9e Congrès de l’Académie de l’Entrepreneuriat et de l’Innovation ENTREPRENEURIAT RESPONSABLE : PRATIQUES ET ENJEUX THEORIQUES Nantes, France, 20-22 mai 2015 Rôle de l'écosystème entrepreneurial dans le développement de l'Entrepreneuriat Social : Cas de la Tunisie Asma SNOUSSI Doctorante - Université Tunis EL Manar- Faculté des Sciences Economique et de Gestion de Tunis-Unité de recherche URISO 07 Rue Mohamed Ben Mandhour, LaMarsa, Tunis [email protected] 00216 22 786 710 Samia KAROUI ZOUAOUI Professeure - Université Tunis EL Manar- Faculté des Sciences Economique et de Gestion de Tunis- Unité de recherche URISO [email protected] Résumé L’entrepreneuriat Social, un concept relativement nouveau dans la littérature, vient d’émerger en Tunisie; ce pays qui a connu, ces dernières années, une révolution historique et qui passe par une phase de transition démocratique. Il serait, donc, intéressant d’étudier l’Entrepreneuriat Social et l’émergence d’un écosystème dans ce contexte spécifique. Ainsi, l’objectif de ce travail de recherche est de retracer un schéma clair de l’écosystème de l’entrepreneuriat social en Tunisie et de ses composantes; mais aussi, de voir le rôle que peut jouer l'écosystème entrepreneurial dans le développement de l'Entrepreneuriat Social. Nous allons, à travers une démarche qualitative, revoir les spécificités du contexte tunisien et la création d’un écosystème de l’entrepreneuriat Social. Mots clés: démocratique. Introduction Entrepreneuriat Social, écosystème entrepreneurial, transition L'Entrepreneuriat Social, un terme nouveau, encore mal connu en Tunisie existe pourtant depuis longtemps. Ce qui confirme la suggestion de Dees (1998) stipulant que même si l'expression "Entrepreneuriat Social" est relativement nouvelle, le phénomène lui est ancien. Sur terrain, plusieurs entrepreneurs sont des entrepreneurs sociaux sans le savoir. Leurs activités, la mission de leurs projets relèvent de l'Entrepreneuriat Social mais le terme, le concept leur est étranger. Depuis la révolution et avec la libération et le développement de la vie associative et de la société civile, ce concept connait de plus en plus de reconnaissance. Certes, plusieurs acteurs tentent de promouvoir et de faire connaitre ce concept à la recherche de légitimité et de reconnaissance (Mair et Marti, 2006) et généralement confondu avec l'Entrepreneuriat classique. Ils œuvrent pour identifier les entreprises sociales déjà existantes et les porteurs de projets afin de les aider à aller de l'avant et à mettre en œuvre leurs projets. Pour contribuer à cette requête, nous considérons qu'il serait intéressent d'étudier l'Entrepreneuriat Social, ce sujet de recherche passionnant et fructueux (Mair et Marti, 2004), dans un contexte spécifique, celui d'un pays en développement voire en transition démocratique. Certes, le contexte tunisien peut être considéré comme contexte propice au développement de l'Entrepreneuriat Social. Mais aussi, Touzani et al (2014) considèrent que les changements qu'a connu le pays après la révolution légitiment la volonté de comprendre et d'examiner les motivations et les inhibiteurs liés à l'esprit entrepreneurial. Dans la même lignée de pensée, il serait intéressent d'examiner la naissance et le développement de l'entrepreneuriat social. En effet, les changements et mutations politiques, économiques dans le contexte Tunisien mais également à l'échelle internationale ont eu des conséquences considérables sur les activités et les systèmes économiques. Ces changements ont augmenté les problèmes et défis sociaux, économiques et environnementaux. Trouver des solutions s’avère plus que jamais nécessaire. Face à cette croissance, le gouvernement, étant considéré le principal voire le seul acteur responsable de la résolution de ces problèmes, montre une incapacité à relever ces différents défis. Il est donc impératif d'impliquer les gens dans ce challenge. L'Entrepreneuriat Social est vu ici comme une alternative. Dans la situation actuelle, nous avons besoin de nouveaux moyens pour le développement économique du pays. Selon Isenberg (2011), développer la stratégie de l'écosystème entrepreneurial représente une stratégie nouvelle pour stimuler la prospérité économique. De son côté, Bernardez (2009) a mis en valeur l'importance des écosystèmes entrepreneuriaux dans la reprise économique en Argentine, au Royaume Uni, en Israël, en chine et au Mexique, malgré 2 les conditions économiques et sociales négatives. Ce qui nous amène à penser que ceci peut être valable, également, en Tunisie. Shapiro et Sokol (1982), de leurs parts, soulignent que les conditions situationnels ou le changement du contexte contraignent la décision de créer une entreprise. Plus encore, Isenberg (2011) considère que le chemin le plus court pour promouvoir l'entrepreneuriat est le fait de créer directement, améliorer, cultiver et faire évoluer un écosystème concentré géographiquement et propice au succès de l'entrepreneuriat. Nous pensons que ceci peut être valide dans le cadre spécifique de l'Entrepreneuriat social. Ce qui nous amène à penser que l'établissement d'un écosystème entrepreneurial favorable peut pousser, encourager et inciter les porteurs de projet à se lancer dans l'Entrepreneuriat Social. Ainsi, dans ce travail de recherche, nous supposons que la mise en place , la constitution d'un écosystème entrepreneurial favorable et spécifique à l'Entrepreneuriat Social contribue au développement et à l'émergence de plus d'entreprises sociales et à la constitution d'un cadre propice. Ainsi, nous allons essayer de répondre, tout au long de ce papier, à la question suivante: comment l'existence d'un écosystème entrepreneurial peut elle influencer le développement de l'Entrepreneuriat Social en Tunisie? Notre objectif est donc de mieux comprendre l'écosystème entrepreneurial social, ses composantes, les relations existantes entre eux et le rôle qu'il peut jouer dans la promotion et le développement de l'Entrepreneuriat Social en Tunisie. Certes, l'identification des caractéristiques d'un écosystème étant une première étape très importante (Suresh et Ramaj, 2012), ce travail vise, en premier, à proposer une définition de l'Entrepreneuriat Social en Tunisie et à faire un état des lieux des composantes de l'écosystème et des différents acteurs en Entrepreneuriat Social. Ceci nous permettra de comprendre comment l'Entrepreneuriat Social peut contribuer à la réussite de cette transition. Mais également, ceci nous permettra de voir le rôle et l'apport de l'Entrepreneuriat Social dans cette phase critique de l'histoire du pays. D'autre part, le lien entre l'écosystème entrepreneurial et l'augmentation du nombre d'entreprises à forte croissance ayant été prouvé (Mason et Brown, 2014), nous cherchons à étudier le lien entre l'Ecosystème entrepreneurial et le développement de l'Entrepreneuriat Social. Egalement, vu que la définition de l'écosystème dépend du contexte (Isenberg, 2011) et que celle de l'Entrepreneuriat Social varie d'une région à une autre, étudier ce lien dans un cadre spécifique qu'est la Tunisie, s'avère être important. La situation actuelle de la Tunisie ressemble à la situation de beaucoup d'autres pays défavorables à l'entrepreneuriat. Ce qui distingue la Tunisie c'est l'ambivalence et l'ambigüité. En effet, le pays est tiraillé entre espoirs et défis politiques, économiques et sociaux (Touzani et al, 2014 ). Mais également, dans la situation actuelle, l'entrepreneuriat 3 particulièrement celui social s'annonce comme une solution. Isenberg (2011) soutient l'idée que l'avenir de la civilisation dépend au moins un peu de la propagation de l'esprit entrepreneurial. Ainsi, dans ce qui va suivre, nous allons consacrer la première partie à la revue de la littérature sur l'Entrepreneuriat Social, l'Écosystème Entrepreneurial et l'Écosystème entrepreneurial Social. Puis, nous allons présenter notre méthodologie et les résultats trouvés. 1. Revue de la littérature 1.1. Entrepreneuriat Social: Champ en quête de légitimité Le sujet de l’entrepreneuriat Social a fait couler beaucoup d’encres, ces dernières années. Beaucoup d’auteurs, de chercheurs et de praticiens cherchent à participer à la quête de légitimité de ce champ de recherche (Dees, 1998). Ce concept, malgré l’absence de définition commune généralement connue (Peredo et McLean, 2006 ; Verstraete and Fayolle, 2004) est un phénomène ancien (Dees, 1998). En effet, la création d'Ashoka (Bill Drayton) et de New Venture (Skloot) a été le point de départ de la vulgarisation de ce concept aux Etats Unis. Puis en Europe, ce fut la création des coopératives de solidarité sociale en Italie (Rosenblett, 2013). Comme l’expliquent Certo et Miller (2008), « malgré l’émergence de l’entrepreneuriat social dans le monde académique et celui des affaires, il reste encore quelques difficultés pour en donner une définition exacte dans la littérature académique ». Il demeure, ainsi, un sujet de recherche particulièrement passionnant et fructueux (Mair et Marti, 2006) et gagne de plus en plus de popularité. La pluralité des définitions de l’entrepreneuriat Social s’explique par le besoin de contextualisation de ce concept. Certes, plusieurs chercheurs ont tenté de proposer une définition (Dees, 1998; Mair et Marti, 2006; Certo et Miller, 2008). Il s'agit d'un moyen innovant et efficace pour répondre aux problèmes sociaux. Rosenblett (2013) considère que la naissance de ce phénomène est