LE REGARD LIBRE Chronique mensuelle réalisée par des étudiants Mai 2014 | N° 04 02 | Éditorial et image du mois 03 | Philosophie : L’amitié chez les antiques philosophes 06 | Musique : Le grand Charles a nonante ans 09 | L’entretien : Faut-il être lu pour écrire ? – Le regard libre d’un jeune auteur anonyme 10 | Citations Tout commentaire, toute proposition concernant les éditions du Regard Libre sont les bienvenus par mail. http://www.laprovence.com/actu/loisirs-en-direct/2884410/nes-un-22-mai-comme-charles-aznavour.html Charles Aznavour a fêté ses nonante ans le 22 mai dernier. Retour sur cet artiste hors normes – Page 6 Le Regard Libre est une chronique mensuelle réalisée par des étudiants. Elle a pour ambition de constituer une gazette d’opinions diverses dans un style et des réflexions de qualité. Des articles portant sur l’actualité, la philosophie, la politique, la littérature, la musique, la spiritualité ou un autre sujet digne d’intérêt seront les bienvenus. Contact : Jonas Follonier | Classe 4A | Email : [email protected] Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 1 02 DIVERS JONAS FOLLONIER – Rédacteur en chef Éditorial Nous arrivons donc à la dernière édition de cette année scolaire. Quel plaisir avons-nous eu que de mettre par écrit des idées et des intérêts qui nous étaient chers ! Pour beaucoup de spécialistes, un des comportements propres à l’Homme est sa capacité de transmettre plus qu’il ne reçoit ou innove, contrairement aux simples animaux, chez qui l’apprentissage d’une innovation individuelle se perd au bout de quelques générations ; ils possèdent donc toujours les mêmes mœurs. La présence de la culture, cette capacité de transmettre, chez l’espèce humaine et elle seule, résulte d’un phénomène des plus impressionnants qu’on ait vus sur terre : l’émergence subite, depuis quelques millénaires, d’une capacité culturelle dépassant le seuil de base auquel nous resterions toujours, comme dans certaines tribus jusqu’il n’y a pas si longtemps. La transmission est à mes yeux ce qu’il y a de plus noble : plus que la tradition, plus que la contemplation, elle permet de profiter de la condition chanceuse – pour éviter le terme « supérieure » – de l’être humain, à savoir partager ses connaissances, ses idées, son expérience, ce qui incite au débat et au progrès de notre situation. J’appelle donc à tous les transmetteurs qui le désirent de rejoindre notre gazette l’an prochain. D’ici là, puisse le soleil estival devenir source d’inspiration ! L’image du mois (Photo de Jonas Follonier) Bingen am Rhein, un bourg délicieux aux vins délicieux, rencontré au détour d’un voyage d’étude Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 2 03 PHILOSOPHIE Une pensée de SOΦIAMICA L’amitié chez les antiques philosophes « Ami » ou « amitié », des termes que nous utilisons quotidiennement sans toutefois avoir conscience de l’immensité que cela peut représenter : qui de nous en a-t-il déjà ressenti la profondeur ? Un ami, c’est tout d’abord une relation recherchée et choisie, à la différence des membres d’une famille ou d’un cadre social prédéfini ; il n’y a aucune optique de gain ou de profit matériel : le plaisir qu’on ressent se justifie par lui-même. On y assouvit deux des plus grands besoins humains : aimer, et peut-être avant tout, être aimé. L’amitié semble alors une des plus grandes joies ou consolations de l’existence, si importante qu’elle devient parfois un sens, un soutien pour affronter les rudesses de la vie. Il est intéressant d’observer la conception qu’en avaient les Anciens, dont nous gardons étonnamment les mêmes préceptes, malgré les années ou plutôt les millénaires qui nous séparent. Platon (427-347 av. J.