Web 13 Fiche 13

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Web 13 Fiche 13.1
MÉCANISMES D’ACTIVATION DE LA TRANSCRIPTION PAR
L’ACTIVATEUR CRP-AMPC
C. Guterriez
La protéine Crp (Cyclic-AMP-receptor-protein), également appelée Cap (Catabolite Activator
Protein) comprend 209 acides aminés (23 kDa), et est le produit du gène crp chez la bactérie
Escherichia coli. La protéine Crp forme des homo-dimères en solution. La structure
cristallographique de ces dimères a été résolue, en présence comme en absence de l’effecteur
AMPc. Chaque monomère se divise en deux domaines. Le domaine N-terminal (acides aminés
1 à 139) est responsable de la dimérisation de Crp et de la fixation de l’AMPc, au sein d’une
poche de fixation présente sur chaque monomère. Cette fixation provoque un changement de
conformation des monomères de Crp, les rendant aptes à se fixer sur leurs cibles sur l’ADN. Le
domaine C-terminal de Crp (acides aminés 140 à 209) est responsable de la fixation à l’ADN,
grâce à un motif hélice-tour-hélice, qui permet l’interaction avec un site spécifique sur l’ADN.
Ce site de fixation est une séquence semi-palindromique de 22 paires de bases, dont la séquence
consensus est 5’-AAATGTGATCTAGATCACATTT-3’. Chaque monomère d’un dimère de
Crp-AMPc se fixe sur un demi-site de fixation, et la fixation du dimère introduit une courbure
de la molécule d’ADN d’environ 80°, conduisant l’ADN à partiellement envelopper le dimère
de Crp-AMPc.
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LES PROMOTEURS CIBLES DE CRP-AMPC
Crp-AMPc est capable d’activer la transcription au niveau d’une centaine de promoteurs chez la
bactérie E. coli. Une analyse détaillée de plusieurs de ces promoteurs a montré qu’il est possible
de les regrouper en trois classes distinctes :
Classe I
Ces promoteurs sont activés uniquement par Crp-AMPc, suite à la fixation sur un site unique
situé en amont du promoteur et sur la même face de la double hélice d’ADN que celle sur
laquelle se fixe l’ARN polymérase. En conséquence, les sites de fixation de Crp-AMPc peuvent
se retrouver centrés sur les positions -93, -83, -72 ou encore -62, par rapport au site de
démarrage de la transcription. Un des exemples les mieux décrits est le promoteur de l’opéron
lactose, au niveau duquel le site de fixation du complexe Crp-AMPc est centré sur la position 61,5.
Classe II
Les promoteurs de cette classe sont également activés uniquement par Crp-AMPc et via la
fixation à un seul site sur l’ADN. Toutefois, ce site se trouve chevaucher l’élément -35 du
promoteur. Ainsi, dans le promoteur galP1, le mieux connu de cette classe, le site de fixation de
Crp-AMPc est centré sur la position -41,5.
Classe III
Cette classe est plus hétérogène. Elle regroupe des promoteurs au niveau desquels l’activation
met en œuvre plusieurs dimères de Crp-AMPc et/ou au moins un autre régulateur en plus de
Crp-AMPc, conduisant à des interactions plus complexes entre ces régulateurs afin d’activer le
démarrage de la transcription.
MÉCANISME DE L’ACTIVATION AU NIVEAU DES PROMOTEURS
DE CLASSE I (FIGURE F13.1-1)
Des « mutants d’activation » de crp ont pu être isolés chez E. coli. Il s’agit d’allèles mutés
produisant des variants de Crp toujours capables de fixer l’AMPc , de dimériser et de
reconnaître le site de fixation sur l’ADN, mais devenus incapables d’y activer la transcription.
Ces mutants ont mis en évidence une région d’activation, AR1 (Activating region 1) composée
des acides aminés 156 à 164 de Crp. Dans la structure des complexes ADN-Crp-AMPc, la
région AR1 se trouve à la surface des monomères de Crp, orientée vers l’extérieur des
complexes. Des expériences particulièrement élégantes ont permis de montrer que les deux
monomères de Crp-AMPc ne jouent pas un rôle symétrique dans le processus d’activation. On
disposait de mutations altérant le motif hélice-tour-hélice et changeant la spécificité de
reconnaissance de l’ADN. Ainsi, les monomères de Crp portant la séquence sauvage ou
modifiée reconnaissent des sites de fixation à l’ADN légèrement différents. Une combinatoire
de mutations des motifs hélice-tour-hélice et des altérations sur chaque demi-site sur l’ADN ont
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alors permis de construire des « hétérodimères orientés » dans lesquels une altération de la
région AR1 était présente soit sur le monomère le plus amont, soit sur celui fixé du côté aval.
