É D I T O R I A L Association HLA-maladies : nouveaux développements ! J.F. U n grand nombre de maladies fréquentes résulte de l’interaction complexe entre des facteurs environnementaux et des gènes de susceptibilité. Parmi ces maladies multifactorielles, plus de 200 sont associées au composant HLA, et une grande partie d’entre elles aux gènes de la sous-région HLA de classe II. Citons, en particulier, les maladies auto-immunes et les maladies infectieuses (hépatite C, paludisme, sida, tuberculose). Bien que des arguments expérimentaux prouvent que les molécules HLA codées par les gènes de susceptibilité correspondants fixent préférentiellement certains peptides issus de protéines constituantes du soi, en particulier dans le diabète insulinodépendant (DID) de type 1, la polyarthrite rhumatoïde (PR) et la sclérose en plaques (SEP), les bases moléculaires de ces associations ne sont pas définitivement élucidées, surtout pour les maladies où la physiopathologie ne fait pas intervenir a priori une dérégulation de la réponse immunitaire (la narcolepsie, par exemple). Une grande hétérogénéité À l’heure actuelle, les gènes de susceptibilité ou de résistance aux maladies fortement associées au composant HLA sont connus avec précision grâce, en particulier, aux méthodes de typage par biologie moléculaire et aux résultats obtenus lors des 11e et 12e Workshops HLA. Cependant, la plupart des allèles de susceptibilité ne sont ni nécessaires ni suffisants au développement de ces maladies, mais confèrent seulement un risque plus ou moins élevé. Il ne s’agit que de gènes de prédisposition. * Laboratoire d’immunologie, CHU Montpellier. La Lettre du Rhumatologue - n° 283 - juin 2002 Eliaou* Une grande hétérogénéité clinique caractérise en général les maladies multifactorielles (PR, DID, SEP, etc.), et il est important de pouvoir étudier le profil génétique des malades en fonction des formes cliniques qu’ils présentent (bénignité/sévérité de la maladie, âge de début, influence du sexe, formes localisées ou disséminées...). Plutôt que de considérer individuellement les allèles à risque, on insiste sur le poids de certaines combinaisons de génotypes HLA qui sont associées à des formes cliniques bien précises (génotype HLA-DRB1*0401/*0404 dans les formes graves de PR par exemple). De même, une synergie d’effets entre des allèles HLA de classe I et de classe II a pu être démontrée dans certaines formes cliniques de DID et de spondylarthrite ankylosante (SA). Toutefois, les associations entre les gènes HLA et les différentes formes cliniques de ces maladies complexes sont loin d’être déterminées avec précision et la participation d’autres gènes devra être prise en compte (cf. infra). En pratique clinique, l’analyse des gènes HLA à risque n’a un intérêt diagnostique ou pronostique que pour un nombre limité de cas. Citons la rétinopathie de Birdshot (HLAA29), la SA chez les caucasoïdes (HLA-B27, en particulier B*2705) et la narcolepsie (l’allèle HLA-DQB1*0602 et, mieux, l’haplotype HLA-DRB1*1501-DQB1*0602 chez les caucasoïdes), pour lesquelles la détermination des gènes à risque peut parfois aider au diagnostic. De même, dans la PR, la présence des gènes HLA-DRB1*0401 et/ou HLA-DRB1*0404 est un facteur prédictif de gravité. L’étude des maladies complexes chez les jumeaux monozygotes ou dans des familles multiplex (comportant plusieurs cas de la même maladie) a confirmé le poids important, mais limité, du composant HLA dans le déterminisme génétique. Elle démontre également la complexité de la transmission génétique et l’implication très probable d’autres gènes. 