteur. Du point de vue allemand, elle s’avère très utile. Les pays européens devront néanmoins mettre en place des cadres réglementaires en fonction des conditions locales. 18. Il est important d’être conscient que, si les Etats-Unis développent leur capacité d’exportation de GNL, ils chercheront très probablement à acheminer leur gaz en Asie, car les prix y sont considérablement plus élevés qu’en Europe. Les répercussions d’une forte augmentation de la production de gaz américain sur les prix pour l’Europe ne seraient, dès lors, qu’indirectes. 19. Le potentiel en schistes bitumineux des Etats-Unis et du Canada est mieux cerné qu’ailleurs, de sorte que toute estimation des stocks mondiaux est très préliminaire. Les chiffres changent constamment, sous l’effet de nouvelles découvertes. L’UE ne possède pas de politique sur la fracturation hydraulique proprement dite et il appartient donc aux autorités nationales de réglementer et de modeler leur marché. Manifestement, la densité de la population et l’utilisation de l’eau représentent des défis majeurs pour l’Europe. Les coûts de production seraient beaucoup plus élevés qu’aux Etats-Unis et l’opinion publique est sceptique dans de nombreux pays. IV. LES PERSPECTIVES D’UN ACCORD DE LIBRE-ECHANGE ENTRE L’UNION EUROPENNE ET LES ETATS-UNIS 20. Les relations entre les Etats-Unis et l’Union européenne demeurent très importantes et très diversifiées. Il est dès lors essentiel que ces relations continuent à se développer et qu’elles demeurent un fondement du développement en Europe et en Amérique du Nord. L’économie transatlantique est dynamique et essentielle à la prospérité des deux parties. Les Etats-Unis représentent le principal marché non européen de l’Allemagne et le premier pays de destination pour les investissements allemands. Ces relations constituent une courroie de transmission vitale pour les idées et l’activité commerciale. C’est pour cette raison qu’il existe un solide soutien en Allemagne en faveur d’un accord de libre-échange transatlantique. C’est pour cette raison que les autorités allemandes sont fermement résolues à parvenir à un accord global. Concrètement, l’Allemagne accueillerait favorablement une plus grande libéralisation des échanges commerciaux, de même 4 174 ESCTER 13 F qu’une convergence réglementaire. Celle-ci représentera d’ailleurs un point important lors des négociations. 21. Le gouvernement allemand reconnaît parallèlement que ces pourparlers ne seront pas faciles. Il existe toute une série de questions sur lesquelles un accord sera difficile à conclure. Il est également important de prendre en compte les conséquences pour des partenaires commerciaux essentiels tels que la Turquie, qui ne sont pas directement impliqués dans ces négociations bilatérales. Le Canada, engagé dans des pourparlers similaires avec l’Union européenne, est manifestement à la fois intéressé et concerné par les négociations entre Washington et Bruxelles. Le gouvernement canadien aimerait que ses négociations bilatérales connaissent des progrès rapides et qu’elles s’achèvent avant que ne débutent véritablement les pourparlers entre les Etats-Unis et l’Union européenne. 22. Il est aussi important de progresser rapidement à ce niveau. En effet, une fois que débutera véritablement la prochaine campagne présidentielle américaine, il sera très difficile pour les Etats-Unis d’avoir les coudées franches. L’Allemagne défend en outre l’idée d’un très large mandat de négociation, portant notamment sur les marchés publics. En ce qui concerne la convergence réglementaire, la solution consistera en fin de compte à parvenir à un niveau plus élevé de reconnaissance mutuelle. 23. Il est naturel de s’attendre à ce que ces négociations suscitent un débat politique très intense dans un certain nombre de pays, mais un tel débat n’a pas encore débuté en Allemagne. Des questions controversées figurent à l’ordre du jour et certains s’opposeront au processus pour cette raison. Il sera essentiel de s’engager dans un tel débat, mais un pacte commercial transatlantique global pourrait constituer la clef de la galvanisation de la croissance pour un certain nombre d’économies frappées par la récession. Ce pacte pourrait en outre contribuer également à la croissance mondiale. Comme toujours, ce sont les détails qui posent problème. Un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne pourrait provoquer une « distorsion des échanges » et avoir des conséquences négatives pour le reste de la planète. Dans ce contexte, il est important d’assurer la pérennité du Cycle de Doha, de manière à stimuler une libéralisation mondiale générale. 