Introduction `a la théorie algébrique des nombres

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Introduction à la théorie algébrique des nombres
Vincent Pilaud
Mars 2004
Lors de la présentation orale de cet exposé, on commencera à la partie 2, la première partie ne servant que de
rappels utiles à son auteur. Les démonstrations ne seront en général que vaguement abordées. On donnera des exemples
principalement sur les extensions quadratiques et cyclotomiques, puisque ce sont celles qui nous intéresseront par la
suite, mais ces exemples ne sont en général pas démontrés.. Le dernier paragraphe n’est qu’une vague introduction à
l’exposé suivant sur le nombre de classes.
1
Extensions de corps
Définition 1. Soient K et L des corps tels que K ⊂ L. On dit alors que L est une extension (de corps) de K,
et on note L/K cette extension.
Remarque 1. Si L est une extension de K, alors L peut être vu comme un K-espace vectoriel avec la loi externe :
∀a ∈ K, ∀b ∈ L, a.b = ab (multiplication dans le corps L).
Si L est de dimension finie sur K, on dit que l’extension L/K est finie et la dimension de L sur K est appelée
degré de l’extension et est notée [L : K].
Théorème 1 (de la base télescopique et de la multiplication du degré). Soient K, L et M des corps tels que
K ⊂ L ⊂ M . Soient (ei )i∈I et (fj )j∈J des bases respectives du K-espace vectoriel L et du L-espace vectoriel M .
Alors (ei fj )i∈I,j∈J est une base du K-espace vectoriel M .
En particulier, si L/K et M/L sont finies de degrés respectifs [L : K] et [M : L], alors M/K est finie de degré
[M : K] = [M : L][L : K].
Définition 2. Soit L/K une extension de corps et A une partie de L.
On appelle extension engendrée par A, et on note K(A) le plus petit sous-corps de L contenant K et A. Si
A = {a1 , . . . , an } est fini, on note aussi K(A) = K(a1 , . . . , an ).
Si L = K(A), on dit que A engendre L sur K. Enfin, on dit que l’extension L/K est monogène si il existe
a ∈ L tel que L = K(a).
Remarque 2. Si L/K est une extension de corps et A une partie de L, on note K[A] le plus petit sous-anneau de L
contenant K et A. On a bien sûr K[A] ⊂ K(A).
Pour a ∈ L, on peut décrire K[a] et K(a) de la façon suivante :
– x ∈ K[a] ⇔ ∃P ∈ K[X], P (a) = x
P (a)
=x
– x ∈ K(a) ⇔ ∃P, Q ∈ K[X], Q(a)
On peut généraliser cette description à A = {a1 , . . . , an }.
Il est important de noter que K[a] (resp. K(A)) n’est en général pas isomorphe à l’anneau des polynômes K[X]
(resp. au corps des fractions K(X)) puisqu’il peut arriver que P (a) = 0 avec P 6= 0.
Plus précisément, il y a deux situations possibles :
Définition 3. Soit L/K une extension de corps et a ∈ L.
Soit φ : K[X] −→ L l’homomorphisme défini par φ(P ) = P (a),
1. Si φ est injective, on dit que a est transcendant.
2. sinon, on dit que a est algébrique. Dans ce cas, l’idéal I = Kerφ est principal non nul, donc il est engendré
par un unique polynôme Π unitaire, appelé polynôme minimal de a sur K.
Proposition 1.
1. Si a est transcendant, K[a] ' K[X] et K(a) ' K(X).
2. Si a est algébrique, K[a] ' K(a) ' K[X]/(Π).
1
√
Exemples 1.
– i, 3 2, . . . sont algébriques sur Q,
– ePet π sont transcendants sur Q,
1
est transcendant.
–
10n!
Preuve 1. Soit α un nombre algébrique. Alors il existe n ∈ N∗ et K ∈ R∗ tels que ∀(p, q) ∈ Z × Z∗ , |α − pq | ≥ qKn .