dû aux limites et incapacités des modèles économiques dominants face à la croissance des problèmes sociaux. Nous pouvons, ainsi, dire que l’entrepreneuriat Social a émergé pour répondre aux défaillances des systèmes économiques traditionnels et donc combler les vides. C'est une réponse au désengagement des pouvoirs publics et la recherche abusive de profit des entreprises privées. (Varbanova, 2009). "L'Entrepreneuriat Social peut être considéré comme un moyen de réduire la dépendance financière des organisations à vocation sociale aux dons privés et au financement gouvernemental, en utilisant des solutions basées sur le marché pour aborder et essayer de résoudre les problèmes sociaux les plus difficiles de nos sociétés" (Bacq, Hartog, Hoogendoorn et Lepoutre, 2011). Pour Mair et Martí (2006, p. 3), l'Entrepreneuriat Social est 4 "un processus consistant en l’utilisation innovante et la combinaison de ressources pour explorer et exploiter des opportunités qui visent à catalyser un changement social en pourvoyant aux besoins humains basiques d’une manière durable." Beaucoup d'autres travaux de recherche ont porté sur l’étude des entrepreneurs sociaux (Certo et Miller, 2008). Ces travaux ont étudié l'entrepreneur social, ses caractéristiques, ses objectifs et ses actions (Shaw et al, 2002; Casson, 2005). D’autres chercheurs ont mené des études comparatives (Austin et al, 2006). Brouard (2006), à travers la comparaison de l'entrepreneur social à l’entrepreneur classique, a tenté de proposer un modèle conceptuel. Néanmoins, les travaux et recherches académiques se divisent en deux grands pôles. Il s’agit des deux régions dominants les travaux de recherche: les Etats Unis et l’Europe (Hoogerdoorn et Pennings, 2010). Ainsi, nous avons, d'un côté, l’école de l’innovation sociale "The Social Innovation School" et l’école de l’entreprise sociale "The Enterprise School" (ou l’école des ressources marchandes, Defourny) appartenant à la tradition américaine. De l'autre côté, nous avons la tradition européenne, qui englobe l’approche EMES "the Emergence of Social Enterprise School". Selon l'école de l'innovation sociale, la figure centrale à étudier est l'entrepreneur social et non l'entreprise sociale. Il n’y a pas obligation d’avoir un statut juridique spécifique. L’entreprise est, ainsi, définie par l'acteur, l'entrepreneur (Hoogendoorn et Pennings, 2010). En revanche, les adeptes de l'école de l'entreprise sociale ou des "ressources marchandes", s’intéressent à l’étude de l'entreprise sociale qui doit être une organisation à but non lucratif (Austin et al, 2006). De l’autre côté, nous avons l'approche EMES. Il s'agit d'un réseau de chercheurs créé depuis 1996 (Rosenblett, 2013). L'objectif de ce groupe de recherche est d'étudier l'émergence et la croissance de l'entreprise sociale afin de développer, élaborer une approche propre et un cadre théorique commun (Defourny et Nyssens, 2010). 1.2. L'Écosystème entrepreneurial Selon Lowrey (2013), l’entrepreneuriat est un système économique qui se compose des entrepreneurs, du gouvernement et des relations et arrangements institutionnels, légaux et juridiques. A son tour, l’Entrepreneuriat Social peut être considéré comme étant le catalyseur de l’activité socio-économique (Bacq et Jansen, 2008). Ce phénomène complexe évolue et se développe dans un écosystème déjà existant Par écosystème, nous entendons un système d’interaction entre les populations (Frontier, 1999). En effet, il s’agit d’un environnement, d’un système ou les différentes 5 composantes s’affrontent et coopèrent à la fois (Ben HajYoussef.A et Ouziel.J, 2002). Par définition, l’écosystème est un réseau complexe et un système interconnecté (M.R.Khan, 2013). La notion d’écosystème et l’analyse de ce concept permettent de comprendre les changements, les logiques et les relations de coopération (Isckia, 2011). Selon Baumol et al (2007), nous pouvons distinguer 4 types d’écosystèmes. Il s’agit de l’écosystème oligarchique, l’écosystème dirigé par l’état, l’écosystème des grandes entreprises et l’écosystème entrepreneurial. Dans ce travail, nous nous intéressons à ce dernier type. En effet, le concept d’écosystème d’affaire « Business Ecosystem » a été imaginé par James Moore (1993) pour permettre une nouvelle vision de l’univers économique (BenHajYoussef et Ouziel, 2002). Ce terme a été emprunté au domaine de la biologie. Il s’agit certes d’une métaphore de la biologie (Hannachi, 2013). En effet, en biologie, l’écosystème se compose d’un milieu, des êtres vivants et des relations existantes et se développant entre eux (Tanguay, 2012). Ainsi, comme le présente Moore (1993), l’écosystème d’affaires est semblable à l’écosystème biologique. En transposant la définition de la biologie, en entrepreneuriat aussi nous avons un milieu où évolue les entreprises, les différents acteurs et les relations qui les relient. Ainsi, l’écosystème se déplace progressivement de la vision d’une collection aléatoire d’éléments à celle d’une communauté plus structurée (Hannachi, 2013). La formation des écosystèmes d’affaire permet la reprise et le développement économique. Ces écosystèmes se constituent par des actions « top down » et des initiatives « Bottom up » (Bernardez, 2009) L’écosystème entrepreneurial peut être considéré comme le moteur derrière les économies en plein essor (Hannachi, 2013). Ceci s’explique par le fait qu’il permette au secteur privé et aux acteurs sociaux d’agir et de réagir ensemble, de combiner efficacement les ressources et ainsi constituer des relations et donc créer de la richesse économique et de la prospérité (Prahalad, 2005). Selon Suresh et Ramraj (2012), l’écosystème entrepreneurial est constitué par différents acteurs qui ont des objectifs et des attentes différents. Il s’agit de l’ensemble de parties prenantes interconnectées dans une zone précise. Pour résumé, l’écosystème entrepreneurial est un cadre ou, en premier lieu, les entreprises peuvent opérer selon des règles de jeu de niveau. Mais aussi, il s'agit d'un lieu où les droits sont protégés et où les mêmes règles s’appliquent à tous (Nadgrodkiewiz, 2013 :3). 6 Nous pouvons considérer que chaque écosystème est le résultat du comportement et des relations entre les différents acteurs. C’est le résultat de la manière dont différents facteurs sont combinés (Kantis et Federico, 2012). Mais aussi, l’écosystème entrepreneurial dépend de la culture qui règne. En effet, selon Voelker (2012), la culture peut être considérée comme l’élément distinctif entre les différents écosystèmes entrepreneuriaux. C'est pourquoi, nous cherchons à étudier l'écosystème entrepreneurial social dans un contexte spécial et surtout une culture différente, en prenant en considération différents facteurs. En effet, il existe différents facteurs qui caractérisent les écosystèmes entrepreneuriaux. Ces facteurs diffèrent d’un auteur à l’autre et d'un contexte à un autre. Isenberg (2010) présente 13 facteurs de l’écosystème entrepreneurial. Il s’agit du leadership, le gouvernement, la culture, les success stories, le capital humain, le capital financier, l’organisation entrepreneuriale, l’éducation, l’infrastructure, les clusters économiques, les réseaux, les services supports, les premiers clients. Ces facteurs ont été réduits par cet auteur en 2011 à 6 catégories : politique, marché, support, culture et finance (Khan, 2013). En effet, il faut une culture propice, un système politique et un leadership influant, la disponibilité de financement adéquat, un capital humain de qualité, des marchés à développer et des appuis institutionnels et infrastructurels performants. La constitution d’un écosystème entrepreneurial peut être considérée comme une nécessité et un résultat logique. En effet, le développement de l’entrepreneuriat requiert l’appui, la relation et l’interaction de plusieurs acteurs de l’économie (Wiklund et al, 2008) 1.3. Lien entre l'écosystème entrepreneurial et l'Entrepreneuriat Social Selon Suresh et Ramraj (2012), depuis 1985, croyant que les facteurs psychologiques intrinsèques à l'Homme ont une influence importante sur la décision de devenir entrepreneur, les recherches se sont surtout focalisées sur les traits de personnalité et les caractéristiques individuelles. Avec le temps, le rôle que peuvent jouer les facteurs environnementaux sur cette décision a été mis en valeur. Depuis, de plus en plus de travaux se sont pencher pour étudier l'influence et le rôle que peut jouer l'environnement externe sur l'acte de création d'entreprises. Jusqu'à l'émergence de la théorie de l'écosystème (Isenberg, 2010), qui met l'accent sur le lien entre écosystème entrepreneurial et l'entrepreneuriat. En effet, Isenberg (2011) considère que même si a une époque les stratégies telles que les système nationaux d'innovation, la compétitivité nationale, la création d'une économie fondée sur la connaissance, l'investissement direct étranger ont joué un rôle important, elles 7 ne sont plus suffisantes pour atteindre la croissance. Sans entrepreneurs, ces stratégies sont inefficaces. Donc, l'esprit entrepreneurial émerge ici comme une condition préalable pour la réussite de ces stratégies. Selon Suresh et Ramraj (2012), l'écosystème entrepreneurial peut agir comme un catalyseur pour accélérer le progrès économique des économies stables. Mais aussi, il peut constitué une force motrice pouvant sauver les économies connaissant une forte baisse. Cloutier et al (2014), à