24. D’après certaines estimations, un accord de libre-échange global entre les Etats-Unis et l’Union européenne pourrait générer 4,7 % de croissance supplémentaire en Allemagne, 9,7 % au Royaume-Uni et jusqu’à 13 % aux Etats-Unis. L’importance de ces pourcentages s’explique par le fait que les Etats-Unis et l’Union européenne constituent les plus importants blocs commerciaux au monde et qu’ils s’adjugent à eux seuls 45 % du PIB et 40 % des échanges commerciaux de la planète. Une plus grande libéralisation entre eux aurait un effet immédiat sur le niveau de leurs échanges mutuels. Une grande partie des avantages ne proviendrait pas de l’abaissement des tarifs douaniers, qui sont déjà assez bas entre ces deux blocs, mais bien de l’allègement des barrières réglementaires et d’autres obstacles non tarifaires, tels que les procédures douanières, les politiques régissant les marchés publics, les exigences et les normes liées au contenu national. Une conséquence immédiate serait une augmentation des échanges commerciaux transatlantiques en matière de services, actuellement entravés par un certain nombre d’obstacles réglementaires. 25. Des études récentes permettent de penser que l’Espagne et l’Italie figureraient au nombre des pays bénéficiant le plus d’un régime commercial plus ouvert avec les Etats-Unis. Un tel accord contribuerait à faire baisser les coûts des transactions, élevés dans ces deux pays. Ces coûts sont déjà assez bas au Royaume-Uni et en Allemagne, de sorte que l’avantage pour eux serait relativement moindre. D’après les estimations, ce pacte commercial pourrait entraîner la création de deux millions d’emplois dans l’OCDE. Il aurait toutefois un effet négatif dans certains pays de l’OCDE, tels le Japon et le Canada, à moins bien sûr que l’accord de Doha entraîne une plus large libéralisation. La Turquie pourrait être particulièrement touchée, car elle bénéficie d’un accord de libre-échange avec l’Europe, mais toutefois pas avec les Etats-Unis. Cela pourrait également être le 5 174 ESCTER 13 F cas pour la Norvège et la Suisse. Un pacte commercial transatlantique pourrait d’autre part réduire le niveau des échanges au sein de l’Europe elle-même, mais les gains globaux en termes de bien-être feraient plus que compenser ce désavantage. Les échanges commerciaux avec la Chine connaîtraient également une diminution relative, toutes choses égales par ailleurs. Les avantages seraient moindres pour les grandes entreprises que pour celles de taille moyenne. V. LES PERSPECTIVES ECONOMIQUES 26. L’Allemagne est la troisième nation commerçante en importance au monde, tant pour les importations que les exportations, et son économie est fortement tributaire des échanges commerciaux. Ce qui se passe au niveau économique au-delà de ses frontières a donc des conséquences immédiates pour son économie nationale. La France représente le premier partenaire commercial de l’Allemagne, avant les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Chine. Tout au long de la crise récente, la part de l’Allemagne dans les échanges commerciaux mondiaux est demeurée stable pour l’essentiel, alors que les Etats-Unis ont perdu des parts de marché. La part de la Chine dans le commerce mondial s’est fortement accrue au cours de la dernière décennie. 27. L’Allemagne est parvenue à juguler le coût de sa main-d’œuvre, ce qui contribue au maintien de son avantage concurrentiel au niveau international. Beaucoup de ses économistes pensent que les problèmes actuels de l’Europe méridionale résultent du fait que le coût de la main-d’œuvre dans plusieurs de ces pays s’est fortement accru ces dernières années, sapant ainsi leur compétitivité. Un processus d’ajustement est cependant en cours en Europe méridionale et il bénéficie du plein soutien de Berlin. Des réformes récentes contribuent à l’alignement des rémunérations sur les niveaux de productivité et cela devrait, à terme, contribuer à la création de nouveaux emplois dans ces pays. L’Allemagne est fort critiquée pour les excédents de ses comptes courants, mais le sentiment prévaut qu’un rééquilibrage est en cours et que ces excédents sont appelés à diminuer. 28. Si un accord commercial est conclu avec les Etats-Unis, les perspectives de reprise s’amélioreront substantiellement. Mais l’Allemagne entretient également d’importantes relations commerciales avec la Chine et ses entreprises de taille moyenne se comportent particulièrement bien sur les marchés asiatiques. L’Allemagne ne s’est pas ralliée aux restrictions appliquées aux panneaux solaires chinois par l’Union européenne. Il n’empêche que, si les Etats-Unis et l’Union européenne parviennent à cet accord, la Chine devra procéder à des ajustements, faute de quoi elle risque de perdre certains accès à leurs marchés au détriment de son dynamisme. L’Europe mène des discussions avec la Chine sur les standards et les normes, suggérant ainsi que des progrès pourraient être réalisés dans ce domaine, sorte de sous-produit des efforts visant au développement des échanges commerciaux transatlantiques. A l’instar des Etats-Unis, l’Europe recherchera également une plus grande libéralisation des échanges commerciaux avec d’autres régions, telles l’ExtrêmeOrient. L’Allemagne ne considère pas un accord de libre-échange transatlantique comme susceptible de saper de quelque manière que ce soit les pourparlers de Doha en vue d’une libéralisation multilatérale. Cet accord pourrait, en fait, stimuler ce processus. 