1
En effet, soit P tel que P (α) = 0. Soient n = d(P ) et K
= sup[α−1;α+1] |P 0 |. Alors ∀ pq ∈ [α − 1; α + 1], |P ( pq )| ≤
p
p
1 p
N
1
K
K .| q − α|. Mais P ( q ) = q n ≥ q n , et donc |α − q | ≥ q n .
On en déduit immédiatement que
P
1
10n!
est transcendant.
Définition 4. Une extension L/K est algébrique si pour tout a ∈ L, a est algébrique sur K.
Remarque 3. Une extension finie est algébrique.
Définition 5. Un corps K est dit algébriquement clos si il vérifie l’une des conditions équivalentes suivantes :
– tout polynôme P ∈ K[X] de degré non nul admet une racine dans K,
– tout polynôme P ∈ K[X] est produit de polynômes de degré 1,
– les éléments irréductibles de K[X] sont les X − a, a ∈ K,
– si une extension L/K est algébrique, alors L = K.
Si K est un corps, une cloture algébrique de K est un corps algébriquement clos K̃ tel que K̃/K soit algébrique.
Théorème 2. Soit L/K une extension de corps.
Soit E = {x ∈ L|x algébrique sur K}. Alors :
1. E est un sous-corps de L,
2. tout élément de L algébrique sur E est dans E,
3. si L est alébriquement clos, E est algébriquement clos. C’est la cloture algébrique de K.
2
Corps de nombres algébriques
2.1
Définition et représentation
Soit K un sous-corps de C. Alors puisque 1 ∈ K, par addition passage à l’opposé et à l’inverse, Q ⊂ K.
Définition 6. Un sous-corps de C, K, est appelé corps de nombres si l’extension K/Q est finie. Le degré de
l’extension est aussi appelé degré de K.
Théorème 3 (de l’élément primitif ).
1. Si a ∈ C est un nombre algébrique, alors Q(a) est un corps de nombre.
2. Réciproquement, pour tout corps de nombres K, il existe θ ∈ K tel que K = Q(θ). θ est appelé élément primitif
de K.
Démonstration Soit a1 ∈ K? . Alors Q(a1 ) ⊂ K. Si Q(a1 ) = K, alors c’est terminé. Sinon, il existe a2 ∈
/ Q(a1 ). Alors
Q(a1 , a2 ) ⊂ K et [Q(a1 , a2 ) : Q] > [Q(a1 ) : Q].
On construit ainsi par récurrence une suite strictement croissante de sous-espaces vectoriels de K. Puisque la
dimension de K est finie, il existe n ∈ N tel que Q(a1 , . . . , an ) = K.
Il suffit donc de prouver que pour tous nombres a, b ∈ K, il existe c ∈ K tel que Q(a, b) = Q(c).
Soient donc a, b ∈ K et Pa , Pb ∈ Q[X] leurs polynômes minimaux. Soient a1 = a, a2 , . . . , am et b1 = b, b2 , . . . , bn
les racines respectives de ces polynômes. Les (ai )i=1,...,m et les (bj )j=1,...,n sont deux à deux distincts, donc pour tout
i = 1, . . . , m et j = 1, . . . , n, l’équation ai + xbj = a1 + xb1 a au plus une solution. On peut donc choisir z ∈ Z∗ ne
vérifiant aucune de ces équations, et soit c = a + zb.
Il est clair que Q(c) ⊂ Q(a, b) et qu’il suffit, pour montrer l’inclusion inverse, de montrer que b ∈ Q(c). Posons
Q(X) = Pa (c − zX). C’est un polynôme à coefficients dans Q(c) et b est la seule racine commune à Q et P b . Donc b
est l’unique racine du P GCD de Q et Pb qui sont tous les deux dans Q(c), donc b ∈ Q(c).
√
√
Exemples 2.
1. Soit d ∈ Z sans facteur carré. Alors Q( d) = {α + β d|α, β ∈ Z} est un corps de nombres de
degré 2 appelé corps quadratique.
