Paramètres écologiques et aménagements forestiers : les actions

Paramètres écologiques
et aménagements forestiers :
les actions menées dans le Sud-Est
(Rhône-Alpes)
Ph
. LEBRETON
Au cours des dernières années, trois recherches financées par le ministère chargé de l'Environnement
(SRETIE) et le ministère de l'Agriculture et de la Forêt - Direction de l'Espace rural et de la Forêt (CERF)
ont été conduites dans la Région Rhône-Alpes, en vue de mieux comprendre les paramètres et de
mieux connaître les indicateurs écologiques à prendre en compte pour préserver la diversité biologique
lors des aménagements forestiers :
« Intégration dans la gestion forestière de paramètres naturalistes et écologiques » (Grande-
Chartreuse) (Contrat SRETIE/FRAPNA n° 86-309) ;
,< Prise en compte des données biologiques dans le cadre des Orientations régionales fores-
tières » (Contrat ministère de I'Agriculture/GLEMA) ;
« Avifaune et altérations forestières
. I et Il
. L'avifaune des boisements résineux du Haut-
Beaujolais
. III
. L'avifaune, indicateur écologique des substitutionsQuercus/Pinus,
en milieu sub-méditer-
ranéen (Diois) » (Contrats SRETIE/FRAPNA
nos
83-96 et 85-182).
GESTION ÉCOLOGIQUE D'UNE FORÊT MONTAGNARDE
Il s'agit d'une étude dont le principe avait été envisagé au niveau national entre l'Administration (SRETIE
et DERF) et les Associations (FNE, France Nature Environnement, alors FFSPN), et dont la réalisation a
été confiée à la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (FRAPNA), section locale de FNE,
compte tenu de la richesse bien connue de la région Rhône-Alpes en matière forestière, écologique et
associative
. La FRAPNA a confié la réalisation de l'étude à l'Institut de Recherche pour l'Environnement
animé par Pierre Falk (Montmelas, Rhône)
; celle-ci s'est déroulée en 1987 et 1988, avec rendu en
septembre 1988 actualisé en juin 1990, sous la responsabilité de la FRAPNA-Région.
Le choix du site (3° série de Chartroussette, massif de la Grande-Chartreuse, Isère) a été fait à la suite
d'une visite de terrain (les 23 et 24 mai 1986) ayant rassemblé l'ensemble des responsables et
exécutants, nationaux, régionaux et locaux
. L'ensemble des paramètres forestiers et naturalistes acces-
sibles a été recueilli
: aménagement
; géologie et climatologie
; flore et faune (dont l'avifaune)
. Une
discussion synthétique a suivi, avec propositions concrètes
; une navette a eu lieu avec les forestiers
chargés de la gestion du site (ONF de l'Isère).
Aux yeux du naturaliste, le bilan écologique de cette forêt parait bon
; elle mérite incontestablement, par
la diversité générale de sa flore et de sa faune ainsi que par l'attrait du « paysage » qu'elle représente,
d'être qualifiée de « naturelle au sens convenu de ce qualificatif.
Néanmoins, il n'est guère possible, au vu de la faible variabilité des structures forestières (le boisement
est ,< homogène dans sa micro-hétérogénéité »), de corréler les différences observées dans la diversité
et l'abondance des espèces et les paramètres de gestion, donc de dégager précisément les effets de
l'aménagement.
De manière générale, le facteur écologique primordial demeure l'altitude, le substrat (lapiaz) jouant
secondairement
. Malgré l'effet homéostasique du couvert forestier et l'abondance des précipitations (qui
laminent les variations thermiques atmosphériques), ces paramètres physiques contribuent à générer
des situations stationnelles originales (qu'exploite la flore) et des gradients modestes cependant
sensibles pour certaines espèces végétales et animales.
57
Rev
.
For
.
Fr
.