leur tour, rajoutent que "L'écosystème entrepreneurial constitué de multiples domaines inter-reliés, s'avère plus ou moins favorable au développement entrepreneurial. La cohérence jouant un rôle essentiel en la matière." Ainsi, le meilleur moyen pour promouvoir l'entrepreneuriat, s'avère être la création ou l'amélioration de l'écosystème entrepreneurial. Nous considérons, aussi, que pour développer l'entrepreneuriat social, l'écosystème entrepreneurial et ses composantes ont un rôle important à jouer. Le lien entre ces deux concepts est causal. Certes, ils existent plusieurs facteurs qui peuvent influencer la décision de créer une entreprise. Isenberg (2010) a montré que la révolution entrepreneuriale n'est pas du à l'héroïsme d'une personne ou une idée mais la vision collective d'un groupe de parties prenantes engagé dans la promotion de l'entrepreneuriat et la création d'un écosystème. Ceci est valable dans le cadre de l'Entrepreneuriat Social, ou, outre la volonté du porteur de projet, son dévouement, les facteurs externes peuvent influencer voire accélérer sa décision de s'engager dans le processus entrepreneurial. Plusieurs auteurs ont essayé d'identifier ces facteurs. Suresh et Ramraj (2012) proposent un cadre conceptuel de l'écosystème qui motive les gens à créer de nouvelles entreprises. Ce cadre comprend 8 facteurs. Il s'agit de: Technologie, marché, réseau, support gouvernemental, support environnemental, moral, aspect financier, social. Selon Joyal (2014), le gouvernement et les différents acteurs de l'écosystème entrepreneurial ont un rôle important à jouer dans le déploiement d'un environnement favorable au PME. Selon Isenberg (2010), le changement et la promotion de l'entrepreneuriat ne relèvent pas seulement du rôle du gouvernement. Tous les acteurs constituant l'écosystème doivent contribuer à cette tâche. En partant de ces constats, nous soutenons l'idée que l'émergence et le développement de l'Entrepreneuriat social sont conditionnés par l'existence d'un écosystème entrepreneurial favorable et propice. En effet, l'abondance d'information existantes dans l'écosystème peut constitué un plus pour la création d'entreprises sociales. Certes, dans tout processus de création d'entreprises, le fait de disposer de plus d'information constitue un avantage et facilite la création. Vu que l'écosystème entrepreneurial est caractérisé par sa richesse en information (Mason et Brown, 2014), il peut constituer un environnement favorable pour la création d'entreprises. 8 Particulièrement celles sociales ou la connaissance de la cible, de ses besoins, de ses caractéristiques de la problématique social sont une condition préalable à la création. Mais également, l'écosystème entrepreneurial est un aimant à talent (Mason et Brown, 2014). Donc sa constitution peut contribuer au développement de l'Entrepreneuriat Social. L'écosystème entrepreneurial est un ensemble d'éléments (leadership, culture, marché de capitaux, clients ouverts d'esprit...) combinés de façon complexe. Si nous prenons chaque élément isolé, il peut conduire à l'entrepreneuriat mais il est insuffisant pour sa durabilité. Mais ensemble , ils boostent la création d'entreprise et son développement. (Isenberg, 2010). Suresh et Ramraj (2012) développent cette suggestion et mettent l'accent sur le besoin de l'étude de tout l'écosystème pour pouvoir comprendre et donc agir pour la promotion de l'entrepreneuriat. Selon eux bien que les composantes par eux même constituent des facteurs évidents contribuant à faire d'un effort entrepreneurial un succès ou un échec, l'étude des relations entre ces composantes facilitent la compréhension systémique des facteurs facilitant ou limitant l'entrepreneuriat. Dans ce contexte, un porteur de projet peut créer son entreprise sociale, mais il a besoin de tous les éléments de l'environnement externe pour assurer la réussite du projet et sa pérennité. Brouard et al (2012), quant à eux se sont penchés sur le cas particulier de l'Entrepreneuriat Social. Selon ces auteurs, pour que l'Entrepreneuriat Social se développe, il y a un certain nombre de défis à relever, à savoir: le contexte légal, l'infrastructure d'accompagnement, soutien à l'Innovation Sociale, le financement, la formation, la promotion et communication, l'évaluation. Tous ces éléments sont reliés à l'environnement externe, à l'écosystème entrepreneurial qui entoure l'entrepreneur social. Dans ce cadre, Gallais et al (2014) rajoutent que l'état, les universités, les entreprises sociales et le secteur privé ont un rôle à jouer. Ce qui nous amène à penser qu'au delà d'un environnement favorable, pour développer l'Entrepreneuriat Social, il ya un besoin de contribution de plusieurs acteurs. Ces derniers constituent l'écosystème de l'entrepreneuriat Social. Ainsi, autour de l'entrepreneur, il existe un écosystème jouant un rôle cruciale dans la facilitation de la création d'entreprise. Il ne suffit pas de se demander comment sont les personnes qui réussissent mais il faut comprendre leur environnement (Suresh et Ramraj, 2012). Au delà de cette proposition, il faudra identifier les différents acteurs de cet environnement, comment ils interagissent ensemble et comment ils influencent la création de l'entreprise sociale. 9 2. Méthodologie Pour compléter notre étude théorique, nous allons mener une enquête sur terrain. Dans ce qui va suivre, nous allons, en premier lieu, présenter notre méthodologie. Puis en deuxième lieu, nous allons décrire notre échantillon. 2.1. Méthode d'investigation Comme précédemment indiqué, l'objectif de ce travail de recherche est de retracer les spécificités de l'Entrepreneuriat Social en Tunisie et voir le rôle de l'écosystème dans son développement. Vu le manque de travaux de recherche sur cette thématique en Tunisie, notre travail va être descriptif et exploratoire. En effet, pour mieux répondre à notre objectif, nous avons jugés que la méthode qualitative est la plus appropriée. Certes, ce type de recherche s'impose entre autre si la thématique étudiée est nouvelle et le contexte est spécifique (Ben Hassine et Hefaiedh, 2009). Selon Ben Hassine et Hefaiedh (2009), la recherche qualitative permet d'explorer en profondeur et d'acquérir une connaissance approfondie sur un nombre plus ou moins réduit de cas. Elle vise la compréhension, l'explication et la découverte des effets et des conséquences du phénomène étudié. En effet, cette méthode permet d'éclairer et de comprendre les caractères et la nature d'un phénomène (Blumberg, Cooper, et Schindler, 2005), ici, l'Entrepreneuriat Social. Ainsi, nous nous sommes basés sur une étude exploratoire basée sur l'étude de cas. Cette dernière est définie, selon Yin (1984), comme une analyse spatiale et temporelle d’un phénomène complexe par les conditions, les évènements, les acteurs et les implications. Pour mener à bien nos études de cas et assurer un bon déroulement de la collecte d’informations fiables et pertinentes, nous avons effectué des entretiens semi directifs. Cette étude nous a permis de collecter des informations et d'effectuer une recherche préliminaire sur ce concept nouveau dans notre société. Ces entretiens ont été réalisés en s'appuyant sur un guide d'entretien qui englobe un ensemble de questions. L'étude empirique a été menée auprès d'un ensemble d'acteurs civiles œuvrant pour la promotion de l'Entrepreneuriat sociale en Tunisie et auprès de certaines entreprises sociales. Les questions posées ont porté essentiellement sur 6 axes: la définition de l'Entrepreneuriat Social, les actions effectuées pour promouvoir l'Entrepreneuriat Social, les actions envisagées, les partenariats effectués, envisagés, le rôle dans l'écosystème, l'avenir de l'Entrepreneuriat Social: actions et programmes à faire Nous allons analyser les entretiens et interpréter leurs significations pour en tirer des conclusions. Ainsi, les données collectés ont été analysées selon la méthode d'analyse du contenu. Cette dernière est considérée comme « une technique de recherche par la description 10 objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de communication» (Berelson, 1952 dans Andreani et Conchon, 2005). Nous avons aussi basé notre recherche sur l'observation. Cette dernière permet la construction mentale de la réalité (David, 2000) et l'élaboration d'un modèle de fonctionnement du système étudié en interrogeant la réalité. Ainsi, partir de l'observation des faits nous a permis de mieux comprendre le phénomène et ses différents acteurs. En effet, étant personnellement membre dans le Tunisian Center of Social Entrepreneurship (TCSE) et active dans la vie associative et particulièrement dans la promotion et la vulgarisation du concept de l'entrepreneuriat social en Tunisie, ceci m'a permis d'assister à la majorité des événements organisés autour de ce concept, d'être proche des acteurs de l'écosystème et donc de pouvoir les observer. Les résultats obtenus de l'étude exploratoire ont été analysé afin de retracer l'état des lieux de l'Entrepreneuriat Social en Tunisie. Ainsi, nous dégagerons les caractéristiques spécifiques du contexte tunisien et de l'entreprise sociale. Nous présenterons, également, l'écosystème et ses différentes composantes. Aussi, nous mettrons en valeur le rôle que peut avoir l'écosystème entrepreneurial sur le développement de l'Entrepreneuriat Social. Enfin, nous identifierons une série d'enjeux et de défis (Gallais et al, 2014) pour la structuration de l'écosystème entrepreneurial social et la promotion de l'Entrepreneuriat Social. 