2. Soit p un nombre premier impair et ω = e
cyclotomique.
2iπ
p
. Alors Q(ω) est un corps de nombres de degré p − 1, appelé corps
2
2.2
Conjugués, normes et traces
Définition 7. Soit K un corps de nombres de degré d.
On appelle morphisme de conjugaison tout morphisme de corps σ de K dans C laissant Q invariant, i.e. :

σ : K −→ C



σ(x + y) = σ(x) + σ(y) ∀x, y ∈ K
σ(xy)
= σ(x)σ(y)
∀x, y ∈ K



σ(r) = r
∀r ∈ Q
En particulier, σ est une application Q-linéaire de K dans C.
Théorème 4. Soit K un corps de nombres de degré d, θ un élément primitif, θ 1 = θ, θ2 , . . . , θd les racines (distinctes)
du polynôme minimal de θ.
Il existe exactement d morphismes de conjugaison σ1 , . . . , σd , définis par ∀i = 1, . . . , d, σi (θ) = θi .
Démonstration
1. On note Π(X) =
Pd
i=0
pi X i le polynôme minimal de θ. Par définition des morphismes de conjugaison,
d
X
i
pi σ(θ) = σ(
d
X
pi θi ) = σ(0) = 0
i=0
i=0
Donc pour tout morphisme de conjugaison σ, σ(θ) est une racine de Π. Comme σ(θ) détermine σ, il existe au
plus d morphismes de conjugaison.
2. Réciproquement, on définit d morphismes de conjugaison différents en posant :
σi (
d−1
X
ak θ k ) =
k=0
d−1
X
ak θik
k=0
Définition 8. Soit K un corps de nombres de degré d, σ1 = Id, σ2 , . . . , σd les d morphismes de conjugaison de K.
Pour x ∈ K, on définit la norme de x, notée N (x) et la trace de x, notée T (x) par :
N (x) = σ1 (x)σ2 (x) . . . σd (x)
T (x) = σ1 (x) + σ2 (x) + . . . + σd (x)
Notons que pour x ∈ Q, N (x) = xd .
Théorème 5. Soit K un corps de nombres de degré d.
∀x ∈ K, N (x) ∈ Q et T (x) ∈ Q
∀x, y ∈ K, T (x + y) = T (x) + T (y)
∀x, y ∈ K, N (xy) = N (x)N (y)
∀x ∈ K, N (x) = 0 ⇔ x = 0
Démonstration
1. Un peu de théorie de Galois,
2. évident,
3. évident,
4. N (x) = 0 ⇔ ∃i ∈ {1, . . . , d}, σi (x) = 0. Or si x s’écrit x = P (θ) avec P ∈ Qd−1 [X], σi (x) = 0 ⇔ P (θi ) = 0 et
comme le polynôme minimal de θi est Π, qui est de degré d, P = 0 et donc x = 0.
√
Exemples
1. √Soit Q( d) un corps quadratique.
Alors les morphismes √
de conjugaison sont σ1 = Id et σ2 (α +
√ 3.
√
β d) = α − β d. Par conséquent, N (α + β d) = α2 − dβ 2 et T (α + β d) = 2α.
p
√
2. Soit Q( 3 d) un corps cubique pur (θ = 3 (d)). Alors N (α+βθ+γθ) = α3 +dβ 3 +d2 γ 3 −3αβγd et T (α+βθ+γθ) =
3α.
3
2.3
Anneau des entiers d’un corps de nombres
Définition 9. On dit qu’un élément α ∈ C est un entier algébrique si il est algébrique et si son polynôme minimal
est à coefficients entiers relatifs.
Théorème 6. Soit α ∈ C un nombre algébrique sur Q. Alors il existe k ∈ N tel que kα soit un entier algébrique.
