"Guerre et politique", collection d`approches

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"Guerre et politique", collection d'approches
pluridisciplinaires sur le fait guerrier
L’Académie des sciences morales et politiques regorge des plus brillants scientifiques des
sciences humaines et sociales (sauf exception). Elle édite donc les réflexions partagées par
ceux-ci lors d’un colloque consacré aux rapports entre le phénomène guerrier et le/la politique.
L’objectif, faire émerger une « vraie » science de la guerre comprise comme objet de
connaissance et non comme moyen de gagner (stratégie…). Si la grande diversité des
intervenants impressionne et nourrit la réflexion, les pistes ne semblent qu’ébauchées par cet
éclatement logique dans le cadre d’un colloque.
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Le projet d’une science de la guerre
Le propos inaugural de Jean Baechler est clair : il faut prendre la science de la guerre comme
un moyen de connaissance sur les sociétés et leur évolution dans l’espace et le temps. Pour
cela, il convoque tout ce que l’Institut compte d’approches théoriques. La guerre sera
approchée par les différentes spécialités des contributeurs : l’histoire, la philosophie,
l’anthropologie, les relations internationales… L’histoire domine nettement, même si
l’anthropologie est bien représentée.
Les articles composent donc une large palette de vingt articles qui se décline en cinq grandes
parties, non chronologiques et qui semblent parfois organisées de manière aléatoire : le
concept de guerre ; les types de guerre ; guerre et construction politique ; les régimes politiques
et la guerre ; guerres et logiques politiques.
Dépasser Clausewitz ?
Que retenir de ces articles ? Tout d’abord, les grands érudits donnent incontestablement des
points de vue les plus renseignés sur leur domaine de prédilection : Contamine sur les armées
(ici les châteaux) médiévaux ; Ramel sur la confrontation aux concepts de la théorie des
relations internationales ; Yann Le Bohec sur la guerre à l’époque augustéenne et sa place
dans cette « restauration »… On ne peut être que séduit par ce prestigieux panel. Pour autant,
souvent, il est malaisé, et c’est bien là le problème des journées d’études en général, de
généraliser toutes ces petites synthèses de travaux d’une vie qui en restent au stade d’études
de cas non reliées entre elles. Des « confrontations » d’approches auraient permis ceci, sans
aucun doute pour éviter que chacun « parle à lui-même ».
La distinction conceptuelle et sémantique inaugurale de Jean Baechler (« La guerre comme
concept »), fort utile et où la notion de politie est largement mise en avant, n’est ainsi jamais
reprise par ses collègues dans leurs démarches, si bien qu’on risque de n’en retirer qu’un
pinaillage sur quelques termes techniques. L’étude des guerres sacrées menée par François
Lefèvre semble dépasser le cadre de quelques conflits d’ailleurs bien mal renseignés pour
pouvoir renseigner plus largement sur le monde grec et surtout le fait guerrier. Ainsi il montre
combien l’Amphictionie, le conseil de Delphes devant gérer les biens du sanctuaire consacré à
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Apollon et in fine réguler les relations entre les cités (le terme de relations internationales est
lâché à plusieurs reprises…), est peu à peu dépassé par les rivalités et le souhait de se détruire
plutôt que de se dominer. Le parallèle avec la Société des Nations sera vite fait, même si le
contexte est bien différent. De même, Jean Guilaine rappelle à toutes fins utiles combien on
peut mettre en parallèle naissance du politique et naissance du fait guerrier. De même, les
nouveautés ne sont pas le but de Yann Le Bohec dans son approche de la guerre aux temps
d’Auguste. En effet, la thèse de la propagande augustéenne est déjà communément admise, et
l’exposition « Moi, Auguste » (voir notre critique) y consacrait une large section : Auguste, pour
éviter de paraître nouveau Roi, la royauté étant haïe des Romains, cherche à faire passer sa
concentration du pouvoir à travers une mise en avant de la volonté de pacification et la
restauration des cultes traditionnels (aux ancêtres…). Ici il s’agit donc de mettre en avant le rôle
du thème de la paix dans l’édification du système de gouvernement augustéen. Les articles les
plus féconds pour l’objectif sont ceux qui partent des connaissances pour gagner l’objet
guerre, mais rarement celui-ci apparaît comme premier ou point de départ. Ainsi, Lucien Bély
parle au fond plus d’Etats et de système westphalien que de guerre à proprement parler…
Enfin et surtout, le souhait formulé initialement de dépasser ou de se distinguer de Clausewitz
apparaît comme un horizon bien difficile à atteindre. Ainsi, une grande majorité d’articles s’y
réfère, partiellement ou bien souvent, et pas simplement Frédéric Ramel qui cherche à mettre à
jour la notion de guerre dans les relations internationales, rappelant ce que Sassen, Nye ou
bien d’autres libéraux ou critiques ont avancé, à savoir la fin de la guerre menée par un acteur
unique, l’Etat. Clausewitz réapparaît si souvent qu’il demeure un point de référence.
La collection d’articles trace donc des pistes pour réfléchir, à partir de disciplines et thèmes
épars, sur l’objet guerre. Elle donne accès à des synthèses érudites mais l’effort de mettre au
centre l’objet guerre doit bien souvent être accompli par le lecteur, même si, bien évidemment,
certains auteurs (Baechler, Heuser, Contamine surtout).
Guerre et politique, dir. Jean BAECHLER et Jean-Vincent HOLEINDRE, Hermann, 284 p.,
sortie en août 2014.
Visuel : couverture du livre
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