Assemblée Générale Insectes et maladies émergentes : association de malfaiteurs en expansion ? Bien comprendre pour mieux réagir ! Une « maladie émergente » est une « maladie dont l’incidence réelle augmente de manière significative dans une population donnée, d’une région donnée et durant une période donnée, par rapport à la situation épidémiologique habituelle de cette maladie ( B.Toma et Et.Thiry ) ». Telle la FCO... Depuis 1940, pas moins de 335 maladies émergentes sont apparues dans le monde, dont une partie non négligeable transmise par des insectes vecteurs. Les vecteurs : un peu de tout... Les vecteurs des maladies émergentes peuvent être des animaux nuisibles suceurs de sang. D’autres nuisibles ne piquent pas les animaux mais véhiculent des microbes via leurs pattes ou leurs corps. Citons ainsi les blattes qui peuvent véhiculer certaines maladies telles la salmonellose ou les infections à Staphylocoque, ou les mouches domestiques parfois responsables de diarrhée, choléra, tuberculose,... Mieux vaut le savoir. Mais les vecteurs principaux de maladies infectieuses sont des insectes ( 6 pattes ) et acariens ( 8 pattes ) qui se nourrissent de sang. Certains vivent en permanence sur leurs hôtes tels les poux. Les autres, essentiellement les diptères ( insectes à 2 ailes ) et les tiques, réalisent une partie de leur cycle dans le milieu extérieur, notamment en milieux aquatique ou humide. Le réchauffement ? Pas le seul responsable! Parmi les hypothèses expliquant l’augmentation de la transmission de maladies par les insectes, la plus largement répandue est celle du réchauffement climatique... Mais le Prof. Haubruge insiste pour sa part sur un autre facteur essentiel que représente la profonde modification des cycles de l’Azote ( N ) et du Phosphore ( P ). En effet, au cours de ces dernières décennies, la combustion des énergies fossiles et l’agriculture moderne, dont les techniques de fertilisation, sont à la base de dépôts importants d’azote dans les sols. On enregistre 17 kgs/ha/an en Europe centrale et jusqu’à 100 kgs/ha/ an aux Pays-Bas ( Galloway & al., 2004; Clark & Tilman, 2008 ). Or, les études montrent que 25 kgs/ha/an modifient profondément la composition et le fonctionnement d’un écosystème ( Gough & al., 2000; Suding & al., 2005 ). En effet, il y a « eutrophisation » ( développement des algues ) des milieux aquatiques et semiaquatiques, phénomène favorable au développement larvaire des insectes vecteurs ( Mc Kenzie & Townsend, 2007 ). La plus grande disponibilité en nourriture dans le milieu aquatique provoque une augmentation de la population des insectes et de ce fait augmente l’efficacité de transmission de maladies ( Lafferty & Holt, 2003 ). Insectes et FCO Divers sérotypes du virus responsable de la FCO sévissent en Europe: 1, 2, 4, 8,9,15,16... C’est le sérotype 8 qui concerne nos animaux. Les moucherons responsables de la transmission de FCO appartiennent au genre « Culicoïdes ». Chez la plupart des espèces de Culicoïdes, ce sont les femelles qui prennent un repas de sang, approximativement tous les 3-4 jours, sur le bétail ( ovins, bovins ou caprins ) ou les oiseaux. La majorité des moucherons est active la nuit bien que certains fassent un repas aussi le jour. Les Culicoïdes préfèrent généralement un milieu humide pour leur reproduction, tels des substrats humides, chauds et riches en matière organique ... tels le fumier ou les bouses par exemple ! La surveillance des Culicoïdes Pour ce faire, le travail sur le terrain du Prof. Haubruge et de son équipe a consisté à capturer les moucherons, à l’aide de pièges disposés en de multiples sites, dans et autour d’une exploitation. Entre mars et décembre 2007, des individus de 27 espèces de Culicoïdes ont ainsi été collectés, dont 9 sont des vecteurs potentiels de la FCO, et plus particulièrement le Culicoïdes obsoletus, représentant 67% des individus collectés. L‘activité des 9 vecteurs potentiels du virus de la FCO commencent dès février pour C. obso- letus, mars et avril les pour les autres, et se prolonge jusqu‘en novembre au moins... mais on le sait désormais, les Culicoïdes peuvent survivre aux hivers plus ou moins rigoureux de l’Europe du Nord et l’apparition d’adultes est possible à de basses températures. les étables qu’à l’extérieur! Par ailleurs, une étude de 43 sites larvaires potentiels a été lancée pour identifier les gîtes larvaires de Culicoïdes. L’équipe du Prof. Haubruge a ainsi déterminé 15 différents micro-habitats pour le développement larvaire et ce parmi les algues, les bouses et les résidus d’ensilage. Plutôt dans les étables qu’à l’ex- La vaccination, et le bon sens térieur ! Des populations de Culicoïdes ont été suivies en utilisant des pièges au sein de l’exploitation et dans les prairies avoisinantes, non seulement pendant l’hiver mais également pendant le printemps et l’été. Le prélèvement a permis de capturer 3 223 insectes au sein d’une étable ouverte de bovins et seulement 149 dans la prairie avoisinante... Tableau similaire dans les populations de moucherons dans une bergerie et son environnement où, sur la durée de la capture, 17 450 et 1 111 moucherons ont été capturés, respectivement dans la bergerie et dans la prairie avoisinante... Comme dans l’étable à bovin, les femelles représentaient 99.9 % des individus capturés. De plus, 99.9 % des Culicoïdes saisis dans la bergerie étaient bien vecteurs potentiels de la FCO. Les moucherons sont donc nettement mieux représentés dans Tous ces résultats indiquent clairement une forte préférence des Culicoïdes pour des environnements proches de la ferme tels que les étables et écuries, les ensilages, les fumiers... Le message est dès lors clair: l’efficacité du programme de vaccination en cours peut être renforcée par des mesures hygiéniques complémentaires. La gestion environnementale de la ferme doit être encouragée de la manière suivante: - veillez à éliminer tous les résidus d’alimentation et de fumier, - une fois vidés, nettoyez les silos d’ensilage ainsi que les pneus utilisés, - nettoyez et blanchissez les locaux d’élevage dès la mise au pâturage. Ces mesures de lutte sont simples, peu coûteuses et inoffensives pour l’environnement. Leurs succès dépendent de votre participation...! Synthèse rédigée par S. Lecomte. Info de dernière minute ... Le 14 mai dernier, les laboratoires de l’Arsia ont diagnostiqué le premier cas de Blue Tongue « aigue »de 2008. Il s’agit d’un veau BBB d’environ 3 mois et pesant 100 kgs, provenant de la région de Ciney. Il présentait des lésions de pneumonie emphysémateuse, comparables à celles rencontrées en automne 2007, déjà dans la même région, évoquant la FCO. La maladie a été confirmée par l’analyse PCR positive ( recherche du virus ). Soyons vigilents ! 2