Quelle acceptabilité méthodologique pour les études en ouvert ?

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Méthodologie
mt 2012 ; 18 (1) : 30-5
Quelle acceptabilité
méthodologique pour
les études en ouvert ?
Silvy Laporte1,2,3, Adel Merah2,3, Laurent Bertoletti1,4
1
EA3065, Université Jean Monnet, Saint-Etienne, France
Unité de Recherche Clinique, Innovation, Pharmacologie (URCIP), CHU de Saint-Etienne,
France
3 CIC-EC (CIE3), Inserm, CHU de Saint-Etienne, France
<[email protected]>
4 Service de Médecine Thérapeutique, CHU de Saint-Etienne, France
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Lors de l’évaluation d’une thérapeutique, pharmacologique ou non, il est aujourd’hui largement admis que seul un essai randomisé est indispensable pour pouvoir conclure à la
supériorité (ou à la non-infériorité, le cas échéant) du traitement expérimental, car seul le
tirage au sort permet de construire deux groupes initialement comparables et d’éviter un biais
de sélection, conscient ou non. Ainsi, lors d’une cohorte, même prospective, il est impossible
de tirer des conclusions sur l’efficacité d’un traitement dès lors que son administration a été
choisie en fonction des caractéristiques du patient et de la sévérité de sa maladie.
Si la randomisation permet d’obtenir deux groupes comparables, garantissant la valeur
initiale de la comparaison, encore faut-il que cette comparabilité soit maintenue au cours
de l’essai et que rien ne vienne la détruire durant le suivi ou lors de la mesure du critère de
jugement. Les deux groupes ne doivent différer tout au long de l’essai que par la nature des
traitements évalués. L’influence des différents facteurs de confusion doit donc être maintenue
identique entre les deux groupes depuis la randomisation jusqu’à la fin de l’étude pour éviter
l’apparition de biais post-randomisation.
Mots clés : double aveugle, ouvert, biais d’évaluation
Les différents biais
possibles
post-randomisation
Tirés à part : S. Laporte
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Pour citer cet article : Laporte S, Merah A, Bertoletti L. Quelle acceptabilité méthodologique pour les études en ouvert ? mt 2012 ; 18 (1) : 30-5
doi:10.1684/met.2012.0355
doi:10.1684/met.2012.0355
mt
Si pendant le suivi, les patients
d’un groupe reçoivent plus de traitements concomitants que ceux de
l’autre groupe, il sera impossible de
savoir si la différence obtenue en fin
d’essai est bien due au traitement étudié ou si elle provient de la différence
entre les traitements concomitants.
On parle de biais de suivi (parfois
appelé aussi biais de réalisation).
Un biais est aussi possible si la
mesure du critère de jugement ne
s’effectue pas de la même façon
dans les groupes. On parle alors de
biais de mesure appelé aussi biais
d’évaluation.
Dans une étude réalisée en
ouvert, imaginons un nouveau traitement comparé au traitement standard
dans la prophylaxie des thromboses
veineuses profondes (TVP) en chirurgie orthopédique. La survenue
d’une TVP est suspectée cliniquement puis confirmée par phlébographie. Le nouveau traitement est
anticipé comme plus efficace que
le standard, ce que doit confirmer l’essai. Subjectivement, les TVP
seront plus facilement suspectées
avec le traitement standard qu’avec
le nouveau traitement, espéré comme
plus efficace. Les mêmes signes cliniques seront plus facilement mis sur
le compte d’une TVP si l’on estime
que le patient reçoit un traitement
moyennement efficace que s’il reçoit
un traitement considéré comme très
efficace, entraînant ainsi un taux
de suspicion de TVP différent entre
les deux groupes. La subjectivité
des investigateurs entraîne donc un
biais.
Aussi, certaines précautions doivent être prises durant
le suivi afin d’éviter de créer des biais c’est-à-dire des différences entre les deux groupes autres que les traitements
étudiés, notamment avoir recours à une étude en double
insu.
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Le double aveugle ou double insu
Le principe du double insu revient à ce que les patients
des deux bras de traitement restent identiques et indiscernables après la randomisation : ceci est obtenu en
ne révélant pas la nature exacte du traitement alloué ni
au médecin investigateur, ni au patient (tableau 1). Les
patients des deux groupes sont alors indiscernables tout
au long de l’évaluation afin d’éviter un biais dans la
conduite et l’interprétation de l’essai par connaissance de
la nature du traitement, pour le recrutement des patients,
l’allocation du traitement, la prise en charge et le suivi
des patients, l’attitude des patients face à leur traitement, l’évaluation des critères de jugement, la gestion
des retraits d’étude, l’exclusion de certaines données dans
l’analyse. . .
