3. Quel sens pour les programmes d`assistance aux victimes de mines

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AU SUJET DE L'OFFRE DE SERVICES
EN APPAREILLAGE
DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT
Quelques points sur la situation

1. SITUATION
DE L'APPAREILLAGE DANS LE CADRE DE L'ASSISTANCE AUX
VICTIMES DE MINES
L'appareillage fait partie du processus de réadaptation physique dans le cadre de l'assistance
aux personnes handicapées, de la même façon que la kinésithérapie et le soutien
psychologique.
Il est ainsi l'une des composantes principales de l'assistance aux victimes de mines, au même
titre que les soins pré-hospitaliers et hospitaliers, la réadaptation physique, la réintégration
sociale et économique, les lois et politiques, et la surveillance sanitaire et sociale.
Les services de réadaptation, dans toutes les régions, sont rarement entièrement gratuits. Les
ONG étrangères sont d'un grand secours dans la mesure où elles permettent aux victimes de
mines d'obtenir des prothèses à un coût très faible ou même gratuitement. En effet, les
services gouvernementaux rencontrant souvent des problèmes pour fournir des prothèses, les
victimes sont contraintes à une longue attente, ou à des acquisitions très onéreuses.
Le soutien psychologique, qui est un aspect important de la réadaptation, est rarement
proposé, mais des améliorations ont été enregistrées par rapport aux informations recueillies
en 20001. Dans de nombreux pays, les services de réadaptation sont essentiellement
concentrés dans la capitale ou dans les grandes zones urbaines, alors que les régions affectées
par les mines et les victimes se situent souvent dans des zones reculées. Il faut noter que les
services urbains de réadaptation sont en général de meilleure qualité que les services ruraux.
C'est le cas au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine. Les programmes de
réadaptation à base communautaire (RBC) peuvent partiellement remédier à cette situation en
apportant une assistance de proximité au sein des communautés.
1
Landmine Victim Assistance - World Report 2001, Lyon : Handicap International, 2001.
1
L'appareillage s'est développé suivant deux axes principaux : la production de prothèses, en
substitution d'un membre amputé ; la production d'orthèses, en soutien ou correction d'un
membre existant mais déficient. Il existe également d'autres composantes, telles que la
production de chaussures orthopédiques et celle d'aides techniques de marche ou roulantes
(fauteuils, tricycles). De nombreux autres types d'appareillages sont aussi fabriqués pour
répondre à des pathologies très variées.
Mise en œuvre de cette assistance dans les pays affectés
Cette assistance en appareillage est mise en œuvre par les institutions médico-social
(publiques ou privées) des pays affectés, avec l'aide des associations et organisations
internationales ainsi que l'appui des coopérations bilatérales ou multilatérales.
Les ONG développent les capacités locales en coopération avec les gouvernements, avec en
général pour objectif final de transférer la maîtrise aux acteurs locaux, qu'ils soient
gouvernementaux ou associatifs.
2. QUELQUES PROBLEMES GENERAUX ET COMMUNS A BEAUCOUP
DE PAYS
Le niveau de services est très variable d'un pays à l'autre, d'un programme à l'autre. Mais
quelques problèmes sont communs à beaucoup de pays.
2.1. Mise en place d'un schéma de distribution des services de prothèses et
orthèses

Manque de données sur les personnes handicapées
On estime à 0,5 % de la population la proportion des personnes ayant besoin de prothèses
ou d'appareils orthopédiques. Cette estimation peut être en dessous de la réalité, en
particulier pour les quelques régions où la poliomyélite continue de frapper2.
En outre, après un conflit d'une grande intensité ayant entraîné de nombreux traumatismes
de guerre ou provoqué des mutilations suite à la présence de mines, de même qu’après une
catastrophe naturelle de grande ampleur, le nombre de personnes amputées ayant besoin
de prothèses augmente considérablement par rapport à la moyenne d'un pays n'ayant pas
connu ces désastres.
En 2000, les populations de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique latine devaient constituer
au total quatre milliards de personnes. Si l’on se réfère à l’estimation présentée ci-dessus,
cela signifie que vingt millions d’entre elles avaient au même moment des besoins en
appareils orthopédiques3.
2
3
Guide pour la formation en prothèse et orthèse dans les pays en développement, Geneva : WHO, 1990.
Ibid.
2

