Rencontre entre le SNES et une commission du CODICE (Conseil pour la Diffusion de la Culture Economique, mis en place par le Ministre de l’Economie et des Finances, Thierry Breton, en septembre 2006) Mercredi 18 octobre 2006 La commission du CODICE est composée de : Claude Perdriel, président du CODICE, PDG du groupe « Nouvel Observateur », Directeur général de « Challenges » ; François de Closets, journaliste ; Jean Etienne, doyen de l’Inspection générale de l’Education Nationale, Patrick Fauconnier, grand reporter au « Nouvel Observateur, spécialiste de la formation professionnelle et de l’entreprise, Jacques Julliard, journaliste, Directeur délégué du « Nouvel Observateur ». La délégation du SNES est composée de : Claudie Martens, co-secrétaire générale du SNES ; Georges Ortusi, responsable, au secteur « contenus » du groupe SES ; Alice Cardoso, responsable, au secteur « contenus » du groupe Histoire Géographie ; Gisèle Jean, enseignante, présente au titre de son expertise sur la diffusion de la culture économique (et sociale !) dans le système scolaire. Le CODICE, appelé par le Ministère de l’Economie et des Finances à suggérer des propositions pour la diffusion de la culture économique, en particulier par l’Ecole, a souhaité rencontrer des enseignants, des associations, des syndicats… C’est dans ce contexte que le SNES a été auditionné. La rencontre s’est déroulée dans un cadre très informel (parfois un peu désordonné), les membres de la délégation du SNES étant invités à répondre à une série de questions1. Au début, Claude Perdriel a tenu à rappeler la grande liberté dont il disposait (c’est la raison qui le conduit à refuser tout budget de la part du Ministère de l’Economie et des Finances, la dépendance financière ne pouvant être qu’un handicap à cette liberté). Il a pu ainsi, en toute indépendance, nommer les membres du CODICE. Ayant lui-même une sensibilité de gauche, il nous fait remarquer que les membres du CODICE ont dans leur majorité cette même sensibilité2. Ayant remarqué la diversité disciplinaire de notre délégation, Claude Perdriel nous demande de nous expliquer. Nous faisons comprendre à la commission du CODICE, qu’en ce qui nous concerne, la diffusion de la culture économique se fait du collège aux classes préparatoires. Au collège, les professeurs d’Histoire Géographie interviennent dès la 6°. C’est essentiellement dans le cadre de la Géographie économique que ce type de culture est diffusé. Il en est de même au lycée, surtout en classe de terminale. Les programmes se ressemblent, quelque soient les séries, même si les exigences et les horaires peuvent être différents. Au collège, les professeurs de Technologie, dans un cadre très particulier, diffuse également de la culture économique. Nous évoquons aussi les IDD, la découverte professionnelle, les stages en entreprises organisés dès le collège. Enfin, en ce qui concerne le lycée, nous rappelons l’existence de filières professionnelles où l’économie tient une place et celle des séries technologiques (STG) ou la culture économique est également diffusée. Claude Perdriel semble découvrir l’existence de cette voie et s’étonne qu’on ne l’ait pas proposée à ses C’est la raison pour laquelle ce compte rendu ne reprend pas forcément les points dans l’ordre avec lequel ils ont été abordés. 2 !!! 1 enfants3. Il pense sans doute que cette voie doit être marginale mais nous l’informons que si le corps de professeurs de SES compte environs 5 000 enseignants, celui des STE en comptent lui environ 22 000 !4 Nous rappelons que les SES ne sont enseignées en terminale ES qu’à environ 100 000 élèves, soit environ 1/7 à 1/8 d’une tranche d’âge et qu’à peu près 40 % des élèves de seconde générale et technologique suivent l’option de SES. L’enseignement des SES à tous les élèves de seconde a déjà existé, dans le passé, ainsi que sa présence, en option, dans les séries autres que la série ES (à l’époque série B). Le débat autour de leur extension à l’ensemble des élèves de seconde est porté par beaucoup de collègues de SES et mérite qu’on y prête attention. Il nous est demandé (F. de Closets) s’il est utile d’avoir, de la 6° à la terminale un cours d’économie ou si cette culture ne peut pas continuer à être diffusée par des disciplines autres que l’économie. Nopus réalisons alors que certains sont persuadés qu’il existe un cours d’économie « pure » en lycée. Nous rappelons donc ce que signifie « SES », l’importance de l’adjectif « et sociales », la lutte qui avait menée, il y a plus de vingt ans pour le conserver, les méthodes actives de la discipline… Nous ne pensons pas qu’il puisse être envisagé qu’un tel enseignement existe dès le collège mais nous réaffirmons son importance au lycée5. Sur les contenus enseignés, beaucoup d’idées fausses aussi : l’idée de présenter aux élèves l’économie de marché puis l’économie planifiée comme alternative et enfin une troisième voie intermédiaire inquiète les membre de la commission ! Nous leur expliquons que la réalité de la chose enseignée n’est peut-être exactement celle-ci. Bref, nous leur faisons rapidement savoir que l’idée qu’ils se font de ce que nous enseignons