Pd
Démonstration Soit Pα (X) = i=0 ai X i le polyôme minimal de α. Si on écrit, ∀i ∈ {0, . . . , d}, ai = ndii , et k =
Qd
Pd
d−i i
X est le polynôme minimal de kα et est à coefficients entiers.
i=0 di , alors Qα (X) =
i=0 ai k
Théorème 7. Si α et β sont des entiers algébriques, alors α + β et αβ sont des entiers algébriques.
Pd
Démonstration Soient α et β deux entiers algébriques et Pα = i=0 ai X i et Pβ leurs polynômes minimaux. Soient
β1 = β, β2 , . . . , βp Q
les racines de Pβ .
p
Alors Q(X) = i=1QPα (X − βi ) est un polynôme à coefficients entiers et annule α + β.
p
X
) est un polynôme à coefficients entiers et annule αβ.
De même R(X) = i=1 βid Pα ( βi
Définition 10. On appelle entier de K un élément de K qui est un entier algébrique.
On appelle anneau des entiers, et on note OK , l’ensemble des entiers de K, qui est un anneau d’après le théorème
précédent.
Proposition 2. ∀α ∈ OK , N (α) ∈ Z et T (α) ∈ Z
Démonstration Pour tout morphisme de conjugaison σ, Pα (σ(α)) = Pα (α) = 0, donc σ(α) est un entier de K. Donc
comme produit et somme d’entiers de K, N (α) et T (α) sont encore des entiers de K, qui sont entiers parce qu’ils sont
dans Q.
√
Exemples 4.
1. Soit Q( d) un corps quadratique. Alors :
√
(a) Si d ≡ 2 ou 3 [mod 4], alors OQ(√d) = Z[ d],
√
(b) Si d ≡ 1 [mod 4], alors OQ(√d) = Z[ 1+2 d ].
2. Soit Q(ω) un corps cyclotomique. Alors OQ(ω) = Z[ω].
2.4
Unités
×
son groupe des unités.
Définition 11. Soit OK l’anneau des entiers d’un corps de nombres K de degré d. Soit OK
×
Théorème 8. Alors ∀² ∈ OK , ² ∈ OK
⇔ |N (²)| = 1.
Démonstration
Qd
Qd
1. N (²) = ±1 = ². i=2 σi (²). Or ∀α ∈ OK , ∀i ∈ {2, . . . , n}, σ(α) ∈ OK , et donc le produit i=2 σi (a) est encore
dans OK . Donc ² est bien inversible dans OK .
2. Réciproquement, ²²0 = 1, avec ², ²0 ∈ OK ⇒ N (²)N (²0 ) = 1 ⇒ |N (²)| = 1 car N (²), N (²0 ) ∈ Z.
Théorème 9. Soit K un corps de nombres. Il existe η1 , . . . , ηk , appelées unités fondamentales, telles que tout
×
s’écrive, de manière unique, sous la forme d’un produit ² = ζη1n1 . . . ηknk , avec ni ∈ Z et ζ est une racine de
² ∈ OK
×
l’unité appartenant à OK
.
√
Exemples 5.
1. Soit Q(i d) un corps quadratique imaginaire. Alors :
× √
= U4 ,
(a) Si d = 1, alors OQ(i
d)
× √
(b) Si d = 3, alors OQ(i
= U6 ,
d)
× √
= {±1}.
(c) Si d ∈
/ {1, 3}, alors OQ(i
d)
√
×√
2. Soit Q( d) un corps quadratique réel. Alors il existe une unité fondamentale λ > 1 telle que O Q(
= {±λn |n ∈
d)
Z}.
3. Soit Q(ω) un corps cyclotomique. Alors les unités de Q(ω) sont de la forme ² = ηω n , où n ∈ N et η est une
unité réelle.
4
2.5
Discriminants et bases entières
Définition 12. Soit K = Q(θ) un corps de nombres de degré d. Soit Λ = (λ 1 , . . . , λd ) une base de K en tant que
Q-espace vectoriel.