Manque de services spécialisés
En Afrique, on compte en moyenne deux millions de personnes pour une unité de
production en appareillage. En comparaison, la moyenne en Occident s’établirait autour
de deux cent à quatre cent mille personnes pour une unité.
Beaucoup de pays en Asie (spécialement dans le Sud-Est) ainsi qu’en Amérique du Sud et
centrale ont amélioré leurs conditions, mais elles restent plus proches de celles de
l'Afrique que de celles des pays occidentaux4.

Production ne répondant pas à la demande
Le nombre total d'appareillages fabriqués dans les pays en développement ne répondrait
au maximum qu'à 10 % de la demande5.
Les personnes les plus vulnérables (handicapées, souvent sans pouvoir économique),
parfois faute de savoir que de tels services sont disponibles, ne sont donc pas favorisées à
reprendre une vie active.

Centralisation des services
Les services restent concentrés en grande zone urbaine, ce qui rend difficile l'accès des
populations nécessiteuses lorsqu'elles sont suffisamment informées de l'offre de services.
En effet la densité démographique doit aussi être prise en considération. Dans les zones où
la population est répartie sur une large superficie, il est nécessaire de mettre en place des
ateliers dans des lieux accessibles, comprenant du personnel technique compétent.
Tout plan national pour la distribution de services de prothèse et orthèse doit commencer
par établir ces prestations au niveau provincial (ou régional). Les pays qui assurent déjà
des services à ce niveau devraient prévoir leur distribution au niveau du district (ou en
zone rurale). Les schémas de distribution varieront selon les pays, la taille de leur
population et les données (existantes et/ou à collecter) sur les personnes handicapées.
2.2. Plan et contenu des formations spécialisées

Manque de personnels formés
Un juste milieu doit être trouvé entre des standards de formation internationale, les réalités
des pays et la motivation des techniciens à développer et à gérer des services
périphériques.
Pour ce domaine de la réadaptation les techniciens doivent être formés, en respect à leurs
futurs devoirs professionnels, sur l'attitude à adopter dans leur relation avec les patients,
4
5
Ibid.
Ibid.
3
les membres de l'équipe clinique mais aussi les autres acteurs tels qu’une administration,
une association locale, des collègues, etc.… ; les pratiques professionnelles, dans
lesquelles le geste technique ne doit pas remplacer la communication avec le patient ;
enfin la capacité de maîtrise des connaissances fondamentales, d'interprétation de
nouvelles situations et de proposition de solutions innovantes.

Qualité des appareillages insatisfaisante
Si les programmes de formation ne sont pas adaptés au contexte des pays, les
appareillages produits ne répondront pas aux critères socio-économiques des populations
handicapées.
Les techniques peuvent permettre d'allier en même temps la dimension économique, la
facilité de mise en œuvre et l'esthétique, mais aussi de produire localement ou
régionalement les composants nécessaires, en alliance avec des associations locales et des
opérateurs détenant ce savoir-faire. En outre, il convient que ces choix puissent être en
liaison avec les technologies plus classiques utilisées dans d'autres pays plus développés,
afin que les techniciens et professionnels locaux "accrochent les wagons" avec le monde
de l'orthoprothèse.