XLIII - n° sp
. 1991
Ph
. LEBRETON
La série de Chartroussette, pourtant retenue (pour sa valeur ?) d'un commun accord, aussi intéressante
soit-elle d'un point de vue biologique, s'est donc révélée n'être
pas
un site favorable au thème
d'études proposé au départ
; mieux aurait valu comparer, même plus superficiellement
plusieurs
situations forestières relativement
contrastées,
afin de mieux cerner et corréler les paramètres actifs.
Cependant, cette étude peut contribuer, par des orientations générales ainsi que des propositions
ponctuelles d'aménagement, à une approche originale de la gestion forestière
. Afin de favoriser une
plus-value écologique, il est ainsi proposé de retenir :
des orientations générales comme un maintien des prairies, et l'entretien d'une futaie irrégulière,
majoritairement jardinée, ponctuellement par trouées et bouquets (= méso-hétérogénéité) ;
des mesures ponctuelles, comme une gestion des éléments hydriques et édaphiques, généra-
trice de groupements végétaux (et animaux) spécialisés (thermophiles, hygrophiles ou sciaphiles)
(= micro-hétérogénéité).
Demande aux forestiers de la liste des projets
d'intervention dans les 5 années à venir
Réception
des dossiers et des cartes
(
-
Nouvelle
dema
-
r
de
d'informations
pour
les
fiches
\ non
exploitables
/
ÉTUDE ZNIEFF/ORF
ORGANIGRAMME DU PROGRAMME ENGAGÉ
D
Projets d'aménagements confrontés aux zones
ZNIEFF
: liste des superpositions
Inventaire
des types de situations
rencontrées
Élaboration d'une série
de fiches
(une
par type de
situation
rencontrée)
(1
;
rapport :
méthodes
de
superposition
problèmes
rencontrés
Réunion
de
concertation
Tri des fiches par forêt + éla-
Tri des fiches par département
Élaboration
d'une
liste
des
boration d'un dossier général
ou massif
forêts les plus remarquables
1 1
i
t
Envoi aux gestionnaires
ayant répondu Envoi systématique
aux autres partenaires
Diffusion
parallèle
Attente des réactions, des demandes d'information,
mise en place d'un dialogue
. .
. ?
58
Les travaux effectués en métropole
PRISE EN COMPTE DES DONNÉES BIOLOGIQUES
DANS LE CADRE DES ORIENTATIONS RÉGIONALES FORESTIÈRES
II s'agit de l'étude de la faisabilité et de l'efficacité du croisement (informatique) des fichiers régionaux
d'aménagement forestier d'une part, de la banque de données ZNIEFF (Zones naturelles d'Intérêt
écologique, faunistique et floristique) d'autre part, afin de prévenir les éventuelles dégradations dues à
des interventions ignorantes de la valeur naturaliste et écologique des milieux concernés
. Le travail a
été confié, par les deux ministères concernés, à l'antenne régionale des ZNIEFF (SRPN, dirigé par
M
. Coquillart) en collaboration avec le Service régional de la Forêt et du Bois (SERFOB) Rhône-Alpes.
En ce qui concerne les forêts domaniales et soumises, les plans quinquennaux ont été fournis par
l'Office national des Forêts (ONF), sous forme de listes faisant référence à des cartes jointes
. Pour les
forêts privées, le Centre régional de la Propriété forestière (CRPF) étant alors en cours d'informatisation,
les données n'ont pas été disponibles dans le cadre de l'étude.
Un premier croisement — manuel — a permis d'aboutir à 217 superpositions, certains départements
n'ayant été traités que partiellement pour raisons matérielles
. Le croisement informatique s'est révélé
impossible à conduire de manière exhaustive en 1987, car cela nécessitait le calcul fastidieux d'un
certain nombre de coordonnées pour toutes les zones concernées; à terme cependant, la généralisa-
tion des Systèmes d'Information géographique (type ARC-INFO) rendra probablement ces superposi-
tions plus faciles.