2.2. Échantillon: Composition et description En Tunisie, il n'existe pas de cadre juridique spécifique à l'entreprise social. Mais aussi, ce concept est encore peu ou mal connu. C'est pourquoi et surtout à partir de 2011, plusieurs acteurs œuvrent pour faire connaitre ce concept, pour créer un statut juridique qui cadre ce type d'entreprise et pour le promouvoir. Même si le chemin est encore relativement long, une partie a été faite grâce à ces acteurs. Dans ce travail de recherche, nous nous intéressons à ces acteurs qui travaillent autour de l'Entrepreneuriat Social. Notre choix s'est fait en considérant les activités effectuées, que ce soit accompagnement d'entrepreneurs sociaux, organisation d'événements de promotion du concept, de proposition de partenariat avec des leader internationaux en Entrepreneuriat Social. Nous avons, ainsi, essayer d'approcher les principaux acteurs afin de retracer un schéma clair de l'écosystème entrepreneurial social et de distinguer ses composantes. Mais aussi, pour permettre d'avoir une idée plus claire, nous avons inclus dans notre échantillon des entreprises sociales. En effet, en Tunisie, malgré l'absence de cadre ou statut juridique de l'entreprise sociale, plusieurs organisations peuvent être qualifiées ainsi et plusieurs entrepreneurs peuvent être décrits comme étant des entrepreneurs sociaux. Pour 11 notre choix et pour contourner ce vide juridique et ainsi s'adapter au contexte tunisien, nous nous situons dans l'école de l'innovation sociale qui met en avant l'innovation (Dees, 1998). Selon cette école, le statut juridique n'est pas une contrainte. Ce qui importe pour définir une entreprise sociale ou pour la qualifier ainsi, est sa mission qui doit être sociale avec un modèle économique (Hoogendoorn et Pennings, 2010). 3. Résultats and Discussion L'objectif de ce travail, de l'enquête menée et des entretiens effectués est de tracer le schéma de l'écosystème entrepreneurial social tunisien, de décrire ses spécificités et d'identifier ses composantes et leur rôle. Dans ce qui va suivre, nous allons donc, présenter les résultats de cette recherche. Nous allons d'abord présenter les spécificités du contexte tunisien comme cadre de notre étude. Puis, nous allons décrire l'écosystème entrepreneurial tunisien, essayer de proposer un retraçage de celui social et étudier le lien entre cet écosystème et le développement de l'Entrepreneuriat Social. 3.1. Spécificités du Contexte Tunisien La Tunisie, aujourd’hui, connait une phase cruciale et critique de son histoire. Elle vit une transition politique. En effet, en Janvier 2011, le pays a connu une révolution sans précédent, connue sous le nom de la révolution du jasmin. La Tunisie a été le premier pays arabe à connaitre un soulèvement du peuple, suivi par d'autre pays arabe (Egypte, Lybie). Cette vague de révolutions a été qualifiée, par les pays occidentaux, de la révolution du printemps arabe Touzani et al (2014). Ces révolutions ou soulèvements ont été déclenché par des jeunes dénonçant les abus, l’accaparement de la richesse par l’ancien régime et les disparités régionales et réclamant leur droit au travail et à l’égalité régionale (Hannachi et Chabaud, 2013). Le dénominateur commun entre eux est la volonté de changer un système autocratique autrefois gouverné par un dirigeant corrompu. La situation se caractérisait par un gouvernement inefficace et une jeunesse instruite mais désabusé. Touzani et al (2014). Ce bouleversement n’était vraiment pas attendu et il fut incontrôlable. En effet, en Tunisie, jusqu'alors nous vivions dans une fiction d'un miracle économique et d'une stabilité (Catusse, 2013). Tous les indicateurs, les rapports montraient une bonne situation de la Tunisie. Certes, en 2010, la Tunisie et la Turquie avaient les meilleurs classements de la région MENA (Stevenson, 2011). Aussi, les perspectives économiques étaient considérées comme prometteuses. Mais, comment expliquer que ceci s’est terminé par une révolution sans 12 précédent. Nous pouvons, ici, rejoindre Adly et Khatib, (2014) pour confirmer que les modèles économiques adoptés n’ont pas réussi. En effet, malgré que le secteur privé avait une part non négligeable dans la production et l’emploi, il n’était nullement dynamique et productif (Adly et Khatib, 2014). Mais également, malgré des décennies de libéralisation, l’économie tunisienne reste une économie fermée avec une gouvernance autoritaire et une insuffisance au niveau de l’infrastructure (G8 proposal, 2011). Certes, la libéralisation économique a seulement conduit à l’émergence d’une sorte de capitalisme de copinage ou l’accès aux ressources est limité à quelques-uns et où existent de grandes barrières à l’entrée et au développement auxquelles doivent faire face la majorité des entrepreneurs (Adly et Khatib, 2014). Par ailleurs, en Tunisie, nous avons seulement 40 familles détenant 85% de la machine productive du pays (GIZ, 2013). Par conséquent, il n’existe pas de concurrence vraie. Ces grandes familles monopolisent et dominent le marché et l’économie nationale depuis des années. Rajoutant à ceci le rôle minime, insignifiant de l’état dans la régulation de cette concurrence. Mais également, 85% des entreprises tunisiennes sont implantés dans les régions du Grand Tunis (Tunis, Ariana, Ben Arous et Manouba), le Sahel (Sousse, Mahdia et Monastir) et Sfax (GIZ, 2013). Ce qui crée une disparité entre les régions et une absence de lieu de travail dans les zones intérieurs du pays. Tous ces facteurs ont contribué à augmenter les problèmes sociaux, raison de la révolte des jeunes. Certes, cette révolution a pour objectif de résoudre ces problèmes et à relever des défis. Ces défis peuvent se résumer en 3 points: il s’agit de créer de l’emploi, de garantir le développement économique et régional et la démocratisation de l’entrepreneuriat (Hannachi et Chabaud, 2013). Ainsi, la situation économique, politique et sociale en Tunisie a complètement changé depuis la révolution du 14 janvier 2011. Depuis lors, les Tunisiens renégocient leur contrat social, ce qui a abouti à une nouvelle constitution en janvier 2014. Mais également, les bouleversements s’intensifient. Ceci indique les niveaux élevés d’insatisfaction ressenti par le peuple à tous les niveaux par rapport à leurs attentes. Mais aussi, ceci exprime un désir profond de remodelage radical du système économique (Adly et Khatib, 2014). En effet, bien que les progrès soient évidents sur le plan politique, la performance économique a été moins notable. Nous pouvons soutenir ainsi l’idée que la crise politique en cours, cache en elle une demande de réforme socio-économique radicale Par ailleurs, cette phase s'est caractérisée par une croissance du taux de chômage. Ce taux qui était de 13% en 2010 a atteint 18% en 2012. Ce qui fait un nombre de chômeurs de 13 800000. De plus, plus de 33% des chômeurs sont des diplômés de l’enseignement supérieur (GIZ, 2013). Mais également, le taux de croissance n’a pas dépassé 3 % par an depuis la révolution et le taux de pauvreté reste à 16 %. Notons aussi, que les disparités régionales restent toujours un défi majeur à relever. Cette situation ressemble à d'autres dictatures défavorables à l'entrepreneuriat. Ce qui caractérise la Tunisie c'est l'ambivalence, le tiraillement entre espoirs et défis politiques, économiques et sociaux (Touzani et al, 2014). Nous allons nous baser sur l'étude faite par Cabestan et Seizelet (1997) sur les transitions démocratique, pour comparer la situation en Tunisie et déceler les spécificités. En effet, concernant la transition démocratique en Europe de l'est, la question politique a été cœur des analyses du fait transitionnel. L'objectif était la réappropriation des identités nationales confisquées par le régime communiste. Tandis que en Tunisie, les revendications étaient plutôt socio économique, principalement le droit au travail permettant une vie décente. Ce qui rend le contexte tunisien spécial pour étudier l'émergence de l'entrepreneuriat social. Pour ce qui concerne la transition en Asie Orientale, le développement et l'ajustement de l'économie de marché a précédé les revendications politiques. La question politique n'était pas considérée une priorité. En Tunisie, le moyen pour atteindre les objectifs de la révolution est une transition politique. Mais malgré les différents problèmes, la Tunisie est perçue par les acteurs internationaux comme un modèle potentiel pour la réussite de la transition politique ainsi que le développement économique et social. (GIZ, 2013) 3.2. L'Ecosystème Entrepreneurial en Tunisie L'Entrepreneuriat Social en Tunisie, étant un concept nouveau, il faut tout d’abord, comprendre le contexte global de l’entrepreneuriat, pour pouvoir identifier et retracer le processus de création de son écosystème. En effet, il s’agit de voir les facteurs qui peuvent influencer ou jouer un rôle dans le développement de l’Entrepreneuriat Social. En effet, la situation critique que vit le pays, met en évidence l'importance de l’entrepreneuriat comme partie principale de la solution. En effet, l’entrepreneuriat peut être considéré comme une alternative aux problèmes de chômage des jeunes diplômés en particulier. Depuis le début des années 2000, l’état fait beaucoup d’efforts pour favoriser l’esprit entrepreneurial et inciter la création d'entreprises (Hannachi et Chabaud, 