On définit le discriminant ∆[λ1 , . . . , λd ] de cette base par :


σ1 (λ1 ) σ1 (λ2 ) . . . σ1 (λd )
 σ2 (λ1 ) σ2 (λ2 ) . . . σ2 (λd ) 
2

∆[λ1 , . . . , λd ] = D[λ1 , . . . , λd ]2 = (det 
)
..
..
..


.
.
.
σd (λ1 )
σd (λ2 )
...
σd (λd )
Proposition 3. Soit K = Q(θ) un corps de nombres de degré d et Π le polynôme minimal de θ. Il est clair que
(1, θ, θ 2 , . . . , θ d−1 ) est une base du Q-espace vectoriel K et :
∆[1, θ, θ 2 , . . . , θ d−1 ] = (−1)
d(d−1)
2
N (Π0 (θ))
Démonstration On appelle θ1 = θ, θ2 , . . . , θd les racines de Π. Par définition des σi , σi (θj ) = θij , et donc :


1
1
...
1
 θ1
θ2
...
θ2 
Y


(θi − θj )2
∆[1, θ, θ 2 , . . . , θ d−1 ] = (det  ..
.. )2 =
..
 .
.
. 
1≤i≤j≤d
θ1d−1 θ2d−1 . . . θdd−1
Qd
Or Π(X) = i=1 (X − θi ), et donc
Π0 (X) =
d Y
X
j=1 i6=j
(X − θi ) et Π0 (θj ) =
Y
i6=j
(θj − θi )
et donc en prenant la norme,
N (Π0 (θ)) =
d Y
Y
j=1 i6=j
(θj − θi ) = (−1)
d(d−1)
2
Y
1≤i≤j≤d
(θi − θj )2 = (−1)
d(d−1)
2
∆[1, θ, θ 2 , . . . , θ d−1 ]
Proposition 4. Soit K = Q(θ) un corps de nombres de degré d. Soient A = (α 1 , . . . , αd ) et B = (β1 , . . . , βd ) deux
bases du Q-espacePvectoriel K.
d
Posons αj = i=1 ci,i βi . Alors :
∆[α1 , . . . , αd ] = (det[ci,j ]1≤i,j≤d )2 ∆[β1 , . . . , βd ]
Proposition 5. Pour toute base A = (α1 , . . . , αd ) de K = Q(θ), ∆[α1 , . . . , αd ] ∈ Q∗+ .
De plus, si pour tout i, αi ∈ OK , alors ∆[α1 , . . . , αd ] ∈ N.
Démonstration
∆[α1 , . . . , αd ] = (det[ci,j ]1≤i,j≤d )2 ∆[1, θ, θ 2 , . . . , θ d−1 ] = (det[ci,j ]1≤i,j≤d )2 (−1)
d(d−1)
2
N (Π0 (θ)) ∈ Q∗+
De plus, si tous les αi sont des entiers algébriques, les σj (αi ) sont aussi des entiers algébriques, et ∆[α1 , . . . , αd ],
comme sommes et produits d’entiers algébriques est encore algébrique.
Théorème 10. Soit K = Q(θ) un corps de nombres de degré d et I 6= {0} un idéal de O K .
Alors il existe α1 , α2 , . . . , αd ∈ I, linéairement indépendants sur Q, tels que :
I = {n1 α1 + . . . + nd αd |n1 , . . . , nd ∈ Z}
Autrement dit, tout idéal de OK est un Z-module de rang d.
