28 | MM12, 21.3.2016 | SOCIÉTÉ Environnement La petite ambassadrice des ruisseaux La musaraigne aquatique a été élue animal de l’année 2016 par Pro Natura. Le choix de cette espèce, menacée en Suisse, est un appel pour une meilleure protection des petits cours d’eau. Texte: Alexandre Willemin SOCIÉTÉ | MM12, 21.3.2016 | 29 E Le saviez-vous? lle a le nez pointu, mesure entre 6 et 10 cm et pourrait recevoir la médaille d’or en plongeon. C’est la musaraigne aquatique, petit mammifère original, au joli pelage bicolore, qui vit à proximité des ruisseaux et petits plans d’eau. Qui pourrait résister à cette petite boule de poils? «L’année dernière, notre choix était plus ambitieux, avec la couleuvre à collier, reconnaît Layne Meinich, directrice adjointe du Centre Pro Natura de ChampPittet (VD). Cette fois-ci, nous avons opté pour un animal qui aura vite fait d’attiser la sympathie parmi la population... Nous sommes nous-mêmes des mammifères, raison pour laquelle nous avons tendance à nous attacher plus vite à des espèces de cette même classe.» Mais derrière ce choix se cache d’abord une sérieuse problématique qu’a voulu mettre en avant l’organisation de protection de la nature: la mauvaise santé des cours d’eau helvétiques. «On a faussement tendance à croire que la situation s’améliore, poursuit l’écologiste. C’est bien le cas pour les lacs, depuis que les phosphates ont été interdits. Les rivières, elles, sont toujours gravement contami- Musaraigne aquatique (Neomys fodiens) Onze différentes espèces de musaraignes vivent en Suisse. La musaraigne aquatique, avec ses 6 à 10 cm de long (sans la queue), est la plus grande d’entre elles. Elle occupe douze heures de sa journée à rechercher sa nourriture, tout au long de l’année. L’animal avale 10 à 20 grammes quotidiennement, soit l’équivalent de son poids! Elle sécrète un venin neurotoxique par ses glandes salivaires, qui lui permet de paralyser – voire parfois de tuer – ses proies. Ce poison est inoffensif pour l’homme… Le petit mammifère aura d’ailleurs tendance à fuir s’il rencontre un baigneur! proche de ses congénères qu’en période de reproduction. Au terme d’une vingtaine de jours de gestation, deux ou trois fois par an, la femelle donne naissance à quatre à huit petits. A leur naissance, les bébés ne pèsent que 1 gramme. Leur espérance de vie dans la nature est d’environ dix-huit mois. Elle est souvent appelée à tort «souris d’eau». Elle n’a en effet aucun lien de parenté avec les souris, qui font partie de l’ordre des rongeurs. La musaraigne appartient elle à l’ordre des insectivores. Ses plus proches parents sont les taupes et les hérissons. Stephen Dalton/Minden Pictures/Prisma, Hugo Willocx/Biosphoto/Keystone, Stefan Wassmer/Bird Life Schweiz C’est une espèce solitaire, qui ne se rap- La musaraigne aquatique creuse des terriers sur les berges naturelles. nées par les pesticides et les engrais. La faute à une agriculture encore trop intensive.» La musaraigne aquatique souffre indirectement de cette pollution, elle qui se nourrit principalement de faune aquatique: larves d’insectes, microcrustacés, escargots, mollusques et parfois aussi petits poissons et batraciens. Des espèces qui peinent à survivre si l’eau n’est pas suffisamment propre et bien oxygénée. «La nourriture est une préoccupation récurrente pour le petit mammifère. Très adapté à la pêche en rivière grâce à son pelage spécial, il est capable de nager très longtemps. Le revers de la médaille, c’est que cette activité lui demande énormément d’énergie. Ce qui implique que, chaque jour, la musaraigne aquatique doit avaler l’équivalent de son poids en nourriture!» Plaidoyer pour des rives végétalisées L’autre condition indispensable pour abriter une population de musaraignes, ce sont des berges intactes. «L’espèce est répandue à travers tout le pays jusqu’à 2000 mètres d’altitude. Mais à chaque fois qu’une musaraigne aquatique a pu être observée, elle se trouvait à proximité d’un ruisseau ou d’un plan d’eau où les rives et le lit étaient à l’état Oiseau de l’année Le pic