L’Usine à GES n°12 / mai-juin 2005 / Dossier Le changement climatique va-t-il nous rendre malade ? En se réchauffant, l’Hexagone va attirer de nouvelles espèces qui pourraient porter avec elles des maladies tropicales. Un récent rapport de l’Afssa dresse le premier inventaire des menaces sanitaires imputables au « global warming ». Le changement climatique en cours ne va perturber que nos saisons. En changeant la climatologie, le régime des précipitations, le « global warming » va aussi modifier les biotopes et les conditions de vie de la biocénose. En clair, en évoluant, le climat va transformer les conditions de vie des plantes, des animaux et des hommes. Ce bouleversement pourrait également modifier quelque peu la répartition des maladies. Les chercheurs participant au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estiment, qu'au cours de ce siècle, la température moyenne globale devrait croître de 1,4°C à 5,8°C. En France, les conséquences du changement climatique différeront d’une zone géographique à l’autre. Le sud de l'Hexagone, par exemple, verra son climat devenir plus proche de celui du nord de la Tunisie ou du Maroc. Les étés y seront de plus en plus chauds et de moins en moins arrosés ( 25 à 50% de précipitations). Les journées d’hiver y seront de plus en plus pluvieuses (+10 à 20 % de pluies et de neige). Les climatologues de Météo France estiment que chaque augmentation de 1°C de la température moyenne fera se déplacer d’une centaine de kilomètres vers le nord des zones climatiques françaises. Plus généralement, les étés caniculaires devraient progressivement devenir la norme. Selon les données climatiques du passé, un été comme celui que nous avons vécu en 2003 avait une chance sur 50 000 de se produire. Au milieu du siècle, cela arrivera une année sur… deux. De tels bouleversements feront nécessairement évoluer la répartition (leur composition et leur peuplement) des forêts, des prairies, des zones humides. Parallèlement, des espèces animales et végétales exogènes feront leur apparition. Cette grande perturbation écologique (au sens premier du terme) aura des conséquences sanitaires. Certains craignent la réapparition dans l'Hexagone de maladies que l'on avait (un peu vite) oubliées, comme le paludisme ou la maladie de Lyme. Pour faire avancer le débat sur les impacts sanitaires du changement climatique, les spécialistes de la trop discrète Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) se sont livrés à un intéressant exercice. Il y a quelques semaines, l'agence dirigée par Martin Hirsch a publié un rapport sur un sujet inédit en France : le risque d'apparition de maladies animales en cas de changement climatique. L’Usine à GES n°12 / mai-juin 2005 / Dossier Mis en place en 2004, le groupe de travail de l'Afssa s'est tout d'abord attaché à déterminer les maladies susceptibles de se développer en métropole (seulement) en raison d'un réchauffement du climat. Les onze spécialistes ont ainsi trié les infections en fonction de la nature de l'agent pathogène, (et notamment de sa résistance dans le milieu extérieur), de son mode de transmission et de ses « réservoirs », vecteurs ou hôtes. Pour les maladies exotiques, les onze spécialistes ont également tenu compte de la probabilité d'introduction sur le territoire. Ainsi, les risques posés par une quarantaine de maladies « à insecte », d'infections transmises par des mollusques, des virus, des bactéries ont été patiemment évalués : leur prévalence actuelle, leur possibilité de s’étendre en cas de réchauffement moyen de l’Hexagone, les conséquences sanitaires et économiques, tant pour la faune que pour la société. De par leur probabilité à infester le territoire métropolitain soumis à un climat plus chaud, les scientifiques appellent à suivre particulièrement six maladies. Maladie grave pouvant être transmise à l’homme par le chien, la leishmaniose est endémique dans les régions du sud de la Méditerranée. Toutefois, les insectes vecteurs (les phlébotomes) sont de plus en plus présents dans les Cévennes et en Provence. Et des foyers sporadiques ont déjà été observés dans la vallée de la Loire et dans la région de Limoges. Plus connue sous son appellation familière de maladie de la langue bleue, la fièvre catarrhale ovine est transmise aux moutons et aux bovins par un virus véhiculé par la piqûre de petits moucherons hématophages, les culicoides. Quasiment impossible à éradiquer, une épidémie de fièvre catarrhale peut décimer très rapidement de troupeaux entiers. Elle est mortelle pour les ovins dans la plupart des cas. Maladie normalement tropicale, la « Blue tongue » est désormais présente dans les DOM-TOM, dans le sud de la Méditerranée, en Italie ainsi qu’en Corse depuis 2000. Originaire de l’Afrique de l’est, la fièvre de la vallée du Rift est une maladie infectieuse virale transmise par certains moustiques. Grave chez les animaux, notamment les jeunes (qui en réchappent rarement), la « Rift valley fever » peut provoquer de fortes fièvres chez l’homme, voire des encéphalites ou des fièvres hémorragiques. Sortie de son berceau en 1977, elle sévit désormais dans pratiquement toute l’Afrique située au nord de l’équateur. Très répandue en Afrique, en Europe du sud, en Russie, au Moyen Orient, en Inde, en Australie et depuis 1999 en Amérique du nord, la fièvre du Nil occidental est une cousine de l’encéphalite. Portée souvent par les oiseaux, mais transmise par des moustiques, la « West nile fever » L’Usine à GES n°12 / mai-juin 2005 / Dossier contamine aussi bien les animaux (les chevaux notamment) que l’homme. En 2003, 9 000 personnes dans le monde ont ainsi été atteintes et 200 en sont mortes. Après 35 ans d’absence, le virus a de nouveau fait son apparition en Camargue et dans le Var, où il a tué 23 chevaux. Maladie très fréquente dans le monde entier, les leptospiroses sont causées par des bactéries, transmises généralement (directement ou non) par l’urine des rongeurs. Les bovins et les porcs y sont particulièrement sensibles et peuvent voir leur reproduction perturbée. Chez l’homme, les leptospiroses peuvent provoquer de graves troubles rénaux. Très présentes dans les eaux calmes, les bactéries responsables (les spirochétales) contaminent, chaque année, de nombreux baigneurs ou pêcheurs. En France, 43 personnes ont été infectées, en 2003, et deux sont décédées. Un bilan que l’on pourrait refaire à chaque canicule.