Remarque 4. Si A = (α1 , . . . , αd ) et B = (β1 , . . . , βd ) deux bases de l’idéal I considéré comme Z-module, en posant
Pd
Pd
αj = i=1 ci,i βi et βj = i=1 c0i,i αi , il est clair que [ci,j ]1≤i,j≤d et [c0i,j ]1≤i,j≤d sont inverses l’une de l’autre, et donc
que det([ci,j ]1≤i,j≤d )det([c0i,j ]1≤i,j≤d ) = 1. Ceci implique que det([ci,j ]1≤i,j≤d ) = ±1 et donc
∆[α1 , . . . , αd ] = (det[ci,j ]1≤i,j≤d )2 ∆[β1 , . . . , βd ] = ∆[β1 , . . . , βd ]
D’où la définition :
5
Définition 13. Soit K = Q(θ) un corps de nombres de degré d et I 6= {0} un idéal de O K .
L’entier naturel ∆[α1 , . . . , αd ], qui ne dépend pas de la base (α1 , . . . , αd ) du Z-module I, est appelé discriminant
de I et noté ∆(I).
Remarque 5. OK est un idéal de OK .
Son discriminant est appelé discriminant du corps K, et noté ∆(K).
√
Exemples 6.
1. Soit Q( d) un corps quadratique. Alors :
√
√
(a) Si d ≡ 2 ou 3 [mod 4], alors OQ(√d) = Z( d), donc ∆(Q( d)) = 4d,
√
√
(b) Si d ≡ 1 [mod 4], alors OQ(√d) = Z( 1+2 d ), donc ∆(Q( d)) = d.
2. Soit Q(ω) un corps cyclotomique. Alors ∆(Q(ω)) = (−1)
3
p−1
2
pp−2
Idéaux
3.1
Idéaux d’un corps de nombres
Définition 14. Soit K = Q(θ) un corps de nombres, OK l’anneau des entiers de K et α1 , . . . , αn ∈ K.
On appelle idéal fractionnaire de K engendré par α1 , . . . , αn le OK -module engendré par α1 , . . . , αn .
On note I(K) l’ensemble des idéaux fractionnaires de K.
Si α1 , . . . , αn ∈ OK , on dit que c’est un idéal entier de OK .
Remarque 6. Un idéal entier de OK est un idéal de OK .
Définition 15. Soient A =< α1 , . . . , αn > et B =< β1 , . . . , βm > deux idéaux fractionnaires de K. On pose :
A + B = {a + b|a ∈ A, b ∈ B}
A.B = {
q
X
i=1
ai bi |q ∈ N∗ , ai ∈ A, bi ∈ B}
Remarque 7. Il est clair que : A+B =< α1 , . . . , αn , β1 , . . . , βm > et A.B =< α1 β1 , . . . , α1 βm , α2 β1 , . . . , αn β1 , . . . , αn βm >.
Proposition 6. (I(K)∗ , .) est un groupe commutatif d’élément neutre < 1 >= OK .
Démonstration
1. La multiplication est clairement commutative et OK est bien neutre. Il ne reste donc qu’à montrer l’existence de
l’inverse.
Pn
Pm
2. Soient U (X) = i=0 ui X i et V (X) = j=0 vj X j deux polynômes dont les coefficients sont des entiers algéPnm
briques (avec un 6= 0 et vm 6= 0) et W (X) = U (X)V (X) = k=0 wk X k . Si il existe un entier algébrique δ tel
que tous les wk /δ soient des entiers algébriques, alors tous les ui vj /δ sont des entiers algébriques.
3. Soit A =< α1 , . . . , αn > un idéal fractionnaire non nul (avec αn 6= 0). On note σ1 = Id, σ2 , . . . , σd les morphismes
Qd P n
Pn
de conjugaison. On pose f (X) = i=0 αi X i et g(X) = j=2 ( i=0 σj (αi )X i ).
P(d−1)n
Alors f (X), g(X) ∈ OK [X] et f (X)g(X) k=0 γk X k ∈ Z[X].
On pose a = pgcd(γi |i ∈ {0, . . . , (d − 1)n}). Alors < a−1 > B est l’inverse de A.
Remarque 8. La multiplication est distributive sur l’addition.
3.2
Arithmétique des idéaux entiers
Définition 16. Soient A, B ∈ I(OK ) deux idéaux entiers.