Pour obtenir un double insu, il est nécessaire que tous
les patients reçoivent en apparence le même traitement.
Les patients du groupe contrôle doivent donc recevoir un
traitement sans effet mais qui est indiscernable du traitement testé. Il s’agit d’un placebo qui a la même forme
galénique que le traitement étudié, qui est donné avec la
même fréquence, pour la même durée et qui a le même
goût, la même couleur [1, 2].
Ainsi, toutes les attitudes et actions pouvant interférer
avec l’effet du traitement (traitement concomitant, suspicion d’événement, mesure du critère de jugement. . .) sont
appliquées de façon symétrique aux deux groupes.
Le recours au double aveugle est particulièrement
important quand le critère de jugement est de nature subjective. L’exemple le plus célèbre concerne un essai dans
la sclérose en plaques ayant comparé deux traitements par
rapport à un placebo : l’un associant cyclophosphamide
et prednisone et l’autre plasmaphérèse et prednisone
[3]. Le critère de jugement était l’évolution de la maladie évaluée par un médecin en ouvert, qui connaissait
la nature du traitement alloué au patient et par un
médecin en aveugle c’est-à-dire sans connaissance du traitement du patient (analyse primaire). Avec l’évaluation
en aveugle, aucun effet statistiquement significatif n’a
pu être mis en évidence, tandis que l’évaluation en
ouvert montre une efficacité du traitement plasmaphérèse (le plus sophistiqué). Cet exemple illustre comment
l’évaluation d’un critère de jugement subjectif, non
réalisée en aveugle, peut favoriser le traitement dans
lequel le plus d’espoirs est mis, et ainsi conduire à un
biais.
Les études en double aveugle protègent donc de
plusieurs biais notamment le biais de suivi et le biais
d’évaluation. Mais est-il toujours possible de recourir à
des essais en double aveugle ?
Le double insu est-il toujours possible ?
Il est aisé de conduire des études en double insu
lorsque l’on évalue un traitement pharmacologique dans
une indication où il n’existe pas de traitement de référence, avec un placebo assez facile à élaborer. Les études
en double insu deviennent plus compliquées dans les différentes situations déclinées ci-dessous.
Comparaison
de deux traitements pharmacologiques
Quand le traitement étudié est comparé à un traitement actif de référence, il est parfois difficile de rendre
les deux traitements apparemment identiques. En particulier, si le nouveau traitement étudié s’administre par
voie orale et si le traitement contrôle s’administre par
voie intraveineuse. Dans ce cas, le double insu est obtenu
par la technique dite du « double placebo ». Tous les
patients reçoivent un traitement oral et un traitement intraveineux, mais l’un d’entre eux est un placebo. Les patients
du groupe expérimental reçoivent le nouveau traitement
par voie orale et le placebo du traitement de référence
Tableau 1. Rappels de définition.
Double insu, double aveugle (double blind)
Ni le patient, ni le médecin investigateur ne connaissent la
nature réelle du traitement
Simple insu, simple aveugle (single blind)
Le médecin connaît la nature du traitement mais pas le
patient
PROBE (Prospective Randomized Open trial with a Blind
Evaluation)
Le médecin et le patient connaissent la nature du traitement
L’évaluation est indépendante et à l’aveugle du traitement
En ouvert (open-label)
Le médecin et le patient connaissent la nature du traitement,
l’évaluateur également
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par voie intraveineuse. Ils bénéficient donc de l’effet
du nouveau traitement. Les patients du groupe contrôle
bénéficient de l’effet du traitement de référence (administré sous forme intraveineuse alors qu’ils reçoivent sous
forme orale le placebo du nouveau traitement). Le double
placebo peut également être nécessaire même si on compare des traitements avec la même voie d’administration
dès lors que l’apparence ne peut être identique ou si
le nombre d’administrations quotidiennes différe. . . Prenons l’exemple de l’étude MATISSE évaluant l’intérêt du
fondaparinux, anti-Xa synthétique, administré par voie
sous-cutanée en une injection par jour, par rapport à
l’enoxaparine, héparine de bas poids moléculaire, dose
adaptée au poids corporel et administrée en 2 injections
sous-cutanées par jour dans le traitement initial des thromboses veineuses profondes [4]. Les patients de l’étude ont
tous bénéficié de 3 injections quotidiennes : une injection
de fondaparinux et une injection de placebo matin et soir
pour les patients randomisés dans le bras fondaparinux,
une injection de placebo de fondaparinux et une injection matin et soir d’enoxaparine. Le double placebo peut
amener à une complexification des schémas de traitement
alourdissant le protocole et pouvant pénaliser le recrutement de l’étude, nous en parlerons en fin d’article. Mais
c’est la seule méthode permettant d’obtenir un double insu
parfait.