2013). Mais, la culture entrepreneuriale reste peu répandue en Tunisie. Certes, « La Tunisie s’est dotée de mesures et programmes d’appui importants et effectifs qui favorisent la création et le développement des 14 entreprises » (Mansouri et Belkacem, 2010, p31). Par ailleurs, la Tunisie possède un cadre institutionnel favorable à la création d’entreprise (GIZ, 2013). Il existe plusieurs structures d’appui et d’incitations et diverses initiatives mais il y a un manque de coordination entre ces différentes structures (M.Hannachi et D.Chabaud, 2013). Mais aussi, l’état joue un rôle dans le développement de l’entrepreneuriat qui s’avère plus un rôle de contrôle et de monopole. En effet, plusieurs réformes ont été adoptées et des efforts de développement ont été mis en place, avant et après la révolution. Mais ceci, n’a fait que ralentir le développement de l’entrepreneuriat vu qu’il limite l’initiative privée dans le domaine. Cependant, d’autres études expliquent qu’«une des plus grandes faiblesses du dispositif tunisien pour l’entrepreneuriat […] est que le gouvernement n’a pas une vision claire (GIZ, 2013) Ainsi, malgré les efforts multipliés, l’entrepreneuriat, en Tunisie, reste dans un stade de développement peu avancé. Plusieurs facteurs, comme précédemment indiqués, freinent sa croissance. En effet, il s’agit, bel et bien d’une pratique ancré/e dans la société tunisienne, particulièrement, chez une catégorie de personnes. Ceci dit, le concept, lui-même, demeure encore nouveau (GIZ, 2013). Beaucoup de travail reste à faire pour développer et vulgariser ce concept. Dans la littérature, beaucoup d’études se sont penchés sur l’entrepreneuriat en Tunisie et en particulier l’entrepreneur. En effet, nous pouvons classer l’entrepreneur tunisien en deux catégories. Nous avons, d’un côté, les entrepreneurs d’opportunité et les entrepreneurs de nécessité (Rapport national, GEM, 2010). Les premiers sont ceux qui suivent un trajet tout tracé et dicté par les opportunités du marché. Par contre, selon Mansouri et Belkacem, (2010 p19), les entrepreneurs de nécessité sont ceux «conditionnés par l’environnement social et économique du pays, par exemple un taux de chômage élevé, l’instabilité du marché d’emploi, un niveau de rémunération faible et l’exclusion sociale» Selon l’étude de l’OCDE, l’écosystème entrepreneurial dans la région MENA, en particulier la Tunisie, est en déséquilibre. Certains éléments constitutifs de cet écosystème tel que le cadre règlementaire sont négligés et sous développées alors que d’autres tel que la consultation sont très développés. (Adly et Khatib, 2014) Tout écosystème d’affaire a un cycle de vie. Il s’agit de la naissance, l’expansion, le leadership et l’auto règlementation (Hannachi, 2013). Nous allons, dans ce travail, nous intéresser au cycle de vie de l’écosystème entrepreneurial social. Vu qu’il s’agit d’un phénomène nouveau, nous allons aborder la naissance et l’émergence de cet écosystème. Certes, tracer et identifier les barrières et les frontières de tout écosystème est presque impossible. En effet, selon Gueguen et Torrés, (2004), les écosystèmes n’ont pas de frontières 15 fixes. Ils sont en mouvement permanent. C’est pourquoi nous identifions les majeurs acteurs et les principales composantes. La naissance d’un écosystème entrepreneurial peut être considérée comme étant une réponse à une politique économique et sociale. En effet, la révolution entrepreneuriale n’est pas due à l’héroïsme d’une personne ou d’une idée mais due à la vision collective d’un groupe de Parties Prenantes engagé dans la promotion de l’entrepreneuriat et la création d’un écosystème pour actualiser leur vision (Isenberg, 2011). Ceci peut correspondre au contexte tunisien. Selon Isenberg (2011), cet écosystème entrepreneurial se développe suite aux erreurs politiques et économiques. Ces erreurs, il les résume en 5 points. Il s’agit de l’attribution de trop peu d’importance publique à l’entrepreneuriat, le manque de clarté des objectifs de la politique entrepreneuriale, l’affaiblissement involontaire de l’esprit entrepreneurial, la répulsion du fournisseur de la finance de l’entrepreneuriat et la fuite des cerveaux (hannachi, 2013). Le contexte tunisien, en particulier dans cette phase de l’histoire, est très spécifique et présente plusieurs particularités. En effet, une culture d’aversion au risque règne. Un nombre important de tunisiens cherche et préfère travailler dans la fonction publique plutôt que de lancer leurs propres projets. Mais également, nous avons, d’un côté, le monopole de quelques grandes familles du marché et de l’économie tunisienne; et d’un autre côté le rôle éminent de l’état. Ce qui rend le développement et la promotion de l’entrepreneuriat assez limité. Aussi, « Les normes socioculturelles sont moyennement favorables à l’activité entrepreneuriale. En effet, la prise de risque, la capacité de prendre en main sa propre destinée, la créativité et l’innovation sont moins soutenues par la société tunisienne (GEM TUNISIE 2010) 3.3. Aperçu de l'Ecosystème Entrepreneurial Social en Tunisie Dans la situation actuelle du pays, trouver des stratégies alternatives pour atteindre les objectifs de la révolution et surmonter les problèmes sociaux économiques s'avèrent plus que jamais nécessaire. C'est dans ce contexte que l'entrepreneuriat social peut être vu comme une opportunité et peut apporter une réponse adéquate à la situation (GIZ, 2013) Ainsi, dans le contexte actuel et suivant la stratégie adoptée par le pays, l’entrepreneuriat Social peut constituer une partie importante de la solution aux différents problèmes. En effet, le pays s’est engagé dans un processus de changement de modèle économique. Le développement du concept de l’entrepreneuriat social s’aligne parfaitement avec ce processus et peut permettre de donner une nouvelle image sur la Tunisie, une Tunisie plus citoyenne, équitable et stable (GIZ, 2013). 16 Ainsi, dans cette phase de transition démocratique, développer l’Entrepreneuriat Social est à la fois une opportunité et une stratégie alternative. Dans ce qui va suivre, nous allons revoir l’émergence de ce concept en Tunisie et sa définition. Nous allons, ensuite, retracer le contexte de l’Entrepreneuriat Social en Tunisie. Enfin, nous allons revoir la création de l’écosystème entrepreneurial social et ses principaux acteurs. 3.3.1. Définition de l'Entrepreneuriat Social en Tunisie Certes, la définition de l'Entrepreneuriat Social, ce phénomène polymorphe (Rosenblatt,2013) ayant des origines multiples, diffère selon les auteurs et le contexte. Dans la littérature, on distingue les conceptions américaines et les conceptions européennes (Hoogendoorn et Pennings, 2010). La tradition américaine englobe l'école de l'innovation sociale (The social Innovation School) et l'école de l'entreprise sociale ( The social Enterprise School). Tandis que la tradition européenne réunie l'EMES (The Emergence of Social Enterprise School) et l'approche Britannique. En Tunisie, il n'existe pas de cadre Juridique spécifique à l'Entreprise Sociale mais beaucoup de projets peuvent en être qualifié. Mais également, l'entrepreneur social tunisien est le pilier de cette entreprise et c'est lui qui œuvre pour qu'elle gagne de la reconnaissance. C'est pourquoi nous nous positionnons dans l'école de l'innovation sociale qui n'accorde pas d'importance au statut juridique de l'entreprise social. L'Entrepreneuriat Social est simplement considéré comme un moyen innovant et efficace pour répondre aux problèmes sociaux. Ali Boussofara (RADES) définit l'entrepreneuriat social comme "la création de valeur ajoutée dans des régions défavorisées. Les bénéfices sont beaucoup plus sur le plan social, environnemental. Il répond à deux exigences, une rentabilité économique et une satisfaction des besoins émergents". Samia ltaief (Afturd) considère que "l'Entrepreneuriat Social se fait en groupe, entre personnes en situation précaire, il s'agit de détecter les besoins d'une localité d'un côté et leur potentialité, ce qu'ils peuvent faire de l'autre, puis passer à l'acte en créant une entreprise. Il a pour objectif l'autonomisation" Mohamed Ben Mahmoud (PLATESS) propose une définition plus générale. En effet, pour lui, " l'Entrepreneuriat Social fait partie de l'Economie Sociale et Solidaire, c'est faire de l'économie autrement, faire de l'économique pour une finalité sociale. L'homme a une primauté sur l'argent , il produit de la valeur ajoutée mais donne de l'excédent, il l'affecte de manière juste et équitable" 17 Également, en nous référant à la distinction du GEM (2010) et la classification des entrepreneurs en Tunisie en deux catégories, nous pouvons considérer que les entrepreneurs sociaux tunisiens sont les entrepreneurs de nécessité. Ces derniers ont pour objectif de créer de la valeur sociale à partir d’un problème socio-économique au niveau local, régional ou national. Pour Rachid Abidi (Taysssir) "un entrepreneur social est une personne qui veut gagner sa vie mais qui veut faire des choses pour son entourage, veut avoir un impact sur son entourage". Monia Ben Romdhane, de son côté, trouve que "L'entreprise sociale allie le volet lucratif avec celui social". Ainsi, nous pouvons considérer que l’entreprise sociale est une organisation (société privé, association ou autre) qui a pour mission de répondre d’une manière innovante à un besoin social en générant des revenus suffisants pour maintenir son activité et son impact social. 