Exercice du Chirurgien Dentiste en France Analyse de la situation actuelle L’exercice de la chirurgie dentaire a évolué au cours des 20 dernières années tant au niveau - Du plateau technique du chirurgien dentiste (appareils radiologiques, fauteuil de soin, machines de stérilisation, petite instrumentation, instrumentation rotative, instrumentation ultrasonique de plus en plus sophistiqués) - Des matériaux employés (céramique de dernière génération assisté par ordinateur CFAO, composites, matériaux à empreinte etc…) - De nouvelles pratiques qui s’améliorent chaque jour comme l’implantologie dentaire, la parodontologie, la numérisation radiologique (3D) Comme en médecine ces avancées ont rendu notre exercice complètement différent parallèlement à une augmentation considérable des dépenses budgétaires dans chaque cabinet (considérés à juste titre comme des petites entreprises employant pour 60% d’entre eux du personnel qualifié). Ces charges ont progressé de manière exponentielle ces dernières années et cela implique que la plupart des praticiens ne puissent embaucher d’assistante dentaire qualifiée, ni même de secrétaire médical pour assurer un travail de qualité dans des conditions optimales. A titre d’exemple, 1 praticien sur 2 en France travaille avec une assistante contrairement à l’Allemagne ou la Suisse où on trouve 2 à 3 assistantes par praticien. Sans compter la présence « d’ hygiénistes dentaires », profession interdite et non reconnue en France, malgré leur rôle déterminant dans la prévention bucco dentaire des maladies carieuse et parodontale (concerne la perte de l’os et de la gencive autour des dents). Dans des pays comme la Suisse, l’indice carieux est 4 fois moindre qu’en France et la prise en charge des maladies parodontales est efficace en raison d’une politique de prévention adaptée et efficace en responsabilisant le patient et en rémunérant le praticien à la hauteur de son investissement. Mais le point le plus important en ce qui concerne 80% de notre exercice, à savoir les soins conservateurs, est que nous sommes une de seules professions à accepter de travailler à perte sur ces soins. La raison en est toute simple : La Convention actuelle et la Nomenclature Générale des Actes Professionnelles ne permettent pas à un chirurgien dentiste en FRANCE d’être rémunéré à la hauteur des frais engagés pour la réalisation des soins conservateurs Pour le reste de son activité, prothèse dentaire et actes « hors nomenclature », le chirurgien dentiste applique le même tarif que ses confrères européens en essayant tant bien que mal d’équilibrer son exercice. Il est à noter que lorsque nous sommes montrés du doigt par la Cour des Comptes, info relayée par les différents médias, sur nos supposés « dépassement d’honoraires », en fait, ceux ci ne s’appliquent que sur 20% de notre activité, à savoir la prothèse dentaire ; le tarif de convention est inchangé depuis le 31/03/1988 sur le remboursement des couronnes dentaires (107,50 euros, prix largement inférieur à la facture du prothésiste « français » délivrée au praticien ). Comment peut-on encore parler de dépassement d’honoraires sur des tarifs de remboursement de prothèse, inchangés depuis un quart de siècle ? Le coût de fonctionnement d’un cabinet dentaire serait il resté figé depuis les années 1980 ??? Dans le cadre de la Couverture Mutuelle Universelle, le tarif de remboursement pour une couronne céramique est de 375 euros. Bien qu’insuffisant, cela représente quand même 4 fois le tarif de convention actuel. De plus, nos Assurance Sociales Maladies (ASM) que nous payons chaque année sont déterminées grâce à un savant calcul que même le Directeur de l’UNCAM trouve aberrant, sur ce même "dépassement". Après avoir synthétisé la situation actuelle de l'exercice de chirurgien-dentiste, passons en revue les pressions qui pèsent sur le chirurgien-dentiste suite aux failles de notre système : 1. Pression en termes de non revalorisation de nos honoraires : - Par l'absence d'évolutivité de notre convention trentenaire et inadaptée à un exercice en fonction des données acquises de la science et à la réalité économique - Par le lobbying pressant des organismes mutualistes en vue du plafonnement d'actes ED par des protocoles mutualistes - Par des discours politiques irréalistes de campagne préélectorale 2. Pression en termes d'une offre de soins pour des intérêts lucratifs : - Par le pullulement de nombreux protocoles avec des organismes mutualistes ou des assurances entraînant un détournement de la patientèle , bafouant notre code de déontologie et l'article L112-1 du Code de la