pour ces patients. C’est le cas pour les essais conduits en
double aveugle évaluant un nouvel anticoagulant oral par
rapport au traitement par antivitamines K comme l’étude
Rocket-AF avec le rivaroxaban [5]. Il ne s’agit cependant
que d’un pis-aller, l’investigateur ayant toujours la possibilité de faire réaliser le dosage dans un autre laboratoire
non impliqué dans l’étude. Il faut alors s’assurer que les
investigateurs joueront le jeu. . .
Comparaison de deux traitements
pharmacologiques dont l’un nécessite un suivi
thérapeutique et pharmacologique (STP)
Pour certains traitements présentant une variabilité
intra-individuelle importante et imprévisible, des adaptations de dose à un test biologique sont nécessaires
et recommandées. La dose d’un patient donné varie en
fonction du résultat du test biologique (traitement par antivitamines K ajusté à l’INR par exemple). Il devient alors
difficile de réaliser un essai en double aveugle comparant un traitement à dose fixe par rapport à un traitement
à doses adaptées car la connaissance du résultat du test
permet, outre l’adaptation du traitement, l’identification
même du bras de traitement. La réalisation du double
insu s’en trouve compliquée mais n’est pas impossible.
Il est nécessaire de faire intervenir une tierce personne ou
le laboratoire de dosage qui sont parties prenantes dans
la recherche et cela consiste à masquer la connaissance
du traitement entre le dosage lui-même et la communication de son résultat à l’investigateur. Le laboratoire
communique la vraie valeur du paramètre biologique pour
les patients alloués dans le bras de traitement nécessitant
une adaptation posologique, et une valeur simulée pour
les patients de l’autre bras de traitement pour lesquels
aucune modification du paramètre n’est attendue ni obtenue. Il s’ensuit alors une adaptation du traitement placebo
Autres cas de figure
La réalisation d’un double insu est parfois difficilement
envisageable, principalement pour des raisons éthiques,
par exemple, lors d’une comparaison d’intervention
chirurgicale à un traitement médical. La réalisation d’un
double insu impliquerait un simulacre d’intervention pour
les patients alloués dans le groupe traitement médical !
Des raisons éthiques évidentes rendent irréalisables ce
double insu qui a pourtant été pratiqué dans le passé.
De plus, il est des situations où le double aveugle
n’apporterait rien tant la toxicité du traitement actif est
apparente : c’est ce qui avait motivé la réalisation des premières études évaluant l’intérêt de la chimiothérapie par
rapport à l’absence de traitement. A ce jour, la comparaison de différents protocoles de chimiothérapie pourrait
être réalisée en double aveugle.
Enfin, en dehors de raisons éthiques ou de toxicité
apparente, il est impossible de faire un double aveugle
pour comparer une stratégie de prise en charge à domicile par rapport à une prise en charge hospitalière, ou
pour l’évaluation d’une procédure invasive ou dispositif
médical implantable. . . Lorsqu’une étude ne peut pas être
conduite en double aveugle, est-elle condamnée à être
une étude biaisée ? Ou en d’autres termes, existe-t-il des
solutions pour qu’une étude en ouvert soit méthodologiquement acceptable ?
Évaluation d’un dispositif médical : utilisation
d’un leurre
Dans le cadre de l’évaluation d’un dispositif médical,
le comparateur n’est pas appelé un placebo qui fait référence à un traitement pharmacologique, mais un leurre
du dispositif (sham en anglais). Plusieurs études ont été
conduites pour évaluer les performances du leurre en
termes de qualité de double insu comme avec la neurostimulation électrique transcutanée (TENS) [6]. Il est
intéressant de relever dans ces études dispositif versus
leurre du dispositif le ressenti du malade en fin d’étude
quant au dispositif qu’il recevait. Si tous les patients du
groupe leurre pense n’avoir pas reçu le traitement actif, le
double aveugle est alors douteux. L’utilisation du leurre
n’est bien sûr pas envisageable pour les dispositifs médicaux implantables.
mt, vol. 18, n◦ 1, jan-fév-mars 2012
Comment une étude en ouvert peut
être méthodologiquement acceptable
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Lorsque l’étude ne peut être conduite en double
aveugle, plusieurs précautions doivent être prises pour tenter de minimiser les biais potentiels liés à l’absence de
double aveugle, depuis la randomisation jusqu’à l’analyse
statistique.