3.3.2. Les principaux acteurs de l'Ecosystème entrepreneurial Social Depuis la révolution, plusieurs acteurs œuvrent pour promouvoir l’Entrepreneuriat Social. Dans ce qui va suivre, nous allons essayer de cerner ces principaux acteurs afin de pouvoir dessiner le schéma de l’écosystème. Parmi ces acteurs, il y a ceux qui sont réellement impliqués dans la quête de développement et ceux qui peuvent l'être où que nous jugeons que leur contribution peut être très bénéfique. En nous appuyant sur le Baromètre de l'Entrepreneuriat Social (2014), nous les classerons comme suit: les entreprises sociales, les catalyseurs, pouvoirs publics, les financeurs, les entreprises traditionnelles et la société civile. Composante de Rôle l'écosystème Différents acteurs Les entreprises Il n'existe pas de statut juridique spécifique à l'entreprise Socio Ordi Sociales sociale. Ils ont donc des statuts différents. Mais, il ya deux T'illi Tanit points communs entre eux: ils partent d'un problème social Acacias For All identifié et leur la finalité est de créer de la valeur sociale, avoir un impact social. Les catalyseurs Selon leur domaine d'intervention, ils essayent de TCSE, Impact, promouvoir et développer l'entrepreneuriat Social. Nous Yunus Social avons des associations, des ONG et des universités. Business, IesMed, RTES, 18 PLATESS, RADESS, PASC, ISET, IHEC, ISG, FSEGT Les pouvoirs publics Leur mission est de mettre en place des mesures favorables ANETI, APII, à l'entrepreneuriat social. Il s'agit de structures d'appui APIA, ATFP, axées sur l'Entrepreneuriat en général. un travail de INORPI plaidoyer est en train de se faire pour modifier et les faire adhérer dans le développement de l'Entrepreneuriat Social. Les financeurs Outre les financeurs classiques, certains organismes offrent Enda des financements aux entreprises sociales. inter arabe, Taysir, BAD, QFF, Cofundy, Fikra Tounisiya, BFPME Les entreprises Il existe certaines entreprises qui peuvent développer des Orange traditionnelles social business. Mais, en Tunisie certaines entreprises classique, dans le cadre d'une politique de RSE, soutiennent particulièrement les entreprises sociales. La Société civile Plusieurs membres de la société civile œuvrent pour BAC, promouvoir l'Entrepreneuriat Social. Enactus, Jamaity, IFEDA, CONECT, AFTURD Nous proposons une nouvelle classification de ces organismes selon le rôle qu'ils jouent réellement 3.3.2.1. Les réseaux De plus en plus de réseau se sont constitués afin de développer, promouvoir et vulgariser le concept de l’Entrepreneuriat Social. En effet, pour des buts différents et pour une même finalité, plusieurs organisations se sont interconnectées constituant un réseau. Ces réseaux collaborent entre eux. Ces principaux réseaux sont IesMed, RTES (réseau tunisien de l’Économie Sociale), PLATESS (Plateforme Tunisienne d’Économie Sociale et Solidaire), 19 RADESS (Réseau des Associations de l’Économie Sociale), PASC (Programme d’Appui à la Société Civile). 3.3.2.2. Les organisations spécialisées Depuis la révolution, des organismes spécialisés en Entrepreneuriat Social ont vu le jour. Le Tunisian Center for Social Entrepreneurship (TCSE) fut la première association, organisme dévoué complètement à l’entrepreneuriat social, suivi du Lab’ESS (Laboratoire de l'Economie Sociale et Solidaire avec la création du premier incubateur d'entreprises sociales IMPACT. Nous avons, également, IBDA, accélérateur de social business, faisant partie de Yunus Social Business. 3.3.2.3. Les institutions financières Les fonds pour financer les projets entrepreneuriaux existent en Tunisie. Mais, le problème réside dans la lourdeur et la longueur des procédures pour y accéder. A part Enda, toutes les institutions de financement privées ont vu le jour après la révolution. Nous avons Enda inter arabe, The African Development Bank (ADB), Tayssir, Qatar Friendship Fund Tunisia (QFF), Cofundy, Fikra Tounisiya, Banque de Financement des Petites et Moyennes Entreprises (BFPME) . 3.3.2.4. Les organisations de support Depuis quelques années, le concept d’entrepreneuriat en général et d’Entrepreneuriat Social en particulier s’est développé. Ce qui a emmené à la naissance de plusieurs organisations d’appui, de soutien et d’assistance technique et stratégique. Il s’agit d’organismes locaux, internationaux, privés, publiques et non gouvernementales. a) Organisations de coopération internationale Depuis la révolution, plusieurs fonds venant d’organisations de coopération internationale sont investis pour le développement de la Tunisie. En effet, de plus en plus d’organismes internationaux s’intéressent à développer l’entrepreneuriat et en particulier l’Entrepreneuriat Social en Tunisie. Ces bailleurs de fonds veulent jouer un rôle dans le développement des politiques et stratégies du pays. Nous avons la GIZ (Deutsche Gesellschaft fur Internationale Zusammenarbeit), l'AIC (American Islamic l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel. 20 Congres), et b) Les institutions gouvernementales Depuis les années 2000, le gouvernement a adopté une nouvelle stratégie qui vise à développer l’entrepreneuriat en Tunisie. Pour se faire, plusieurs structures d’appui ont été créées; tel que l'ANETI (Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant), l'APIA (Agence de promotion des Investissements Agricoles), l'API, l'ATFP, l'INORPI. Mais, ces organismes restent spécialisés en entrepreneuriat classique et n'adopte pas encore de stratégies pour développer l'Entrepreneuriat Social. c) Associations et Société Civile Ce n’est qu’après la révolution que la société civile a commencé à s’activer et à jouer un réel rôle dans le développement du pays. En effet, avant et sous l’ancien régime, il n’y avait pas beaucoup d’associations réellement actives. Certes, celles qui existaient avant devaient respecter les orientations du gouvernement. Ce n’était pas toléré de contredire ou aller à l’encontre de la stratégie du gouvernement. Parmi les associations nouvellement créées plusieurs œuvrent pour la promotion de l’Entrepreneuriat Social tel que BAC, Enactus, Jamaity, CONECT. d) Milieu académique et universitaire Depuis quelques années, particulièrement après la révolution, de plus en plus d’institutions académiques s’intéressent à promouvoir l’économie sociale et solidaire, la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises, l’entrepreneuriat, l’entrepreneuriat sociale et vert. En effet, certaines universités offrent désormais des programmes spécifiques à l’entrepreneuriat Social. Les pionnières à promouvoir l'Entrepreneuriat Social sont l'ISET, IHEC, ISG, FSEG Tunis. e) Secteur privé De plus en plus d’organismes du secteur privé veulent jouer un rôle dans la promotion de l’entrepreneuriat sociale. En effet, outre l’adoption de la responsabilité sociétale, certaines entreprises adoptent une voie pour inciter les jeunes porteurs d’idées à passer à l’acte et créer leurs entreprises sociale. Nous citons l'exemple de Orange qui a financé le projet de Acacias for all dans le cadre du programme "une entreprise responsable pour une entreprise sociale". 21 3.3.2.5. Entreprises Sociales Parler de l’écosystème de l’entrepreneuriat social, nous emmène forcement à citer quelques exemples d’entreprises sociales. Notons que, comme expliquer dans la précédente section, les entrepreneurs sociaux existent en Tunisie depuis longtemps. Mais, ces derniers ne savent pas qu’ils ont une entreprise sociale. Pour eux, c’est normal d’avoir cette attitude. Ce n’est qu’après la révolution que nous commençons à utiliser ce terme, à parler d’Entrepreneuriat Social. Parmi, les entreprises sociales nouvellement créées, nous avons Acacia For All, T'illi Tanit, Socio Ordi. 3.4. Rôle de l'écosystème entrepreneurial dans le développement de l'Entrepreneuriat Social En nous appuyant sur les recommandations faites dans le Barômètre 2014 de l'Entrepreneuriat Social: renforcer l'écosystème de l'entrepreneuriat Social permettrait de démultiplier son impact. En effet, la notion d'écosystème peut contribuer à la compréhension de la logique entrepreneuriale. Plus encore, la structuration, voire l'existence même d'un écosystème entrepreneuriale peut permettre le développement de l'entrepreneuriat sociale. En Tunisie, comme déjà mentionné, plusieurs entrepreneurs sociaux existent. Ces derniers ont besoin d'appui, d'encadrement et de soutien pour développer leurs activités , avoir plus d'impact social et surtout pour pérenniser et garantir leur durabilité. Aussi, nous avons beaucoup de porteurs d'idées de projets d'entreprises sociales, qui ont peur de se lancer. Ils ont besoin d'un environnement qui les cadre et de personnes qui comprennent ce qu'ils sont en train de faire. De l'autre côté, nous avons beaucoup de personnes, d'organismes convaincus de l'importance de l'entrepreneuriat social. Mais, ils se retrouvent à faire des activités ponctuelles, individuelles pour promouvoir le concept. Il y a donc besoin de coordonner ces actions, de les orienter. Il faudra créer des liens de collaboration entre ces acteurs, pour arriver à notre objectif final de développement de l'entrepreneuriat social. Ainsi, il existe une relation de cause à effet entre l'écosystème entrepreneurial et le développement de l'entrepreneuriat social. Car comme l'a mentionné (Rosted, 2012 dans C.Mason et R. Brown, 2014), les meilleures opportunités pour les entreprises d'accroître et