Technologies non appropriées
Un juste milieu doit être trouvé pour l'utilisation de matériaux locaux, importés de la sousrégion, ou de l'Occident, afin de proposer une gamme d'appareillages répondant aux
critères socio-économiques des populations visées.
La technologie utilisée dans un contexte d'urgence ne doit pas faire prendre le risque d'une
impasse technologique et d'une dépendance, et doit permettre plus tard une évolution
harmonieuse vers des choix différents. Dans ce contexte où il est important que la
personne ne « s'installe » pas dans sa situation d'invalide, la priorité est une production
rapide indépendamment du prix et de l'esthétique.
Le mode d'approvisionnement en pièces a des conséquences pour tous les aspects de la
planification nationale des services et des schémas de formation. Certains pays sont
tributaires des pays industrialisés, surtout en ce qui concerne les pièces pour prothèses.
Dans la plupart des cas, les pièces importées étant coûteuses, le prix des appareils est
élevé et la distribution des services insuffisante. Les plans nationaux d'approvisionnement
en pièces doivent être élaborés soigneusement. Peu de pays ont les ressources financières
nécessaires pour utiliser des pièces importées dans la production de tous les appareils dont
ils ont besoin.

Services non prioritaires pour les gouvernements et les systèmes de soins
-
Manque de politique nationale;
Manque de plan stratégique;
Manque de structure de coordination centrale;
Manque d'intégration au niveau du système de soins;
Manque de mobilisation des ressources.
4
En lien avec les formations, un travail doit être fait sur la reconnaissance de ces
professionnels de la réadaptation, ainsi que sur la mise en place d'une politique nationale,
d'un plan stratégique et d'une structure de coordination centrale.
Quel que soit le degré d'implication du gouvernement, il doit être mobilisé à différents
niveaux, ou définir une stratégie claire de délégation de ces différents niveaux
d'intervention : l'Etat comme prestataire de l'offre de services en orthopédie, et/ou l'Etat
comme régulateur, et/ou l'Etat comme financeur.
Les prestations à assurer aux personnes à appareiller ne doivent pas se limiter à la
fourniture de l'appareil requis. Il faut aussi leur apprendre à prendre soin de leurs
membres, à prévenir les difformités et à bien utiliser leur appareil.
La prise en charge trop exclusive des seuls amputés déstabilise à long terme les bases
d'une politique cohérente de santé publique en faveur des personnes handicapées. Même
très nombreux dans un pays, les amputés sont toujours minoritaires par rapport aux autres
types de personnes handicapées. Les technologies choisies pour l'appareillage des amputés
se doivent d'être en cohérence avec celles des autres types d'appareillages et aides
techniques.

Services orthotiques négligés
Les programmes nationaux et internationaux d'appui ont malheureusement tendance à
focaliser leur action sur l'appareillage des personnes amputées de membres inférieurs car
il s'agit en effet d'un nouveau groupe en augmentation constante dans des pays en guerre
ou sortant de guerre et minés, alors que le nombre de personnes avec des besoins en
orthèses est toujours plus élevé (membres inférieurs paralysés et déformés, pieds bots,
scolioses…).
On oublie aussi que les accidents par mines peuvent engendrer des séquelles à appareiller
avec orthèses, et que les séquelles de poliomyélites sont en augmentation dans un pays où
le programme de vaccination se fait difficilement.
2.3. Capacité de gestion administrative et financière des services

Dépendance à un soutien étranger
Il faut préparer l'implication des ministères ou d'ONG locaux dès le début des
programmes, ainsi que former des homologues locaux à développer des capacités de
gestion des services.
En effet, l'expérience nous montre que si l'intérêt des pays riches et des bailleurs se
concentre sur des pays en situation de crise, il convient que les opérateurs internationaux
de terrain soient attentifs au fait que ces pays avaient auparavant un développement et un
processus de fonctionnement, qui reprendront après la crise. Dans la plupart des pays où il
existe des programmes, les projets en orthopédie mis en œuvre durent au minimum dix
années…
5
Les services d'appareillage dans les pays en développement sont généralement pris en
charge par le ministère de la Santé ou le ministère de l'Action sociale, des ONG locales,
ou des entreprises privées, ou bien par une combinaison des trois.
Les stratégies pour renforcer ou développer des capacités locales sont très variables selon
les organisations, mais un objectif commun est bien de transiter d'une action d'urgence à
une action de développement, afin de tendre vers la pérennité des services (viabilité
technique, administrative et financière).