Les 217 cas manuellement recensés ont été classés en fonction de leur niveau et du type d'intérêt et
du niveau de connaissance plus ou moins exhaustif de la zone
. Cette démarche a conclu à un besoin
de compléments d'information dans près de la moitié des cas, afin de parvenir à des propositions de
gestion prenant en compte le patrimoine naturel.
Un type d'intérêt particulier lié à une espèce rare ou menacée bien localisée (= station) ne concerne
que le tiers des cas
; les autres situations correspondent à des enjeux sur les grandes surfaces liés à
des espèces à grands territoires (= biotope) ou à l'intérêt de l'équilibre écologique général du
boisement considéré (= écosystème)
. Les zones de superposition présentant un grand intérêt sont
d'importance très variable selon les départements, constituant de 5 à 50 % des surfaces en cause.
La démarche alors proposée par le groupe de pilotage de la Direction régionale de l'Agriculture et de la
Forêt (DRAF) a été celle d'une typologie des situations rencontrées (cf
. tableau ci-dessous). Une fiche
descriptive est élaborée pour chaque cas rencontré
.
59
Intérêt
ÉTUDE ZNIEFF/ORF - SCHÉMA ILLUSTRANT
LES DIFFÉRENTS CAS DE FIGURE RENCONTRÉS
Richesse
spécifique
Une espèce
Une espèce
Population
relictuelle
Optimum
écologique
Limite d'aire
Groupements
végétaux
spécialisés
Géomorphologie
ou géologie
particulière
Diversité
Peuplement
Diversité
forestier
importante
En limite d'aire
Espèce

Station abyssale
dominante
Flore
Faune
Altitudinale
Longitudinale
Latitudinale
Espèce non protégée
Espèce protégée
Longitudinale
Latitudinale
Rev
. For . Fr
. XLIII - n
o
sp
. 1991
Ph
. LEBRETUN
Figure 1
RELATIONS ENTRE SURFACE TERRIÈRE ET DENSITÉ AVIENNE (60 RELEVÉS)
Densité avienne (21
.P
.A
.)
SAPINIÈRES IRRÉGULIÈRES
(O gros bois,
petit bois)
30
20
10
.
"
DOUGLAS ÂGÉ (D)
PESSIÈRE JEUNE
(A)
5
20
30
40
50
Surface terrière (m
2
/h)
Figure 2
RELATIONS ENTRE COEFFICIENT DE VARIATION DE L'ESPACEMENT
ENTRE LES TRONCS ET DENSITÉ AVIENNE (60 RELEVÉS)
Densité avienne (lI
.P
.A
.)
0,2
0,3
0,4
0,5 Coefficient de variation
(espacement entre troncs)
Seuils critiques (20 couples d'oiseaux nicheurs) pour la surface terrière (30 m
2
/ha) et le coefficient de variation de la distance
entre troncs (35 %)
. Haut Beaujolais
SAPINIÈRES IRRÉGULIÈRES
(O gros bois,
petit bois)
l
_•
O/
DOUGLAS
(• Jeune D Agé)
30
20
10
5
0,1
60
Les travaux effectués en métropole
Dans bien des cas, les superpositions correspondaient à des exploitations standard pour lesquelles des
propositions naturalistes pouvaient être faites, et intégrées à l'aménagement
. Par contre, un certain
nombre de cas échappent à la démarche
: espèces rares et localisées
; problèmes de dessertes,
exclues des inventaires
; (re)boisements en dehors des zones actuellement considérées comme fores-
tières, bien que réalisés grâce à des aides publiques (Fonds forestier national).
Le détail des aménagements prévus
: type de coupes, mode de régénération, modalités de boisements
et essences retenues, schémas de desserte, projets hydrauliques, etc
., devrait être connu afin de
pouvoir discuter de manière pertinente de leur impact sur le milieu naturel
; ce projet n'a pas encore vu
le jour.