Mutualité. - Par la création de centres dentaires low cost ou de centre de prothèse/implantologie/soins orthodontiques par des financiers et des commerciaux dont le but avoué est de faire du profit. - Par la création de centres de santé dentaire mutualistes. Après avoir pesé sur les honoraires, ces organismes mutualistes s'implantent pour peser aussi sur l'offre de soins. -Et les centres dentaires de la Sécurité Sociale. La même logique de profit y est appliquée... Il est à noter que ces centres de santé dentaire sont dispensés de l'ASM. D'ailleurs, les centres sous statut « association loi 1901 » ne paient ni la TVA et ni l'impôt sur les sociétés alors qu'ils sont en concurrence avec les praticiens indépendants et qu'ils devraient être requalifiés en société ! Les conséquences sont tant au niveau de l'exercice indépendant au quotidien que dans le futur : 1. Conséquences au niveau de l'exercice indépendant : 1.1. Au niveau de l'offre de soin par des praticiens indépendants : - Fuite de l'exercice indépendant en France vers du salariat, - Fuite de l'exercice conventionné en quittant la France, - Désert dentaire de certaines zones rurales - Baisse de la durée de travail car « travailler plus pour gagner plus » ne s'applique pas à l'exercice libéral. Certains praticiens limitent leur durée de travail à 28 heures dorénavant. 1.2. Au niveau des coûts : baisse obligatoire de nos coûts pour maintenir la survie des cabinets dentaires - Licenciement ou absence d'embauche de personnel - Délégation des travaux prothétiques à des laboratoires étrangers ou low cost - Achat de fournitures sur d'autres marchés que le marché français 1.3. Au niveau des soins dispensés : - Absence de prévention : les actes d'enseignement de l'hygiène buccodentaire, de prévention carieuse et de prévention parodontale n'existent simplement pas dans notre convention ! - Et surtout : contrainte d'effectuer des soins en fonction de leur rémunération désuète, du coût horaire d'un cabinet et en aberration avec les données acquises de la science. Faire du soin de base est devenu une charge pour un praticien indépendant ! 2. Conséquences au niveau des patients - Impossibilité de bénéficier de soins selon les données acquises de la Science - Impossibilité d'assurer des soins pour tous, notamment pour les patients CMU si les organismes font défaut, et dans les déserts dentaires Le chirurgien-dentiste indépendant se demande : Comment son cabinet dentaire va perdurer et quand va-t-il finir technicien salarié d'un dispensaire à la soviétique et voué à l'abattage de soins. Est-ce que l'exercice indépendant existera toujours dans 20 ans ? Comment une telle convention perdure alors qu'elle ne permet pas de soigner ses patients selon les données acquises de la Science, Pourquoi payer une ASM sur la différence d'une valeur obsolète actuelle et une valeur décente acceptée par l'ensemble des partenaires, Comment garantir l'accès aux soins pour tous. PROPOSITIONS pour l'exercice de demain - Envisager une politique de prévention buccodentaire de grande envergure en prenant exemple sur les pays scandinaves en associant les complémentaires santé (variation des remboursements complémentaires en fonction de l'assiduité du patient à consulter 1 fois par an) - Création de milliers d'emplois d'assistantes dentaires et création de la spécialité d'hygiénistes en revalorisant de façon significative le remboursement des soins conservateurs à savoir une multiplication par 3 sur des actes difficiles et nécessitant un plateau technique sophistiqué ( dévitalisation, chirurgie, dentisterie conservatrice non invasive) - Mise en place d'une nomenclature adaptée à notre exercice tant au niveau du plateau technique que du temps passé sur chaque acte avec une rémunération intelligente ---> future CCAM ? - Cette revalorisation serait financée par la création d'un "conventionné honoraires libres" sur les soins conserveurs identique au système qui existe déjà sur les prothèses dentaires à entente directe. L'adhésion à ce secteur 2 serait laissé au choix des praticiens sachant qu'en Belgique, seul 20% d'entre eux ont choisi cette voie. Cela entraînerait une augmentation des cotisations Urssaf ASM sans coûter le moindre centime d'euros aux caisses et aux complémentaires . Pour les praticiens qui embaucheraient une seconde assistante, un allègement des charges salariales serait nécessaire pour pérenniser ces nouveaux emplois. - Augmenter le numerus clausus pour pallier le manque de praticiens dans les années à venir, et proposer des mesures fiscales d'installation dans les zones "sous dotées" en praticien