épeiche «Toc, toc, toc!» L’oiseau de l’année 2016, désigné par l’organisation BirdLife Suisse, est facilement identifiable en tendant l’oreille, en ville comme dans la nature. Non pas par son chant, mais par son habitude à tambouriner bruyamment avec son bec sur les troncs des arbres. C’est par ce biais, dès la fin janvier, qu’il annonce être à la recherche d’un partenaire et qu’il délimite son territoire. Son bec solide lui permet également de forer sa propre tanière et de débusquer sa nourriture dans le bois. L’animal se montre en effet particulièrement friand en larves dodues de coléoptères, qui ont l’habitude de résider à l’intérieur de vieux arbres. Les petites cavités formées ainsi par l’oiseau jouent un rôle clé dans l’écosystème, puisqu’elles sont rapidement investies par d’autres animaux pour y élever leur descendance: guêpes, frelons, loir, mésanges, sittelle torchepot ou encore gobemouche noir. Elles permettent aussi aux champignons, aux coléoptères et à d’autres insectes de coloniser le bois mort et de le décomposer peu à peu. Aujourd’hui, le pic épeiche est encore fréquent en Suisse. Pour éviter qu’il ne rejoigne à l’avenir la liste des espèces menacées, comme son cousin le pic cendré, BirdLife Suisse recommande de maintenir les vieux arbres indigènes dans les agglomérations et dans les forêts, mais également de planter davantage d’arbres isolés, de bosquets et de haies en milieu agricole. De nombreuses espèces vivantes en dépendent! Publicité SOCIÉTÉ | MM12, 21.3.2016 | 31 Poisson de l’année L’ombre commun bitat. Il s’agit principalement de supprimer les obstacles aux cette année sur un poisson qui migrations tels que les écluses, porte actuellement fort mal son renaturer les berges des nom... L’ombre commun se fait rivières, lutter contre le réen effet de plus en plus rare chauffement des eaux ou endans les rivières helvétiques… core de limiter l’impact de ses Particulièrement sensible aux principaux prédateurs que sont conditions de son habitat, les cormorans et les harles l’animal a beaucoup de peine à bièvres. assurer sa propre reproduction. Aujourd’hui, sa L’ombre commun est une présence est intimement liée à espèce européenne, localisée l’aide de l’homme, grâce au centre du continent. En notamment au travail des Suisse, elle dispose d’un vaste piscicultures et à l’immersion territoire à travers notamment de juvéniles. le Rhône, le Rhin, l’Aar, la Reuss, le Tessin et leurs affluents. Sa Pour sauver cette espèce me- magnifique nageoire dorsale lui nacée, la FSP a identifié un cer- a voulu les surnoms de «noble tain nombre de mesures, visant prince» ou d’«ombre à améliorer la qualité de son ha- étincelant». La Fédération suisse de pêche (FSP) a porté son choix BRITA Marella Pastell Le plaisir de l‘eau fraîche La filtration de l‘eau n‘a jamais eu aussi bonne mine qu‘avec l‘édition pastel Marella. BRITA réduit la teneur en calcaire et en chlore de votre eau du robinet et neutralise les substances qui en altèrent le goût et l’odeur. 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Les berges naturelles permettent à l’animal de se déplacer discrètement sous la végétation, de chasser et surtout d’y creuser de petits terriers pour y vivre. «Impossible pour la musaraigne aquatique de vivre dans un cours d’eau canalisé entre du béton ou de gros empierrements!» Il s’agit donc de prendre rapidement des mesures politiques, visant à créer de nouveaux biotopes susceptibles d’accueillir la musaraigne aquatique, exige Pro Natura. «Mais chacun, à son échelle, peut aussi apporter sa pierre à l’édifice, précise Layne Meinich. Par exemple en renonçant aux pesticides dans son jardin, ou en plaçant un grillage sur son puits pour éviter que de petits mammifères s’y noient.» «La musaraigne aquatique a beau se faire discrète dans la nature, elle est une espèce parapluie, renchérit Michel Blant. Si l’on améliore son habitat, un grand nombre d’autres espèces pourront en profiter.» MM En vente dans les plus grands magasins Migros. 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