De l'étude est également ressorti le besoin d'une connaissance accrue du patrimoine naturel forestier,
malgré l'apport de l'outil ZNIEFF qui a ouvert des perspectives jusqu'alors ignorées
. On notera, pour
relativiser les problèmes, que l'ensemble des programmes ZNIEFF se chiffre à moins de 10 % des
sommes affectées à l'Inventaire forestier national, aux objectifs certes plus précis mais plus sectoriels ;
la complémentarité des deux types d'inventaires paraît par ailleurs une évidence d'avenir.
AVIFAUNE ET ALTÉRATIONS FORESTIÈRES
II s'agit ici (le terme d'altération étant pris dans sa stricte acception étymologique, la plus neutre :
rendre
autre)
de mesurer l'impact de certains aménagements forestiers (dont l'enrésinement) sur
l'avifaune et, en retour, d'utiliser celle-ci comme indicateur de gestion écologique
. II s'agit d'une étude
réalisée par la FRAPNA-Région pour le compte du SRETIE dans deux situations exemplaires et
contrastées de la région Rhône-Alpes
: le Haut Beaujolais (Rhône) et le Diois (Drôme).
Dans le premier cas, on constate que, des formations les plus naturelles (Sapins
Abies alba
âgés) aux
plus artificielles (jeunes Douglas
Pseudotsuga
menziesii ),
richesse, diversité et densité aviennes nidifica-
trices sont affectées par un facteur de diminution voisin de 2
. Certaines espèces (au nombre de 5) sont
faiblement,
voire
nullement
affectées, dont le Pinson et le Rouge-gorge, espèces à fortes densités ;
d'autres oiseaux (au nombre de 6) sont
moyennement
affectés (baisses de l'ordre de 40 %), dont les
Mésanges noire et huppée, ou le Merle noir
; d'autres enfin (au nombre de 10) sont
fortement
à
totalement
affectées (baisses allant de 65 à 100 %), comme le Bec-croisé des sapins, le Pigeon ramier
ou le Pic épeiche.
Les paramètres forestiers les plus actifs sont d'ordre « horizontal »
: trop
serrés
(la densité étant
mesurée par la surface terrière G, en m
2
/ha) et/ou trop
réguliers
(la régularité étant mesurée par le
coefficient centésimal de variation de la distance entre troncs CV Esp, en %), les peuplements artificiels
découragent l'avifaune par rapport aux formations « naturelles » de référence.
Dans le second cas, on constate que l'enrésinement se traduit par une baisse de 35 % du nombre
d'espèces aviennes entre chênaie
(Quercus
pubescens)
naturelle et pinède
(Pinus nigra
var
.
austriaca)
artificielle à l'étage collinéen
; l'effet est plus modéré (— 12 %) à l'étage montagnard, entre pinèdes
naturelle
(Pinus sylvestris)
et artificielle
(Pinus nigra)
dense
. Le mode d'enrésinement « éclairci » se
montre au contraire bénéfique non seulement par rapport au mode dense (+ 42 %) mais par rapport au
peuplement sylvestre de référence (+ 26 %)
. On confirme l'influence conjuguée des paramètres indigé-
nat/densité/régularité des peuplements, analysables grâce à l'avifaune.
De manière générale, on souligne donc l'intérêt de la prise en compte de l'animal (« consommateur » ou
indicateur ») dans la sylviculture, la forêt étant vue comme « biosystème » et non seulement comme
« lignisystème ».
CONCLUSIONS
A des titres théoriques et pratiques divers, les études présentées, récemment conduites dans la Région
Rhône-Alpes sous l'égide du ministère de l'Environnement, peuvent être considérées comme une
contribution au maintien de la diversité du patrimoine naturel forestier
. Soulignant l'intérêt d'une
approche pluridisciplinaire et novatrice des problèmes écologiques soulevés par la gestion forestière, les
quelques résultats obtenus peuvent contribuer à « objectiver » et dépassionner le débat, et dissiper le
malaise plus ou moins exprimé entre certains naturalistes et certains forestiers.
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