Ces expériences ont établi que seul le monomère situé en aval doit porter une région AR1
intacte pour que l’activation ait lieu.
L’activation des promoteurs de classe I nécessite par ailleurs la présence de la région Cterminale, CTD (C-terminal domain) sur au moins l’une des deux sous-unités  de l’ARN
polymérase. De plus il a été possible d’isoler des « mutants d’activation » produisant des sousunités modifiées de l’ARN polymérase dans lesquels les complexes Crp-AMPc ne sont plus
capables d’activer la transcription au promoteur lac. Ces mutations changent spécifiquement des
acides aminés de la région CTD.
L’activation au niveau des promoteurs de classe I s’explique alors parce que la fixation de
Crp-AMPc apporte une interface de contact avec l’ARN polymérase, augmentant l’affinité de
cette dernière avec les régions promotrices dans les complexes ternaires ADN, Crp-AMPc et
ARN polymérase. La présence d’une région non structurée et particulièrement flexible entre les
domaines N- et C-terminaux des sous-unités  permet à ces dernières une souplesse suffisante
pour interagir avec les régions AR1 des monomères avals de Crp sur des sites centrés en -93, 83, -72 ou bien -62.
Figure F13.1-1.
Mécanisme de l’activation de la transcription par Crp-AMPc au niveau des
promoteurs de classe I (A) ou II (B).
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MÉCANISME DE L’ACTIVATION AU NIVEAU DES PROMOTEURS
DE CLASSE II
Les promoteurs de la classe II activés par Crp-AMPc ont un élément -35 éloigné du consensus
et ils présentent un site de fixation des complexes Crp-AMPc chevauchant avec cette région.
Des études génétiques et biochimiques du même type que celles décrites pour les promoteurs de
classe I ont établi que deux sites à la surface de la protéine Crp sont nécessaires pour
l’activation. Comme pour les promoteurs de classe I, le site AR1 est impliqué. Toutefois, c’est
le site présent sur le monomère situé le plus en amont qui est mis en jeu. Ce site, en
interagissant avec le domaine CTD d’au moins une des sous-unités , permet d’améliorer la
fixation de l’ARN polymérase. D’autre part, un second site, AR2, constitué des acides aminés
19 à 21 et 101, est lui aussi nécessaire pour l’activation des promoteurs de classe II. Des
mutations modifiant les acides aminés de ce site affectent l’activation des promoteurs de classe
II, mais pas celle des promoteurs de classe I. Le site AR2 du monomère situé le plus en aval sur
le site de fixation de Crp-AMPc est en interaction avec le domaine NTD d’une sous-unité  au
moins. Cette seconde interaction semble agir sur une étape du démarrage de la transcription
postérieure à la fixation de l’ARN polymérase, lors de l’isomérisation des complexes fermés en
complexes ouverts.
MÉCANISME DE L’ACTIVATION AU NIVEAU DES PROMOTEURS
DE CLASSE III
Parmi les promoteurs de classe III activés par Crp-AMPc, on distingue plusieurs sous-classes.
Certains portent plusieurs sites de fixation des dimères de Crp-AMPc. Ils présentent un
fonctionnement synergique de ces dimères, avec par exemple l’addition de deux dimères fixés
en positions -93 et -62 agissant chacun par le mécanisme décrit pour les promoteurs de classe I.
On peut également observer des dimères fixés en des sites à -83 et -42, pour lesquels le plus
amont fonctionne par un mécanisme de type I alors que le plus en aval utilise un mécanisme de
type II. Pour ces promoteurs, il semble donc que l’addition de plusieurs sites de fixation
aboutisse à une addition des effets sur chacun de ces sites.
Une seconde sous-classe comprend des promoteurs sur lesquels Crp-AMPc agit en
collaboration avec d’autres régulateurs. Ici également, on observe une synergie entre CrpAMPc, agissant via un mécanisme de type I ou II selon la position de son site de fixation, et un
second régulateur. Ce dernier peut stimuler soit la fixation de l’ARN polymérase soit les étapes
d’isomérisation des complexes fermés, selon des mécanismes qui lui sont propres et via des
contacts régulateur-ARN polymérase spécifiques et différents de ceux mis en œuvre par CrpAMPc. Une particularité notable de l’activation à ces promoteurs est que Crp-AMPc ne contacte
pas le second régulateur, et que la synergie découle d’interactions avec les sous-unités de l’ARN
polymérase.