de créer de l'emploi existent dans les écosystèmes dynamiques. Monia Ben Romdhane (APIA) "Pour développer l'Entrepreneuriat Social, il faut travailler ensemble, collaborer, orienter les initiatives vers un même axe" Mais, même s'il ne faut pas attendre que le gouvernement soit l'initiateur dans le développement de l'entrepreneuriat, sa contribution est indispensable comme acteur de l'écosystème de l'entrepreneuriat social. Les organismes d'appui existantes actuellement ne 22 sont pas spécialisées en Entrepreneuriat Social. C'est pourquoi, certains acteurs de la société civile œuvrent pour les faire intégrer dans leur projet de promotion de l'Entrepreneuriat social. Dans ce cadre, nous retenons le projet IESS "Initiatives d'Emploi en Economie Sociale et Solidaire". "Le projet vise à impliquer les structures d'appui existantes dans la création d'entités de l'Economie Sociale et Solidaire" (Laure Jongejans, responsabe Programmes et Etudes iesMed). Le projet comprend plusieurs partenaires, dont le TCSE et iesMed. Notons que, depuis fin 2011, nous assistons à la multiplication du nombre d'entrepreneurs sociaux. Ceci est du à la multiplication des initiatives pour la création d'entreprises sociales. Le TCSE a organisé en 2012, une tournée dans les régions pour tâter le terrain et détecter les porteurs d'idées de projets pour pouvoir les guider, les orienter et les inciter à passer à l'acte de création. Il a également organisé la première table ronde de l'Entrepreneuriat Social. Nous avons également le RADESS, qui est « un encadreur d’acteurs de l’ESS. Sa mission est de relier les différents acteurs .Il fait partie du réseau africain de l’ESS, RAESS, qui est membre de RIPESS, un réseau intercontinental. » (Ali Boussoffora, président) En Mai 2013, le premier forum de l’Économie Sociale et Solidaire dans le bassin méditerranéen, MedESS, a été organisé en Tunisie, par iesMed. Ce forum a permis de déceler les initiatives existantes en Tunisie et aussi de s'inspirer de celles dans les pays voisins. Mais, l'existence de structure spécialisé a privilégié la création d'entreprises sociale. En 2014, Impact a accompagné 5 entrepreneurs sociaux dans la création de leurs entreprises sociales. Ibda , de son côté, a pour mission d’accélérer la mise sur pied ou création des social business les plus prometteurs. Il leur facilite l’accès au financement et leur offre un coaching individuel et personnalisé et des programmes de formation. La multiplication des initiatives a eu un impact favorable sur le développement de l'Entrepreneuriat Social. Notons qu'avant 2011, le terme Entrepreneuriat Social n'était même pas utilisé. Mais, depuis et grâce à l'effort des différents acteurs dans ce domaine, de plus en plus de projets d'entreprises sociales sont concrétisés. Ali Boussoffara suggère que "l'Entrepreneuriat Social va prendre la relève pour la création d'emploi et de richesse dans les régions, pour pouvoir le développer, il faut structurer son champs, il faut une loi pour cadrer l'Economie Sociale et Solidaire". Monia Letaief (EFTURD) rejoint son idée est considère que "Notre rôle est de faire de la plaidoyer pour une législation qui permet et motive les femmes, les jeunes à monter leurs entreprises sociales" 23 3.5. Discussion et recommandations "Le temps de l'entrepreneuriat est venu pour toutes les régions du monde " (Isenberg, 2011). Dans le cas de la Tunisie, il est plus qu'urgent de développer l'entrepreneuriat. Mais avec la croissance des besoins sociaux, l'Entrepreneuriat social peut être vu comme une solution. En effet, l'entrepreneuriat a assez fait ses preuves pour être considéré comme une priorité publique tel que l'éducation, la sécurité ou la santé. Mais, le moyen qui s'avère être le plus pertinent pour relever ce défi est la propagation d'une culture délibérée et éclairée d'un écosystème entrepreneurial (Isenberg, 2011). La constitution, la structuration de l'écosystème entrepreneurial est, ainsi, un passage obligatoire pour le promotion de l'Entrepreneuriat. Dans la logique de relever à la fois ce défi et celui de réduire les problématiques liées aux besoins sociaux, environnementaux ou culturels, il serait intéressent de se pencher, particulièrement, sur l'Entrepreneuriat Social et son écosystème. En effet, comme mentionné précédemment, il existe des porteurs de projets pouvant être qualifiés d'entrepreneurs sociaux. Mais, ces derniers ont du mal à concrétiser leur rêve, à créer leurs entreprises. Ils doivent faire face à un ensemble de défis, que seuls ils n'arrivent pas à relever et se trouvent obligés d'abandonner leurs projets. Ils ont besoin des structures d'appui, d'accompagnateur, de spécialiste dans le domaine, de financement spécifique. Ils ont besoin de cadre propice, de la constitution d'un écosystème entrepreneurial. Mais, en Tunisie, le terme ou concept Entrepreneuriat Social est vraiment nouveau. Il est généralement confondu avec l’Entrepreneuriat Classique. C’est pourquoi, il est difficile de dissocier le contexte de l’entrepreneuriat Social de celui de l’Entrepreneuriat en général. Mais depuis la révolution, un contexte propre à l’entrepreneuriat Social est en train de se créer. Certes, le développement de l'Entrepreneuriat Social est conditionné par le renforcement et la structuration de l'écosystème. Selon le baromètre 2014 de l'Entrepreneuriat Social, ceci devra se faire sur 3 niveaux. Le premier niveau est la structuration du secteur. Il s'agit de développer des réseaux, des plateformes et les pépinières d'entreprises sociales. Le deuxième niveau est la consolidation des inter relations entre les entreprises sociales et les autres parties prenantes. Enfin, il est nécessaire d'avoir le soutien des pouvoirs publics. Car, ceci permet d'améliorer la visibilité, l'environnement juridique et l'accès au financement (Baromètre 2014 de l'Entrepreneuriat social). Rosted (2012) rajoute que dans les écosystèmes dynamiques, il existe la meilleure opportunité pour les entreprises d'accroître et de créer de l'emploi (Rosted, 2012 dans C.Mason et R. Brown, 2014). Dans ce cadre, un écosystème propre à l'Entrepreneuriat Social est en train de se créer petit à petit grâce à la multitude des actions menées par les différents acteurs. Ce qui rejoint la 24 thèse soutenue par Isenberg (2011) que la multitude des acteurs et l’interconnexion entre eux créent l’écosystème. En effet, depuis Janvier 2011, de plus en plus d’acteurs surtout de la société civile, mais pas seulement, multiplient leurs efforts pour créer un cadre propice au développement de l’Entrepreneuriat Sociale et ainsi œuvrent pour promouvoir et vulgariser ce concept. Mais, il s'agit encore d'initiatives individuelles. il y a urgence pour les structurer. En nous référant aux 3 niveaux précédemment cités. Nous pouvons dire qu'en ce qui concerne la première étape de développement de réseaux, plateforme et pépinière, ce pas a été franchi. Des réseaux spécialisés en Entrepreneuriat Social ont été créés. Une plateforme pour les projets en Entrepreneuriat Social est en cours de création. Il s'agit d'une initiative du TCSE en collaboration avec le centre marocain et celui algérien en entrepreneuriat social. Mais également, un incubateur pour les entreprises sociales a vu le jour, vers la fin 2013. Il reste du travail à faire pour franchir les deux autres pas, pour d'un côté consolider les relations entre les différents acteurs et obtenir le soutien des pouvoirs publics. En effet, en Tunisie il n'ya pas de politiques axès vers la promotion de l'Entrepreneuriat Social. Toutes les stratégies adoptées ont été axées vers l'Entrepreneuriat classique. Mais malgré les efforts, l'entrepreneuriat en général reste peu développé en Tunisie. Certes, des programmes d'appui pour le développement de l'entrepreneuriat social ont été lancé et plusieurs structures ont été créées. Mais, ces programmes sont peu adaptés au contexte et sont plutôt imposés par le gouvernement. En ce qui concerne les structures d'appui, les services offerts s’intéressent seulement au démarrage des entreprises. Il n’y a pas de structures de soutien pour les phases de développement et de croissance des entreprises (PEUT, 2012, P59). En ce qui concerne de la promotion de l'Entrepreneuriat Social, ceci a émergé du terrain, des acteurs actifs dans la société civile, des entrepreneurs sociaux potentiels. C'est ce qui nous pousse à être optimiste quant au développement et la réussite de l'Entrepreneuriat Social. Selon Feld "quand une communauté de start up commence en s'appuyant sur le gouvernement pour être le leader, le chef de fil, de mauvaises choses peuvent arriver (Mason et Brown, 2014). C'est pourquoi, il faut pas attendre que le gouvernement promeut l'Entrepreneuriat Social, il faut agir aller de l'avant, continuer ce qui a été commencé, les politiques et stratégies publiques suivront. Également, notons aussi, que le gouvernement a pendant longtemps été le seul à octroyer des financements pour la création d’entreprises. Mais, depuis la révolution, nous assistons à l’augmentation du nombre de bailleurs de fond qui veulent financer la création d'entreprise, surtout des entreprises sociales. En effet, de plus en plus d'ONG en collaboration 25 avec des associations tunisiennes lancent des projets dans diverses régions défavorisées du pays pour inciter les jeunes à créer leur propre entreprise. Mais, le problème en Tunisie n’est pas l’existence des fonds en lui-même, il s'agit de l’accès