Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? Global warming, which potential impacts on the vineyards? 28-30 mars 2007 / March 28-30, 2007 1 Vigne et évolution climatique en Bourgogne : Des conditions plus sèches en période de maturation du raisin Denis THÉVENIN Météo France, 22-24 rue de Broglie, 21000 Dijon, France [email protected] Résumé L’évolution des températures sur les dernières décennies a largement été étudiée, alors que celle des autres paramètres climatiques est souvent moins bien décrite. La présente communication ouvre le champ de l’étude des paramètres climatiques ayant une influence sur la microflore des raisins (levures, moisissures, bactéries…), et donc aussi bien l’état sanitaire du vignoble que sur des caractéristiques influant sur la qualité de la récolte. Les paramètres retenus sont l’humidité relative, seule ou croisée avec l’insolation, la fréquence des séquences sèches ou humides, l’évapotranspiration et le rayonnement. Elle porte sur les soixante dernières années à Dijon et se limite aux mois d’août et septembre. Il ne s’agit là que de mettre en évidence l’évolution des paramètres climatiques. Leurs conséquences sur le raisin comme le nombre de souches, leur répartition, leur intensité ou variabilité interannuelle, etc. sont du domaine de la microbiologie, avec lequel il faudrait poursuivre les investigations. Deux phénomènes concomitants sont à prendre en compte : d’une part, le décalage prématuré d’une vingtaine de jours de la date des vendanges entraîne inéluctablement, pendant la période qui précède ces vendanges, des conditions climatiques différentes et, notamment, moins humides. D’autre part, l’évolution, pour une même période, des paramètres étudiés durant ces dernières décennies tend également vers des conditions moyennes plus sèches. Pour le paramètre « humidité relative de l’air », une rupture assez nette est visible à partir des années 1990. Plus récemment encore, la raréfaction des humidités moyennes supérieures à 90 % (valeur décennale forte d’un début octobre) en septembre n’est observée qu’à partir des années 2000. De même, les valeurs hautes d’évapotranspiration et de rayonnement se retrouvent concentrées après 1990, confirmant à la fois une demande hydrique accrue et un plus grand pouvoir asséchant de l’air. L’étude des précipitations en août et septembre sur les quatre-vingt-cinq dernières années montre à la fois un nombre de jours avec pluie moins nombreux et une quantité plus faible, quelles que soient les classes de valeurs. En résumé, l’évolution notable des températures s’accompagne aussi, pendant la période de maturation, de conditions atmosphériques nettement plus sèches, tant en ce qui concerne l’humidité relative que les précipitations. Cette évolution, sensible après 1990, a nécessairement des conséquences sur l’état sanitaire du vignoble et la qualité de la récolte qu’il conviendrait de mieux étudier à partir de ces connaissances climatiques de base. *** La présente communication ouvre le champ de l'étude des paramètres climatiques ayant une influence sur la microflore des raisins (levures, moisissures, bactéries…). Elle concerne donc aussi bien l'état sanitaire du vignoble que la qualité potentielle de la production. Il s'agit de mettre en évidence uniquement l'évolution des paramètres climatiques. Leurs conséquences sur la microflore comme le nombre de souches, leur répartition, leur intensité ou variabilité interannuelle, etc. sont du domaine de la microbiologie. Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? Global warming, which potential impacts on the vineyards? 