-C.) lance les premiers débats philosophiques sur l’amitié, quoiqu’il accorde une plus grande importance à l’amour en général : dans le Lysis et le Banquet, il développe sa théorie sous l’influence de la tradition grecque, c’est-à-dire voir l’amour comme un manque que les désirs peuvent combler. De plus, les vraies amitiés ne se créent qu’avec un seul but : trouver le Bien, en recherchant ensemble la sagesse et en s’aidant des qualités que l’on pourrait trouver chez son ami. L’amitié serait une sorte de tremplin vers l’idée du Bien. D’autre part, Platon a lui-même connu un professeur, lequel est devenu un ami formidable : Socrate. C’est à travers lui que Platon va poser les fondements de la question. Il remarque premièrement que les hommes louent l’amitié sans savoir ce qu’elle est véritablement. Éprouver ne suffit pas, il faut théoriser, trouver les causes et la nature au sens philosophique. Sommes-nous amis par intérêt, par égoïsme, ne tirant d’eux seules les qualités qui nous sont utiles, ou sommes-nous au contraire amis par altruisme, dans le but de mettre ses propres qualités au service de l’autre ? Une autre question est celle de la réciprocité – dans les relations en général : est-il nécessaire de ressentir les mêmes sentiments l’un envers l’autre pour que relation il y ait ? La réponse Suite p. 4 Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 3 04 PHILOSOPHIE semble évidente, mais Socrate donne une série de contre-exemples – le parent pour l’enfant, le disciple pour le maître, le gouvernant pour les gouvernés – qui peuvent être des relations unilatérales. Nos amis sont-ils alors des personnes semblables à nous, ou complémentaires ? Socrate réfute les deux propositions : des amis semblables, unis dans la méchanceté, se nuiront l’un l’autre ; s’ils le sont dans la vertu, ils ne trouveront pas ce qui pourra combler le manque si cher à Platon. Il en va de même pour la complémentarité : comment quelqu’un de différent jusqu’à mes propres opinions pourrait-il me conforter ? Les discussions entre Socrate et ses disciples ébranlent toutes nos convictions sur l’amitié – qui n’en étaient pas vraiment, faut-il le croire. Pour Platon, peu importe les différences entre les amitiés, les amours, les relations : toutes sont justifiées pour s’élever vers le premier ami, le Bien. Cyrille Bégorre-Bret écrit avec justesse qu’ « au fond, chez Platon, on n’est jamais ami que des Idées ». À la même période, Aristote (382-322 av. J.-C.) va réfuter Platon, se basant sur une amitié humaine qui va différer quant à sa valeur et ses ambitions. Il y a deux types d’amitié selon lui : le premier, les amitiés imparfaites, recoupent la majorité : ce sont les amitiés utiles, plaisantes, authentiques et réciproques, dignes malgré le nom péjoratif qu’elles portent. Cependant, les amitiés parfaites ont ceci de supérieur qu’elles sont fondées sur la vertu : on n’est pas amis « parfaitement » par accident, mais grâce à sa personnalité et son aspiration au bien. On se ressemble au départ et l’on s’assemble encore plus avec le temps, jusqu’à en devenir inséparable. Les amitiés ont d’autre part une fonction morale : elles doivent aider l’homme à se perfectionner, rendre ses actes meilleurs, améliorer ses qualités, en étant à la fois une source de plaisir pour ceux qui la partagent. Pour Aristote, un ami est une condition indispensable au bonheur : en nous rendant vertueux, il nous conduit directement à une vie heureuse, accomplie : jamais la solitude ne rend un homme heureux, c’est au contraire grâce à son ami que l’on atteint enfin une plénitude dans la vie. Le dernier gros point soulevé par Aristote est l’égoïsme : il n’a selon lui aucune importance dans l’amitié parfaite, au même titre que l’altruisme : une amitié est avant tout une affection pour l’autre, dans l’intérêt de l’autre. Le paradoxe surgit lorsque l’on se demande la finalité de la relation : est-ce le bien de mon ami ou mon perfectionnement moral ? Faut-il d’abord s’aimer soi-même et désirer son amélioration avant de connaître une amitié vertueuse et altruiste ? À ce dilemme, Aristote distingue deux égoïsmes, celui de l’homme commun, où l’intérêt personnel et l’acquisition de biens primera, et celui de l’homme de bien, qui utilisera les qualités de son ami pour son perfectionnement mais qui lui en fournira en contrepartie. Cette dernière catégorie n’est finalement pas si grave, car elle vise le même but de vertu. Suite p. 5 Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 4 05 PHILOSOPHIE Le dernier philosophe antique à formuler une théorie à proprement dite