Moyens financiers limités
La planification des services à implanter sur l'ensemble du territoire national doit se faire
en tenant compte du coût de l'établissement d'ateliers, qui varie grandement selon les
matériaux utilisés et les machines nécessaires pour la fabrication des appareils.
Dès cette étape, le coût de l'appareillage doit être pris en compte. Les mécanismes de
paiement de l'appareillage sont une clef dans la mise en place d'une stratégie pérenne. Ce
travail est au moins aussi important que la réflexion technologique.
3. QUEL SENS POUR LES PROGRAMMES D'ASSISTANCE AUX
VICTIMES DE MINES ?
Une approche globale
La réadaptation et l'orthopédie s'inscrivent dans une approche globale de l'assistance, qui vise
différents objectifs :




la réduction des facteurs de risques qui génèrent les incapacités ou aggravent la
vulnérabilité;
le développement des aptitudes et de l'autonomie des personnes blessées et handicapées,
et à la réalisation de leurs modes et projets de vie;
l'adaptation des facteurs environnementaux, sociaux ou physiques, et l'adéquation à ce
titre des services aux personnes (individus, familles, groupes, communautés) et un
meilleur accès à l'offre et aux services;
le développement de la participation sociale pour réduire les situations de handicap, de
vulnérabilité et d'exclusion.
Les principes d'action
Les actions d'assistance aux victimes devront viser une amélioration rapide de la situation des
personnes blessées et handicapées et de leur familles, en privilégiant le développement de
l'offre de soins et les services de proximité.
Les mesures sanitaires, médico-sociales, techniques et socio-économiques proposées devront
respecter les principe de non-discrimination entre catégories de victimes et entre types
d'incapacités, le principe de précaution: "Primum non nocere" (ne pas nuire) et contribuer au
respect de la dignité des personnes.
6
L'assistance aux victimes des mines devra à la fois répondre aux souffrances et préjudices qui
leur sont spécifiques et procéder d'une approche globale du traitement des traumatismes et du
handicap.
Les actions proposées doivent s'inscrire dans les politiques nationales de santé publique et
d'assistance sociale ainsi que dans les dispositifs de reconstruction et de développement. Elles
respecteront les cadres institutionnels et sectoriels existants, et veilleront à la pérennité des
processus engagés à travers la mise en œuvre de partenariats. Elles s'appuieront autant que
possible sur des techniques et technologies appropriées à l'environnement des patients, et sur
des ressources disponibles au niveau local ou régional. Elles contribueront à réduire les
phénomènes de substitution et de dépendance des populations et pays affectés à l'égard des
intervenants internationaux 
Isabelle URSEAU, Janvier 2002.
Bibliographie





Landmine Victim Assistance World Report 2001, Lyon : Handicap International, 2001.
Pour une véritable assistance aux victimes de mines, Lyon : Handicap International, 2000.
Prosthetics and Orthotics Services in Developing Countries, A Discussion document,
Genève : WHO, 1999.
Agir en faveur des personnes handicapées et des groupes particulièrement vulnérables,
Lyon : Handicap International, 1998.
Guide pour la formation en prothèse et orthèse dans les pays en développement, Genève :
OMS/WHO, 1990.
14 avenue Berthelot, F-69361 Lyon Cedex 07, France
Tel: 33 (0) 4 78 69 79 79. Fax: 33 (0) 4 78 69 79 94
Contact :
Techniques orthopédiques:
Isabelle URSEAU
[email protected]
Correspondante Assistance aux Victimes :
Nathalie HERLEMONT-ZORITCHAK
Secteur Veille et Positionnement:
[email protected]
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