3 É D I T O R I A L D e u x d i re c t i o n s d e re c h e r c h e La recherche de ces gènes est actuellement dirigée dans deux directions. Soit la caractérisation de nouveaux gènes de susceptibilité est menée au sein de régions candidates connues, en particulier la région HLA, ou supposées. Soit elle est effectuée à l’échelle du génome entier. Le bras court du chromosome 6 (6p) portant la région HLA constitue toujours une zone d’intérêt, dans la mesure où la densité des gènes est très importante. Il existe en effet 224 gènes, dont 128 sont fonctionnels et environ 40 % ont une fonction dans la réponse immunitaire. Les études de familles de PR et de DID comportant des germains (frères ou sœurs) atteints montrent l’implication potentielle d’autres gènes de la région HLA que ceux classiquement définis. Citons les gènes HLA-DM dans la PR, les gènes TNFα dans la PR et le DID, les gènes TNF, TAP, LMP et MICA dans la SA. Il faut cependant considérer avec beaucoup de précaution le rôle propre de chacun de ces gènes, étant donné la forte densité de gènes en déséquilibre de liaison dans cette région chromosomique. Pour contourner cet obstacle, une méthode consiste à utiliser comme population témoin des non-malades porteurs des mêmes allèles HLA à risque que les malades, conduisant ainsi à neutraliser l’effet connu de ces allèles. Cette approche peut s’appliquer aussi bien aux études de familles qu’aux études castémoins. Ainsi, une étude multicentrique internationale a été entreprise dans le cadre du composant HLA-maladies du 13e Workshop HLA. Cinq maladies connues pour leur forte association avec la région HLA ont été sélectionnées. Il s’agit de la PR, du DID, de la narcolepsie, de la maladie cœliaque et de la SA. Dans une première étape, une dizaine de marqueurs génétiques polymorphes (microsatellites), s’étendant sur toute la région HLA, est analysée sur un très grand nombre d’échantillons prélevés sur des familles comportant un enfant atteint et un parent sain homozygote pour l’allèle ou les allèles à risque, et des couples maladestémoins totalement appariés pour HLA. Dans un deuxième temps, les zones d’intérêt de la région HLA seront “disséquées” à l’aide de nombreux autres marqueurs génétiques (microsatellites et/ou SNP [single nucleotide polymorphisms, cf. infra]) très proches les uns des autres. Des études préliminaires, utilisant cette approche, montrent pour le DID qu’il existe deux gènes supplémentaires de susceptibilité : le premier dans la sous-région HLA de classe I (à proximité de HLA-F), le deuxième dans la sous-région HLA de classe III (près du gène TNFα). 4 Fin 2003 : un catalogue de tous les gènes humains Jusqu’à ces dernières années, la stratégie de clonage des gènes de susceptibilité des maladies complexes consistait à rechercher une liaison génétique entre des marqueurs génétiques répartis sur tout le génome et des paires de germains atteints. Grâce à ces études familiales, des gènes d’intérêt ont ainsi été localisés dans la PR (chromosome 3), la SA (chromosomes 2, 10, 16) et le DID (gènes d’intérêt localisés sur une dizaine de chromosomes). Cependant, cette approche méthodologique ne peut être efficace que si l’allèle variant contribue de façon significative à la prédisposition génétique, ce qui est rare pour les maladies complexes. À l’inverse, les études d’association (cas-témoins) sont plus puissantes pour détecter des variants alléliques de susceptibilité. Actuellement, les études d’association sont possibles sur une large échelle grâce à l’utilisation des SNP, qui représentent des marqueurs de choix pour la cartographie des gènes des maladies complexes. Les SNP (prononcer “snips”) sont des marqueurs génétiques stables extrêmement abondants dans le génome (présents toutes les 100 à 300 paires de bases) et qui rendent compte d’environ 90 % de la variation de séquences chez l’homme. Le typage de ces marqueurs est relativement aisé, et surtout susceptible d’être automatisé en utilisant des biopuces. Deux questions en suspens Avec l’achèvement du programme de séquençage du génome humain fin 2003, nous aurons à disposition le catalogue de tous les gènes humains. Le consortium mis en place pour répertorier l’ensemble des SNP fournira une liste des variants alléliques de ces gènes. Enfin, des progrès technologiques permettront de caractériser ces variants chez des milliers de malades afin de définir des profils génétiques de susceptibilité. Ainsi, l’ensemble de la composante génétique sera connu pour chaque maladie complexe, en sachant que deux questions resteront alors en suspens : déterminer les mécanismes d’interaction entre les facteurs génétiques et environnementaux, d’une part ; établir la chaîne des processus pathologiques aboutissant à la maladie, d’autre part. " La Lettre du Rhumatologue - n° 283 - juin 2002