Minimiser le biais de sélection par
une randomisation imprévisible
Une randomisation imprévisible permet de garantir
que le traitement alloué dont on connaît alors la nature
après randomisation n’influence pas l’inclusion ou la noninclusion du patient dans l’étude. La génération de la liste
de randomisation doit être traçable, et aléatoire. De plus,
l’utilisation de cette liste doit garantir la non-prévisibilité
du traitement du patient suivant, donc une communication
du traitement alloué patient par patient. Aussi, l’utilisation
d’enveloppes scellées dans un essai en ouvert est inacceptable et une randomisation dite à distance ou centralisée
(souvent système IVRS pour interactive voice response system) est donc recommandée. En son absence, il est très
facile de favoriser l’attribution d’un des traitements aux
patients les plus sévèrement atteints et d’introduire ainsi un
biais de sélection. De plus, la liste doit être imprévisible, et
l’utilisation de blocs de 4 rend la randomisation prévisible
tous les 2 ou 3 patients inclus et n’est pas recommandée [7]. Il faut alors choisir des blocs de tailles variables
(cf. MT 2003 ; 9 : 187-91).
Minimiser le biais d’évaluation
Lorsque le double aveugle n’est pas possible, il
convient que le critère de jugement soit le moins possible sujet à interprétation afin d’éviter l’apparition d’un
biais d’évaluation. Plusieurs solutions peuvent permettre
de limiter le biais d’évaluation dans les études :
• L’idéal réside dans le choix du critère avec soit un
critère objectif mesuré de façon objective (taux de cholestérol), soit un « critère dur » (mortalité), pour lequel la
suspicion de l’événement et son diagnostic sont indiscutables : la mortalité totale permet de parer à ce problème
mais ne résout pas la subjectivité entachant les autres critères. De plus, l’utilisation de ce critère n’est pas toujours
pertinente : l’évaluation d’un traitement antalgique dans
la douleur de l’arthrose n’aurait pas d’intérêt à porter sur
la mortalité toutes causes.
• Afin de ne pas être influencé par la connaissance
du traitement dans la suspicion des événements, une évaluation systématique de tous les patients à un temps t
par le même examen peut être envisagée. C’est le cas
de la plupart des études conduites évaluant un traitement anticoagulant dans la prévention des événements
thromboemboliques veineux en chirurgie orthopédique.
Cependant, ce critère correspond à un critère intermédiaire, enregistrant des événements silencieux dont la
pertinence clinique est méconnue, et le résultat pas forcément lié à un critère clinique symptomatique [8].
• Le recours à des critères plus ou moins subjectifs dont la mesure pourrait être influencée par la
connaissance du traitement doit être évité mais est parfois indispensable ; leur évaluation devra être réalisée en
aveugle du traitement, par un autre médecin que celui qui
assure le traitement et le suivi médical du patient. Cette
évaluation à l’aveugle du traitement peut être réalisée par
un comité d’adjudication indépendant et à l’aveugle du
traitement alloué. C’est ce que l’on appelle les études
PROBE pour Prospective Randomized Open trial with a
Blind Evaluation (tableau 1). C’est la solution qui fut adoptée dans l’étude RE-LY étudiée en LCA dans un numéro
précédent (cf. MT 2010 vol 16 : 290-2). En fait, la probité que donne cette technique à une étude ouverte est
toute relative. Le comité d’adjudication ne peut en effet
que statuer sur les événements signalés et documentés.
L’investigateur, qui travaille en ouvert, peut déclarer ou
ne pas déclarer un événement. Il peut ne pas documenter
des événements qu’il déclare car il doute de leur réalité, en
toute bonne foi, du fait de la connaissance du traitement.
Afin de réduire le doute quant à un biais de détection possible, il serait bon de vérifier que le taux d’événements
diagnostiqués par rapport à ceux déclarés est identique
dans les 2 bras. Enfin, même en présence d’une déclaration et d’une documentation exhaustives, la validation des
événements en insu ne protège absolument pas contre le
biais de suivi. La conclusion est qu’une étude PROBE est
indispensable lorsque le double aveugle est impossible,
mais qu’elle reste une étude ouverte et que l’absence de
biais n’est pas garantie.