On dit que A divise B, et on note A|B, si il existe C ∈ I(OK ) tel que A.C = B.
Théorème 11. Soient A, B ∈ I(OK ). Alors A|B ⇔ B ⊂ A.
Démonstration
– A|B ⇒ ∃C ∈ I(OK ), B = A.C ⊂ A.
6
– Supposons B ⊂ A. Le cas A =< 0 > est trivial. Sinon, A est inversible dans I(K) et B ⊂ A ⇒ BA −1 ⊂< 1 >.
Donc BA−1 est un idéal entier C et B = A.C.
Définition 17. On définit, de la même façon que pour les entiers, le Plus Grand Diviseur Commun :
P GCD(A, B)|A, P GCD(A, B)|B et D|A et D|B ⇒ D|P GCD(A, B)
Théorème 12. Soient A, B ∈ I(OK ). Alors P GCD(A, B) = A + B.
Démonstration
¾
0 ∈ A ⇒ A ⊂ (A + B) ⇒ (A + B)|A
⇒ (A + B)|P GCD(A, B)
0 ∈ B ⇒ B ⊂ (A + B) ⇒ (A + B)|B
¾
A = P GCD(A, B)A0
⇒ P GCD(A, B)|(A + B)
B = P GCD(A, B)B 0
Définition 18. Deux idéaux A et B sont premiers entre eux si P GCD(A, B) = A + B =< 1 >.
Remarque 9. On voit bien ici une généralisation de l’identité de Bezout : si A =< a > et B =< b > sont deux
idéaux principaux, alors A + B = {au + bv|u, v ∈ OK }.
Théorème 13 (de Gauss). Soient A, B, C ∈ I(OK ).
Si A|BC et A est premier avec B, alors A|C.
Démonstration
A + B =< 1 >
AD = BC
¾
⇒ A(C + D) = AC + AD = AC + BC = (A + B)C = C
Définition 19. Soit P ∈ I(OK ) est premier si P 6=< 1 > et si ∀A ∈ I(OK ), A|P ⇒ A =< 1 > ou A = P .
Lemme 1. Soient P et Q deux idéaux entiers tels que B|A.
Alors ∆(A)|∆(B).
Si de plus ∆(A) = ∆(B), alors A = B.
Démonstration Soient (α1 , . . . , αd ) et (β1 , . . . , βd ) des bases respectives de A et B.
Pd
B|A ⇒ A ⊂ B, donc si on écrit αj = i=1 ci,i βi , alors les ci,j sont des entiers de K, donc det[ci,j ]1≤i,j≤d ∈ Z et
comme ∆[α1 , . . . , αd ] = (det[ci,j ]1≤i,j≤d )2 ∆[β1 , . . . , βd ], ∆(A)|∆(B).
Pd
Si ∆(A) = ∆(B), det[ci,j ]1≤i,j≤d = ±1, donc [ci,j ]1≤i,j≤d est inversible dans Md (OK ), donc on a βj = i=1 c0i,i αi ,
avec c0i,j ∈ OK , et donc B ⊂ A. D’où A = B.
Théorème 14 (de décomposition unique en produit d’idéaux premiers). Soit A ∈ I(O K ) \ {< 0 >, < 1 >}.
A s’exprime comme un produit d’idéaux premiers, unique à l’ordre des facteurs près.
Démonstration
1. existence : soit P1 6=< 1 > un diviseur de A de discriminant minimum. D’après le lemme précédent, P est premier.
De plus, si on pose A = A1 P1 , on a ∆(A) > ∆(A1 ). On peut donc faire une récurrence sur le discriminant de A.
0
2. unicité : si A = P1 . . . Pn = P10 . . . Pm
, le théoreème de Gauss permet de montrer qu’il existe i tel que P1 |Pi0 et
0
0
donc P1 = Pi . Par récurrence, on obtient n = m et σ ∈ Sn tel que ∀i ∈ {1, . . . , n}, Pi = Pσ(i)
.