à ses fonds. En effet, nous avons, d’un côté, un grand nombre d’exigences à respecter pour accéder à ces fonds et d’un autre côté, les procédures et le processus pour y accéder sont trop longs. Pour répondre à ce problème, les projets en cours adoptent une stratégie moins rigide. Notons également que la culture entrepreneuriale n’est pas très développée en Tunisie et les normes socio culturelles ne sont pas encourageantes à la création d’entreprises. En effet, les tunisiens préfèrent être fonctionnaire public qu’entrepreneur ou travailleur indépendant. Ce que la majorité des tunisiens cherchent, c’est un emploi stable, un salaire fixe. Mais aussi, les tunisiens sont connus pour leur forte aversion au risque. Ils ont peur de prendre des risques. Mais, depuis quelques années, les tendances ont changé. Une nouvelle culture entrepreneuriale est en train de se mettre en place. De plus en plus de jeunes cherchent à lancer leurs propres projets. Ainsi, nous assistons à un changement structurel dans les normes, préférences et attitudes vis-à-vis du risque de la culture économique tunisienne (Mansouri et Belkacem, 2010, p54). Ce changement peut être expliqué par le changement dû aux conditions socio-économiques, aux taux élevés de chômage et de pauvreté. Ce qui peut être un avantage pour le développement de l'Entrepreneuriat Social. Un autre problème relevé est le manque de compétence dans l’accompagnement des entrepreneurs, particulièrement ceux sociaux et donc de professionnels dans ce domaine. Les structures étatique spécialisées dans l’accompagnement et l’encadrement des entrepreneurs n’ont pas de personnel qualifié pour ces tâches et donc doivent faire appel à des coachs, des consultants, des conseillers, des formateurs et d’autres professionnels externes. Entre ces derniers, il n’y a pas de collaboration mais une concurrence accrue. Ce qui influe négativement sur le développement de ce secteur. Ceci est plus accentué pour le champs de l'Entrepreneuriat Social. Egalement, nous pouvons dire qu'en Tunisie, aujourd'hui, il n'existe pas de formation spécialisée en ES. Malgré l'enseignement de l'Entrepreneuriat Social dans certaines universités, ceci reste théorique et peu développé. Un développement de la manière d'enseigner l'ES est nécessaire et des formation en la matière doivent être envisager. Une des recommandations de Gallais et al (2014) pour développer l'Entrepreneuriat Social est l'institutionnalisation et la systématisation des formations. Egalement, l'infrastructure pouvant constitué les assises de l'ES reste lacunaire. Il y a un besoin de plus d'effort est surtout de 26 collaboration entre les différents acteurs. Nous rejoignons Gallais et al (2014), pour dire que les infrastructures de soutien peu nombreuses (Johnson, 2000) Notons aussi, qu'il n'y a pas de spécialisation en matière d'Entrepreneuriat Social en ce qui concerne le mécanisme de financement, l'éducation et les recherches, le système de support, le capital humain et les politiques publiques. "Les professionnels de la création connaissent mal ce type d'entreprises, leurs modèles économiques et leur environnement légal" (Sibille, 2009; Brouard, 2012). Il reste, encore, une branche peu développée de l'Entrepreneuriat classique. Ainsi, comme le souligne Brouard, Lairvet et Sakka (2012), pour développer l'Entrepreneuriat Social, il y a un nombre de défis à relever. Il s'git du contexte légal, des infrastructures d'accompagnement, du soutien à l'innovation sociale, du financement, de la formation, de la promotion et de l'évaluation. Mais, dans le contexte tunisien, un autre défi est à relever. Il s'agit de faire face à l'opportunisme de certains. En effet, selon Ali boussofara (RADESS) "dans le domaine de l'Entrepreneuriat Social, il y a des intrus, des opportunistes." Monia Ben romdhane (apia) partage aussi cet avis, "j'ai peur que ça soit, juste, un phénomène de mode, certains s'y mettent parce qu'il y a des fonds internationaux qui proposent des programmes pour promouvoir le concept". Mais, ceci n'empêche qu'il existe des personnes qui y croient réellement et qui veulent le développer concrètement. Mais, comme l'a dit Rachid Abidi (Taysir) "on ne peut pas faire tout, tout seul, il faut collaborer, travailler avec les autres, créer un réseau de partenaire pour développer l'Entrepreneuriat Social." Conclusion En Tunisie, l'Entrepreneuriat Social est un concept assez nouveau qui gagne du terrain jour après jour. En effet, après la révolution, nous en parlons de plus en plus. Il est désormais vu comme une alternative pouvant contribuer de manière efficace à la résolution des problèmes sociaux croissants. Dans le contexte actuel, l’Entrepreneuriat Social peut jouer différents rôles. Selon l’étude menée par la GIZ, en Septembre 2013, l’entrepreneuriat Social en Tunisie peut permettre d’accentuer l’engagement civique des citoyens surtout dans les régions et donc peut aboutir à la consolidation de la confiance dans l’état. Mais également, il peut mener au développement de l’économie sociale et solidaire et à une décentralisation pouvant mener au développement local. Aussi, l’Entrepreneuriat Social peut être un nouveau créneau pour créer de l’emploi à travers la création de nouveaux secteurs et de nouvelles PMEs et une nouvelle manière de répondre aux besoins sociaux et économiques du pays. 27 Ainsi développer l’Entrepreneuriat Social peut permettre de renforcer l’initiative personnelle et ainsi changer la perception du risque; ce qui permettrait de trouver des solutions innovatrices aux problèmes sociaux croissants. . C’est pourquoi, de plus en plus d’acteurs s’intéressent à ce concept et à son développement. Ils œuvrent pour vulgariser ce concept et en faire un pilier de l'économie Tunisienne. Nous assistons également, aujourd'hui, à la naissance de nouveaux entrepreneurs pouvant être qualifiés de sociaux. Mais, ces entrepreneurs ont besoin d'un cadre propice pour pouvoir créer leurs entreprises sociales. Ce qui nous a fait émerger le besoin de structurer l'écosystème entrepreneurial social. Les initiatives pour promouvoir ce concept reste individuelles et peu structuré. Il faudra consolider ces initiatives et nouer des relations pour relever le défi de son développement. L'Entrepreneuriat Social, aujourd'hui, est encore dans une étape primaire embryonnaire. Ce qui a fait que le schéma de l'écosystème entrepreneurial social ne peut encore être complet. Certes, il est en phase de constitution, émergence, naissance. Plusieurs défis restent à relever pour son développement et des efforts demeurent à faire et ce à tous les niveaux, à savoir institutionnel, stratégique et entrepreneurial. Mais, avec le travail de tous les acteurs le schéma va changer, et rapidement. 28 Bibliographie Adly, A & Khatib, L (2014), Reforming the Entrepreneurship Ecosystem in PostRevolutionary Egypt and Tunisia, Center on democracy, development and the rule of law, april 2014 Andreani, J.C & Conchon, F (2005), Méthodes d’analyse et d’interprétation des études qualitatives : Etat de l’art en marketing, Actes du 4e Congrès International sur les Tendances du Marketing en Europe, 21-22 janvier 2005, Paris Austin, J, Stevenson, H & Wei-Skillern, J (2006b), Social and Commercial Entrepreneurship: Same, Different, or Both?, Entrepreneurship: Theory & Practice, 30:1, 1-22; Bacq, S & Jansen (2008), From social entrepreneurship as a practice to legitimate field of research: literature review and classification, Working paper no 06- 2008, CRECIS, Center of research in entrepreneurial change and innovative strategies; Bacq, S, Hartog, C, Hoogendoorn, B & Lepoutre, J (2011), Social and commercial entrepreneurship: Exploring individual and organizational characteristics, EIM Research Reports, no H201110, juin 2011 ; Baromètre de l'Entrepreneuriat Social (2014), Convergences Baromètres, 3ème édition; Baumol, W.J., Litan, R.E., & Schramm, C.J (2007), Good capitalism, bad capitalism and the economics of growth and prosperity, New Haven: CT: Yale University Press; Bernardez, M (2009), The power of entrepreneurial ecosystem : Extracting « booms » from « busts », Social and Organizational Performance Review, year 2, Vol 2, pp. 15-50; Ben Haj Youssef, A & Ouziel, J (2002), Théorie des écosystèmes & Corporate Venture Capiatl, Revue du financier, n°136, novembre 2002, pp.33-47 Ben Hassine, A & Hefaiedh, R (2009), Faire de la recherche qualitative en Tunisie dans le domaine des sciences de gestion (guide pratique), 2ème colloque international sur les méthodes qualitatives, 25-26Juin, Lille; Beyond Reform & Development, (2013), La dynamisation de l'Entrepreneuriat Social en Tunisie, Rapport de la GIZ; Blumberg, B, Cooper, D.R & Schindler, P.S (2005), Business Research Methods, Mc GrawHill Education, 2005 Brouard, F (2006), L’Entrepreneuriat social, mieux connaitre le concept, 23ème Colloque annuel du Conseil canadien des PME et de l’entrepreneuriat, Trois-Rivières; Brouard, F, Larivet, S & Sakka, O (2012), Défis et actions pour développer l'entrepreneuriat social, la Revue des Sciences de Gestion: Direction et Gestion; May-Aug 2012; 45, 225/256; Cabestan, J.P & Seizelet, E (1997), La dynamique de la transition politique en Asie Orientale, Revue d'études comparatives Est-Ouest, vol 28, n°3, pp. 5-22; Casson, M.C (2005), Entrepreneurship and the theory of the firm, Journal of Economic Behaviour and Organization, 58, 327-348. 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