est complètement dépassée. F. de Closets estime qu’il faut présenter l’économie de marché comme quelque chose qui n’a pas d’alternative mais dont il faut montrer les limites et dénoncer les excès. Pour notre part, il nous semble important de montrer que le marché est historiquement construit, qu’il n’a pas toujours existé et qu’il ne nous appartient pas de dire aux élèves ce que sera la société qui existera au siècle prochain. Le marché n’est donc pas un donné ni « naturel » ni « universel » (rappel du cours de première sur l’institutionnalisation du marché), même si son étude nous semble complètement indispensable. Nous profitons des questions posées sur le contenu pour rappeler la démarche des SES, l’entrée par des objets problèmes…6 Sur les stages en entreprises, les visites d’entreprises (auxquels semblent attachés les membres de la commission), nous rappelons notre conception : l’entreprise est un objet de connaissance scientifique qui doit être étudié comme tel. Elle doit être abordée dans ses différentes dimensions, économiques, organisationnelle, sociale… L’enseignant peut utiliser différents angles d’approche tout en restant maître de sa pédagogie. Un stage, une visite d’entreprise ou des TD effectués en entreprise peuvent se révélés bénéfiques dans ce cadre de travail. Nous mettons en garde contre le « tourisme » d’entreprise qui n’apporte pas grand-chose et contre l’excès de demandes de stages de toutes sortes adressées aux entreprises. Après nous avoir dressé un tableau misérabiliste des moyens matériels dont disposent les établissements (nous rappelons que sans nous déclarer satisfaits des dotations des établissements, nous sommes plus inquiets des insuffisances en moyens humains pour 3 !!! De fait, nous apprenons au cours de notre échange que la commission du CODICE rencontrera également les professeurs de STE, déjà invités… 5 Nous regrettons la disparition du cours d’économie de terminale envisagée dans la réforme de la série SMS. 6 Nous n’avons pas le temps de nous étendre sur la question des indicateurs, celle-ci n’étant qu’évoquée. 4 « encadrer » les élèves7 ; il nous est répondu que le CODICE n’a pas vocation à aller sur ce terrain), l’accent est mis sur l’accès à la presse des élèves et des enseignants : coûts des abonnements, liberté d’utilisation des articles… Ce dernier point préoccupe énormément François de Closets qui estime que les enseignants devraient avoir librement accès à toutes les émissions diffusées à la télévision, à condition que leur utilisation soit strictement pédagogique. Pour l’utilisation en classe, les émissions devraient donc toutes être libres de droits. C’est la seule proposition concrète qui nous est proposée (il n’y a, bien sûr, aucune raison que nous y soyons opposés) et qui pourrait faire l’objet d’un vœu du CODICE. Par contre nous avons renouvelé notre attachement à l’existence d’un réseau national d’établissements publics de type SCEREN (CNDP, CRDP, CDDP) qui puisse assurer des missions de service public dans les domaines de la documentation, de l’édition et de la production. Le CNDP est actuellement menacé dans ses fonctions de tête de réseau, dans le cadre d’une délocalisation qui vise en fait le démembrement de cet établissement, l’externalisation et la privatisation de ses missions qui, dès lors, ne seraient plus à la hauteur des enjeux. Cela est d’autant plus regrettable que les documents audiovisuels pourraient être en accès libre grâce à France 5 et au SCEREN. Reste la question de l’enregistrement et de l’exploitation de ces documents dans les établissements. La faiblesse des moyens humains placés dans les documentations (les enseignants documentalistes) est un véritable problème mais qui, répétons-le, ne relève pas du domaine d’investigation du CODICE… Dommage ! Nous avons également souligné, mais sans avoir eu le temps de développer, la question essentielle de la formation des enseignants. Diffuser de la culture économique suppose une formation adaptée au profil des enseignants concernés. La maîtrise et l’utilisation des outils audiovisuels, numériques… supposent également une solide formation (initiale et continue). Nous avons laissé un certain nombre de documents à la commission : les actes des Assises Nationales de la Culture Economique et Sociale (édités par l’ASTS, dans sa revue « Axiales ») que nous avions co-organisées avec une quarantaine d’organisations et en partenariat avec le Conseil Economique et Sociale et le Ministère de l’Economie et des Finances (avril 2004) ; « L'économie est l'affaire de tous, quelle formation des citoyens ? », par Christian Laval et Régine Tassi, éd. Syllepse/Nouveaux regards, coll. " Comprendre et agir ", (Institut de la FSU). Nous avons également recommandé la lecture de l’enquête « Radiographie du peuple lycéen, pour changer le lycée », réalisée par une équipe coordonnée par Roger Establet (et qui est un véritable plébiscite de la série ES). A cette occasion, nous « apprenons » à certains membres du CODICE qu’il existe dans les établissements des enseignants documentalistes dont une des missions est d’apprendre aux élèves des méthodes en recherche documentaire. 7