29. Certains signes révèlent que l’économie des Etats-Unis se redresse lentement, ce qui devrait faire l’effet d’un coup de fouet pour l’Allemagne et l’UE en général. Les marchés financiers européens font preuve de davantage de confiance que ce que de nombreux experts prévoyaient. Une récente enquête de l’IFO (institut allemand de recherche économique) auprès des acteurs du marché européen indique que l’optimisme s’accroît sur le Vieux continent et que les perspectives de croissance sont positives. Un certain degré d’incertitude demeure quant à l’environnement politique et pourrait avoir un impact négatif sur les attentes. La manière dont les déficits budgétaires publics et privés pourront être jugulés, en particulier dans le sud de l’Europe, demeure le principal défi. Le resserrement du crédit dans cette région ralentit la croissance dans l’ensemble du continent et une plus grande certitude politique est essentielle en la matière. Bien sûr, des changements structurels 6 174 ESCTER 13 F sont aussi nécessaires et plusieurs signes indiquent qu’ils sont en cours. Le secteur de la construction a connu une contraction rapide dans des pays tels que l’Irlande et l’Espagne, ce qui conduit désormais à une réaffectation plus efficace des ressources. D’autres ajustements restent nécessaires. De nombreux économistes continuent à affirmer qu’étant donné le niveau de la productivité, les rémunérations demeurent trop élevées dans la majeure partie de l’Europe méridionale, ce qui contribue au chômage et empêche la croissance. Le fait que des pays comme l’Espagne et la Grèce ne disposent pas d’une option de dévaluation alourdit évidemment d’autant la charge de l’ajustement. L’Irlande a néanmoins réalisé des progrès rapides et ce n’est pas une coïncidence si sa balance des comptes courants enregistre désormais un excédent. Les autres pays en crise ont beaucoup plus de chemin à parcourir. Ceci étant, il est probable que la consolidation progressera rapidement dans la zone euro, même si le chômage demeurera sans doute élevé et la demande, faible. Des réformes à tous les niveaux demeurent nécessaires, mais le processus est lent et politiquement sensible. VI. VISITE CHEZ CASSIDIAN 30. La délégation s’est également rendue au siège de Cassidian, la division défense et sécurité du groupe EADS, un fournisseur majeur de solutions globales de sécurité, d’intégration de grands systèmes et de systèmes aériens, terrestres, navals et conjoints. Il s’agit de la deuxième division en importance d’EADS. La délégation s’est intéressée à la structure de la société, à ses relations avec EADS et à son personnel international, qui regroupe 28 000 personnes. Le chiffre d’affaires total de Cassidian a atteint 5,7 milliards d’euros en 2012. L’usine visitée par la délégation est en grande partie dédiée à la construction de l’Eurofighter. Le Tornado appartient désormais au passé, mais la société continue à assurer sa logistique, car il demeure le composant de base de plusieurs forces aériennes. Impliquée dans la réalisation de l’avion de transport A4M, Cassidian est également très active dans le programme des avions AWACS de l’OTAN et fournit une logistique de maintenance permanente pour cet appareil. L’équipe de développement travaille en étroite collaboration avec des armées clientes, afin que celles-ci disposent de tous les renseignements nécessaires relatifs aux systèmes qu’elles acquièrent et que leurs producteurs soient pleinement informés des exigences de leurs utilisateurs. 31. Comme d’autres entreprises du secteur de la défense, Cassidian s’inquiète des actuelles tendances liées aux budgets de la défense dans les pays de l’Alliance. Elle redoute qu’en cas de trop forte diminution de ces budgets, le secteur puisse connaître une perte peut-être permanente et structurelle de certains de ses spécialistes. Le marché des chasseurs est très étroit et trois appareils modernes sont en concurrence. 32. Pour maîtriser les coûts, des entreprises telles que Cassidian s’appuient sur la sous-traitance, bien que celle-ci dépende non seulement du facteur coûts, mais également de considérations de technologie et de sécurité. Cette dernière est manifestement plus importante que dans le secteur de l’aviation civile. 33. La délégation a achevé sa mission par une visite des vastes installations de production de Cassidian, dont les lignes de fabrication de l’Eurofighter et les hangars de maintenance des avions AWACS de l’OTAN. _______________ 7