3.3
Norme d’un idéal
Théorème 15. ∀A ∈ I(OK )∗ , OK /A est fini.
Démonstration
7
1. construction d’une base diagonale : Soit d = [K : Q] le degré de K et α1 , . . . , αd une base du Q-espace vectoriel
K. On pose β1 = c1,1 α1 où c1,1 est le plus petit entier strictement positif tel que c1,1 α1 ∈ A (existe car pour
x ∈ OK , |N (x)|α1 ∈ A). On pose ensuite β2 = c2,1 α1 + c2,2 α2 où c2,2 est le plus petit entier strictement positif
pour lequel il existe un rationel c2,1 tel que c2,1 α1 + c2,2 α2 ∈ A (existe car pour x ∈ OK , |N (x)|(α1 + α2 ) ∈ A).
Pi
On obtient ainsi par récurrence β1 , . . . , βd de A de la forme βi = j=1 ci,j αj , avec la propriété :
(x =
i
X
j=1
xi,j αj ∈ Aavec∀i, j, xi,j ∈ Z et xi,i > 0) ⇒ (∀i, xi,i ≥ ci,j > 0)
Il est clair que cette famille est libre et qu’elle est génératrice de A (par division euclidienne).
Pd
2. d’autre part, il est facile de vérifier que E = { i=1 ri αi |∀i ∈ {1, . . . , n}, 0 ≤ ri < ci,i } est un système de
Qd
représentants de OK /A. On en conclut donc que OK /A est fini de cardinal card(E) = i=1 ci,i .
Définition 20. Pour tout idéal non nul A de OK , on appelle norme de A l’entier : N (A) = card(OK /A).
Proposition 7.
1. ∀A ∈ I(OK )∗ , ∆(A) = (N (A))2 ∆(K),
∗
, N (< a >) = |N (a)|,
2. ∀a ∈ OK
3. ∀A, B ∈ I(OK )∗ , N (AB) = N (A)N (B).
Démonstration
1. ∆(A) = ∆[β1 , . . . , βn ] = (det[ci,j ]1≤i,j≤d )2 ∆[α1 , . . . , αd ] = (
2. (aα1 , . . . , aαd ) est une base de < a >, donc

σ1 (aα1 )
 σ2 (aα1 )

∆(< a >) = (det 
..

.
σd (aα1 )
Qd
i=1 ci,i )
2
∆[α1 , . . . , αd ] = (N (A))2 ∆(K)
σ1 (aα2 )
σ2 (aα2 )
...
...
..
.
σ1 (aαd )
σ2 (aαd )
..
.
σd (aα2 )
...
σd (aαd )


2
) = N (a)2 ∆(K)

Comme ∆(< a >) = N (< a >)2 ∆(K), on obtient N (a)2 = N (< a >)2 d’où le résultat.
3. laissée au lecteur.
3.4
Nombre de classes d’idéaux
On ne donne ici que des résultats sans démonstration, les démonstrations étant présentées lors du prochain exposé.
Définition 21. Soit K un corps de nombres et I(K)∗ le groupe multiplicatif des idéaux non nuls de K. Soit P(K) le
sous groupe de I(K)∗ formé des idéaux principaux non nuls de K. On définit le groupe des classes d’idéaux de K
par :
C(K) = I(K)∗ /P(K)
On dira que deux idéaux fractionnaires A et B sont équivalents si ils sont égaux modulo P(K), autrement dit :
∀A, B ∈ I(K)∗ , A ∼ B ⇔ ∃a ∈ K, tel que A =< a > B
Théorème 16. C(K) est fini. On note h(K) son cardinal.
4
Références
Daniel Perrin, Cours d’algèbre, ellipses.
Daniel Duverney, Théorie des nombres, Dunod.
Kenneth Ireland & Michael Rosen, A Classical Introduction to Modern Number Theory, Graduate texts in mathematics 84.
8
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