sur l’amitié est Épicure (342-270 av. J-C.). Il donne peut-être une des plus délicieuses interprétations de l’ami, et influencera la majeure partie des penseurs après lui. Le raisonnement est bien simple : le bonheur n’existe pas sans les plaisirs, les plaisirs non plus sans l’amitié. Cette philosophie peut se diviser en trois "lois infaillibles" : il ne sert à rien de craindre les dieux, ils ne s’occupent pas des hommes ; il faut dépasser la peur de la mort, elle ne fait que nous retenir dans la quête du bonheur ; finalement, l’homme peut être heureux, tous les plaisirs sont à portées de main ! Qu’importent les souffrances, nous pouvons les surpasser. Le but n’est pas de jouir du plus de plaisir possible – ce que beaucoup d’entre nous ont tendance à penser – mais au contraire d’être dans la mesure, d’éviter les peines. La première souffrance est l’absence d’amitié : un ami, en plus de procurer naturellement du plaisir, sécurise et donne de l’assurance face aux autres troubles. Il est un bras sur lequel on peut s’appuyer. Il a aussi la qualité d’offrir ses bienfaits lentement ; l’amitié n’est pas une jouissance éphémère, elle peut durer aussi longtemps que ses protagonistes. Pour Épicure, l’amitié relève d’une sorte de contrat : on devient amis car l’autre me procure sécurité, absence de trouble (ou ataraxie) et avant tout plaisir. Or qu’en est-il de l’autre ? N’est-il pas affreusement égoïste de ne considérer ses propres avantages seulement ? Non, car selon Épicure, l’amitié grandira au point de devenir une vertu. Bien sûr il est absurde de se désintéresser totalement de son ami, mais on risque tout autant de le perdre si l’on ne fait que le combler de faveurs et compliments altruistes à longueur de journée. Le but est de cheminer ensemble, de viser une amitié et donc un plaisir durable. Un ami est en résumé un homme qui recherche à la fois le bien de ses compagnons et le sien : il fait d’une pierre deux coups. L’utilité et la vertu sont réunies sous le même objet : le bonheur. À travers le regard de Platon, d’Aristote et d’Épicure, nous avons vu que les questions a priori les plus simples sur l’amitié reflètent une complexité aussi grande que la difficulté à la définir. Qu’est-ce qu’un ami ? Est-ce la norme, ou au contraire un cas particulier ? Certains parlent d’un plaisir de l’existence, d’autres, auprès desquels j’avoue me ranger, s’accorde à dire que c’en est le sens. « Sans amis, personne ne choisirait de vivre. » (Aristote) À méditer. À ce sujet, la rédaction du Regard Libre vous conseille la lecture du « Banquet » et du « Lysis » de Platon, de l’ « Éthique à Nicomaque », Livres VIII et IX, d’Aristote, de la « Lettre à Némécée » d’Épicure et de l’ « Amitié » de Cyrille Bégorre-Bret. Ce dernier livre est plus facile d’accès et expose les grands courants de pensée quant à l’amitié. Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 5 06 MUSIQUE Portrait actuel par JONAS FOLLONIER Le grand Charles a nonante ans Ce mois-ci marque l’anniversaire d’un des plus grands noms que la chanson française ait jamais connus ; Charles, le grand Charles, a fêté ses nonante ans le 22 mai 2014. Nonante ans, et toujours toutes ses dents ! C’est cela même qui caractérise la teneur incroyable de ce phénomène : il est toujours là. A l’instar de Johnny Hallyday, Aznavour fascine par sa longévité imperturbable, son amour pour la vie et pour la passion qui l’anime, cette fameuse passion plus forte que la mort. Or contrairement à Johnny, son jeune disciple septuagénaire, Charles a maintenu durant toute sa carrière une ligne qui lui est propre – les deux situations sont admirables, il suffit d’en retenir le positif : la curiosité artistique et l’évolution chez l’un, la constance et l’authenticité chez l’autre. C’est un heureux hasard qui a fait que l’auteur, compositeur et interprète de La Bohème soit né à Paris le 22 mai 1924. En effet, ses parents arméniens attendaient en France l’obtention d’un visa pour les Etats-Unis. Les circonstances ont donc engendré une carrière incroyable, que nul n’a jamais égalée. Or le succès n’est pas qu’une affaire de chance, c’est surtout la résultante