Enfin, une dernière sous-classe comprend des promoteurs sur lesquels l’action de Crp-AMPc
ne passe pas par une interaction avec l’ARN polymérase. C'est le cas pour le promoteur de
l’opéron malEFG. L’activateur MalT peut occuper deux types de sites différents, sur lesquels
MalT est capable ou pas de stimuler la transcription. En absence de Crp-AMPc, MalT occupe
les sites non-activateurs. Le rôle de Crp-AMPc, en se fixant sur son site en amont du promoteur
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est alors de repositionner l’activateur MalT sur les sites activant la transcription. Sur de tels
promoteurs, les régions d’activation AR1 ou AR2 ne sont pas mises en jeu, et seule la fixation
des dimères de Crp-AMPc est importante pour l’activation.
Bibliographie
Busby S. & Ebright R. 1999. Transcription Activation by Catabolite Activator Protein (CAP). J.
Mol. Biol. 293:199-213
Lawson C. Swigon D., Murakami K.S., Darst S.A., Berlman H.M., Ebright R.H.l. 2004.
Catabolite Activator Protein: DNA Binding and Transcription Activation. Curr. Opin.
Structural Biol. 14 h :10-20
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Web 13 Fiche 13.2
CONTRÔLE DE LA STABILITÉ DES FACTEURS H ET E
CHEZ ESCHERICHIA COLI
C. Guterriez
Lorsque les cellules bactériennes sont soumises à une augmentation brutale de la température,
elles déclenchent un programme génétique, appelé la réponse au choc thermique. Une
conséquence majeure des chocs thermiques est de conduire à l’accumulation de protéines
partiellement ou totalement mal conformées dans tous les compartiments de la cellule. Chez E.
coli comme chez de nombreuses autres bactéries, deux grands régulons sont induits de façon
transitoire lors d’un choc thermique. Ils sont contrôlés respectivement par deux facteurs sigma
alternatifs, H (ou 32) d’une part et E (ou 24) d’autre part. Parmi les produits des membres de
ces régulons on trouve plusieurs chaperons moléculaires, chargés d’aider au bon repliement des
protéines, ainsi que des protéases capables d’éliminer les protéines mal conformées. Le régulon
H est impliqué dans la prise en charge des protéines mal conformées au niveau du cytoplasme.
Pour sa part, le régulon E comprend des chaperons périplasmiques ainsi que des protéases
membranaires ou périplasmiques, et son rôle est de prendre en charge les protéines mal
conformées dans le compartiment extra-cytoplasmique (périplasme ou membrane externe).
CONTRÔLE DE L’ACTIVITÉ DU FACTEUR H
H (produit du gène rpoH) est soumis à un contrôle complexe jouant à la fois sur sa synthèse et
sa stabilité. rpoH est transcrit depuis 5 promoteurs différents, dont un dépend deE, assurant
une connexion entre les régulons des deux facteurs sigma. La traduction du messager de rpoH
est sensible à la température. En effet, deux éléments de séquence dans l’ARNm de rpoH
forment une structure secondaire inhibant la traduction à température normale et la destruction
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spontanée de cette structure à forte température autorise la traduction. L’ARNm de rpoH se
comporte donc comme un ARN thermosenseur. Un second mécanisme s’ajoute au contrôle
traductionnel pour réguler l’activité de H (fig. F13.2-1).
Figure F13.2-1. Contrôle de l’activité et de la stabilité du facteur H.
Les protéines chaperons cytoplasmiques DnaKJ/GrpE et GroEL/ES sont capables d’interagir
avec H ce qui a pour effet d’une part de l’inactiver et d’autre part de favoriser sa dégradation
par une protéase intrinsèque de la membrane cytoplasmique, FtsH. Un acteur supplémentaire est
nécessaire pour conduire à cette dégradation : le complexe nucléoprotéique SRP (Signal
Recognition Particle). Formé d’une protéine, Ffh, complexée à un petit ARN, l’ARN 4,5S, SRP
est une machinerie d’adressage à la membrane cytoplasmique des protéines en cours de
traduction qui doivent être sécrétées ou insérées dans la membrane. La particule SRP est
capable de se lier à H, et de la maintenir au niveau de la membrane cytoplasmique, via son
interaction avec le récepteur à SRP, la protéine intégrale de membrane FtsY. Là, H est présenté
à la protéase FtsH qui assure sa dégradation. C’est grâce à ces mécanismes que l’inactivation et
la dégradation de H sont modulées en réponse à la présence de protéines mal conformées dans
le cytoplasme. En effet, les chaperons cytoplasmiques sont présents en quantité limitante et,
suite à un choc thermique, l’augmentation de protéines mal conformées dans le cytoplasme va
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titrer ces protéines chaperons, les détournant de leur action sur H qui se retrouve ainsi à la fois
stabilisée et active. Comme les gènes codant les chaperons cytoplasmiques font partie du
régulon H, dès qu’une quantité de chaperons suffisante pour déstabiliser et inactiver H sera
atteinte l’activité de H va rapidement diminuer, et le régulon H va de nouveau être très peu
exprimé. C’est ce mécanisme de fermeture qui fait que l’induction de la réponse au choc
thermique est seulement temporaire à la suite d’un choc thermique.