28-30 mars 2007 / March 28-30, 2007 2 Les paramètres étudiés sont l’humidité de l’air, le nombre de jours avec brouillard, l’insolation, le rayonnement, l’évapotranspiration, ainsi que les précipitations en août et septembre à Dijon sur les soixante dernières années. I. Des paramètres climatiques rares et délicats à exploiter L’humidité relative de l’air en pourcentage est définie comme le rapport entre son contenu en vapeur d’eau et celui d’un air saturé à même température. Par refroidissement, l’humidité relative augmente et atteint la saturation (100 %) à la température du point de rosée, entraînant la formation de gouttelettes d’eau liquide si le refroidissement se poursuit. Le lecteur gardera à l’esprit qu’il s’agit de données mesurées sous abri à 1,5 m du sol. L’humidité et la température dont elle dépend, peuvent parfois être assez différentes au niveau de la vigne. L’humectation peut intervenir avant 100 % d’humidité sous abri. La mesure régulière de l’humidité relative est assez récente et l’homogénéité des données n’est pas certaine, suite à l’évolution des techniques utilisées au fil des années. La mesure a été d’abord manuelle (psychrométre), puis automatique à partir des années 1980 avec différentes sondes. Nous retiendrons au final une série, sur DIJON, de 1949 à 2006, de valeurs quotidiennes moyennes obtenues à partir de (Humidité minimale + Humidité maximale)/2. La moyenne des valeurs horaires, plus précise, n’est disponible que depuis une vingtaine d’années. Les problèmes sur les séries sont similaires pour l’insolation (durée en heures, pendant laquelle le soleil brille — énergie reçue supérieure à 120 W/m²). Il est fait référence ici au rapport (en %) entre la durée d’insolation et la durée théorique du jour. Toutes les données sont issues de la BDCLIM (Base de Données Climatologiques) de Météo-France. La période commune retenue pour les différents paramètres étudiés est 1949-2006. Deux phénomènes concomitants sont à prendre en compte : - d'une part, l’avance d'une vingtaine de jours de la date des vendanges et - d’autre part, l'évolution, pour une même période, des paramètres étudiés durant ces dernières décennies. II. Humidité relative de l’air Les seuils de 60 et 90 % correspondent aux valeurs décennales basses (jours très secs) et hautes (jours très humides) vers le 5 septembre. On estime que les jours avec plus de 90 % d’humidité moyenne sont favorables à de longues périodes d’humectation. Une rupture assez nette est visible à partir des années 1990, avec une fréquence accrue de périodes pendant lesquelles l’humidité est faible par rapport aux années 1949-1989. Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? Global warming, which potential impacts on the vineyards? 28-30 mars 2007 / March 28-30, 2007 3 Dijon, valeurs quotidiennes de l'humidité relative de l'air inférieure à 60% 35 40 45 50 55 60 % 2005 2005 2003 2003 2001 2001 1999 1999 1997 1997 1995 1995 1993 1993 1991 1991 1989 1989 1987 1987 1985 1985 1983 1983 1981 1981 1979 1979 1977 1977 1975 1975 1973 1973 1971 1971 1969 1969 1967 1967 1965 1965 1963 1963 1961 1961 1959 1959 1957 Evolution de la date moyenne des vendanges 1955 1957 1955 1953 1953 1951 1951 1949 1 10 Août 20 1 10 Septembre 20 1949 Figure 1. Dijon, valeurs quotidiennes de l’humidité relative de l’air inférieure à 60 % La diminution des jours avec forte humidité apparaît bien visible après les années 2000. De même, le nombre de jours avec brouillard (visibilité inférieure à 1 000 m) est en diminution. Du 20 août au 20 septembre, la moyenne est passée de 3,6 jours (1949-1989) à 2,6 à partir de 1990. Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? Global warming, which potential impacts on the vineyards? 28-30 mars 2007 / March 28-30, 2007 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 4 100 % 2005 2005 2003 2003 2001 2001 1999 1999 1997 1997 1995 1995 1993 1993 1991 1991 1989 1989 1987 1987 1985 1985 1983 1983 1981 1981 1979 1979 1977 1977 1975 1975 1973 1973 1971 1971 1969 1969 1967 1967 1965 1965 1963 1963 1961 1961 1959 1959 1957 1957 1955 Evolution de la date moyenne des vendanges 1953 1951 1955 1953 1951 1949 1949 1 20 10 Août 1 10 20 Septembre Figure 2. Dijon, valeurs quotidiennes de l’humidité relative supérieure à 90 % III. L’ÉvapoTranspiration Potentielle (ETP) L’évapotranspiration potentielle dépend des paramètres « température, humidité, vent et rayonnement ». Elle correspond à la demande climatique en eau, son évolution est significative après 1990 : les fortes valeurs d’ETP quotidiennes supérieures à la valeur décennale se retrouvent concentrées après 1990, confirmant à la fois une demande hydrique accrue et un plus grand pouvoir asséchant de l'air. De même pour le rayonnement global (série 1977-2006), les valeurs décennales élevées se concentrent après 1990. Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? Global warming, which potential impacts on the vineyards? 28-30 mars 2007 / March 28-30, 2007 5 DIJON, ETP (EvapoTranspiration Potentielle) supérieure à la valeur décennale 3 4 5 6 7 8 9 mm 2005 2005 2003 2003 2001 2001 1999 1999 1997 1997 1995 1995 1993 1993 1991 1991 1989 1989 1987 1987 1985 1985 1983 1983 1981 1981 1979 1979 1977 1977 1975 1975 1973 1973 1971 1971 1969 1969 1967 1967 1965 1965 1963 1963 1961 1961 1959 1959 Evolution de la date moyenne des vendanges 1957 1955 1957 1955 1953 1953 1951 1951 1949 1949 1 10 Août 20 1 20 10 Septembre Figure 3. Dijon, ETP (ÉvapoTranspiration Potentielle) supérieure à la valeur décennale L’étude de l’insolation entre le 20 août et le 20 septembre ne permet pas de dégager de tendance significative. De plus, les faibles variations peuvent être dues à l’inhomogénéité de la série (changement de type de capteur en 1967 et 1991). - Insolation du 20 août au 20 septembre : Moyenne : 221 heures 1 année sur 5, inférieure à 186 heures 1 année sur 5, supérieure à 259 heures Nombre moyen de jours bien ensoleillé : 9 Nombre moyen de jours peu ensoleillé : 7 Depuis 1990, le nombre moyen de jours bien ensoleillés tend vers dix et le nombre moyen de jours peu ensoleillés tend vers six Sur le graphique ci-dessous des journées bien ensoleillées avec air sec, la fréquence des cas après 2000 est davantage due à l’augmentation des jours avec air sec qu’à celle des jours bien ensoleillés. Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? Global warming, which potential impacts on the vineyards? 28-30 mars 2007 / March 28-30, 2007 6 DIJON, Jours avec humidité relative de l'air inférieure à 60% et insolation supérieure à 80% de la durée du jour. 2005 2005 2003 2003 2001 2001 1999 1999 1997 1997 1995 1995 1993 1993 1991 1991 1989 1989 1987 1987 1985 1985 1983 1983 1981 1981 1979 1979 1977 1977 1975 1975 1973 1973 1971 1971 1969 1969 1967 1967 1965 1965 1963 1963 1961 1961 1959 1959 1957 1957 Evolution de la date moyenne des vendanges 1955 1955 1953 1953 1951 1951 1949 1949 1 10 20 Août 1 10 20 Septembre Figure 4. Dijon, jours avec humidité relative de l’air inférieure à 60 % et insolation supérieure à 80 % de la durée du jour IV. Les précipitations du 20 août au 20 septembre Les statistiques sur les quatre-vingt-cinq dernières années (ici présentées de 1949 à 2006) montre à la fois un nombre de jours avec pluies moins nombreux et une quantité plus faible. Le graphique ci-dessous montre l’évolution de la hauteur sur la période et le nombre de jours de pluie (> 0.5mm). Nombre de jours de pluie Tendance hauteur des pluies Tendance nombre de jours 20 180 18 160 16 140 14 120 12 100 10 Figure 5. Dijon, précipitations du 20 août au 20 septembre, hauteur (mm) et nombre de jours 2005 2000 0 1995 0 1990 2 1985 20 1980 4 1975 40 1970 6 1965 60 1960 8 1955 80 Nombre de jours Hauteur (mm) 200 1950 Hauteur (mm) Dijon, précipitations du 20 août au 20 septembre, hauteur (mm) et nombre de jours Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? Global warming, which potential impacts on the vineyards? 28-30 mars 2007 / March 28-30, 2007 7 Cette tendance reste vraie quelles que soient les classes de valeurs, faibles (0.5 à 5mm, graphique ci-dessous), moyennes (5-10 mm) ou fortes (> 10 mm). Nombre de jours de pluie Tendance hauteur des pluies Tendance nombre de jours 0 0 2005 2 2000 5 1995 4 1990 10 1985 6 1980 15 1975 8 1970 20 1965 10 1960 25 1955 12 Figure 6. Dijon, précipitations faibles (0,5 à 5 mm) du 20 août au 20 septembre, hauteur (mm) et nombre de jours V. Conclusion Si l'évolution notable des températures est un cadre bien connu de la culture de la vigne en Bourgogne, elle s'accompagne aussi, pendant la période de maturation, de conditions atmosphériques nettement plus sèches, tant en ce qui concerne l'humidité relative que les précipitations. Cette évolution, sensible notamment après 1990, a nécessairement des conséquences sur l'état sanitaire du vignoble et la qualité de la récolte, qu'il conviendrait de mieux étudier à partir de ces connaissances climatiques de base. Nombre de jours Hauteur (mm) 30 1950 Hauteur (mm) Dijon, précipitations faibles (0.5 à 5 mm) du 20 août au 20 septembre hauteur (mm) et nombre de jours