d’un certain talent. Et de ce côté-là, il y a beaucoup à dire. Ainsi les paroles de son célèbre Je m’voyais déjà perdent de leur ironie : On ne m'a jamais accordé ma chance D'autres ont réussi avec peu de voix et beaucoup d'argent Moi j'étais trop pur ou trop en avance Mais un jour viendra je leur montrerai que j'ai du talent Le style inébranlable de Charles Aznavour pousse à l’admiration. De Que c’est triste Venise à L’amour et la guerre en passant par Désormais, la même poésie musicale demeure : la sublime, la bellissime, celle qui marie Vigny et Tchaïkovski, celle qui prolonge le génie de Piaf et qui anoblit les vers de Brel ; celle qui prend aux tripes et aux tempes ! Le plus grand mérite du chanteur, c’est d’avoir su rendre populaires les vers français classiques – "populaires" au sens de "connus", "appréciés", "dominants", "répandus" et Suite p. 7 Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 6 07 MUSIQUE non pas "communs" ou "proches du peuple" qui accolerait, à tort, le style aznavourien à la répugnante mouvance du réalisme, du goût pour le médiocre, pour le naturel dans toute sa laideur. Les chansons d’Aznavour aspirent à l’extrême mais harmonieux opposé : le classicisme. Toutefois, il s’agit d’un classicisme très intelligent et avec encore plus de classe, car il s’intéresse à toutes les passions humaines, à toutes les situations qu’on retrouve dans la société : aussi bien un père en détresse qu’un adolescent homosexuel en passant par un toréador se retrouvent dans les chansons de ce grand humaniste. Les vers de douze ou huit syllabes ne sont plus un obstacle mais presque une condition au succès des chansons d’Aznavour. © Jacques Vauclair Charles Aznavour dans les années 60 Qui ne saurait être ému en écoutant le chef d’œuvre Non, je n’ai rien oublié dès les premières paroles ? Je n’aurais jamais cru qu’on se rencontrerait Le hasard est curieux, il provoque les choses Et le destin pressé un instant prend la pause Qui resterait de marbre en écoutant ce père dont l’enfant a fait une overdose ? Mon enfant, mon air pur, mon sang, mon espérance Mon ferment, mon futur, ma chair, ma survivance Tu ne perpétueras ni mon nom ni ma race Tout ce que j’ai bâti, je l’ai rêvé en vain Je quitterai ce monde sans laisser de traces Tes yeux ne s’ouvriront sur aucun lendemain. (« L’aiguille ») Suite p. 8 Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 7 08 MUSIQUE Outre ces odes à la diversité de la vie humaine, et ce réconfort que Charles Aznavour offre à nombre de personnes – tel son vœu qu’il chante dans Ave Maria : « Eclaire leur chemin et prends-les par la main » – un très grand appel est fait à la jeunesse. « Hier encore, j’avais vingt ans. / Je caressais le temps et jouais de la vie / comme on joue de l’amour et je vivais la nuit / sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps. / J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air, / j’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés / que je reste perdu, ne sachant où aller, / les yeux cherchant le ciel mais le cœur mis en terre » nous avoue le chanteur. Néanmoins, faute de gaspiller ses jeunes années, il faut au contraire en profiter, car : Avant que de sourire et nous quittons l´enfance Avant que de savoir la jeunesse s´enfuit Cela semble si court que l´on est tout surpris Qu´avant que de comprendre on quitte l´existence C’est pourquoi Sa jeunesse insiste sur un point : Lorsque l´on voit Loin devant soi Rire la vie Brodée d´espoir Riche de joies Et de folies Il faut boire jusqu´à l´ivresse Sa jeunesse Un univers, donc, qui relève du génie, mais qui reste à l’échelle humaine, que celui de Charles Aznavour. Un ami le qualifiait de « dernier poète de la chanson française ». Sans doute, et surtout un exemple à suivre ! La rédaction du Regard Libre vous suggère les nouveaux ouvrages suivants : Le soldeur (Michel Lied, roman Julliard, 2014) La Bagnarde (Narcisse Praz, Slatkine, 2013) Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 8 09 L’ENTRETIEN Faut-il être lu pour écrire ? Voici une interview sur le thème de l’écriture, réalisée auprès d’un jeune écrivain qui, par modestie, a