CONTRÔLE DE L’ACTIVITÉ DU FACTEUR E
Pour sa part, le facteur E n’est pas régulé au niveau de sa production, mais de son activité. Le
gène rpoE forme un opéron avec trois autres gènes rseA, rseB et rseC. RseA et RseB sont deux
protéines régulant négativement l’activité de E. En absence de stress, lorsqu’il n’y a pas de
protéines mal conformées dans le périplasme, E est séquestré au niveau de la membrane
cytoplasmique par une interaction avec la protéine RseA, qui a donc une activité de type anti-
(fig. F13.2-2A). RseA présente un domaine cytoplasmique, un segment transmembranaire et un
domaine périplasmique. Une seconde protéine, RseB, interagit avec le domaine périplasmique
de RseA, et augmente l’affinité de RseA pour E. La séquestration de E par RseA l’empêche de
former des holoenzymes E-E avec l’ARN polymérase enzyme cœur, et le régulon E n’est
donc pas exprimé. Les deux autres acteurs de ces régulations, les protéases DegS et RseP sont
inactives. En revanche, en présence de protéines mal conformées dans le périplasme, par
exemple suite à un choc thermique, une cascade de dégradations protéolytiques est amorcée
dans le périplasme qui va aboutir à la libération de E dans le cytoplasme (fig. F13.2-2B). Les
extrémités C-terminales de porines de membrane externe (OMP), normalement non exposées,
deviennent accessibles sur les protéines mal conformées. Ces extrémités peuvent interagir avec
la protéase associée à la membrane DegS, du côté périplasmique, et l’activer. DegS peut alors
cliver le domaine périplasmique de RseA. Ce clivage est aussi rendu plus efficace par le
décrochage de RseB, lorsqu’elle aussi interagit avec des protéines mal conformées
(probablement des lipoprotéines) dans le périplasme. Une seconde protéase membranaire, RseP,
peut ensuite cliver RseA au niveau de son segment transmembranaire, libérant dans le
cytoplasme le domaine cytoplasmique de RseA (RseA-cyto) lié à E. Enfin, une troisième
protéase, localisée dans le cytoplasme, ClpXP, assure la dégradation de RseA-cyto, libérant E
qui peut former des holoenzymes E-E et transcrire ses gènes cibles. Le régulon E est ainsi
induit par l’apparition de protéines mal conformées dans le périplasme. Comme pour l’induction
du régulon H, le système est programmé pour se refermer. En effet, d’une part des gènes du
régulon produisent des chaperons et des protéases périplasmiques qui vont prendre en charge les
protéines mal conformées dans le périplasme, et donc stopper le signal inducteur. D’autre part,
l’opéron rpoE-rseA-rseB-rseC fait lui-même partie du régulon, et l’induction restaure la
production de l’anti- RseA et son partenaire RseB, afin de remettre en place la séquestration,
et d’arrêter l’induction.
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Figure F13.2-2. Contrôle de l’activité du facteurE.
A. En absence de signal inducteur, la protéine E est séquestrée au niveau de la membrane cytoplasmique par l’anti-
RseA. B. En présence de protéines mal conformées dans le périplasme, une cascade de dégradations protéolytiques
est enclenchée, qui libère E.
L’ensemble des mécanismes contrôlant E permet de transmettre à travers la membrane
cytoplasmique un signal généré et perçu dans le périplasme, jusqu’au cytoplasme où la réponse
régulatrice va s’exercer. Ce type de voie de régulation utilisant des cascades de protéases
membranaires a été nommé protéolyse intramembranaire régulée. Découvert initialement chez
les eucaryotes pour le contrôle des gènes de biosynthèse du cholestérol, il a été trouvé
également chez d’autres bactéries, comme Bacillus subtilis où il participe à la régulation de la
cascade de facteurs sigma régulant la sporulation.
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Bibliographie
Ades S. 2008. Regulation by Destruction: Design of the E Envelope Stress Response. Curr.
Opin. Microbiol. 11: 535-540
Guo M. & Gross C. 2014. Stress-Induced Remodeling of the Bacterial Proteome. Current
Biology 24-R: 424–R434
Lim B., Miyazaki R., Neher S., Siegele D.A., ito K., Walter P., Akiyama Y., Yura T., Gross
C.A. 2013. Heat-shock Transcription Factor 32 co-opts the Signal Recognition Particle to
Regulate Protein Homeostasis in E. coli. PloS. Biol. 11: e1001735
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