• Quelles que soient les précautions envisagées, persistera toujours dans les études en ouvert le risque d’un
biais de suivi : il est important de vérifier en fin d’étude
que les modalités de suivi ne sont pas trop différentes entre
les deux bras de traitement, notamment concernant les
motifs d’arrêts d’étude, les visites de suivi, les traitements
concomitants.
Analyse statistique en aveugle
ou plan d’analyse statistique défini a priori
L’essai peut être analysé sans avoir connaissance de la
nature des traitements. Les traitements sont identifiés par
un code type « traitement A » et « traitement B » et ce
n’est qu’une fois l’analyse terminée que la nature exacte
des traitements A et B est révélée. Cette procédure évite
une certaine subjectivité dans le choix des analyses statistiques [9]. A ce jour, en dehors des comités de surveillance
indépendants (IDMC pour « independent data monitoring board ») où cette procédure est monnaie courante,
mt, vol. 18, n◦ 1, jan-fév-mars 2012
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on préfère suivre un plan d’analyse statistique détaillant
la façon de conduire l’analyse statistique en accord avec
les objectifs de l’étude. Le plan d’analyse statistique est
finalisé avant l’analyse elle-même et l’établissement de
ce plan est essentiel pour toutes les études dès lors
que la nature des traitements est connue au moment de
l’analyse.
Enfin, dans ce type d’études comme dans les études en
double aveugle, un comité de décision (ou« blind review »)
doit être constitué pour statuer sur les cas litigieux de
certains patients, à l’aveugle du traitement.
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Le double insu
est-il vraiment nécessaire ?
Compte tenu des contraintes imposées par le double
insu, certains auteurs animent une nouvelle polémique de
la non-optimalité voire l’inutilité du double insu [10, 11].
Les arguments avancés sont les suivants :
• « La comparaison avec un placebo ne correspond
pas à l’évaluation d’un traitement qui n’est pas administré habituellement » : comparer l’acupuncture à un
sham d’acupuncture ne présente pas d’intérêt clinique
car dans la pratique, les patients ne reçoivent pas de
sham mais rien. Cet argument n’est pas recevable car il
sous-entend que c’est l’acte d’acupuncture lui-même et
non le produit pharmacologique qui est efficace. Il faut
alors repenser l’objectif de l’étude et évaluer un sham
d’acupuncture par rapport à rien. Bien sûr, en termes de
santé publique, l’amélioration du patient, même si elle est
liée à un phénomène placebo est utile. Ceci est en faveur
de la mise sur le marché de placebos connus pour leurs
effets psychologiques. . . En l’absence de produit actif, ceci
ne relève plus des autorités de santé.
• « Lorsque le critère d’évaluation est objectif, aucun
biais lié à l’évaluation en ouvert n’est attendu ». Cet argument n’est pas recevable car il fait abstraction du biais de
suivi, lié à la différence de prise en charge des patients
du fait de la connaissance du traitement reçu, mais également de l’attitude du patient, compte tenu du traitement
qu’il reçoit.
• « Un seul groupe contrôle est possible, alors même
que plusieurs traitements de référence existent ». Si les
traitements de référence sont considérés comme équivalents, il est possible de construire un essai versus traitement
de référence, chaque centre déterminant celui qu’il utilise
afin que le placebo soit préparé pour ce centre. Si les traitements de référence ne sont pas équivalents, il est légitime
de faire des comparaisons spécifiques.
• « La mise en place d’un double aveugle, avec un
double placebo alourdit les protocoles de recherche et
ralentit le recrutement ». Cet argument est discutable, car
à partir du moment où le patient est convaincu de la
nécessité de la recherche, il ne refuse pas de donner son
consentement du fait du double placebo. C’est le protocole de recherche qui est à l’origine de la lourdeur de la
procédure, avec les contraintes de visites, d’examens. . . et
non le double placebo.
Conclusion
Plusieurs études ont démontré que seul le double insu
garantit la validité scientifique des données, notamment
les papiers de l’équipe de Doug Altman à Oxford [12],
avec bon nombre de notes méthodologiques et statistiques faciles à lire, publiées dans le BMJ [1, 13-15 par
exemple]. Lorsque seule une étude en ouvert est possible,
plusieurs précautions doivent être prises concernant les
procédures de randomisation, de suivi, de documentation
et d’évaluation des événements, et d’analyse statistique.
Il est important de s’assurer que tout a été mis en œuvre
pour limiter les biais, même si les biais potentiels relatifs
à la suspicion des événements et au suivi des patients ne
peuvent jamais être exclus dans une étude conduite en
ouvert.
Conflits d’intérêts : aucun.
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