tenu à garder l’anonymat. Le Regard Libre : Cher ami écrivain, un grand merci d’avoir accepté cet entretien. Tout d’abord, pourquoi cet anonymat ? tristesses. Rilke disait que « pour celui qui crée, il n’y pas de pauvreté ni de lieu indigent, indifférent. » Pour deux raisons : en premier lieu parce qu’il ne serait pas très décent de s’afficher publiquement lorsque l’on n’est qu’un néophyte dans le monde de la littérature, et encore… Deuxièmement, parce qu’il est toujours difficile de parler de ce que l’on écrit, comme l’avait déjà relevé Corinna Bille, et que l’anonymat permet une franchise et une liberté de cœur impossibles à découvert. Dans ce cas pour qui écris-tu et pourquoi ? En parlant de Corinna Bille, que penses-tu de la littérature valaisanne et par extension de la littérature suisse ? Comme toute forme artistique, la littérature dépend de beaucoup trop de facteurs historiques ou sociaux pour que l’on puisse porter un avis tranché sur elle. Toutefois, je comprends le reproche qui lui a souvent été fait – mais que Maurice Chappaz réfute – de tomber trop souvent dans la couleur locale. Quant au Valais, je suis toujours admiratif de voir à quel point il a pu inspirer les poètes : Ramuz, Corinna Bille… même Rilke fut d’une certaine manière valaisan, puisque c’est ici qu’il a décidé de finir ses jours. J’aime aussi des écrivains valaisans que l’on ne connaît plus et qui ont pourtant contribué à forger notre identité, comme Louis Courthion. Je suis d’accord avec Chappaz quand il dit que l’on écrit d’abord pour soi-même. Cela ne relève pas d’une démarche égoïste, mais bien d’une recherche personnelle qui nous permet d’être plus honnêtes envers autrui que lorsque l’on écrit pour les autres. Ensuite, nul texte n’est dénué d’expériences vécues et il arrive souvent qu’une personne soit en quelque sorte le destinataire d’une œuvre. Encore faut-il qu’elle sache le reconnaître… Quant à savoir pourquoi écrire, cela ne se choisit pas, c’est un état de fait qui nous permet de supporter la vie et de l’apprécier. Bien sûr, il y a des phases où l’on écrit moins et d’autres où l’on se sent plus inspiré. Mais un texte n’est pas une chose banale, il est le fruit d’une longue réflexion qu’il faut mûrir. Quel conseil donnes-tu à ceux qui hésitent à écrire ? Quels sont tes sujets de prédilection ? Je n’ai pas de conseil à donner. S’ils ressentent la vocation littéraire, ils finiront par s’y abandonner d’eux-mêmes, cela se fera naturellement. Ce qui importe, en revanche, c’est que le talent ne se perde pas. Il m’est insupportable de voir une personne douée – et j’en connais – se refuser à l’écriture par manque de temps, par dédain ou peut-être par peur, la peur d’une chose plus grande que soi et que l’on ne peut pas maîtriser. Je n’ai pas de sujet de prédilection ; tout peut être matière à écriture, même les petits moments de la vie, toutes les joies, toutes les Encore un grand merci pour cette brève mais enrichissante interview, avec tous nos vœux pour l’avenir. Interview réalisée par Sébastien Oreiller Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 9 10 CITATIONS « On ne peut décrire la réalité en toute impartialité. Il n’y a jamais lieu de s’en affliger, elle n’est ni triste ni gaie, les faits sont les faits, rien de plus. Ce qui importe, c’est la manière dont l’homme dépasse la situation. » « Les miracles se produisent parfois, mais il faut travailler dur pour les obtenir. » Chaïm Weizmann Simone de Beauvoir « Le succès, c'est d'aller d'échec en échec sans jamais perdre son enthousiasme. » « Être véritablement modeste, c’est comprendre que le sentiment que nous avons de notre propre supériorité ne vaut que pour nous. » Bernard Grasset Winston Churchill « La minorité a quelquefois raison, la majorité toujours tort. » « Rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu. » Bernard Shaw Victor Hugo « Chaque fois que vous avez un but, il faut sacrifier un peu de liberté pour l’atteindre. » « Il y a des peintres qui transforment le soleil en point jaune et d’autres qui transforment un point jaune en soleil. » Somerset Maugham Pablo Picasso Le Regard Libre | Mai 2014 | N° 04 10